M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de saluer mon prédécesseur, Jean-Marie Vanlerenberghe, qui m’inspire et guide mes premiers pas en tant que rapporteure générale. Qu’il en soit remercié. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Nous abordons ce projet de loi de financement de la sécurité sociale dans un moment très particulier pour la sécurité sociale, comme viennent de le rappeler MM. les ministres.
En effet, les premiers articles du texte nous invitent à constater le plus lourd déficit de l’histoire des comptes sociaux. J’y reviendrai simplement à votre suite, messieurs les ministres, pour souligner une nouvelle fois que, dans une période de crise d’une très grande violence, la sécurité sociale a su pleinement jouer son rôle en aidant les Françaises et les Français, tant pour ce qui est du volet sanitaire de la crise que de son volet social.
Le Sénat et sa commission des affaires sociales ont d’ailleurs pleinement soutenu cette démarche, même si nous avons pu regretter, à raison, de ne pas avoir été consultés via un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Espérons que la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale nous autorisera à le faire à l’avenir.
Quant aux chiffres, au-delà des 39,7 milliards d’euros de déficit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) et du Fonds de solidarité vieillesse en 2020, je retiendrai surtout la prolongation de neuf ans de l’existence de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), notamment pour éponger quelque 92 milliards d’euros au titre des déficits anticipés à partir de 2020.
Pour l’année 2021, l’amélioration des comptes n’est que peu sensible, malgré une vigoureuse reprise économique et la forte diminution du recours à l’activité partielle. Avant la probable révision que vous nous proposerez, le projet de loi de financement de la sécurité sociale transmis au Sénat prévoyait encore un déficit de 34,8 milliards d’euros, c’est-à-dire le deuxième plus élevé de l’histoire de la sécurité sociale, bien au-delà de celui qui avait été enregistré en 2010.
Certes, la prévision de solde est pratiquement identique à ce que prévoyait la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Mais c’est de l’ordre de l’apparence, puisque cela découle d’une augmentation des recettes comme des dépenses d’un peu moins de 12 milliards d’euros : les recettes, en raison de la reprise économique ; les dépenses, du fait d’une nouvelle augmentation d’ampleur de l’Ondam, liée à la prolongation de la crise sanitaire et à des dépenses pour les tests et la campagne vaccinale mal calibrées.
Là encore, messieurs les ministres, la consultation du Parlement en cours d’exercice aurait été préférable.
À l’issue de ces deux années bouleversées par la crise, c’est bien l’évolution des finances sociales qui se joue dès le PLFSS pour 2022. Or, mes chers collègues, de ce point de vue, je ne peux vous cacher les inquiétudes que m’inspire ce texte.
Certes, pour l’exercice à venir, le déficit de la sécurité sociale devrait s’améliorer assez nettement, pour revenir à 22,6 milliards d’euros au niveau des Robss et du FSV, ce qui reste considérable.
Cette amélioration, qui pourrait d’ailleurs être encore plus forte du fait de la révision des hypothèses macroéconomiques, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre Dussopt, n’est due qu’à l’embellie économique. Ce sont bien les recettes, tirées par la hausse du PIB et de la masse salariale, qui comblent en partie le trou des années 2020 et 2021.
En revanche, aucune mesure nouvelle, notamment en dépenses, ne contribue à cette amélioration. L’annexe 4 du PLFSS montre d’ailleurs bien que les mesures nouvelles dégradent légèrement le solde.
Je peux comprendre ce choix pour l’année à venir, non seulement en raison des échéances électorales, mais aussi parce qu’en sortie de crise la France reste fragile d’un point de vue économique et social. Dans ce contexte, il importe sans doute de ne pas briser l’élan, d’autant que nul ne sait ce que nous réserve l’épidémie de covid-19 à l’avenir.
C’est sur l’avenir un peu plus éloigné que se porte l’essentiel de mes inquiétudes.
En effet, comme vous le savez, le PLFSS présente l’originalité de comprendre une annexe à la fois « littéraire » et financière relative aux quatre prochaines années, ce qui peut évidemment inclure l’effet de mesures nouvelles à venir.
Or, messieurs les ministres, cette annexe ne dessine aucune stratégie de retour à l’équilibre pour les quatre années à venir, après la crise actuelle. Bref, il n’y a aucun signe de « dégrisement » après le « quoi qu’il en coûte ».
