compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Karoutchi
vice-président
Secrétaires :
M. Jacques Grosperrin,
Mme Victoire Jasmin.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 4 novembre 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
M. le président. Mes chers collègues, j’ai le plaisir et l’honneur de saluer la présence dans notre tribune officielle d’une délégation de la commission de l’administration du Sénat de la République tchèque, conduite par la vice-présidente du Sénat, Mme Jitka Seitlová. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Cette délégation a été reçue par le groupe d’amitié France-République tchèque, présidé par notre collègue Julien Bargeton. Le questeur du Sénat, notre collègue Jean-Pierre Sueur, et moi-même la recevrons demain.
Cette visite intervient à la veille de la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022, laquelle comprendra un important volet parlementaire, notamment au Sénat. Elle sera suivie par la présidence de la République tchèque au second semestre. C’est dire toute l’importance des échanges entre nos deux assemblées.
En vous souhaitant un séjour fructueux, mesdames, messieurs, je formule le vœu que votre visite contribue au renforcement des relations d’amitié et de coopération qui lient la France et la République tchèque, ainsi que le Sénat français et le Sénat de la République tchèque. (Applaudissements.)
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Financement de la sécurité sociale pour 2022
Discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2022 (projet n° 118, rapport n° 130, avis n° 122).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chère Catherine Deroche, madame la rapporteure générale, chère Élisabeth Doineau, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie, qui devait vous présenter le volet de ce texte consacré à l’autonomie, et qui m’a demandé de la remplacer.
Nous voilà réunis pour examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). C’est un moment important de la vie de cette assemblée, qui se répète chaque année. La période que nous venons de traverser a prouvé, si besoin était, que notre protection sociale était au cœur des préoccupations et du quotidien des Français.
Il s’agit aussi du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de ce quinquennat. Mais s’il est le dernier, il n’en est pas le moindre, et nous n’allons pas relâcher nos efforts maintenant, bien au contraire, car il y a encore de beaux projets et de belles conquêtes devant nous.
Vous connaissez la situation des comptes sociaux. C’est peu dire qu’elle a déjà été meilleure, et c’est avec une petite pointe de nostalgie que je rappelle qu’il y a à peine deux ans, nous étions très proches d’un équilibre si longtemps espéré et attendu.
Une pandémie mondiale est passée par là. Elle a exigé de notre part une action publique très ambitieuse et une intervention de l’État à des niveaux jamais atteints.
Parce que, oui, l’État social a répondu présent pour offrir la meilleure protection possible à tous les Français, aux soignants comme aux soignés, aux travailleurs comme aux retraités, aux entreprises comme aux salariés, aux parents comme aux enfants, aux biens portants comme aux malades.
Au début de ce quinquennat, nous voulions poser les fondations de l’État-providence du XXIe siècle. Ce projet politique s’est heurté à la force des circonstances et d’un choc historique sans précédent. Aujourd’hui plus que jamais, nos systèmes de solidarité et de santé sont regardés pour ce qu’ils sont : les piliers d’une grande Nation dans laquelle les hôpitaux accueillent chacun, quel que soit son prénom, quel que soit son statut et quels que soient ses revenus.
Notre protection sociale n’est pas qu’une grande machine assurantielle ou un agrégat de tableaux sophistiqués et de mesures techniques accessibles à un cercle restreint de spécialistes. Elle est encore moins un musée que l’on regarderait avec une certaine nostalgie.
Notre protection sociale est une réponse aux défis d’aujourd’hui et de demain, qui relèvent non pas de ceux qui agitent les plateaux de télévision et ne concernent que peu la vie réelle des Français, mais de ceux qui se manifestent parfois dans l’urgence, souvent dans la détresse, et toujours dans les morsures du quotidien.
