M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, que retiendrons-nous du budget de la sécurité sociale que nous proposent le Gouvernement et sa majorité ?
Tout d’abord, j’évoquerai les conditions d’examen de ce PLFSS. À l’évidence, le cadrage incertain et mouvant des lois de financement de la sécurité sociale conduit le Gouvernement lui-même à charger ce texte de dispositifs dont le lien avec le PLFSS manque d’évidence. Nous, parlementaires, devons en conséquence multiplier les demandes de rapports et les propositions d’expérimentation pour que les problèmes soient enfin débattus.
Ensuite, sur le fond, nous sommes assurément face à un budget de fin de quinquennat, sans grande nouveauté – cela a été dit. J’ajoute qu’il s’agit d’un budget d’esquive : esquive face à l’autonomie et à la dépendance ; esquive face aux retraites ; esquive face à l’organisation du système de santé ; et, pour couronner le tout, esquive sur la question fiscale. C’est par là que je commencerai.
Le Gouvernement nous promet une sécurité sociale structurellement déficitaire, aussi loin que courent ses tableaux prévisionnels.
Or, maintenir la sécurité sociale en déficit sans perspective, c’est envoyer à la Nation un message politique : celui d’une protection sociale qui serait trop onéreuse, au-dessus de nos moyens. C’est aussi adresser à celles et ceux qui travaillent dans les domaines de la santé et du médico-social le message que ces activités pèsent sur le pays, alors même qu’elles en sont l’une des principales richesses, qu’elles constituent un bien précieux : celui de la solidarité nationale.
Ce fut l’honneur de la gauche d’avoir presque rétabli les comptes sociaux, même si ce fut une erreur de n’avoir pas préservé nos hôpitaux de cet effort.
Ce rétablissement des comptes constituera donc un point d’accord avec Mme la rapporteure générale. Nous devons redonner une perspective d’équilibre à notre budget social. Toutefois, pour y parvenir, il est nécessaire d’ouvrir aussi le débat sur les recettes – certes, par la compensation des détournements de l’État, mais également par la création de nouvelles recettes, en particulier sur les plus favorisés.
Nous porterons ce débat lors de nos travaux.
Nous n’esquiverons pas non plus le débat sur l’autonomie. En approuvant la création de la cinquième branche, nous avons – peut-être par excès de respect pour la parole du Gouvernement – accepté que le cadre en soit posé ultérieurement, lors de l’étude d’un projet de loi sur l’autonomie et la dépendance.
Las, la parole n’a pas été tenue. Le Gouvernement sature l’agenda du Parlement de textes opportunistes et souvent bâclés et refuse d’affronter ce qui est, de fait, la grande question irrésolue de notre protection sociale.
Vous faites naître la cinquième branche également en déficit – déficit de cadrage, de vision, de dispositifs, et déficit financier. Ma collègue Michelle Meunier y reviendra.
Les retraites sont la seconde esquive de ce budget. La grande réforme systémique s’est perdue dans un agenda plus que jamais livré aux derniers calculs du Président, tandis qu’est lancé le grand concours de la surenchère du report de l’âge légal.
L’esquive consiste ici à ne pas dire aux Français que l’on projette d’ajouter encore des conditions nouvelles à l’obtention d’une pension complète, alors même qu’ils sont de plus en plus nombreux à ne plus être en activité à l’heure du départ, et que la dégradation des conditions de travail rend cette perspective socialement injuste et souvent physiquement irréaliste dans de nombreux secteurs.
Enfin, notre système de santé est l’objet de la troisième esquive. Vous connaissez évidemment, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, la gravité de la situation de notre système de soins. Vous savez, bien sûr, que nos hôpitaux publics sont en voie d’affaissement – d’effondrement, même, selon certains.
Pourtant, ce budget, qui devrait être le premier à apporter des réponses structurelles après la crise de la covid-19, est singulièrement avare d’enseignements de la pandémie.
Il fait suite à une loi printanière bien faible et à une loi de décentralisation – dont on ne sait si elle verra le jour avant la fin du quinquennat – du même acabit en matière de santé.
Vous ne pouvez pas, monsieur le Premier ministre – pardon, j’anticipe… (Sourires.)
M. Bernard Jomier. Vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, continuer à arguer des revalorisations – certes bienvenues – du Ségur de la santé pour affirmer que vos décisions sont à la hauteur de la crise hospitalière.
