M. Jérôme Bascher. Voilà !
M. Rémi Féraud. En attendant, la discussion de ce projet de loi de finances rectificative est la dernière occasion, avant le projet de loi de finances pour 2022, d’agir sérieusement et concrètement pour le pouvoir d’achat des Français, confrontés à l’inflation en ce moment très délicat de sortie, fragile et incertaine, de la crise économique.
Cette crise a été sans précédent ; elle mérite des efforts exceptionnels ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative nous apporte des nouvelles rassurantes.
Depuis deux ans, nous nous étions presque habitués à voter des budgets rectificatifs destinés à faire face à la dégradation des perspectives sanitaires et économiques.
Aujourd’hui, la situation est différente : l’amélioration des perspectives économiques et de nos finances publiques nous permet de retrouver un projet de loi de finances rectificative d’une autre nature, avec un déficit en net recul, le redéploiement des crédits de la relance, l’annulation de certaines dépenses d’urgence que la reprise a rendues sans objet et une réponse forte apportée, sans surcoût pour nos finances publiques, au retour de l’inflation, suite naturelle de l’effort substantiel de soutien économique consenti à l’échelle mondiale.
Ce projet de loi de finances rectificative table donc sur un taux de croissance en nette amélioration, à 6,25 %. Cela représente 1,25 point de plus que l’hypothèse fixée dans la première loi de finances rectificative de l’année, et même 0,25 point de plus que celle qui a été retenue lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2022, voilà à peine plus d’un mois. Ce n’est sans doute pas fini, les dernières estimations publiées semblant situer ce taux de croissance entre 6,5 % et 6,8 %.
Il en découle des perspectives favorables pour nos finances publiques. Les recettes fiscales de l’État devraient être supérieures de 18,6 milliards d’euros au montant prévu lors de la précédente loi de finances rectificative pour 2021. La situation de l’emploi est en nette amélioration, avec un taux de chômage désormais estimé à 7,6 %, soit le niveau le plus bas atteint depuis quatorze ans. Même le niveau de dette, que le Gouvernement attendait à 117,8 % du PIB lors de la précédente de loi de finances rectificative, pourrait finalement refluer à 115,3 % en 2021 et 113,5 % en 2022. La progression des indicateurs économiques pourrait encore améliorer ces chiffres d’ici à la fin de l’année.
Ces bons résultats ne doivent rien au hasard ! L’État a été au rendez-vous durant toute la crise, comme nous l’avons tous constaté dans nos territoires.
Le fonds de solidarité a bénéficié à plus de 2 millions d’entreprises et le chômage partiel à près de 9 millions de salariés.
L’encours des prêts garantis par l’État a représenté un effort de 141 milliards d’euros au profit de près de 700 000 entreprises. Ces dernières ont également bénéficié de plus de 3,6 milliards d’euros de report de charges.
La relance a permis une reprise rapide de notre économie au moment précis où les entreprises avaient besoin de remplir de nouveau leurs carnets de commandes.
Ce sont ces choix forts qui nous permettent aujourd’hui d’annuler un certain nombre de dépenses d’urgence et d’améliorer d’autant l’équilibre de nos finances publiques. Je pense notamment à l’extinction du dispositif de prise en charge des coûts fixes.
Au total, c’est une annulation de plus de 2 milliards d’euros sur la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire », venant s’ajouter à la suppression de la dotation relative aux dépenses accidentelles et imprévisibles, qui a tant suscité d’émoi au printemps dernier et que le Gouvernement n’aura finalement pas eu besoin de mobiliser, faisant ainsi mentir ceux qui voulaient y voir un contournement de l’autorisation parlementaire. (M. le président de la commission des finances s’exclame.)
Cette autorisation sera amplement respectée, puisque l’exécution des dépenses ordinaires sera, en fin de compte, largement conforme aux prévisions de la loi de finances initiale. Nous pouvons d’ores et déjà dire que ce projet de loi de finances rectificative nous permet de respecter l’objectif de 5 % de déficit public en 2022.
Cette bonne tenue des comptes de la Nation, en même temps qu’elle réduit le poids de la dépense publique pour cette année, nous offre la possibilité de financer de nouvelles dépenses pour protéger certains de nos concitoyens qui souffrent encore de la crise.
