M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Karoutchi
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Financement de la sécurité sociale pour 2022
Discussion en nouvelle lecture d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2022 (projet n° 189, rapport n° 220).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le président, madame la rapporteure générale – chère Élisabeth Doineau –, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen en nouvelle lecture, par la Haute Assemblée, du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022.
J’ai naturellement pu l’observer, une motion tendant à opposer la question préalable a été déposée sur ce texte et je ne me fais pas grande illusion sur son adoption très vraisemblable, qui vous amènera à rejeter le texte tel qu’il ressort de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.
Pour autant, je ne peux évidemment que regretter le fait que vous n’adoptiez pas ce texte qui, je le crois sincèrement, permet de soutenir notre système de santé, d’ouvrir plus de droits à nos concitoyens, et acte une réforme profonde du champ de l’autonomie.
Avec ce texte, nous parachevons en effet une étape essentielle de la réforme du soutien à l’autonomie, en transformant radicalement l’offre à destination des personnes en perte d’autonomie et en amorçant la création du service public de l’autonomie tel qu’il a été évoqué par le Président de la République dans sa dernière allocution.
Il s’agit d’une réforme ambitieuse, qui repose sur 1,3 milliard d’euros de mesures nouvelles d’ici à 2025 et qui est financée par les moyens d’ores et déjà rendus disponibles pour la branche autonomie à l’horizon de 2024. Cette réforme structurelle et financée se fera avec les départements, que nous accompagnerons au cours de ces transformations.
Nous investissons d’abord pour renforcer la lisibilité et la qualité de l’offre de services à domicile et nous garantissons une plus grande équité dans le financement des structures selon les territoires, au travers d’un tarif national de référence pour la tarification des interventions à domicile, d’une dotation complémentaire au service de la qualité des services à domicile pour les personnes et de la qualité de vie au travail des professionnels, d’une réforme de la tarification des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), afin que ceux-ci soient financés selon les besoins en soin des personnes accompagnées, et, enfin, d’un grand chantier de simplification et de fusion de services visant à créer le « service autonomie à domicile », interlocuteur unique des personnes âgées en perte d’autonomie.
Assumer ce choix en faveur du domicile nous permet, par la même occasion, de porter une réforme transformatrice pour nos établissements, afin d’adapter ces derniers à l’accueil de personnes d’un âge de plus en plus avancé. Cela passe par la généralisation, d’ici à 2023, des astreintes d’infirmiers de nuit, par l’augmentation du temps de médecin coordonnateur et par le recrutement de 10 000 postes supplémentaires de soignants. Nous ouvrons aussi de nouvelles missions pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), afin que certains de ces établissements deviennent des centres de ressources pour les professionnels du domicile du bassin de vie considéré.
Je souhaite également revenir sur un point, qui fait l’objet d’un désaccord mais qui me semble essentiel à plusieurs titres : l’expérimentation d’une carte professionnelle pour les intervenants de l’aide à domicile.
Cela répond, pour moi, à une double nécessité. D’une part, cette nécessité est issue de la crise, durant laquelle nous n’avions rien d’autre que les contrats de ces professionnels pour faire valoir leur activité du « prendre soin » ; et nous avons vu à quel point c’était essentiel, notamment pour obtenir des équipements de protection individuelle. D’autre part, cette expérimentation constitue un acte majeur de reconnaissance de l’activité et de la place de ces professionnels au sein de la communauté du « prendre soin ».
J’ai entendu le terme « anecdotique » pour qualifier cette mesure ; ce n’est pas adéquat, tant s’en faut ! Ce dispositif sera, selon le bon vouloir des départements expérimentateurs et avec l’accompagnement de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), la clef pour ouvrir l’accès à des avantages associés, qui faciliteront énormément la vie de ces professionnels. C’est donc une mesure que je salue.