Nous ne parlerons pas d’autre chose dans les jours et les semaines qui viennent, et c’est tant mieux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si la crise sanitaire a engendré 33 milliards d’euros de dépenses exceptionnelles en 2020 et 2021, la situation paraît aujourd’hui plus favorable : d’une part, nous ne provisionnerons que 5 milliards d’euros de dépenses pour répondre à la crise en 2022 et, d’autre part, le déficit prévisionnel ne s’élèverait qu’à un peu moins de 22 milliards d’euros, montant que les bonnes nouvelles économiques devraient permettre de réduire encore un peu plus.
Soyons clairs, ce n’est évidemment pas la fin de la crise et nous devons rester très vigilants. Les conséquences économiques de la pandémie se feront sentir très longtemps, mais la dynamique est véritablement celle d’un début de sortie de crise.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale tire les enseignements de la situation à laquelle nous sommes confrontés. Cette période a démontré le rôle central de l’hôpital et, plus largement, de la sécurité sociale.
La réponse n’est pas moins de droits, mais plus de droits, voire même « mieux de droits », si je puis dire. C’est d’ailleurs dans ce cadre que j’ai demandé au Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) de réfléchir à l’articulation entre assurance maladie obligatoire et complémentaire. J’observe que cette question fait d’ores et déjà couler beaucoup d’encre, avant même que les conclusions du HCAAM ne soient connues. J’invite chacun à garder son calme : aussi importante soit-elle, il s’agit avant tout d’une piste de réflexion et de travail.
Par ailleurs, et cela n’aura échappé à personne, du moins je l’espère, nous avons engagé un réinvestissement massif dans notre système de santé grâce au Ségur de la santé : 12,5 milliards d’euros en 2020, dont 10 milliards d’euros pour revaloriser les carrières de celles et ceux qui soignent, et 2,5 milliards d’euros pour l’investissement matériel.
Contrairement à ce que j’entends parfois, et je tiens là encore à être très clair, aucune économie ne sera faite sur le dos de l’hôpital public. Croyez bien que je n’élude pas les difficultés, et même le malaise qui traverse actuellement l’hôpital public.
Dans le même esprit que celui qui a animé le Ségur de la santé, le Gouvernement a déposé un amendement, qui vise à relever de près de 1,7 milliard d’euros l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) 2021, notamment l’Ondam hospitalier, pour garantir la prise en charge de l’intégralité des coûts liés à l’épidémie de covid-19.
En outre, partout, sur tous les territoires, des stratégies régionales d’investissement se déploient, en partenariat étroit avec les agences régionales de santé (ARS), les soignants et les élus locaux.
J’étais il y a deux semaines en Centre-Val de Loire, la semaine dernière en Occitanie, ce matin même en Normandie pour présenter des projets de grande envergure, qui vont durablement transformer l’offre de soins dans les territoires, permettre de moderniser les structures et redonner du sens au quotidien de celles et ceux qui soignent.
Je tiens à cet égard à souligner les bénéfices du partenariat mis en place avec les collectivités territoriales, notamment en Normandie : la région contribue à hauteur de 200 millions d’euros à l’action de l’État dans le cadre du Ségur des hôpitaux ; quant aux départements, ils ont décidé, à chaque fois que l’État investira un euro dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), de faire de même.
Nous voulons également tirer profit de ce qui a fonctionné pendant la crise et pérenniser des innovations qui semblaient hier audacieuses et qui sont désormais bien présentes dans la vie des Français et des professionnels de santé.
Je pense par exemple au numérique en santé, avec la téléconsultation et le télésoin : je le rappelle, nous sommes passés en quelques jours de plusieurs milliers à 1 million de téléconsultations par semaine durant la crise. Je souhaite que cette pratique perdure et apporte une réponse – elle n’est évidemment pas la seule – au problème de la désertification médicale. En effet, il s’agit là d’une réponse pertinente : entre une téléconsultation et pas de consultation du tout, le choix des Français est fait.
