M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le temps du débat du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du mandat est aussi celui du bilan des cinq années écoulées.
Ce PLFSS comporte plus d’avancées que les précédents,…
Mme Raymonde Poncet Monge. … mais est-il pour autant à la hauteur des enjeux et répare-t-il les logiques « austéritaires » des quatre précédents ?
Nous pouvons répondre à cette question en répondant à d’autres : la solidarité nationale est-elle toujours le socle de notre protection nationale ? Chacun a-t-il été assuré face aux risques ? Tout le monde a-t-il été invité, à la mesure de ses moyens, à participer aux charges ?
Un premier constat s’impose quant aux 38 milliards d’euros exceptionnels que coûtera la covid-19. Quelles ressources exceptionnelles le Gouvernement a-t-il mobilisées via les profits et distributions de dividendes tout aussi exceptionnels des grands groupes ou via une contribution exceptionnelle des revenus des ménages les plus aisés qui ont enregistré des records d’épargne et d’augmentation de leurs patrimoines ? Aucune !
Les dépenses ne pouvant être contestées, le déficit puis la dette – laquelle ne constitue soudainement plus un problème – absorberont l’inélasticité des recettes.
Or une sécurité sociale sans solidarité, est-ce bien toujours le modèle français ?
Quant au Ségur de la santé, rattrapage partiel de longues années de décrochage salarial, il prévoit 10 milliards d’euros supplémentaires – désormais compris dans la base de l’Ondam et donc récurrents – que le retour à un taux de croissance de croisière ne pourra absorber.
Quelles recettes nouvelles le Gouvernement mobilise-t-il pour y faire face ? Aucune ! Comment s’étonner en ce cas de retrouver l’équivalent de cette dépense représentant deux tiers, voire la totalité du déficit structurel des projections financières en 2025 ?
Sans apport de nouvelles recettes, l’effort sur les dépenses, encore et toujours lui, fera son retour – de façon différée, élections obligent –, soit la politique qui a sinistré l’hôpital et mis à mal les collectifs de travail.
Voilà le constat principal qui délégitime l’économie générale de ce budget – comme celle des budgets précédents.
La protection sociale ne peut prospérer, ni même être défendue, quand les inégalités augmentent, quand un clan reste intouchable.
Malgré cela, la sécurité sociale a joué son rôle d’amortisseur social, mais aussi économique, par le recours massif à l’activité partielle qui a permis de préserver une grande partie des emplois et des compétences. Grâce à cela, la relance a été rapide.
La branche maladie et la branche autonomie ont engagé le rattrapage partiel d’années de déflation salariale, mais il reste des oubliés du Ségur et de la mission Laforcade. Les hôpitaux publics chiffrent ainsi à 500 millions d’euros la non-compensation des accords du Ségur.
Hors dépenses liées au covid, l’Ondam des établissements de santé évolue plus favorablement en 2022. Toutefois, le taux de croissance retenu pour l’évolution tendancielle est inférieur aux taux constatés par la CNAM dans son rapport annuel sur la période 2015-2019, à partir des déterminants de la croissance des dépenses médicales. Ces paramètres – en particulier le vieillissement de la population – pèseront davantage encore dans les années à venir.
L’enveloppe globale supposée répondre à l’évolution tendancielle est quasiment inchangée, voire en très légère baisse, ces dernières années. C’est bien l’écart qu’elle présente avec la dynamique réelle qui met les hôpitaux et le système de santé sous tension.
Sous ce mandat, 4 milliards d’euros d’économies ont été exigés de l’hôpital public. Vous semblez découvrir cette fameuse ligne qui reprenait d’une main ce qu’elle donnait de l’autre, contraignant les hôpitaux en crise à générer des gains d’efficience, à la seule fin de vous targuer – avec un certain cynisme – de ne plus l’exiger d’un hôpital exsangue.
La trajectoire de retour à l’équilibre pèsera sur les dépenses, faute de recettes suffisantes. L’offre a été contrainte pour brider la demande, ce qui a aggravé les déserts médicaux, l’endettement de l’hôpital et l’effondrement de ses investissements.
L’explosion des postes vacants dans tous les métiers – des aides-soignantes et infirmiers jusqu’aux médecins praticiens – a dégradé les conditions de travail et enclenché un cercle vicieux d’absentéisme, de démissions et de crise du recrutement.
C’est alors que la crise sanitaire a percuté un système de santé dont vous aviez poursuivi la dégradation.
