Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Je n’ai pas besoin de répéter les propos de M. Taquet !
M. René-Paul Savary. Nous ne pouvons que former le vœu que cela se produise le plus rapidement possible.
Cette mesure, qui apporte du temps médical en plus, est la meilleure réponse à donner. Elle doit être partagée avec l’ensemble des instances médicales, qu’il faut convaincre – c’est votre job, madame la ministre.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. C’est ensemble que nous devons les convaincre, monsieur Savary !
M. René-Paul Savary. Il est urgent d’apporter des réponses à la désertification médicale et de favoriser l’installation de médecins dans les zones sous-dotées. C’est l’une des premières préoccupations, à juste titre, de nos concitoyens et des élus.
Par ailleurs, certaines mesures votées dans le cadre de ce texte doivent nous interroger sur la définition même d’une loi de financement de la sécurité sociale.
Trois principes doivent prévaloir dans la répartition des actes médicaux entre médecins, spécialistes ou non, et paramédicaux, dans le respect du médecin référent.
Tout d’abord, cela ne peut réussir qu’avec l’accord de toutes celles et tous ceux qui ont l’habitude de travailler ensemble, dans la confiance, en complémentarité, et non pas en concurrence.
Ensuite, avant tout traitement, on pose un diagnostic – c’est le médecin qui parle –, notamment différentiel, pour éliminer les pathologies plus lourdes ou plus insidieuses. (Mme Marie Mercier opine.)
Enfin, tout acte médical ou paramédical engage la responsabilité non seulement de son effecteur, mais aussi de son prescripteur.
Ce n’est donc pas à travers des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale que ces décisions peuvent être prises de façon sereine, mais bien plutôt dans un cadre conventionnel ou partenarial entre professionnels de santé. Et il ne s’agit surtout pas d’un moyen de résoudre la complexité des déserts médicaux ou paramédicaux – il est rarement question de ces derniers, mais ils sont tout aussi réels.
Mme Marie Mercier. Tout à fait !
M. René-Paul Savary. Pour conclure, faire payer aux générations futures notre modèle social, c’est remettre en cause ses fondements mêmes : pour la branche maladie, utiliser le système social de remboursement en fonction de ses besoins et payer en fonction de ses moyens ; pour la branche vieillesse, les cotisations des actifs actuels servent à payer les pensions des retraités d’aujourd’hui.
Pour toutes ses raisons, et au titre de notre attachement à notre modèle social, le groupe Les Républicains votera la motion tendant à opposer la question préalable proposée par la commission des affaires sociales. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel.
Mme Mélanie Vogel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à peine avons-nous terminé l’examen éreintant de ce PLFSS 2022 qu’il revient au Sénat presque comme s’il n’y était jamais entré.
Les modifications apportées au texte grâce aux travaux de la commission des affaires sociales et à l’examen en séance publique ont été balayées une par une par la majorité gouvernementale à l’Assemblée nationale.
Avec ce PLFSS, le bicamérisme français devient un fantôme. Cette année encore, la loi sera écrite par Emmanuel Macron et aucune objection n’aura été entendue, certainement pas celles du Sénat, renvoyé au silence de façon quelque peu insupportable.
Sur le fond, qu’avons-nous donc à dire d’un texte qui ne semble pas nous appartenir sinon que, encore une fois, les Ondam prévisionnels des établissements de santé sont inférieurs aux besoins réels et que les hôpitaux semblent condamnés à la crise perpétuelle. En témoignent les restructurations brutales qui privent de soignants, de lits et d’hôpitaux de proximité des territoires entiers : 25 établissements étaient fermés l’an dernier, de même que 5 700 lits d’hospitalisation complète, tandis que les soignants en première ligne continuent de se battre contre le covid.
À la dette des hôpitaux se conjuguera celle, organisée, de la branche autonomie, à laquelle aucune ressource nouvelle n’est attachée. Nous avions adopté un amendement tendant à instaurer une contribution de 1 % sur les capitaux, mais il fut, bien évidemment, vite balayé par la majorité gouvernementale pour qui la stabilité des dividendes est manifestement plus importante que les conditions de travail des aides à domicile et la qualité du soin dû à toute personne en perte d’autonomie.
