M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, nous connaissons votre persévérance !
Vous nous alertez sur l’état des finances publiques, mais vous n’êtes pas le seul. Bien sûr, un tel amendement ne peut pas être adopté, ce qui ne vous surprendra pas. En effet, il vise à modifier un simple intitulé, qui reprend lui-même une formulation de la loi organique relative aux lois de finances.
De plus, vous parlez ici de l’équilibre financier et non de l’équilibre budgétaire. Certes, le budget est en déséquilibre de manière structurelle, mais, d’un point de vue comptable, l’équilibre financier est atteint, vous le savez, puisque l’État emprunte pour combler son besoin de financement.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Delahaye, l’amendement n° 38 est-il maintenu ?
M. Vincent Delahaye. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
Avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 13 rectifié bis, présenté par MM. Levi, Mizzon, Laugier, Moga, Lafon, Hingray, Chauvet, Maurey et Détraigne, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le II de l’article 267 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Pour les supercarburants mentionnés aux indices d’identification 11 et 11 bis et le gazole mentionné à l’indice d’identification 22 du tableau B de l’article 265 du code des douanes, la valeur de la taxe prévue au même article. »
II. – Le I du présent article est applicable jusqu’au 31 décembre 2022 inclus.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pierre-Antoine Levi.
M. Pierre-Antoine Levi. Avec la hausse des prix du carburant que les Français subissent depuis plusieurs semaines, la liberté d’aller et venir sera bientôt un luxe pour un grand nombre de nos compatriotes.
En effet, dans de très nombreuses parties de la France, principalement périurbaines et rurales, l’usage d’un véhicule est indispensable, car le maillage de transports en commun n’est pas satisfaisant, loin de là.
Le litre du gasoil atteint 1,50, 1,60, parfois même 1,70 euro. Où les prix s’arrêteront-ils ?
Le prix d’un litre de carburant est renchéri de près de moitié par la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Certes, les buts écologique et comportemental de ce prélèvement sont louables. En revanche, comment accepter que cette taxe entre dans l’assiette de la TVA ? Un impôt sur l’impôt relève réellement du génie français – mais cette créativité-là, personne ne nous l’envie.
Il s’agit donc d’un amendement de bon sens. Sur le front du pouvoir d’achat, il faut donner un véritable coup de pouce à nos compatriotes qui ne peuvent se passer de leur véhicule et éprouvent de plus en plus de difficultés à boucler leur budget « carburant ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, il s’agit apparemment d’une mesure de bon sens, dont je comprends d’ailleurs l’idée. Toutefois, le fait d’exclure les taxes de la base d’imposition de la TVA est contraire au droit européen.
L’argument selon lequel l’État accroît ses recettes en raison de la hausse des prix des carburants et qu’il devrait reverser aux ménages les sommes ainsi perçues ne vaut pas, en l’espèce. En effet, le rendement de la TVA appliquée à la TICPE n’est pas corrélé à la hausse du prix des carburants. La relation entre les deux est même plutôt décroissante.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je le confirme : cette disposition découle du droit communautaire.
Aussi, le Gouvernement demande lui aussi le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Levi, l’amendement n° 13 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Pierre-Antoine Levi. Oui, je le maintiens, monsieur le président !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 29, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 267 bis du code général des impôts, il est inséré un article 267 … ainsi rédigé :
« Art. 267 … – Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature sont exclus de la base d’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée pour la fourniture d’eau, de gaz par le réseau de distribution de gaz naturel, et d’électricité. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, cet amendement tend à supprimer les taxes sur les taxes de l’énergie.
Il n’est plus à prouver que le groupe communiste s’emploie à faire contribuer les personnes les plus aisées et les grands groupes afin de restaurer le consentement à l’impôt. Or, pour atteindre une réelle adhésion à l’impôt et aux taxes, il faut absolument en finir avec les taxes qui taxent des taxes. (Sourires.)
Les enjeux financiers sont considérables : selon les calculs de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, ils sont de l’ordre de 4,6 milliards d’euros.
