Sommaire
Présidence de Mme Pascale Gruny
Secrétaires :
Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.
Question n° 1510 de Mme Hélène Conway-Mouret. – M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie ; Mme Hélène Conway-Mouret.
conséquences des fermetures de classes ou d’écoles pour les communes
Question n° 1650 de M. Jean Hingray. – Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire ; M. Jean Hingray.
usine marémotrice de la rance et tarification verte
Question n° 1776 de Mme Sylvie Robert. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Sylvie Robert.
moyens de l’office français de la biodiversité dans les alpes-maritimes
Question n° 1716 de Mme Dominique Estrosi Sassone. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
retards de traitement des dossiers maprimerénov’
Question n° 1784 de M. Gilbert Roger. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Gilbert Roger.
évolution du boulevard périphérique parisien
Question n° 1785 de Mme Catherine Dumas. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Catherine Dumas.
prévention des inondations, notamment en ruralité
Question n° 1775 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
sécurisation du modèle des agences locales de l’énergie et du climat
Question n° 1547 de M. Michel Savin. – Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Michel Savin.
tribunaux au bord de l’implosion
Question n° 1782 de M. Jean-Baptiste Blanc. – M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-Baptiste Blanc.
intégration du centre de détention de muret comme site de référence
Question n° 1797 de Mme Brigitte Micouleau. – M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Brigitte Micouleau.
demande d’augmentation des moyens de fonctionnement alloués aux tribunaux de commerce
Question n° 1744 de M. Yannick Vaugrenard. – M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Yannick Vaugrenard.
suppression de la double tenue du registre d’état civil
Question n° 1792 de M. Yves Détraigne. – M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Yves Détraigne.
soutien aux radios locales indépendantes
Question n° 1799 de M. Philippe Mouiller. – Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture ; M. Philippe Mouiller.
marché du livre à l’heure du numérique
Question n° 1229 de M. Jean-Marie Mizzon. – Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture ; M. Jean-Marie Mizzon.
travailleurs et vétérans des essais nucléaires
Question n° 1583 de Mme Angèle Préville. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants ; Mme Angèle Préville.
règles de calcul de la part de la dotation forfaitaire attribuée en fonction de la population
Question n° 1680 de M. Hervé Maurey. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants ; M. Hervé Maurey.
Question n° 1761 de Mme Valérie Boyer. – Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants ; Mme Valérie Boyer.
exportations massives de grumes vers l’asie
Question n° 1767 de Mme Marie Evrard. – M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques ; Mme Marie Evrard.
avenir de sanofi à vertolaye dans le puy-de-dôme
Question n° 1766 de M. Éric Gold. – M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques ; M. Éric Gold.
aide à domicile et mesures de revalorisation salariale annoncées le 1er avril 2021
Question n° 1667 de Mme Else Joseph. – Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Else Joseph.
Question n° 1796 de Mme Sylviane Noël. – Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Sylviane Noël.
lutte contre les effets psychologiques et psychiatriques de la crise sanitaire
Question n° 1693 de Mme Brigitte Lherbier. – Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Brigitte Lherbier.
traitement de la maladie de charcot à titre compassionnel
Question n° 1711 de Mme Émilienne Poumirol. – Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Émilienne Poumirol.
Question n° 1728 de Mme Chantal Deseyne. – Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Chantal Deseyne.
accès aux traitements pour les patients atteints d’algie vasculaire de la face
Question n° 1740 de Mme Frédérique Puissat. – Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Frédérique Puissat.
coût réel des vaccins et tests antigéniques et leurs financements
Question n° 1791 de M. Michel Canévet. – Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; M. Michel Canévet.
soutien des politiques communales pour une vaccination de proximité
Question n° 1801 de M. Pierre Ouzoulias. – Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; M. Pierre Ouzoulias.
Question n° 1610 de Mme Isabelle Raimond-Pavero. – Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
compensation par l’état du coût des centres municipaux de vaccination dans les alpes-maritimes
Question n° 1786 de M. Philippe Tabarot. – Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; M. Philippe Tabarot.
inégalités d’accès aux soins dans le département de l’aude
Question n° 1478 de M. Sebastien Pla. – Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; M. Sebastien Pla.
envoi des documents de propagande électorale
Question n° 1764 de M. Bernard Buis. – Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. Bernard Buis.
Question n° 1772 de M. Stéphane Demilly. – Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. Stéphane Demilly.
insuffisance des effectifs de gendarmerie dans l’ain
Question n° 1798 de M. Patrick Chaize. – Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. Patrick Chaize.
Question n° 1803 de Mme Agnès Canayer. – M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Agnès Canayer.
agriculture de montagne et future politique agricole commune
Question n° 1552 de M. Jean-Yves Roux. – M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Jean-Yves Roux.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
3. Lois de financement de la sécurité sociale. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi organique et d’une proposition de loi dans les textes de la commission modifiés.
proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale
Amendement n° 46 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 20 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 48 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 14 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 34 de M. Bernard Jomier. – Rejet.
Amendement n° 53 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 21 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 22 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 23 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 40 rectifié de M. Dominique Théophile. – Rejet.
Amendement n° 24 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 54 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 26 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 38 de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 32 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 28 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 51 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 55 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 44 rectifié de M. Dominique Théophile. – Adoption.
Amendement n° 30 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 27 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 17 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 29 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 18 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 35 de M. Bernard Jomier. – Retrait.
Amendement n° 45 rectifié de M. Dominique Théophile. – Rejet.
Amendement n° 31 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 19 de Mme Raymonde Poncet Monge. – Rejet.
Amendement n° 56 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 57 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 3 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 58 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 3 quater (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l’article 3 quater
Amendement n° 59 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Articles 3 quinquies et 3 sexies (nouveaux) – Adoption.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 4
Amendement n° 3 rectifié de Mme Florence Lassarade. – Retrait.
Article 5 (suppression maintenue)
Adoption, par scrutin public n° 176, de la proposition de loi organique dans le texte de la commission, modifié.
proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale
Amendement n° 1 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 2 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
Suspension et reprise de la séance
4. Confiance dans l’institution judiciaire. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d’un projet de loi organique dans les textes de la commission
Discussion générale commune :
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Clôture de la discussion générale commune.
Suspension et reprise de la séance
projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire
Amendement n° 231 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 43 rectifié de Mme Christine Bonfanti-Dossat. – Rejet.
Amendement n° 65 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 117 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.
Amendement n° 159 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 142 de M. Rachid Temal. – Rejet.
Amendement n° 66 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 233 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 64 rectifié de Mme Brigitte Lherbier. – Rejet.
Amendement n° 67 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 101 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 102 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Rejet.
Amendement n° 223 du Gouvernement. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
Amendement n° 176 rectifié de M. Guy Benarroche. – Adoption.
Amendement n° 210 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.
Amendement n° 68 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 202 du Gouvernement. – Adoption.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 1er
Amendement n° 119 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.
Amendement n° 160 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 106 rectifié de M. Jean-Baptiste Blanc. – Rejet.
Amendement n° 226 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 161 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 6 rectifié de Mme Nathalie Goulet. – Rejet.
Amendement n° 162 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 212 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.
Amendement n° 70 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur
Amendement n° 1 rectifié bis de Mme Christine Bonfanti-Dossat. – Rejet.
Amendement n° 145 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.
Amendement n° 71 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 122 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.
Amendement n° 123 de M. Hussein Bourgi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 72 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 73 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 197 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 74 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 5
Amendement n° 76 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 75 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 198 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
Articles 6 bis et 6 ter – Adoption.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Pascale Gruny
vice-président
Secrétaires :
Mme Françoise Férat,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
Mme le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
Mme le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
suppression de la journée de la défense et de la citoyenneté pour les français établis hors de france
Mme le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la question n° 1510, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie.
Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur l’organisation, dans le contexte de la pandémie de covid-19, de la journée défense et citoyenneté (JDC) pour les jeunes Français vivant à l’étranger.
À leur dix-huitième anniversaire, tous les jeunes reçoivent une convocation pour participer à la JDC et ainsi s’informer des droits des citoyens, de leurs devoirs et du fonctionnement des institutions.
Le ministère des affaires étrangères a décidé il y a quelques années, pour des raisons budgétaires, de supprimer les JDC à l’étranger, tout en autorisant leur maintien dans les pays où le chef de poste diplomatique et consulaire le jugerait utile et possible. L’année dernière, en raison de la pandémie, la JDC a été supprimée pour tous les jeunes Français de l’étranger, y compris dans les pays où l’ambassade avait décidé de la maintenir, tandis qu’elle se tenait en ligne pour les jeunes résidant en France.
À la demande des intéressés, les postes diplomatiques et consulaires ont délivré une attestation provisoire de report permettant aux jeunes Français résidant à l’étranger de justifier de la régularité de leur situation au regard de la loi et ainsi de s’inscrire aux concours et examens, et de passer leur permis de conduire.
Nous avons par ailleurs appris en avril dernier que le ministère des armées et le ministère de l’Europe et des affaires étrangères travailleraient à une adaptation du dispositif de JDC en ligne à l’attention des jeunes Français établis hors de France.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais donc savoir si les modifications techniques et réglementaires nécessaires ont été adoptées : le système est-il en place ? Si tel n’est pas le cas, comment la JDC est-elle organisée cette année pour les jeunes Français de l’étranger, en particulier dans les pays où la situation sanitaire est encore fortement dégradée ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l’étranger et de la francophonie. Madame la sénatrice, l’ancien rapporteur pour avis de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » que je suis ne peut qu’être sensible à cette dimension de la journée défense et citoyenneté.
On regrette régulièrement une forme de délitement du lien social et un individualisme croissant ; la JDC fait partie, à mon sens, des remèdes qui doivent être absolument préservés. On ne peut pas à la fois verser des larmes de crocodile sur le constat d’un relatif délitement de la cohésion nationale et dédaigner d’y apporter des solutions. Or la JDC est justement un élément de prise de conscience de l’appartenance à la communauté nationale, au-delà du fait qu’elle est, comme vous l’avez rappelé, indispensable pour accéder à certaines fonctions ou passer certains examens : elle est créatrice de droits.
Il est vrai que, dans le contexte exceptionnel qu’on a connu, de nouvelles pistes ont émergé. Je vous confirme que nous travaillons activement à la mise en place de la solution en ligne que vous avez évoquée ; dans les toutes prochaines semaines, nous serons en mesure de proposer ce dispositif aux jeunes Français de l’étranger, comme cela a été fait en France métropolitaine.
Outre cette réponse, il est important de continuer à proposer une version présentielle de la JDC là où les plus grosses communautés françaises sont présentes, que ce soit à Londres, à Bruxelles, ou encore à Genève. C’est important de pouvoir le faire : comptez sur moi pour le redire avec insistance à nos postes diplomatiques et consulaires dans ces pays.
Au-delà de la JDC, il importe que les jeunes Français établis hors de France bénéficient d’autres dispositifs d’engagement citoyen. Ainsi du service national universel (SNU) récemment mis en place : il me paraît également représenter une très belle formule, qui permet d’activer cet engagement solidaire. Je ne verrais que des avantages à ce qu’il soit accessible aux jeunes Français de l’étranger. J’ai donc demandé qu’on y travaille, de manière que, par exemple, les séjours de cohésion d’une durée de quinze jours qui ont été mis en place en France puissent être ouverts aux jeunes Français établis hors de France. De telles propositions ont été émises dans le débat public ; je les reprends bien volontiers à mon compte.
De la même façon, il est essentiel qu’un jeune Français établi hors de France ait les mêmes droits qu’un jeune établi en France. Madame la sénatrice, nous allons poursuivre dans cette voie !
Mme le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour la réplique.
Mme Hélène Conway-Mouret. Merci pour votre réponse, monsieur le secrétaire d’État : je partage tout ce que vous venez de dire. Nous attendions votre annonce relative à la mise en place de la JDC en ligne à l’étranger ; vous avez dit qu’elle aurait lieu prochainement, c’est une très bonne nouvelle !
Il est vrai que le lien de ces jeunes avec la France est très fort : ce sont des citoyens à part entière, avec les mêmes devoirs et les mêmes droits. C’est justement pourquoi ils doivent être en mesure de passer leur permis de conduire, ou d’étudier en France. Conserver ce lien est très important pour eux et les familles sont très inquiètes du blocage, qui, de fait, découle du fait qu’ils ne sont pas en phase avec la loi française : si ces jeunes n’ont pas complété leur JDC, de fait, ils sont privés d’accès aux concours ou au permis de conduire.
Mme Hélène Conway-Mouret. Les familles ont besoin d’être rassurées ; elles doivent savoir qu’elles ont accès à ce document si la participation à la JDC s’avère impossible pour des raisons sanitaires. C’est tout de même ce qui permettra à ces jeunes d’accéder aux universités, aux grandes écoles et de pouvoir conduire en France s’ils le souhaitent. Nous attendons vos annonces en la matière pour cette année-ci, puisque la JDC n’est pas encore accessible en ligne et qu’il faut pouvoir avoir une solution le plus rapidement possible.
conséquences des fermetures de classes ou d’écoles pour les communes
Mme le président. La parole est à M. Jean Hingray, auteur de la question n° 1650, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
M. Jean Hingray. Madame la secrétaire d’État, la Revue pédagogique nous enseignait dès 1896 que Jules Ferry « a réussi à construire un édifice qui n’a rien à craindre de l’avenir, tant que la démocratie française restera maîtresse de ses destinées, consciente et soucieuse de ses devoirs ».
Madame la secrétaire d’État, êtes-vous consciente et soucieuse de ce qui se passe dans nos villages ? Des classes ou des écoles continuent de fermer sans qu’aucune consultation n’ait été engagée avec les maires. Cela suscite l’émoi et l’incompréhension des familles, ainsi qu’une rupture de confiance entre les élus et le Gouvernement que vous représentez.
Il y a tout juste un an, le Gouvernement avait pourtant annoncé qu’en raison des circonstances sanitaires exceptionnelles il n’y aurait aucune fermeture de classe en milieu rural à l’école primaire sans l’accord préalable du maire.
Les hussards de la République, dans les Vosges comme sur tout le territoire national, ne ménagent pas leur peine au quotidien pour contribuer au maintien d’un enseignement de qualité, pour promouvoir l’égalité des chances et l’attractivité de nos communes.
Les décisions de suppression de classes ou d’écoles portent préjudice à ces objectifs et suscitent de nombreuses difficultés d’ordre juridique, organisationnel et budgétaire.
En effet, qu’advient-il des bâtiments ? Qu’advient-il du personnel contractuel, tels les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), avec lesquels la collectivité est juridiquement engagée ?
On ne rouvre jamais une classe, a fortiori une école, avec la même promptitude qu’on ne la ferme, tant les obstacles administratifs, budgétaires et parfois politiques sont nombreux.
Madame la secrétaire d’État, ne convient-il pas d’envisager un moratoire des fermetures de classes ou d’écoles ?
À défaut, quelles mesures de compensation et d’accompagnement pourriez-vous proposer aux maires afin de pallier les conséquences, notamment financières, de vos décisions unilatérales ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de l’éducation prioritaire. Monsieur le sénateur Hingray, je veux d’abord vous rappeler que, pour le ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports et, plus largement, pour le Gouvernement, l’école primaire, notamment élémentaire, est la priorité, car c’est là que l’on assoit et consolide les fondamentaux de nos élèves : lire, écrire, compter et respecter autrui.
C’est la raison pour laquelle, depuis le début de ce quinquennat, nous n’avons jamais cessé d’augmenter les moyens consacrés au premier degré, et ce dans un contexte de forte baisse démographique : rappelons qu’il y a malheureusement 300 000 élèves de moins dans nos écoles à cette rentrée qu’en 2017. Pour autant, nous n’avons cessé de renforcer les moyens, en créant notamment plus de 9 000 postes supplémentaires. À la rentrée 2021, il y a 75 000 élèves de moins dans nos établissements que l’an dernier, mais 2 489 postes supplémentaires ont encore été créés.
Concernant plus particulièrement le département des Vosges, le nombre moyen d’élèves par classe y était de 20,5 à la rentrée 2020, ce qui est bien plus favorable que la moyenne nationale de 22,2. À la rentrée 2021, dans ce département, malgré une baisse prévue de 512 élèves, aucun retrait d’emploi n’a eu lieu. Par conséquent, le taux d’encadrement dans les Vosges devrait encore progresser.
Quant à la question précise des fermetures d’écoles et de classes, comme vous l’avez rappelé très justement, monsieur le sénateur, depuis la rentrée 2019, conformément à l’engagement du Président de la République, aucune fermeture d’école en milieu rural ne peut intervenir sans l’accord du maire. C’était le cas et cela reste le cas !
L’engagement de ne fermer aucune classe en milieu rural sans l’accord du maire s’est en outre appliqué de manière exceptionnelle à la rentrée scolaire 2020, au regard du contexte très particulier de l’année dernière.
Comme vous le savez, le travail de préparation de la carte scolaire donne lieu à de nombreux échanges avec les élus locaux et se fait sur la base d’une appréciation territorialement très fine de la situation de chaque école. Nous y veillons particulièrement.
La concertation avec les maires doit toujours avoir lieu, dans un esprit de dialogue constructif, afin de tenir compte des spécificités de chaque territoire et de chaque école.
Mme le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d’État. Vous pouvez évidemment compter sur notre vigilance.
Enfin, vous avez salué l’engagement des professeurs sur le territoire ; je le fais à mon tour.
Mme le président. La parole est à M. Jean Hingray, pour la réplique.
M. Jean Hingray. Madame la secrétaire d’État, vous venez avec vos chiffres, mais les réalités du terrain sont tout autres !
Je me permets donc de vous inviter, ainsi que M. le ministre Jean-Michel Blanquer, à venir voir les réalités concrètes. Vous pourriez rencontrer certains maires qui subissent des pressions de la part de l’éducation nationale pour fermer des classes et des écoles. Ils font face, comme ma question l’indique, à de nombreux problèmes : des bâtiments leur restent sur les bras ; des Atsem restent sous contrat avec les mairies de tout petits villages déjà en difficulté, pour lesquels ils représentent un poids supplémentaire.
C’est pourquoi je me permets de vous inviter : vous viendrez avec vos chiffres ; moi, avec mes réalités de terrain. Vous serez en tout cas la bienvenue dans notre département des Vosges !
usine marémotrice de la rance et tarification verte
Mme le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteure de la question n° 1776, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Sylvie Robert. Madame la secrétaire d’État, il y a trois ans, je posais déjà une question orale sur la problématique du désenvasement de la Rance. À l’époque, j’interrogeais plus particulièrement le Gouvernement sur les difficultés budgétaires qui s’opposaient à la finalisation du plan quinquennal de désenvasement.
Depuis lors, la situation s’est aggravée : à certains endroits, la navigabilité de la Rance s’est détériorée, ce qui porte préjudice aux riverains et aux communes, ainsi qu’à leur attractivité touristique. En matière d’atteintes à la biodiversité et au patrimoine naturel, le constat suscite des interrogations. Je le redis donc aujourd’hui : il y a urgence !
Pour y répondre, une voie complémentaire au plan de désenvasement peut être explorée. En effet, depuis 2019, la Commission européenne se montre favorable à la revalorisation au tarif « énergie renouvelable » de l’électricité produite par l’usine marémotrice de la Rance (UMR), site unique en Europe.
Si la levée de ce blocage a été accueillie avec enthousiasme par l’ensemble des parties prenantes, le ministère de l’environnement a néanmoins précisé que « la création d’une fiscalité écologique spécifique sur l’électricité produite par l’usine marémotrice de la Rance n’est pas l’option à privilégier à court terme », préférant renvoyer au plan de gestion des sédiments. Pourtant, depuis le 1er juillet dernier, l’article L. 211-2 du code de l’énergie dispose clairement que l’énergie marémotrice est une énergie renouvelable.
Par ailleurs, EDF, concessionnaire de l’UMR, a réitéré son attachement à cet équipement et sa volonté de le faire perdurer. Pour autant, on sait que le projet de réorganisation du groupe, dit « Hercule », qui est actuellement suspendu, pourrait affecter le passage en tarification verte de l’énergie produite. L’UMR pourrait ainsi être classée parmi les barrages hydroélectriques, plutôt qu’au sein de la branche « énergies renouvelables », ce qui constituerait un nouveau frein pour la valorisation de l’énergie produite par l’UMR et compliquerait ainsi les investissements à réaliser.
C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, je souhaite connaître votre position sur ce sujet : allez-vous soutenir la tarification verte pour l’électricité produite par l’UMR, en cohérence avec les dispositions du code de l’énergie ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Robert, vous m’interrogez sur l’usine marémotrice de la Rance, dont les enjeux énergétiques, économiques et environnementaux sont multiples ; se détachent en particulier les enjeux liés au phénomène d’envasement que connaît l’estuaire de la Rance.
L’ensemble des acteurs impliqués mène un travail de taille sur ce sujet ; vous y contribuez, je vous en remercie. Un programme de recherche est conduit, en lien avec EDF, pour mieux comprendre ce phénomène de sédimentation et identifier des actions préventives. En outre, un programme d’intervention expérimental est mené ; il comprend l’extraction et la valorisation sur cinq ans de 250 000 mètres cubes de sédiments. Les conclusions de ces deux programmes sont attendues pour 2023 ; on espère qu’elles déboucheront sur un plan pérenne et une évaluation des besoins en financement.
La production de l’usine de la Rance, qui représente une puissance de 250 mégawatts, entre pleinement dans le périmètre des énergies renouvelables. Cela nécessite d’étudier la possibilité d’un soutien public. Celui-ci dépasserait le cadre de la gestion sédimentaire de l’estuaire, puisqu’il concernerait également la rentabilité à long terme de l’installation.
Un tel soutien soulève néanmoins des difficultés juridiques majeures.
Tout d’abord, cette usine est exploitée par EDF depuis 1966 sous la forme d’une concession qui arrivera à échéance en 2043. L’attribution d’un tarif de soutien constituerait une modification substantielle du contrat de concession. Or le droit des concessions n’autorise pas à modifier substantiellement l’économie d’un contrat en cours, à moins d’une nouvelle mise en concurrence.
Par ailleurs, il n’apparaît sans doute pas judicieux de mettre en place un tel soutien public pour une concession hydroélectrique alors que la France fait face à deux mises en demeure de la Commission européenne.
Enfin, la classification en concession hydroélectrique et la qualification d’énergie renouvelable sont absolument indépendantes d’une éventuelle réorganisation du groupe EDF.
Madame la sénatrice, il convient donc, à ce stade, de poursuivre et de soutenir les travaux en cours pour que des solutions pérennes de lutte contre l’envasement de l’estuaire soient identifiées et mises en place. Croyez bien que notre ministère y est très attaché.
Mme le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.
Mme Sylvie Robert. Merci, madame la secrétaire d’État ; je vois que ce dossier, sur lequel on travaille déjà depuis de nombreuses années, va encore se poursuivre. Je peux vous dire l’engagement de tous les maires, celui de tous les acteurs, celui de la région Bretagne. Nous avons besoin de votre soutien, parce que la classification de l’électricité produite par l’UMR en énergie verte pourrait vraiment permettre de lever au moins un des freins. On compte sur vous !
Je sais qu’il y a urgence ; un rendez-vous doit bientôt se tenir avec EDF, qui est l’une des parties prenantes de ce dossier, associée à notre réflexion. En tout cas, je tenais à vous dire que cet engagement mérite vraiment qu’aujourd’hui le Gouvernement s’y intéresse !
moyens de l’office français de la biodiversité dans les alpes-maritimes
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 1716, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur les moyens de l’Office français de la biodiversité (OFB) dans les Alpes-Maritimes.
Alors que les services de l’OFB dans ce département devraient compter 17 inspecteurs de l’environnement, on y dénombre seulement 8 fonctionnaires à temps plein et 1 à mi-temps.
La police de l’environnement et la surveillance de la biodiversité sont ainsi assurées par des inspecteurs en sous-effectif. Cela rend leurs missions particulièrement difficiles à accomplir, d’autant qu’ils couvrent les milieux aquatiques, terrestres et maritimes.
L’une de ces difficultés s’exprime tout particulièrement lorsqu’un inspecteur de l’environnement doit se rendre auprès d’un éleveur après une attaque de loup afin de réaliser le constat de dommages.
Si les inspecteurs sont naturellement qualifiés pour ces missions, elles ont par le passé été confiées à des ouvriers forestiers formés par les inspecteurs de l’environnement de l’ancien Office national de la chasse et de la faune sauvage, ce qui permettait aux inspecteurs de se concentrer sur leur cœur de métier.
En demi-effectif, les agents de l’OFB ne sont pas assez nombreux pour réaliser l’ensemble des constats, alors même que la prédation est particulièrement intense tout au long de l’année dans les Alpes-Maritimes. Ces allers-retours, qui requièrent plusieurs heures de marche vers les zones d’estive ou de pâturage, les limitent dans leurs missions.
Au sein du plan de relance, 30 milliards d’euros sont dédiés à l’environnement, mais quelle portion de cette somme sera concrètement attribuée aux OFB départementaux, tout particulièrement dans les Alpes-Maritimes ? L’affectation d’inspecteurs titulaires ou le recrutement d’agents contractuels sont-ils prévus ?
Enfin, madame la secrétaire d’État, entendez-vous modifier la méthode de déclaration afin de passer à un téléconstat, dispositif défendu tant par les éleveurs, qui n’ont pas tous de matériel numérique, que par les inspecteurs de l’environnement, capables de réaliser le diagnostic de l’attaque par téléphone sans avoir à se déplacer dans des zones de montagne très reculées ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Estrosi Sassone, vous m’interrogez sur les moyens de l’Office français de la biodiversité ; croyez bien que nous partageons l’attention que vous portez à l’OFB et votre combat pour toujours renforcer les moyens de cet opérateur.