Au-delà de cette réforme d’ampleur pour l’autonomie, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale manifeste l’engagement social du Gouvernement, qui n’est pas des moindres. Ainsi, nous prévoyons plus de 10 milliards d’euros d’augmentation salariale, nous ouvrons la voie à de nombreuses innovations en matière d’accès aux soins et nous engageons le remboursement des consultations d’un psychologue.
Nous consacrons ces droits nouveaux par la solidarité nationale, tout en tirant les leçons de la crise sanitaire. Ainsi, nous accélérons l’innovation en santé, nous renforçons notre souveraineté pharmaceutique et – je crois que nous pouvons tous nous en féliciter – nous favorisons l’accès aux droits sociaux des Français.
Je note naturellement avec satisfaction que les débats que nous avons eus au sein de la Haute Assemblée ont permis d’améliorer ce texte.
Je tiens donc à saluer les évolutions consensuelles rendues possibles par cet examen.
La première réside dans le relèvement de 1,7 milliard d’euros de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2021, afin de tirer les conséquences des surcoûts liés à l’épidémie de covid-19 et de garantir l’entrée en vigueur, dès novembre 2021, des revalorisations salariales découlant des accords dits « Laforcade » pour le personnel des établissements et services pour personnes handicapées, comme l’a annoncé le Premier ministre en début de semaine dernière.
Il s’agit ensuite de la revalorisation, à hauteur de 183 euros par mois, des revenus des professionnels exerçant dans des foyers et des établissements du handicap, qui sont à la charge des départements. Cette revalorisation sera intégralement compensée par la CNSA, avec le souci d’éviter toute iniquité entre deux soignants exerçant le même métier mais dans des structures financées par des acteurs différents. Cette philosophie s’appliquera également aux résidences autonomie, dont tous les soignants verront leur rémunération revalorisée grâce au Ségur de la santé.
Troisième évolution consensuelle : l’élargissement du périmètre d’intervention du Fonds de lutte contre les addictions, afin de lutter contre de nouvelles accoutumances, en particulier du jeune public, qui s’adonne à de nouveaux usages problématiques : jeux, paris sportifs ou encore écrans.
Enfin, je veux souligner deux avancées importantes, pour lesquelles de nombreux parlementaires s’étaient mobilisés : l’extension à 24 ans de l’âge jusqu’auquel les enfants majeurs peuvent bénéficier du régime local d’assurance maladie d’Alsace-Moselle comme ayant droit de leurs parents, ce qui permettra de garantir un meilleur accès des jeunes aux soins ; et la mise en place d’un capital-décès pour les familles des non-salariés agricoles, qui permettra d’apporter un soutien financier à ces familles lorsqu’elles sont confrontées au décès d’un des leurs à la suite d’une maladie, d’un accident de la vie privée ou d’un suicide.
Ce sont de belles avancées, que votre travail et votre mobilisation auront permis d’intégrer dans ce texte pour améliorer l’accès aux soins et la protection de nos concitoyens. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire du 16 novembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté, lundi soir, en nouvelle lecture, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Elle a conservé quelques apports du Sénat – trop peu nombreux, il faut le souligner – dont vous trouverez le détail, mes chers collègues, dans mon rapport. En clair, sans les amendements gouvernementaux, relatifs notamment au budget ou au Ségur de la santé, on ne serait pas passé loin du duplicata du texte issu de la première lecture de l’Assemblée nationale…
Rappelons néanmoins les avancées permises par le Sénat : l’extension des revalorisations issues du Ségur de la santé à certaines professions du secteur médico-social ; la suppression du plafonnement de la participation de la CNSA au financement des dépenses induites, pour les départements, par l’avenant 43 de la convention collective de la branche de l’aide à domicile, adoptée sur l’initiative du rapporteur pour la branche autonomie, Philippe Mouiller ; les conditions de réalisation par les orthoptistes d’actes en accès direct, précisées grâce à l’adoption d’un amendement de Corinne Imbert, rapporteure pour la branche maladie ; ou encore l’extension du droit à un capital-décès aux ayants droit des non-salariés agricoles, adoptée sur l’initiative conjointe de Françoise Férat, d’Henri Cabanel et du Gouvernement.