En 2018, les consommateurs ont ainsi payé en double taxation un milliard d’euros sur l’électricité, 200 millions d’euros sur le gaz et autant sur le fioul domestique. Sur une facture moyenne de chauffage, la « double peine fiscale » s’élève à 62 euros par an pour les ménages chauffés au fioul, à 56 euros pour les ménages chauffés à l’électricité et à 31 euros pour les ménages chauffés au gaz. De plus, sur chaque litre d’essence, ce sont 14 centimes d’euros qui sont payés en TVA sur la TICPE, soit plus que sur l’essence elle-même.
La suppression de ces taxes permettrait de contenir et même de réduire à néant la hausse des prix de l’électricité. Le Gouvernement a choisi de limiter cette hausse à 4 % : c’est un choix politique, d’autant que l’augmentation sera probablement lissée.
Le phénomène d’augmentation des prix de l’énergie constitue une tendance de fond qui risque de s’accentuer à mesure que le mix énergétique inclura davantage de renouvelable. L’énergie nucléaire est moins chère, décarbonée et pilotable. Nous avons besoin de nucléaire et de renouvelable.
Toutefois, des mesures pérennes doivent être prises pour limiter l’impact de cette transition progressive sur le montant des factures et, in fine, sur le budget des ménages.
Alors que le consentement à l’impôt a été gravement écorné par ce quinquennat, il est bon de rappeler à ceux qui l’oubliaient ceci : il faut savoir prendre les mesures qui s’imposent. Rappelez-vous, beaucoup de gens nous ont fait part du mécontentement que leur inspirait l’augmentation des taxes sur les carburants. Certains évoqueront les « gilets jaunes », mais le mouvement va bien au-delà.
Je me demande ce que penseraient nos concitoyens si, massivement, ils apprenaient qu’ils payent non seulement des taxes sur les énergies, mais aussi des taxes sur les taxes.
M. le président. Il faut conclure.
M. Pascal Savoldelli. La suppression de ces prélèvements pourrait justement constituer un levier pour baisser leurs factures dans un contexte d’explosion des prix.
Bref, supprimons les taxes sur les taxes pour ne pas ajouter de la précarité à la précarité !
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié, présenté par M. Delahaye, Mme C. Fournier, M. Canévet, Mmes de La Provôté et Férat, MM. Cadic, Bonneau et Laugier, Mmes Sollogoub et Loisier et MM. Le Nay et Détraigne, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 267 du code général des impôts, il est inséré un article 267… ainsi rédigé :
« Art. 267 …. – Par dérogation au 1° de l’article 267, l’ensemble des taxes et contributions au titre de la consommation finale d’électricité ne sont pas inclus dans la base d’imposition. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Ces dispositions vont dans le même sens, mais elles sont restreintes à l’électricité.
Il faut rappeler que l’électricité est l’énergie la plus décarbonée que l’on puisse obtenir en France, grâce au nucléaire et à l’hydroélectricité. Aussi, pour être vertueux, c’est d’abord en sa faveur qu’il faut supprimer la TVA sur les taxes, notamment la contribution au service public de l’électricité (CSPE), les taxes locales sur la consommation finale d’électricité (TLCFE) et la contribution tarifaire d’acheminement (CTA).
Personne ne comprend que l’on prélève des taxes sur les taxes. Une telle suppression ferait baisser le prix de l’électricité, énergie que tout le monde consomme. Dès lors, tout le monde bénéficierait de cette mesure, qui éviterait peut-être au Gouvernement de signer des chèques électoraux à la veille du scrutin présidentiel pour tenter de contrer l’inflation.
D’ailleurs, on ne sait pas comment la situation va évoluer. Certes, les prix des matières premières et de l’énergie se sont envolés, mais qu’en sera-t-il dans deux ou trois mois ? À quel niveau seront-ils au mois février prochain ?
Monsieur le ministre, admettons que ces prix aient encore doublé. Que faire, alors ? Persister dans cette politique en signant un nouveau chèque ? À l’inverse, si les prix diminuaient, demanderait-on le remboursement du chèque précédent ?
Je ne comprends pas cette logique, ou plutôt je la comprends trop bien : ces chèques ponctuels n’ont qu’un intérêt électoral. Pour ma part, je préfère largement réduire les doubles taxations de manière définitive, notamment dans le secteur de l’électricité, puisqu’il s’agit d’une énergie décarbonée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, j’entends vos arguments et, mieux encore, je les comprends. Néanmoins, je le répète, d’autant que cette observation vaut pour un certain nombre d’autres amendements ayant pour objet les taxes sur les taxes : exclure les taxes de la base d’imposition de la TVA est contraire au droit européen.