Chaque jour apporte un démenti par les départs de soignants, par les fermetures de lits, et par la reprise, dès le sortir de la première vague, d’une logique administrative qui étouffe les soignants et dégrade l’attractivité des métiers de l’hôpital.
Un hôpital n’est ni une administration ni une entreprise. Épuisés par ces deux logiques, ce sont les soignants qui s’en vont.
Pour ce qui est des soins de ville, après avoir reporté par voie législative – erreur sur laquelle nous vous avions alerté – les négociations conventionnelles à l’après-présidentielle, vous voulez brutalement modifier à coups d’amendements les rapports entre les professions de santé.
Que des évolutions soient nécessaires, nous vous l’accordons. Cependant, elles doivent être effectuées dans le respect des temps : d’abord, le temps des discussions dans le cadre des conventions, puis l’intervention de l’exécutif et du Parlement si les intérêts et les besoins de la population sont insuffisamment respectés.
Or vous faites tout le contraire : après avoir écarté la négociation conventionnelle, vous écartez les syndicats professionnels et vous imposez des décisions qui braquent les uns ou les autres, et qui produisent, je vous en avertis, un malaise qui finira par se muer en des renoncements professionnels.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire a modifié les perceptions sur la santé, en l’inscrivant à l’agenda politique comme une priorité. Nos ambitions et nos décisions dans ce domaine doivent se placer à la mesure de cette nouvelle donne.
Il nous faut partir des besoins des territoires, et ensuite – ensuite seulement – procéder aux arbitrages budgétaires qui demeurent, bien sûr, indispensables.
L’outil de régulation que constitue l’Ondam montre en ce sens ses limites. La maîtrise qu’il porte s’impose avant toute délibération sur les besoins en matière de santé, dans nos territoires comme au Parlement où aucun débat sur les besoins sociaux de la Nation n’a lieu en amont de la délibération budgétaire.
Nous pensons qu’il est temps de changer de paradigme sur cette question. L’Ondam est l’outil dépassé d’une époque passée.
Vous l’avez compris, nous ne pouvons nous satisfaire de ce PLFSS. Le Parlement doit être à même de mieux déterminer les besoins de la Nation en matière de santé, dans un cadre démocratique.
Ne passons pas à côté de cette tâche, à un moment où les acteurs de santé, les élus locaux et nos concitoyens demandent à être associés à ces choix fondamentaux pour notre collectivité nationale.
La sécurité sociale a su tenir la société au moment de la crise, et nous avons été reconnaissants de bénéficier d’un tel système. Nous avons trouvé un consensus dans nos rangs sur l’aspect essentiel de l’ensemble des métiers et des dispositifs qui nous ont permis de faire face à l’épidémie.
Nous devons maintenant mettre en œuvre les réformes nécessaires pour que notre sécurité sociale assure à l’avenir l’ensemble des missions de protection sociale dont notre démocratie peut être fière. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous le savons, l’examen du budget de la sécurité sociale pour l’année à venir constitue toujours un exercice particulier, au regard des nombreux enjeux qu’il recouvre et de son importance pour le quotidien des Français.
Il l’est d’autant plus cette année.
Il l’est au regard du calendrier politique dans lequel il s’inscrit, puisqu’il s’agit du dernier PLFSS du quinquennat.
Il l’est également de par le contexte sanitaire inédit. La pandémie qui a frappé le monde, qui nous a frappés, a exigé des réponses fortes et immédiates de la part du Gouvernement, afin de protéger les Français.
Il l’est, enfin, car il comporte, au-delà des réponses nécessaires à la crise sanitaire, de belles avancées pour notre pays qui permettront d’améliorer réellement le quotidien des Français.
Ce budget de la sécurité sociale confirme, en premier lieu, les engagements du Ségur de la santé en matière de revalorisations salariales, d’une ampleur inédite pour l’ensemble des secteurs.
Ainsi, 2,7 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sont prévus en 2022, portant le total des revalorisations à plus de 10 milliards d’euros.
Ce budget comprend également des mesures nouvelles au profit des salaires les moins élevés des praticiens hospitaliers ou encore des sages-femmes, dont le rôle au sein de notre système de santé est essentiel.
Il confirme donc, comme je viens de le rappeler, les engagements pris, mais il consacre également de nouveaux droits pour répondre aux besoins des Français.