Pour autant, à mes yeux, le compte n’y est pas, loin de là, et les différences entre le texte soumis en nouvelle lecture et celui que nous avons adopté en première lecture sont considérables.
Tout d’abord, l’Assemblée nationale a rétabli l’article 23, qui approuve l’annexe B du PLFSS. Certes, ce rétablissement d’un article obligatoire d’une loi de financement est logique, ne serait-ce que pour assurer la régularité du texte, mais il est décevant, dans la mesure où cette annexe ne prévoit toujours pas de stratégie de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale après la crise.
De plus, même en tenant compte de l’amélioration de la conjoncture économique, la trajectoire financière de l’annexe B fait toujours apparaître un plateau de déficit à un niveau insoutenable à l’horizon de 2025 – environ 13 milliards d’euros – et des déficits cumulés de 135,6 milliards d’euros sur la période 2020-2025. Comment espérer, dans ces conditions, avoir apuré la dette sociale d’ici à fin 2033, comme le prévoit la loi organique ? Cet article reste donc inacceptable, même dans sa nouvelle rédaction.
Pourquoi l’équilibre représente-t-il un objectif impérieux ? Parce que, par définition, le déséquilibre est inconfortable sur la durée. La dette corsète, anéantit, obère, réduit toute forme de générosité à l’avenir.
L’Assemblée nationale a également rétabli l’article 5, qui organise la prise en charge d’investissements hospitaliers par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). Or, vous le savez, le Sénat s’est constamment opposé au transfert à cette caisse d’une partie de la dette hospitalière, considérant, d’une part, que c’est à l’État d’assumer le coût de ses promesses et, d’autre part, que l’on ne peut pas mélanger n’importe quoi avec la dette sociale si l’on ambitionne vraiment d’apurer celle-ci un jour.
Dans cette logique, le Sénat s’oppose encore plus au financement par la Cades d’investissements nouveaux et ne pourra donc accepter le retour de l’article 5. La Caisse n’est pas un fonds d’investissement !
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a supprimé les mesures adoptées par le Sénat afin d’améliorer l’équilibre de l’année 2021. Il en est ainsi de l’augmentation du rendement de la contribution exceptionnelle des organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM). Il en va de même de l’amendement tendant à prévoir la compensation intégrale, pour la sécurité sociale, du coût de la subvention de l’Agence nationale de santé publique (Santé publique France), qui a explosé pour la deuxième année consécutive, toujours sans la moindre consultation du Parlement.
De manière plus structurelle, l’Assemblée nationale a également supprimé l’article 58 bis que le Sénat avait introduit sur l’initiative du rapporteur pour la branche vieillesse, René-Paul Savary.
Je le rappelle, cet article prévoyait la convocation d’une conférence de financement réunissant les représentants des organisations syndicales des salariés et des employeurs ainsi que des représentants de l’État, pour formuler des propositions destinées à ramener à l’équilibre financier l’ensemble des régimes de retraite de base en 2030. Ce dispositif prévoyait également que, à défaut d’accord, des mesures paramétriques entreraient en vigueur au 1er janvier 2023, relatives à l’âge de départ, à la durée de cotisation et à l’alignement des régimes spéciaux.
Enfin, les députés ont rétabli de nombreux articles que nous qualifions de « cavaliers sociaux », car ils sont étrangers au domaine des lois de financement de la sécurité sociale, et ont été introduits dans ce texte simplement pour masquer l’absence d’une véritable loi Grand Âge ou d’une loi sur les professions de santé.
Je conclurai en faisant une observation particulière sur les amendements identiques, à l’article 54, émanant de la commission et de Jean-Marie Vanlerenberghe, ancien rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements tendaient à fixer le principe d’une détermination, par la loi, du montant des dotations de l’assurance maladie aux divers fonds et organismes qu’elle subventionne.