En conséquence, malgré le rebond économique de 2021 et 2022, la trajectoire des comptes de la sécurité sociale tranche nettement avec ce qui a été observé lors de la crise financière de 2008. Non seulement le décrochage initial est plus élevé, mais surtout le déficit des Robss et du FSV devrait atteindre un plateau dès 2023, à un niveau d’une quinzaine de milliards d’euros littéralement insoutenable pour la sécurité sociale. Cette trajectoire contraste nettement avec le chemin suivi après la crise financière de 2008, dans un contexte de langueur économique sur une plus longue période.
Pour ces raisons, la dette sociale n’apparaît pas maîtrisable.
À partir des propres hypothèses du Gouvernement, le cumul des déficits de la sécurité sociale postérieurs à l’année 2019 transférables à la Cades aux termes de l’article 1er de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie devrait dépasser le plafond de 92 milliards d’euros dès 2022 – l’endettement est le principal ennemi de la solidarité ; comme l’a plus ou moins dit un des ministres, il faut revenir à des termes raisonnables, car, si d’autres crises surviennent, nous devrons absolument être en mesure de les affronter.
Surtout, la poursuite de l’accumulation de déficits importants après 2022, actée par le Gouvernement, conduirait à dépasser ce plafond de plus de 51 milliards d’euros d’ici à 2025.
Bien entendu, en l’absence de stratégie de retour à l’équilibre, il n’y a aucune raison de croire que les déficits se résorberont comme par magie à partir de 2026.
Dès lors, la dette sociale apparaît comme un puits sans fond, qui se creuserait chaque année, presque dans les mêmes proportions que le niveau d’amortissement – environ 17 milliards d’euros – que la Cades peut mettre en œuvre. Au total, la trajectoire financière proposée par le Gouvernement semble réellement hypothéquer notre capacité collective à léguer notre système de protection sociale aux générations futures.
Face à cette situation, notre commission a pris ses responsabilités et choisi d’afficher un message clair.
D’une part, en rejetant le rapport annexé, dont le fond restera inchangé même avec les éventuels amendements que le Gouvernement pourrait présenter.
D’autre part, en formulant plusieurs propositions concrètes destinées à envoyer un message de responsabilité financière sans casser la reprise en cours.
Ces propositions se déclineront autour de trois axes.
Le premier consiste à ne faire assumer à la sécurité sociale que les coûts lui incombant. Je pense notamment à l’explosion du budget de Santé publique France et à la dette hospitalière, deux sujets dont nous avons déjà beaucoup parlé au cours des éditions précédentes et sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir.
Le deuxième consiste à assurer, avec notre rapporteure de la branche maladie, Corinne Imbert, et dans la continuité de nos propositions en loi organique, un meilleur contrôle du Parlement sur les multiples dotations que la sécurité sociale, en particulier cette branche maladie, verse à différents organismes.
Le troisième consiste à avancer, avec notre rapporteur de la branche vieillesse, René-Paul Savary, une proposition qui associera les partenaires sociaux tout en affichant la nécessité d’évolutions paramétriques en matière de retraite.
En somme, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a fait le choix de la cohérence, afin de préserver à long terme la solidité de notre modèle social. Soyons conscients que seule une sécurité sociale avec des comptes en ordre nous permettra d’offrir la même protection à nos enfants et de faire face à la prochaine crise.
On a le sentiment d’être en apnée… Mais, comme vous le savez, mes chers collègues, toute apnée nécessite des phases en aérobie, des temps pour reprendre son souffle. J’aurais donc tendance à conclure ainsi : faisons remonter les comptes de la sécurité sociale à la surface ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Républicains. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce PLFSS pour 2022 est le dernier de cette législature, mais aussi, et surtout, le second depuis le début de la pandémie de covid-19, qui, cette année encore, marque fortement la branche maladie et les articles rattachés à celle-ci.
Je commencerai par les observations de la commission sur la trajectoire financière proposée dans ce texte pour la branche et pour l’Ondam, devenu au fil des ans le référentiel, si ce n’est un totem du PLFSS.
