M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans son ouvrage La Société hyper-industrielle, l’ingénieur, sociologue et économiste Pierre Veltz évoque la nouvelle géographie esquissée par le capitalisme hyper-industriel, qui consiste notamment en une « archipellisation » de pôles connectés entre eux.
Selon l’auteur, un double mouvement s’opère : d’une part, un mouvement de fragmentation en raison d’une division internationale du travail toujours accrue ; d’autre part, un mouvement de polarisation et de hiérarchisation des territoires opposant des hubs concentrant l’essentiel des flux à des places secondaires.
Nous pourrions intégrer les ruralités dans cet arrière-pays secondaire venant alimenter des hubs intégrés dans un système désormais mondialisé.
Toutefois, l’auteur démontre la double conséquence de cette société hyper-industrielle, entre montée des inégalités sociales et croissance des inégalités territoriales. En ce qui concerne ces dernières, il parle de « dégradation des liens centre-périphérie » et voit dans le Brexit un exemple parlant, Londres n’ayant pas voté comme le reste du pays lors du référendum de 2016, ce qui montre un divorce symptomatique entre une métropole, concentrant l’essentiel des activités, et des périphéries abandonnées.
L’Europe n’a toutefois pas été en reste. Dès ses origines, une politique agricole commune (PAC) est mise en place. Mais, très vite, il apparaît qu’une politique rurale ne peut se limiter à la PAC : en 1988, la Commission européenne affirme la nécessité d’une politique européenne de développement rural, se traduisant par la mise en œuvre d’une politique de cohésion économique et sociale, visant notamment à réduire les disparités entre les régions d’Europe.
Surtout, depuis 1991, les programmes Leader préconisent une approche territoriale pour soutenir les initiatives de développement, consacrant, par là même, le développement rural comme second pilier de la PAC.
Il nous faut toutefois aller plus loin pour un rééquilibrage plus juste entre les zones rurales et les zones urbaines, en diversifiant les activités des premières et en assurant leur durabilité et en faisant de ces zones autant de laboratoires de la transition énergétique. En somme, d’un second pilier de la PAC encore trop timide, nous devons passer à une politique rurale volontariste.
En effet, des fragilités persistent dans nos ruralités : les déserts, qu’ils soient médicaux, numériques ou qu’ils concernent les mobilités, sont autant de freins à leur essor et leur pleine participation à la vie économique de nos nations européennes.
Dès lors, le groupe Union Centriste ne peut que soutenir la présente proposition de résolution, tout en insistant sur l’acquis communautaire en la matière et en rappelant que toute politique européenne de la ruralité doit d’autant plus insister sur l’indispensable subsidiarité de sa mise en œuvre que sur son nécessaire cofinancement.
Par ailleurs, la crise sanitaire esquisse un véritable appel d’air, comme l’illustrent les différents baromètres des territoires : tous concluent à l’attractivité croissante des villes moyennes et soulignent les occasions qu’elles offrent en termes de relocalisation d’activités et la revitalisation bienvenue des centres-villes qui en découle.
À cet égard, dans mon département, j’ai rédigé une charte de la ruralité, considérant que les ruralités sont non pas un problème, mais une solution, en ce qu’elles représentent des relais de croissance et de rééquilibrage de la répartition des activités. Dès lors, une action nationale couplée à une initiative européenne en la matière nous semble être une stratégie gagnante.
Bien entendu, nous soutiendrons pleinement une telle proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et SER.)
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Christian Redon-Sarrazy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, trop longtemps oubliés des politiques publiques nationales et européennes, les territoires ruraux connaissent, depuis le début de la pandémie de covid-19, un regain d’intérêt de la part de nos concitoyens, qui viennent s’y installer massivement.
L’expérience que ces campagnes, petites villes ou villes moyennes font de ce nouveau mouvement migratoire, dont l’amplitude ne donne aucun signe d’affaiblissement, a permis de révéler avec éloquence les nombreuses lacunes dont elles souffrent : manque d’infrastructures de transport, manque d’inclusion en termes de structures ou d’usage numérique, manque d’accès à la formation – enseignement supérieur ou formation tout au long de la vie –, manque d’accès aux soins, manque de territorialisation de la réglementation en matière d’urbanisme, pour répondre aux attentes et aux projets des collectivités locales en zone rurale.