Ce projet de loi de finances rectificative prévoit ainsi des ouvertures nettes de crédits de paiement pour un peu plus de 3 milliards d’euros au titre du relèvement exceptionnel de 100 euros du chèque énergie et de l’indemnité inflation. Ce sont au total 38 millions de Français, salariés, indépendants, retraités, chômeurs, allocataires des minima sociaux, étudiants boursiers, qui recevront 100 euros pour faire face à la flambée des prix, tant que leurs revenus ne dépassent pas le seuil de 2 000 euros.
Si l’on ajoute à cela le doublement du fonds pour le recyclage des friches, afin de financer un second appel à projets pour près de 400 millions d’euros, la dotation de 170 millions d’euros au fonds Avenir Montagnes, à laquelle, je le sais, Didier Rambaud sera sensible, le renforcement du fonds de stabilisation des départements, on peut dire que ce budget finance des priorités utiles à la relance et à la conduite de nos politiques publiques.
Certains ont pu accuser le Gouvernement de « cramer la caisse ». Je m’étonne de ne pas les voir proposer la suppression de l’une ou l’autre de ces mesures. Peut-être en approuvent-ils, au fond, chacune des composantes… Ces mêmes responsables politiques ne refuseront évidemment pas que l’État vole au secours d’Île-de-France Mobilités pour 800 millions d’euros cette année, après la somme de 1,2 milliard d’euros octroyée l’an passé. Un peu plus de cohérence serait bienvenue…
Enfin, 500 millions d’euros sont consacrés à financer les mesures de soutien liées aux épisodes de gel et à la grippe aviaire, et 227 millions d’euros sont destinés au monde de la culture, toujours en crise.
Comme je l’ai indiqué en introduction, ce texte de fin de gestion recèle de nouvelles perspectives plus favorables qu’au printemps dernier. Cela permet de réduire largement le déficit, tout en apportant une réponse à la flambée des prix qui a touché tous nos concitoyens et que nous avons subie de façon particulièrement forte en outre-mer.
Je ne sous-estime pour autant pas le chemin qu’il faudra parcourir pour redresser nos finances publiques. L’accord trouvé lundi soir sur la réforme du cadre organique des textes budgétaires nous invite à revoir les règles que nous nous sommes données voilà vingt ans. Il nous faudra pour les années à venir, quand la crise sera enfin derrière nous, réfléchir en profondeur à l’avenir que nous voudrons construire.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 27 septembre dernier, nous adoptions ici une proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, dont l’article 6 crée une nouvelle catégorie de lois de finances : les lois de finances de fin de gestion.
Cette nouvelle catégorie ne comporte aucune disposition fiscale. Elle se résume donc à de simples ajustements budgétaires de bonne gestion.
Notre commission a salué cette initiative. C’était d’ailleurs la pratique du Gouvernement au cours des trois premières années du quinquennat.
Sachant que cette mesure met pratiquement tout le monde d’accord, je souhaite partager avec vous deux interrogations.
La première interrogation est la suivante : ce projet de loi de finances rectificative pour 2021 relève-t-il de cette nouvelle catégorie ? S’agit-il d’un texte technique, qui se résumerait à des opérations comptables de bonne gestion budgétaire ?
La seconde interrogation découle de la première. Est-il souhaitable que ce texte relève de cette nouvelle catégorie ou faut-il encore voter des mesures d’urgence dans ce projet de loi de finances rectificative ?
Pour tâcher de répondre à la première interrogation, je dirai que la plupart des mesures de ce texte n’appellent guère de commentaires. J’imagine, d’ailleurs, qu’elles ne feront pas vraiment débat.
Il en va ainsi des 500 millions d’euros attribués à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour soutenir nos agriculteurs après les épisodes de gel et de grippe aviaire de cette année.
Pour la plupart, les redéploiements de crédits du projet de loi de finances rectificative visent à abonder des dispositifs ayant déjà fait leurs preuves, dans une logique de pragmatisme et d’efficacité. Ils sont rendus possibles par l’embellie économique de cette fin d’année. Le rehaussement prudent de la croissance, à 6,25 % du PIB, et la baisse importante du chômage, désormais en deçà de son niveau d’avant-crise, ont conduit à une augmentation nette des recettes fiscales.
Au global, le niveau du déficit s’établit à 5 %, bien plus près de la barre symbolique des 3 % de Maastricht que de celle des 10 % que nous avons franchie au plus fort de la crise. En clair, nous sommes sur la bonne voie pour sortir de cette crise.
Bien sûr, je n’ignore pas l’avis du Haut Conseil des finances publiques, qui a recommandé de mettre à profit cette embellie pour désendetter le pays.