Cette trajectoire, messieurs les ministres, nous paraît particulièrement préoccupante. Force est de constater que les revalorisations du Ségur de la santé ne sont pas financées et qu’en présentant une perspective de déficit à hauteur de 15 milliards d’euros pour 2025, le Gouvernement met l’assurance maladie dans une situation de grande fragilité. Quel avenir assurons-nous au financement de notre système de santé avec pas moins de 63 milliards d’euros de déficits cumulés entre 2021 et 2025 ? La Cades paiera sans doute…
L’Ondam devrait atteindre l’an prochain 236,3 milliards d’euros, soit, en définitive, un montant en très léger repli par rapport à la rectification pour 2021. Mais, hors dépenses liées à l’épidémie de covid-19, il sera en progression de 3,8 %. C’est une dynamique particulièrement forte.
Vous nous répondrez que l’Ondam pour 2022 est ambitieux et revendiquerez un effort sur le médicament et une absence d’économies sur l’Ondam hospitalier. Soit !
Pourtant, ce niveau de dépenses record dont vous vous réjouissez nous semble en décalage criant avec la réalité que nous constatons tous dans nos territoires : nos hôpitaux connaissent des situations parfois alarmantes, avec des services d’urgence hors d’état de marche, ainsi qu’un profond et préoccupant malaise de certaines professions de santé – comment ne pas citer les sages-femmes, ou encore les internes ?
Cinquante articles sont rattachés à la branche maladie. N’ayant pas le temps de les détailler, je me limiterai à quelques observations.
S’agissant de l’hôpital, les dispositions proposées se bornent à des ajustements des réformes structurelles du financement de la psychiatrie, des soins de suite et de réadaptation et des urgences, rendus nécessaires par la crise sanitaire.
Sur le volet des produits de santé, le PLFSS pour 2022 se revendique comme celui de la mise en œuvre des mesures arrêtées par le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) de 2021 et celles du plan Innovation Santé 2030, qui en découle.
Si l’article 36, avec le nouveau dispositif dit d’« accès direct » au médicament, et l’article 38, traitant de la prise en compte de l’empreinte industrielle dans la fixation du prix, nous paraissent bienvenus, nous sommes plus réservés sur leur mise en œuvre concrète.
Dans le champ du dispositif médical, je me félicite de la création, à l’article 24, d’un régime de prise en charge de droit commun des dispositifs médicaux numériques de télésurveillance et, à l’article 33, d’un accès à une prise en charge anticipée pour ceux de ces dispositifs qui présenteraient un caractère innovant.
Concernant les soins de ville, le PLFSS comporte plusieurs articles qui visent à faciliter l’accès à certains soins dispensés par des auxiliaires médicaux, en supprimant la prescription médicale préalable. Sur ce point, disons-le, il ne remplit pas son rôle.
Les dispositions que vous y avez inscrites, messieurs les ministres, comme les articles additionnels adoptés à l’Assemblée nationale ont transformé ce texte en une loi de santé au rabais, ficelée à la hâte avant la fin de votre mandat, comme une sorte de véhicule balai.
M. Bernard Jomier. C’est vrai !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ce n’est pas satisfaisant sur la forme : c’est un dévoiement du PLFSS. Ce n’est pas non plus satisfaisant sur le fond : ces mesures, qui répondent parfois à de réelles lacunes dans nos territoires, méritaient une vraie concertation avec l’ensemble des professionnels concernés, d’autant que certains des dispositifs envisagés risquent de mettre à mal, sur le long terme, le rôle du médecin traitant et le principe même de parcours de soins coordonnés.
MM. Bernard Jomier et René-Paul Savary. Très juste !
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Enfin, dans le domaine de la prévention, le PLFSS comprend une série de mesures disparates, consistant essentiellement à généraliser ou prolonger des expérimentations, dont la commission partage l’intention globale, même si elle en regrette parfois le manque d’ambition.
Telles sont en quelques mots, mes chers collègues, mes principales observations sur la branche maladie et les dispositions la concernant, que la discussion des articles doit désormais nous permettre d’examiner plus en détail. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. René-Paul Savary, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’heure où nous abordons l’examen du dernier PLFSS du quinquennat, je ne peux m’empêcher de repenser à la grande réforme du système de retraite promise par le candidat Emmanuel Macron en 2017. Nous allions voir ce que nous allions voir… Nous n’avons toujours rien vu !
Pendant ce temps, les perspectives de retour à l’équilibre de la branche vieillesse ne cessent de s’éloigner et relèvent davantage de la chimère que du champ des possibles.