Le virage numérique, nous y sommes. Le Ségur de la santé a misé sur ce nouveau levier, dans des proportions très importantes, pour renforcer la collaboration entre les professionnels et favoriser l’accès aux soins des patients. Je pense bien entendu aux outils du quotidien comme l’espace numérique de santé (ENS) qui, à compter de janvier prochain, permettra à chaque citoyen d’avoir accès de manière sécurisée à ses données de santé.
Je l’ai dit en préambule, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale a beau être le dernier du quinquennat, il nous permet d’afficher des ambitions importantes, comme celle d’apporter des réponses concrètes à nos concitoyens en perte d’autonomie.
En effet, il faut regarder en face la réalité du grand âge et prendre à bras-le-corps ce bouleversement démographique sans précédent. La société française, les sociétés européennes dans leur ensemble vieillissent. Nous le savons, il ne s’agit pas là d’une projection vague et abstraite, c’est déjà le cas ici et maintenant. Dans toutes les familles de France et de Navarre, c’est un sujet de préoccupation, parce qu’un parent ou un grand-parent qui perd son autonomie, c’est toute une organisation à penser ou à repenser.
Vous le savez, l’autonomie est un chantier majeur du Gouvernement dans lequel Brigitte Bourguignon s’est engagée avec détermination, mais c’est aussi une préoccupation largement partagée sur les travées de votre assemblée. Je pense notamment aux travaux des sénateurs Bernard Bonne et Michelle Meunier, ou encore à ceux de Jean-Marie Vanlerenberghe, à qui je tiens à rendre hommage en cet instant.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 prévoit donc une réforme de l’autonomie, notamment pour renforcer la lisibilité et la qualité de l’offre à domicile, parce que pouvoir vieillir chez soi, bien vieillir chez soi est l’une des premières aspirations de nos aînés.
C’est une réforme ambitieuse à laquelle nous consacrerons 1,3 milliard d’euros d’ici à 2025, une réforme financée par des moyens d’ores et déjà rendus disponibles à l’horizon 2024. Il s’agit donc d’une réforme structurelle et financée, d’une réforme d’avenir et pérenne.
Le Gouvernement propose notamment d’instaurer et de financer un tarif national de 22 euros par heure d’intervention, c’est-à-dire un niveau de financement public minimum, pour tous les services d’aide à domicile, ce qui représente un investissement de 240 millions d’euros dès 2022.
Avec le Ségur de la santé, d’une part, l’agrément de l’avenant n° 43 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile, d’autre part, ce sont plus de 2,8 milliards d’euros qui seront alloués chaque année au financement de revalorisations salariales.
Je sais que certaines aides à domicile, en particulier celles qui sont employées par des services privés lucratifs, n’ont pas encore bénéficié de ces revalorisations. Grâce à la hausse du financement de l’intervention horaire, le dialogue social devrait aboutir à des revalorisations salariales. Je sais que Brigitte Bourguignon y veillera personnellement.
Vos collègues députés ont enrichi ce projet de loi de financement de la sécurité sociale de nombreuses mesures qui vont dans le sens d’une vraie politique du grand âge. Si je ne veux pas dresser un inventaire à la Prévert, je ne peux pas ne pas citer le financement d’une dotation à la qualité pour les services à domicile, qui représente 500 millions d’euros supplémentaires par an d’ici à 2025, et 800 millions d’euros d’ici à 2030.
Ce sont autant de mesures et de dispositifs qui chaque jour un peu plus font du fameux « virage domiciliaire » une réalité.
Nous n’esquivons pas non plus la question de l’accès aux soins, qui reste notre priorité et le fil rouge de mon action.
Les déserts médicaux, que l’on nomme de manière plus administrative et moins brutale les « zones sous-denses », constituent un problème ancien, voire très ancien. Aussi loin que je me souvienne, la démographie médicale était déjà au cœur des préoccupations lors de mes études de médecine.
Là encore, les députés ont formulé des propositions qui doivent permettre un accès aux soins plus direct et plus simple, et avec un niveau élevé de qualité, dans tous les territoires.