Toutefois, cette recommandation va à l’encontre de toute la stratégie adoptée par la France pour lutter contre la crise sanitaire. Le Parlement a déjà voté cinq projets de loi de finances rectificative entre 2020 et 2021 pour mettre en œuvre le « quoi qu’il en coûte ».
Chacun peut bien penser, sous son masque, que la crise est terminée. Je crois pour ma part qu’il est sage de poursuivre cette année les mesures de soutien à l’économie, d’autant plus que l’épidémie semble réapparaître.
Le Haut Conseil des finances publiques est certes d’excellent conseil, mais ce n’est pas à lui de prendre les décisions politiques. (M. Jean-Claude Requier acquiesce.)
Or ce projet de loi de finances rectificative nous renvoie bien à des arbitrages d’ordre politique. Non seulement nous devrons décider si nous acceptons ces redéploiements de crédit, mais nous devrons aussi nous prononcer sur l’article 12, qui met en place l’indemnité inflation.
Cet automne, alors que la hausse des prix de l’énergie faisait peser de lourdes incertitudes sur le pouvoir d’achat des ménages, les responsables politiques de tous les bords ont exhorté le Gouvernement à répondre à l’urgence. C’est chose faite : désormais, la proposition est sur la table. Il ne nous reste plus qu’à en discuter les modalités.
Faut-il cibler le dispositif sur les conducteurs de véhicules thermiques, plutôt que sur l’ensemble de la population ? Faut-il ajouter des conditions de ressources pour le versement des 100 euros d’aide ? Faut-il surtout opérer ces versements dès 2021, ce qui impose d’intégrer la mesure au projet de loi de finances rectificative pour 2021, plutôt qu’au projet de loi de finances pour 2022 ? La commission des finances vient très tardivement, à quatorze heures, d’avancer une autre solution…
Toutes ces questions sont légitimes et nous pouvons en débattre. Mon groupe, d’ailleurs, formulera des propositions pour limiter les impacts financiers et éviter certains effets de bord, sans pour autant supprimer les effets positifs du dispositif dans son ensemble.
En conclusion, ce second projet de loi de finances rectificative pour 2021 ne se résume pas à de simples ajustements budgétaires. Il comporte de vraies mesures politiques, qui renvoient à une stratégie de sortie de crise sanitaire et à une volonté claire de soutenir les entreprises et les ménages.
Pour le tout dernier projet de loi de finances rectificative du quinquennat, mon groupe aborde les débats avec sérénité. Fidèle à son esprit constructif, il avancera des propositions pour optimiser l’impact de la relance sur nos finances publiques.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quoi sert le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) ?
M. Jérôme Bascher. Ah !
M. Vincent Delahaye. À pas grand-chose, apparemment.
Au mois de mai dernier, pour le premier budget rectificatif, le Haut Conseil des finances publiques a relevé la situation très dégradée des finances publiques et appelé à la plus grande vigilance.
À quoi cela a-t-il servi ? À rien.
M. Jérôme Bascher. Tout à fait !
M. Vincent Delahaye. Depuis, six mois ont passé. Pour le second budget rectificatif, le Haut Conseil des finances publiques regrette que le surcroît de recettes ne soit pas consacré à la réduction de la dette et déplore l’incertitude qui entoure les dépenses de l’État.
À quoi cela va-t-il servir ? À rien.
Le Gouvernement s’en moque et continue sur sa lancée. Pourtant, dans le budget pour 2022, il propose d’augmenter les moyens du Haut Conseil des finances publiques. Comprenne qui pourra ! (Sourires sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Pendant ce temps, le Gouvernement communique, avec la complicité de médias plutôt complaisants, en vantant à la fois son sérieux budgétaire – où est-il ? – et la prétendue croissance exceptionnelle de 2022.
En volume, le PIB a baissé de 8 % en 2020. Il devrait regagner 6,5 %, voire un petit peu plus, en 2021. Quoi qu’il en soit, pour obtenir un chiffre qui ait du sens, il faut englober ces deux années ; dès lors, on constate qu’en volume notre PIB reste sous le niveau de 2019.
M. Sébastien Meurant. C’est vrai !
M. Vincent Delahaye. Monsieur le ministre, en tout et pour tout, quatorze pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – je les ai comptés – font mieux que la France. Vous pouvez répéter à l’envi que nous sommes les deuxièmes en 2021. Certes, nous remontons un peu plus vite que certains, mais nous avons beaucoup plongé en 2020.