Après la forte dégradation, en 2020, de la situation financière de la branche, dont le déficit a atteint 7,4 milliards d’euros sous l’effet de la crise sanitaire, l’amélioration de la conjoncture économique ne devrait pas permettre de ramener le solde à son niveau de 2019, tant s’en faut.
Ainsi, grâce à la progression du produit des cotisations sociales, liée à la fois à l’accroissement de la masse salariale et à la régularisation des cotisations reportées des travailleurs indépendants, le déficit de la branche vieillesse reculerait à 6,4 milliards d’euros en 2021 et à 5,2 milliards en 2022.
Ajoutons que cette tendance ne durerait pas au-delà de 2022. Dès 2023, en raison de la vigueur de l’inflation et de la poursuite du vieillissement démographique, le déficit de la branche se dégraderait de nouveau, pour atteindre 10 milliards d’euros d’ici à 2025.
À mesure que se profile ce sinistre horizon, qui remet gravement en cause la confiance des jeunes générations en la capacité du système de retraite à leur garantir une pension en contrepartie des cotisations versées tout au long de leur carrière, pour la cinquième année consécutive le Gouvernement demeure totalement passif.
Au-delà de quelques mesures de bon sens relatives à l’assurance vieillesse, comme la validation de trimestres de retraite par les travailleurs indépendants frappés par la crise, la possibilité de racheter des trimestres pour certains travailleurs indépendants, dont les cotisations n’ont pas été appelées pendant de nombreuses années, ou encore l’extension de la retraite progressive aux cadres en convention de forfait en jours, ce PLFSS ne contient aucune mesure de redressement des comptes de la branche vieillesse.
Comme chaque année, la commission prendra donc ses responsabilités – je vous remercie, madame la rapporteure générale, de l’avoir souligné – en proposant à la représentation nationale d’adopter, en vue d’un retour à l’équilibre à l’horizon de 2030, les seules mesures envisageables compte tenu de notre refus catégorique du recours à la diminution des pensions ou à l’augmentation des cotisations.
Réaffirmant notre attachement au paritarisme, nous proposons de confier aux partenaires sociaux, réunis dans le cadre d’une conférence de financement – nous n’avons rien inventé –, la charge de formuler des propositions en ce sens en recourant à divers leviers.
Dans le cas où cette conférence ne parviendrait pas à trouver un consensus, ce que, bien évidemment, nous ne souhaitons pas, les ajustements paramétriques qui nous paraissent nécessaires entreraient en vigueur dès 2023. Il s’agit, d’une part, du report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans dès la génération 1966 et, d’autre part, de l’accélération de la mise en œuvre de la réforme Touraine, de façon à ce que la durée d’assurance nécessaire à l’obtention du taux plein soit portée à 43 annuités à compter de la génération 1966, au lieu de la génération 1973.
En somme, mes chers collègues, la question fondamentale qui se présente à nous est la suivante : voulons-nous faire peser sur nos enfants et nos petits-enfants le poids de la dette qui s’accumule jour après jour, à défaut de trouver le courage de mener enfin une réforme difficile, mais indispensable ?
Laisser filer plus longtemps les déficits reviendrait à porter atteinte au principe même de répartition, fondé sur la solidarité entre les générations. Or qui dit solidarité, dit aussi équité : une génération ne doit jamais se trouver contrainte à payer les frais de l’incapacité des générations précédentes à assumer leurs propres responsabilités.
Pour ma part, j’estime normal de proposer, plutôt, d’améliorer l’employabilité des personnes d’expérience, que l’on appelle volontiers les seniors. Il y va de la préservation de notre modèle social. Plus on tarde à prendre les décisions, plus elles sont longues à s’appliquer et plus les mesures mises en œuvre sont brutales. C’est pourquoi il est indispensable d’agir ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après un déficit provoqué par la crise sanitaire l’année dernière, la branche famille retrouverait l’équilibre en 2021 avec un solde de 1,2 milliard d’euros. Le rétablissement des recettes de la branche serait porté par la reprise économique, tandis que les dépenses augmenteraient légèrement.
Pour 2022, la situation de la branche continuerait à s’améliorer avec un excédent de 1,7 milliard d’euros.
Si l’on peut se réjouir de ces perspectives financières rassurantes, le doute est permis quant au bon emploi des excédents retrouvés.