Le fait de n’avoir pas conservé cette disposition est particulièrement décevant et, je me permets de vous le dire, madame la ministre, il augure très mal de la possibilité d’obtenir un accord de commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que, au moment de cet examen, nous sommes en quelque sorte parvenus au terme du dialogue utile entre les deux assemblées dans le cadre de cette navette. C’est la raison pour laquelle, au vu de la profondeur des divergences qui subsistent, la commission des affaires sociales, qui s’est réunie ce matin, proposera au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Je souhaite terminer par une observation : la loi n’est plus le fruit d’une réflexion parlementaire, d’une analyse contradictoire menée entre deux chambres et, personnellement, je le regrette. Elle semble être devenue un instrument de communication. On n’ouvre plus le débat, on le ferme d’avance. C’est dommage…
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici à nouveau réunis pour examiner en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Il s’agit d’un texte important, ambitieux, puisqu’il traduit les engagements du Gouvernement pris dans le cadre du Ségur de la santé et les revalorisations salariales historiques décidées au cœur de ces discussions.
Une nouvelle fois, l’examen du PLFSS est un moment charnière pour notre pays, car ce texte consacre de nombreuses avancées répondant aux attentes des Français dans toute leur pluralité.
Je pense notamment à la possibilité de se faire prescrire des lunettes chez un orthoptiste, alors que, nous le savons, le délai moyen d’attente chez les ophtalmologues atteint six mois.
Je pense également à la généralisation de la télésurveillance pour les 20 millions de Français atteints de maladies chroniques, afin de renforcer la prise en charge effective de ces patients, ainsi qu’à l’octroi automatique de la complémentaire santé solidaire aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et à la simplification de son attribution aux bénéficiaires du minimum vieillesse.
Je pense, enfin, au remboursement à 100 % de la contraception pour les 3 millions de femmes âgées de moins de 26 ans, véritable mesure de justice sociale, puisque les études montrent que l’achat de moyens de contraception est le plus souvent le fait des femmes.
Nous en avons débattu en première lecture, je ne m’y attarderai donc pas, mais il semble essentiel de rappeler que chaque article de ce texte représente une avancée et une amélioration d’ordre social pour nos concitoyens.
Pour autant, nous sommes conscients des désaccords qui persistent entre les deux chambres. Nous les entendons et nous les respectons, car ils constituent l’intérêt même du débat législatif. Cette nouvelle lecture aurait permis d’en débattre. Ce ne sera vraisemblablement pas le cas puisque, une fois de plus, la majorité sénatoriale, avec l’appui de la gauche de l’hémicycle, a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable.
Cette alliance semble devenir une habitude au sein de la Haute Assemblée, surtout lorsqu’il s’agit de limiter le débat budgétaire : après le rejet du projet de loi de finances pour 2022, le budget de la sécurité sociale subira le même sort.
La fin d’un cycle de discussion, selon vous, mes chers collègues ? Quel dommage… Il me semble que les modifications introduites au Sénat et conservées par l’Assemblée nationale nous démontrent l’inverse.
Je pense ainsi aux garanties, ajoutées à l’article 40, permettant d’améliorer l’accès à la filière visuelle ou aux mesures, inscrites à l’article 13, concernant les indépendants. Certains articles ajoutés dans cet hémicycle ont été conservés, tels que la suppression du plafond de la participation à la CNSA ou encore l’assouplissement des conditions de dispensation, par le pharmacien, de produits de santé aux patients atteints de maladies chroniques après expiration de l’ordonnance.
Oui, l’Assemblée nationale a apporté des modifications, et c’est son rôle. Mais cela aurait pu aussi être le nôtre aujourd’hui.
Nous nous félicitons ainsi de la réintroduction de l’article 5, essentiel à nos yeux. De même, la réintroduction du rapport sur la contraception masculine ou encore la suppression de la énième réforme des retraites déguisée sont des modifications que le groupe RDPI soutient.