M. Jérôme Bascher. Eh oui, quand on a touché le fond, on remonte !
M. Vincent Delahaye. Cette prétendue croissance permet de prétendues nouvelles recettes.
Le scénario était prévisible, je dirais même prémédité : on sous-estime les recettes dans le projet de loi de finances et, à l’approche de l’élection, on dit que ça va mieux.
L’exemple le plus flagrant, c’est la TVA, qui, manifestement, a été sous-évaluée de manière assez forte pour 2021. Bien entendu, le montant réalisé est supérieur aux prévisions.
Ainsi, malgré les dépenses nouvelles, on annonce dans ce projet de loi de finances rectificative un déficit qui, pour 2021, passe de 220 milliards d’euros à 205 milliards d’euros.
On peut invoquer toutes les comparaisons que l’on veut en affirmant que le déficit sera de 8 % en 2021 et de 5 % en 2022 : il n’en représente pas moins 46 % des dépenses. Je suis d’ailleurs prêt à prendre le pari qu’au début de l’année 2022, juste avant les élections, on nous annoncera des chiffres bien meilleurs – sans doute nous dira-t-on que le déficit est, en fait, de 190 milliards d’euros –, de sorte que le président-candidat puisse annoncer, toujours avec la complicité des médias, que les résultats sont bien meilleurs que prévu.
M. Jérôme Bascher. Eh oui !
M. Vincent Delahaye. Le Gouvernement continue donc de dépenser toujours plus. Avec ce projet de loi de finances rectificative, il crée encore 1 000 postes de fonctionnaires.
À quelques mois des élections, il distribue un chèque de 100 euros à 38 millions d’électeurs. À ma connaissance, c’est du jamais vu. (M. Bruno Retailleau opine.)
Il verse 2,7 milliards d’euros à France compétences en supprimant la condition d’un budget équilibré en 2022. Créée en 2018 et gérée par nos chers hauts fonctionnaires – chers à tous les sens du terme (Sourires sur des travées des groupes UC et Les Républicains.) –, cette institution a déjà accumulé 11 milliards d’euros de pertes.
Monsieur le ministre, la dégradation des finances publiques n’est malheureusement pas conjoncturelle : elle est structurelle et, à cet égard, le Gouvernement ne fait aucun effort. À l’inverse, on constate un laisser-aller budgétaire incroyable, un électoralisme évident, une manipulation des prévisions et une dégradation des comptes vraiment structurelle, ce qui est le plus grave.
M. Vincent Segouin. Oui !
M. Vincent Delahaye. Mes chers collègues, pour l’ensemble de ces raisons, votre serviteur votera contre ce projet de loi de finances rectificative, car il est grand temps de remettre de l’ordre dans nos comptes ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) J’ajoute qu’une grande partie des membres du groupe Union Centriste s’abstiendront.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet.
Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un projet de loi de finances rectificative de fin d’exercice est rarement l’occasion de discussions de fond très marquées. Ce texte traduit d’ailleurs, pour une grande partie, des ajustements classiques en la matière. Néanmoins, quelques remarques s’imposent.
Si l’on peut se réjouir d’un niveau de croissance revu à la hausse, à 6,25 %, du fait d’une conjoncture économique très favorable, c’est avant tout la conséquence – certes, positive – de la sortie de crise, que nous espérons tous durable. Toutefois, cette croissance doit profiter à l’ensemble de la population. Or nous savons bien que, de ce point de vue, nous sommes loin du compte.
Avec une inflation prévue à 1,5 %, principalement due au rebond des prix de l’énergie, le pouvoir d’achat de nos concitoyens déjà éprouvés par la crise va se trouver considérablement amoindri.
Le Gouvernement nous assure que l’inflation sera compensée par la hausse des revenus. Cet argument est pour le moins trompeur, car il cache des écarts de revenus de plus en plus importants au sein de la population française, laquelle se répartit en trois catégories : les plus nantis, qui font l’objet de toutes les attentions, les classes moyennes, dont le pouvoir d’achat ne cesse de s’éroder, les plus précaires, qui sont les oubliés des politiques publiques de ce quinquennat.
On m’objectera que tel n’est pas le cas, bien au contraire, en invoquant le chèque inflation.
Qui peut, en cette fin d’année, s’opposer au versement de 100 euros aux Français gagnant moins de 2 000 euros par mois ? La réponse est évidente, mais le mécanisme n’en pose pas moins question.
Annoncé à la fin du mois dernier et inscrit dans le projet de loi de finances rectificative à hauteur de 3,8 milliards d’euros, ce chèque inflation sera financé à la fois par un surplus de TVA et par le redéploiement de crédits non dépensés. Les Français payeront donc un bon quart de la mesure.