La naissance de l’OFB est relativement récente, mais on en reçoit déjà des signaux importants, puisque cet office a globalement pu maintenir ses effectifs depuis sa création en 2020, grâce à un travail interne accompli sur les fonctions support pour toujours préserver la présence sur le terrain.
L’OFB compte parmi ses rôles et ses missions la gestion des dégâts liés au loup, notamment dans les Alpes-Maritimes. S’il a été constaté dans ce département une légère baisse des attaques et des victimes liées à la prédation en 2020 par rapport à 2019, nous n’en avons pas moins une double préoccupation : d’une part, offrir le dispositif le plus rapide possible aux éleveurs concernés, car la réactivité est essentielle ; d’autre part, simplifier la charge des inspecteurs.
Dans cette optique, un dispositif de constat déclaratif des dégâts a été expérimenté dans certaines zones et pourrait être étendu. Nous étudions par ailleurs avec le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, préfet coordonnateur du plan national d’actions sur le loup, les modalités d’un constat à distance : celui-ci pourrait constituer un autre mode de simplification de ces déclarations, mais il doit être fiabilisé avant que l’on puisse réduire l’intervention de l’OFB en zone de présence permanente du loup.
Par ailleurs, pour maintenir son activité dans les territoires, l’OFB a recruté des agents en contrat d’accompagnement dans l’emploi et en parcours emploi compétences, agents chargés d’accompagner les inspecteurs dans leurs démarches et de faciliter les constats de dégâts de grands prédateurs.
Au-delà de l’OFB, dont le contrat d’objectifs et de performance, en cours d’élaboration, devra redéfinir les champs prioritaires et les modalités d’action, je souhaite vous redire mon attachement à la défense et à la préservation des moyens de tous les opérateurs liés à la biodiversité.
C’est bien ce qui se fait dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, puisque j’ai eu la joie d’annoncer que les opérateurs de la biodiversité ne connaîtraient pas de réduction de schéma d’emploi cette année. Nous maintenons les effectifs, nous renforçons les moyens de manière structurelle dans le projet de loi de finances – j’en remercie les parlementaires – et nous déployons de manière plus ponctuelle, dans le plan de relance, des missions et des projets sans précédent.
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Madame la secrétaire d’État, vous dites que vous maintenez les emplois, mais vous ne les augmentez pas ! Je viens de vous faire la démonstration que, dans les Alpes-Maritimes, les fonctionnaires qui travaillent pour l’Office français de la biodiversité sont nettement en sous-effectif : de fait, leurs missions ne peuvent pas être assurées correctement.
Il est également urgent de passer à ce constat déclaratif : c’est une demande forte des éleveurs et vous avez vu encore tout cet été combien, malheureusement, ils ont été touchés par les attaques de loups. Vous avez pu voir dans quelle détresse ils se trouvent et la menace particulière qui pèse sur le pastoralisme dans nos montagnes. Sa sauvegarde passe par des moyens humains supplémentaires, mais aussi par des moyens matériels ; j’attends véritablement que l’État soit au rendez-vous.
retards de traitement des dossiers maprimerénov’
Mme le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 1784, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
M. Gilbert Roger. Madame la secrétaire d’État, j’ai voulu interpeller le Gouvernement sur les nombreux retards constatés sur le traitement des dossiers MaPrimeRénov’ par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).
De plus en plus de nos concitoyens, dans mon département, mais aussi ailleurs, se sont manifestés depuis que ma question a été publiée : cela montre que ces retards sont importants. Des gens modestes, voire très modestes, veulent changer leur chaudière ou isoler leur logement ; ils ont engagé des travaux après approbation de leur dossier par l’ANAH, mais les remboursements ne viennent pas : ils les attendent parfois six mois, voire un an, ce qui a pour conséquence de les obliger soit à s’endetter à nouveau auprès d’une banque, pour obtenir une sorte de crédit relais, soit à demander aux artisans ou aux entreprises reconnues garant de l’environnement (RGE) de patienter pour le paiement des factures des travaux réalisés.
Toutes ces difficultés entachent l’efficacité de la réforme énergétique que nous appelons tous de nos vœux. Je voudrais donc savoir, madame la secrétaire d’État, d’une façon très concrète, comment vous comptez améliorer le traitement de ces dossiers et permettre un paiement extrêmement rapide une fois les travaux réalisés et les factures éditées.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Roger, vous nous interrogez sur le traitement des dossiers MaPrimeRénov’.
Nous devons d’abord souligner le succès sans précédent de ce dispositif plus simple, plus juste et plus efficace, que nous avons mis en place le 1er janvier 2020 en faveur de la rénovation énergétique : nous pouvons nous en féliciter ! Son succès sans appel se lit dans les chiffres : pour 2021, nous nous fixions un objectif de 400 000 dossiers déposés ; eh bien, nous avons déjà reçu 500 000 dossiers et nous envisageons désormais d’atteindre le cap de 800 000 demandes. Cette réussite sans précédent s’est faite grâce à une grande mobilisation de l’ANAH, que je tiens à remercier.
Sur la plateforme, l’accompagnement des bénéficiaires dans la constitution de leur dossier s’est également significativement amélioré : à titre d’exemple, le taux d’appels décrochés par semaine au centre d’appel de l’ANAH est passé de 60 % à la fin de septembre 2020 à plus de 90 % à la fin de décembre 2020 et il est stable depuis ; c’est une belle évolution. Au 19 septembre 2021, l’Agence avait déjà engagé 438 000 dossiers sur un total de 511 000 dossiers déposés cette année.
Si le Gouvernement demeure évidemment très attentif aux situations problématiques que vous soulevez, celles-ci restent marginales, puisqu’elles concernent moins de 1 % des dossiers reçus en 2021. Une task force a été mise en place au sein de l’ANAH pour les traiter spécifiquement : chaque semaine, elle débloque plusieurs centaines de dossiers.
Nous souhaitons nous assurer que, à l’horizon du 1er janvier 2022, 90 % des dossiers déposés complets puissent recevoir une décision de l’ANAH en moins de 15 jours ouvrés, délai dont vous conviendrez qu’il est relativement comprimé. Nous voulons également garantir la possibilité d’obtenir une décision de l’ANAH dans un délai moyen inférieur à 40 jours pour les dossiers qui nécessitent des compléments.
En août 2021, 97 % des dossiers déposés complets ont été traités dans les 15 jours ouvrés pour engagement ; 82 % des dossiers déposés complets pour paiement.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous sommes pleinement mobilisés et déterminés à ce que les dossiers obtiennent l’issue la plus rapide et la plus favorable possible.
Mme le président. La parole est à M. Gilbert Roger, pour la réplique.
M. Gilbert Roger. Bien évidemment, je trouve excellent le dispositif MaPrimeRénov’. Cela dit, si les personnes ont reçu un accord de l’ANAH pour l’engagement des travaux, il faut que le traitement de la facture auprès d’elles, voire des entreprises, se passe extrêmement rapidement.
Madame la secrétaire d’État, être au Gouvernement, c’est aussi se poser la question de pourquoi on gouverne ! De fait, je doute fortement de votre capacité à affirmer que moins de 1 % des dossiers sont en souffrance. Ce n’est pas possible, au vu de ce qui se passe dans mon département, des gens très modestes que je reçois, qui attendent le remboursement et sont obligés de contracter un emprunt relais auprès de leur banque pour payer la petite entreprise !
évolution du boulevard périphérique parisien
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, auteure de la question n° 1785, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
Mme Catherine Dumas. Madame la secrétaire d’État, ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des transports, que vous représentez ce matin. Elle porte sur la nécessaire évolution du mode de gouvernance du boulevard périphérique parisien.
Cette voie de 35 kilomètres est empruntée par 1,2 million de véhicules chaque jour. Le boulevard périphérique est inscrit depuis 1959 au plan d’urbanisme de Paris, mais il est aussi un élément majeur du réseau autoroutier régional. En effet, s’il relève du domaine public de la ville, il assure depuis 1973 un rôle de premier plan dans la mobilité et l’attractivité économique de toute la métropole.
Vous n’êtes pas sans connaître les projets de la maire de Paris sur cet axe routier, qu’elle souhaite notamment métamorphoser en un boulevard urbain.
Madame la secrétaire d’État, vous savez que ces projets consistent notamment à abaisser la vitesse de soixante-dix à cinquante kilomètres par heure, à supprimer la voie de gauche pour la réserver à l’autopartage et aux transports en commun, à installer des carrefours avec des feux tricolores, des passages piétons, des pistes cyclables, des espaces verts, voire des commerces – tout cela, sur le périphérique parisien !
D’après une étude réalisée par la ville à l’automne 2020, rendue publique au mois de janvier 2021, les usagers du boulevard périphérique, qui ne sont bien entendu pas tous parisiens, sont très majoritairement hostiles à ces éventuelles modifications. Compte tenu de l’évolution et de l’importance de cette voie de circulation, compte tenu aussi de son impact, qui dépasse la population installée à l’intérieur de cet anneau routier, je tiens à interroger le Gouvernement sur l’opportunité d’engager une réflexion sur une autorité partagée de cette ceinture périphérique, qui reste la plus empruntée d’Europe.
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Dumas, le boulevard périphérique est en quelque sorte une ceinture entourant la Ville de Paris connectée aux radiales qui desservent la banlieue et la province. À ce titre, il reçoit un trafic composite.
La Ville de Paris, en sa qualité de gestionnaire du boulevard périphérique, assure la maîtrise d’ouvrage des aménagements nécessaires à l’entretien de cet axe routier. Elle a ainsi la responsabilité des conditions de circulation sur cette voie. Néanmoins, quand il s’agit d’une route à grande circulation, l’État est consulté pour avis pour la mise en œuvre de toute mesure de circulation.
Par ailleurs, le boulevard périphérique étant un axe essentiel à la sécurité de Paris et au bon fonctionnement des pouvoirs publics, l’État peut émettre des prescriptions qui visent à garantir la fluidité de la circulation des véhicules, notamment de sécurité et de secours. La gouvernance de cet axe, à vocation à la fois locale et nationale, est donc claire et l’État est tout à fait vigilant au maintien de son bon fonctionnement.
À ce jour, le préfet de police n’a été destinataire d’aucun dossier d’aménagement spécifique, sauf pour ce qui relève des vingt kilomètres de la voie olympique, qui devrait être effective.
Nous partageons avec vous le besoin d’une bonne concertation avec l’ensemble des acteurs, et ce dans le respect des prérogatives de chacun.
C’est pour cette raison que le préfet de la région d’Île-de-France a mis en place une conférence stratégique sur les mobilités routières, rassemblant État et collectivités, pour constituer un véritable lieu naturel d’échanges sur ces sujets.
Plusieurs initiatives et alternatives à la congestion existent dans le même temps : incitation au covoiturage, développement des transports en commun en connexion entre Paris et la banlieue, etc. L’État est pleinement mobilisé, vous le savez, puisque ce sont notamment près de 670 millions d’euros dans le cadre du plan de relance pour finaliser 100 % des projets de transports collectifs du contrat de plan État-région (CPER) Île-de-France d’ici à 2022 qui seront déployés.
Je précise par ailleurs, car cela a animé le débat public dernièrement, que la région peut, dans le cadre de cette conférence, faire part de ses souhaits et de ses attentes. Nous appelons donc à des échanges sereins entre collectivités et au sein des instances de dialogue existantes.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Dumas, pour la réplique.
Mme Catherine Dumas. Madame la secrétaire d’État, je vous redis la nécessaire évolution du mode de gouvernance du périphérique parisien.
Je vous remercie de bien vouloir transmettre cette demande au Gouvernement, en particulier à votre collègue Jean-Baptiste Djebbari, et lui indiquer que je suis à sa disposition pour en reparler.
prévention des inondations, notamment en ruralité
Mme le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la question n° 1775, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Depuis quelques années maintenant, les dérèglements climatiques s’accumulent sur notre territoire, comme dans le monde. À l’échelle locale, celle de mon département du Pas-de-Calais, les épisodes de sécheresse succèdent aux pluies diluviennes, qui lessivent les sols et provoquent des mouvements de terrain, des coulées de boue et des destructions matérielles importantes.
Les zones rurales sont particulièrement touchées, mais souvent ignorées. Je pense ainsi à la vallée de la Canche, où une dizaine de communes ont encore été touchées au printemps dernier. En effet, si l’extension urbaine, qui implique l’artificialisation des sols, est l’une des causes premières des inondations et des coulées de boue, ce n’est pas le cas de nos campagnes.
En ruralité, c’est davantage le défaut de pilotage et le manque de moyens dévolus à l’aménagement du territoire et à la concertation qui posent problème. En effet, quand les exploitants agricoles sont majoritairement en fermage, c’est-à-dire ne sont pas propriétaires des terres qu’ils exploitent, qui doit intervenir pour rétablir les obstacles empêchant le lessivage des sols ?
De même, l’angle d’attaque choisi par le Gouvernement de créer des lignes budgétaires dans le plan de relance pour les propriétaires fonciers est une bonne idée. Toutefois, cela retire aux élus locaux la maîtrise de l’aménagement du territoire. Les maires, qui ont une vue d’ensemble de l’aménagement du territoire, ne sont pas consultés et n’ont pas de pouvoir pour mener des travaux d’entretien des fossés et des noues, et replanter des haies sur les terrains privés.
De nombreux acteurs travaillent isolément sur ces questions, ce qui rend inefficace la prévention des inondations. Plus problématique encore, l’absence de concertation induit des incompréhensions entre les exploitants, les pouvoirs publics et la collectivité. On a donc, d’un côté, des techniciens performants, mais non coordonnés, et, de l’autre, des élus volontaires, mais dépourvus de moyens, et des exploitants dont le rôle n’est pas la gestion des bassins versants.
Pour mettre en œuvre une politique efficace de prévention des inondations, il faut un chef d’orchestre. Les maires sont des candidats tout désignés pour ce rôle, mais le transfert de compétences en matière d’urbanisme aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dépossède encore plus les communes, tandis que la mécanique de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dite taxe Gemapi, casse toute solidarité nationale.
Madame la secrétaire d’État, il faut donc redonner des moyens à la puissance publique locale. Quels leviers peuvent être mis à la disposition des élus locaux pour leur permettre d’agir ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Apourceau-Poly, vous m’interrogez sur les outils disponibles pour lutter avec toutes les parties prenantes contre les inondations, en particulier celles qui sont causées par les ruissellements provenant de parcelles cultivées.
Les collectivités disposent de plusieurs leviers en matière de prévention des inondations. Soutenues financièrement par l’État, elles peuvent élaborer des programmes d’action de prévention des inondations, les PAPI, pour mettre en place une stratégie globale de gestion du risque, y compris du risque inondation exceptionnelle par ruissellement, et bénéficier ainsi d’un cofinancement du fonds Barnier.
Nous avons également souhaité accroître les moyens de la prévention des inondations pour soutenir encore plus les collectivités dans cette résilience des territoires. Les ressources du fonds Barnier ont été augmentées, dès cette année, de 56 %, et portées à 205 millions d’euros. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, le Gouvernement prévoit d’augmenter encore les ressources de ce fonds de 30 millions d’euros.
Le soutien financier de l’État aux porteurs de projets pour l’animation des PAPI a été revalorisé. Par ailleurs, la labellisation a été simplifiée.
En outre, dans le cadre de la compétence Gemapi, les collectivités peuvent engager toute action qu’elles jugent nécessaire afin de prévenir les inondations, y compris celles qui sont causées par ruissellement. Ces actions peuvent être financées à travers la taxe Gemapi. À l’échelon national, des travaux sont en cours dans le cadre de la commission mixte inondation afin de faciliter la prise en compte de l’activité agricole et des espaces naturels dans la gestion des risques d’inondation.
Dans les Hauts-de-France, nos services sont pleinement mobilisés sur ces actions concrètes, qui doivent nous permettre de mieux connaître les origines et les phénomènes de ruissellement. En outre, un effort sera engagé pour mieux informer sur les différents dispositifs financiers mobilisables – fonds Barnier, fonds européens, fonds des agences de l’eau, mesures soutenues par la politique agricole commune et volet « implantation de haies » du plan de relance, pour ne citer que ceux-là.
En parallèle, la chambre d’agriculture des Hauts-de-France accompagne les exploitants agricoles. En 2018, elle a publié un guide sur la lutte contre le ruissellement et l’érosion des terres agricoles.
Comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, loin d’être une question de moyens, puisque les dispositifs existent, c’est une question de mobilisation et de concertation : il faut un travail commun entre les collectivités et les acteurs du territoire. Sur ce sujet, le Gouvernement partage votre engagement.
sécurisation du modèle des agences locales de l’énergie et du climat
Mme le président. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 1547, transmise à Mme la ministre de la transition écologique.
M. Michel Savin. Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la fragilité du statut actuel des agences locales de l’énergie et du climat (ALEC), qui menace leur pérennité. Créées par la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les ALEC accompagnent quotidiennement les collectivités et leurs groupements pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’énergie et au climat dans leur champ de compétences, notamment les transports, l’urbanisme et le logement.
Les quarante agences existantes couvrent aujourd’hui un territoire de plus de 22 millions d’habitants. L’article 165 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, sécurise désormais le statut juridique des ALEC, en les définissant comme des « agences d’ingénierie partenariale et territoriale à but non lucratif », en les connectant davantage aux services déconcentrés de l’État et en énumérant certaines des missions qui peuvent leur être confiées. Il s’agit là d’une première avancée attendue.
Cependant, il convient désormais de sécuriser fiscalement ces structures. La situation actuelle entraîne des aberrations, comme le fait que les collectivités doivent payer la TVA sur les subventions qu’elles versent à ces organismes. D’autres agences sont menacées par des redressements fiscaux. Ainsi, pour une approche globale et complète, un rescrit fiscal permettrait de lever les derniers doutes sur le régime applicable aux missions des ALEC. Un tel document permettrait de garantir la vocation première des ALEC, qui est de développer des projets sur les territoires pour susciter la demande et faire progresser l’offre, et non de se substituer au secteur concurrentiel.
Madame la secrétaire d’État, alors que des échanges en ce sens ont eu lieu ces derniers mois avec la Fédération des agences locales de l’énergie et du climat (Flame), qui rassemble les ALEC, pourriez-vous m’indiquer le calendrier retenu par le Gouvernement pour avancer sur ce sujet attendu par l’ensemble des acteurs ?
Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Michel Savin, vous m’interrogez sur le statut actuel des agences locales de l’énergie et du climat, les ALEC, lesquelles, vous l’avez souligné, accomplissent un travail remarquable pour favoriser la mise en œuvre de la transition énergétique et climatique dans les territoires où elles sont présentes.
Leur statut juridique vient d’être renforcé par la loi Climat et résilience, dont l’article 165 précise les missions principales.
Les ALEC participent évidemment à la définition des stratégies locales relatives à l’énergie et au climat, en lien avec la politique nationale. Elles contribuent à l’élaboration des documents en matière d’énergie et de climat. Elles facilitent également la mise en œuvre des politiques locales en fournissant des indicateurs chiffrés sur les consommations et les productions énergétiques, sur les émissions de gaz à effet de serre, afin d’assurer un suivi de la mise en œuvre de ces politiques.
Enfin, les ALEC participent à des réseaux européens, nationaux et locaux ou les animent, afin de promouvoir la transition énergétique, de diffuser et d’enrichir l’expertise des territoires et d’expérimenter des solutions innovantes.
Par ailleurs, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent s’appuyer sur les ALEC pour mettre en avant le service public de la performance énergétique de l’habitat. Je note d’ailleurs que, dans un communiqué du 22 juillet dernier, la Flame a salué l’adoption de ces dispositions. Nous allons donc dans le même sens et nous avons, je crois, répondu à leurs attentes.
Par ailleurs, le régime de TVA applicable aux subventions des collectivités obéit aux principes de droit commun. Seules les subventions qui constituent la contrepartie de prestations de services ou de livraisons de biens effectuées à titre onéreux par un opérateur économique sont soumises à la TVA. Les ALEC peuvent tout à fait être constituées sous une forme associative et, le cas échéant, bénéficier d’exonérations applicables aux organismes sans but lucratif.
L’application de ces règles ne peut cependant s’apprécier qu’au cas par cas, notamment dans le cadre de la démarche de rescrit fiscal en fonction des activités de l’ALEC, des modalités de son financement et des circonstances dans lesquelles elle intervient localement. Les services du ministère de la transition écologique et du ministère de l’économie, des finances et de la relance restent à disposition des ALEC auprès de leur fédération pour éclaircir tout point qui devrait être précisé d’une manière générale ou sur un cas particulier.
Mme le président. La parole est à M. Michel Savin, pour la réplique.
M. Michel Savin. Madame la secrétaire d’État, vous avez rappelé les missions des ALEC, mais, sur la question précise que je vous ai posée – le blocage incompréhensible face auquel elles se retrouvent –, votre réponse n’est pas satisfaisante. Il est vrai que la moitié du chemin a été accomplie par la loi Climat et résilience : n’en restons pas là.
Aujourd’hui, le Gouvernement a du mal à passer des paroles aux actes. Je vous demande vraiment de poursuivre le travail pour apporter des réponses satisfaisantes à ces structures, dont l’action concerne l’ensemble de nos territoires.
tribunaux au bord de l’implosion
Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, auteur de la question n° 1782, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer dans cet hémicycle sur la guerre urbaine sur fond de trafic de drogue qui se déroule dans ma ville de Cavaillon. C’était le 21 juillet dernier. Depuis, chaque jour, on déplore des tirs, des rafales de kalachnikov, des blessés qui tombent sous le coup des balles.
Au regard de la gravité de la situation et de l’impérieuse nécessité d’agir fort et vite, c’est toute la chaîne police-justice qu’il est nécessaire de conforter. Les quatre cabinets d’instruction, Avignon étant pôle criminel, sont au bord de l’implosion : le tribunal correctionnel explose du fait des procédures tentaculaires de trafic de stupéfiants, alors que la cour d’assises, entre session ordinaire et sessions supplémentaires, siège de façon quasi permanente.
Le procureur de la République fait ce qu’il peut, mais il manque de moyens. Manifestement, la justice est sous-dotée à Avignon. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, on ne lutte pas contre des trafics de cette dimension avec des moyens qui ne sont pas à la hauteur. Je profite de cette occasion pour saluer le travail accompli par ces cabinets d’instruction aux côtés des services d’enquête compétents et dévoués à lutter avec acharnement contre ce fléau, qui pénalise au premier chef les habitants majoritairement paisibles de ces quartiers gangrenés. Toutefois, l’épuisement moral gagne, y compris les magistrats.
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, il faut beaucoup plus de moyens pour la justice à Avignon, sur le temps long et sur l’ensemble de la chaîne pénale. Cela signifie plus d’effectifs, plus de personnels. Il faut des juges d’instruction, des juges correctionnels, des greffiers et des agents qui sont en capacité de traiter ces affaires qui arrivent sans cesse. Cela signifie concrètement pour Avignon la mise en place d’un cinquième pôle instructeur, la nomination de deux magistrats au tribunal correctionnel et d’un magistrat au pôle criminel.
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, avec le ministre de l’intérieur, vous avez déclaré vouloir faire cette guerre totale à la drogue. Encore faut-il que le Gouvernement mette les moyens pour agir fort et vite, principalement dans mon département, au tribunal de grande instance d’Avignon.
Mme le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Blanc, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, le Gouvernement mène une action résolue pour donner à la justice les moyens qu’elle mérite et dont elle a besoin.
Je ne vous rappellerai pas l’augmentation historique du budget : 8 % en 2021, 8 % encore en 2022. Si les parlementaires adoptent le projet de loi de finances pour 2022, nous atteindrons le seuil des 9 milliards d’euros l’année prochaine. Par ailleurs, 2 100 emplois publics ont été créés en quelques mois et nous avons franchi le seuil des 9 000 magistrats. Il s’agit d’un seuil historique, qui représente une augmentation nette de près de 700 magistrats depuis le début du quinquennat.
J’en viens à la juridiction d’Avignon. Avec 38 magistrats, elle est au complet ; 16 emplois supplémentaires ont été envoyés, soit une augmentation de 16 % de personnel hors magistrat.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, je vous indique que la demande d’un nouveau cabinet d’instruction a été formulée par les chefs de juridiction que j’ai d’ailleurs reçus à la Chancellerie, dans le cadre d’un dialogue de gestion qui a eu lieu le 29 juillet dernier – c’est donc tout à fait récent. Évidemment, nous examinons les demandes qui ont été présentées.
Je vous annonce d’ores et déjà qu’un poste supplémentaire de magistrat placé auprès du parquet général de Nîmes viendra renforcer la cour d’appel et qu’il pourra être affecté au parquet d’Avignon s’il en est besoin.
Monsieur le sénateur, j’espère vous avoir rassuré sur cette question. Je le répète, nous examinons les demandes qui nous ont été présentées dans le cadre du dialogue de gestion du 29 juillet dernier. Je pense que nous ne sommes pas en retard.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour la réplique.
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. L’État – ministère de l’intérieur, ministère de la justice – prend la mesure de la situation dans le Vaucluse, dans un petit tribunal, dans une petite ville comme la mienne, qui doit faire face à une situation complètement inédite. À l’évidence, il y a là un enjeu que nous devons appréhender collectivement.
intégration du centre de détention de muret comme site de référence
Mme le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, auteure de la question n° 1797, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le garde des sceaux, alors que le Sénat s’apprête cet après-midi à entamer la discussion du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, je me suis particulièrement intéressée au titre III de ce texte et au travail pénitentiaire.