Ces dispositions résultent d’un article de la directive relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée de 2006, dite directive TVA, laquelle a, depuis – c’est normal et c’est même heureux –, été transposée dans notre code général des impôts.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de ces deux amendements, même si, comme l’a rappelé M. Delahaye, ils n’ont pas tout à fait le même objet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. L’article 78 de la directive TVA de 2006 ne m’a pas échappé, monsieur le rapporteur général.
Au cours des dernières années, le Gouvernement n’a pas particulièrement insisté sur cette question auprès de l’Union européenne, et je le déplore. Hier, lors du débat sur les priorités de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), je ne l’ai pas non plus entendu sur ce point.
Or il me paraît indispensable que la question de la TVA sur l’eau et l’énergie revienne en discussion. À l’évidence, nous sommes face à un enjeu de transposition.
En vertu de l’article 78, un certain nombre d’éléments « sont à comprendre » dans la base d’imposition de la TVA. Ne pourrait-on remplacer ces termes par « peuvent être compris » ? Ce faisant, on laisserait aux États membres la liberté dont ils ont besoin.
Tôt ou tard, il faudra donner à Bruxelles un signal de la volonté française d’avancer dans cette direction. Si tel n’est pas le souhait du Gouvernement, il faut qu’il le dise – je n’ai pas entendu M. le ministre sur ce sujet. En tout cas, il faut fixer un cap.
Pour ma part, je soutiens cette solution de toutes mes forces. Non seulement elle permettrait de restituer du pouvoir d’achat aux Français, mais elle rendrait notre système fiscal plus compréhensible.
Cette mesure se justifie pour l’électricité comme pour l’eau, car ce sont deux ressources produites en France : il n’est pas nécessaire de les importer. En outre, je le répète, l’électricité est propre.
Cette réduction du champ de la TVA est d’autant plus souhaitable qu’elle sera très facile à contrôler : on pourra s’assurer sans aucune difficulté que les sociétés concernées n’ont pas augmenté leurs tarifs. Il n’en est pas de même lorsque l’on baisse la TVA dans le secteur de la restauration : en définitive, ces réductions ne se répercutent pas sur les prix, ce qui est tout de même regrettable.
Pour ces raisons, je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 1er.
M. Pascal Savoldelli. Vous auriez pu adopter l’amendement précédent, mes chers collègues !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 44, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué, au profit de l’État, une contribution exceptionnelle sur le résultat net réalisé lors de l’année 2021, par les fournisseurs d’électricité, de gaz naturel et de carburant.
Le montant de la contribution est calculé en appliquant un taux de 10 %.
II. – A. – Le fait générateur de la contribution prévue au I du présent article est constitué par la publication de la présente loi. La contribution est exigible au lendemain de la publication de la présente loi. Elle est déclarée et liquidée par le redevable au plus tard le 31 décembre 2021.
La contribution est contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
B. – Tant que le droit de reprise de l’administration est susceptible de s’exercer, les redevables conservent, à l’appui de leur comptabilité, l’information des sommes encaissées en contrepartie des opérations taxables.
Ces informations sont tenues à la disposition de l’administration fiscale et lui sont communiquées à première demande.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Mes chers collègues, nous sommes tous d’accord dans cet hémicycle pour l’admettre : il y a un problème de pouvoir d’achat dans notre pays, en particulier en matière d’énergie. Si nos propositions diffèrent à cet égard, nous sommes tous prêts à aider les ménages les plus en difficulté. En outre, nombre d’entre vous regrettent le niveau d’endettement de notre pays.
Aussi, nous vous proposons une taxe exceptionnelle de 10 % sur les profits réalisés par les fournisseurs d’énergie en 2021. Une telle mesure permettrait de financer les aides exceptionnelles : à profits exceptionnels, taxes exceptionnelles ; à dépenses exceptionnelles pour les Français, aides exceptionnelles.
En réponse à l’augmentation des prix de l’énergie, le Gouvernement a présenté son bouclier tarifaire. Toutefois, nous savons que ce dispositif entérine les hausses colossales enregistrées depuis le mois de juillet dernier.