Tous ces manques entraînent, avec souvent beaucoup plus d’acuité que dans les zones urbaines, des difficultés à faire se rencontrer offres et demandes d’emploi.
La crise qui dure depuis deux ans est un moment unique : l’attractivité des territoires ruraux n’a jamais été aussi forte, comme en témoignent toutes ces nouvelles installations d’urbains, dans toutes les régions de France, soucieux de bénéficier d’un meilleur cadre de vie et d’une alimentation saine et durable, tout en restant connectés au monde et, surtout, animés par l’envie de participer à la vie locale et de faire revivre ces territoires.
Ce contexte doit servir de tremplin à l’élaboration d’une véritable politique de développement spécifique, coordonnée entre métropoles et territoires purement ruraux, et adaptée à la diversité des situations de nos départements, sur le plan tant économique que social et environnemental.
En tant que représentants de ces territoires, nous sommes tous ici confrontés à cette nécessité de transformer l’essai, afin de favoriser un développement harmonieux tenant compte des réalités de terrain pour répondre à tous les manques que j’ai énoncés. Tous les territoires doivent croiser les enjeux économiques, sociaux et environnementaux de leur développement, pour réussir une mutation dont ils veulent être acteurs, et non simples spectateurs.
Politique européenne emblématique, la PAC a précisément un rôle majeur à conserver pour favoriser cette dynamique de développement.
Le débat que nous avons eu au printemps dernier sur la répartition du budget de la politique agricole commune nous a permis de rappeler qu’il fallait veiller à favoriser la diversification des pratiques agricoles et lutter contre la spécialisation à outrance de certains territoires.
Tel était notamment l’enjeu de la préservation, à leur niveau actuel, des aides couplées du premier pilier destinées à la polyculture-élevage en zones intermédiaires. Celles-ci contribuent à la survie du modèle agricole que nous voulons pour nos territoires, à savoir une agriculture familiale, extensive, vitale pour l’équilibre économique et environnemental de nombreux territoires ruraux de montagne et de piémont.
C’est cette agriculture-là qui permet les circuits courts et la diffusion de produits de proximité ; c’est celle-là qu’il faut préserver pour l’attractivité de nos départements.
La forêt, enfin, de par son rôle essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique, doit bénéficier d’une gestion durable et cohérente sur le long terme. L’augmentation des exportations et la menace que cela représente pour toute la filière française soulignent l’urgence de doter la forêt d’une véritable politique de protection à l’échelle européenne et d’en faire un pilier du développement rural et de la préservation de la biodiversité de nos territoires, sans négliger pour autant les enjeux économiques qu’elle porte.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, il est urgent que la Commission européenne engage la rédaction d’un agenda rural, véritable feuille de route stratégique déclinée dans chaque État membre et tenant compte de leurs caractéristiques et de leurs problématiques propres. L’équilibre urbain-rural, la garantie de l’égalité des droits de tous les citoyens et de toutes les citoyennes, ainsi que l’équité des moyens entre tous les acteurs et territoires doivent en être la colonne vertébrale.
Il est plus que temps que les territoires ruraux sortent de l’oubli. Poussés par la nécessité ou par l’envie de changement, nos concitoyens se sont vite souvenus de leur existence et, surtout, de leur potentiel. À nous, élus et pouvoirs publics, d’accompagner et d’anticiper ces nouvelles dynamiques, qui ne peuvent être que bénéfiques pour le plus grand nombre. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, cher Patrice Joly, permettez-moi d’emblée de vous remercier, au nom du Gouvernement, d’avoir permis l’inscription à l’ordre du jour du Sénat de cette proposition de résolution sur la mise en place d’un agenda rural européen, chambre des territoires.
Je suis très heureux d’y représenter le Gouvernement et vous prie de bien vouloir excuser l’absence du secrétaire d’État chargé de la ruralité, Joël Giraud, qui ne peut être devant vous aujourd’hui – croyez bien qu’il le regrette. (Marques d’ironie sur les travées du groupe SER.)
Inventé par le Comité des régions et inspiré par l’Association internationale pour une politique européenne et de développement rural, sur la base de la déclaration de Cork 2.0 pour une vie meilleure en milieu rural, le concept d’agenda rural européen s’est pleinement inscrit dans le débat public.