Après l’adoption du projet de loi, nombre de mesures, contenues notamment dans les articles 11 à 14, seront prises par décret et par ordonnance. Si l’utilité sociale du travail n’est plus à démontrer, en France, la moyenne des détenus ayant un travail s’élève à 28 %. Monsieur le garde des sceaux, vous avez vous-même formulé l’objectif que celle-ci passe à 50 % d’ici à deux ans. Je souhaite donc citer en exemple le centre de détention de Muret, en Haute-Garonne, qui permet à 80 % de la population carcérale d’être éligible au travail dans le cadre d’ateliers d’excellente qualité offrant aux détenus formation, accompagnement et préparation à la sortie.
Les ordonnances seront à écrire de façon collégiale. Dans ce contexte, le service de l’emploi pénitentiaire réfléchirait à proposer des sites pilotes pour qu’ils fassent partie des partenaires amenés à participer à leur rédaction.
Monsieur le garde des sceaux, vous est-il possible de me confirmer que, compte tenu de l’exemplarité du modèle qu’il propose dans son enceinte, le centre de détention de Muret sera retenu comme site de référence ?
Mme le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Souffrez, madame la sénatrice, que je fasse durer un tout petit peu le suspense… (Sourires.)
Le travail en prison, c’est absolument essentiel. C’est à mon sens la clef de la réinsertion. De ce point de vue, nous sommes face à une situation dégradée. Dans les années 2000, 50 % des détenus travaillaient au sein des établissements pénitentiaires ; ils sont moins de 30 % aujourd’hui.
Je veux faire revenir le travail en prison.
Cet après-midi s’engagera ici même l’examen de mon projet de loi, qui prévoit un contrat de travail spécifique aux détenus. Celui-ci a bien évidemment aussi pour but d’attirer les patrons. J’étais récemment à l’université du Medef ; je rencontre les grands patrons, les petits patrons, les moyennes entreprises et je ne ménage pas mes efforts pour que le travail revienne en prison. C’est bon pour le patron, c’est bon pour le détenu, c’est bon pour toute la société.
Madame la sénatrice, cinq sites pilotes ont été lancés pour anticiper l’impact de cette réforme. J’ai le plaisir et l’honneur de vous annoncer que Muret, au regard de l’engagement sans faille de ses agents et de sa direction sur ce sujet, est l’un des sites que je retiendrai.
Oui, madame la sénatrice, je vous confirme que Muret, qui est un établissement pénitentiaire que nous connaissons bien, vous et moi, sera retenu pour cette expérimentation, qui a pour but – redisons-le, car c’est un sujet qui nous est commun – d’éviter au maximum la récidive et de favoriser au mieux la réinsertion.
Mme le président. Monsieur le garde des sceaux, merci de cette bonne nouvelle.
La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour la réplique.
Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de votre réponse argumentée, qui sera de nature à conforter l’ensemble des acteurs de la prison de Muret.
demande d’augmentation des moyens de fonctionnement alloués aux tribunaux de commerce
Mme le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, auteur de la question n° 1744, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur la situation budgétaire des tribunaux de commerce. En effet, les juges consulaires bénévoles qui les composent alertent très souvent sur l’insuffisance des moyens de fonctionnement qui leur sont alloués.
Ainsi, en 2016, le président du tribunal de commerce de Paris déplorait-il un budget de fonctionnement de 12 000 euros par an. Le même constat peut être dressé au tribunal de commerce de Nantes, en Loire-Atlantique, qui a reçu une allocation de fonctionnement de 8 000 euros en 2020.
Voilà qui empêche le bon exercice des fonctions de ces instances, particulièrement en période de crise sanitaire. Je pense à l’absence de bande passante suffisante pour pratiquer des visioconférences ou d’un système fiable de signature électronique : autant d’entraves qui pourraient se révéler néfastes, notamment si le nombre de faillites d’entreprises venait à augmenter, ce qui n’est pas le cas en ce moment.
La justice consulaire est bénévole, ce à quoi les juges sont particulièrement attachés. Il y a cependant une différence entre exercer ses fonctions sans être rémunéré et devoir parfois payer de ses propres deniers des dépenses de fonctionnement de la structure ou encore supporter les frais afférant à sa fonction, ce qui est malheureusement fréquemment le cas.
Des calculs réalisés par certains représentants des tribunaux de commerce démontrent qu’un effort budgétaire national de 1 million d’euros, soit 0,16 % du montant de l’augmentation du budget de la justice en 2020, devrait raisonnablement suffire à régler les questions financières du quotidien.
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, à l’heure de la présentation du projet de loi de finances pour 2022, votre ministère se voit attribuer une augmentation de 8 %, ce dont je me satisfais. Pouvez-vous m’indiquer quel montant sera alloué aux juridictions commerciales ? Ce soutien, majeur pour les tribunaux de commerce et mineur financièrement, sera-t-il apporté en 2022 ?
Mme le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Vaugrenard, qu’il me soit d’abord permis de rendre hommage aux juges consulaires. Souvent, quand on compare la justice – c’est un jeu que l’on aime dans notre pays –, on compare la justice allemande et la justice française. La justice française compte des juges bénévoles dans les tribunaux de commerce, vous l’avez rappelé, mais aussi dans les juridictions prud’homales.
J’en viens à la question précise que vous me posez. Le renforcement du budget, inédit depuis trente ans, s’est traduit par une hausse de la dotation de fonctionnement des cours d’appel et l’allocation de fonctionnement courant répartie en début de gestion a augmenté de plus de 3 % par rapport à 2020.
Ces moyens supplémentaires seront consolidés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, qui bénéficieront bien sûr aussi aux tribunaux de commerce.
Je réponds maintenant plus précisément au sénateur de la Loire-Atlantique que vous êtes. Les dépenses de fonctionnement du tribunal de commerce de Nantes, soutenues à la mi-septembre de l’année en cours, représentent 0,33 million d’euros, soit une augmentation de 6 % par rapport à l’année 2020. Le budget 2022 devrait permettre de garantir le niveau de soutien apporté au tribunal de commerce nantais.
Pour être tout à fait complet, monsieur le sénateur, j’ajoute que le Conseil national des tribunaux de commerce travaille actuellement à l’élaboration d’un guide budgétaire, qui permettra aux présidents des tribunaux de mieux connaître la procédure d’octroi de leur budget de fonctionnement.
Mme le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour la réplique.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse.
Votre annonce d’une augmentation de 6 % des dépenses de fonctionnement du tribunal de commerce de Nantes me paraît tout à fait satisfaisante et répondra, je pense, aux préoccupations du président de cette instance, que j’ai eu l’occasion de rencontrer.
suppression de la double tenue du registre d’état civil
Mme le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 1792, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Yves Détraigne. Monsieur le garde des sceaux, je souhaite vous interroger sur la suppression de la double tenue du registre d’état civil, prévue par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Ce texte offre en effet la possibilité aux communes d’être dispensées de l’élaboration d’un double des registres, à condition toutefois de justifier de conditions de sécurité renforcées nécessaires à la bonne tenue et à la sécurisation des données de l’état civil.
Les conditions de sécurité des données de l’état civil et celles permettant aux mairies d’être dispensées d’établir un registre en double exemplaire ont été fixées par le décret n° 2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l’état civil, pris après avis favorable du Conseil national d’évaluation des normes.
Toutefois, dans sa réponse à la question écrite n° 01643 publiée dans le Journal officiel du Sénat du 19 octobre 2017, la Chancellerie précise qu’un « arrêté fixant les conditions techniques de sécurité des traitements automatisés utilisés par les communes [serait] soumis à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ce qui permettra de parfaire le cadre légal assurant une sécurisation des données de l’état civil ». À ce jour, sauf erreur, aucun arrêté ne semble encore avoir été publié.
Par conséquent, monsieur le garde des sceaux, je vous demande de bien vouloir m’indiquer si la suppression de la tenue du second registre papier de l’état civil est bien applicable en l’état ou si, le cas échéant, vous entendez publier le texte réglementaire manquant.
Mme le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Détraigne, c’est une question importante pour les communes, et il s’agit bien évidemment de leur simplifier la tâche.
Vous avez rappelé la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, qui a ouvert aux communes la faculté d’être dispensées de l’obligation d’établir un second exemplaire des registres d’état civil. Cette possibilité a toutefois été soumise à la condition que les communes en question disposent d’un traitement automatisé de données d’état civil qui satisfont à des conditions et des caractéristiques techniques fixées par décret. Le décret du 6 mai 2017 relatif à l’état civil est depuis venu préciser cette disposition, en renvoyant toutefois à un arrêté pour spécifier les modalités de mise en œuvre précises des conditions techniques supplémentaires exigées.
Les travaux préparatoires à la rédaction de cet arrêté sont en cours. Je peux d’ores et déjà vous citer quelques conditions qui seront requises, comme la mise à jour des données en moins de vingt-quatre heures ou l’hébergement du traitement sur un site distinct de celui où sont tenus les registres papier.
Si je souscris évidemment à l’objectif de cette réforme, à savoir alléger les exigences formelles qui pèsent sur les communes et leurs maires, il est indispensable que l’État s’assure que les conditions en termes de sécurité de cet allégement soient réunies.
Pour répondre parfaitement et complètement à votre question, monsieur le sénateur, je tiens à vous assurer que cet arrêté devrait être publié dans un délai d’un an, après un travail très important de mes services auprès des mairies et des éditeurs de logiciels d’état civil.
Mme le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour la réplique.
M. Yves Détraigne. Merci, monsieur le garde des sceaux, pour votre réponse, qui va éclairer les communes.
soutien aux radios locales indépendantes
Mme le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 1799, adressée à Mme la ministre de la culture.
M. Philippe Mouiller. Madame la ministre, ma question porte sur les difficultés financières auxquelles doivent faire face les radios locales.
En raison de la pandémie, les radios locales indépendantes et associatives se retrouvent dans une situation financière délicate, bien qu’elles aient bénéficié de deux aides importantes : le fonds d’aide à la diffusion hertzienne et le crédit d’impôt temporaire de 15 % en faveur des diffuseurs.
Ces radios ont tout fait pour poursuivre leur travail afin d’assurer leur mission d’information et de maintenir du lien social au cœur des territoires. C’est pour cette raison qu’elles n’ont pas souhaité mettre leur personnel en chômage partiel.
Leur budget repose en grande partie sur des recettes publicitaires, qui ont fondu durant la crise sanitaire. Parallèlement, leurs charges sont restées les mêmes, voire ont augmenté en raison des nouvelles contraintes techniques liées aux règles sanitaires.
Certaines de ces radios locales sont actuellement dans l’attente du versement du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER), qui accuse un retard important en 2021. En effet, au lieu d’être en partie versé à la fin du printemps, il ne le sera vraisemblablement qu’en décembre prochain, après que la commission compétente se sera réunie en novembre.
De plus, pour soutenir le déploiement en France du DAB+ (Digital Audio Broadcasting, ou radiodiffusion numérique), qui va nécessiter plusieurs millions d’euros d’investissements, les radios locales sollicitent la création d’une nouvelle aide, sans laquelle elles ne pourront pas en supporter le coût.
Pour toutes ces raisons, il est à craindre que ces radios disparaissent, malgré les prestations de qualité qu’elles peuvent offrir.
Je vous remercie de bien vouloir m’indiquer quelles mesures vous entendez prendre afin de continuer à les accompagner dans cette période critique, pour préserver un paysage radiophonique dense et pluraliste
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Vous avez raison, monsieur le sénateur Philippe Mouiller, les médias locaux, à l’image des radios locales, ont joué un rôle de premier plan durant la crise sanitaire, en assurant l’information et l’accès à la culture de tous les citoyens.
Les radios commerciales locales, dont les ressources publicitaires ont fortement baissé au printemps 2020, ont maintenu leur activité. Le ministère de la culture – comme vous l’avez rappelé, ce dont je vous remercie – les a accompagnées à travers deux dispositifs exceptionnels : le fonds de soutien à la diffusion hertzienne, dont Collines FM a bénéficié, et le crédit d’impôt au profit des diffuseurs audiovisuels pour leurs dépenses dans la création.
Les radios associatives n’ont pas été épargnées par la crise, bien que leur économie soit largement indépendante des aléas du marché publicitaire.
Là encore, le ministère de la culture a pris des mesures spécifiques d’adaptation du FSER : pour 2021, les crédits de ce fonds ont été portés à 32 millions d’euros, soit une augmentation de 1,25 million d’euros par rapport à l’année 2020.
Les mesures d’adaptation des modalités de détermination des subventions ont été saluées par les organisations représentatives de ces radios, que j’ai d’ailleurs reçues récemment.
Aucune anomalie n’a été relevée s’agissant du calendrier de versement des aides, dont bénéficient notamment la radio D4B, Radio Gâtine et Radio Val d’Or.
Dans un contexte de poursuite du développement du DAB+, j’ai obtenu dans le projet de loi de finances pour 2022 une nouvelle augmentation des crédits du FSER, qui atteindront ainsi un niveau historique à 33,1 millions d’euros, soit une hausse de 1,1 million d’euros, c’est-à-dire de 3,5 %, par rapport à 2021.
Je vous signale par ailleurs que les chiffres publiés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) au mois de juillet, pour le premier semestre de l’année 2021 révèlent que le marché publicitaire national des radios a retrouvé un niveau similaire à celui observé avant la crise, ce qui profite également aux radios locales, lesquelles tirent en moyenne la moitié de leur chiffre d’affaires publicitaire de ces recettes. Les dernières données relatives au marché publicitaire font également apparaître une dynamique positive pour le second semestre.
Dans ce contexte, il ne me paraît pas justifié de reconduire ces dispositifs exceptionnels, conçus pour répondre à la baisse sans précédent des investissements publicitaires. Le maintien des mesures d’adaptation du FSER sera quant à lui étudié en fin d’année, à l’aune du bilan des mesures prises cette année.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller. Je vous remercie, madame la ministre, de toutes ces précisions. Nous allons regarder de très près l’organisation du financement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022. Mais il faudrait peut-être se pencher sur les problèmes de trésorerie, notamment en ce qui concerne le versement du FSER, car il s’agit de structures disposant d’une trésorerie très limitée, dans un contexte extrêmement difficile.
marché du livre à l’heure du numérique
Mme le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 1229, adressée à Mme la ministre de la culture.
M. Jean-Marie Mizzon. Madame la ministre, avec l’arrivée du numérique et au lendemain, ou presque – espérons-le ! –, de l’épidémie du coronavirus, le marché du livre est en pleine mutation.
Cette nouvelle technologie et la pandémie ont en effet entraîné d’importants bouleversements dans les habitudes de lecture des Français mais aussi dans le monde de l’édition. Cette activité culturelle, qui génère un chiffre d’affaires assez important, est toujours autant plébiscitée par nos concitoyens.
Or, avec l’arrivée du numérique, le marché du livre est en pleine mutation, avec près de 400 000 titres disponibles à la vente et accessibles via un ordinateur fixe, une liseuse, un smartphone, une tablette ou encore un ordinateur portable.
Surtout, ce marché, en augmentation constante, a connu une hausse particulièrement notable au plus fort de l’épidémie de covid-19. Durant cette période, les chiffres communiqués par les plateformes de vente spécialisées témoignent même d’une hausse spectaculaire des achats de livres numériques, avec un nombre de téléchargements et de ventes multiplié par sept, tandis que le nombre d’e-books commandés a été multiplié par quinze. Quant à la lecture directe sur un ordinateur, elle a triplé en volume, ce qui représente plus de 800 000 livres numériques lus par ce seul moyen. La plupart des plateformes de vente de livres numériques ont enregistré des hausses d’activité allant jusqu’à 200 %.
Tout cela suscite, au vu des pertes enregistrées, l’inquiétude des professionnels du livre, libraires et maisons d’édition confondus. Afin qu’aucun des acteurs de ce marché ne soit lésé, quelle politique votre ministère entend-il mener dans ce secteur d’activité d’importance pour notre pays, sur le plan tant culturel qu’économique ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Jean-Marie Mizzon, les contraintes et les obligations imposées par la crise sanitaire ont en effet favorisé une augmentation au moins temporaire des ventes et des prêts de livres numériques.
Le développement du secteur du livre numérique est accompagné depuis plus d’une dizaine d’années par le ministère de la culture. Cela s’est manifesté notamment par l’adoption de la loi sur le prix unique du livre numérique en 2011, le soutien au développement du prêt numérique en bibliothèque ou encore le copilotage d’un plan stratégique pour le développement d’une offre de livres numériques nativement accessibles aux personnes en situation de handicap.
En outre, le Centre national du livre (CNL) propose plusieurs dispositifs d’aide numérique, qui ont été refondus cette année. Trois aides sont dorénavant proposées afin d’accompagner la filière du livre dans le développement de services numériques structurants et interprofessionnels, de soutenir la publication et la diffusion de livres numériques, et de favoriser le développement du livre audio.
L’imprimé demeure néanmoins le principal format du marché du livre, puisqu’il représente environ 95 % des ventes en volume.
Les périodes de confinement liées à la crise sanitaire ont eu un impact sur les ventes, mais le soutien du Gouvernement a été important. Grâce à l’action du CNL et des directions régionales des affaires culturelles, le cas échéant en liaison avec les organismes de gestion collective et les collectivités territoriales, les différents maillons ont bénéficié d’aides variées.
Ainsi, 677 auteurs ont reçu 2,26 millions d’euros d’aide d’un fonds d’urgence, et 440 aides ont été versées aux petites et moyennes maisons d’édition, pour plus de 4 millions d’euros. Les libraires ont en outre été soutenus à travers un fonds de compensation des pertes d’exploitation lors du premier confinement, pour plus de 15 millions d’euros. Le remboursement de leurs frais d’expédition pour leur permettre de poursuivre leur activité à distance lors du deuxième confinement a coûté plus de 3 millions d’euros. Et un fonds de modernisation de 12 millions d’euros a été créé pour accélérer leurs investissements dans leurs magasins et leurs solutions de vente en ligne, dont 9 millions d’euros ont déjà été engagés.
À cela s’ajoutent les dispositifs transversaux que vous connaissez bien, et dont la chaîne du livre a pleinement bénéficié.
Mme le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Combinée avec la fréquentation exceptionnelle des commerces de livres, l’action publique aura ainsi permis au secteur du livre de traverser avec le moins de dégâts possible la crise sanitaire.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Je suis impressionné par le nombre des initiatives que vous avez prises, madame la ministre. Mais le ressenti sur le terrain n’est pas à la hauteur de ces engagements que vous prenez pour défendre le livre. Puisse l’avenir vous donner raison !
travailleurs et vétérans des essais nucléaires
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, auteure de la question n° 1583, adressée à Mme la ministre des armées.
Mme Angèle Préville. Madame la ministre, environ 300 000 vétérans, civils et militaires, ont participé aux essais nucléaires français, à la fois dans le Sahara algérien et en Polynésie française.
En janvier dernier, vous preniez un décret créant une nouvelle agrafe « essais nucléaires », destinée à récompenser ces personnels par la médaille de la défense nationale.
S’il s’agit d’une bonne nouvelle, c’est loin d’être suffisant, qu’il s’agisse des vétérans ou de leurs descendants. Les vétérans ne devraient-ils pas pouvoir bénéficier du statut d’ancien combattant ? N’ont-ils pas été exposés aux radiations nocives pour la santé en assurant l’indépendance stratégique de la France ? La demande qu’ils vous ont adressée à ce sujet, sauf erreur, n’a toujours pas obtenu de réponse. Ils sont nombreux à souffrir de lourdes séquelles dues à l’exposition aux rayonnements ionisants et à un environnement contaminé.
Que leurs enfants et petits-enfants soient également touchés était également prévisible. Le lien entre l’exposition des vétérans et les conséquences néfastes sur leurs descendants a été démontré, et il est documenté depuis déjà un certain temps. Depuis Hiroshima et Nagasaki, on sait que l’irradiation des parents entraîne des conséquences irréversibles sur le génome : stérilité, malformations, cancers et autres pathologies apparaissent de génération en génération, ce qu’on observe également dans la lignée des vétérans des essais nucléaires français.
Face à ce lourd tribut que payent les vétérans des essais nucléaires et leurs familles, le Gouvernement ne doit-il pas accorder aux descendants un suivi médical pris en charge par l’État ? N’y a-t-il pas là comme un devoir moral ? N’est-il pas de notre responsabilité d’assumer les conséquences des décisions prises dans le passé ?
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quand les demandes des vétérans seront prises en compte et dans quel délai ? La France n’a-t-elle pas suffisamment attendu pour accorder à ceux qui l’ont servie la reconnaissance de la Nation ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Madame la sénatrice, vous avez rappelé l’avancée que constitue le décret du 29 janvier 2021 créant une nouvelle agrafe « essais nucléaires », destinée à honorer les vétérans des essais nucléaires par la médaille de la défense nationale. Cette distinction permet de récompenser les militaires d’active et de réserve, les anciens militaires ainsi que les civils qui justifient par tous moyens avoir participé aux missions liées au développement de la force dissuasive nucléaire.
La mise en place de ce dispositif est très satisfaisante. Fin août, 1 145 médailles avec agrafe ont été décernées, et ce chiffre sera porté à 1 415 dans les prochaines semaines. L’État reconnaît ainsi ce qu’il doit à ces femmes et à ces hommes, qui se sont dévoués pour bâtir notre dissuasion nucléaire, pilier majeur de notre défense.
En ce qui concerne le suivi sanitaire, je tiens d’abord à rappeler, en tant que médecin, toutes les précautions dont il faut s’entourer lorsqu’on aborde des données épidémiologiques. Plutôt que de brandir des comparaisons catastrophistes et hasardeuses, ce qui peut être trop engageant et difficile à entendre, il faut se fonder sur des analyses solides.
Justement, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a rendu publique en 2021 l’expertise collective sur les effets sanitaires des essais nucléaires en Polynésie française. S’agissant des effets transgénérationnels ou héritables, cette expertise conclut que les études actuellement disponibles chez l’homme ne mettent pas en évidence d’effet décelable, c’est-à-dire que des conséquences transgénérationnelles des rayonnements n’ont pu être attestées aujourd’hui chez l’homme, et recommande une veille attentive et rigoureuse de la littérature publiée à ce sujet.
La commission internationale de protection radiologique a programmé une expertise sur les effets héritables des radiations, qui doit rendre ses conclusions en 2025. Celles du comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants sont attendues pour 2028. Des experts de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire contribuent à ces travaux.
Tout cela a été expliqué au cours des tables rondes que nous avons tenues les 1er et 2 juillet 2021, à la demande du Président de la République, avec nos amis polynésiens. Le président-directeur général de l’Inserm et les experts de cette institution ont ainsi pu apporter toutes les précisions.
Mme le président. Il faut conclure, madame la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Nous portons beaucoup d’attention à ces questions, et menons de front la surveillance et la reconnaissance.
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Merci, madame la ministre, pour votre réponse. J’attire toutefois votre attention sur la spécificité de ces essais nucléaires, qui devrait nous inviter à revoir la notion même d’ancien combattant, puisque l’exposition aux rayonnements a été très concrète pour ceux qui étaient présents.
Pour assumer notre responsabilité pleine et entière, il nous faut trouver la juste réponse.
Mme le président. Je vous demande, chers collègues, de bien porter votre masque sur le nez : les micros sont utilisés par d’autres et on ne les nettoie pas forcément juste après vous.
règles de calcul de la part de la dotation forfaitaire attribuée en fonction de la population
Mme le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 1680, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
M. Hervé Maurey. Madame la ministre, malgré les demandes répétées des élus ruraux et des parlementaires, malgré différents rapports sur le sujet, les règles de répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) entre communes demeurent toujours aussi injustes.
Comme vous le savez, la part de la dotation forfaitaire par habitant varie du simple au double entre une commune rurale et une commune urbaine. Cette situation est totalement inacceptable et injustifiable.
En effet, les études menées sur la réalité des charges supportées par les communes en fonction de leur taille montrent que la règle de calcul appliquée sous-estime les charges des communes de petite taille. Ce constat ancien a été confirmé par un rapport gouvernemental en 2020.
Le Sénat a adopté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 un amendement qui réduisait cette inégalité. Malgré le caractère progressif et mesuré de cette proposition, la disposition a été supprimée à l’Assemblée nationale à la demande du Gouvernement, ce dernier renvoyant à des réflexions complémentaires et ultérieures.
Tout le monde s’accorde donc à dire qu’il faut revoir la règle, mais la situation demeure en l’état, comme en témoigne, malheureusement, le projet de loi de finances pour 2022, qui nous a été présenté la semaine dernière, puisque ce texte ne prévoit rien en la matière.
Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, si, d’ici à l’adoption du projet de loi de finances pour 2022, le Gouvernement compte travailler enfin et réellement avec les parlementaires engagés sur ce sujet pour modifier la règle.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Monsieur le sénateur, votre question porte sur un sujet auquel je sais le Sénat très attentif, celui des règles de répartition de la dotation forfaitaire entre communes.
C’est une question sur laquelle circulent tout de même beaucoup d’interprétations erronées, et il faut redonner au sujet sa vraie portée, en rappelant que ce coefficient sert uniquement à traduire dans l’attribution des aides de l’État le fait que les communes, en règle générale, supportent d’autant plus de charges qu’elles comptent d’habitants. C’est un constat évident, documenté et, je crois, largement partagé sur le terrain. On ne peut pas dire qu’un urbain vaut deux ruraux : ce n’est pas entendable, et c’est démenti, surtout, par les faits.
En 2021, les communes urbaines, au sens de l’Insee, ont reçu 166 euros de dotation par habitant, contre 160 euros pour les communes rurales. En effet, au-delà de la dotation forfaitaire, dans le calcul de laquelle joue le coefficient logarithmique, les communes rurales reçoivent aussi d’autres aides.