L’ampleur du nombre de postes vacants entraîne des fermetures temporaires de lits, de 6 % à 10 % au moins, soit un chiffre énorme, car il s’ajoute aux fermetures définitives.
Il faut enfin répondre aux propositions des hospitaliers et revaloriser les gardes et les astreintes de la permanence des soins qu’assure l’hôpital public, si nous voulons vraiment lutter contre le recours aux mercenaires de l’intérim, qui pèse 1 milliard d’euros et creuse les déficits, sans pour autant fermer des services, notamment des services d’urgences.
Il ne suffit pas de supprimer le numerus clausus, il faut un plan ambitieux pour permettre aux facultés de médecine d’accueillir un plus grand nombre d’étudiants.
Par ailleurs, les 13 milliards d’euros dégagés pour désendetter l’hôpital ne doivent avoir qu’une finalité : lui permettre de se moderniser. Il ne s’agit pas de satisfaire aux injonctions de Maastricht et de réduire l’endettement des administrations publiques en bloquant leurs investissements.
La réduction de l’endettement, lequel est dû à l’insuffisance des Ondam, doit améliorer l’autofinancement et le recours à l’emprunt sur des bases saines et pluriannuelles. L’État, enfin, doit tenir son engagement de reverser aux établissements de santé les crédits sous-exécutés.
Il fallait donc un électrochoc. Vous présentez une loi de financement plus satisfaisante que vos budgets précédents, mais, à l’image de ce que vous prévoyez pour la branche autonomie, faute de dégager les ressources nécessaires dans le cadre d’une programmation pluriannuelle ambitieuse, le compte n’y est pas. De plus, la dette sociale conduira, une fois les élections passées, à de nouvelles baisses des dépenses.
S’agissant des autres branches, la grande loi sociale du quinquennat, rebaptisée « Générations solidaires » à défaut d’être née, a été promise chaque année. Elle restera pourtant le rendez-vous social manqué du Gouvernement, lequel a préféré saturer le travail parlementaire de lois sécuritaires plutôt que de répondre à l’enjeu de la transition démographique à l’horizon de 2030. Dans cette transition aussi, la France prend du retard !
Si le projet de loi comprend des mesures positives, qui témoignent du virage domiciliaire, celles-ci n’emportent pas d’effets structurants, faute de trouver place et cohérence dans une loi systémique.
Le tarif national plancher est l’une de ces mesures emblématiques. L’État vient financer, à concurrence de ce plafond, les écarts des tarifs de référence départementaux. Il réduit ainsi les inégalités territoriales, ce qui va dans le bon sens, même si son aide sera d’autant plus importante que le département pratiquait un tarif bas, instaurant ainsi une sorte de prime paradoxale.
Mme Raymonde Poncet Monge. Malgré cette aide, les contributions de l’État et des collectivités territoriales se dégradent, en raison de la revalorisation seulement partielle des salaires. Surtout, le tarif plancher non indexé demeure bien inférieur au tarif d’équilibre retenu il y a deux ans dans le rapport Libault. À défaut d’un changement radical de modèle économique, il installe durablement une sous-tarification des services.
Nous soutiendrons pourtant des amendements concernant d’autres mesures de la branche autonomie. Là encore, une loi à la hauteur des enjeux nécessiterait d’importantes recettes nouvelles. Cela explique peut-être le recul du Gouvernement, lequel n’excelle que dans l’effort sur les dépenses.
La branche AT-MP est, certes, à l’équilibre, mais reste curative et épuise en un quadrimestre son budget annuel de prévention.
S’agissant de la branche famille, des réformes en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes sont nécessaires. Certaines prestations pourraient ainsi être basées non sur une indemnité forfaitaire faible, mais sur un revenu de remplacement ; de même, il faut augmenter le nombre de places d’accueil du jeune enfant alors que les objectifs de la convention d’objectifs et de gestion (COG) n’ont été atteints qu’à moitié.
Nous demandons l’arrêt des suppressions de postes – encore 500 en 2021 ! –, alors que les effectifs des caisses d’allocations familiales (CAF) sont en tension et que celles-ci doivent mettre en œuvre des mesures positives, à l’instar du dispositif d’intermédiation des pensions alimentaires.