Je pense ici à la prise en charge des consultations auprès des psychologues en ville, à la suite des annonces du Président de la République dans le cadre des assises de la santé mentale, à la prise en charge intégrale, pour les jeunes hommes de moins de 25 ans, d’une consultation longue en santé sexuelle, afin de mobiliser les garçons autour des thématiques de santé sexuelle, notamment sur le choix d’une contraception adaptée, ou encore à l’encadrement renforcé des centres de santé, en particulier pour les soins dentaires et optiques, afin de garantir des prestations de qualité.
Qui dit accès aux soins dit également accès aux traitements. Si cela passe par un meilleur financement de l’innovation et une meilleure sécurité d’approvisionnement en médicaments, il faut aussi responsabiliser les laboratoires, en continuant à baisser les prix sur les produits les plus amortis, afin d’éviter les phénomènes de rente, ou en étant plus exigeant sur les ruptures de stock.
Nous consacrerons ainsi 300 millions d’euros pour faciliter l’accès à des molécules onéreuses sur tout le territoire, et ce afin que l’accès à ces produits ne soit pas conditionné à la santé financière de l’hôpital qui les délivre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nos débats seront l’occasion d’aller encore plus loin dans beaucoup de domaines et sur des sujets dont la crise a prouvé qu’ils étaient parfois d’une envergure insoupçonnée, comme c’est le cas, par exemple, de la santé mentale, dont nous n’avons jamais autant parlé. Je m’en félicite d’ailleurs, parce qu’elle a trop longtemps été le parent pauvre de nos politiques de santé.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale apporte des réponses concrètes, qu’il s’agisse de l’accès direct et remboursé à des psychologues ou de l’entretien postnatal pour prévenir la dépression post-partum. Il vous reviendra de les ajuster et de les enrichir.
C’est tout le sens de la discussion qui débute aujourd’hui sur un texte qui traite de sujets aussi divers que concrets. Je pense à la régulation des centres de santé, ou encore à la participation des médecins libéraux au service d’accès aux soins.
Ma conviction est que, si l’on regarde de près les moyens mis en œuvre, article par article, il est possible, quel que soit notre bord politique et au-delà de nos engagements réciproques, de trouver des compromis sur l’essentiel des dispositions de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui se veut un texte budgétaire à la fois concis et ambitieux.
Nous aurons ces débats, et dans un pays qui doute parfois de sa force et a tendance à s’autodénigrer, il est bon de rappeler qu’avoir une certaine idée de la France, c’est aussi avoir une certaine idée de sa protection sociale, hier, aujourd’hui et demain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le ministre, cher Olivier, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
S’il s’agit du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat, j’aurais aimé qu’il soit aussi celui du retour à l’équilibre. (M. Jérôme Bascher s’exclame.)
Je le dis sans détour : en tant que ministre délégué chargé des comptes publics, je ne peux évidemment pas me satisfaire des tableaux d’équilibre que nous vous proposerons de voter, même si les amendements que le Gouvernement déposera d’ici à l’examen des articles, lesquels tiennent compte notamment de la révision à la hausse des hypothèses macroéconomiques, permettront d’améliorer les comptes de la sécurité sociale.
Ces chiffres contrastent fortement avec les ambitions que nous nourrissions avant la crise sanitaire, quand le retour à l’équilibre de la sécurité sociale était proche et que l’amortissement de la dette sociale avait vocation à s’arrêter en 2024.
Ainsi, après révision, le déficit du régime général de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devrait s’établir à 33,5 milliards d’euros en 2021, à 20,4 milliards d’euros en 2022, et dépasser encore 11 milliards d’euros en 2025.
Par rapport aux agrégats figurant dans le texte initial, qui ont été adoptés par l’Assemblée nationale, le déficit serait ainsi diminué de 1,1 milliard d’euros en 2021, de 1,2 milliard d’euros en 2022 et de 2,2 milliards d’euros en 2025.