Je pense à la possibilité de se faire prescrire des lunettes chez un orthoptiste – alors que nous savons que le délai moyen d’attente chez un ophtalmologue s’élève à six mois – et à la généralisation de la télésurveillance visant à renforcer la prise en charge effective des 20 millions de personnes atteintes de maladies chroniques.
Je pense également à l’octroi automatique de la complémentaire santé solidaire aux bénéficiaires du revenu de solidarité active, le RSA, et à la facilitation de son attribution aux bénéficiaires du minimum vieillesse.
Au total, 2,8 millions de Français seront concernés par ce dispositif, dont le caractère protecteur est renforcé par ce budget.
La généralisation du recours à l’intermédiation financière des pensions alimentaires compensera en partie l’injustice dont sont victimes des millions de parents qui assument la charge de leur enfant en ne touchant que partiellement – ou pas du tout dans le pire des cas – leur pension alimentaire.
En aucun cas l’enfant, dont l’intérêt supérieur doit toujours primer, ne doit être la victime collatérale d’une séparation ou d’un divorce.
Je pense, enfin, au remboursement intégral de la contraception pour les 3 millions de femmes de moins de 26 ans. Il s’agit d’une mesure forte, d’autant que plusieurs études montrent que l’achat de moyens de contraception est davantage effectué par les femmes.
Une réflexion devra d’ailleurs être engagée sur les disparités qui subsistent entre les femmes et les hommes en matière de connaissance des dispositifs existants, et sur la nécessité de mieux responsabiliser les hommes sur la contraception afin de parvenir à une réelle égalité en la matière.
La cinquième branche dédiée à l’autonomie – cette même branche promise par beaucoup, sans résultat, depuis des années – a bel et bien été créée par ce gouvernement. Or elle se trouve au cœur de ce budget pour 2022. En effet, les engagements nouveaux apportés depuis sa création s’élèvent désormais à 3,5 milliards d’euros, dont 2,8 milliards d’euros de revalorisations salariales, 250 millions d’euros pour les services à domicile, 70 millions d’euros pour la médicalisation et la modernisation des Ehpad et 450 millions d’euros pour l’investissement.
Il s’agit donc d’un budget considérable, à la hauteur des enjeux auxquels cette branche devra faire face.
Nous savons combien la perte d’autonomie d’un parent ou d’un grand-parent peut être source d’inquiétude pour la famille et implique des aménagements importants pour subvenir à ses besoins.
Il nous faut donc renforcer la qualité de l’offre à domicile tout en poursuivant nos investissements à destination des Ehpad et de leur modernisation.
L’article 30 du PLFSS, relatif à la réforme et à la revalorisation de l’offre de services à domicile en matière d’autonomie, répondra à cet objectif en faisant évoluer les services de soins infirmiers à domicile afin de prendre davantage en compte les besoins en soins des personnes par rapport à leur degré d’autonomie.
La nouvelle mission de centre de ressources territorial pour les Ehpad, créée à l’article 31 de ce PLFSS, apportera un appui aux professionnels du territoire, via notamment la mise à disposition d’expertise gériatrique, ainsi qu’un accompagnement renforcé pour les personnes âgées en perte d’autonomie nécessitant un accompagnement à domicile intensif.
Enfin, nous nous félicitons des apports de l’Assemblée nationale visant à renforcer le congé du proche aidant, en élargissant le champ du bénéficiaire de l’allocation journalière du proche aidant (AJPA) aux proches aidants de personnes dont le handicap ou la perte d’autonomie peuvent nécessiter une aide régulière.
La revalorisation au niveau du SMIC du montant de l’allocation journalière était attendue, et légitime au vu de l’engagement de ces personnes.
En tout état de cause, le groupe RDPI salue et soutient pleinement les orientations de ce budget.
Il s’agit d’un budget à la hauteur des attentes, qui consacre de belles avancées sociales à destination de tous les Français – en particulier de ceux qui en ont le plus besoin : nos aînés, les personnes en situation de handicap, ainsi que celles et ceux qui leur viennent en aide au quotidien.
Ce budget est également à la hauteur des enjeux auxquels notre pays fait face. Je pense en particulier au secteur hospitalier, aux femmes et aux hommes dont la pandémie mondiale a révélé une fois de plus le rôle central, crucial pour notre pays et nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous examinons le dernier PLFSS du quinquennat.