Enfin, beaucoup de réformes ou de revalorisations du personnel se déroulent en plusieurs étapes : Ségur I puis II, acte I de la mission Laforcade, bientôt acte II, ce qui conduit à déstructurer des filières entières. L’iniquité des situations a entraîné des transferts de personnel de secteurs en situation de sous-effectif dramatique vers d’autres dont la situation relative s’améliorait. La pénurie s’est ainsi déplacée, sans que l’attractivité globale s’améliore, parce que les conditions de travail se dégradent partout.
En conclusion, le groupe écologiste soutient toutes les avancées, de la prise en charge de la contraception à la création des services autonomie, mais il faut construire la sécurité sociale des grandes transitions et lui allouer les ressources nécessaires. Ce projet de loi ne trace pas une telle perspective ; aussi, notre groupe votera contre son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans la continuité de la motion défendue par ma collègue Laurence Cohen, je souhaite dénoncer les insuffisances et les dangers de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
Je ne reviendrai pas sur les nombreuses propositions que Laurence Cohen vous a exposées – sans dogmatisme, monsieur le ministre ! (Sourires.)
Après dix-huit mois d’une crise sanitaire inédite, qui n’est pas encore arrivée à son terme, nous étions en droit d’attendre que le PLFSS pour 2022 en prenne toute la mesure et confère à notre sécurité sociale des moyens à la hauteur de ces enjeux. Force est de constater que c’est loin d’être le cas.
Chaque année, vous faites le choix de faire peser sur le budget de la sécurité sociale des mesures qui devraient être financées par le budget de l’État. Cela a concerné la crise des « gilets jaunes », puis celle du covid ; cette année, il s’agit des dépenses liées aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Nous avions déjà dénoncé l’an dernier cette méthode, qui aggrave le déficit de notre système de protection sociale.
Malgré cela, la sécurité sociale a joué un rôle indispensable, en dégageant des ressources considérables qui ont permis de faire face aux urgences liées à la covid, s’agissant, en particulier, de la vaccination et de l’accès massif aux tests.
Nous avions porté un regard critique sur ce procédé à travers le dépôt d’une série d’amendements visant à proposer des mesures urgentes et fortes ; cette année encore, toutefois, la faux de l’article 40 est passée et a rendu irrecevables certains de nos amendements.
Nous discuterons donc à la marge d’un texte dont les principaux arbitrages ne bougeront pas. Vous ne changez pas de méthode tant en matière de dialogue démocratique que de gestion des budgets : toujours plus de restrictions.
Au total, sur le quinquennat, une économie de près de 18 milliards d’euros aura donc été imposée sur la santé, par le biais de différents plans. Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage ! En limitant les recettes de la sécurité sociale, tout en lui faisant supporter le coût de la crise, vous creusez le déficit. En 2006, les cotisations sociales représentaient 50 % du financement de la branche assurance maladie, contre 34 % aujourd’hui.
Au total, les exonérations de cotisations sociales représentent une perte de 75 milliards d’euros de recettes pour notre sécurité sociale. Imaginez ce que nous pourrions faire avec cet argent !
Depuis 2017, les économies infligées à l’assurance maladie représentent 18 milliards d’euros, dont 4,1 milliards sont à la seule charge des hôpitaux. Le bilan de cette politique, conjuguée au virage ambulatoire, est désastreux : 5 700 lits d’hospitalisation ont été fermés en 2020, en pleine crise sanitaire.
Ces fermetures s’ajoutent aux 7 600 lits déjà supprimés depuis 2017. De même, la France compte désormais moins de 3 000 hôpitaux et cliniques. Sous l’effet des réorganisations et des restructurations, vingt-cinq établissements ont fermé en 2020.
Notre système de santé a pourtant besoin d’une vraie ambition ! Aujourd’hui, les soignants quittent leur poste épuisés, humiliés, parfois maltraités. Vous vous êtes ingéniés à diviser toujours plus la communauté du soin, entre les infirmiers anesthésistes diplômés d’État (IADE), les infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État (Ibode), les infirmiers en pratique avancée (IPA), les sages-femmes, les médecins, les aides-soignantes, et tous les autres, sans même parler des agents épuisés dans le secteur médico-social. Certains d’entre eux ont obtenu des revalorisations, bien insuffisantes, d’autres non. C’est juste assez pour essayer de diviser les professionnels entre eux.
Vous avez cassé l’hôpital public à grands coups d’économies et de plans de retour à l’équilibre ; la crise du covid n’a été que le révélateur d’une gestion comptable appliquée à la santé depuis bien longtemps.