Cela résulte finalement d’une logique que la philosophe Joan Tronto, théoricienne féministe du « care », résumait en ces termes : « Pourquoi ne respectons-nous pas les personnes qui prennent soin des gens, des animaux et de l’environnement autant, sinon plus, que les personnes qui font et gèrent l’argent ? Parce qu’il existe, dans nos sociétés, une compétition, entre la logique de la richesse capitaliste et celle du “soin”, et jusqu’à présent, en tant que société, nous nous sommes continuellement rangés du côté de la richesse. »
Bien sûr, nous nous réjouissons de l’extension du Ségur au secteur du médico-social et à celles et ceux qui en avaient été arbitrairement exclus.
Nous saluons également les nouvelles dispositions, retoquées ici même, visant à promouvoir la prise en charge de la contraception masculine : il s’agit d’une avancée vers un partage réel de la charge mentale liée à la contraception.
Nous saluons encore le retrait d’un amendement, adopté dans cet hémicycle, visant à reculer l’âge de départ à la retraite. Mais nous restons conscientes et conscients que les députés de La République En Marche ne nous accordent cette faveur que pour mieux y revenir l’année prochaine si, par malheur, ils en avaient l’occasion.
Nous restons aussi conscientes et conscients du chemin immense qui reste à parcourir pour sortir les politiques de santé des rivets de l’austérité et des préoccupations avant tout économiques, et pour construire enfin une démocratie écologique du soin.
Si nous actons donc certaines avancées du projet de loi, nous en récusons la forme qui semble faire fi du bicamérisme démocratique, et nous en récusons surtout la logique austéritaire qui se refuse à aller chercher les ressources nécessaires au redressement durable de l’hôpital, à la lutte contre l’intensification de la pauvreté et à la couverture de la branche autonomie.
Pour ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’opposera à ce projet de loi et votera en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la pandémie de covid-19 repart en flèche, j’ai une pensée pour l’ensemble des personnels des hôpitaux qui doivent, en sous-effectifs, et en ressentant une forme de déconsidération de la part des directions d’établissements et du Gouvernement, soigner les patients.
Malheureusement, ce budget de la sécurité sociale pour 2022 ne répond pas plus que le Ségur de la santé à l’urgence de la situation. Il ne prévoit aucune mesure pour rattraper le retard ni investir dans l’avenir.
Les échéances politiques à venir ont sans aucun doute joué sur l’examen de ce PLFSS. Malgré le désaccord en commission mixte paritaire, le Gouvernement et la droite sénatoriale partagent bien la même vision : j’en veux pour preuve les trente-huit articles adoptés conformes par le sénat.
Le déficit de 15 milliards d’euros de la sécurité sociale à l’horizon 2025 est sciemment organisé : on agite un chiffon rouge pour mieux justifier les futures économies, déjà programmées. C’est ainsi que la majorité sénatoriale a motivé le report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite. Il faut reconnaître votre esprit de suite, mes chers collègues, puisque vous votez cette mesure depuis 2018, alors même que les comptes de l’assurance vieillesse étaient quasiment à l’équilibre et que nous ne connaissions pas de crise sanitaire !
À l’inverse du projet gouvernemental et de celui de la majorité sénatoriale, nous portons un projet politique qui rétablit la justice sociale et qui met le capital à contribution.
Ainsi, nous proposons de supprimer les 75 milliards d’euros d’exonération de cotisations sociales pour les investir dans un grand plan de renforcement du service public hospitalier, avec le recrutement de 100 000 personnels.
Nous proposons également de mettre à contribution les revenus financiers afin de créer un grand service public de l’autonomie, madame la ministre, avec la formation et le recrutement, sur trois ans, de 300 000 personnels dans les Ehpad et, sans attendre, de 100 000 dans le secteur des aides à domicile.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. En un an, 100 000 personnes ? Il va falloir les trouver…
Mme Laurence Cohen. Nous proposons encore de mettre à contribution les laboratoires pharmaceutiques pour financer un pôle public du médicament et des produits de santé qui garantisse notre souveraineté sanitaire et l’arrêt des pénuries de médicaments.
Parallèlement, nous défendons, à l’échelle européenne, la levée des brevets et des droits de propriété intellectuelle pour garantir l’accès de l’ensemble des peuples au vaccin contre la covid-19, bien commun de l’humanité. Je vous appelle d’autant plus à agir en ce sens, madame la ministre, qu’avec la quatrième dose de vaccination, c’est le jackpot assuré pour quelques grands laboratoires !