Cette amélioration globale tient à la combinaison de quatre éléments.
Tout d’abord, ces trajectoires révisées traduisent la hausse de 0,4 point du PIB et de 1,1 point de la masse salariale sur la période 2021-2025. Cette amélioration de la trajectoire macroéconomique, qui légitime notre politique, conduit à elle seule à une amélioration du solde de 2,1 milliards d’euros en 2021, de 1,9 milliard d’euros en 2022 et de 3,3 milliards d’euros en 2025.
Ensuite, cette révision intègre les mesures adoptées en première lecture à l’Assemblée nationale, notamment la dotation à la qualité que vient d’évoquer le ministre de la santé et des solidarités.
Par ailleurs, ces trajectoires intègrent une révision de l’Ondam 2021, lequel sera rehaussé de 1,7 milliard d’euros en raison de dépenses plus dynamiques que celles que nous avions initialement prévues pour ce qui concerne les médicaments, les indemnités journalières ou les honoraires médicaux, ainsi que de la nécessité de couvrir les surcoûts éventuels liés à l’épidémie de covid-19 pour les établissements de santé. L’Ondam 2022, lui, augmentera de 500 millions d’euros pour prendre en compte les effets de certaines dépenses supplémentaires enregistrées en 2021.
Enfin, le solde pour 2021 intègre l’affectation de 0,7 milliard d’euros de TVA à la sécurité sociale, votée dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2021 au titre de la compensation des achats de vaccins pour des pays tiers.
Comme je le disais, le déficit de la sécurité sociale s’établirait à environ 11 milliards d’euros en 2025. Cette dégradation durable des comptes sociaux, bien que plus faible que celle que nous anticipions il y a quelques semaines, doit nous interpeller. Elle ne doit néanmoins pas nous faire oublier l’amélioration des comptes observée avant la crise sanitaire.
Je rappelle que le déficit de la sécurité sociale et du FSV avait atteint un plus bas historique en 2018 et 2019, avec respectivement 1,2 milliard d’euros et 1,9 milliard d’euros. Ces chiffres montrent que notre majorité n’a plus rien à prouver en matière de sérieux budgétaire et nous donnent une leçon précieuse pour l’avenir : c’est aussi parce que ses comptes étaient en ordre que la sécurité sociale a pu protéger les Français aussi vite et aussi bien durant la crise que nous avons traversée.
Tous les Français sont conscients, je le crois, de l’immense effort que notre système de santé a fourni et continue de fournir pour lutter contre la crise sanitaire et les protéger. Cet effort est bien entendu d’abord celui des soignants, que je tiens encore à saluer.
C’est également un effort financier d’une ampleur colossale. Je rappellerai quelques chiffres : 135 millions, c’est le nombre de tests de dépistage que nous avons réalisés, soit davantage que tout autre pays en Europe ; 4,7 milliards d’euros, c’est l’estimation du coût de notre campagne vaccinale, que je considère toujours comme le meilleur investissement qui soit, non seulement pour la santé de nos concitoyens, mais également pour le redémarrage de notre économie.
La crise sanitaire a rendu plus concrète que jamais la raison d’exister de la sécurité sociale : protéger les Français. Ne jamais prendre cette mission comme acquise, chercher continuellement à mieux protéger les Français, cela fait partie des objectifs que nous nous sommes fixés durant ce quinquennat.
Je ne reviendrai pas en détail sur chacune des avancées de ce quinquennat en matière de droits sociaux. Je citerai seulement les principales d’entre elles : le déploiement du dispositif « 100 % santé », une réforme qui a changé le quotidien de millions de nos concitoyens ; la création d’une cinquième branche dont l’édification donnera lieu, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, à de nouvelles avancées en matière de prévention de la perte d’autonomie – Olivier Véran les a détaillées il y a un instant ; un investissement financier inédit tant pour nos soignants que dans nos établissements de santé, que nous avons depuis étendu aux établissements médico-sociaux.