Ce texte, qui entérine à la fois les effets à long terme de la crise sanitaire sur les comptes sociaux et le souhait de nous tourner vers l’avenir, est susceptible de renforcer l’accès à la santé pour l’ensemble des Français.
Les comptes sociaux absorbent l’onde de choc provoquée par la crise sanitaire, au moyen d’un déficit global fixé à 22,6 milliards d’euros en 2022 – contre 35 milliards d’euros en 2021.
Ce déficit est essentiellement supporté par la branche maladie, victime d’un effet de ciseau entre la contraction des recettes et la hausse des dépenses liées aux mesures du Ségur de la santé et à l’amortissement des effets de la crise. La lutte contre l’épidémie devrait coûter près de 5 milliards d’euros en 2022, contre 15 milliards d’euros cette année.
Le déficit est moins marqué que prévu grâce à un climat économique favorable et à des perspectives de croissance du PIB supérieures à 6 % en 2021, et estimées à 4 % en 2022.
Ces hypothèses se fondent sur une amélioration durable de la situation sanitaire, appuyée sur la poursuite de la campagne vaccinale, une vigilance renouvelée en matière de prévention des contaminations et un suivi actif de l’évolution des formes du virus.
Si 88 % de la population majeure est désormais vaccinée – c’est un succès –, la pandémie n’est pas encore vaincue. Elle regagne du terrain en France comme dans le monde et nous devons rester pleinement mobilisés pour y faire face.
Nous débattrons de plusieurs questions importantes allant de l’organisation de notre système de soins à la réforme des retraites – sans oublier la question du grand âge, essentielle à mes yeux.
J’aimerais, pour commencer, saluer les avancées apportées par le texte pour renforcer l’accès aux soins et aux droits sociaux.
Les revalorisations salariales des soignants et du secteur médico-social se poursuivent, en accord avec les conclusions du Ségur de la santé. À ce sujet, il serait souhaitable, monsieur le ministre, de renforcer la lisibilité des mesures de revalorisation successives adoptées afin de mieux identifier les catégories de personnels qui ne bénéficient pas encore du complément de traitement indiciaire de 183 euros net par mois. Ces « oubliés du Ségur » subissent de graves difficultés financières doublées d’une pénurie de personnel dans leurs établissements, alors qu’ils sont pleinement mobilisés pour soigner et accompagner les personnes les plus vulnérables. J’espère que cette situation prendra fin prochainement.
L’accès aux soins visuels sera facilité, grâce à la mobilisation des orthoptistes qui voient leurs compétences élargies à l’article 40. En effet, la filière ophtalmologiste souffre d’une répartition inégale des professionnels sur le territoire et d’un fort cloisonnement, justifiant un élargissement progressif, depuis 2016, du pouvoir de prescription des orthoptistes.
Je suis favorable à cette tendance, tout en estimant nécessaire de préserver le lien entre patients et médecins ophtalmologues pour certains contrôles oculaires.
Je suis également favorable à la gratuité de la contraception pour les femmes de moins de 26 ans, mais suggère de l’étendre aux hommes de la même tranche d’âge.
Le remboursement des préservatifs masculins permettrait de prévenir les risques de transmission des infections sexuellement transmissibles (IST) et de grossesses non désirées. Les services de dépistage relevant une recrudescence de ces pathologies chez les jeunes, nous devons renforcer notre politique de dépistage de toutes les IST, et non du seul VIH.
L’article 49 prévoit de généraliser le dispositif d’intermédiation financière pour faciliter le versement des pensions alimentaires, sachant que le taux d’impayé se situe autour de 30 %. Il s’agit d’une évolution majeure pour lutter contre la pauvreté des familles monoparentales, souvent constituées de mères célibataires.
Nous devons en outre réfléchir, comme l’a dit M. le rapporteur, à la baisse de la natalité continue qui s’observe depuis 2006.
Le développement de la télésurveillance, la revalorisation des indemnités du congé de proche aidant et du congé de présence parentale ainsi que l’accès facilité aux médicaments innovants sont également des mesures bienvenues.
La retraite à mille euros pour les exploitants, la suppression de la surcotisation sur la prime de feu des sapeurs-pompiers et la délivrance de substituts nicotiniques par le pharmacien constituent aussi des avancées.
Le Gouvernement s’est engagé à présenter un amendement pour compléter le dispositif de la proposition de loi présentée par Paul Christophe et adoptée par le Sénat la semaine dernière.