Je ne peux ainsi cacher ma déception de voir la branche famille faire l’objet, une fois encore, de si peu de mesures dans le PLFSS, alors que la politique familiale dans notre pays a besoin d’un renouveau.
Toutefois, les quelques dispositions proposées vont dans le bon sens, et c’est pourquoi la commission vous proposera de les adopter.
La systématisation de l’intermédiation financière des pensions alimentaires constitue sans aucun doute l’avancée la plus importante. Elle parachève le mouvement de réforme visant à lutter contre les impayés des pensions alimentaires, en s’attaquant au problème à la racine.
En 2019, nous avions voté en faveur du recours à l’intermédiation lorsqu’elle est mentionnée dans le titre exécutoire fixant la pension alimentaire ou lorsqu’un des parents demande sa mise en place auprès de sa caisse d’allocations familiales.
L’article 49 propose d’aller plus loin en rendant applicable l’intermédiation de la créance alimentaire dès l’émission du titre exécutoire. Par dérogation, les parents pourront refuser conjointement ce dispositif, sauf si le parent créancier ou l’enfant a été victime de menaces ou de violences volontaires commises par le parent débiteur.
La commission vous propose, mes chers collègues, d’adopter cet article, qui permettra de réduire l’insécurité financière des familles victimes d’impayés, notamment les familles monoparentales.
La commission a également accueilli favorablement l’article 49 ter, qui simplifie les modalités de calcul et de revalorisation de la prestation d’accueil et de restauration scolaire versée dans les départements et collectivités d’outre-mer. Alors que les montants de la prestation ont été injustement gelés depuis plusieurs années, il est notamment proposé que sa revalorisation annuelle soit désormais indexée sur l’inflation.
D’autres dispositions renforcent l’accès aux droits par l’échange de données entre organismes et administrations ou bien par une lutte accrue par les organismes débiteurs de prestations familiales contre le non-recours. Ces dispositions, qui correspondent largement aux pratiques déjà en vigueur, ne posent pas de difficultés de fond, sous réserve de quelques ajustements que je proposerai.
Enfin, l’article 49 quater vise à décaler l’entrée en vigueur du tiers payant pour le complément de libre choix du mode de garde (CMG) accordé aux parents ayant recours à une structure pour la garde de leurs enfants. C’est avec regret – je l’ai déjà souligné en commission – que je constate l’impossibilité technique de déployer le tiers payant dès janvier prochain et la nécessité d’adopter cet article.
Ainsi, je ne formule pas d’opposition sur les mesures proposées dans ce texte. Je constate en revanche que le Gouvernement n’enclenche pas la relance de la politique familiale dont notre pays a tant besoin au vu de sa natalité déclinante. De 2012 à 2019, le nombre annuel de naissances dans l’Hexagone est passé de 790 000 à 714 000.
La remise en cause de notre modèle de politique familiale a sa part dans cette chute de la natalité. Introduite en 2015, la modulation du montant des allocations familiales selon les ressources du foyer a brouillé la lisibilité de notre système, en assignant un objectif redistributif à une prestation universelle. Il me semble nécessaire et urgent de revenir sur cette modulation. C’est pourquoi je déposerai prochainement une proposition de loi en ce sens.
Le renouvellement des générations est le meilleur investissement pour l’avenir. Tout notre système de sécurité sociale, dont nous débattrons cette semaine, repose sur une démographie dynamique. Il convient donc de ne pas le mettre en difficulté dans quelques années, par un manque de vision et de considération pour le temps long qui serait dramatique. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, après la brutale dégradation du solde de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) en 2020 sous l’effet de la crise sanitaire, celui-ci revient en territoire positif pour l’année 2021.
La branche serait ainsi excédentaire de 676 millions d’euros, tous régimes confondus, la reprise économique ayant tiré vers le haut la masse salariale sur laquelle sont assises les cotisations versées par les employeurs, ce que n’a pas annulé l’augmentation mécanique des accidents du travail au sortir de l’année 2020.
Une augmentation de cet excédent est prévue pour l’an prochain, conduisant les capitaux propres de la branche à culminer à plus de 5 milliards d’euros à la fin de 2022. À long terme, toutes choses égales par ailleurs, les recettes de la branche AT-MP restent donc structurellement plus dynamiques que ses dépenses. Cela signifie que les prestations fournies par la branche ne sont pas au niveau de la contribution demandée aux employeurs.