Dans son prolongement, le Parlement européen a voté, le 2 octobre 2018, une résolution appelant à la mise en place d’un agenda rural.
La France a été le premier des États membres à répondre à cet appel européen, à soutenir, puis à élaborer un agenda rural. Le Président de la République, avec l’appui de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, s’est en effet engagé sans attendre à déployer un agenda rural à l’échelle nationale, sur la base du rapport Ruralités : une ambition à partager, 200 propositions pour un agenda rural, élaboré par cinq élus de terrain. Vous y avez d’ailleurs grandement contribué, monsieur Joly, non seulement en tant que sénateur, mais aussi en votre qualité de président de l’Association nationale Nouvelles ruralités.
Il n’est pas nécessaire ici de rappeler que les territoires ruraux, dans toute leur diversité, abritent un tiers de la population française. Au-delà de ces chiffres, ces territoires disposent de nombreux atouts. Leur dynamisme, associé à la qualité de vie que l’on y trouve, attire les Françaises et les Français : 92 % de nos concitoyens considèrent qu’il est agréable de vivre dans les territoires ruraux.
Cependant, ces territoires sont confrontés à de nombreux défis : accès aux services publics ; fracture numérique ; accès aux soins, à l’emploi, à l’éducation et, bien évidemment, à l’égalité des chances… Pour améliorer la vie quotidienne de leurs habitants, le Gouvernement a présenté, le 20 septembre 2019, conformément à l’engagement présidentiel, l’agenda rural français comportant 181 mesures visant à conforter la redynamisation des campagnes et à soutenir les initiatives locales.
Ce plan interministériel, qui fait écho à l’idée d’un agenda rural européen, illustre l’enjeu et la nécessité d’une prise en compte, dans les politiques publiques, de la valeur ajoutée singulière des territoires ruraux, notamment pour relever les défis que leurs habitants affrontent.
Depuis sa mise en place en 2019, quelque 92 mesures portées par l’agenda rural ont été réalisées et 77 autres sont en cours de réalisation. Nous en sommes donc à près de 90 % de mise en œuvre totale ou partielle.
De réelles avancées sont particulièrement visibles dans quatre domaines structurants : la transition numérique, la jeunesse et l’égalité des chances, le soutien aux projets des collectivités locales et l’accès aux services publics.
Sur le fond de la transition numérique – un sujet sur lequel, vous le savez, je suis mobilisé au quotidien –, la fibre optique et la 4G accompagnent désormais la vie quotidienne de nombreux Français grâce au déploiement massif des infrastructures numériques, en particulier dans les territoires ruraux. Cette connectivité est une priorité du Gouvernement, qui déploie deux ambitieux programmes à un rythme soutenu : le plan France Très haut débit et le « New Deal mobile ».
L’objectif de couverture intégrale du territoire métropolitain en 4G en 2022 et en fibre optique en 2025, afin de résorber la fracture numérique des territoires ruraux, est aujourd’hui pleinement à notre portée.
Vous soulignez, dans votre proposition de résolution, l’importance de garantir à tous une réelle égalité des chances. À cet égard, je souhaiterais m’arrêter sur le dispositif très structurant du volontariat territorial en administration (VTA), à destination des jeunes et des territoires.
Nous avons mis en place ce volontariat pour aider les territoires ruraux à faire émerger leurs projets de développement, mais aussi pour permettre à de jeunes diplômés de s’engager en faveur de la ruralité, voire de s’y installer plus durablement.
Compte tenu de la réussite de ce dispositif, nous avons annoncé son élargissement, afin d’atteindre 350 volontaires d’ici à la fin de cette année et 800 en 2022. Cette mesure contribue, avec les campus connectés, les cordées de la réussite, les services civiques ou encore les territoires éducatifs ruraux, à répondre aux besoins de la jeunesse dans les territoires ruraux et à promouvoir l’égalité des chances dans tous les territoires.
Dans le même temps, de nombreuses autres mesures de l’agenda rural produisent très concrètement leurs effets dans les territoires ruraux, au bénéfice d’une amélioration de la qualité de vie au quotidien des habitants : 1 745 espaces France Services ont été labellisés à date, dont 80 bus France Services. Je pense aussi aux 1 600 Petites Villes de demain sélectionnées, aux 1 900 maisons de santé soutenues, aux 66 campus connectés installés en milieu rural ou encore aux 281 fabriques de territoires financées.