Enfin, nous proposons de lutter véritablement contre la fraude patronale aux cotisations sociales et d’investir ces 80 milliards d’euros pour augmenter le nombre de professionnels formés et développer des centres de santé dans chaque département, afin de lutter contre les déserts médicaux.
Ce PLFSS n’a rien d’exceptionnel, malgré vos grands et beaux discours. Il poursuit les mêmes logiques et prévoit les mêmes remèdes qui font que l’hôpital, le secteur médico-social et notre système de santé et de protection sociale sont aujourd’hui à bout de souffle.
En trente ans, 40 % des lits de réanimation ont disparu. Pensez-vous sérieusement que 5 000 lits de « réa » soient aujourd’hui suffisants en France ?
La crise sanitaire a été révélatrice du manque de moyens accordés à la santé : les urgences demeurent en grande difficulté, les services de réanimation sont saturés et nous connaissons de gros problèmes pour recruter des personnels médicaux et paramédicaux. Malgré tout, vous avez continué, en pleine crise, de fermer 5 700 lits.
Changer totalement de logique est une urgence pour améliorer les conditions de travail des soignants, afin de les fidéliser et aussi de faire revenir celles et ceux qui ont quitté l’hôpital découragés, épuisés…
Caroline Brémaud, cheffe de service des urgences du centre hospitalier de Laval, m’a dit, à juste titre, que le premier médicament pour soulager un patient était l’humain, le temps passé aux côtés des malades plutôt qu’à remplir des tableaux ou à codifier !
C’est parce que ce PLFSS 2022 ne lui en donnera pas les moyens, ni à elle ni à aucun autre de ses collègues, que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ce projet de budget de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Michel Laugier applaudit également.)
M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, nous voilà contraints de nous réunir à nouveau pour étudier ce projet de loi de financement de la sécurité sociale après l’échec de la commission mixte paritaire.
Le sentiment du groupe Union Centriste, après ce nouvel échec des discussions avec l’Assemblée nationale, est plus que mitigé. Nous nous interrogeons notamment sur la capacité du Gouvernement à écouter une voix différente de la sienne.
Nos divergences politiques sont nombreuses et nous voyons un clivage clair entre nos deux assemblées : une façon différente d’aborder le débat sur les finances de notre sécurité sociale. Nos critiques sur ce texte sont, elles aussi, assez claires ; nous ne nous en sommes pas cachés en première lecture. Je souhaite en relever quatre aujourd’hui.
Tout d’abord, nous déplorons un projet peu ambitieux, muet sur les perspectives financières de la sécurité sociale, et, pire encore, qui ne propose aucune solution pour sortir de la dette abyssale dans laquelle est plongée notre assurance maladie.
Il nous semble urgent de définir une stratégie de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale après la crise. C’est le sens du vote de suppression de l’article 23 par notre assemblée, sur la proposition de Mme la rapporteure générale : maintenir jusqu’en 2025 un déficit de plus de 10 milliards d’euros est inenvisageable. Nous avons la responsabilité d’agir sur cette question. C’est moins un manque de moyens qu’une absence de réformes structurelles que nous critiquons.
Ensuite, comme je l’ai souligné voilà quelques jours lors de mon explication de vote, une partie conséquente des nouvelles mesures sont arrivées sur la table de travail de nos assemblées par des amendements gouvernementaux. C’est à la fois le signe d’une forme d’impréparation et, comme l’a souligné notre présidente Catherine Deroche en commission mixte paritaire, d’une forme de désinvolture du Gouvernement sur ce texte.
Notre troisième opposition concerne la reprise de la dette hospitalière par la branche maladie. Nous partageons le constat du Gouvernement sur la nécessité d’engager les établissements assurant le service public hospitalier dans une trajectoire vertueuse de désendettement et d’investissement. Mais ce n’est pas à la sécurité sociale d’éponger leurs dettes : c’est le rôle de l’État.
Enfin, notre quatrième opposition a pour objet le transfert financier entre les branches famille et maladie – René-Paul Savary l’a rappelé –, visant à compenser la prise en charge par cette dernière des indemnités journalières dérogatoires pour garde d’enfants.
En tant que rapporteur de la branche famille, je m’oppose formellement à ce qu’elle serve de « sixième roue du carrosse », si vous me permettez l’expression. Notre démographie est en berne. Les jeunes parents ne trouvent pas le mode de garde adéquat pour leurs enfants. Le modèle de la famille française évolue : il a besoin du soutien de l’État et d’une véritable politique ambitieuse, qui accompagne et qui donne un cap. Si le Gouvernement préfère regarder ailleurs et réorienter les financements de nos aides publiques aux familles, tel n’est pas notre choix ni celui du Sénat.