Ce qui est vrai dans le soin l’est aussi dans la prise en charge de l’autonomie. On allait voir ce qu’on allait voir : enfin une grande réforme du grand âge et de l’autonomie ! Elle a fait « pschitt ! », disparue, envolée, tout juste recyclée dans quatre articles de ce texte. Ce n’est pas à la hauteur.
J’ai organisé, la semaine dernière, une réunion publique autour de l’aide à domicile dans le Pas-de-Calais, pour préparer cette discussion. S’agissant de la revalorisation salariale du secteur médico-social, nous ne pouvons que saluer une mesure indispensable pour ces femmes qui vivent avec moins de 900 euros par mois, dans des conditions difficiles et avec une pénibilité qui brise les corps et les carrières.
Vous vous êtes pourtant arrêtés au milieu du gué. Pourquoi l’État ne compense-t-il pas à l’euro près cette nouvelle dépense ? Comment voulez-vous que les départements l’assument sans réduire le volume d’heures de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), alors que certaines autres de leurs dépenses sociales, comme le RSA, ne sont pas compensées ?
Pourquoi, surtout, diviser les structures d’aide à domicile avec l’avenant n° 43 ? Pour certaines d’entre elles, la revalorisation sera financée, pour d’autres non, alors qu’elles exercent le même métier. Qui va payer pour que ces secteurs puissent garder leurs salariés ? Il manque aujourd’hui 250 000 aides à domicile, toutes structures confondues ; avec ces mesures, vous aggravez la situation.
S’agissant de la réforme du financement de l’aide à domicile et de la création d’un tarif plancher, je tiens à rappeler que cette proposition avait été faite avec un minimum de 25 euros par mon prédécesseur Dominique Watrin et Jean-Marie Vanlerenberghe, dans un rapport de 2014 intitulé « L’aide à domicile auprès des publics fragiles : un système à bout de souffle à réformer d’urgence ».
Dès 2014, la préconisation d’un renforcement durable de la participation de l’État dans le financement de l’APA et la réévaluation tarifaire du service rendu par les associations d’aide à domicile étaient donc avancées.
Les structures réunies la semaine dernière nous ont rappelé qu’il existe dix-sept diplômes ou intitulés de postes différents pour une même réalité. Les droits et avantages de tous ces salariés varient en fonction des conventions collectives, ce qui provoque une volatilité des compétences et des savoir-faire dommageable, en premier lieu, aux personnes accompagnées.
Il y a urgence à constituer un véritable service public national de l’autonomie et du grand âge. Nous devons élever la qualité du service rendu à la personne âgée et permettre une réelle reconnaissance de la profession.
Pour financer ces mesures, plutôt que de faire payer les salariés et les retraités, comme le préconise le Gouvernement, nous proposons de mettre à contribution les actionnaires.
La cinquième branche que vous proposez n’est pas la solution : elle serait financée à 90 % par la cotisation sociale généralisée (CSG) reposant essentiellement sur les salariés et les retraités, alors que les employeurs ne contribueront qu’à hauteur de 6 % au soutien à l’autonomie.
Pour notre part, nous considérons que les dépenses liées à la perte d’autonomie doivent relever de la branche assurance maladie de la sécurité sociale.
De même, soumettre les revenus financiers des entreprises à des cotisations sociales modulées selon la politique salariale et environnementale permettrait de recruter 100 000 personnels à l’hôpital et 100 000 personnels par an pendant trois ans au profit des Ehpad et du secteur médico-social.
La taxation des laboratoires pharmaceutiques et des Ehpad privés lucratifs permettrait également d’assurer la création d’un pôle public du médicament, des dispositifs médicaux et de la recherche.
Afin de regagner notre souveraineté sanitaire et de lutter contre les pénuries de médicaments, il est indispensable que nous regagnions en 2021 des capacités de production et de distribution des médicaments ou des vaccins.
Nous aurions apprécié de trouver dans ce texte de vraies propositions pour lutter contre la désertification et mieux prendre en charge le handicap, pour assurer une meilleure couverture de la médecine de ville et soutenir les centres de santé – un dispositif qui a fait ses preuves.
Nous espérions trouver des moyens et des idées pour favoriser l’installation de jeunes médecins et en former un plus grand nombre dans les facultés.
Ce PLFSS est le dernier de votre gouvernement. Pourtant, rien ne change… Avec ce texte, vous remettez complètement en cause, une fois de plus, les principes de solidarité qu’avait établis le ministre communiste Ambroise Croizat.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale apparaît donc comme extrêmement décevant. Il illustre votre renoncement aux soins pour tous et votre casse de la solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 subit l’impact simultané de l’agenda politique et de la crise sanitaire et économique.