Pour s’assurer de son déploiement, une attention particulière a également été portée sur la gouvernance de l’agenda rural avec la tenue de trois comités interministériels aux ruralités, la nomination d’un référent ruralité dans chaque cabinet ministériel, dans chaque administration centrale et dans chaque préfecture de département, ainsi que la mise en place, en lien avec les élus ruraux, de 85 feuilles de route départementales pour la ruralité.
Pour toutes ces raisons, si la France est pionnière en la matière, elle doit aussi être un moteur pour poursuivre cette dynamique, à l’échelle européenne, en faveur des territoires ruraux.
À ce titre, la présidence française de l’Union européenne, qui commencera en janvier 2022, comme vous le savez, est une occasion unique pour sensibiliser les autres pays membres à l’établissement d’agendas ruraux nationaux ou de pactes ruraux, pour reprendre la terminologie de la Commission européenne.
Dans ce cadre, le Parlement rural français, porté par un collectif d’associations et d’acteurs de la ruralité et dont vous vous êtes le président, monsieur le sénateur, participera à la promotion de l’agenda rural européen par l’organisation d’un événement en février 2022, appelé « Ruralisons l’Europe ! ».
Vous le savez, le Gouvernement et le secrétariat général de la PFUE, la Présidence française du Conseil de l’Union européenne, soutiennent pleinement cette démarche, qui s’inscrit désormais officiellement dans le cadre de la présidence française, laquelle, je le répète, commencera le 1er janvier prochain.
Aussi, lors de la réunion informelle ministérielle qui se tiendra au début de mars 2022 sur l’avenir de la politique de cohésion des territoires, dans le cadre de la PFUE et à l’aune du huitième rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale, le Gouvernement portera la question de la vision à long terme pour ces territoires, en particulier pour les territoires ruraux, afin d’améliorer les conditions de vie des populations rurales et de traiter plus efficacement les défis qui alimentent aujourd’hui la géographie du mécontentement.
Cette discussion permettra tout particulièrement de mettre en avant, au niveau de l’Union, la question de l’agenda rural et des pactes ruraux.
Il s’agit de construire dans ce cadre une ambition commune au niveau européen en faveur des territoires ruraux, sans imposer pour autant aux États membres une réalité et des solutions qui ne sont pas forcément adaptées au contexte de chacun, du fait de la grande diversité de territoires, de cultures, de gouvernances, d’organisations des services publics des zones rurales au sein de l’Union européenne.
Cette vision est aujourd’hui portée par la Commission européenne dans une communication intitulée Vision à long terme pour les territoires ruraux à 2040, qui plaide pour la mise en place d’un pacte rural, accompagné d’un plan d’action rural et d’initiatives phares visant à encourager de meilleures synergies entre fonds et acteurs au niveau européen, national, régional et local.
Il s’agit, pour la Commission européenne, de rendre les zones rurales plus connectées et plus dynamiques, d’offrir de nouvelles chances d’emplois et de diversifier l’activité économique des territoires.
Cette communication est un premier pas traduisant une véritable prise en compte, au niveau européen, de la nécessité d’inciter les États membres à prendre en compte la dimension rurale dans la mise en œuvre des politiques communautaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y a ici que des convaincus. La prise en compte, à toutes les échelles, des besoins spécifiques des zones rurales montagneuses ou isolées est une nécessité. La perspective d’un agenda rural européen permettrait effectivement d’apporter, au-delà d’un signal fort en direction de nos territoires ruraux, une réelle réponse à cette demande sur mesure.