L’extension du périmètre du fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) aux médicaments antiparasitaires vétérinaires et l’égalisation des conditions de reconnaissance des maladies professionnelles dans le secteur agricole entre l’outre-mer et l’Hexagone n’auraient qu’un impact financier extrêmement limité pour 2022 et les années à venir, de l’ordre du million d’euros. Si je souscris à ces mesures, je déplore le déploiement tardif du FIVP : celui-ci n’est intervenu qu’à la fin de l’année 2020.
Ainsi, ce PLFSS est quasi neutre pour la branche et ne contient aucune réforme modifiant décisivement son équilibre, que ce soit en recettes ou en dépenses.
Il est d’autant plus notable – ou dommageable – que la principale mesure financière de ce projet de loi concerne l’augmentation de 100 millions d’euros du transfert effectué par la branche AT-MP au bénéfice de la branche maladie du régime général, au titre de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ce versement atteindrait 1,1 milliard d’euros, ce qui représente près de 8 % de l’objectif de dépenses pour la branche !
Cette augmentation fait suite au dernier rapport de la commission qui évalue, tous les trois ans, le coût pour la branche maladie de la sous-déclaration des AT-MP, en se fondant sur des études épidémiologiques et, surtout, statistiques. Ce coût, selon le rapport de juin 2021, serait compris entre 1,2 et 2,1 milliards d’euros. Le Gouvernement s’est fixé pour horizon d’atteindre la fourchette basse de l’estimation, soit 1,2 milliard d’euros, dès 2023.
Le maintien de ce transfert à un niveau aussi élevé, s’il se fonde sur les travaux de la commission d’évaluation, est avant tout le fruit d’un choix politique. Il laisse entendre qu’aucun progrès n’a été accompli sur la question de la sous-déclaration, ce qui est faux. Plusieurs des recommandations du rapport de 2017 ont été mises en œuvre et celles du rapport de 2021 sont en passe de l’être.
Tout porte plutôt à croire que ce versement, dont le montant est pris en compte dans la détermination des éléments de calcul de la cotisation AT-MP et pèse donc sur les entreprises, sert principalement à contribuer au rééquilibrage de la branche maladie. Or, la cotisation AT-MP est censée responsabiliser les employeurs sur leur sinistralité, et non pallier les difficultés d’autres branches.
J’observe que, si pendant les sept dernières années, lors desquelles le transfert à la branche maladie a été fixé à 1 milliard d’euros, ce versement avait pris pour référence la fourchette basse des estimations de la commission d’évaluation, soit près de 800 millions d’euros, il s’en serait suivi un gain moyen pour la branche d’un peu plus de 200 millions d’euros. Il conviendrait de les soustraire au 1,2 milliard que se propose d’atteindre le Gouvernement.
La commission des affaires sociales a donc adopté un amendement tendant à maintenir le montant du versement pour 2022 à la branche maladie à 1 milliard d’euros. La différence pourrait judicieusement être utilisée pour financer des actions de prévention dans le cadre de la prochaine convention d’objectifs et de gestion 2023-2027.
En particulier, si un report de l’âge de départ à la retraite était mis en œuvre, les conditions de travail des futurs retraités devraient leur permettre de partir à l’âge prévu en bonne santé, quand aujourd’hui de nombreux salariés en fin de carrière sont fréquemment en arrêt de travail.
Si je ne méconnais pas les efforts que déploie la branche AT-MP en la matière, j’ai été alertée sur le fait que le capital de subventions attribuables aux très petites entreprises (TPE) a été entièrement consommé dès avril de cette année, ce qui indique un problème d’offre par rapport à la demande de prévention.
La branche pourrait donc, compte tenu de ces marges de manœuvre financières, prévoir une augmentation enfin conséquente des dépenses de prévention, dans la lignée de la loi votée cet été, et poursuivre dès que possible l’ajustement à la baisse des cotisations, en cohérence avec la baisse tendancielle, bien qu’inégale selon les secteurs, de la sinistralité.
Sous ces réserves, mes chers collègues, je vous invite à vous prononcer en faveur de l’objectif de dépenses de la branche, fixé à 14,1 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base pour 2022. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)