Il faut dire que, pour l’État, les recettes supplémentaires de TVA sont considérables, avec la hausse des prix de l’énergie et du carburant. Actuellement, 25 centimes d’euros de TVA sont perçus par l’État sur chaque litre de carburant ; bien entendu, cette somme croît avec la flambée des prix à la pompe. J’avoue que, comme modèle d’économie circulaire, j’avais autre chose en tête qu’un recyclage de TVA ! (Sourires.)
De plus, cette aide fera l’objet d’un seul et unique versement. Elle ne traduit nullement la volonté du Gouvernement d’entreprendre une quelconque redistribution des richesses.
Malgré des besoins sociaux croissants, ce projet de loi de finances rectificative donne la priorité au désendettement au détriment de la cohésion sociale. Au-delà de la communication, le chèque inflation illustre la politique du Gouvernement : agir en faveur des plus aisés en maintenant l’illusion d’un accompagnement des plus fragiles.
En effet, les fonds mobilisés sont relativement faibles en comparaison des cadeaux fiscaux faits aux très riches, Rémi Féraud en a parlé tout à l’heure. Parallèlement, rappelons que la baisse de l’aide personnalisée au logement (APL) n’a pas vraiment contribué à améliorer la situation financière des plus modestes…
C’est pourquoi, au cours de ce débat et plus largement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, nous nous emploierons à formuler des propositions constructives pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages et aider durablement nos concitoyens les plus précaires.
Oui, tout le monde aime les cadeaux de Noël, mais rien n’interdit de concevoir une véritable politique sociale pour ceux qui en ont le plus besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à remercier l’ensemble des orateurs. Je confirme que notre volonté est bien de revenir à un projet de loi de finances rectificative de fin de gestion, sans dispositions fiscales autres que des ajustements ou des mises en conformité et avec des mouvements budgétaires dont nous aurons l’occasion de discuter.
Si vous me le permettez, je réserve ma réponse relative à l’indemnité inflation. J’y reviendrai lors de l’examen des amendements, notamment celui de l’amendement de M. le rapporteur général.
La prévision de croissance de 6,25 % est celle que nous avons notifiée au Haut Conseil des finances publiques le 22 octobre dernier. De son côté, l’Insee a rendu publiques ses estimations qui aboutissaient à un niveau de croissance supérieur le 29 octobre.
Le HCFP le précise dans son avis : si la prévision de 6,25 % a des chances d’être dépassée, le Gouvernement l’a retenue avant la publication des chiffres de l’Insee. Ni le Gouvernement ni le HCFP n’en avaient par conséquent connaissance.
En outre, M. le président de la commission des finances l’a rappelé : si, au début de 2022, l’on constatait que la croissance pour 2021 dépasse 6,25 % – nous le souhaitons tous, j’en suis sûr –, le surplus de recettes ainsi dégagé permettrait de réduire le déficit prévisionnel.
Je vous confirme que les annulations de crédits portent pour l’essentiel sur deux postes : le décret de dépenses accidentelles et imprévisibles (DDAI), à hauteur de 1,5 milliard d’euros, et les mesures d’urgence, à hauteur de 2 milliards d’euros. Il s’agit d’enveloppes que nous ne consommerons pas. Cela étant, nous gardons une réserve de précaution de 2 milliards d’euros en cas de dégradation de la situation sanitaire.
Les autres crédits concernés sont eux aussi mis en réserve de précaution ; ainsi, les annulations que nous proposons n’empêcheront aucun projet ministériel.
Les sous-consommations ont également été évoquées. Mme Lavarde a plus particulièrement pointé deux éléments.
En premier lieu, ce sont les sous-consommations du ministère de la justice de 2018 à 2020. Cette situation explique pourquoi, pour les budgets de 2021 et 2022, nous augmentons de 8 % les crédits de ce ministère. Ce choix nous permet de retrouver les cibles fixées par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice. En 2022, le niveau d’exécution sera même supérieur à ce qui était prévu en loi de programmation.
En second lieu, ce sont les sous-consommations constatées sur l’exercice de 2021. Elles résultent soit de retards, essentiellement liés à la crise sanitaire, concernant des projets immobiliers, soit d’un meilleur pilotage de certains postes – je pense notamment à l’aide juridictionnelle –, à la suite des travaux engagés par la Chancellerie.