Vous l’aurez compris, le Gouvernement salue très favorablement cette proposition de résolution en faveur de la mise en place d’un agenda rural européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution demandant la mise en place d’un agenda rural européen
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la déclaration de Cork 2.0 « Pour une vie meilleure en milieu rural » de 2016,
Vu la résolution du Parlement européen du 13 juin 2017 sur les éléments fondamentaux d’une politique de cohésion de l’Union pour l’après-2020,
Vu la déclaration de Venhorst du 21 octobre 2017 publiée par le Parlement rural européen 2017, qui vise à promouvoir la coopération dans des domaines tels que la connectivité, les infrastructures, les services, le renforcement des économies locales ainsi qu’à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale,
Vu la résolution du Parlement européen du 17 avril 2018 sur le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale au sein de l’Union européenne : le 7e rapport de la Commission européenne,
Vu la résolution du Parlement européen du 3 octobre 2018 sur la prise en compte des besoins spécifiques des zones rurales, montagneuses et isolées,
Vu la communication du 30 juin 2021 de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur une vision à long terme pour les zones rurales de l’Union européenne intitulée : « Vers des zones rurales plus fortes, connectées, résilientes et prospères à l’horizon 2040 »,
Considérant que les zones rurales constituent l’espace de vie de 137 millions d’Européens, soit 30 % de la population, répartis sur 80 % du territoire de l’Union ;
Considérant que l’économie de l’Europe, ses villes, son industrie (y compris touristique) et ses citoyens dépendent dans une large mesure de ces zones pour l’alimentation, les sols, l’énergie, l’eau, l’air qu’ils respirent et les matières premières ;
Considérant que les zones rurales seront indispensables pour réaliser de manière ambitieuse toutes les transitions auxquelles feront face les membres : transition énergétique, climatique, environnementale, sanitaire et alimentaire ;
Considérant que les zones rurales jouent un rôle essentiel dans la réalisation des objectifs du Pacte vert de l’Union européenne ;
Considérant que les confinements successifs ont réanimé un vif désir de campagne chez les citoyens européens, qui privilégient de plus en plus la qualité de vie sur toute autre préoccupation ;
Considérant les difficultés importantes des territoires ruraux et les inégalités qui perdurent entre les campagnes et les zones urbanisées, notamment en matière d’accès aux mobilités, aux soins, à l’emploi, aux services et au numérique ;
Considérant qu’il y a des écarts importants entre les hommes et les femmes dans le taux d’emploi dans les zones rurales et que les femmes se retrouvent très souvent plongées dans des situations de grandes précarités accentuant leur vulnérabilité ;
Considérant que la jeunesse représente l’avenir des territoires ruraux, elle doit avoir les mêmes opportunités et chances dans leur développement personnel et professionnel ;
Considérant qu’il est important de soutenir les zones rurales afin que les nombreux citoyens vivant en dehors des zones urbaines puissent avoir l’assurance de se voir offrir les mêmes possibilités que ceux vivant dans les zones urbaines ;
Considérant que la Commission européenne entend investir cette problématique en proposant une vision à long terme pour les zones rurales de l’Union européenne ;
Considérant la volonté de la Commission de faire de ces campagnes des zones « fortes, connectées, résilientes et prospères » ;
Considérant les interdépendances entre espaces ruraux et urbains justifiant des coopérations nécessaires à la résolution des enjeux communs (logements, déplacements, transition…) ;
Considérant que, dans la stratégie que dessine la Commission, aucun moyen financier supplémentaire n’est prévu pour atteindre les ambitions affichées et qu’elle n’est composée que de dispositifs financiers déjà existants ;
Considérant qu’une vision à long terme ne peut se limiter à l’installation de groupes de travail ni à l’échange de bonnes pratiques ;
Considérant qu’un sentiment d’abandon se fait toujours plus prononcé chez les citoyens ruraux et qu’il est nourri par les réorganisations réduisant l’accessibilité des services d’État ou d’opérateurs ;
Considérant l’intérêt réciproque à l’instauration d’une véritable dimension territoriale dans les champs de l’action publique européenne, notamment au regard des effets directs qu’elle produirait sur la vie quotidienne des habitants de ces territoires fragiles et isolés, et de la légitimité de l’Union qui s’en trouverait ainsi renforcée ;
Considérant qu’il y a une urgence impérieuse à agir pour les zones rurales, en investissant dans ces territoires au travers d’actions concrètes, perceptibles par les citoyens, dans un contexte où les sentiments d’isolement, d’exclusion et d’abandon des habitants grandissent ;
