Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, afin de ne pas être itérative, et puisque vous connaissez tous nos grandes divergences avec l’Assemblée nationale sur le présent texte, la commission des affaires sociales, réunie ce matin, a décidé de proposer au Sénat d’opposer la question préalable sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Une fois de plus, la majorité sénatoriale, soutenue cette fois par la gauche de cet hémicycle, entend se soustraire à son travail de législateur.
En tout état de cause, nous prenons acte de la position de la majorité sénatoriale de s’exonérer d’un nouveau débat, et nous le regrettons. En effet, défendre le bicamérisme, c’est justement accepter le débat et les désaccords légitimes qui peuvent exister entre la majorité et l’opposition, ainsi qu’entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Ces désaccords ne sont pas nouveaux ; ils font partie du jeu démocratique et nous sommes capables de les surmonter, dans l’intérêt des Français.
Défendre le bicamérisme, c’est aussi sortir des postures politiciennes, a fortiori lorsqu’il s’agit de débattre du budget de la sécurité sociale, dont nous connaissons l’importance au quotidien pour nos concitoyens.
Vous évoquez systématiquement la nécessité de respecter le Sénat, et nous partageons cette conviction. Mais pensez-vous que celui-ci sorte grandi de cette séquence budgétaire, lorsque les sénateurs s’exonèrent de leurs prérogatives et se privent de débattre sur les deux textes budgétaires en deux jours ?
Vous défendez le bicamérisme dans toutes vos expressions publiques, mais dans les faits, vous le fragilisez par vos postures. Je sais que nous connaissons une séquence politique particulière ; le calendrier électoral intéresse d’ailleurs bien davantage les appareils politiques que les Français… (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
L’examen du budget de la sécurité sociale, mes chers collègues, n’est ni le congrès des Républicains ni un énième lancement de campagne présidentielle avorté ! Soyons à la hauteur des enjeux et des défis qui attendent notre pays et auxquels le budget de la sécurité sociale apporte des réponses concrètes.
Madame la rapporteure générale, nous nous retrouverons certainement sur d’autres combats, notamment la protection de l’enfance. Pour l’heure, le groupe RDPI votera contre cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. Laurent Burgoa. Quelle surprise !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous votons contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, mais nous ne soutenons pas pour autant la motion tendant à opposer la question préalable. La gauche est plurielle, cher Xavier Iacovelli !
En effet, dans le premier considérant, les auteurs de la motion déplorent « l’absence de stratégie de retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale à l’issue de la crise ». Mes chers collègues, vous êtes aveugles et sourds à ce qui se passe dans vos départements !
L’hôpital est au bord du gouffre, voire pire. Le plan blanc est utilisé pour rappeler le personnel et assurer l’activité quotidienne, alors qu’il est conçu pour faire face aux catastrophes naturelles ou aux attentats.
L’urgentiste Gérald Kierzek déplore qu’aient été ouverts des lits de réanimation éphémères, et non des lits de médecine pérenne. Un autre urgentiste, Patrick Pelloux, déclare : « Nous ne sommes pas au bord du précipice. Nous sommes dedans. Mais les malades ont besoin de nous, alors nous continuons à travailler. »
Il n’est pas possible de continuer à rogner sur les dépenses de santé ! Il faut de nouvelles recettes pour la sécurité sociale, comme nous l’avons proposé. Or le Gouvernement comme la majorité sénatoriale le refusent. En réalité, ils sont d’accord sur le fond, et nous ne partageons pas leur avis.
Enfin, dans le sixième considérant, les auteurs de la motion affirment, une fois de plus, qu’il convient de retarder l’âge de départ à la retraite en le fixant à 64 ans.
Ces mesures sont dévastatrices pour notre système de santé et de protection sociale. Ces logiques mettent à bas notre système hospitalier et elles épuisent les personnels, lesquels quittent l’hôpital sur la pointe des pieds car ils n’en peuvent plus. Pourtant, vous persistez à dire qu’il faudra un retour à l’équilibre après la crise…
Ce n’est pas cette politique que nous soutenons ! Par conséquent, nous ne voterons pas la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Notre collègue qui soutient la majorité présidentielle vient de nous expliquer que nous ne voulions pas dialoguer. Or, je le redis, l’Assemblée nationale a « sagouiné » le travail du Sénat !
Sur certains amendements, les divergences sont logiques ; nous assumons les différences politiques et chacun exprime ses convictions. Mais permettez-moi de prendre un exemple précis : notre collègue Michelle Meunier a fait voter dans cet hémicycle un amendement visant à garantir aux personnes en situation de handicap le libre choix de leur fauteuil roulant. Nos collègues députés ont trouvé intelligent de le supprimer… Quand on « passe le kärcher », on essaye de le faire intelligemment !
Que l’on ne vienne pas dire maintenant au Sénat qu’il refuse de discuter !
Le vote sur cette motion est de procédure, il ne s’agit pas d’un vote pour ou contre ce projet de budget. Pour notre part, nous avons déjà exprimé notre position lors de la précédente délibération : nous sommes contre le texte du Gouvernement. Or le projet de loi qui nous revient est strictement celui du Gouvernement et de sa majorité à l’Assemblée nationale.
Nous avons tenté de proposer quelques apports. Ainsi, nous sommes favorables au retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, mais en travaillant notamment sur les recettes. Nous avons ainsi fait voter un amendement visant à rétablir l’équilibre de la branche autonomie au travers d’un prélèvement sur les valeurs mobilières.
Nous pouvons être en désaccord avec vous, mais en l’occurrence nous avons avancé des propositions et vous les avez toutes balayées. (Mme Laure Darcos acquiesce.) Dans ces conditions, à quoi bon continuer à discuter durant des heures dans cet hémicycle ?