Je pense en particulier à la dotation de solidarité rurale, dont le montant s’élève à 1,8 milliard d’euros. Cette année encore, le Gouvernement propose d’augmenter cette dotation de 95 millions d’euros dans le projet de loi de finances, ce qui portera à 455 millions d’euros sa progression depuis le début du quinquennat.
Je pense aussi à la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), qui s’élèvera toujours à 1,46 milliard d’euros en 2022, ce qui fait 5,2 milliards d’euros sur ce quinquennat contre 3,5 milliards d’euros sous le précédent.
En ce qui concerne les évolutions que vous appelez de vos vœux, M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité, a proposé à l’association des maires ruraux de France de formuler des propositions, mais en coordination avec les autres associations d’élus – villes moyennes, petites villes ou grands centres urbains –, car le Gouvernement ne souhaite pas réformer la DGF contre la volonté des élus et sans esprit de consensus.
Le président du comité des finances locales a d’ores et déjà indiqué que les travaux du groupe, qui se poursuivent depuis deux ans, se prolongeront en 2022. Je crois qu’il faut saisir cette opportunité pour en débattre sereinement et surtout de façon coordonnée, quelle que soit la taille de nos collectivités.
Mme le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
M. Hervé Maurey. Madame la ministre, je suis assez étonné par votre réponse. Vous commencez par expliquer que, finalement, tout cela est très justifié, ce qui est tout de même assez surprenant, parce que, jusqu’alors, on avait plutôt entendu les membres des gouvernements précédents reconnaître qu’il y avait un vrai problème et qu’il fallait se pencher dessus. Là, vous nous dites finalement de circuler, qu’il n’y a rien à voir, et qu’il n’est pas gênant que la dotation forfaitaire varie du simple au double en fonction de la taille de la commune. C’est une nouveauté, j’en prends acte, le Sénat en prend acte et je suis certain que les maires ruraux apprécieront et qu’ils en prendront acte également.
Dans le même temps, vous nous dites tout de même qu’on va continuer à réfléchir, jusqu’en 2022… C’est ce qu’on nous dit chaque année. Pour être très direct avec vous, cela nous donne, une fois de plus, le sentiment d’être menés en bateau, ce qui est extrêmement désagréable pour les nombreux élus concernés.
Le Sénat, une fois de plus, évoquera ce sujet lors de la discussion du prochain projet de loi de finances en espérant – on peut toujours espérer – être enfin entendus par le Gouvernement !
cumul d’une pension d’invalidité avec une indemnité de fonction au titre de l’exercice d’un mandat local
Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, auteure de la question n° 1761, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Valérie Boyer. Madame la ministre, ma question concerne les élus locaux, et je voudrais vous parler aussi du statut des élus.
Depuis plusieurs années, nous assistons impuissants à un véritable blues des maires, un malaise qui touche aussi, plus largement, les élus locaux et qui nous dit quelque chose du malaise général de notre démocratie.
Je voudrais vous faire part d’une injustice dans le statut des élus, en vous parlant d’une élue que j’ai connue dans la commune dont j’ai été maire et qui est toujours en fonction. Cette élue touche une pension, pension d’invalidité ou allocation aux adultes handicapés (AAH) – ma question concerne les personnes qui touchent une pension d’invalidité ou l’AAH. Ces prestations sont soumises à conditions de ressources. L’indemnité de fonction de l’élu entre en compte dans le calcul de ses ressources et peut être cumulée avec ces prestations, dans la limite du dernier salaire annuel moyen perçu avant leur attribution.
En l’état actuel des choses, il n’y a pas formellement d’interdiction de cumuler une pension d’invalidité et une indemnité de fonction, mais il y a un plafonnement du cumul des ressources susceptibles d’être procurées par l’addition de l’une et de l’autre. Il existe même, implicitement mais clairement, une autorisation de cumul lors des six premiers mois de la reprise d’une activité – du mandat, en l’occurrence –, puisque ce n’est éventuellement qu’à l’expiration de ces deux trimestres que la pension sera suspendue ou supprimée.
Franchement, cela crée une inégalité de fait entre élus et n’incite pas les personnes en situation d’invalidité ou du handicap à s’engager dans la vie politique. En pratique, l’addition des deux ressources conduit souvent l’élu local à dépasser le plafond ou à devoir faire un choix.
Ma question est simple, et je vous la repose, après avoir posé des questions écrites qui sont demeurées sans réponse. Que comptez-vous faire pour mettre fin à cette injustice et, surtout, à cette entrave à l’implication des personnes handicapées à des fonctions électives ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Effectivement, madame la sénatrice, lorsque la pension d’invalidité cumulée avec l’indemnité de l’élu excède le salaire antérieur à l’attribution de la pension d’invalidité, tout revenu gagné au-delà de ce seuil se traduit par une réduction à due concurrence du montant de la pension d’invalidité.
Mais cette règle ne concerne pas seulement les élus. Elle s’applique également pour tous les revenus d’activité. Je pense qu’elle soulève une difficulté beaucoup plus large. Alors que près de 31 % des bénéficiaires d’une pension d’invalidité travaillent, l’application de ces règles de cumul constitue une forte désincitation à exercer une activité ou un mandat, ou à accroître son activité, alors même que nous souhaiterions au contraire favoriser l’insertion professionnelle ou l’exercice de mandats électifs.
C’est pourquoi nous avons annoncé un assouplissement des règles de calcul entre pensions d’invalidité et revenus d’activité dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Cette réforme prévoit un cumul intégral des revenus d’activité et de la pension d’invalidité jusqu’à ce que le revenu disponible de l’assuré redevienne similaire à celui qu’il avait avant son passage en invalidité, de la même façon qu’aujourd’hui. Mais, au-delà de ce seuil, la pension d’invalidité ne sera réduite que de la moitié des gains constatés, ce qui supprimera l’effet couperet actuel. Cette réforme s’appliquera également dans les mêmes conditions aux indemnités perçues par les élus locaux.
Elle facilitera le maintien dans l’emploi de ses assurés, mais aussi l’exercice d’un mandat électoral en maintenant un gain financier pour tout revenu supplémentaire. Elle doit être mise en œuvre par un texte réglementaire en cours de finalisation et interviendra au printemps 2022.
Je crois, madame la sénatrice, qu’une telle réforme répondra aux difficultés que vous avez soulignées tout en garantissant une équité de traitement entre les différents types de revenus perçus par les pensionnés d’invalidité.
Mme le président. La parole est à Mme Valérie Boyer, pour la réplique.
Mme Valérie Boyer. Merci de votre réponse, madame la ministre. Même s’il s’agit d’une amélioration, je pense que cela ne répond pas à la question que j’ai posée, puisque cela ne concerne pas uniquement les élus.
Or, il y a une injustice à faire en sorte qu’une élue ou un élu en situation de handicap ou en invalidité ne puisse pas percevoir la totalité de son indemnité. Une indemnité n’est pas un salaire ! Je ne vois pas pourquoi il y aurait une différence entre des personnes à la retraite, des personnes au chômage ou des personnes en activité, qui peuvent percevoir l’intégralité de leurs indemnités, et une personne en situation d’invalidité, qui ne le pourrait pas : c’est discriminatoire.
Mme le président. Il faut conclure, chère collègue.
Mme Valérie Boyer. Nous devons nous pencher particulièrement sur la question.
Mme le président. Je vous rappelle que les ministres sont tenus par un agenda. Vous voyez bien qu’ils viennent les uns après les autres. Attention, donc, à bien respecter les temps de parole.
exportations massives de grumes vers l’asie
Mme le président. La parole est à Mme Marie Evrard, auteure de la question n° 1767, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Mme Marie Evrard. Monsieur le secrétaire d’État, depuis le début de l’année, les acteurs français de la filière bois sont confrontés à d’importantes difficultés d’approvisionnement en matières premières. Plusieurs essences destinées à la construction et à des usages nobles sont concernées par ce phénomène, comme le chêne, le hêtre, les résineux ou le douglas du Morvan.
Ces difficultés s’expliquent par les exportations massives de grumes vers l’Asie. Les expéditions de bois brut issu de forêts françaises se font plus particulièrement vers l’économie chinoise, qui connaît une forte reprise depuis plusieurs mois.
Ces bois bruts expédiés par containers font défaut aux scieries françaises. Ainsi, 90 % des scieries de chênes n’ont plus assez de bois pour assurer leurs besoins de l’année. Dans ce contexte, des constructeurs de maisons en ossature bois situés dans le Morvan sont confrontés à un doublement des prix de la matière première ou ne trouvent carrément plus de bois pour poursuivre leur activité.
Ce phénomène s’étend également au volume de résineux avec des acheteurs étrangers qui perturbent leurs achats.
Cette situation difficile s’est accélérée et amplifiée avec la décision de la Russie de bloquer ses exportations de grumes et de sciage auprès de son client principal, l’Asie.
Dans ce contexte, l’industrie française du sciage et de la deuxième transformation se trouve en grand danger, avec le ralentissement, voire l’arrêt de ses activités. C’est d’autant plus regrettable que la reprise économique est bien présente. À cela s’ajoute le gâchis écologique que constituent les exportations de grumes depuis les forêts françaises vers l’Asie. Ces expéditions ont pour conséquence d’annuler le bénéfice de la captation du carbone par le bois.
Monsieur le secrétaire d’État, comme vous le savez, la filière du bois occupe une place particulièrement importante dans l’économie de nos régions, en particulier dans le Morvan.
Quelles actions le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour soutenir la filière bois française et lui permettre de sécuriser ses approvisionnements ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la sénatrice Evrard, comme vous l’avez dit, la filière bois doit aujourd’hui relever plusieurs défis.
La forêt française doit tout d’abord augmenter sa résilience pour faire face aux changements climatiques. Il s’agit d’une nécessité pour qu’elle continue à produire du bois de qualité tout en préservant la biodiversité et en stockant plus de carbone.
Les scieries de l’Hexagone subissent également depuis plusieurs mois des tensions d’approvisionnement, notamment en raison de l’augmentation de la consommation mondiale de bois – celle-ci enregistre une augmentation de 10 % en un an – et des restrictions aux exportations décidées par certains pays.
Ces dynamiques ne sont pas sans risques pour la filière : elles peuvent entraîner des hausses de coût, des augmentations de délais, voire des pénuries en bois brut.
La capacité de nos industries à être présentes sur le marché du bois de construction en plein essor est d’ailleurs une question de souveraineté.
Pour résorber ces tensions d’approvisionnement, le Gouvernement a saisi la Commission européenne en lui demandant de prendre des mesures de sauvegarde au titre de la compétence commerciale et d’éviter ainsi l’emploi sous-optimal des ressources forestières européennes.
Le Premier ministre a aussi demandé à l’Office national des forêts de développer au maximum les contrats d’approvisionnement avec les scieries françaises, pour éviter que la production de bois des forêts domaniales ne soit vendue aux enchères, s’exposant ainsi à l’action de traders qui exportent souvent hors d’Europe.
Dans le cadre du plan France Relance, le Gouvernement va également redéployer 100 millions d’euros supplémentaires pour abonder les différents dispositifs de soutien à la filière forêt et bois.
Ils s’ajoutent donc aux 200 millions d’euros déjà consacrés à la relance de la filière : 150 millions d’euros pour le renouvellement forestier en amont – cela correspond au reboisement de 45 000 hectares, soit environ 50 millions d’arbres – et 50 millions d’euros pour la modernisation des industries de transformation du bois en aval.
Enfin, pour assurer l’avenir à long terme de cette filière d’importance nationale et si particulière pour notre société, le Premier ministre a demandé aux ministres Julien Denormandie, Agnès Pannier-Runacher et Bérangère Abba d’organiser à l’automne des assises de la forêt et du bois.
Elles doivent être un espace de dialogue, décliné dans les territoires, en cohésion avec les acteurs amont et aval, mais aussi les experts et les associations, pour nourrir la vision la plus large possible de la forêt française et de la filière bois de demain.
Elles permettront de partager les enjeux du patrimoine forestier que nous avons en commun, pour que nous puissions collectivement faire prospérer cette richesse.
Mme le président. La parole est à Mme Marie Evrard, pour la réplique.
Mme Marie Evrard. Je vous remercie pour votre réponse positive, monsieur le secrétaire d’État. Elle était attendue par les acteurs de la filière bois implantés dans nos territoires ruraux.
avenir de sanofi à vertolaye dans le puy-de-dôme
Mme le président. La parole est à M. Éric Gold, auteur de la question n° 1766, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie.
M. Éric Gold. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite alerter le Gouvernement sur le projet de cession du site Sanofi de Vertolaye dans le Puy-de-Dôme à la société EuroAPI. Cette cession consiste à créer une nouvelle entité, dont l’autonomie est prévue en 2022, rassemblant des activités commerciales et de développement de principes actifs pharmaceutiques de Sanofi, et six de ses sites de production en Europe. D’après les représentants du personnel, cette cession illustre la stratégie de « vente à la découpe » de Sanofi, le démantèlement futur du groupe et un recul fort de son empreinte industrielle en France.
L’avenir des deux sites français – le deuxième étant situé à Elbeuf, en Seine-Maritime – dans ce nouvel ensemble inquiète les employés, qui souhaitent préserver l’outil de production et les emplois. En effet, l’état de vétusté des équipements des sites français, qui pénalise la performance de manière systémique, tout comme l’augmentation continue des coûts de revient industriels, nécessite des investissements lourds. Malgré l’annonce rassurante d’EuroAPI début septembre de la construction d’un bâtiment pour la production d’hormones, moyennant un investissement de 50 millions d’euros, quelques inquiétudes persistent.
L’enjeu est majeur pour ce secteur rural du Puy-de-Dôme : le site Sanofi de Vertolaye compte 630 salariés en CDI et 100 à 150 contrats temporaires. On arrive à environ 1 000 emplois avec les différents partenaires.
Outre l’enjeu d’aménagement du territoire, il s’agit d’un sujet d’intérêt général sur la capacité de l’industrie pharmaceutique française à produire des médicaments pour la santé de nos concitoyens et à éviter de nouvelles ruptures de médicaments essentiels, voire vitaux. La crise sanitaire que nous traversons toujours nous a douloureusement rappelé le constat de perte d’autonomie de la France dans la production industrielle et ses conséquences néfastes.
Le Président de la République a annoncé en juin 7 milliards d’euros de crédits pour l’innovation en santé, 1 milliard d’euros étant déjà programmés pour le secteur du médicament dans le budget 2022. Ce sont des investissements massifs, qui doivent se concrétiser par un soutien et un renforcement des entreprises déjà présentes sur nos territoires.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous rassurer sur l’avenir d’EuroAPI en France et la pérennité de l’industrie pharmaceutique sur le site de Vertolaye ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Gold, vous l’avez dit, la crise sanitaire a montré que nous devons plus que jamais avoir des industriels de la santé forts, résilients et capables de faire face à la concurrence mondiale, qui est toujours plus forte.
Le 24 février 2020, Sanofi a annoncé la cession d’une partie de ses activités de chimie pharmaceutique en Europe, visant six sites industriels européens, dont deux sites français : Saint-Aubin-lès-Elbeuf et Vertolaye. La société issue de cette opération, EuroAPI, a pour objectif de devenir le leader européen de la production de principes actifs, au deuxième rang mondial, derrière le suisse Lonza.
Cette entreprise possédera des atouts, en particulier un large portefeuille de produits, des normes de qualité élevées, des prix compétitifs sur le marché des produits à forte valeur ajoutée, des capacités industrielles et technologies de pointe dans toute l’Europe, et un réseau commercial présent dans plus de 80 pays.
Sur les modalités de création d’EuroAPI, le Gouvernement a demandé à Sanofi plusieurs garanties auxquelles s’est engagée l’entreprise : l’empreinte industrielle et les emplois de Sanofi sur le territoire français seront garantis, avec 1 500 emplois sur les 3 200 salariés de la nouvelle entité qui seront en France ; EuroAPI aura son siège social en France, à Paris ; et Sanofi restera un actionnaire de référence, avec 30 % du capital.
Le site de Vertolaye, dans le Puy-de-Dôme, et ses près de 800 collaborateurs apporteront à EuroAPI toutes leurs capacités dans la fabrication de principes actifs. Il est notamment reconnu en Europe pour son expertise en procédés chimiques complexes et sa production d’anti-inflammatoires. Fin août, la direction d’EuroAPI a annoncé la construction d’un nouveau bâtiment « Hormones » sur le site de Vertolaye à l’horizon 2023. Ce projet a pour objectif d’assurer la continuité de l’expertise et du savoir-faire de Vertolaye sur la fabrication de produits hautement actifs. Un investissement de l’ordre de 40 à 60 millions d’euros permettra la construction de ce nouveau bâtiment, à la pointe des outils disponibles à l’heure actuelle. Un plan d’investissement de 190 millions d’euros a été annoncé par ailleurs sur le site de Vertolaye à l’horizon 2025.
Dans le cadre du dialogue social interne, des réunions avec les représentants du personnel ont été organisées pour accompagner la mise en place de ce projet et expliquer l’opportunité qu’il représente dans un contexte post-covid.
Le Gouvernement demeure très attentif aux choix et à la stratégie industrielle de Sanofi. Les investissements étrangers dans EuroAPI devront à ce titre être soumis à la procédure des « investissements étrangers en France », car les activités d’EuroAPI relèvent de secteurs stratégiques.
J’ajoute que, dans le cadre du futur plan d’investissement qui doit être présenté dans les jours à venir par le Président de la République, cette question de la santé, au-delà du plan de relance et des 7 milliards consacrés à l’innovation en santé, est au cœur des préoccupations stratégiques françaises.
Mme le président. La parole est à M. Éric Gold, pour la réplique.
M. Éric Gold. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi d’insister de nouveau sur la nécessité de préserver les emplois, donc sur Vertolaye, mais aussi sur l’importance de ce site pour le département du Puy-de-Dôme et pour l’industrie pharmaceutique française et son autonomie
aide à domicile et mesures de revalorisation salariale annoncées le 1er avril 2021
Mme le président. La parole est à Mme Else Joseph, auteure de la question n° 1667, adressée à Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie.
Mme Else Joseph. Madame la ministre, il y a un an, dans le cadre des accords du Ségur de la santé, beaucoup déploraient l’absence du secteur de l’aide à domicile des mesures de revalorisation salariale des métiers difficiles.
Cet oubli avait été ressenti de façon très injuste, d’abord par les acteurs eux-mêmes, dévoués et aux prises avec de véritables difficultés, mais aussi par tous ceux qui ont pris les devants, comme les conseils départementaux, qui avaient institué des primes. Dans cette crise, de nombreuses initiatives ont été prises sur le terrain.
Les critiques ont porté, et j’en suis heureuse. On a ainsi annoncé la refonte de l’avenant 43, avec une refonte complète de la grille conventionnelle destinée à augmenter le salaire des personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) ainsi que ceux des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).
Cette augmentation doit entrer en vigueur au 1er octobre 2021. On annonce également que l’État contribuera à hauteur de 200 millions d’euros annuels au financement des conseils départementaux.
Ces décisions sont certes heureuses, mais elles auront un impact majeur sur les conseils départementaux. Et il ne suffit pas de réagir sur le coup, car il y a un trou dans les mesures de revalorisation.
Il faut aussi réfléchir à long terme et voir plus en amont les problèmes de recrutement qui se poseront. Peut-on réagir par du simple saupoudrage ? Comment rendre la profession attractive, autant que le travail en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou à l’hôpital ? Comment faciliter le recrutement en nombre conséquent ? Madame la ministre, que compte faire le Gouvernement pour apporter des réponses durables, efficaces, et pas seulement conjoncturelles ? Pourrait-il y avoir des garanties sur les compensations annoncées ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Else Joseph, cela fait longtemps que les aides à domicile, notamment du secteur associatif, espéraient une revalorisation salariale, alors qu’il leur fallait dix-sept ans d’expérience pour avoir un salaire supérieur au SMIC. Ce n’était plus acceptable. Révélé par la crise, l’engagement de ces professionnels les honore. C’est un métier noble, souvent exercé par des femmes à temps partiel, qui mériterait davantage de reconnaissance, à l’exemple de la prime covid, dont j’ai obtenu le financement dès mon arrivée à l’été 2020. Seuls quinze départements sur cent s’étaient engagés. Aujourd’hui, les cent départements ont versé cette prime.
Nous aurons de plus en plus besoin de ces métiers. Nous devons même les créer par dizaines de milliers pour accompagner le souhait massif de nos concitoyens de vivre à domicile le plus longtemps possible, même lorsqu’une perte d’autonomie les atteint.
Il fallait donc apporter une première réponse aux salariés de la branche de l’aide à domicile. Ils l’attendaient. Ils ont ouvert des négociations conventionnelles, et j’ai agréé leurs accords l’été dernier. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) a permis de faire en sorte que l’État accompagne le financement de cette revalorisation, qui entrera en vigueur dans trois jours. Le coût de cette revalorisation pour les départements, qui en assument la compétence, sera allégé de moitié, et même de 70 % en 2021. C’est historique, tant par les montants mobilisés que par la démarche partenariale.
Mais vous avez raison, cela ne concerne que les aides à domicile exerçant dans un réseau associatif. Nous avons besoin d’accompagner toutes les structures du domicile, y compris celles du secteur privé commercial, pour leur permettre de mieux rémunérer et mieux former leurs salariés, et ainsi de rendre ces emplois plus attractifs.
C’est pourquoi, comme le Premier ministre l’a annoncé jeudi dernier, il sera proposé au législateur de créer un tarif plancher national applicable par tous les départements pour revaloriser les plans APA (allocation personnalisée d’autonomie) et PCH (prestation de compensation du handicap). Cette disposition sera portée dans le cadre du prochain PLFSS, avec un montant pour ce tarif socle de 22 euros par heure applicable à partir du 1er janvier 2022, garanti par un financement d’État pérenne. Il permettra aux SAAD, quels que soient leur statut et leur département d’implantation, d’être mieux financés, et ainsi de permettre les augmentations salariales légitimes des aides à domicile.
Madame la sénatrice, je suis mobilisée depuis le premier jour pour accomplir cette réforme de justice pour des salariés trop longtemps invisibles, et dont l’engagement conditionne la promesse de pouvoir vieillir chez soi.
Mme le président. La parole est à Mme Else Joseph, pour la réplique.
Mme Else Joseph. Madame la ministre, j’entends bien votre réponse. Je ne voulais évidemment nullement remettre en cause par mes propos la revalorisation de ces métiers difficiles.
Je me fais simplement le porte-parole des conseils départementaux, notamment de celui des Ardennes, qui, vous le savez, n’a pas un budget énorme.
Cette revalorisation nécessaire engendrera déjà un surcoût de 910 000 euros pour notre département à partir du 1er octobre et jusqu’à la fin de l’année 2021.
Certes, une compensation de l’État est annoncée, mais nous connaissons un peu la chanson… Cette compensation sera de 50 % en 2022. Quid de la suite ? Pour mon département, ce sera 6 millions d’euros de reste à charge sur un budget de 400 millions d’euros… Je suis donc très inquiète, madame la ministre.
modification des règles de calcul du dispositif d’indemnisation de perte d’activité des médecins de montagne
Mme le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 1796, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Sylviane Noël. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation des 300 médecins généralistes qui exercent dans nos stations de sports d’hiver françaises et répondent aux besoins de soins des populations, s’agissant notamment de la traumatologie liée à la pratique des sports d’hiver, au premier rang desquels figure le ski.
Cette spécificité nécessite un plateau technique adapté en radiologie, échographie, médecine d’urgence et petite chirurgie, faisant ainsi de ces cabinets médicaux de véritables petites cliniques de proximité, ce qui évite de nombreux transports et passages dans les services d’urgence des hôpitaux en vallée, souvent situés à une heure de route.
La spécificité de ces cabinets médicaux réside à la fois dans les frais fixes particulièrement élevés liés à ces équipements de pointe et à la grande saisonnalité de leur activité.
Or, depuis le début de la crise sanitaire et la non-ouverture des domaines skiables durant l’hiver 2020-2021, les cabinets médicaux de montagne ont accusé une perte de chiffre d’affaires de l’ordre de 58 %.
Sous la pression des élus de la montagne, le Gouvernement a corrigé le dispositif d’indemnisation des médecins « DIPA 3 », qui se réfère aux revenus mensuels, en lieu et place de la moyenne annuelle des revenus, afin de prendre en compte cette saisonnalité.
Or il s’avère qu’au niveau local les CPAM n’auraient à ce jour pas eu connaissance de ce changement de méthode de calcul, privant ainsi les médecins de montagne des compensations promises et fragilisant un peu plus leur situation.
À l’heure où la nouvelle saison de ski approche, je vous alerte, madame la ministre, sur la nécessité de définir ces critères de calcul auprès des CPAM le plus rapidement possible.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Sylviane Noël, comme vous le rappelez, le Gouvernement a souhaité créer le dispositif DIPA (dispositif d’indemnisation de la perte d’activité) en avril 2020 pour compenser la perte de revenus des professionnels de santé résultant de la baisse d’activité liée à la crise sanitaire lors du premier confinement. Ce dispositif a pour objectif d’aider les professionnels de santé à faire face à leurs charges fixes professionnelles, dans le contexte que vous présentez.
Le Gouvernement a souhaité réactiver ce DIPA à plusieurs reprises pour tenir compte, chaque fois que cela était nécessaire, des pertes d’activité subies par certains professionnels se trouvant dans des situations particulières.
Il a en particulier été réactivé pour les professionnels de santé installés dans les zones de montagne pour la période du 1er décembre 2020 au 30 avril 2021, en raison de l’impact sur leur activité de la fermeture des remontées mécaniques dans les stations de ski.
Vous l’avez rappelé, les professionnels qui y exercent ont une fluctuation assez forte de leurs revenus, compte tenu de la saisonnalité de leur activité. C’est pourquoi il a été prévu que l’aide accordée aux professionnels qui exercent en montagne, dans des territoires concernés par cette spécificité, prenne en compte, à la différence des autres DIPA, la saisonnalité de leurs revenus.