Regrette que la Commission européenne n’ait pas pu profiter des opportunités nouvelles post-pandémie pour dessiner sa vision. La crise de la covid-19 a montré un désir de campagne de la part de la population qui a bien compris que, sur ces territoires, se trouve une partie des réponses à la crise que nous vivons. Cette crise sanitaire a souligné également les possibilités offertes par les territoires ruraux grâce au télétravail ;
Estime que l’établissement d’un Agenda rural européen constitue un préalable indispensable à la réalisation des objectifs de cohésion de l’Union européenne à l’horizon 2040 ;
Considère que la promotion du développement local est essentielle pour stabiliser et compenser les pressions sur le marché immobilier, sur les ressources naturelles et pour accompagner ou compenser les dynamiques démographiques ;
Appelle en outre à la coordination renforcée des politiques de l’Union et de ses pays membres pour assurer le développement des territoires ruraux à ces fins ;
Demande que l’Agenda rural européen stimule le développement socio-économique, la croissance et la diversification de leur économie, le bien-être social, la protection de la nature et la préservation de la qualité de vie ainsi que la coopération et l’interconnexion avec les zones urbaines afin de favoriser la cohésion et d’éviter le risque de fragmentation territoriale ;
Soutient la Commission européenne dans son souhait d’aider les femmes à participer à la prise de décision, à développer leur esprit d’entreprise et à investir dans les services permettant de concilier vie professionnelle et vie privée, et, enfin, d’accroître l’intégration des femmes sur le marché du travail ;
Invite la Commission européenne à proposer des solutions innovantes pour créer davantage d’opportunités pour la jeunesse dans les zones rurales et éloignées en s’appuyant sur les bonnes pratiques existantes et en organisant une consultation avec les jeunes ;
Encourage les organisations institutionnelles publiques ou privées et associatives rurales à développer des projets en tirant parti de leurs atouts et de leurs forces et en offrant de nouvelles perspectives telles que des services décentralisés, des solutions énergétiques et des technologies et innovations numériques, territoriales et sociales ;
Appelle instamment à garantir une meilleure efficacité ainsi qu’une intégration plus poussée des politiques de développement rural de l’Union européenne, en y associant tous les niveaux de pouvoir au sein des États membres ;
Demande, en outre, que cet Agenda rural européen pour les régions rurales soit assorti d’un cadre stratégique pour le développement des zones rurales, coordonné avec les stratégies en faveur des régions défavorisées et des régions périphériques ;
Insiste sur la mise en place de mesures concrètes qui prennent en compte l’interdépendance entre zones rurales et urbaines et de leurs influences réciproques ;
Considère notamment qu’il devient nécessaire d’appréhender la valeur des services rendus écosystémiques apportés à la société par les territoires ruraux et de les traduire par une valorisation financière de ses aménités ;
Insiste sur la nécessité de soutenir la poursuite du développement du tourisme rural et de l’agrotourisme de montagne, tout en préservant les spécificités de ces zones, par exemple leurs traditions et leurs produits locaux traditionnels, étant donné que le tourisme y joue un rôle social, économique et culturel important ;
Plaide pour mettre en place un cadre concret d’évaluation avec des mesures chiffrées précises et des indicateurs définis pour évaluer l’impact des grandes politiques européennes sur les zones rurales dans le cadre de la mise en place d’un mécanisme « rural proofing » (évaluation de l’impact rural de chaque dispositif européen) ;
Appelle la Commission à prendre en compte de manière renforcée le rôle essentiel et à leur juste place respective des différents niveaux de collectivités locales et des opportunités de développement des synergies qu’offre l’économie sociale et solidaire pour ce qu’elle représente comme potentiel de coopération publique-privée ;
Souligne que les investissements visant à intégrer les zones rurales dans toutes les politiques sont nécessaires pour réaliser les priorités de l’Union notamment, mais pas exclusivement, pour une croissance durable, pour la création d’emplois, la transition numérique et l’efficacité du marché intérieur ;
Invite la Commission à inclure, dans ses futures propositions législatives, des dispositions visant à mieux prendre en compte les spécificités de ces zones et à leur octroyer un financement suffisant, en particulier au titre des Fonds structurels et d’investissement européens, dans le cadre de la politique de cohésion pour l’après-2020, élaborés en concertation avec les protagonistes ;
Demande à la Commission qu’elle s’assure que la ruralité bénéficie d’une part de crédit correspondant à son poids démographique et spatial dans l’Union européenne ;
Demande à la Commission que chaque État membre soit en situation de se doter d’un agenda rural national ;
Invite le Gouvernement français à porter l’Agenda rural européen à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’Union européenne qui débutera en janvier 2022.
Rappel au règlement