De leur côté, Engie, Total et Électricité de France (EDF) ont réalisé 13 milliards d’euros de profits au premier semestre 2021 et cet enrichissement spectaculaire ne semble pas près de s’arrêter.
Il faut mettre à contribution les entreprises qui dégagent ces profits exceptionnels. Ainsi, nous répondrons à une inquiétude très souvent exprimée sur ces travées en luttant contre les déficits excessifs des finances publiques.
M. le président. L’amendement n° 31, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Il est institué, au profit de l’État, une contribution exceptionnelle sur le résultat net réalisé lors des six premiers mois de l’année 2021, par les fournisseurs d’électricité, de gaz naturel et de carburant.
Le montant de la contribution est calculé en appliquant un taux de 10 %.
II. – Le fait générateur de la contribution prévue au I du présent article est constitué par la publication de la présente loi. La contribution est exigible à compter de la promulgation de la présente loi. Elle est déclarée et liquidée par le redevable au plus tard le 31 décembre 2021.
III. – La contribution est contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
IV. – Tant que le droit de reprise de l’administration est susceptible de s’exercer, les redevables conservent, à l’appui de leur comptabilité, l’information des sommes encaissées en contrepartie des opérations taxables.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Nous pensons nous aussi que les fournisseurs d’énergie devraient contribuer à la lutte contre l’inflation et au soutien aux ménages.
La spirale inflationniste qui guette notre pays profite aux fournisseurs ainsi qu’aux finances publiques, le produit de la TICPE augmentant de 3,2 milliards d’euros.
Au fond, les seuls qui risquent de subir la crise, ce sont les consommateurs, particuliers comme entreprises. On le sait, l’énergie représente un poste budgétaire considérable pour les uns comme pour les autres.
D’ailleurs, les fournisseurs se portent on ne peut mieux – Mme Taillé-Polian l’a rappelé. Engie prévoit un bénéfice net de l’ordre de 2,3 milliards d’euros pour 2021. De son côté, Total a multiplié ses bénéfices par vingt-trois au troisième trimestre de cette année ; nous y reviendrons dans un instant.
Selon Engie, « les conditions de marché se sont améliorées au cours de l’année pour la production nucléaire et hydraulique en France, qui bénéficie de prix de marché de l’électricité plus élevés ». En d’autres termes, les Français paieront non seulement l’envol des bénéfices des fournisseurs, mais aussi les mesures gouvernementales.
En effet, le Gouvernement a choisi, non seulement de ne pas toucher aux bénéfices des fournisseurs, mais aussi de rendre neutre en valeur le gel des tarifs du gaz en prévoyant des mesures de compensation.
Selon nous, cette taxe interviendrait à un moment opportun. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a mis en garde les fournisseurs alternatifs qui profitent de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh). On parle de rabais jusqu’à deux fois moins élevés que le prix de gros.
Depuis l’ouverture du marché à la concurrence, en 2007, ces fournisseurs fixent leurs prix quasi librement. Les consommateurs qui ont fait appel à eux ne sont pas protégés contre une flambée des prix de l’énergie. Il était tentant, pour certains fournisseurs, de répercuter la hausse spectaculaire actuelle sur leurs clients. De fait, la CRE observe des pratiques abusives, avec des augmentations de tarifs pouvant atteindre 30 %. Une juste contribution de ces groupes serait de bon aloi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ces amendements visent à créer une contribution exceptionnelle sur le résultat net réalisé lors des six premiers mois de l’année 2021, par les fournisseurs d’électricité, de gaz naturel et de carburant.
Je rappelle que les fournisseurs de gaz pâtiront déjà du gel des tarifs réglementés acté par le Gouvernement jusqu’au mois de juin 2022, voire jusqu’à la fin de l’année. Pendant cette période, Engie, tout comme les fournisseurs d’offres de marché indexées aux tarifs réglementés de vente (TRV), s’approvisionneront donc sur les marchés de gros à des prix élevés, sans pouvoir répercuter ceux-ci sur leurs clients : leur manque à gagner sera donc important pendant l’hiver 2021-2022.