Je remercie la rapporteure générale et les rapporteurs thématiques de la qualité de leurs rapports, qui éclairent avec précision et mise en perspective ce texte, et je salue l’acuité du regard que mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe porte sur les enjeux financiers de ce PLFSS.
Je souhaite aborder plus particulièrement la branche autonomie, qui ne vit pas ses meilleurs jours après la crise traversée par le secteur médico-social.
Si l’on peut reprocher à ce PLFSS un manque de vision d’ensemble, les quelques dispositions qui s’y trouvent nous semblent de bon sens : mise en œuvre des mesures du Ségur de la santé, amélioration de la prévention et de l’accès aux soins, lutte contre l’obésité infantile, actions de soutien à l’innovation pharmaceutique ainsi qu’à la perte d’autonomie, ou encore renforcement de la médicalisation des Ehpad et des liens avec les services d’aide à domicile.
Néanmoins, les sénateurs du groupe Union Centriste regrettent profondément que la réforme ambitieuse pour le grand âge ne cesse d’être reportée depuis quinze ans. À l’annonce récente de la non-programmation d’une loi dédiée au cours de ce quinquennat, les professionnels des établissements, les services pour personnes âgées et les associations ont ressenti « un sentiment d’abandon ».
Face à cette promesse non tenue, notre frustration est grande ; la déception lui succède, à présent. En effet, il manque un projet de loi ordinaire pour accompagner ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, contenant des mesures de gouvernance permettant de livrer une vision claire des objectifs affichés. Une telle vision à moyen ou long terme sur la politique de l’autonomie nous manque toujours.
Le défi démographique, couplé à des tensions très fortes en matière de ressources humaines, doit nous conduire à être exigeants et ambitieux. Nous devons présenter des mesures fortes et concrètes pour réformer durablement l’accompagnement des personnes âgées ainsi que la qualité de vie au travail des professionnels du secteur.
Il était ainsi attendu que le Gouvernement muscle le volet grand âge du PLFSS en intégrant les mesures les plus urgentes concernant la gouvernance et le financement de l’autonomie, des mesures essentielles pour un secteur qui se trouve dans une situation d’extrême difficulté.
Les annonces de crédits supplémentaires en 2022 pour l’aide aux personnes âgées, notamment dans le secteur de l’aide à domicile, sont intéressantes, mais elles ne sauraient constituer une réponse suffisante à l’urgence de la situation, tout particulièrement dans le secteur des Ehpad.
L’objectif de dépenses de la branche autonomie pour 2022 s’élève à 34,2 milliards d’euros. Cette somme finance essentiellement deux nouveautés : des revalorisations salariales issues du Ségur de la santé et un tarif plancher national pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). On ne peut que s’en féliciter.
L’article 30 engage également la réforme des structures en prévoyant la fusion des SAAD, des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad) en une entité unique baptisée services autonomie à domicile (SAD). C’est clairement le dispositif le plus ambitieux du texte, s’agissant de la branche autonomie.
Le Gouvernement propose également la généralisation des infirmières de nuit ainsi qu’une légère augmentation du temps de travail du médecin coordinateur en Ehpad.
Néanmoins, ces annonces, souvent faites sans aucune concertation préalable, ni avec les professionnels ni avec les départements, ne sont pas en mesure de pallier l’absence criante d’une vision pluriannuelle.
En ce qui concerne le handicap, je regrette que l’Assemblée nationale ait rejeté le principe de l’individualisation du calcul de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), proposé par le sénateur Philippe Mouiller à travers une proposition de loi.
Je déplore aussi que le groupe de travail qui devait être mis en place depuis deux ans sur l’accessibilité des transports pour les personnes en situation de handicap n’ait pas vu le jour.
Cependant, j’apprécie que l’allocation journalière du proche aidant soit élargie et indemnisée au SMIC pour les « proches aidants de personnes dont le handicap ou la perte d’autonomie peuvent, sans être d’une particulière gravité, nécessiter une aide régulière ». La même revalorisation sera appliquée à l’allocation journalière de présence parentale.