Un certain nombre de dispositions que nous promouvions ont été adoptées conformes à l’Assemblée nationale. Ainsi, nous nous félicitons que les exigences d’interopérabilité applicables aux dispositifs médicaux aient été maintenues, tout comme l’extension du champ du Fonds de lutte contre les addictions à toutes les formes d’addictions, afin d’y inclure les nouvelles pratiques.
Vous défendez le bicamérisme dans toutes vos expressions publiques, mes chers collègues, mais, dans les faits, vous le fragilisez par vos postures !
En outre, ce PLFSS est d’autant plus essentiel que la cinquième vague nous rappelle l’épidémie qui persiste et l’engagement de tous face à celle-ci.
Nous pensons que le budget de la sécurité sociale mérite mieux qu’une énième manœuvre politicienne (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais nous devons nous en remettre, à contrecœur, au travail de nos collègues députés…
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Madame la ministre déléguée, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur, une délégation conduite par M. Bodo Ramelow, ministre-président du Land de Thuringe et président du Bundesrat allemand. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie, se lèvent.)
Elle est accompagnée par nos collègues Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères et de la défense, et Ronan Le Gleut, président du groupe interparlementaire d’amitié France-Allemagne, ainsi que par son excellence M. Hans-Dieter Lucas, ambassadeur de la République fédérale d’Allemagne en France.
La délégation a été reçue ce matin en audience puis à déjeuner par le président Gérard Larcher. Cette rencontre entre les présidents du Bundesrat et du Sénat s’inscrit dans le cadre d’une coopération étroite et de longue date.
Un nouvel élan a été donné à la relation entre les deux institutions par la signature, le 19 mars 2019, d’une déclaration commune entre le Sénat et le Bundesrat, dans le contexte de la nouvelle orientation donnée à la relation franco-allemande par le traité d’Aix-la-Chapelle. Cette coopération se poursuit, dans le cadre du « triangle de Weimar », avec le Sénat de Pologne.
Partageant de nombreux sujets d’intérêt commun, notamment en matière de questions européennes, de coopération décentralisée et transfrontalière et de subsidiarité, le Sénat et le Bundesrat apportent une contribution essentielle à la relation entre la France et l’Allemagne. La visite du président du Bundesrat est ainsi l’occasion de manifester le profond attachement du Sénat à l’amitié franco-allemande et à son rôle majeur au sein de l’Union européenne.
Les travaux conjoints entre nos deux institutions se poursuivront très prochainement, dans le cadre de la vingt et unième rencontre des groupes d’amitié du Sénat et du Bundesrat, qui se tiendra à Berlin, à l’invitation du Bundesrat, du 9 au 11 décembre prochains, et dans le cadre du volet parlementaire de la présidence française de l’Union européenne, qui débutera le 1er janvier 2022, au cours de laquelle le couple franco-allemand aura un rôle éminent à jouer.
Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à M. Bodo Ramelow et à sa délégation la plus cordiale bienvenue au Sénat français. (Applaudissements.)
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Financement de la sécurité sociale pour 2022
Suite de la discussion en nouvelle lecture et rejet d’un projet de loi
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire réunie sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 n’est pas parvenue à un accord.
Les divergences entre le Sénat et l’Assemblée nationale portent essentiellement sur trois points : la question des retraites, avec l’adoption par le Sénat de l’amendement de René-Paul Savary tendant à reporter l’âge de départ à la retraite à 64 ans ; la suppression par la Haute Assemblée de la trajectoire pluriannuelle des comptes sociaux à l’article 23 du texte ; et notre opposition à l’article 5, relatif à la reprise d’une partie de la dette hospitalière par la Cades.
Ces points de désaccord ont motivé la décision de la majorité des sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires de s’abstenir sur le vote final en première lecture.
En dépit de ces divergences, l’examen du texte par le Sénat a permis d’apporter des améliorations bienvenues. Je suis en effet favorable au dispositif de conventionnement sélectif des médecins après six mois de remplacement dans un désert médical, ainsi qu’aux zones franches médicalisées. Nous regrettons que ces dispositifs aient été supprimés par l’Assemblée nationale. Franck Menonville et moi avions proposé des dispositifs similaires ainsi qu’un amendement visant à astreindre les jeunes médecins diplômés à exercer, pendant un an, dans un désert médical. Le développement de la télémédecine peut apporter des solutions complémentaires.