Nous regrettons enfin que plusieurs amendements particulièrement intéressants, déposés par notre groupe, ne figurent pas dans la version finale du texte. Je pense notamment à l’extension des garanties complémentaires au risque de perte d’autonomie chez un proche, portée par Jocelyne Guidez, à la pérennisation de l’exonération de cotisation spécifique à l’emploi de travailleurs saisonniers demandeurs d’emploi (TO-DE) dans le secteur agricole, portée par Valérie Létard, et à la dérogation à la limitation à cinq ans du statut de conjoint collaborateur, portée par Élisabeth Doineau.
Toutefois, pour équilibrer mon propos, je souhaite terminer par les moins mauvaises nouvelles de cette commission mixte paritaire : nous avons adopté conformes trente-huit articles, parmi lesquels la quasi-totalité des articles récapitulatifs.
Nous avons conservé l’esprit de nombreux autres articles. Parmi ces points d’accord figurent l’amélioration de l’indemnisation des victimes professionnelles de pesticides, l’extension des revalorisations du Ségur de la santé aux personnels du secteur médico-social, le tarif plancher national pour les services à domicile, la revalorisation et l’extension de l’allocation journalière du proche aidant ou encore l’assouplissement du cumul emploi-retraite pour les soignants mobilisés pendant la crise sanitaire.
Pour ce qui concerne la branche famille, dont j’ai la responsabilité, le Sénat a adopté la généralisation de l’intermédiation des pensions familiales.
De même, dix-huit amendements du Sénat ont été repris dans le texte de l’Assemblée nationale, dont un seul avait été adopté contre l’avis du Gouvernement.
Nous nous félicitons notamment que l’amendement de notre collègue Françoise Férat concernant l’extension du droit à un capital décès aux ayants droit des non-salariés agricoles figure dans la version finale du texte.
Regrettant l’absence de convergence des assemblées sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont l’enjeu financier dépasse les 550 milliards d’euros, et formant des vœux pour que cette situation cesse dès l’an prochain, nous voterons en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sans surprise, la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à un accord, et nous le déplorons.
Les points de divergence entre nos deux assemblées étaient, semble-t-il, trop profonds et trop nombreux. Je pense notamment au rejet du financement de la dette hospitalière par la Cades ou encore à la réforme paramétrique du système de retraite. Sans surprise également, l’Assemblée nationale a, cette année encore, rétabli l’essentiel du texte qu’elle avait adopté en première lecture.
C’est la raison pour laquelle la commission nous proposera, dans quelques instants, d’adopter une motion tendant à opposer la question préalable. Ce sera la troisième fois cette semaine que notre assemblée, pourtant reconnue pour la richesse de ses échanges, refusera de débattre. Le groupe RDSE déplore profondément ce positionnement qui aboutit à un monocamérisme de fait.
Ce PLFSS comporte pourtant un certain nombre de mesures positives, qui ont d’ailleurs fait l’objet d’un consensus entre nos deux assemblées.
Je pense, par exemple, à l’extension des revalorisations du Ségur de la santé aux personnels du secteur médico-social, en première ligne pendant de longs mois, et qui ont été le seul lien avec l’extérieur pour des millions de personnes âgées et handicapées.
Je pense aussi à l’instauration d’un tarif plancher pour la rémunération des personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile, à la prise en charge intégrale de l’ensemble des frais liés à la contraception pour les femmes de moins de 26 ans, même si nous regrettons que la mesure n’ait pas été étendue à la contraception masculine.
Je pense encore à l’accès direct à certains professionnels de santé. Comme l’a rappelé ma collègue Véronique Guillotin, la médecine de ville est en crise et ces expérimentations permettront de libérer du temps médical.
L’expérimentation de la prise en charge de substituts nicotiniques délivrés par les pharmaciens sans ordonnance est une bonne chose, alors que le tabagisme reste la première cause de décès évitable.
Je pense, enfin, à la suppression de la surcotisation salariale sur la prime de feu versée aux sapeurs-pompiers professionnels. Cette disposition avait été adoptée par le Sénat dans le PLFSS pour 2021 avant d’être rejetée, à l’époque, par nos collègues députés.