Nous estimons donc qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur ce texte et nous voterons en faveur de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Ce PLFSS présente des avancées, notamment la généralisation du Ségur de la santé à l’ensemble du personnel médico-social, auquel je rends hommage. Je regrette que les points de désaccord n’aient pu être surmontés.
Le report de l’âge de la retraite à 64 ans est une proposition qui sera nécessaire dans l’avenir, au vu de la diminution du nombre de cotisants et de l’augmentation du nombre de retraités.
La suppression par le Sénat de la trajectoire pluriannuelle des comptes sociaux est plus problématique, étant donné la persistance de la pandémie. Il faut revenir le plus vite possible à l’équilibre, sans sacrifier le financement de la santé, mais aussi sans augmenter les cotisations des entreprises afin de maintenir leur compétitivité et de favoriser l’emploi et l’augmentation du nombre de cotisants. Il s’agit, bien sûr, d’une démarche incertaine.
Pour ce qui concerne la reprise d’une partie de la dette hospitalière par la Cades, il faudrait définir un pourcentage des 13 millions d’euros correspondant à l’endettement des hôpitaux pour financer leurs équipements, ce qui peut relever de la compétence de la sécurité sociale.
Le Gouvernement renonce au plan Grand âge, sauf pour le maintien à domicile. C’est un début. Mais le texte ne prévoit pas une prise en charge suffisante de la dépendance en Ehpad pour les années à venir. Ces mesures de projections financières étaient pourtant nécessaires et attendues.
Malgré ce renoncement à un réel financement de la prise en charge de la dépendance, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre la motion tendant à opposer la question préalable. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Allez, René-Paul !
M. René-Paul Savary. Je le dis très sereinement (Sourires.), à chacun ses positions ! Jusqu’à présent, tout se passait bien ! On a heureusement le droit de penser différemment et, au sein d’une démocratie, c’est tout à fait essentiel. Pour notre part, nous avons toujours conservé la même attitude, et ce n’est pas la première fois que nous refusons une deuxième lecture au motif que les avancées d’un texte sont insuffisantes.
Il ne s’agit pas de faire de procès d’intention ou d’essayer de convaincre les uns et les autres ; nous défendons des positions justifiées et argumentées ! On peut toujours remettre en cause certains points, mais une chose est claire pour nous : nous ne souhaitons pas que notre modèle social soit financé par le biais d’une dette que l’on « refilera » aux générations suivantes.
Vous pouvez tout de même comprendre cela, monsieur Iacovelli ! Pour votre part, le texte vous satisfait : on paye par l’intermédiaire d’une nouvelle caisse, la Cades, et l’on invente une dépense qui se transforme en produit financier… « Tout va très bien, madame la marquise ! »
Mais il faudra bien rembourser la dette. Prolonger la Cades jusqu’en 2034, cela s’appelle de la cavalerie ! (Marques d’assentiment sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Husson. Très juste !
M. René-Paul Savary. Cela ne peut pas tenir, surtout à un moment où la crise sanitaire redémarre et où, même si la croissance repart, un certain nombre d’entreprises ont des difficultés à trouver des produits de première nécessité, ce qui entraînera une flambée des prix et, ensuite, une augmentation de l’inflation qui modifiera les taux d’intérêt.
Dans ce contexte, votre modèle ne tient pas. Et si jamais devait apparaître – je ne le souhaite pas ! – une autre crise sanitaire, plus grave, avec un virus résistant au vaccin, continuerions-nous à emprunter « quoiqu’il en coûte » ?
Cette politique est dangereuse ! C’est la raison pour laquelle nous devons alerter les Français. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Nous avons eu un beau débat sur le présent PLFSS. Il n’y avait pas de jeux de dupes, chacun défendait ses convictions et le ministre qui siégeait au banc expliquait la politique du Gouvernement. En revanche, monsieur Iacovelli, on sentait dès le début qu’il n’y avait pas de volonté d’aboutir.
M. Xavier Iacovelli. De notre côté ou du vôtre ?
M. Olivier Henno. Je parlais du Gouvernement. Je pensais que vous étiez parlementaire, mon cher collègue. Vous n’êtes pas encore ministre ! (Rires et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Cette « assimilation » est en effet amusante et curieuse…
M. Xavier Iacovelli. Pas d’interpellation personnelle !
M. Olivier Henno. Par ailleurs, j’enregistre avec humour votre plaidoyer pour le bicamérisme, que nous avons entendu avec plaisir : nous aurons l’occasion de nous en souvenir !
S’agissant de la dette, ceux qui se pencheront sur notre époque constateront que rarement dans l’Histoire autant de moyens ont été déployés – certes justifiés par la crise du covid-19 – sans qu’une réflexion soit menée sur la réforme structurelle de l’hôpital et de la médecine de ville. C’est une occasion manquée !
Nous voterons, bien évidemment, en faveur de cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix la motion n° 6, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 52 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 277 |
Contre | 66 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 est rejeté.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 30 novembre 2021 :
À neuf heures trente :
Questions orales.
À 14 h 30
Débat sur le thème « La contribution des politiques d’appui aux collectivités à l’aménagement et la cohésion des territoires » ;
Débat sur le thème « Quelle action de la France pour prendre en compte l’enjeu environnemental ? » ;
Débat sur le thème « La perte de puissance économique de la France (notamment en termes de compétitivité, d’innovation et de recherche) et ses conséquences sur la situation sociale et le pouvoir d’achat ».
Le soir :
Débat sur le thème : « Quel bilan de l’action du Gouvernement en matière de justice et de sécurité ? ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à quinze heures quarante-cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER