Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je m’en suis expliqué en interpellant ici le Premier ministre la semaine dernière, pour être confronté, dans mon département, à une difficulté inverse, je ne peux que partager la logique de cet amendement. Je m’interroge néanmoins sur l’applicabilité du dispositif proposé.
Sur le fond, on ne peut qu’être d’accord : le plan de relance n’a pas vocation à aider les entreprises à délocaliser leurs sites de production. Il ne doit pas non plus soutenir l’implantation de concurrents étrangers provenant de pays dont les frontières nous sont fermées…
Cela étant, au-delà de cet objectif, la solution proposée me semble soulever deux questions. Est-il possible juridiquement d’introduire une telle clause après l’octroi de plusieurs subventions ? Pour des groupes diversifiés, comment apprécier l’absence de délocalisation d’un site de production ?
Permettez-moi d’élargir le sujet : le plan de relance n’a pas non plus vocation à porter préjudice aux sites d’entreprises françaises dans nos territoires. Il ne me paraît en effet pas souhaitable de soutenir l’implantation d’entreprises étrangères originaires de pays dont les frontières nous sont fermées avec l’argent du plan de relance. Je sollicite donc l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le Gouvernement partage les mêmes réserves et les mêmes interrogations que M. le rapporteur général. L’objectif du plan de relance est, évidemment, de ne pas aider les entreprises adoptant les comportements décrits. Il est aussi de protéger les entreprises françaises. En droit, ce que vous proposez semble être une forme de double peine. Cet amendement paraissant peu applicable, j’y suis donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Pour ma part, je serais bien tenté de voter cet amendement… Jusqu’à présent, la majorité sénatoriale n’a pas marqué d’ambition particulière sur les aspects de conditionnalité. Je salue donc cet esprit d’ouverture. Ne fâchons pas le soldat !
Cet amendement ouvre le champ de la conditionnalité des aides. En l’espèce, c’est un point extrêmement important, d’autant que cette conditionnalité répond à une demande de nos concitoyens. Ces derniers, à juste titre, s’interrogent face aux exemples qui ont été cités. Je reste néanmoins prudent quant à la légalité du dispositif. Faut-il le réécrire ? Quoi qu’il en soit, votons-le !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Comme le président de la commission des finances vient de le souligner, cet amendement pose un problème juridique.
Pour autant, monsieur le ministre, il faut savoir de temps en temps profiter d’un débat dans l’hémicycle pour appeler le Gouvernement à davantage de cohérence dans le cadre des dispositifs du plan de relance. On entend en effet tout et son contraire, et de mauvais choix sont parfois opérés en matière de soutien industriel avec de l’argent public !
Vous parlez de souveraineté économique et d’aider certaines productions : il s’agit effectivement d’un élément important.
Quoi qu’il en soit, vous vous apprêtez à soutenir une entreprise venue d’Inde et concurrente de Saint-Gobain Pont-à-Mousson : 200 salariés au maximum seront concernés. Le tout grâce au plan de relance alors qu’il n’y a aucune production aujourd’hui. Les bras m’en tombent !
Les salariés et les industriels se posent des questions. À l’heure de la décarbonation, soutenue elle aussi par le plan France Relance, le marché de l’assainissement et de l’adduction d’eau en fonte a le vent en poupe. Ne faites-vous pas entrer le loup dans la bergerie ? Ne s’agit-il pas d’un cheval de Troie préjudiciable aux intérêts industriels et économiques français ?
Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour étudier solennellement cette question et revoir votre projet en ce qui concerne Saint-Gobain Pont-à-Mousson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Le rapporteur général, lors de sa deuxième intervention, a semblé s’exprimer dans un sens plus favorable. Je le rappelle, la clause anti-abus que je propose est bornée dans le temps et subordonnée à des conditions strictes. Elle s’avère dès lors strictement nécessaire et proportionnée à l’objectif visé.
Nous ne pouvons pas rester inactifs face à ces délocalisations. C’est la crédibilité globale du système qui est en cause si l’on ne cherche pas véritablement à les contenir. Faute de les encadrer, on encourrait de grandes difficultés. La double peine, elle est pour les salariés, qui la subissent durablement. Bref, il est temps d’agir.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 24 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 12
Une aide exceptionnelle de 100 euros est versée à toute personne âgée d’au moins seize ans résidant régulièrement en France que ses ressources, appréciées au regard de sa situation, rendent particulièrement vulnérable à la hausse du coût de la vie prévue pour le dernier trimestre 2021. Elle ne peut être versée qu’une fois.
Cette aide est à la charge de l’État. Elle est versée aux bénéficiaires par les personnes débitrices à leur égard de revenus d’activité, de remplacement ou de prestations sociales ou, à défaut, par tout autre organisme désigné par décret. Les sommes versées par les payeurs font l’objet d’un remboursement intégral, qui peut, dans le cas de payeurs redevables par ailleurs de cotisations et contributions sociales, prendre la forme d’une imputation sur ces cotisations et contributions.
L’aide exceptionnelle n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu ni aux contributions mentionnées à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale et au chapitre II de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
Le bénéfice de cette aide n’est pris en compte ni pour le calcul des revenus et ressources ouvrant droit aux allocations, prestations et avantages contributifs ou non contributifs ni pour déterminer, lorsque le droit est ouvert, le montant de ces allocations, prestations et avantages.
Un décret précise les conditions d’application du présent article, notamment les conditions de ressources requises des bénéficiaires, en fonction de leur situation, les modalités du versement de l’aide, les règles de priorité entre débiteurs en cas de pluralité de payeurs potentiels ainsi que, par dérogation à l’article L. 139-2 du code de la sécurité sociale, les modalités de versement aux organismes mentionnés au même article L. 139-2 des sommes dues au titre du remboursement intégral des aides versées ou de la perte de cotisations sociales liée à l’imputation mentionnée au deuxième alinéa du présent article.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 23 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Anglars, Babary, Bacci, Bas, Bascher, Bazin et Belin, Mmes Bellurot, Belrhiti et Berthet, MM. E. Blanc et J.B. Blanc, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonne et Bonnus, Mme Borchio Fontimp, M. Bouchet, Mmes Boulay-Espéronnier et V. Boyer, MM. Brisson, Burgoa et Cadec, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Courtial, Cuypers et Daubresse, Mmes Demas, Deroche, Deseyne, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mmes Garnier, F. Gerbaud, Gosselin et Goy-Chavent, MM. Gremillet et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Gueret et Hugonet, Mmes Imbert, Jacques et Joseph, MM. Karoutchi et Klinger, Mme Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. H. Leroy, Longuet et Meurant, Mme Micouleau, M. Milon, Mme Noël, MM. Panunzi, Pellevat et Piednoir, Mmes Primas, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Rapin et Regnard, Mme Richer, MM. Sautarel, Savary, Savin, Segouin, Sol et Somon, Mme Thomas et M. J.P. Vogel.
L’amendement n° 37 est présenté par M. Husson, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Vincent Segouin, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié.
M. Vincent Segouin. Par cet amendement, le groupe Les Républicains souhaite supprimer l’indemnité inflation annoncée par le Premier ministre et inscrite à l’article 12 du présent projet de loi.
La hausse des prix de l’énergie touche de très nombreux Français au pouvoir d’achat modeste ; cela nous rappelle l’épisode des « gilets jaunes ». En présentant une indemnité qui vise à compenser la hausse de l’inflation, le Gouvernement manque sa cible. Cette inflation est par ailleurs largement dépendante des prix de l’énergie : gaz, électricité et carburants. Or, la hausse des prix du gaz et de l’électricité sera prochainement bloquée par l’adoption de dispositions figurant dans le projet de loi de finances pour 2022. En réalité, elle apparaît davantage comme une « indemnité carburants ».
L’indemnité inflation présente plusieurs caractères.
D’abord, elle est inefficace : sans critère d’utilisation d’un véhicule conditionnant le bénéfice de l’indemnité, le Gouvernement risque d’accorder 100 euros à des Français qui n’utilisent pas de voiture pour se déplacer.
Ensuite, elle est injuste : puisqu’elle est forfaitaire, l’indemnité bénéficie indifféremment à un allocataire du revenu de solidarité active (RSA) et à un actif touchant moins de 2 000 euros net par mois.
En outre, elle n’est pas familialisée et l’effet de seuil de l’indemnité est particulièrement injuste : une infirmière à domicile qui a besoin de son véhicule plusieurs fois par jour et touchant 2 005 euros net sera exclue de son bénéfice, tandis qu’une personne gagnant 1 995 euros pourra l’obtenir, même si elle n’utilise pas de véhicule.
Enfin, elle est coûteuse : les entreprises devront avancer les 100 euros, avec un remboursement plus lointain par l’État ; des coûts de gestion informatique supplémentaires vont handicaper les petites entreprises. La mesure, financée par la dette, a un coût s’élevant à 3,8 milliards d’euros.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Les Républicains demande la suppression de l’indemnité inflation proposée à l’article 12.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 37.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons déjà abordé les dispositifs de remplacement lors de la discussion de l’article 4. Dans la logique que nous avons exprimée, il s’agit de remplacer, de mieux cibler, de viser plus d’efficacité et de familialiser, ainsi que d’assurer, en l’augmentant de 50 %, un soutien à ces personnes en situation difficile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Il s’agit d’un amendement « miroir » par rapport à celui qui a été adopté précédemment. Par cohérence, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à cette demande de suppression de l’indemnité inflation.
Mme la présidente. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Je me permets d’intervenir à ce stade, car j’ai déposé un amendement – l’amendement n° 41 rectifié ter – qui devait être discuté juste après ces deux amendements identiques, mais deviendra sans objet si ceux-ci venaient à être adoptés.
Par ces amendements, M. Retailleau et le rapporteur général soulignent une difficulté, celle de l’absence de familialisation. Au sein d’un même foyer, le fait qu’un individu ait des revenus très importants n’empêche pas son conjoint qui touche des revenus inférieurs à 2°000 euros de percevoir cette aide.
Ces amendements visent à supprimer purement et simplement l’indemnité inflation. De notre côté, nous proposons seulement de compléter le texte en précisant que la situation du bénéficiaire s’apprécie non pas au niveau personnel, mais au niveau du foyer fiscal, afin de mieux cibler l’aide sur les foyers en difficultés. Ce faisant, on répondrait à deux principales critiques : le coût et la familialisation de l’aide.
Voilà pourquoi je ne voterai pas ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Rambaud, pour explication de vote.
M. Didier Rambaud. Ces amendements de suppression sont, pour mon groupe, le nœud de ce débat. Comme l’écrivent leurs auteurs, ils visent à supprimer une mesure « qui répond une nouvelle fois à une logique de “chèque en bois” » ; « injuste » et « inefficace », elle témoigne d’un « bricolage budgétaire ».
Vous osez parler de « bricolage budgétaire » alors que, à l’article 4, on nous a présenté un dispositif improvisé, dont on ne connaît pas précisément le nombre de bénéficiaires –5 millions, 10 millions ? En revanche, on sait déjà qui en sera exclu : les travailleurs indépendants, les demandeurs d’emploi, les retraités…
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est faux !
M. Didier Rambaud. … les salariés dont le revenu est compris entre 1,5 et 1,6 fois le SMIC et les étudiants boursiers.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Bien sûr que non !
M. Didier Rambaud. La proposition du Gouvernement me paraît simple. La mesure est large et équitable…
M. Michel Savin. Mais injuste !
M. Didier Rambaud. Son cadre est bien défini ; elle touche plus de 38 millions de bénéficiaires. Voilà pourquoi le groupe RDPI ne votera pas ces amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Le dispositif prévu à l’article 12 toucherait 38 millions de bénéficiaires. Cela pose beaucoup d’interrogations. Nous sommes conscients que bon nombre de nos concitoyens ont des problèmes de pouvoir d’achat ; le prix des carburants pèse fortement sur le budget de ceux qui utilisent leur voiture quotidiennement.
L’indemnité inflation, financée sur le budget de l’État à hauteur de 3,8 milliards d’euros, est répartie sur plusieurs missions. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », dont nos collègues Éric Bocquet et Arnaud Bazin sont rapporteurs spéciaux, est la plus touchée, avec 3,2 milliards d’euros de crédits. De but en blanc, et très rapidement, les cartes ont été rebattues ; on en vient à instaurer des dépenses supplémentaires significatives.
Compte tenu de leurs arguments, je me rallierai à la position de M. Segouin et du rapporteur général.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Il y a quelque chose de savoureux à lire l’objet de cet amendement et à le comparer avec le dispositif que le rapporteur général a proposé plus tôt. À vrai dire, beaucoup des reproches qui sont faits à l’indemnité inflation peuvent être dirigés contre la mesure que M. Husson a défendue. Je tenais à souligner ce manque de cohérence, compte tenu notamment des effets de seuil, des phénomènes d’éviction et de l’efficacité. Je pourrais continuer, mais ce serait un peu cruel…
Il s’agit là d’un article « miroir » de l’article 4. Tout à l’heure, nous nous sommes abstenus ; nous nous abstiendrons de nouveau sur ces amendements qui, pour le coup, sont particulièrement restrictifs. Encore une fois, on peut tout reprocher au Gouvernement, mais la mesure qu’il présente est large. Bien que le rapporteur général se soit efforcé de trouver une solution qui aille au-delà d’une coupe sèche, nous ne la voterons pas.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nous nous abstiendrons également sur ces amendements de suppression. Aucune des deux propositions pour venir en aide aux Français qui sont victimes de l’augmentation des prix de l’énergie n’est satisfaisante.
La suppression de l’article 12 n’est pour nous pas concevable : 3,8 milliards d’euros ne seraient pas de trop pour soutenir les ménages modestes et ceux des classes moyennes. Cela dit, il nous semble difficile de soutenir les grandes largesses du Gouvernement à la veille des élections. Car ces largesses d’aujourd’hui sont la justification de l’austérité de demain ! Le Gouvernement aura beau jeu demain d’invoquer les dettes abyssales qu’il contribue à créer aujourd’hui à coups de réductions d’impôts et par ce genre de mesures qui ne sont pas financées, alors qu’elles devraient l’être par une meilleure redistribution.
Aussi, nous ne sommes d’accord ni avec la suppression totale de l’indemnité inflation ni avec la proposition de M. le rapporteur général. Ainsi que l’indiquait M. Capo-Canellas, c’est une discussion « miroir ». Nous nous abstiendrons.
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Par cohérence avec le vote qui a été émis plus tôt, et dans une logique de progression de la discussion budgétaire, nous nous abstiendrons.
Dans l’esprit, nous nous abstiendrons sur l’amendement n° 37. Si seul l’amendement n° 23 rectifié avait été déposé, nous aurions voté contre.
Même si ces amendements sont identiques, ils relèvent de deux discours différents.
L’amendement n° 37 tend certes à supprimer l’indemnité inflation, mais le rapporteur général, aux amendements nos 61 et 62, a proposé un autre dispositif, discutable certes, mais que le Sénat adopté.
L’amendement n° 23 rectifié, quant à lui, manifeste l’intention initiale du groupe Les Républicains de supprimer l’indemnité inflation uniquement parce qu’elle constituerait un « chèque en bois », qu’elle serait inefficace et qu’il ne faudrait la remplacer par aucun autre dispositif. Nous pensons que cette indemnité est insuffisante. Cependant, elle est, en elle-même, indispensable. Nous sommes donc en profond désaccord avec nos collègues du groupe Les Républicains.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Les primes sont toujours un sujet d’interrogation pour les membres de la commission des affaires sociales, car elles ne sont pas soumises à cotisations. Donner davantage de pouvoir d’achat a le même effet qu’un salaire supplémentaire, sauf qu’il n’y a pas de cotisations, donc pas de recettes pour le budget de la sécurité sociale. Cela contribue indirectement à aggraver nos difficultés à équilibrer ce budget, d’autant plus quand on considère le déficit que le Gouvernement nous a présenté la semaine dernière. Nous avons certes voté des amendements, mais ce déséquilibre sera très difficile à rattraper et pèsera sur les générations futures.
Le système des primes n’est pas bon, je ne suis sûrement pas le seul à le penser. La proposition du rapporteur général est déjà plus ciblée – il faut bien affronter les difficultés. Mais quelles seront les réponses face à la crise qui va continuer ? L’inflation risque de monter, on ne maîtrise pas le prix du pétrole. Jusqu’au mois d’avril, on répondra à chaque fois par des chèques – après, la réponse changera peut-être…
Encore une fois, cette mesure est financée par la dette. On continue la cavalerie financière ; pour faire face aux problèmes d’une génération, on reporte le coût sur les générations suivantes. Cela ne peut pas durer aussi longtemps que les contributions, ou alors on va droit dans le mur ! C’est la raison pour laquelle il vaut mieux trouver un dispositif plus ciblé, comme celui qui a été proposé par le rapporteur général.
Du reste, nous voterons l’amendement présenté par Bruno Retailleau.
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. J’avoue notre embarras. Pourquoi les Républicains ne retirent-ils pas leur amendement au profit de celui du rapporteur général ? Que se passe-t-il ? Leurs conclusions sont les mêmes… La vérité des prix, si j’ose dire, c’est peut-être que le groupe Les Républicains n’avait pas d’autre choix que de déposer cet amendement de suppression ; son président en a pris la responsabilité.
Pour notre part, nous voterons contre l’amendement n° 23 rectifié, car aucun autre dispositif n’est proposé, et nous nous abstiendrons sur l’amendement n° 37. Bien entendu, nous nous exprimerons de nouveau lors des explications de vote sur l’ensemble.
Retirez votre amendement, mes chers collègues, cela tourne au ridicule ! D’autant que les échéances sont pour vous importantes.
M. Jérôme Bascher. Pour vous aussi !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je me trouve être d’accord avec la totalité des idées que notre collègue Savary a exprimées. Lorsque l’on verse une prime, il n’y a pas de cotisations sociales : c’est une évidence, mais il fallait la rappeler. Les hausses de tarifs et de prix vont-elles se poursuivre au même rythme ? Va-t-on continuer d’octroyer des primes à l’infini ?
Tous ces points sont justes, monsieur Savary. Il n’y a que votre conclusion que je n’ai pas bien comprise : vous dites soutenir la proposition du rapporteur général qui, comme celle du Gouvernement, bâtie sur d’autres principes, consiste à garantir un soutien par des primes. Il faut aller plus loin, mon cher collègue, et traiter le fond de ce sujet.
La question n’est pas de savoir comment on attribue les primes ni à quel montant on les porte. D’ailleurs, ces deux dispositifs sont conçus dans l’urgence. On devrait plutôt travailler à simplifier les choses. Disons-le : il y a un problème de salaires dans notre pays ! (M. Jérôme Bascher approuve.)
L’État se grandirait à prendre l’initiative d’une grande réflexion sur les salaires. Aujourd’hui, plus qu’il y a quelques mois en tout cas, le Mouvement des entreprises de France (Medef) ouvre la porte à ce type de discussion. (Mme Pascale Gruny s’exclame.) Bien entendu, les visions sont différentes selon les secteurs et les branches – certaines branches sont à l’arrêt.
Tout le reste ressemble à du bricolage. Nous devons ouvrir une grande négociation salariale : l’État peut et doit l’encourager.
M. Jérôme Bascher. C’est vrai !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Cela permettrait de résoudre beaucoup de choses. N’ayons pas peur de ce débat, nous verrons bien comment il sera tranché. En attendant, il est très difficile de choisir entre les deux solutions qui sont proposées. Je partage l’avis de Rémi Féraud : l’abstention, pour mon groupe, est de mise.
J’insiste, n’ayons pas peur d’engager cette discussion salariale qui n’a pas eu lieu depuis très longtemps.
M. Jérôme Bascher. Eh oui !
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Il faudra bien la mener un jour, d’autant plus qu’aujourd’hui bon nombre de secteurs connaissent un regain d’activité et que, dans certaines branches qui avancent vite, les gains engrangés sont considérables.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.
M. Vincent Segouin. J’ai bien écouté tous les arguments ; je rejoins ce qui a pu être dit ici et là. Notre groupe avait un début de solution : une prime pour compenser la hausse du prix des carburants, qu’il fallait lier à l’utilisation d’un véhicule. En réalité, nous avons maintenu notre amendement, car il a été déposé avant celui de la commission. Quoi qu’il en soit, prenant acte de vos commentaires, nous le retirons.
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 37.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 42 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 197 |
Pour l’adoption | 146 |
Contre | 51 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 12 est supprimé et l’amendement n° 41 rectifié ter n’a plus d’objet.
Après l’article 12
Mme la présidente. L’amendement n° 57 rectifié, présenté par M. Savin, Mme Lavarde, M. Charon, Mme L. Darcos, MM. Belin et Wattebled, Mme Belrhiti, MM. Pellevat et Genet, Mme N. Delattre, M. Kern, Mmes Malet et Puissat, MM. Cadic, Regnard, Grosperrin, Hugonet et B. Fournier, Mmes Dumont et Imbert, M. C. Vial, Mmes de La Provôté, Berthet et Billon et M. P. Martin, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 182 B bis du code général des impôts, il est inséré un article 182 B ter ainsi rédigé :
« Art. 182 B ter – I. – Sur option du contribuable, et sauf disposition contraire des conventions internationales, sont soumis à une retenue à la source libératoire de l’impôt sur le revenu, et le cas échéant de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, les revenus versés au titre de prestations sportives fournies ou utilisées en France par des personnes n’y ayant pas leur domicile fiscal au sens de l’article 4 B.
« Les dispositions du présent article sont applicables aux contribuables qui participent librement, pour leur propre compte, à une compétition sportive en France tel que prévu à l’article L. 222-2-11 du code du sport, et non aux contribuables liés à l’organisateur de la compétition ou au débiteur du gain par un contrat de travail.
« II. – L’option pour la retenue à la source libératoire est annuelle et exercée par le contribuable lors du premier versement de revenus mentionnés au I au cours d’une année civile. Cette option est expresse et irrévocable pour le reste de l’année civile.
« III. – Les revenus à prendre en considération pour l’application de cette retenue à la source libératoire sont l’ensemble des revenus bruts à verser par le débiteur au contribuable liés aux prestations sportives fournies ou utilisées en France.
« Ils sont diminués d’une déduction forfaitaire de 34 %.
« IV. – La retenue à la source libératoire est calculée en appliquant au revenu imposable le taux de :
« - 20 % pour la fraction inférieure ou égale à 25 000 € ;
« - 30 % pour la fraction supérieure à 25 000 € et inférieure ou égale à 75 000 € ;
« - 40 % pour la fraction supérieure à 75 000 € et inférieure ou égale à 200 000 € ;
« - 45 % pour la fraction supérieure à 200 000 €.
« Afin que le débiteur soit en mesure de déterminer le taux de la retenue à la source applicable aux revenus versés au contribuable, le contribuable doit l’informer des revenus déjà versés en France durant l’année fiscale selon des modalités précisées par décret.
« V. – Les contribuables ayant opté pour la retenue à la source libératoire sont dispensés d’obligation déclarative au titre des revenus soumis à cette retenue.
« VI. – Le débiteur des revenus soumis à la retenue à la source libératoire, qu’il soit situé en France ou à l’étranger, est chargé de calculer la retenue applicable et de la reverser aux autorités fiscales au plus tard le 15 du mois suivant le mois de versement des revenus soumis à retenue à la source libératoire.
« Le débiteur transmet aux autorités fiscales avant le 31 janvier de l’année suivante un état récapitulatif annuel mentionnant les noms des contribuables à qui des revenus soumis à cette retenue ont été versés, ainsi que le montant des revenus, et de ladite retenue.
« Le débiteur fournit également au contribuable, concomitamment au versement des revenus mentionnés au III, un justificatif attestant du montant des revenus soumis à la retenue à la source libératoire ainsi que le montant de la retenue.
« VII. – Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux sommes versées à des personnes domiciliées ou établies dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A, sauf si le débiteur apporte la preuve que ces sommes correspondent à des opérations réelles qui ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un État ou territoire non coopératif. Ces personnes restent imposables dans les conditions du III de l’article 182 B. »
II. – Au a de l’article 197A du code général des impôts, après les mots : « perçoivent des revenus de source française », sont insérés les mots : « autres que ceux ayant fait l’objet de la retenue à la source libératoire mentionnée à l’article 182 B ter ».
III. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret.
IV. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2022.
V. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Savin.