Par ailleurs, certaines dispositions introduites au Sénat ont été maintenues par l’Assemblée nationale. Je pense tout particulièrement à la mise en place d’un capital décès, destiné à apporter un soutien financier aux familles des non-salariés agricoles, lorsqu’elles sont confrontées au décès d’un des leurs après une maladie, un accident de la vie privée ou un suicide. Cette mesure est une avancée significative pour l’accompagnement des agriculteurs en détresse, sujet porté depuis longtemps par notre collègue Henri Cabanel.
Les députés ont toutefois supprimé de nombreuses mesures introduites au Sénat, que le RDSE aurait souhaité voir figurer dans le texte final, au nombre desquelles figurent : la pérennisation du dispositif TO-DE, c’est-à-dire l’exonération de cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi ; la prise en compte des revenus réels de l’année pour le calcul des cotisations des agriculteurs ; l’extension aux EPCI du bénéfice des exonérations de cotisations patronales sur l’emploi d’aides à domicile ; l’alignement de la fiscalité du tabac à chauffer sur celle des cigarettes ; ou encore la mise en place d’une taxe sur la publicité en faveur des jeux d’argent en ligne… Je pense également à la création de zones franches médicales, levier supplémentaire pour lutter contre la désertification médicale.
Pour autant, nous regrettons une nouvelle fois que cette ultime discussion ne puisse avoir lieu au sein de notre assemblée. Je le répète, le RDSE est profondément attaché au débat entre les deux chambres, à chaque fois que cela est possible. C’est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas la motion tendant à opposer la question préalable, qui nous empêche de poursuivre nos débats. (MM. Xavier Iacovelli et Claude Malhuret applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous avons à examiner de nouveau comporte une série de dispositions dont nous avons déjà largement débattu.
Je ne reviendrai pas sur le fait qu’il s’agit d’un budget de fin de quinquennat, avec peu de nouveautés. Il porte donc des enjeux relatifs et circonscrits, en esquivant, comme je l’ai déjà souligné, les questions pourtant centrales de l’autonomie et de la dépendance, de l’organisation du système de santé ou encore de fiscalité.
Aussi, le texte qui nous revient confirme le maintien d’une sécurité sociale structurellement déficitaire, ce que nous regrettons. Le maintien de cette dette continue de transmettre un message politique négatif, celui d’un système de protection sociale qui coûterait trop cher.
En cela, la création d’une branche autonomie originellement déficitaire nous interroge sur le sens que souhaite donner le Gouvernement à cette cinquième branche. Nous regrettons d’ailleurs que l’Assemblée nationale ait supprimé un amendement que nous avions porté, et que le Sénat avait adopté, visant à instaurer une contribution de solidarité de la finance en faveur de l’autonomie à hauteur de 1 % des revenus des valeurs mobilières, alors que ce dispositif permettait concrètement de remédier à ce déficit.
Mais il est vrai que votre majorité, madame la ministre, a supprimé quasiment tous les apports du Sénat… Et si le dialogue ne peut se poursuivre, c’est sans doute en raison de l’échec de la commission mixte paritaire, mais surtout parce que le « sagouinage » du texte opéré à l’Assemblée nationale rend vain tout dialogue.
Pour ce qui concerne les professions de santé, et ce en dépit de toutes les contestations des professionnels visés à travers un corpus d’articles dont la plupart ont été ajoutés par voie d’amendement, nous constatons une fois encore un problème de méthode et de vision qui consiste à imposer, verticalement, un bouleversement de notre système de soins et des rapports entre professionnels de santé.
Certes, nous avons dit que des évolutions étaient nécessaires, mais elles nécessitent une concertation en profondeur et un dialogue interprofessionnel nourri qui, seuls, permettent de contribuer à une amélioration de l’accès aux soins.
Le retour à la mouture initiale du texte de l’Assemblée nationale sur presque tous ces articles témoigne d’un manque de considération pour les corps intermédiaires, contribuant à des tensions entre professionnels et ne permettant pas d’avancer collectivement dans le même sens.
Bien d’autres dispositions mériteraient d’être commentées, mais je me bornerai à évoquer la situation de notre système de soins et de nos hôpitaux, dont chacun connaît la gravité.
Le budget 2022, post-crise covid – espérons-le ! –, aurait pu et aurait dû répondre à l’urgence de notre système de soins et à la détresse de ses acteurs. Au lieu d’établir des réformes d’ordre structurel, dont la pandémie a permis de souligner le besoin, ce budget s’attache à perpétuer, sans les remettre en cause, des logiques comptables, administratives et bureaucratiques qui minent l’hôpital.