Les mesures de revalorisation salariale issues du Ségur de la santé pourront bénéficier à l’ensemble du secteur médical et médico-social, ce qui représente une avancée importante.
L’automatisation du versement des pensions alimentaires, destinée à limiter les risques d’impayé, et la prise en charge de la contraception pour les femmes de moins de 26 ans représentent également de réelles avancées.
Je rejoins la volonté du Gouvernement d’ouvrir les Ehpad vers l’extérieur, mais je regrette la suppression de la disposition issue de mon amendement, pourtant adopté au Sénat avec l’accord du ministre, tendant à ouvrir les pôles d’activités et de soins adaptés des Ehpad aux personnes âgées vivant à domicile et souffrant de troubles cognitifs. Ce dispositif aurait été très facilement applicable.
Malheureusement, le financement de la cinquième branche de la sécurité sociale est très insuffisant, même si le maintien à domicile constitue un début.
L’augmentation du budget pour l’emploi dans les Ehpad inscrite dans le présent PLFSS s’élève à seulement 200 millions d’euros, ce qui correspond, pour 7 500 Ehpad, à un demi-emploi par établissement. (Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie marque son désaccord.) Les 10 000 emplois représentent un seul emploi par Ehpad jusqu’en 2025. Les astreintes des infirmières apporteront, selon nous, très peu à ces établissements.
Pour une prise en charge décente de nos aînés, il faudrait financer 5 soignants supplémentaires par Ehpad, soit 40 000 emplois, ce qui impliquerait un investissement de 2 milliards d’euros sur trois ou quatre ans. Cette trajectoire permettrait d’améliorer la prise en charge des personnes âgées ainsi que les conditions de travail des soignants, dans un contexte d’augmentation du degré de dépendance globale, qui se situe en moyenne à près de 750 points dans le calcul du groupe iso-ressources moyen pondéré (GIR moyen pondéré ou GMP).
Nous devons anticiper l’évolution de l’accélération du vieillissement de la population. Le personnel et les directions des Ehpad attendent ces mesures depuis longtemps. Nous regrettons que ces dispositifs n’aient pas été maintenus.
En dépit de ces réserves, le groupe Les Indépendants – République et Territoires est favorable à l’examen en nouvelle lecture de ce texte.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission et Mme Brigitte Devésa applaudissent également.)
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement revient, en nouvelle lecture, devant la Haute Assemblée avec un projet sensiblement identique à celui qui nous a été transmis en première lecture. Même si ce n’est pas une surprise pour nous, nous regrettons que le Gouvernement et sa majorité aient balayé la quasi-totalité des propositions du Sénat.
Nous avions fait le choix de prendre nos responsabilités, afin de préserver à long terme la solidité de notre modèle social. Telle a été notre boussole pour la branche vieillesse : équilibrer notre système de retraite par répartition, auquel nous sommes tous attachés. Avec un déficit qui devrait atteindre 10 milliards d’euros d’ici à 2025, il est urgent non pas d’attendre mais d’agir ! C’est la place des seniors dans notre société qui est en cause.
Il est vrai que plusieurs solutions peuvent théoriquement être choisies pour ramener notre système de retraite à l’équilibre, mais nous avons toujours écarté la diminution des pensions et l’augmentation des cotisations ; en outre, nous estimons que le recours à la dette n’est pas une solution, car celle-ci devra tout de même être remboursée par les générations futures. La dette compromet le principe même de la répartition.
Dès lors, seuls le report de l’âge de départ à la retraite et l’accélération de l’allongement de la durée de cotisation, ainsi que le Sénat l’avait proposé, sont à même de prévenir le désastre annoncé et d’éviter la paupérisation des retraités. Cette perspective financière de la branche vieillesse est d’autant plus inquiétante que la baisse de la natalité se confirme année après année.