Le dispositif est conçu en deux temps. Les professionnels ont pu, dès son instauration, solliciter une avance sur la base d’un calcul prévisionnel de l’aide.
Néanmoins, cette aide prévisionnelle est simulée sur le téléservice général, sans prendre en compte la saisonnalité propre au dispositif Montagne. Il était nécessaire de s’appuyer sur le dispositif existant afin de s’assurer d’un versement rapide des avances.
La saisonnalité sera bien prise en compte par le versement d’une régularisation dès que sera calculé, pour chaque professionnel, le montant définitif de son aide. Elle sera ainsi indexée aux revenus des mois équivalents des années précédentes. Les paramètres précis de cette saisonnalité seront communiqués en amont, tant aux professionnels qu’à leurs caisses primaires d’assurance maladie.
Madame la sénatrice, l’État tiendra son engagement d’un accompagnement spécifique des professionnels de santé exerçant en montagne.
Mme le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Je vous remercie pour ces éléments de réponse, madame la ministre. J’espère vraiment que tout cela se traduira concrètement sur le terrain, car les professionnels de santé sont actuellement assez inquiets.
Il est vraiment nécessaire de les sauvegarder, car ils jouent un rôle très important dans nos territoires. En haute saison touristique, il n’est pas rare que la population y soit multipliée par dix.
Ces cabinets médicaux de montagne prennent en charge entre 300 000 et 400 000 accidents liés à la pratique des sports de montagne chaque année. Ils sont donc absolument indispensables à la vitalité de nos stations, et constituent aussi une couverture médicale extrêmement importante pour nos territoires de montagne très enclavés, difficiles d’accès et souvent situés à des dizaines de kilomètres des premiers hôpitaux.
lutte contre les effets psychologiques et psychiatriques de la crise sanitaire
Mme le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 1693, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Brigitte Lherbier. Madame la ministre, la crise sanitaire a eu un impact terrible sur la santé psychologique de tous nos compatriotes. Le Président de la République l’a lui-même reconnu.
Il a annoncé la mise en place de dix consultations gratuites chez un psychologue pour les mineurs âgés de 3 à 17 ans qui le souhaitent. Cette mesure est utile pour lutter contre les effets dévastateurs de la crise sanitaire sur la santé physique et mentale de nos concitoyens.
Les adultes aussi sont touchés par ce fléau. Certains pays voisins ont mis en place des solutions efficaces.
En Suisse, des infirmières psychiatriques libérales sont envoyées au domicile des personnes vulnérables par des psychiatres pour évaluer la santé mentale de leurs patients et les accompagner.
La France devrait à mon sens suivre cet exemple et comptabiliser ces suivis à domicile comme des soins pour que les infirmières libérales soient rémunérées à leur juste valeur.
Madame la ministre, le Gouvernement entend-il expérimenter de telles mesures ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Brigitte Lherbier, la santé mentale de nos concitoyens est une préoccupation constante du Gouvernement, et j’en veux pour preuve les assises nationales de la santé mentale, qui se tiennent depuis hier, et qui seront conclues par le Président de la République.
Classés au premier rang des maladies en termes de dépenses de soins, avant même les cancers et les maladies cardiovasculaires, les troubles psychiques et leur prise en charge représentent un enjeu majeur, d’autant qu’ils affectent près d’un quart des Français. Le besoin est de surcroît précoce, puisque 15 % des 15-20 ans auraient besoin d’un suivi ou de soins.
C’est indéniable, la dégradation de la santé mentale des Français a constitué un lourd tribut payé pour nous permettre de surmonter la pandémie de covid-19.
Le suivi renforcé de la santé mentale des Français, organisé par Santé publique France, illustre que les états anxieux ou dépressifs, les problèmes de sommeil se sont accrus pendant la crise, avec une augmentation des passages aux urgences et hospitalisations pour les plus jeunes.
Pour y répondre, le Gouvernement s’est engagé fermement.
D’abord, en rappelant toujours qu’il n’y a pas de santé sans santé mentale. Dès le mois d’avril 2021, une campagne grand public a été lancée : « En parler, c’est déjà se soigner. » Elle a permis de diminuer la stigmatisation des personnes souffrant de troubles et faciliter le recours aux soins et à la prévention.
Ensuite, les expérimentations lancées dans le cadre de la feuille de route Santé mentale et psychiatrie et les dispositifs d’urgence existants mis en place pendant la crise ont, à l’épreuve de cette crise, montré l’intérêt d’un repérage et d’une prise en charge précoces des troubles psychiques légers à modérés. La CNAM expérimente la prise en charge par des thérapies non médicamenteuses pour les adultes. Nous poursuivons l’expérimentation Écout’Émoi, destinée aux jeunes en détresse psychologique, et nous maintenons les dispositifs d’urgence PsyEnfantAdo et SantéPsyEtudiant, mis en place en période de crise sanitaire.
Enfin, vous savez que nous avons renforcé les centres de santé et maisons de santé en psychologues, via le Ségur de la santé, permettant ainsi une proximité accrue, sur le modèle que vous semblez proposer.
Les assises de la santé mentale et de la psychiatrie sont au cœur de ce constat. Elles ont vocation à aller plus loin, pour en finir avec le tabou sur la santé mentale. Des annonces devraient être faites en ce sens dans la journée.
Mme le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour la réplique.
Mme Brigitte Lherbier. Madame la ministre, vous avez rappelé l’explosion des besoins à l’échelle nationale.
Dans le département du Nord, nous sommes particulièrement intéressés, 19 % de la population des Hauts-de-France souffrant actuellement de dépression, soit quatre points de plus que la moyenne nationale.
On recense des infirmières « libérales », des infirmières « psychiatriques », mas pas d’infirmières « psychiatriques libérales ». J’insiste sur l’idée de solliciter le renfort de tels personnels. Pour ce faire, il faudrait que ces actes de santé mentale, aussi efficaces que des gestes de soins et des piqûres, soient comptabilisés dans la nomenclature de la sécurité sociale.
D’autres pays européens l’ont fait avec succès.
Les déplacements au domicile des patients pourraient éviter à des personnes âgées d’être placées ou à de jeunes adolescents de sombrer dans une dépression profonde.
Il y a beaucoup à faire à mon sens en la matière.
traitement de la maladie de charcot à titre compassionnel
Mme le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, auteure de la question n° 1711, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Émilienne Poumirol. Madame la ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation des malades atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot.
Cette maladie, décrite il y a plus de 150 ans, touche des dizaines de milliers de personnes à travers le monde. Environ 2 000 personnes sont diagnostiquées atteintes de SLA en France chaque année. Il n’y a malheureusement aucun traitement, et la maladie reste toujours mortelle, avec un délai moyen de survie de trois à cinq ans.
Beaucoup de recherches ont lieu partout pour comprendre la pathogenèse de cette maladie de Charcot, sans que l’on ait aujourd’hui de cause précise, tout au plus un ensemble de facteurs, y compris une sensibilité génétique, qui concourent à l’apparition des symptômes.
Un certain nombre d’études portent sur le rôle du microbiote intestinal, qui serait perturbé dans bon nombre de cas, d’où l’idée d’un transfert d’un microbiote sain à ces patients.
Une association, Tous en selles contre la SLA, étudie le lien entre un axe cerveau-intestin et cette pathologie neurodégénérative. Elle propose une transplantation de matières fécales, aussi appelée greffe fécale, de selles humaines d’un sujet sain à un patient touché par une altération du microbiote comme dans la SLA. Les patients pourraient voir leurs symptômes atténués et continuer à vivre dans de meilleures conditions de confort.
L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) précise qu’en l’absence d’un rapport bénéfice-risque clairement établi cette thérapie doit être réservée aux situations graves ou rares, en échec de traitement conventionnel et en l’absence d’alternative thérapeutique disponible et appropriée. C’est le cas de la SLA, pour laquelle aujourd’hui aucun traitement n’apporte de modifications de l’évolution de la pathologie ni de confort au patient.
Pour le comité scientifique FilSLAN, mettre à disposition la thérapie sous forme de délivrance à titre compassionnel serait possible sous réserve de l’accord de l’ANSM.
Madame la ministre, je sollicite donc de votre bienveillance la mise en œuvre de ce programme d’usage compassionnel en application de l’article 38 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Émilienne Poumirol, le ministère des solidarités et de la santé est attentif au développement de nouvelles thérapies. La France fait partie des quelques pays en pointe sur l’utilisation du microbiote fécal à des fins thérapeutiques et entend le rester, en accompagnant au mieux le développement de cette thérapie.
La transplantation de ce microbiote a donné de premiers bons résultats comme traitement du Clostridium difficile et suscite de nombreux espoirs pour traiter d’autres pathologies comme la dysbiose intestinale.
Après vérification auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), plusieurs essais cliniques ont été autorisés en France pour des indications en lien avec la maladie de Crohn.
La maladie de Charcot ne figure en revanche pas parmi les indications validées ou en cours de validation dans notre pays, à ce stade.
Dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt « Nouvelles biothérapies et outils de production », lancé début 2021 par Bpifrance, plusieurs projets impliquant l’utilisation de microbiote fécal ont été reçus et sont en cours d’instruction. Leurs applications thérapeutiques sont l’oncologie, la maladie de Crohn, le diabète et l’obésité liés à la stéatose hépatique. Les services du ministère de la santé n’ont cependant pas connaissance de projets dont l’application thérapeutique serait la maladie de Charcot.
La réforme de l’accès précoce et compassionnel entrera en vigueur avant la fin de l’année. Ce nouveau dispositif permettra à l’ANSM d’autoriser l’utilisation d’un médicament, dans une indication thérapeutique donnée, au titre de l’accès compassionnel.
Cette autorisation ne pourra être octroyée que si le médicament ne fait pas l’objet d’une recherche impliquant la personne humaine à des fins commerciales dans l’indication considérée, s’il n’existe pas de traitement approprié et si l’efficacité et la sécurité du médicament sont présumées au regard des données cliniques disponibles. La demande d’autorisation est sollicitée par le prescripteur pour un patient nommément désigné.
Par ailleurs, certaines pharmacies à usage intérieur d’établissements de santé peuvent, dans certaines conditions, réaliser des préparations en vue de la transplantation de microbiote fécal dans certaines indications thérapeutiques. Nous avançons donc à grands pas.
Mme le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour la réplique.
Mme Émilienne Poumirol. J’entends que des études sont en cours, madame la ministre, et elles sont importantes.
Vous avez parlé d’essais de transfert de matière fécale pour certaines pathologies comme l’oncologie, l’obésité, la maladie de Crohn, mais il serait intéressant de pouvoir également inclure la maladie de Charcot dans ces protocoles, cette technique pouvant éventuellement présenter un intérêt lors de l’apparition des premiers signes cliniques.
oubliés du ségur de la santé
Mme le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 1728, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Chantal Deseyne. Madame la ministre, ma question porte sur les effets délétères de l’oubli, lors des négociations du Ségur de la santé, d’un certain nombre de catégories de personnels du social et du médico-social, dans les secteurs du handicap et de la protection de l’enfance.
Ainsi, les professionnels des établissements publics autonomes d’Eure-et-Loir ne sont pas concernés par la mise en œuvre du complément de traitement indiciaire (CTI). Or, tout comme leurs collègues des hôpitaux ou des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ils relèvent de la fonction publique hospitalière et sont soumis aux mêmes obligations de service. Ils sont restés pleinement mobilisés pendant la pandémie. L’équité de traitement entre les agents concernés semble rompue sans que cela soit justifié. De surcroît, cette différence de traitement entraînera de nouvelles difficultés : les établissements non concernés par le CTI subiront la concurrence des établissements qui le proposent lorsqu’ils recruteront à des fonctions similaires. La qualité des accompagnements pâtira de cette concurrence entre établissements.
L’attribution du CTI doit impérativement concerner l’ensemble des professionnels, chacun œuvrant, par son métier, à l’accompagnement des jeunes et des adultes en situation de handicap. Au regard de l’unité du statut de la fonction publique hospitalière, il conviendrait d’étendre l’éligibilité au CTI à toutes les catégories de personnels du social et du médico-social.
Madame la ministre, envisagez-vous de réparer cette injustice dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 en étendant les revalorisations à l’ensemble de ces professionnels ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Chantal Deseyne, vous le savez, le Ségur de la Santé est une réponse à un constat implacable : le sous-investissement chronique, tant dans les ressources humaines que dans les établissements de santé eux-mêmes. Le Ségur constitue une rupture historique, dans la mesure où il prévoit un investissement dans les locaux – condition nécessaire pour rendre notre système de santé apte à faire face aux défis du siècle – et où il est une réponse attendue depuis longtemps par les soignants qui y travaillent.
Vous avez raison, on trouve souvent dans ces établissements de santé des professionnels qui exercent dans d’autres structures, dans des établissements sociaux ou médico-sociaux, par exemple dans des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ou dans des Ehpad. Dans leur périmètre initial, les accords du Ségur de la santé ont apporté en juillet 2020 une première réponse aux personnels des Ehpad. Nous avons souhaité étendre cette réponse à d’autres professionnels, dans un souci d’attractivité et surtout d’équité.
C’est pourquoi, dans le cadre de la mission confiée à Michel Laforcade, un premier accord a été signé le 11 février dernier pour revaloriser les salaires de l’ensemble des personnels non médicaux des établissements et services médico-sociaux (ESMS) rattachés aux établissements publics de santé ou aux Ehpad relevant de la fonction publique hospitalière. Ces professionnels, qui partagent la plupart du temps les mêmes couloirs que leurs collègues percevant le CTI, ont bénéficié le 1er juin 2021 d’une augmentation salariale. Ces discussions se sont poursuivies avec les organisations syndicales au sujet des professionnels des établissements médico-sociaux publics autonomes.
Ces travaux ont abouti à un nouveau protocole, signé le 28 mai dernier, qui étend le bénéfice du CTI à l’ensemble des personnels soignants, accompagnants éducatifs et sociaux, titulaires et contractuels de ces structures financées pour tout ou partie par l’assurance maladie, à compter du 1er octobre 2021.
L’extension de ces mesures a suscité des attentes chez d’autres catégories de personnels. Le complément de traitement indiciaire n’est cependant pas l’outil unique de revalorisation des professionnels à disposition. Par ailleurs, il ne constitue pas toujours la bonne réponse dans certains secteurs, où une remise à plat complète est nécessaire. Certains établissements ont fait l’objet de négociations compte tenu de leur proximité avec le parcours de soins à l’hôpital ou en Ehpad. Dans d’autres secteurs, toute revalorisation ne peut se faire que dans le cadre d’une discussion approfondie avec les collectivités dont dépendent ces politiques.
Le Gouvernement fait preuve de volontarisme pour apporter une réponse pérenne et surtout équitable à ces professionnels, dans le respect des compétences dévolues à toutes les parties.
Mme le président. La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour la réplique.
Mme Chantal Deseyne. Je vous remercie, madame la ministre, pour votre réponse.
Ma question ayant été déposée au moment du Ségur, des avancées ont eu lieu depuis. Toutefois, si elle ne constitue pas le seul levier à disposition, la revalorisation financière que constitue le complément de traitement indiciaire me paraît importante. Comment peut-on en effet justifier l’existence de deux statuts différents en fonction de l’employeur ?
accès aux traitements pour les patients atteints d’algie vasculaire de la face
Mme le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, auteur de la question n° 1740, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Frédérique Puissat. Madame la ministre, ma question porte sur la mise sur le marché des anticorps monoclonaux, sur leur prise en charge et sur l’accès à ces traitements, en particulier pour les patients souffrant d’algie vasculaire de la face.
Permettez-moi, madame la ministre, de saluer Mmes Aronica et Schaal, qui assistent à nos débats. Atteintes de cette pathologie, elles ont déployé une énergie considérable à la fois pour faire des recherches sur cette maladie, recueillir 108 000 signatures dans une pétition remise au Sénat, mais également pour multiplier les rendez-vous avec des parlementaires et avec le ministre de la santé, pour ne pas dire avec le docteur Olivier Véran, très sensible à cette question, nous le savons. Il a ainsi reçu à plusieurs reprises Mme Aronica et Mme Schaal, au nom de toutes les personnes souffrant de cette pathologie.
Ainsi, M. Véran a saisi le 10 juin dernier l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) afin qu’elle délivre une recommandation temporaire d’utilisation de ce médicament, en lui demandant un retour rapide sur cette question.
Ma première question est la suivante : avez-vous eu une réponse de l’ANSM sur ce sujet ? Le cas échéant, comment accélérer la procédure ?
Ma deuxième question porte sur la prise en charge pour l’heure inexistante de ces traitements, particulièrement coûteux pour bon nombre de familles : sous réserve du retour de l’ANSM, ces traitements seront-ils intégralement remboursés par notre système de santé ?
Même si chaque pays est indépendant d’un point de vue sanitaire, sachez que quatorze pays européens permettent aujourd’hui aux personnes souffrant de cette pathologie d’obtenir cet anticorps et de bénéficier de sa prise en charge.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la présidente, madame la sénatrice Frédérique Puissat, mesdames – je vous salue –, il me revient de vous transmettre la réponse apportée à votre question par le ministère d’Olivier Véran et ses services.
L’algie vasculaire de la face est une maladie qui reste insuffisamment diagnostiquée et qui peut occasionner des souffrances importantes chez un certain nombre de patients. En 2019, la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé, chargée d’évaluer l’intérêt thérapeutique de ces produits dans le panier de soins remboursables, soulignait l’existence de différents traitements actuellement pris en charge dans le traitement de fond de la migraine, pouvant être considérés comme des comparateurs cliniquement pertinents de ces nouvelles spécialités. Ces comparateurs permettent une prise en charge de l’ensemble des stades de la pathologie avec des traitements de première et seconde intention – comme le Lopressor ou le Seloken –, mais également des traitements de recours – comme le Nocertone ou le Sibelium –, ainsi que des alternatives non médicamenteuses.
C’est pourquoi la Haute Autorité de santé recommande la prise en charge de ces traitements par la solidarité nationale pour les seuls patients atteints de migraine sévère, souffrant d’au moins huit jours de migraine par mois, pour lesquels au moins deux semaines de traitement de prévention n’ont pas donné de résultats, et qui n’ont pas d’atteinte cardiovasculaire.
La commission de la transparence a octroyé à cette nouvelle option thérapeutique une amélioration du service médical rendu (ASMR) de niveau 5. Elle a statué sur le fait que celle-ci n’améliorait nullement le service médical rendu par rapport aux thérapies existantes.
Comme vous le savez, la loi prévoit que la fixation du prix d’un médicament tient compte de l’amélioration du service médical rendu par le médicament. Les discussions tarifaires entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les laboratoires exploitant ces spécialités se sont ainsi fondées sur les critères légaux, réglementaires et conventionnels en vigueur.
Une spécialité d’ASMR 5 ne peut être inscrite au remboursement que dans le cas où elle permet de diminuer les coûts des traitements et de réaliser des économies. Bien que le CEPS ait fait plusieurs propositions aux laboratoires, ces discussions n’ont pu aboutir du fait des prétentions tarifaires extrêmement élevées des industriels concernés au regard des dépenses actuellement engagées pour le traitement médicamenteux de la migraine.
L’échec des négociations tarifaires n’a pas permis d’inscrire cet antimigraineux sur les listes des médicaments remboursables. Pour autant, le ministère, sous l’impulsion d’Olivier Véran, continue d’engager des travaux pour renforcer l’expertise scientifique sur ce sujet. De nouvelles négociations pourraient avoir lieu si le laboratoire se montre ouvert à la discussion ou présente des éléments tangibles à la commission de la transparence.
Mme le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour la réplique.
Mme Frédérique Puissat. Les enjeux de temporalité diffèrent selon les personnes. Pour celles qui souffrent de cette maladie, ils sont bien différents des nôtres, et je ne parle pas de l’aspect financier.
Nous avons tout intérêt à mobiliser notre énergie collectivement afin d’obtenir cette recommandation temporaire d’utilisation. Je sais combien M. le ministre y est attaché. Vous pouvez compter sur les parlementaires pour soutenir le Gouvernement dans cette démarche.
Il y a actuellement des personnes qui souffrent et dont la vie familiale est désorganisée par cette maladie, qui, vous l’avez dit, est très invalidante et, surtout, est assez mal connue.
coût réel des vaccins et tests antigéniques et leurs financements
Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, auteur de la question n° 1791, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Michel Canévet. Madame la ministre, nous venons de connaître une crise pandémique extrêmement grave, qui affecte la santé de beaucoup de nos concitoyens, a de graves conséquences sanitaires, mais aussi d’assez lourdes incidences financières.
On peut se réjouir que plus de 70 % des Français qui le souhaitaient aient pu bénéficier d’au moins une première injection de vaccin. Toutefois, nous éprouvons des difficultés à obtenir des informations sur le coût réel des vaccins. On sait par exemple que le coût d’une dose de Pfizer est passé récemment de 15,50 euros à 19,50 euros. Quant au Moderna, il est passé assez récemment de 19 à 21,50 euros la dose, soit une augmentation extrêmement importante, respectivement de 26 % et 13 % !
Par ailleurs, 138 millions de tests antigéniques auraient été réalisés par des laboratoires. Là encore, les questions sur leur coût sont nombreuses. Une visite sur le site ameli.fr nous apprend que le coût d’un test peut s’élever à 27 euros. Sur le même site, il est aussi indiqué que ces tests peuvent être remboursés à hauteur de 43,20 euros. Les montants vont de 54 à 31 euros… Bref, le flou le plus total entoure le coût de ces tests.
Parce qu’il est important que la transparence soit effective sur le sujet, je souhaite connaître les coûts réels que la sécurité sociale, et donc la protection sociale de l’ensemble des Français, supporte pour les tests antigéniques, ainsi que pour les vaccins. Comment tout cela est-il financé ? A-t-on recours à l’emprunt ? Des économies devront-elles être réalisées, notamment sur les médicaments ? Nombre de collectivités territoriales sont engagées dans le dispositif : comment les coûts induits qu’elles supportent seront-ils compensés ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Michel Canévet, votre question est claire, elle porte non pas sur l’opportunité médicale de l’action que nous avons menée, mais sur le coût des tests et des vaccins, ainsi que sur l’accompagnement des collectivités.
Monsieur le sénateur, je pense qu’il manque toujours à ces données, lorsqu’on les évoque, le coût de l’absence de soins, le coût social, sanitaire et économique d’un non-choix. Vous comprendrez que celui-ci est difficile à évaluer. Aussi m’en tiendrai-je simplement aux éléments que vous avez demandés.
De mars 2020 à fin août 2021, 135 millions de tests de dépistage de la covid-19 ont été réalisés, dont 95 millions de tests PCR. Ces derniers ont un coût unitaire de 43,89 euros, auquel peut s’ajouter un bonus si le résultat est rendu en moins de douze heures.
Ces informations sont régulièrement communiquées par le Gouvernement ; vous vous êtes d’ailleurs appuyé sur elles pour formuler votre question. Sur les 14,8 milliards d’euros de dépenses exceptionnelles engagées par l’assurance maladie en 2021 dans le cadre de la crise sanitaire, 6,2 milliards sont dédiés au financement des tests de dépistage, qui sont pris en charge par l’assurance maladie.
Compte tenu de l’évolution de la crise et de l’avancée de la campagne de vaccination, les tests cesseront d’être pris en charge intégralement par l’assurance maladie au 15 octobre 2021. Ils resteront remboursés pour raison médicale, sans prescription pour les personnes déjà vaccinées, sur prescription pour les autres. Nous voulons également maintenir la gratuité pour les mineurs.
Le coût pour l’assurance maladie de la campagne de vaccination devrait s’élever à 1,5 milliard d’euros en 2021. À cela s’ajoutent les achats de vaccins eux-mêmes, réalisés par Santé publique France, et qui font l’objet de contractualisations fortes, nécessaires pour faire face aux retards que nous avons connus. Je ne dispose donc pas à ce jour du montant consolidé de ces achats.
Enfin, vous avez raison de souligner l’importance du rôle joué par les collectivités territoriales dans la réussite de cette campagne. Après négociation avec leurs représentants, nous nous sommes accordés sur un principe de remboursement : les surcoûts seront compensés, mais non les coûts qui seraient normalement dévolus aux collectivités. Nous veillons donc à préserver un équilibre entre la nécessité d’une prise en charge financière et celle d’agir fortement pour endiguer l’épidémie dans notre pays.
Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.
M. Michel Canévet. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces informations. La transparence doit être faite sur le sujet.
Il importe également que des négociations avec les laboratoires puissent avoir lieu afin que les coûts des tests soient les plus faibles possible. Ces derniers ne sauraient être gratuits pour tout le monde, dès lors qu’il s’agit de tests de confort.
soutien des politiques communales pour une vaccination de proximité
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, auteur de la question n° 1801, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, c’est dans les communes populaires que le taux de vaccination est le plus faible. La carte de la vaccination est aussi celle de la précarité sociale. Pour tenter de résoudre ce problème du moindre recours à la vaccination, des villes ont mobilisé des moyens très importants. Je pense à la ville de Bagneux, dont je suis l’élu, qui a consacré près de 400 000 euros à son centre de vaccination. Le Gouvernement ne lui a apporté qu’une aide symbolique de 76 000 euros…
Malgré ces efforts importants, de nombreuses populations demeurent rétives à la vaccination. Ce ne sont pas les mesures coercitives, comme le passe sanitaire, qui les inciteront à se faire vacciner, car ces personnes n’ont souvent qu’une vie sociale réduite, simplement destinée à assurer leur subsistance.