De ce fait, dans ce contexte de gel tarifaire, une mise à contribution aggraverait les difficultés du secteur. Il en irait de même pour les fournisseurs d’électricité.
Je me souviens des débats que nous avons eus l’an passé durant la crise sanitaire : certains secteurs économiques ont été montrés du doigt, avant que l’on ne s’aperçoive que leurs résultats n’étaient pas aussi bons que ceux qui avaient été annoncés dans cet hémicycle.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Cette explication de vote fait écho à une question d’actualité que j’ai posée au Gouvernement la semaine dernière.
Vous venez de le rappeler, monsieur le rapporteur général, on ne peut pas toujours aider les mêmes. À situation exceptionnelle, des mesures exceptionnelles doivent être prises ! Inversement, cela ne peut pas être toujours aux mêmes, à savoir les plus faibles, de se serrer encore plus la ceinture.
Certes, des erreurs ont parfois pu se glisser dans les projections économiques faites au début de la crise. Jusqu’à preuve du contraire, cependant, au-delà même du sujet de l’énergie, dans le secteur du commerce, par exemple, on observe qu’Amazon et d’autres continuent à se porter très bien. Or on ne les taxe toujours pas davantage, ce qui a des conséquences négatives pour les commerces de centre-bourg, qui sont régulièrement en difficulté et que l’on vient alors soutenir avec de l’argent public.
Au travers de l’amendement n° 31, nous voulons démontrer qu’il y a aujourd’hui des ressources et des richesses dans notre pays. Certains ne connaissent pas la crise, et ce n’est pas une insulte que de le dire ! Oui, dans les périodes les plus difficiles, les entreprises qui dégagent le plus de bénéfices doivent contribuer, plus fortement que les autres, à l’effort de solidarité nationale. Tels sont les véritables termes du débat.
Est-ce à nos concitoyens de payer, ceux-là mêmes que l’on culpabilise en leur disant qu’ils consomment mal, qu’ils ne savent pas isoler leur logement et qu’ils doivent se débrouiller pour payer leurs factures ? Ne vaut-il pas mieux mettre à contribution à titre exceptionnel, au vu de la flambée des prix, les entreprises qui font des bénéfices ? Ainsi, tout le monde pourra se chauffer tranquillement cet hiver, quelle que soit d’ailleurs l’énergie choisie.
M. le président. L’amendement n° 26, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 1er de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le bénéfice du dispositif de créance de report en arrière de déficit est conditionné par le non-versement de dividendes sur les exercices déficitaires ouvrant droit à l’imputation. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Comme l’a rappelé Pascal Savoldelli lors de la discussion générale, un amendement à l’objet similaire a déjà été voté au Sénat, avant de disparaître en commission mixte paritaire.
Il s’agit de conditionner le bénéfice du dispositif de report en arrière des déficits – le fameux carry back, comme dirait Boris Johnson de l’autre côté de la Manche (Sourires.) – au non-versement de dividendes.
Loin de profiter aux TPE-PME, ce dispositif bénéficie essentiellement aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) et aux grandes entreprises, surtout depuis le déplafonnement opéré lors de la précédente loi de finances rectificative. À l’Assemblée nationale, même le rapporteur général et le président de la commission des finances le reconnaissent.
Nous avons donc étudié le comportement des entreprises qui connaissent des problèmes de trésorerie. Nous avons déjà cité Total, qui a multiplié ses bénéfices par vingt-trois. En 2020, ce groupe a versé 7,6 milliards d’euros de dividendes, malgré une perte nette consolidée de 7,3 milliards d’euros. Il perd de l’argent, mais verse des dividendes : allez comprendre !
Pis, cette entreprise a émis des obligations à hauteur de 15,8 milliards d’euros pour verser un dividende plus que généreux sur sa trésorerie. Le taux de retour à l’actionnaire est de 46 %.
On me rétorquera que cela n’a rien d’illégal – c’est vrai. L’article L. 232-11 du code de commerce dispose en effet que les dividendes peuvent être prélevés sur les réserves. Toutefois, comme pour se prémunir d’un comportement « limite », voire amoral, le législateur s’est senti obligé de préciser : « Toutefois, les dividendes sont prélevés par priorité sur le bénéfice distribuable de l’exercice. »
Tel est le sens de cet amendement.