Pour ce qui concerne le redéploiement des dépenses, je précise que le plan de relance sera redéployé à hauteur de 8 milliards d’euros au total. Par ses votes au titre du projet de loi de finances rectificative du mois de juillet dernier, le Sénat a accepté un redéploiement de 600 millions d’euros. Le projet de loi de finances pour 2022 assure 1,2 milliard d’euros de redéploiement et ce projet de loi de finances rectificative en propose, quant à lui, 2,3 milliards d’euros. Par ailleurs, 4 milliards d’euros seront redéployés par voie réglementaire : le principe de fongibilité nous permet de procéder à cette opération sans solliciter leur inscription dans une loi financière.
Au cours du débat, je reviendrai également sur les plafonds d’emplois. Je précise d’ores et déjà que la prise en compte des mouvements opérés au cours de l’année 2021 ne remet pas en cause l’objectif, très actualisé – j’en conviens –, d’une réduction de 1 249 équivalents temps plein (ETP) à l’échelle du quinquennat. En communiquant sur ce chiffre, nous avions déjà pris en compte les données régularisées via ce projet de loi de finances rectificative.
Enfin, madame Lavarde, je connais votre attachement au CAS Radars. C’est un sujet sur lequel nous reviendrons. J’indique simplement que, pour compenser les pertes de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), 100 millions d’euros de subventions exceptionnelles seront accordés.
Les pertes de recettes du CAS Radars s’élèvent, quant à elles, à 160 millions d’euros. L’État prend en charge 115 millions d’euros et les collectivités territoriales assumeront les 35 millions d’euros restants. Pour la région d’Île-de-France, on a retenu un mode spécifique de répartition de l’effort, qui conduit à la situation que vous avez décrite.
Certes, l’effort demandé aux collectivités territoriales contributrices n’est pas mince, mais la participation de l’État, sinon à l’équilibre, du moins à l’abondement des comptes de l’Afitf, est largement supérieure.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
projet de loi de finances rectificative pour 2021
Article liminaire
La prévision de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques pour 2021 s’établit comme suit :
Cadre potentiel LPFP (En points de produit intérieur brut *) |
||
Exécution pour 2020 |
Prévision d’exécution pour 2021 |
|
Solde structurel (1) |
-1,3 |
-5,7 |
Solde conjoncturel (2) |
-5,0 |
-2,3 |
Mesures ponctuelles et temporaires (3) |
-2,8 |
-0,1 |
Solde effectif (1 + 2 + 3) |
-9,1 |
-8,2 |
(*) Les montants figurant dans le présent tableau sont arrondis au dixième de point le plus proche ; il résulte de l’application de ce principe que le montant arrondi du solde effectif peut ne pas être égal à la somme des montants entrant dans son calcul. |
M. le président. Je mets aux voix l’article liminaire.
(L’article liminaire est adopté.)
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
M. le président. L’amendement n° 38, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
de l’équilibre
par les mots :
du déséquilibre
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Mes chers collègues, dans la vie, il faut faire preuve de persévérance. Aussi, je persévère au sujet de l’intitulé de cette première partie, « conditions générales de l’équilibre financier ».
Avant la crise sanitaire, le déficit était déjà de 90 milliards d’euros ou de 100 milliards d’euros ; maintenant, il s’élève à 205 milliards d’euros. Dans ces conditions, il ne faut plus parler d’équilibre, mais de déséquilibre. En effet, si l’on ajoute au problème des chiffres un problème de vocabulaire, nos concitoyens auront encore plus de mal à s’y retrouver.
Tant que nous serons en déséquilibre – j’espère que ce sera le moins longtemps possible –, mieux vaut donc intituler cette première partie « conditions générales du déséquilibre financier ».
Monsieur le ministre, je tiens à compléter ce que j’ai dit en discussion générale à la tribune. Malgré le discours officiel sur le sérieux budgétaire, le déséquilibre des comptes publics est flagrant.
On voit bien à quelle manipulation se livre le Gouvernement. Il sous-estime encore un peu la croissance potentielle pour cette année ; en parallèle, les recettes de TVA ont été sous-évaluées dans la loi de finances initiale, ce qui permettra de gonfler légèrement les recettes en fin d’année.
Ainsi, au printemps prochain, le président-candidat pourra présenter une amélioration des comptes. Le déficit atteindra non plus 205 milliards d’euros, mais 190 milliards d’euros. La différence n’est pas énorme, mais elle lui permettra de communiquer en disant : « Voyez, nous avons bien géré les finances. Nous avons obtenu de bons résultats. »
Il s’agit là d’une manipulation grossière, que je tenais à dénoncer.