Depuis trois mois, la Croix-Rouge de Bagneux, avec l’aide de la ville, a mis en œuvre des centres de vaccination ambulatoires au plus près des populations. J’ai visité samedi 11 septembre celui qui est installé place Dampierre. Ouvert de huit heures à dix-huit heures, il a permis de vacciner 111 personnes, dont 39 ont reçu une première dose. J’ai apprécié la qualité et l’efficacité de ce centre et de ses bénévoles. Ils arrivent à vaincre les réticences de ceux qui ne souhaitent pas être vaccinés grâce à un travail de proximité et à leur connaissance intime du terrain. Il est toujours plus facile d’accepter la vaccination quand c’est votre voisin qui vous la propose.
Ce centre va s’installer dans d’autres quartiers de Bagneux. Il n’a reçu jusqu’à présent qu’une aide très faible de l’État. Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour faciliter la vaccination de proximité ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Pierre Ouzoulias, j’ai moi-même aussi sillonné tous les centres de vaccination à travers la France, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain. J’ai vu toutes les initiatives intéressantes prises partout sur le territoire français.
Les collectivités territoriales ont été au rendez-vous. Elles ont répondu présentes. Leur mobilisation, tout comme celle des professionnels de santé, des pompiers et des réseaux associatifs, doit être saluée et nous le faisons.
Cette mobilisation était au cœur de notre dispositif de déploiement d’une offre de vaccination de proximité. Votre question est posée dans un contexte d’évolution de cette campagne vaccinale puisque nous devons, d’une part, assurer les rappels pour les personnes éligibles et, d’autre part, accroître davantage le taux de primo-vaccination.
Pour y parvenir, nous devons atteindre des publics assez hétérogènes, vous en conviendrez. Il s’agit souvent de jeunes résidant en périphérie de grandes métropoles, de personnes âgées isolées, ou encore de personnes en situation de grande précarité financière.
Les premières actions que nous avons menées sont encourageantes. Sur la seule période estivale, le taux de vaccination des plus précaires, notamment, a pratiquement doublé, passant de 22 % à 40 %. Ce résultat est le fruit de la diversification de notre campagne vaccinale. Les actions « d’aller vers » furent cruciales pour vacciner les personnes les moins sensibilisées au système de soins. Nous avons produit des supports de communication pédagogiques spécifiques, traduits en 23 langues. Nous avons ouvert des créneaux de vaccination sans rendez-vous, pour les personnes qui ne sont pas à l’aise avec le numérique. Nous nous sommes assurés que tous les centres d’hébergement d’urgence avaient reçu la visite d’au moins une équipe pour proposer la vaccination à leurs résidents. Des navettes ont été mises en place pour conduire les personnes dans les centres de vaccination, des « vaccibus » et « vaccicars » ont été déployés pour informer la population et amener la vaccination au plus près des personnes.
Près de 3 millions de SMS contenant un numéro coupe-file ont été envoyés aux personnes bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire. La plateforme téléphonique reste ouverte et leur permet s’obtenir des rendez-vous de vaccination sur des créneaux réservés.
Il faut maintenant poursuivre ces efforts. Les agences régionales de santé travaillent avec chaque collectivité afin d’identifier les personnes non vaccinées par tous les moyens disponibles : registres communaux, associations, bailleurs, professionnels de santé, etc. C’est un travail de dentelle qui nous occupe à présent. Nous sommes passés, si j’ose dire, d’un flux massif à un flux dentelé. Il nous faut maintenant adapter cette réponse. Ce travail nous a permis à ce jour d’assurer une couverture vaccinale complète à plus de sept Français sur dix.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. J’entends bien votre discours. Vous dites « nous » ; en l’occurrence, le « nous », c’est la mairie de Bagneux et la Croix-Rouge. Ce que je souhaite savoir, c’est comment vous soutenez en pratique les actions déjà engagées sur le terrain.
Vous annoncez un programme. J’aurais préféré que vous nous disiez que le Gouvernement va apporter une aide concrète à la mairie de Bagneux et à la Croix-Rouge, cette dernière menant une action totalement bénévole, sans aucune aide de l’État, car, nous en sommes d’accord, la vaccination de proximité est essentielle.
Vous avez encore le temps de traduire votre soutien de façon concrète…
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. La ville de Bagneux sera aidée comme les autres.
psychiatrie
Mme le président. La parole est à Mme Isabelle Raimond-Pavero, auteur de la question n° 1610, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Isabelle Raimond-Pavero. Madame la ministre, la crise sanitaire de la covid-19 a affecté tous les secteurs de la santé, plus particulièrement celui de la psychiatrie. L’enjeu est majeur, puisque l’on estime qu’une personne sur cinq sera potentiellement atteinte d’une maladie psychiatrique. Les confinements successifs, conjugués aux difficultés économiques et sociales, ont eu pour effet d’augmenter les syndromes dépressifs, anxieux et les addictions. Cette situation a engendré de nouveaux besoins en matière de santé mentale.
Avant même le début de la crise sanitaire, le contrôleur général des lieux de privation de liberté se faisait l’écho des nombreuses difficultés des établissements de santé mentale, au premier rang desquelles figurait la suroccupation constante, la pénurie de personnel soignant compétent ne permettant pas aux établissements d’offrir une même qualité de prise en charge. Dans tous les cas, la prise en charge reste insuffisante.
En dépit du professionnalisme et de la remarquable adaptabilité dont fait preuve le personnel soignant, les confinements successifs ont évidemment aggravé la situation. Durant cette même période, nombre de structures extrahospitalières, notamment les hôpitaux de jour, ont dû fermer.
Dans son dernier rapport d’activité publié au mois de juillet 2021, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a relevé que, durant cette période, à défaut de directives de portée nationale, la situation a été gérée sur le fondement de décisions locales, avant qu’une concertation ne se mette en place autour des structures qui pilotent la psychiatrie au quotidien. Cela n’a pas été sans conséquence pour les patients qui, dans ce contexte, ont subi des restrictions excessives de leurs droits. Ainsi, il n’est pas surprenant de constater que, après le confinement, les services de santé mentale aient vu affluer des patients ayant renoncé à leurs soins pendant cette période, leur pathologie s’étant parfois aggravée.
Face à une crise inédite, à laquelle s’ajoute la mutation de la patientèle et de la demande collective, tout concourt au découragement et à l’épuisement des professionnels de la filière psychiatrique et à une baisse de la qualité et de l’efficacité des soins.
Madame la ministre, alors que se déroulent en ce moment même les Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, quelles mesures concrètes envisagez-vous de prendre pour que le personnel soignant puisse travailler dans de meilleures conditions et offrir aux patients l’accompagnement et les soins de qualité auxquels ils ont légitimement droit ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Isabelle Raimond-Pavero, vous l’avez rappelé, en ce moment même se déroule la deuxième journée des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie. S’il était besoin de démontrer l’intérêt que nous portons à cette question, ces Assises parlent d’elles-mêmes. Elles seront d’ailleurs également conclues par le Président de la République.
Dans le contexte sanitaire actuel qui met à rude épreuve l’ensemble de la société depuis plus de dix-huit mois, ces Assises vont permettre aux professionnels, aux patients, à leurs familles, ainsi qu’à tous les citoyens de s’informer et de débattre des sujets de santé mentale et de psychiatrie dans leurs grandes orientations.
J’ai eu l’honneur de conclure hier la première journée de ces Assises. J’ai été particulièrement impressionnée par la qualité des intervenants et des interventions, ainsi que par la pluralité des thématiques abordées. Je suis convaincue que ces Assises marqueront une étape clef et permettront d’avancer vers une meilleure prise en charge de la santé mentale des Français.
Si les conséquences de la crise sanitaire ont mis davantage en exergue l’enjeu majeur que constituent la psychiatrie et la santé mentale, notre mobilisation en faveur du renforcement de la psychiatrie est antérieure.
Nous avons soutenu financièrement les établissements de psychiatrie : 110 millions d’euros de crédits pérennes supplémentaires ont été octroyés aux établissements de psychiatrie publique par une dotation annuelle de financement en 2020 et en 2021. C’était l’une des priorités fixées dans la feuille de route de la psychiatrie et de la santé mentale.
Les appels à projets nationaux mis en place depuis 2019 concernant le fonds d’innovation en psychiatrie et en pédopsychiatrie ont été reconduits en 2020 et en 2021 afin de renforcer l’offre de psychiatrie et la qualité des soins aux patients. Ils ont permis, notamment, la création de lits dans les territoires les plus dépourvus, en particulier pour proposer des conditions adaptées à l’hospitalisation des mineurs.
Le Ségur de la santé renforce les centres médico- psychologiques (CMP) et les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) en psychologues. La revalorisation salariale et l’exercice mixte en ville et à l’hôpital contribueront à l’attractivité de cet exercice pour les psychiatres.
Nous sommes déterminés sur ce sujet et notre ambition pour la psychiatrie est constante. Le rendez-vous des Assises vient précisément le rappeler.
compensation par l’état du coût des centres municipaux de vaccination dans les alpes-maritimes
Mme le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, auteur de la question n° 1786, transmise à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Philippe Tabarot. Madame la ministre, cela fait un an et demi que les collectivités locales sont à pied d’œuvre pour protéger nos concitoyens dans le contexte de la pandémie de la covid-19 ; un an et demi qu’elles sont exemplaires et qu’elles mobilisent des moyens matériels, humains et financiers.
Pourtant, dans ses discours, le Président de la République n’a jamais rappelé le rôle important qu’ont joué nos collectivités territoriales dans ce combat. Elles ont pourtant été là pour pallier les manques d’un État amorphe, tant pour l’approvisionnement en masques quand il n’y en avait pas que pour l’organisation des campagnes de tests et de vaccination. Ce manque de considération n’est certes que la suite logique d’un quinquennat déconnecté des territoires, au cours duquel les collectivités, notamment les communes, ont été saignées.
Au-delà de la reconnaissance du travail des collectivités, ma question portera, à l’heure où débute la campagne de la troisième dose, sur un volet plus concret : la compensation par l’État des surcoûts liés à la vaccination.
En effet, madame la ministre, les élus locaux dans les Alpes-Maritimes, comme sur l’ensemble du territoire, ont été de nouveau au rendez-vous, en augmentant la capacité des centres de vaccination au gré des annonces gouvernementales. L’État s’était engagé à compenser les dépenses associées. Aujourd’hui, la compensation promise, quand elle existe, est loin de couvrir les coûts réels. Elle correspond à peine à un pourboire.
Telle est la réalité de nos territoires : des collectivités que nous envoyons au front avec leurs propres moyens, un président plus prompt, en cette période, à ouvrir le carnet de chèques qu’à honorer cette dette, une colère qui monte et qui se traduit par une pétition signée chaque jour par des maires étranglés financièrement d’avoir assumé ce devoir national.
Aussi, madame la ministre, le Gouvernement compte-t-il tenir ses engagements et arrêter d’asphyxier ses supplétifs si efficaces que sont les collectivités locales ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Merci, monsieur le sénateur Philippe Tabarot, pour cette question non polémique ! Pour ma part, je vous répondrai de façon tout à fait normale.
Je suis particulièrement respectueuse des collectivités territoriales, dont j’émane, comme chacun ici. Force est de constater, je vous le rappelle, le rôle déterminant qu’ont joué les collectivités territoriales dans un grand nombre de territoires, en mettant à disposition de la campagne vaccinale, pour leurs administrés, des membres de leur personnel et des locaux. Aux côtés des professionnels de santé, les pompiers, les préfectures, les agences régionales de santé et les collectivités ont joué un rôle déterminant et collectif. C’est cela, l’important.
Les modalités de remboursement par les agences régionales de santé (ARS) des frais engendrés par la campagne de vaccination ont donné lieu à des discussions au tout début du printemps entre le Gouvernement et les représentants nationaux des collectivités territoriales. Cette concertation a permis de définir des réponses admises par l’ensemble des parties prenantes.
Pour vous répondre de manière très concrète, la mise à disposition des agents publics territoriaux sur leur temps de travail, ainsi que celle de locaux, par ailleurs souvent inoccupés pendant les périodes de confinement, se font à titre gratuit, ce qui traduit la contribution des collectivités au vaste effort collectif national.
En revanche, l’État intervient pour prendre à sa charge les frais supplémentaires engagés par les collectivités, tels que l’achat de matériel ou l’embauche d’agents supplémentaires dédiés. La compensation de ces éléments est intégralement assurée par les ARS dans le cadre des règles décidées avec les associations d’élus.
Vous m’interrogez également sur l’avenir des centres de vaccination et je vous en remercie. Nous venons d’engager une campagne de rappel, elle concerne à ce jour les personnes âgées de plus de 65 ans et celles qui présentent des facteurs de risque, lorsque leur schéma vaccinal complet date de plus de six mois.
La montée en puissance progressive de la campagne de vaccination initiale permet de gérer le volume des personnes concernées, en nous appuyant sur les professionnels de santé en ville. Les ARS ont commencé à ajuster le maillage des centres de vaccination, toujours en lien avec les élus locaux et les professionnels de santé – sans eux, chacun dans leur rôle, nous ne ferions rien, tout le monde le reconnaît.
L’administration d’un rappel à l’ensemble de la population n’est ni actée ni écartée à ce jour.
En fonction de l’évolution des besoins, nous continuerons de faire appel aux collectivités qui le souhaitent et qui ont déjà répondu présentes, en connaissant les règles financières de leur mobilisation.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. J’entends bien votre réponse, madame la ministre, mais comme l’ont déjà dit un certain nombre de mes collègues, elle est totalement théorique !
Vous parlez de mise à disposition de locaux et de personnel, mais les collectivités ont été obligées d’embaucher et certains frais ne leur sont pas remboursés par l’État. À titre d’exemple, j’évoquerai la situation de trois communes de mon département : Vallauris et Grasse ont perçu zéro euro de remboursement, Le Cannet n’a été remboursé que de 10 % des frais qu’elle a engagés.
Des communes renoncent à des projets qui peuvent être importants. Ne les abandonnez pas !
inégalités d’accès aux soins dans le département de l’aude
Mme le président. La parole est à M. Sebastien Pla, auteur de la question n° 1478, transmise à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Sebastien Pla. Madame la ministre, permettez-moi d’attirer votre attention sur l’importance, sans cesse croissante, des risques d’inégalités d’accès aux soins dans mon département.
Sur le littoral, comme dans l’arrière-pays, en ville comme à la campagne, partout où je me rends, le problème est le même et il s’aggrave d’année en année : nous manquons de professionnels de santé, en particulier de médecins, et d’équipements. La désertification médicale prospère !
Dans ce contexte, les élus locaux déploient des efforts considérables pour assurer une couverture médicale minimale à nos concitoyens : ils construisent des maisons de santé, ils recrutent des médecins, ils financent même parfois certains équipements, comme l’hélicoptère du SAMU. Ils persistent à réclamer des moyens, souvent en vain – je pense par exemple au scanner de la ville de Limoux.
Alors que la population augmente sur l’ensemble du département et que les personnes vivent plus longtemps, les moyens et les services diminuent.
Faute d’offre médicale suffisante en soins de ville comme en soins hospitaliers, la patientèle fuit inévitablement vers les métropoles montpelliéraine et toulousaine, ce qui contribue au sous-équipement en moyens médicaux dans mon département.
L’acquisition d’un scanner, par exemple, et la venue de professionnels hospitaliers pour en rentabiliser l’usage renforceraient pourtant l’attractivité du territoire, tout comme celle d’équipements à destination des personnes âgées, malgré les demandes croissantes liées à l’importance de la dépendance. Ces acquisitions favoriseraient l’installation d’autres professionnels de santé.
Si je me permets, madame la ministre, de réunir dans une même supplique toutes ces questions, c’est parce que nos concitoyens attendent de la République un traitement équitable en matière de santé publique. Bien qu’ils aient confiance en leurs élus locaux, ces derniers ne peuvent pas tout régler seuls et, surtout, ils ne peuvent pas se substituer en permanence à l’État.
La problématique médicale devient un enjeu majeur de développement et d’aménagement du territoire. Dès lors, madame la ministre, pouvez-vous nous dire quels moyens vous avez engagés pour accompagner les élus de mon département et répondre ainsi aux besoins urgents d’accès aux soins ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Sebastien Pla, le défi démographique que nous avons à relever aujourd’hui est grand : le nombre de médecins est en baisse régulière depuis 2010 et cette baisse est susceptible de se poursuivre jusqu’en 2025 dans de trop nombreuses régions – je suis moi-même concernée par ce phénomène dans mon territoire.
Nous n’avons pas attendu la crise pour faire de ce sujet une priorité. Nous avons développé un panel de solutions adaptables à chaque contexte local – vous conviendrez qu’il serait vain de plaquer partout des solutions toutes faites. Ce problème est structurel et la formation de médecins requiert du temps pour produire ses effets, mais d’ici à 2025, près de 15 % de professionnels supplémentaires auront été formés.
Dans le même temps, nous mobilisons tous les leviers à notre disposition pour améliorer l’accès aux soins, en particulier dans les territoires qui en ont le plus besoin. Le déploiement de l’exercice coordonné représente par exemple un fort levier d’attractivité.
À plus courte échéance, pour libérer du temps médical et redynamiser les soins de proximité, nous créons 4 000 postes d’assistants médicaux pour seconder et appuyer les médecins dans un ensemble de tâches administratives et nous facilitons le déploiement de 400 médecins généralistes dans des territoires prioritaires.
La dynamique autour des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) apporte également une réponse structurelle et rapide pour faire face aux besoins locaux de santé.
Dans votre région, l’Occitanie, l’agence régionale de santé (ARS) travaille en concertation avec l’ensemble des acteurs et des élus pour garantir la pérennité d’une offre de soins de proximité.
À Tuchan, l’action combinée des médecins de la CPTS et de l’ARS a conforté la maison de santé pluridisciplinaire, en intégrant deux médecins généralistes supplémentaires pour un bassin de vie de 2 000 habitants.
À Narbonne, une grande concertation a permis de créer la CPTS du Grand Narbonne, qui a été mobilisée, je le précise, comme vaccinodrome, ainsi que deux maisons de santé pluridisciplinaires dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Vous m’avez interrogée sur l’implantation d’un scanner sur le site de Limoux. Les besoins territoriaux en imagerie ont été redéfinis, ce qui devrait permettre à la demande du centre hospitalier de Limoux-Quillan d’être examinée avec bienveillance lors du prochain projet de commande de scanners.
Enfin, sur la commune de Capendu, qui dispose d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes de soixante places, un travail est en cours pour sécuriser cet établissement et aucune difficulté ne nous est remontée à ce jour.
Mme le président. La parole est à M. Sebastien Pla, pour la réplique.
M. Sebastien Pla. Madame la ministre, j’entends votre réponse, qui est précise et circonstanciée, mais vous évoquez un nombre de 400 médecins généralistes, ce qui est bien peu pour l’ensemble du territoire. En outre, j’ai eu l’occasion de contribuer à la création de deux maisons de santé en tant qu’élu local et je peux vous dire que la difficulté consiste d’abord à faire venir des médecins.
En tout cas, il n’est pas concevable que la patientèle s’en aille vers les territoires d’à côté, que ce soit Toulouse ou Montpellier. La situation est très compliquée et il me semble que ne pas agir fortement dès aujourd’hui renforce la tendance actuelle à la désertification et au désespoir des élus.
Force est de constater que, malgré les dispositifs existants, le désert continue d’avancer !
envoi des documents de propagande électorale
Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 1764, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Bernard Buis. Madame la ministre, je pense que c’est sans surprise que vous avez pris connaissance de l’objet de ma question.
Nous sortons d’un épisode électoral qui a suscité bien du mécontentement, tant de la part des électeurs que des maires en charge de l’organisation de ces élections. J’évoquerai non pas la situation sanitaire, mais la diffusion de la propagande électorale.
En effet, lors des élections départementales et régionales de juin 2021, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le fiasco – j’ose le mot ! – de la distribution des plis avant le premier et le second tour de ces élections. Les maires n’ont cessé de relayer ce manquement à la citoyenneté.
Malgré une société numérique, il faut savoir que nombre de Français attachent une grande importance à la réception et à la lecture des bulletins de vote et des professions de foi.
Il est légitime de penser que les déboires de cette distribution ont pu conforter nos concitoyens dans leur décision de rester chez eux. Cela a pu contribuer au désintérêt général et nous le déplorons collectivement.
Dans la Drôme, ce n’est pas la première fois que cette difficulté est relevée. Déjà en 2017, les mêmes déboires avaient été constatés lors des élections législatives. C’est pourquoi il est urgent de revoir le système dans sa globalité.
Plutôt que de nous affliger un peu plus encore de ce constat, je souhaite à l’occasion de cette question faire une proposition. Est-il envisageable – et envisagé – de départementaliser cette mission, en confiant aux préfets de département l’organisation de la mise sous pli et de la distribution, en s’appuyant de nouveau sur les communes chefs-lieux de canton pour gagner en proximité et en qualité ?
À la veille des grands rendez-vous électoraux de 2022, il me semble qu’il est temps d’agir.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Bernard Buis, l’abstention, que nous regrettons tous, lors des scrutins des 20 et 27 juin derniers ne peut exclusivement être la conséquence des dysfonctionnements – intolérables, je vous rejoins – dans l’acheminement de la propagande.
Dans la Drôme, ces dysfonctionnements ont été le résultat d’une double défaillance : celle du routeur KOBA et celle du distributeur Adrexo. KOBA n’a pas réussi à mettre sous pli dans les délais la totalité des documents de propagande pour le second tour, mettant en difficulté la société Adrexo qui, de son côté, n’est pas parvenue à mobiliser tous les moyens humains et matériels pour rattraper ce retard.
Afin que de tels incidents ne se reproduisent pas, le ministre de l’intérieur a pris deux décisions.
D’une part, les différents lots qui liaient le ministère de l’intérieur à la société Adrexo ont été résiliés le 13 août dernier. Jusqu’au 31 décembre 2021, un marché passé en urgence impérieuse avec La Poste permettra le bon acheminement de la propagande – je pense aux élections partielles. Ensuite, un nouveau marché pérenne sera passé selon la procédure de droit commun. Cet accord-cadre tiendra compte des principales conclusions formulées par la commission des lois du Sénat dans son rapport paru le 21 juillet dernier.
D’autre part, le ministère de l’intérieur a décidé que la mise sous pli de la propagande électorale serait, sauf exception dûment justifiée, réinternalisée sous la responsabilité directe des préfectures de département.
Autrement dit, deux modalités de mise sous pli sont dorénavant acceptées : la mise sous pli réalisée en régie préfectorale et celle qui est déléguée par les préfectures à des communes volontaires via une convention.
Ces décisions me semblent être de nature à sécuriser le mieux possible les opérations relatives à l’acheminement de la propagande électorale, élément essentiel à l’exercice par chacun du droit de vote.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour la réplique.
M. Bernard Buis. Je vous remercie pour ces précisions, madame la ministre. Comme vous, j’espère que ces nouvelles modalités seront de nature à régler les problèmes que nous avons constatés lors des dernières élections. Et je souhaite que ce système fonctionne !
lutte contre les escroqueries
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, auteur de la question n° 1772, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Stéphane Demilly. Madame la ministre, sur les deux millions de nos concitoyens qui reçoivent chaque année des courriers, des mails et des SMS frauduleux les incitant à communiquer leurs données personnelles et bancaires, 300 000 en sont malheureusement victimes.
Ces techniques dites d’hameçonnage ou, en anglais, de phishing, consistent, pour le fraudeur, à se faire passer pour un organisme familier – banque, administration fiscale, caisse de sécurité sociale – afin de tromper le destinataire.
La crise sanitaire a représenté une opportunité majeure pour ce type de criminalité, les fraudeurs ayant profité de l’intensification des usages numériques pour démultiplier leurs attaques, notamment pendant les phases de confinement. Faux sites d’attestations de déplacement, ventes fictives de masques, arnaques à la livraison de colis, etc. L’hameçonnage a été pratiqué, et il continue de l’être, à très grande échelle, avec une structuration par ce qui peut être appelé un écosystème cybercriminel.
Certaines bases de données en ligne vont même jusqu’à proposer à la vente des millions d’adresses de messagerie et de numéros de téléphone pour quelques centaines d’euros.
Des méthodes prêtes à l’emploi sont disponibles en ligne et permettent de professionnaliser les attaques, en les rendant toujours plus difficiles à détecter pour les victimes.
L’hameçonnage, quel que soit son type, est aujourd’hui l’une des formes les plus virulentes de fraudes et d’attaques informatiques.
Madame la ministre, quels moyens sont mis en place pour mieux informer et protéger nos concitoyens et surtout pour mieux lutter contre ce type de fraude ?
M. Philippe Tabarot. Bravo !
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Stéphane Demilly, la crise sanitaire a entraîné d’importants changements dans les modes de vie et de travail des Français, des entreprises et des collectivités. Les forces de sécurité intérieures sont mobilisées contre les nouvelles menaces qui en découlent – vous les avez parfaitement résumées.
Le Gouvernement a mis en place un réseau d’enquêteurs spécialisés comprenant plus de 2 900 enquêteurs formés aux investigations sur internet et les réseaux sociaux, plus de 700 primo-intervenants en cybercriminalité et plus de 460 investigateurs en cybercriminalité. Nous poursuivons aussi l’adaptation du dispositif de lutte contre les cybermenaces avec la création du commandement de la gendarmerie dans le cyberespace qui regroupe les unités spécialisées intervenant sur ces thématiques et du réseau Cybergend constitué de plus de 10 000 enquêteurs formés aux cybermenaces.
J’adresse mon soutien aux agents de la direction centrale de la police judiciaire qui, en mai 2021, en lien avec les douanes et la police aux frontières, ont porté un coup d’arrêt aux activités du forum Le Monde Parallèle, après avoir réussi à démanteler les plateformes illicites du dark web francophone La Main Noire en juin 2018 et French Deep Web en juin 2019.