Les différents projets de loi de financement de la sécurité sociale présentés durant ce quinquennat ont également été l’occasion de traduire un autre fil rouge de notre action, sur lequel je souhaite revenir : je veux parler de la revalorisation du travail et de notre engagement en faveur de l’emploi et de la croissance.
Ainsi, depuis 2017, nous avons successivement transformé le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en un allégement pérenne de charges sociales de plus de 23 milliards d’euros et supprimé les cotisations salariales chômage et maladie, soit un effort supplémentaire de 6 milliards d’euros en faveur des actifs. Nous avons supprimé les cotisations sociales sur les heures supplémentaires, par ailleurs défiscalisées. Nous avons enfin étendu les allégements généraux à l’ensemble des contributions sociales, afin qu’il n’y ait plus de cotisations ou de contributions patronales au niveau du SMIC.
Cette politique en faveur de la croissance, de l’emploi et du pouvoir d’achat a été une constante de notre action. Nous l’avons poursuivie sous une autre forme en octroyant des aides massives aux entreprises et aux salariés en activité partielle durant la crise sanitaire, et ce en un temps record.
Nous l’avons prolongée en déployant France Relance, un plan de relance de l’activité inédit de 100 milliards d’euros, qui servira notamment à renforcer l’investissement dans notre système de santé. C’est tout l’objet des plus de 18 milliards d’euros investis au titre du Ségur de la santé.
J’assume d’autant plus facilement cette politique en faveur de la croissance que je suis convaincu que c’est d’abord grâce à la croissance que nous rétablirons nos finances publiques, notamment nos finances sociales.
Cette politique porte ses fruits. Nous avons ainsi relevé nos prévisions de croissance de 6 à 6,25 % pour 2021, ce qui conduit à la révision de la trajectoire pluriannuelle que je viens de vous détailler. Comme pour le projet de loi de finances, je précise que, si la croissance constatée était supérieure à 6,25 %, comme le laisse entrevoir l’Insee dans ses dernières prévisions, les recettes supplémentaires qu’elle engendrerait nous permettraient de réduire encore davantage les déficits tant de l’État que de la sécurité sociale.
À ceux qui auraient aimé que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 comporte des mesures brutales de rétablissement des comptes sociaux, nous répondons que ce n’est pas la politique choisie par le Gouvernement. Contrairement à l’après-crise de 2009-2010, nous avons en effet privilégié la croissance.
La révision à la hausse des prévisions de recettes sociales engendrée par le surcroît de masse salariale, associée au dynamisme de la reprise, nous donne raison. Les récents chiffres du troisième trimestre 2021 concernant les embauches de plus d’un mois nous confortent dans cette stratégie : elles se sont de nouveau accrues de 11,4 %, après une augmentation de 16,6 % au deuxième trimestre. Cette hausse concerne à la fois les contrats à durée déterminée (CDD) de plus d’un mois – +12,8 % – et les contrats à durée indéterminée (CDI) – +9,9 %.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n’en est pas moins un texte de transformation, qui s’inscrit dans le prolongement de ceux qui vous ont été présentés depuis 2017. J’en veux pour preuve qu’il marque une nouvelle étape dans le chantier de l’unification du recouvrement social. Ce chantier est structurant, car de cette unification découleront des gains d’efficacité significatifs, ainsi qu’une plus grande fiabilité des cotisations collectées et des droits sociaux enregistrés. Elle constitue par ailleurs un levier majeur de simplification pour les entreprises qui n’auront plus, à terme, qu’un seul interlocuteur au titre des cotisations sociales.
Vous aviez adopté une trajectoire ambitieuse d’unification du recouvrement social dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Certains de ces jalons ont pu ou pourront être aménagés, afin de tenir compte des effets de la crise sanitaire et de sécuriser les transferts. Ainsi, le transfert des cotisations collectées par l’Agirc-Arrco sera amorcé en 2022 par un pilote ; sa mise en œuvre pleine et entière n’interviendra, quant à elle, qu’en 2023.