En revanche, nous devons aller plus loin pour lutter contre les déserts médicaux, en particulier pour renforcer l’accès aux soins psychiatriques et aux médecins généralistes. Je présenterai des amendements visant à instaurer un conventionnement sélectif dans les zones surdotées.
Je regrette que les amendements que j’avais déposés tendant à obliger les jeunes médecins généralistes à exercer dans les déserts médicaux durant leur première année aient été jugés irrecevables, car cette situation ne cesse de s’aggraver.
Concernant le financement de la cinquième branche de l’assurance maladie, je dois dire que, malheureusement, à nos yeux, le compte n’y est pas.
Au total, 400 millions d’euros sont dédiés au grand âge, dont 200 millions d’euros pour des créations d’emploi – soit 0,5 emploi par Ehpad –, alors qu’il faudrait consacrer 2 milliards d’euros en deux ou trois ans au seul renforcement des effectifs de soignants, soit cinq soignants supplémentaires en moyenne par Ehpad.
Nous passerions ainsi à un encadrement de 0,6 à 0,7 équivalent temps plein (ETP) par pensionnaire. Cette mesure est demandée depuis des années par les directeurs, le personnel et les familles.
Si nous pouvons comprendre l’étalement dans le temps de ces créations d’emploi en raison de la crise sanitaire, nous ne pouvons pas comprendre le renoncement au renforcement des effectifs en Ehpad, indispensable à une prise en charge décente de nos aînés et pour que les soignants ne posent pas de changes à la course.
Les quelques mesures présentées ne sauraient constituer une réforme digne de ce nom. Les Ehpad doivent se concentrer sur la prise en charge des plus hauts degrés de dépendance.
Déjà, en 2007, le rapport du ministre Philippe Bas, dont le contenu est proche de celui du rapport Libault, préconisait d’atteindre dans les cinq ans un taux d’encadrement d’un soignant par pensionnaire, lorsque le GIR (groupe iso-ressources) moyen pondéré (GMP) avoisinerait les 800 points.
Le GMP s’élève désormais à 750 points en moyenne, quand le taux d’encadrement n’est que de 0,6 soignant par pensionnaire.
Notre politique du grand âge doit changer d’échelle si nous voulons préparer correctement l’avenir des seniors, d’autant que 2,5 millions de personnes seront en perte d’autonomie en 2050, soit deux fois plus qu’en 2015.
Je suis favorable à l’ouverture des Ehpad vers l’extérieur, que vous proposez à l’article 31, à condition qu’un complément soit apporté aux Ssiad et aux SAAD. Je présenterai d’ailleurs un amendement ayant pour objet l’ouverture vers l’extérieur des pôles d’activités et de soins adaptés (PASA). Dans les territoires ne comportant pas d’équipes spécialisées Alzheimer à domicile (ESAD), les personnes externes souffrant de troubles cognitifs pourraient ainsi, sur présentation d’un certificat médical, être incluses aux PASA des Ehpad sans frais supplémentaires.
L’amélioration du maintien à domicile amorcée doit être poursuivie. Tel est le souhait de 90 % de nos concitoyens.
La population française est vieillissante. Cette réalité implique un véritable questionnement sur le système de retraite. Si nous ne voulons pas pénaliser les retraités par une baisse du montant des retraites ni le niveau de vie des actifs par une augmentation des cotisations, le report de l’âge légal de départ à la retraite pourrait, sauf pour les métiers pénibles, constituer une solution – moyennant la recherche d’un accord avec les partenaires sociaux.
La commission propose cette année de fixer l’âge de la retraite à 64 ans. En complément de cette mesure paramétrique, nous devons favoriser la durabilité de l’emploi des seniors par l’action de trois leviers : la prévention, la formation continue et la transmission des compétences par le tutorat et le mentorat – autant d’enjeux clés pour la compétitivité de notre économie.
Monsieur le ministre, si nous saluons l’augmentation des salaires des soignants – qui doit être équitable pour tous les intervenants – et les avancées apportées par le texte, nous déplorons l’absence de proposition d’une trajectoire financière pour une prise en charge décente de nos aînés, à domicile comme en établissement. (M. Olivier Véran, ministre, manifeste sa désapprobation.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Chantal Deseyne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous examinons le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat. Malheureusement, ce projet de loi ne répond pas à la situation.