Moins de naissances aujourd’hui, c’est moins d’actifs demain pour cotiser. Aujourd’hui, on dénombre 2,1 actifs pour un retraité ; en 2040, il n’y en aura plus que 1,5, mais, avec une baisse de la natalité plus forte que prévu, ce ratio pourrait encore s’aggraver.
Il est donc regrettable que la branche famille fasse l’objet, une fois encore, de si peu de mesures dans le PLFSS, alors que la politique familiale dans notre pays a besoin d’une renaissance. Ce manque de mesures ambitieuses est incompréhensible au regard de la situation de la branche.
On mesure les conséquences sur la politique familiale du fait de n’être pas revenu sur l’universalité des prestations. Le défaut de mesures est également évident lorsque nous examinons la branche autonomie. Les constats et les besoins sont connus depuis plusieurs années. Or cette branche achève son premier exercice en déficit, lequel devrait doubler en 2022 pour s’établir à 900 millions d’euros. Cette situation ne devrait connaître aucune amélioration avant l’affectation à la branche, en 2024, d’une fraction de la CSG.
Nous avons approuvé l’extension des mesures du Ségur de la santé en faveur du secteur médico-social, mais cette politique des petits pas visant à ajuster au coup par coup des mesures en faveur du personnel provoque des incompréhensions et ne fait qu’aggraver les difficultés de recrutement rencontrées dans de nombreuses structures.
La question du financement de la perte d’autonomie ne trouve pas non plus de réponse dans ce PLFSS. Afficher une branche autonomie à crédit, c’est remettre en cause une politique de l’autonomie fondée sur une solidarité intragénérationnelle.
En matière de santé, nous avons adopté les revalorisations salariales issues du Ségur, lesquelles, pour justifiées qu’elles soient, grèvent de 10 milliards d’euros par an, et de manière pérenne, les comptes de l’assurance maladie.
Force est de constater que le Gouvernement, en l’absence de réforme – organisationnelle ou managériale – profonde de l’hôpital, ne répond ni au malaise des personnels soignants ni à l’aggravation de la perte d’attractivité de l’hôpital.
Par ailleurs, hormis une place faite à l’accès à l’innovation, que nous saluons, sur le volet du médicament, la branche maladie contient des mesures très disparates et dont l’objet ne présente que des liens indirects avec une loi de financement.
Si nous comprenons l’intention du Gouvernement de faciliter l’accès direct à certains professionnels, nous considérons que ces mesures, tout en remettant en question le parcours de soins et le rôle du médecin référent, auraient plutôt trouvé leur place dans une loi Santé.
Par ailleurs, en matière de déficit de l’offre médicale, l’amendement que le Sénat a adopté n’avait qu’un seul objectif : ne pas mettre en place un conventionnement sélectif, ce qui reviendrait à supprimer encore davantage la liberté d’installation. Là encore, il est urgent d’agir : la colère monte, l’exaspération s’amplifie !
L’ensemble des territoires est concerné par le manque de médecins. Le fait que plus de 8 % de la population, soit environ 5,4 millions de personnes, n’aient pas de médecin traitant n’est pas acceptable. Vous avez certes augmenté le numerus clausus, mais les effets ne sont pas immédiats.
Il est donc essentiel d’appliquer au plus vite l’article 2 de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, qui dispose : « Les étudiants de médecine générale réalisent au cours de la dernière année du troisième cycle de médecine au minimum un stage d’un semestre… » – et non d’un an, mon cher docteur Chasseing – « … en pratique ambulatoire. Ce stage […] est effectué sous un régime d’autonomie supervisée ». Chaque année, plus de 3 900 internes pourraient donc exercer dans les territoires.
Le secrétaire d’État Adrien Taquet s’est engagé à ce que ce dispositif soit concrètement mis en œuvre au premier trimestre de l’année prochaine. J’aurais aimé que vous nous le répétiez, madame la ministre.