Pourtant, la réalité de l’application de cette mesure est loin d’être satisfaisante. Moins de 5 000 personnes en ont bénéficié jusqu’à présent. Cette proposition reste au milieu du gué et ne répond pas à une demande exprimée de longue date : son élargissement aux aidants dont les proches souffrent de longues maladies, notamment de cancers, afin que davantage de personnes puissent soutenir un proche malade nécessitant un accompagnement important.
Les personnes malades relèvent de votre champ de compétence, monsieur le ministre. Pourquoi ne pas agir pour soutenir leurs proches aidants ?
Par ailleurs, je propose que la différence entre l’allocation du proche aidant et le salaire puisse être couverte par les contrats collectifs de santé, en assortissant cette mesure d’une exonération sociale afin de neutraliser une potentielle augmentation des primes d’assurance. Nous y reviendrons au cours des débats.
Dans un contexte de crise sanitaire, je trouve opportun d’évoquer le sujet de la biologie délocalisée. Adoptée dans le cadre du pacte de refondation des urgences et dans le PLFSS pour 2020, cette mesure vise à élargir le cadre de cette pratique en ville afin de limiter le recours aux urgences pour des besoins d’examens de biologie de routine. Elle favorise, comme alternative aux passages aux urgences, l’accès des patients à ces examens.
Force est de constater que ce service de proximité n’est toujours pas une réalité pour nos concitoyens. Il est incompréhensible que, deux ans après le vote de cette mesure, il n’existe toujours aucun travail publié au niveau réglementaire par le ministère.
Il semble que la difficulté provienne de la négociation tarifaire de la CNAM pour coter l’acte de biologie délocalisé. Face à l’urgence de la situation, quand pourrez-vous enfin proposer ce modèle aux biologistes médicaux dans les établissements de santé, les maisons de santé ou les Ehpad ?
L’article 42 du PLFSS pour 2022 propose la généralisation d’expérimentations dans le domaine de la santé. Je m’interroge sur la raison pour laquelle le Gouvernement n’a pas souhaité généraliser l’expérimentation du dépistage du virus de l’hépatite C, alors qu’il s’est fixé, dans le cadre du plan national « Priorité prévention » de 2018, l’objectif ambitieux d’élimination de ce virus en France à l’horizon de 2025.
Je me réjouis du remboursement des moyens de contraception accordé aux femmes jusqu’à l’âge de 25 ans. Il s’agit d’une avancée majeure pour toutes, mais pas pour tous ! Alors que la charge contraceptive concerne autant les femmes que les hommes, l’annonce du Gouvernement apparaît comme un rendez-vous manqué, puisqu’elle oublie la contraception masculine et, surtout, la place des hommes dans le partage de la contraception. Il est temps de les impliquer davantage !
Mme Jocelyne Guidez. En ce qui concerne les sages-femmes, il est nécessaire de répondre de manière pertinente à leurs revendications, lesquelles me semblent bien légitimes. C’est un sujet qui mérite votre attention, monsieur le ministre.
L’article 44 ter, issu d’un amendement gouvernemental, confie à la CNAM la mission de mettre en œuvre des campagnes d’information afin de promouvoir les compétences des sages-femmes et de communiquer et d’informer sur ce sujet. Une lettre de votre part ou du directeur de la sécurité sociale à celui de la CNAM aurait pourtant eu le même effet !
Cette disposition n’a pas sa place dans le code de la santé publique ; une telle inscription n’est ni rigoureuse ni sérieuse. Les préoccupations légitimes de ces personnels méritent une réponse d’apaisement, des actions concrètes, et non une disposition législative qui sera assurément retoquée par le Conseil constitutionnel.
Il est bien sûr important de faire connaître les compétences des sages-femmes, et une campagne d’information permettra d’améliorer l’accès aux soins des femmes sur nos territoires. Vous savez que le Sénat est sensible à ce sujet. En revanche, l’article 34 de la Constitution ne prévoit pas que la loi soit le support marketing de la communication gouvernementale ! Aussi, nous voterons l’amendement de suppression proposé par Mme la rapporteure.
Permettez-moi de conclure par un proverbe anglais : « un homme qui promet beaucoup et qui ne tient rien ressemble à un jardin où il ne pousse que de mauvaises herbes. » Il suffit de ne pas multiplier les promesses, si vous n’êtes pas en mesure de les concrétiser.
Notre message est clair : vos efforts ne sont malheureusement pas à la hauteur des attentes, malgré la création d’innombrables missions et groupes de travail dont peu d’enseignements sont tirés pour faire progresser la prise en charge des plus fragiles. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)