Je souhaiterais tout d’abord rappeler quelques chiffres.
Évalué à 34 milliards d’euros, le déficit de la sécurité sociale s’élève à un niveau jamais atteint auparavant, tandis que la dette sociale culmine, quant à elle, à 166 milliards d’euros.
Bien sûr, les comptes sociaux sont encore très marqués par la crise sanitaire, mais dans ce dernier PLFSS vous n’envisagez aucun choix budgétaire, aucune réforme structurelle pour retrouver l’équilibre.
De surcroît, les réformes plus délicates à mettre en œuvre comme la réforme des retraites ou la loi Grand Âge et autonomie sont reportées aux calendes grecques.
Les familles sont les grandes perdantes de ce budget. En matière de politique familiale, les PLFSS se succèdent et se ressemblent. Le détricotage de notre politique familiale continue.
Une fois de plus, la branche famille ne fait l’objet que d’un très petit nombre de mesures dans le PLFSS. Même si nous soutenons l’allongement du congé paternité pour les collaborateurs de professions libérales ou encore l’amélioration du recouvrement des pensions en cas de divorce, force est de constater que ces mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Comme l’a clairement rappelé notre collègue Olivier Henno, la politique familiale a besoin d’un sursaut pour mettre fin au déclin de la natalité. Des mesures visant à apporter des réponses plus adaptées aux inquiétudes des familles quant à la conciliation de leurs vies professionnelles et personnelles auraient été bienvenues. L’irrecevabilité financière nous empêche malheureusement de déposer des mesures dans ce sens.
Cette absence est d’autant plus regrettable que la branche famille est excédentaire.
Je rappelle que la bonne situation financière de cette branche s’est faite au prix d’importantes mesures d’économies qui ont affecté directement le budget des familles. Il s’agit de la modulation des allocations familiales, de la suppression du complément de libre choix d’activité majoré, ou encore de la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant.
Toutes ces réformes ne datent pas de 2017, je vous l’accorde, certaines ayant été introduites bien avant, en 2014. Cependant, votre gouvernement, monsieur le ministre, n’a pas fait le choix de revenir sur ces mesures – bien au contraire, puisque vous avez sous-revalorisé les prestations familiales en 2019.
L’accumulation de toutes ces mesures fait perdre à la branche famille son rôle essentiel de compensation des charges de famille. Pourtant, la politique familiale constitue un investissement pour l’avenir.
Enfin, il n’est pas légitime que les dépenses directement liées à l’épidémie de covid-19 soient assumées par la branche famille, et non par la branche maladie.
La question de l’accès aux soins constitue un autre sujet de déception.
Dans ce projet de loi, vous esquivez le problème des déserts médicaux, qui devrait pourtant constituer une priorité.
Actuellement, 18 % de la population vit dans un territoire qualifié de « zone sous-dense ». Cette raréfaction de l’offre de soins s’observe alors même que les besoins médicaux de la population s’intensifient en raison du vieillissement, de l’augmentation des maladies chroniques et de la croissance de la population.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé la fin des déserts médicaux d’ici cinq ans. Je m’étonne donc que ce projet de loi ne comporte aucune mesure financière pour lutter contre ces derniers et soutenir l’installation des médecins dans les zones sous-denses.
Comment sortir de cette situation et offrir un accès aux soins équitable à l’ensemble de la population ? La télémédecine est une réponse limitée qui ne saurait pallier sur le long terme l’absence de médecins dans les déserts médicaux.
La fin du numerus clausus aura sans doute des effets, mais seulement dans une dizaine d’années. Il n’est pas acceptable que, dans notre pays, certains territoires soient totalement dépourvus de professionnels de santé. Les Français qui rencontrent des difficultés d’accès aux soins n’en peuvent plus d’attendre !
Pendant l’examen du PLFSS, nous proposerons des mesures fortes pour combattre les déserts médicaux, notamment la création de zones franches médicales dont le périmètre sera défini par les ARS en concertation avec les élus des collectivités territoriales concernées. Si l’on veut une juste répartition de l’offre de soins sur l’ensemble du territoire national, il est nécessaire d’accompagner les médecins et d’associer les élus.
Le droit à la santé, composante essentielle du pacte républicain, implique l’égal accès de chacun aux soins nécessités par son état de santé et justifie que l’État, garant de l’égalité et de la solidarité, se trouve en première ligne en matière de santé publique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)