Par ailleurs, l’office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication met en œuvre un dispositif complet pour lutter contre les cybermenaces.
La plateforme Pharos, composée de policiers et de gendarmes et désormais ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, a reçu 130 490 signalements, dont 68 041 signalements d’escroqueries au premier semestre 2021.
Le numéro Info Escroqueries, qui est chargé d’informer et d’orienter les personnes victimes d’une escroquerie, a traité 25 786 appels téléphoniques au premier semestre 2021.
Une brigade judiciaire est spécialisée dans le démantèlement de ces organisations criminelles, dont vous avez parfaitement résumé, monsieur le sénateur, les déplorables méthodes.
La plateforme Thésée, qui sera prochainement opérationnelle, a pour but de simplifier les démarches des particuliers, de renforcer le traitement judiciaire des escroqueries en ligne et de démanteler les organisations criminelles.
Enfin, le Gouvernement a lancé, dès 2017, la plateforme cybermalveillance.gouv.fr pour guider et accompagner les victimes. Je les invite à la consulter autant que de besoin.
Mme le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour la réplique.
M. Stéphane Demilly. Je vous remercie pour ces informations, madame la ministre.
Il me semble qu’il serait souhaitable d’organiser une campagne de communication gouvernementale à destination du grand public, éventuellement à la télévision, pour informer les personnes vulnérables. Je pense notamment à nos aînés qui peuvent plus facilement que d’autres faire confiance à des sites pourtant malveillants.
insuffisance des effectifs de gendarmerie dans l’ain
Mme le président. La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 1798, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
M. Patrick Chaize. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’insuffisance des effectifs de la gendarmerie et du budget consacré à la réserve opérationnelle dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, plus particulièrement dans le département de l’Ain.
La volonté affichée par le Gouvernement d’assurer l’égalité de chaque citoyen devant le droit à la sécurité impose une juste adéquation des moyens aux besoins de sécurité de la population, ce qui nécessite notamment l’affectation en nombre suffisant de militaires ou de ressources pour la réserve opérationnelle.
Si l’Ain a bénéficié de la création de 40 postes en quatre ans, mesure qui est unanimement saluée dans ce département où la croissance démographique est très vive sous la double influence de Lyon et de Genève, force est de constater qu’une cinquantaine de postes ne sont pas pourvus à ce jour.
À ce constat s’ajoute l’épuisement, depuis le 1er septembre, des ressources budgétaires de la réserve opérationnelle, qui empêche toute action de renfort, par exemple lors des manifestations sportives ou culturelles.
Alors que la région Auvergne-Rhône-Alpes pourrait prochainement bénéficier de l’affectation d’environ 70 militaires en sortie d’école, leur répartition dans chacun des départements de la région ne permettra pas – vous en conviendrez – de pourvoir les 50 postes vacants dans l’Ain.
Investis de la mission de sécurité et de paix publiques, les militaires peinent aujourd’hui à l’exercer dans des conditions satisfaisantes dans chacun des domaines qui relèvent de leur compétence. De nombreuses opérations de sécurité sont en effet touchées par cette situation, à l’instar des opérations de sécurité routière destinées aux plus jeunes.
C’est pourquoi, dans un souci de maintien de l’ordre républicain, de protection de la population et de sécurité des territoires aindinois, je souhaite que vous me renseigniez sur les mesures que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre pour remédier à cette situation inquiétante et permettre aux unités de gendarmerie de l’Ain de bénéficier des effectifs adaptés aux réalités locales, dans l’attente de l’affectation des militaires issus des écoles.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Patrick Chaize, renforcer la sécurité de nos concitoyens dans leur vie quotidienne constitue la priorité du Gouvernement depuis le début du quinquennat.
Des efforts importants ont ainsi été consentis dans le cadre du plan présidentiel lancé en 2017, qui prévoyait la création de 10 000 postes de policiers et de gendarmes supplémentaires d’ici à 2022.
Dans le département de l’Ain, les effectifs affectés en brigades territoriales ont ainsi augmenté plus rapidement que la population. En effet, entre 2017 et 2020, la population a augmenté de 2,7 %, contre 4,7 % pour le nombre de gendarmes chargés d’assurer sa protection, soit 41 équivalents temps plein supplémentaires. Le taux de criminalité a d’ailleurs diminué de 19 % alors que le taux d’élucidation d’affaires a augmenté de 12 % sur la même période.
Vous le savez, monsieur le sénateur, le Gouvernement s’engage et continuera de s’engager de façon importante en matière d’effectifs dans votre département.
Vous mentionnez également des tensions sur l’emploi de la réserve opérationnelle. Elle a en effet connu une activité plus dense, en particulier à la suite de l’attentat de Nice du 29 octobre 2020.
L’apport de cette entité dans l’offre globale de sécurité est fondamental. Ainsi, le 14 septembre, le Président de la République a annoncé, lors de la clôture des travaux du Beauvau de la sécurité, une augmentation substantielle et historique du nombre de réservistes opérationnels de la gendarmerie, appelé à être porté à 50 000 dans les toutes prochaines années. Ce sont autant de femmes et d’hommes qui pourront s’engager au service de nos concitoyens pour toujours plus de tranquillité et de sérénité au cœur de chaque territoire.
Mme le président. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. Je vous ai bien écoutée, madame la ministre. Créer des postes, c’est bien, mais les pourvoir effectivement, c’est mieux !
De même, le Gouvernement semble vouloir augmenter les montants alloués à la réserve opérationnelle, mais dans le département de l’Ain, la disponibilité est aujourd’hui de zéro !
Si vous voulez à la fois résorber le manque d’effectifs et permettre aux agents d’accomplir leurs missions, il faut y mettre des moyens dès à présent, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Mme le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 1803, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Mme Agnès Canayer. Monsieur le ministre, le monde de l’élevage est un acteur de la relance économique. En juillet dernier, vous annonciez la création du plan Abattoirs qui vise à mieux accompagner l’investissement dans ces établissements.
Aujourd’hui, près de 130 projets de modernisation sont déjà inclus dans ce plan, mais il est malheureusement trop restrictif pour les abattoirs nouveaux ou en réouverture, comme celui de Forges-les-Eaux en Seine-Maritime.
Fermé depuis 2011 à la suite du départ de l’entreprise Bigard, cet abattoir devrait rouvrir d’ici à la fin de l’année 2021. Situé au milieu du pays de Bray, au carrefour de nombreuses activités rurales, il collaborera avec les éleveurs de proximité.
Cette réouverture est fortement soutenue localement – je pense notamment à Michel Lejeune, ancien maire de Forges-les-Eaux, récemment décédé – et elle est très attendue par toute la filière viande – agriculteurs, éleveurs, distributeurs – et par les habitants, qui l’ont plébiscitée. Cet établissement permettrait d’atteindre les objectifs de proximité et de modernisation des structures promus dans le plan Abattoirs.
Cependant, ce projet se heurte à plusieurs difficultés.
Tout d’abord, l’attribution du numéro d’agrément par la direction départementale de la protection des populations se fait toujours attendre. Ce numéro est essentiel pour la réouverture et il est obligatoire pour bénéficier des financements du plan Abattoirs.
De plus, dix ans après sa fermeture, la remise en fonctionnement de cet abattoir sera aussi conditionnée à la mise à disposition de fonctionnaires techniciens des services vétérinaires chargés de l’inspection sanitaire et du bien-être animal en abattoir. Cette mise à disposition tarde à se mettre en place et compromet la réouverture prévue avant la fin de l’année.
Monsieur le ministre, comptez-vous intégrer l’abattoir de Forges-les-Eaux dans le plan Abattoirs ? Cela permettrait d’alléger le coût de cette réouverture. Pouvez-vous rassurer les acteurs du pays de Bray, en accélérant la mise à disposition des techniciens des services vétérinaires ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la réouverture prochaine de l’abattoir de Forges-les-Eaux.
À titre liminaire, sachez qu’il me semble extrêmement important de soutenir les abattoirs sur nos territoires. Disposer d’un tel réseau, d’un tel maillage, constitue une chance pour notre pays. Il est d’ailleurs illusoire de penser que nous pourrions développer des productions locales sans que des abattoirs leur soient associés.
C’est pour cette raison, vous l’avez dit, madame la sénatrice, que j’ai souhaité que le plan de relance intègre des financements très importants, sans précédent même, au bénéfice des abattoirs.
Vos préoccupations concernant l’abattoir de Forges-les-Eaux, madame la sénatrice, sont partagées par le président du Sénat, avec qui j’ai échangé sur ce sujet.
La reprise de l’activité de cet abattoir, fermé à la suite du départ de l’entreprise Bigard en 2011, est conditionnée à plusieurs éléments.
Sachez d’abord que l’exploitant a déposé sa demande d’agrément sanitaire le 22 juillet auprès de la direction départementale de la protection des populations. À l’heure où je vous parle, l’instruction du dossier se poursuit sans difficulté majeure, ce qui permet d’envisager l’attribution d’un agrément conditionnel d’ici à la fin de l’année 2021, si les travaux sont réalisés selon le calendrier présenté.
Ensuite, l’ouverture d’un abattoir nécessite la mise à disposition par l’État de techniciens et de vétérinaires officiels afin de créer auprès de l’abattoir un service vétérinaire d’inspection. Je vous confirme, madame la sénatrice, que les procédures de recrutement vont être lancées pour permettre l’ouverture et le bon fonctionnement de l’établissement selon le calendrier prévu.
Enfin, j’en viens à l’éligibilité des investissements de l’abattoir de Forges-les-Eaux au plan de relance. Le dossier a été déposé le 25 juin dernier et il est en cours d’instruction par mes services, dans la perspective d’un accompagnement adapté de l’État. Je le regarde avec beaucoup de bienveillance.
Je vous le redis, il est pour moi extrêmement important de soutenir nos abattoirs, dont nous devons être fiers parce qu’ils permettent de faire vivre les productions locales.
Mme le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.
Mme Agnès Canayer. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces éléments encourageants.
Vous avez compris que nous sommes nombreux à être particulièrement attentifs à la situation de l’abattoir de Forges-les-Eaux, dont la réouverture est très attendue dans le pays de Bray.
Vous l’avez dit, toutes les demandes ont été déposées en temps et en heure ; les conditions nous semblent donc remplies pour que les autorisations et les mises à disposition soient décidées et mises en œuvre le plus rapidement possible afin que l’abattoir rouvre, comme prévu, d’ici à la fin de l’année.
agriculture de montagne et future politique agricole commune
Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 1552, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Jean-Yves Roux. Alors que nous venons de voter la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs et que la pandémie de covid a conforté une agriculture de proximité et durable, il nous paraît nécessaire que cette agriculture puisse être défendue à l’échelon européen avec la même cohérence.
Les négociations de la future politique agricole commune (PAC) pour 2023-2030 se terminent dans tous les États membres. Le plan stratégique national agricole doit être envoyé à la Commission européenne avant le 1er janvier 2022, avec effet au 1er janvier 2023 – autant dire demain !
Dans ce contexte, l’agriculture de montagne et son élevage sont très caractéristiques du modèle agricole français durable, ancré dans les territoires et avec une forte valeur ajoutée environnementale, mais ils sont aussi plus fragiles et dépendants des mesures européennes de soutien.
Or ce modèle de l’agriculture de montagne suppose, plus que jamais, un engagement majeur et diversifié des politiques publiques européennes en faveur de l’agriculture, de l’environnement et de la ruralité.
Plus concrètement, la qualité de l’agriculture de montagne perdure grâce au maintien des aides couplées, de l’éligibilité des surfaces agropastorales aux aides surfaciques, de l’aide aux jeunes agriculteurs et des aides destinées à la modernisation des bâtiments.
De la même manière, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) mériterait d’être renforcée et ciblée davantage sur l’élevage. Il s’agit en effet de rémunérer à leur juste valeur les services environnementaux rendus par des exploitations herbagères et des surfaces pastorales.
Enfin, compte tenu des risques climatiques accrus et du fait que les orientations de la PAC sont prévues pour durer jusqu’en 2030, l’agriculture de montagne requiert la mise en place de modes de gestion des risques climatiques mutualisés et performants afin que nous puissions continuer de proposer un modèle durable et d’attirer les jeunes éleveurs.
Aussi, monsieur le ministre, ma question est la suivante : quelles mesures concrètes allez-vous proposer dans le plan stratégique national pour continuer de faire vivre, par des mesures de soutien, l’agriculture et l’élevage de montagne ?
Mme le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, je m’inscris dans la continuité de vos propos : l’agriculture et l’élevage de montagne font partie intégrante de l’identité de ces territoires, et, plus largement, du modèle agricole français. La diversité des cultures constitue un apport indéniable pour ces territoires. Soyez assuré que je défends l’agriculture de montagne, sous toutes ses formes, avec beaucoup de force et de conviction, notamment dans les enceintes européennes, comme vous le demandez dans votre question.
La politique agricole commune (PAC) est, c’est vrai, un élément essentiel du soutien de ces cultures et agricultures, mais il n’est pas le seul. Le premier des outils, c’est la juste rémunération des agriculteurs. Nous étions d’ailleurs ici même au Sénat, avec vous, voilà quelques jours, pour débattre en commission de la proposition de loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite Égalim 2.
J’évoquerai plusieurs sujets importants concernant la PAC, à commencer par l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, qui répond à une demande très forte des agriculteurs des territoires de montagne. Je vous rappelle que j’ai souhaité la maintenir, et en montant et en ciblage. Je n’entre pas dans le détail, mais vous voyez ce que cela signifie.
Le montant de cette indemnité s’élèvera à 1,1 milliard d’euros par an, ce qui nécessitera une contribution du budget de l’État, en plus des financements européens. Le Premier ministre ayant rendu un arbitrage favorable, l’État contribuera au financement de cette indemnité à hauteur de 108 millions d’euros par an dès 2023.
Un grand débat a eu lieu à l’échelon européen sur le maintien des paiements couplés. Nous avons obtenu gain de cause, même si cela n’a pas été chose aisée. Nous avons surtout réussi à maintenir l’enveloppe globale, c’est-à-dire les 15 % du premier pilier.
Parmi les nouveautés, les aides aux plantes riches en protéines sont très importantes pour nos éleveurs, ainsi que la réforme, entre autres, de l’unité de gros bétail (UGB). Nous avons par ailleurs décidé de maintenir l’éligibilité des surfaces pastorales. Enfin, nous venons de faire des annonces importantes concernant la gestion des risques.
Je pourrai entrer beaucoup plus dans les détails, mais le temps qui m’est imparti étant écoulé, j’en resterai là.
En conclusion, sachez, je le répète, que je soutiens l’agriculture de montagne, qui fait partie intégrante de l’identité de notre pays.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour la réplique.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le ministre, je vous remercie de l’attention que vous portez aux territoires ruraux, en particulier aux zones de montagne. Je sais que vous êtes un fervent défenseur de l’agriculture qui s’y pratique, comme j’ai pu le constater de nouveau lors de notre rencontre à Corbières-en-Provence, à l’occasion des Terres de Jim.
Mme le président. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.)
PRÉSIDENCE DE Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Lois de financement de la sécurité sociale
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi organique et d’une proposition de loi dans les textes de la commission modifiés.
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi organique et de la proposition de loi, adoptées par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatives aux lois de financement de la sécurité sociale (propositions nos 782 et 783, textes de la commission nos 826 et 827, rapport n° 825).
Je vous rappelle que la discussion générale est close.
Nous passons à la discussion, dans le texte de la commission, de la proposition de loi organique.
proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale
Article 1er
I. – La section 1 du chapitre Ier bis du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° L’article L.O. 111-3 est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 111-3. – I. – Ont le caractère de loi de financement de la sécurité sociale :
« 1° La loi de financement de la sécurité sociale de l’année ;
« 2° La loi de financement rectificative de la sécurité sociale ;
« 3° La loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale.
« II. – La loi de financement de la sécurité sociale de l’année comprend un article liminaire et trois parties :
« 1° Une partie comprenant les dispositions relatives à l’année en cours ;
« 2° Une partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir ;
« 3° Une partie comprenant les dispositions relatives aux dépenses pour l’année à venir.
« A. – Dans son article liminaire, la loi de financement de l’année présente, pour l’exercice en cours et pour l’année à venir, l’état des prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale, détaillées par sous-secteurs.
« B. – Dans sa partie comprenant les dispositions relatives à l’année en cours, la loi de financement de l’année :
« 1° Rectifie les prévisions de recettes et les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base par branche ainsi que ceux des organismes concourant au financement de ces régimes et du régime d’assurance chômage ;
« 2° Rectifie les objectifs de dépenses de ces régimes, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que leurs sous-objectifs ayant été approuvés dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale ;
« 3° Rectifie l’objectif assigné aux organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et les prévisions de recettes affectées aux fins de mise en réserve à leur profit.
« C. – Dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir, la loi de financement de l’année :
« 1° Approuve le rapport prévu au I de l’article L.O. 111-4 ;
« 2° Détermine, pour l’année à venir, de manière sincère, les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale et du régime d’assurance chômage, compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisible. Cet équilibre est défini au regard des données économiques, sociales et financières décrites dans le rapport prévu à l’article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette fin :
« a) Elle prévoit les recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base, par branche, ainsi que celles des organismes concourant au financement de ces régimes et du régime d’assurance chômage ;
« b) Elle détermine l’objectif d’amortissement au titre de l’année à venir des organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et elle prévoit, par catégorie, les recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes à leur profit ;
« c) Elle approuve le montant de la compensation mentionnée à l’annexe prévue au 2° du II de l’article L.O. 111-4 du présent code ;
« d) Elle retrace l’équilibre financier de la sécurité sociale dans des tableaux d’équilibre établis pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, par branche, ainsi que pour les organismes concourant au financement de ces régimes et le régime d’assurance chômage ;
« e) Elle arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources.
« D. – Dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux dépenses pour l’année à venir, la loi de financement de l’année :
« 1° Fixe les charges prévisionnelles des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base ;
« 2° Fixe les objectifs de dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base, par branche et du régime d’assurance chômage, ainsi que, le cas échéant, leurs sous-objectifs. La liste des éventuels sous-objectifs et le périmètre de chacun d’entre eux sont fixés par le Gouvernement après consultation des commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale ;
« 3° Fixe l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs, selon les modalités suivantes :
« a) La définition des composantes des sous-objectifs est d’initiative gouvernementale. Les commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale sont consultées sur la liste des sous-objectifs et la définition des composantes de ces sous-objectifs. Le nombre de sous-objectifs ne peut être inférieur à quatre ;
« b) L’un des sous-objectifs détermine les dépenses dédiées au financement des établissements de santé participant au service public hospitalier. Il détermine notamment pour ces établissements une dotation globale relative au financement des missions d’intérêt général.
« En cas d’urgence, ces crédits peuvent être relevés par décret pris sur avis du Conseil d’État et après avis des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale. La commission saisie au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale de chaque assemblée fait connaître son avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification qui lui a été faite du projet de décret. La signature du décret ne peut intervenir qu’après réception des avis de ces commissions ou, à défaut, après l’expiration du délai susmentionné. La ratification de ces décrets est demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. En cas d’urgence et de nécessité impérieuse d’intérêt national, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts, après information des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale, par décret pris en Conseil des ministres sur avis du Conseil d’État. Un projet de loi de financement de la sécurité sociale portant ratification de ces crédits est déposé immédiatement ou à l’ouverture de la plus prochaine session du Parlement ;
« c) L’un des sous-objectifs est dédié au financement des opérateurs et fonds financés par l’assurance maladie. Il détermine pour chacun de ces derniers des dotations pour cet exercice.
« En cas d’urgence et dans la limite de 10 %, ces dotations peuvent être relevées par décret pris sur avis du Conseil d’État et après avis des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale. La commission saisie au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale de chaque assemblée fait connaître son avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification qui lui a été faite du projet de décret. La signature du décret ne peut intervenir qu’après réception des avis de ces commissions ou, à défaut, après l’expiration du délai susmentionné. La ratification de ces décrets est demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. En cas d’urgence et de nécessité impérieuse d’intérêt national, des crédits supplémentaires peuvent être ouverts, après information des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale, par décret pris en Conseil des ministres sur avis du Conseil d’État. Un projet de loi de financement de la sécurité sociale portant ratification de ces crédits est déposé immédiatement ou à l’ouverture de la plus prochaine session du Parlement.
« Les objectifs de dépenses prévus aux 2° et 3° sont fixés sans contraction entre les recettes et les dépenses.
« II bis. – Lorsque, en cours d’exécution, les crédits engagés excèdent de plus de 1 % les crédits correspondant à l’un des objectifs ou à l’objectif national prévus aux 2° et 3° du D du I, un projet de loi de financement est déposé immédiatement ou à l’ouverture de la plus prochaine session du Parlement.
« III. – L’affectation, totale ou partielle, d’une recette exclusive des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit à toute autre personne morale ne peut résulter que d’une disposition d’une loi de financement. Ces dispositions s’appliquent également aux recettes exclusives du régime d’assurance chômage. Le présent III est également applicable, sous réserve du III de l’article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée, à l’affectation d’une ressource établie au profit de ces mêmes régimes et organismes à toute autre personne morale que l’État.
« La répartition entre les régimes obligatoires de base de sécurité sociale et, le cas échéant, entre leurs branches et les organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de la dette de ces régimes ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et le régime d’assurance chômage des ressources établies au profit de l’État, lorsque celles-ci leur ont été affectées dans le respect du même III, ne peut résulter que d’une disposition d’une loi de financement.
« IV. – Seules des lois de financement de l’année ou rectificatives peuvent créer ou modifier des mesures de réduction, d’exonération, de réduction ou d’abattement d’assiette des cotisations ou contributions ne faisant pas l’objet d’une mesure de compensation aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit pour une durée supérieure à trois ans, dès lors que ces cotisations et contributions sont affectées au financement de ces régimes et organismes.
« V. – Seules des lois de financement de l’année ou rectificatives peuvent créer ou modifier des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale non compensées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ou au régime d’assurance chômage.
« Le présent V s’applique également :
« 1° À toute mesure de réduction ou d’exonération de contributions affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ou au régime d’assurance chômage ;
« 2° À toute mesure de réduction ou d’abattement de l’assiette de ces cotisations et contributions ;
« 3° À toute modification des mesures non compensées à la date de l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
« VI. – A. – Peuvent figurer dans la partie de la loi de financement de l’année comprenant les dispositions relatives à l’année en cours, outre celles prévues au B du II, les dispositions ayant un effet sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ou du régime d’assurance chômage ou relatives à l’affectation de ces recettes, sous réserve du III de l’article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée, ou celles ayant un effet sur les dépenses de ces régimes ou organismes.
« B. – Peuvent figurer dans la partie de la loi de financement de l’année comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir, outre celles prévues au C du II, les dispositions :
« 1° Ayant un effet sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ou du régime d’assurance chômage ou relatives, sous réserve du III de l’article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée, à l’affectation de ces recettes et applicables :
« a) Soit à l’année ;
« b) Soit à l’année et aux années ultérieures ;
« c) Soit aux années ultérieures, à la condition que ces dispositions présentent un caractère permanent ;
« 2° Relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ou au régime d’assurance chômage ;
« 3° Relatives à la trésorerie et à la comptabilité des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ou du régime d’assurance chômage ;
« 4° Ayant un effet sur la dette des régimes obligatoires de base, sur l’amortissement et les conditions de financement de cette dernière ainsi que sur les mesures relatives à la mise en réserve de recettes au profit de ces mêmes régimes et à l’utilisation de ces réserves.
« C. – Peuvent figurer dans la partie de la loi de financement de l’année comprenant les dispositions relatives aux dépenses pour l’année à venir, outre celles prévues au D du II, les dispositions :
« 1° Ayant un effet sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou sur les dépenses des organismes concourant à leur financement ou sur les dépenses du régime d’assurance chômage qui affectent directement l’équilibre financier de ces régimes, applicables :
« a) Soit à l’année ;
« b) Soit à l’année et aux années ultérieures ;
« c) Soit aux années ultérieures, à la condition que ces dispositions présentent un caractère permanent ;
« 2° Modifiant les règles relatives à la gestion des risques par les régimes obligatoires de base ou le régime d’assurance chômage ainsi que les règles d’organisation ou de gestion interne de ces régimes et des organismes concourant à leur financement, si elles ont pour objet ou pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale ;
« 3° (Supprimé)
« 4° Améliorant l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
« VII. – Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires sont susceptibles d’avoir un effet sur les recettes ou les dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, des organismes concourant à leur financement ou des organismes chargés de l’amortissement de la dette de ces mêmes régimes ou sur les recettes ou les dépenses du régime d’assurance chômage, les conséquences de chacune d’entre elles doivent être prises en compte dans les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses de la prochaine loi de financement.
« VIII. – Les comptes des régimes et organismes de sécurité sociale doivent être réguliers et sincères et donner une image fidèle de leur patrimoine et de leur situation financière.
« IX. – La mission d’assistance du Parlement et du Gouvernement confiée à la Cour des comptes en application du dernier alinéa de l’article 47-1 de la Constitution comporte notamment la production du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, prévu à l’article L.O. 132-3 du code des juridictions financières. » ;
2° Après le même article L.O. 111-3, sont insérés des articles L.O. 111-3-1 et L.O. 111-3-2 ainsi rédigés :
« Art. L.O. 111-3-1. – I. – Seules les lois de financement rectificatives et les dispositions rectificatives de la loi de financement de l’année suivante peuvent modifier en cours d’année les dispositions de la loi de financement de l’année prévues au II de l’article L.O. 111-3.