Répétons-le, les départs de soignants sont quotidiens, de même que les fermetures de lits, qui en sont une conséquence. L’épuisement est général. Mais tout cela, manifestement, n’est pas suffisamment grave pour que le PLFSS y apporte des réponses claires.
J’espère que la santé occupera une place centrale dans la campagne présidentielle. Les perceptions sur les questions de santé ont changé à l’issue de la crise : chacun a pu prendre la mesure de l’importance de ce service public, de ce bien qui a sauvé des vies et qui protège notre société. Nous espérons, avec l’appui de l’ensemble des professionnels du soin et du médico-social, réussir à tirer vers le haut les propositions qui seront faites à cette occasion, ce PLFSS ayant été un rendez-vous manqué.
Pour ce faire, il convient de partir des besoins des territoires, de proposer d’entreprendre des réformes de fond, pour adapter ensuite nos arbitrages. À cet égard, nous avons largement répété que l’outil de régulation que constitue l’Ondam était dépassé. La maîtrise qu’il porte s’impose avant toute délibération sur les besoins en santé, dans nos territoires comme au Parlement. Il doit être réévalué et transformé pour s’adapter à notre système hospitalier.
Comme c’était déjà le cas voilà un peu plus d’une semaine, ce PLFSS ne correspond toujours pas à ce que nous attendons d’une réelle politique de santé et de protection sociale.
Le chemin qu’il nous faut prendre pour déterminer les besoins en santé de la Nation, pour mieux y répondre et endiguer définitivement cette crise profonde que vivent nos soignants, est celui de la démocratie. Le Parlement, les acteurs de santé, les élus locaux et nos concitoyens demandent à être associés à ces choix si fondamentaux pour notre collectivité nationale. Nous devons les entendre et agir en conséquence.
En attendant de voir ce chemin se dessiner, nous voterons contre ce texte, dont nous considérons qu’il n’est pas à la hauteur des attentes, des besoins et des réalités.
Pendant deux ans, la sécurité sociale a maintenu et protégé notre société. Nous avons tous été personnellement témoins de son action concrète. Un consensus a été trouvé ici, dans nos rangs, sur l’aspect essentiel des métiers et des dispositifs qui nous ont permis de faire face.
Tous ces discours doivent maintenant se traduire en actes pour mettre en œuvre les réformes nécessaires et permettre à notre sécurité sociale d’assurer à l’avenir l’ensemble des missions de protection sociale dont notre démocratie peut être fière. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mme Doineau, au nom de la commission, d’une motion n° 6.
Cette motion est ainsi rédigée :
Considérant que si un accord est intervenu entre les deux assemblées sur certains articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, des points de désaccord subsistent sur des aspects aussi décisifs que l’absence de stratégie de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale à l’issue de la crise, le montant de la compensation de l’État à la sécurité sociale de l’augmentation du budget de Santé publique France en 2021, la prise en charge par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) d’une partie de la dette et des investissements des hôpitaux, la détermination en LFSS du montant des dotations de la branche maladie aux organismes qu’elle subventionne, ou encore la nécessité d’engager dès à présent la concertation sur le retour à l’équilibre financier de la branche vieillesse ;
Considérant que la trajectoire financière quadriennale présentée par le Gouvernement est incompatible avec l’objectif d’apurement de la dette sociale au 31 décembre 2033 ;
Considérant que la non-compensation au juste niveau du budget de l’Agence nationale de santé publique (ANSP) détériore artificiellement le déficit de la sécurité sociale en 2021 comme en 2020, et rendra plus douloureuses les mesures à prendre pour revenir à l’équilibre des comptes ;
Considérant que la prise en charge par la Cades, à la place de l’État, d’une partie de la dette et des investissements des hôpitaux est totalement injustifiée sur le plan des principes et crée un précédent dangereux de transfert d’une charge indue à cette caisse ;
Considérant qu’il est indispensable que le Parlement se prononce sur le montant des dotations que les régimes obligatoires de base de sécurité sociale versent aux fonds, organismes et agences qu’ils subventionnent ;
Considérant qu’il est nécessaire d’affirmer dès à présent la nécessité de corriger les déséquilibres structurels de la branche vieillesse et de mobiliser les partenaires sociaux à cette fin dans les meilleurs délais ;
Le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour la motion.