Si nous sommes pragmatiques, nous n’en restons pas moins ambitieux : aussi, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d’acter le transfert des cotisations collectées par la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse des professions libérales (Cipav) à l’issue de premiers travaux techniques, dont je tiens à saluer la qualité, pour une mise en œuvre en 2023.
Je souhaiterais évoquer rapidement deux autres mesures de transformation prévues dans ce texte. Nous vous proposons de généraliser le versement en temps réel des aides fiscales et sociales du secteur de l’aide à domicile, à commencer par le crédit d’impôt au titre des services à la personne.
Dès le 1er janvier 2022, les particuliers employeurs qui utilisent le Cesu+, le nouveau chèque emploi service universel dématérialisé, pourront bénéficier d’une avance de leur crédit d’impôt en temps réel. En avril 2022, cette généralisation sera étendue aux clients de services intermédiés, mandataires, prestataires et plateformes. À partir de 2023, une fois les conventions de partenariat conclues avec les conseils départementaux, ce sont les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, ou de la prestation de compensation du handicap, la PCH, qui entreront dans le dispositif ; enfin, en 2024, cette généralisation sera élargie à la garde d’enfants.
Cette réforme simplifiera la vie de millions de nos concitoyens qui doivent aujourd’hui avancer le montant de leur crédit d’impôt. Elle contribuera à accompagner le virage domiciliaire et l’essor du secteur des services à la personne et de l’aide à domicile. Elle simplifiera le développement du travail déclaré et favorisera ainsi l’ouverture des droits sociaux associés aux salariés concernés.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale traduit enfin les mesures de transformation de la protection sociale du plan présenté par le Président de la République le 16 septembre dernier en faveur des travailleurs indépendants. Elles permettront de neutraliser les effets de la crise, de faciliter l’ajustement des échéances de cotisations sociales par les travailleurs indépendants eux-mêmes en fonction des revenus perçus et de moderniser le statut de conjoint collaborateur.
Vous le voyez, nous avons fait le choix de réformer jusqu’au dernier jour.
Le travail devra être poursuivi, s’agissant notamment du rétablissement des comptes sociaux. Il n’est en effet pas envisageable de reporter indéfiniment le retour à l’équilibre, sans quoi ce sont nos enfants et petits-enfants qui devront assumer le poids de nos déficits actuels.
Nous avons plus que jamais besoin d’une vision et d’un pilotage global des finances publiques, ainsi que d’une gouvernance modernisée de nos finances sociales. C’est toute l’ambition de la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, que l’Assemblée nationale a votée le 19 juillet dernier, et que le Sénat a modifiée il y a quelques semaines. Son adoption, que je souhaite prochaine, nous donnera des outils bienvenus pour nous aider à mieux maîtriser les comptes sociaux.
Nous avons également besoin d’un pilotage unifié des finances sociales, ce qui implique, au vu du déficit global, de ne pas considérer les éventuels excédents isolés comme des marges de manœuvre, mais de renforcer la solidarité interbranches. Nous devrons évidemment poursuivre les réformes structurelles lorsque les conditions seront réunies.
Enfin, après des exercices forcément exceptionnels, nous devrons renouer avec un pilotage rénové des dépenses d’assurance maladie, qui ne soit pas incompatible avec nos objectifs en matière de santé publique, mais qui garantisse au contraire une utilisation plus juste des contributions des Français à notre système de protection sociale.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ne solde donc pas l’ensemble des sujets. Il clôt toutefois un quinquennat de transformation de notre système social et d’avancées en faveur d’une meilleure protection des Français. Dans ces temps difficiles, la sécurité sociale a de nouveau prouvé sa modernité. Il nous reste à faire en sorte collectivement de lui permettre de continuer, demain, à remplir sa mission de protection des Français.
Je ne doute pas que nos débats seront l’occasion d’approfondir ces sujets en visant ce même objectif et cette même convergence. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)