« II. – Outre l’article liminaire mentionné à l’article 1er G de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, la loi de financement rectificative comprend deux parties distinctes :
« 1° Une première partie correspondant à la partie de la loi de financement de l’année comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général ;
« 2° Une seconde partie correspondant à la partie de la loi de financement de l’année comprenant les dispositions relatives aux dépenses.
« III. – La loi de financement rectificative :
« 1° Rectifie les prévisions de recettes et les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base, par branche, et des organismes concourant au financement de ces régimes et du régime d’assurance chômage ;
« 2° Rectifie les objectifs de dépenses des régimes obligatoires de base, par branche, et du régime d’assurance chômage, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que leurs sous-objectifs ayant été approuvés dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale ;
« 3° Rectifie l’objectif assigné aux organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et les prévisions de recettes affectées aux fins de mise en réserve à leur profit.
« IV. – Peuvent figurer dans la loi de financement rectificative les dispositions relatives à l’année en cours :
« 1° Ayant un effet sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ou du régime d’assurance chômage, relatives à l’affectation de ces recettes, sous réserve du III de l’article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée, ou ayant un effet sur les dépenses de ces régimes ou organismes ;
« 2° Relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, ou au régime d’assurance chômage ;
« 3° Relatives à la trésorerie et à la comptabilité des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ou du régime d’assurance chômage ;
« 4° Ayant un effet sur la dette des régimes obligatoires de base, sur l’amortissement et les conditions de financement de cette dernière, ainsi que les mesures relatives à la mise en réserve de recettes au profit de ces mêmes régimes et à l’utilisation de ces réserves ;
« 5° (Supprimé)
« 6° Modifiant les règles relatives à la gestion des risques par les régimes obligatoires de base ou le régime d’assurance chômage ainsi que les règles d’organisation ou de gestion interne de ces régimes et des organismes concourant à leur financement, si elles ont pour objet ou pour effet de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale ;
« 7° Rectifiant la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources ;
« 8° Améliorant l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
« Art. L.O. 111-3-2. – La loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale :
« 1°A Comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant les recettes, les dépenses et le solde de l’ensemble des administrations de sécurité sociale, détaillées par sous-secteurs, relatifs à l’année à laquelle elle se rapporte ;
« 1° Approuve les tableaux d’équilibre du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale par branche et des organismes concourant au financement de ces régimes, le tableau d’équilibre du dernier exercice clos du régime d’assurance chômage, ainsi que les dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie constatées lors de cet exercice ;
« 2° Approuve, pour ce même exercice, les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base et les montants correspondant à l’amortissement de leur dette ;
« 3° Approuve le rapport mentionné au 1° du II de l’article L.O. 111-4-2. »
II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale, la référence : « 4° du I » est remplacée par la référence : « 3° du D du II ».
III. – (nouveau) À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L.O. 132-3 du code des juridictions financières, la référence : « 2° du VIII » est remplacée par la référence : « IX ».
Mme la présidente. L’amendement n° 46, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
1° Après le mot :
présente,
insérer les mots :
pour le dernier exercice clos,
2° Supprimer les mots :
, détaillées par sous-secteurs
II. – Alinéa 82
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Cet amendement vise à supprimer le détail par sous-secteurs des administrations de sécurité sociale (ASSO) dans l’article liminaire des lois de financement de la sécurité sociale, modification introduite par la commission. Ce niveau de détail nous semble en effet contraire aux objectifs de cet article liminaire. Surtout, cet ajout nous apparaît impraticable, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, les sous-secteurs mentionnés dans le texte ne sont pas définis. Or l’information donnée serait de nature très différente selon les sous-ensembles retenus.
Ensuite, cet affichage serait en réalité peu cohérent avec le champ des lois de financement de la sécurité sociale, qui ne comprend pas ces régimes.
Par ailleurs, cette présentation serait compliquée par le fait qu’une partie des dépenses du champ des ASSO, notamment les régimes obligatoires de sécurité sociale, est suivie en comptabilité générale et non en comptabilité nationale.
Enfin, une décomposition figure d’ores et déjà dans le rapport économique, social et financier sous l’angle de la seule comptabilité nationale, en application de la loi de programmation des finances publiques (LPFP).
Cette demande d’information est donc d’ores et déjà satisfaite.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le secrétaire d’État, la demande de présentation détaillée des comptes par catégorie d’ASSO ne nous semble pas excessive. Le fait même que le rapport économique, social et financier fournisse une telle information montre bien que l’administration est tout à fait capable de la produire.
De plus, il serait utile de disposer de ce degré de précision – je le dis pour mes collègues –, si, à l’avenir, il fallait expliquer les écarts entre les prévisions de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) successives, comme le prévoit le présent texte.
Il me paraît nécessaire, pour ne pas dire indispensable, de disposer de cette présentation détaillée.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de dix amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 20, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 13, 18, 19, 26, 69 et 70
Supprimer les mots :
et du régime d’assurance chômage
II. – Alinéas 22 et 36
Supprimer les mots :
et le régime d’assurance chômage
III. – Alinéa 31
Supprimer cet alinéa.
IV. – Alinéa 35, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
V. – Alinéas 38, 40 et 49
Supprimer les mots :
ou au régime d’assurance chômage
VI. – Alinéa 43
Supprimer les mots :
ou du régime d’assurance chômage ou
VII. – Alinéas 45, 50, 73 et 75
Supprimer les mots :
ou du régime d’assurance chômage
VIII. – Alinéa 53
Supprimer les mots :
ou sur les dépenses du régime d’assurance chômage
IX. – Alinéa 57 et 78
Supprimer les mots :
ou le régime d’assurance chômage
X. – Alinéa 60
Supprimer les mots :
ou sur les recettes ou les dépenses du régime d’assurance chômage
XI. – Alinéa 74
Supprimer les mots :
, ou au régime d’assurance chômage
XII. – Alinéa 83
Supprimer les mots :
, le tableau d’équilibre du dernier exercice clos du régime d’assurance chômage
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement tend à revenir sur l’extension du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale à l’assurance chômage.
Cette mesure, adoptée par la commission des affaires sociales du Sénat, figurait dans le texte initial du député Thomas Mesnier, qui voulait intégrer les comptes du régime de l’assurance chômage dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), au même titre que les régimes obligatoires de retraite.
Si cette disposition ne figurait plus dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, c’est en raison de l’opposition de l’ensemble des organisations syndicales et patronales.
La proposition d’inclure ce régime dans le champ du PLFSS remet en cause sa gestion paritaire. Le député Mesnier l’a appris à ses dépens puisqu’il a dû retirer l’assurance chômage du texte à la suite de l’accomplissement d’un miracle : la rédaction d’une déclaration d’opposition commune du Medef et de l’ensemble des syndicats !
En intégrant l’assurance chômage dans la loi de financement de la sécurité sociale, la loi organique modifierait irrémédiablement la gouvernance et la nature de ce régime. Elle rendrait sa gouvernance encore plus complexe en réduisant de nouveau la place des partenaires sociaux.
La gestion du régime par les organisations syndicales et patronales est un pilier de la démocratie sociale, consacré par le préambule de la Constitution de 1946, et ne saurait être remise en cause par le Parlement. La référence à la branche accidents de travail-maladies professionnelles (AT-MP) faite par la commission des affaires sociales est d’ailleurs un mauvais exemple puisque seules les entreprises participent au financement de celle-ci.
Pour toutes ces raisons, nous sommes opposés à l’intégration proposée par la droite de l’assurance chômage dans le périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale.
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 13 rectifié est présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 36 est présenté par M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et G. Jourda, M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 47 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéas 13, 18, 19, 26, 69 et 70
Supprimer les mots :
et du régime d’assurance chômage
II. – Alinéa 22 et 36
Supprimer les mots :
et le régime d’assurance chômage
III. – Alinéa 35, deuxième phrase
Supprimer cette phrase.
IV. – Alinéas 38, 40 et 49
Supprimer les mots :
ou au régime d’assurance chômage
V. – Alinéas 43, 45, 50, 73 et 75
Supprimer les mots :
ou du régime d’assurance chômage
VI. – Alinéa 53
Supprimer les mots :
ou sur les dépenses du régime d’assurance chômage
VII. – Alinéas 57 et 78
Supprimer les mots :
ou le régime d’assurance chômage
VIII. – Alinéa 60
Supprimer les mots :
ou sur les recettes ou les dépenses du régime d’assurance chômage
IX. – Alinéa 74
Supprimer les mots :
, ou au régime d’assurance chômage
X. – Alinéa 83
Supprimer les mots :
, le tableau d’équilibre du dernier exercice clos du régime d’assurance chômage
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. La commission des affaires sociales du Sénat, sur proposition du rapporteur, veut étendre le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale à l’assurance chômage.
Selon la commission, ces dispositions ne remettent pas en cause le pouvoir et le rôle des partenaires sociaux dès lors que les conditions financières du régime se seront améliorées. Pour notre part, nous pensons au contraire qu’il s’agit d’une remise en question du paritarisme. Or nous y sommes attachés, car il permet, y compris en situation de déficit, que tous les paramètres du retour à l’équilibre, sans en occulter aucun, soient examinés. Je pense notamment aux ressources.
Le projet antisocial de réforme du gouvernement actuel est la preuve qu’il ne faut pas déposséder les partenaires sociaux de la gestion de l’assurance chômage. Il faut lutter contre la tentation que pourraient avoir certains d’appliquer à l’assurance chômage, à marche forcée et contre l’avis des partenaires sociaux, des politiques d’austérité, lesquelles ne constituent pas une solution à moyen terme, encore moins des réformes protectrices des droits.
Par ailleurs, pendant la crise de la covid, l’Unédic a joué son rôle d’amortisseur social. Or la crise sanitaire, avec ses conséquences sociales, est malheureusement loin d’être terminée. Réduire les prérogatives des partenaires sociaux ne nous paraît donc ni justifié ni pertinent. Au contraire, en laissant la main au Gouvernement, même en donnant un pouvoir de contrôle au Parlement, l’assurance chômage y perdrait en flexibilité et en adaptabilité. Surtout, ce régime ne serait plus en mesure de répondre aux besoins des personnes en situation de chômage.
Cet amendement vise donc à supprimer l’extension du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale à l’assurance chômage.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 36.
M. Bernard Jomier. Nous sommes favorables à un certain nombre de dispositions figurant dans la proposition de loi qui nous est soumise, notamment celles qui visent à améliorer et à simplifier le travail parlementaire. Certaines autres, en revanche, nous posent problème. La question de l’assurance chômage en fait partie.
On ne peut pas plus aborder le paritarisme à l’occasion d’une discussion budgétaire et financière, par nature brève, que réorganiser la santé dans le cadre d’un minuscule projet de loi de décentralisation. Cela ne peut pas fonctionner ainsi.
Comme je l’ai dit hier lors de la discussion générale – l’examen des amendements et la discussion générale ont malheureusement été scindés –, le texte ne prévoit rien de révolutionnaire. Il ne prévoit pas – j’en donne acte à la commission – d’étatisation de l’assurance chômage. Cependant, des petits cailloux sont posés, comme autant d’indices que l’on va dans ce sens.
Cette logique d’étatisation, on la connaît bien : elle a été prônée par le Conseil d’analyse économique, dont les arguments en faveur de l’intégration de l’assurance chômage dans le PLFSS étaient les mêmes que ceux du rapporteur, à savoir que les partenaires sociaux joueraient un rôle de façade et que la réforme de 2018 ne serait pas efficace.
Je dois dire aussi que le Gouvernement, qui a déposé un amendement identique au nôtre, est tout de même mal placé pour critiquer des effets qu’il a lui-même provoqués ! C’est bien l’État qui a renforcé sa mainmise sur l’assurance chômage dans sa lettre de cadrage de 2018.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à ne pas intégrer, même à titre informatif, les régimes complémentaires dans le PLFSS. Tel est l’objet de cet amendement.
Nous souhaitons par ailleurs un débat de fond sur l’évolution du paritarisme dans notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 47.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement est en effet identique à ceux qui viennent d’être présentés. Il vise à supprimer l’extension du champ des lois de financement de la sécurité sociale à l’assurance chômage et à rétablir la version du texte adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale.
Les différents intervenants l’ont souligné, le régime d’assurance chômage fait l’objet d’une gestion paritaire particulière. On peut comprendre l’intention du rapporteur, qui est légitime, mais les circonstances actuelles ne se prêtent pas à une telle évolution.
Je suis d’accord avec M. Jomier – du moins avec une partie de ses propos, pas avec la toute dernière partie –, si évolution il devait y avoir de ce régime, elle ne pourrait intervenir que dans le cadre de discussions approfondies avec les partenaires sociaux. Or de telles discussions sur ce sujet n’ont pas encore abouti.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cette extension.
Mme la présidente. L’amendement n° 48, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 27 à 34
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Fixe l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que ses sous-objectifs. La définition des composantes des sous-objectifs est d’initiative gouvernementale. Les commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale sont consultées sur la liste des sous-objectifs et la définition des composantes de ces sous-objectifs. Le nombre de sous-objectifs ne peut être inférieur à trois. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je poursuis sur deux sujets sensiblement différents.
Nous vous proposons tout d’abord de supprimer l’introduction, proposée par la commission, de crédits limitatifs dans l’Ondam, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Nous vous proposons ensuite de modifier le texte issu de la commission sur le principe de non-contraction entre les recettes et les dépenses.
Cet amendement vise à supprimer, d’une part, la possibilité de fixer des crédits limitatifs, et, d’autre part, l’instauration de ratios obligeant à une ratification des crédits supplémentaires qui seraient ouverts par décret en cas de dépassement.
Cette double suppression nous paraît nécessaire afin de préserver la nature de l’Ondam, qui résulte logiquement de la Constitution. L’alinéa 19 de l’article 34 de la Constitution prévoit que « les lois de financement de la sécurité sociale fixent […] ses objectifs de dépenses ». La loi organique ne peut donc prévoir l’introduction de crédits limitatifs dans l’Ondam et doit laisser à la loi ordinaire le soin de prévoir des mécanismes d’encadrement de la dépense.
Par ailleurs, l’introduction de ratios au-delà desquels une procédure de ratification est enclenchée vise, certes, à encadrer les dépenses d’Ondam, mais elle est redondante avec le rôle du comité d’alerte. Il est déjà prévu que, en cas de risque de dépassement de l’objectif supérieur à 0,5 %, le comité doit prévenir le Parlement et le Gouvernement. Cette procédure d’alerte indépendante est la plus adaptée, nous semble-t-il, au fonctionnement des dépenses de santé.
De plus, il est contraire au caractère transversal de l’Ondam de déclencher une telle procédure en cas de dépassement du ratio sur un seul des sous-objectifs. Un tel mécanisme entraînerait en réalité une rigidité excessive au sein même de l’Ondam, dont le pilotage serait désormais différencié entre ses différentes composantes, sans pour autant offrir les outils de maîtrise des dépenses adaptés.
Concrètement, le texte, tel qu’il résulte des travaux de la commission, risquerait de nourrir un antagonisme entre médecine de ville et médecine hospitalière, alors que les deux sont complémentaires. L’encadrement plus strict que vous proposez, s’agissant du sous-objectif de l’Ondam hospitalier, ne manquerait pas d’être perçu comme une forme de suspicion à l’égard de l’hôpital. C’est d’autant plus malvenu, me semble-t-il, et je sais que vous en êtes d’accord, au sortir d’une crise sanitaire qui a vu l’hôpital être en première ligne.
Par ailleurs, nous vous proposons de modifier le texte sur la non-contraction des recettes et des dépenses. Le texte issu des travaux de la commission supprime la possibilité de telles contractions, en mettant notamment en avant la contribution des organismes complémentaires qui a été votée l’an dernier. Il était pourtant parfaitement logique que cette contribution vienne atténuer l’Ondam, dans la mesure où il s’agissait de dépenses pour lesquelles la sécurité sociale s’était substituée aux complémentaires, qui, en temps normal, n’auraient donc pas été intégrées à l’objectif.
Surtout, votre proposition empêcherait de déduire de l’évolution des dépenses les remises rétrocédées à la sécurité sociale sur les prix de produits pharmaceutiques. Interdire de les prendre en compte reviendrait à afficher une dynamique de l’Ondam plus importante que la réalité, décorrélée de l’évolution effective des dépenses, et qui s’éloignerait de son rôle de pilotage des dépenses de santé et de transparence. À plus long terme, cela mettrait en péril le principe des remises sur les tarifs des produits de santé. Le risque inflationniste serait alors très élevé. Nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre dans cette enceinte.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement vous soumet cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Après le mot :
sous-objectifs
insérer les mots :
en s’appuyant sur l’évolution des besoins de santé de la population
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Depuis l’instauration de l’Ondam, la dotation accordée aux hôpitaux publics par les gouvernements successifs a systématiquement été inférieure à l’évolution des besoins de santé et, conséquemment, au coût des soins hospitaliers.
Parce qu’il est limité par une enveloppe comptable prédéfinie à partir des ressources financières consenties, l’Ondam est devenu l’outil de la contrainte budgétaire en matière de dépenses, un écart régulier avec les besoins de soins de la population étant constaté. Chaque année, pour combler cet écart, des économies sont demandées à l’hôpital – celles-ci atteignent encore 800 millions d’euros en 2021.
Hier, nous avons entendu, dans la bouche de Mme Bourguignon, qu’aucune économie ne serait demandée à l’hôpital en 2022. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous confirmer que nous avons bien compris ?
En tout cas, cette logique financière étrangle l’hôpital et concourt à la dégradation des soins et des conditions de travail des soignants. L’endettement des structures hospitalières qui en découle entrave les investissements nécessaires à l’exercice de leur mission de service public.
Or, s’il apparaît nécessaire d’utiliser un outil et des indicateurs de suivi des dépenses, ce n’est pas la logique comptable de court terme qui doit dicter le niveau des dépenses de santé. C’est, bien davantage, une décision démocratique sur le niveau de soins auquel chacun doit avoir accès, sur tous les territoires, et ce afin de garantir l’universalité de l’accès aux soins.
Aussi cet amendement a-t-il pour objet de préciser que le calcul de l’Ondam doit s’appuyer sur les besoins de santé de la population et sur les évolutions attendues. Il s’inscrit dans la logique du référendum d’initiative partagée sur l’hôpital public porté par le collectif « Notre Hôpital c’est vous ».
Indépendamment de l’avis qu’émettra le Gouvernement sur cet amendement, je veux bien – je me permets d’insister sur ce point – qu’il me soit confirmé que le budget de l’hôpital pour 2022 ne prévoira aucune économie.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 6 est présenté par M. Milon.
L’amendement n° 33 rectifié est présenté par Mme Guillotin, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre et MM. Fialaire, Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 27
Après le mot :
sous-objectifs
insérer les mots :
en s’appuyant sur les engagements pris pour cinq ans dans le cadre du protocole visant notamment à établir les trajectoires relatives au montant des ressources pluriannuelles des établissements de santé publics et privés
L’amendement n° 6 n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 33 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement vise à appuyer la fixation de l’Ondam sur les engagements pris pour cinq ans dans le cadre du protocole visant à établir les trajectoires relatives au montant des ressources pluriannuelles des établissements de santé publics et privés, afin de leur donner plus de visibilité.
La loi de financement de la sécurité sociale de 2020 a prévu qu’un protocole entre l’État et les fédérations représentatives des établissements de santé publics et privés puisse établir les trajectoires relatives au montant des ressources pluriannuelles de ces établissements et les engagements réciproques afférents. Le premier protocole a été conclu pour la période allant de 2020 à 2022.
Dans son dernier rapport, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie estime néanmoins que les éléments actuels de pluriannualité sont insuffisants et qu’ils souffrent d’un manque de visibilité et de cohérence. Il recommande l’élaboration d’une trajectoire à cinq ans des objectifs, activités et ressources du système de santé dans un document unique, dont la loi de financement de la sécurité sociale serait la déclinaison.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 34, présenté par M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et G. Jourda, M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il s’accompagne d’une présentation de l’état des besoins, selon les territoires, des moyens humains, matériels et financiers pour satisfaire les besoins en santé de la population et assurer la réalisation effective du principe d’accès universel à un service public de qualité.
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement est relativement proche de l’amendement n° 14, mais il tend à ajouter une dimension territoriale.
On peut dire, au fond, que l’Ondam a bien fonctionné d’un point de vue financier au cours de la dernière décennie. Après avoir été, au cours de ses premières années d’existence, systématiquement dépassé, et malgré l’absence de plafond rappelée par M. le secrétaire d’État, il a été à peu près respecté presque chaque année depuis 2010.
Mais des effets que l’on qualifiera de pervers sont très clairement apparus, dont on mesure depuis deux ans une partie des conséquences. Le système de santé est en permanence au bord de l’implosion. Surtout, les acteurs de santé – personnels ou fédérations –, s’ils savent très bien comment est construit l’Ondam, n’en comprennent plus la logique tant celui-ci finit par s’écarter d’un certain nombre d’indicateurs.
La démarche consistant à identifier les besoins de santé, puis à faire des choix et à construire le budget a été largement inversée ; désormais, on fixe un volume financier de dépenses et, à partir de là, on répartit les dotations.
Cette démarche nous conduit dans une impasse. Il faut donc revoir la façon dont s’élabore notre financement social et, en l’occurrence, partir des besoins de santé des territoires et des populations, prendre en compte la lutte contre les inégalités en matière de santé, ainsi qu’un certain nombre d’indicateurs précis dont la liste a été établie.
C’est précisément la démarche qui a été celle des soignants ayant porté le projet du référendum d’initiative partagée sur l’hôpital public et c’est sur ces bases que nous pourrons reprendre la construction, dans de meilleures conditions, du budget social de notre pays.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 53, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 34
Remplacer la référence :
I
par la référence :
II
II. – Après l’alinéa 85
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – À la première phrase de l’article L.O. 111-10-2 du code de la sécurité sociale, la référence : « I » est remplacée par la référence : « II ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. S’ils portent sur le même article, ces amendements en discussion commune n’en sont pas moins de nature très différente.
La commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 20, 13 rectifié, 36 et 47, qui portent sur l’assurance chômage, parmi lesquels figure d’ailleurs un amendement du Gouvernement. Je précise, comme Bernard Jomier l’a rappelé précédemment, que la commission n’a pas du tout l’intention de supprimer le paritarisme, même si, on est bien d’accord, celui-ci aurait tout intérêt à se renouveler.
Je l’ai dit hier, nous sommes à la disposition des partenaires sociaux pour réfléchir, avec eux, à un nouveau plan de financement de l’assurance chômage, car nous avons bien conscience d’être dans l’impasse, compte tenu de l’énormité de la dette, hors crise du covid. Je le redis à l’attention des partenaires sociaux : nous sommes prêts à discuter !
Il est donc hors de question pour nous de supprimer le paritarisme. Dans la branche AT-MP de la sécurité sociale, pour laquelle un objectif de dépenses est fixé, ce paritarisme fonctionne d’ailleurs parfaitement. C’est le cas aussi pour le régime géré par l’Association générale des institutions de retraite des cadres et l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés, le régime Agirc-Arrco ; ce dernier dispose même de réserves, que je dirais non pas excessives – les réserves ne le sont jamais –, mais supérieures aux objectifs fixés par les partenaires sociaux eux-mêmes.
J’y insiste, loin de nous l’idée que le paritarisme ne peut pas fonctionner – il le peut ! –, mais, dans le cas qui nous intéresse, il faut bien constater que nous sommes sortis du strict paritarisme.
On constate en effet un financement significatif par l’impôt – plus de 14 milliards d’euros sont récoltés au titre de la contribution sociale généralisée (CSG), soit environ 40 % des recettes du régime ; un endettement qui ne pourra vraisemblablement pas être amorti sans une intervention des pouvoirs publics. Tout le monde, je pense, est d’accord sur ce point.
Plus important encore, et comme certains l’ont souligné, on constate une primauté en droit et en fait du Gouvernement dans le pilotage du régime depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Je comprends d’ailleurs parfaitement que, pour cette raison, le Gouvernement ne veuille rien changer…
Par conséquent, il est illusoire, pour les partenaires sociaux, de croire que ce face-à-face n’est pas mortifère pour le paritarisme. Qu’on l’approuve ou qu’on le regrette, les faits sont là : telle est la réalité de ce régime, comme le montrent actuellement l’évolution du processus de décision et la difficulté de mener à bien une réforme de l’assurance chômage.
Encore une fois, il s’agit pour nous, non pas de remettre en cause le paritarisme, mais de revoir les conditions dans lesquelles sont prises les décisions en matière de gestion des quelque 35 milliards d’euros de prélèvements obligatoires concernés par ce régime. Telle est la raison pour laquelle nous avons proposé d’intégrer le régime d’assurance chômage dans le champ du PLFSS.
L’amendement n° 48 du Gouvernement aborde la question des crédits limitatifs et de la non-contraction des recettes et des dépenses. Ce que nous visons, je le dis tout de suite, c’est par exemple d’arrêter de comptabiliser la taxe imputée aux organismes complémentaires d’assurance maladie – ou OCAM – comme une moindre dépense de l’Ondam, non à intervenir sur le mécanisme de remise sur les médicaments. Notre intention est de clarifier l’information, non de remettre en cause un certain nombre de mécanismes.
Mon explication concernant les crédits limitatifs sera peut-être un peu longue, mais elle me paraît nécessaire pour clarifier notre position.
Vous dites, monsieur le secrétaire d’État, que la Constitution ne donne pas au législateur financier social le pouvoir de fixer les plafonds de dépenses. C’est une interprétation que ne partage pas la commission et qui, à mon avis, se méprend sur les intentions du constituant de 1996.
Le garde des sceaux de l’époque, Jacques Toubon, expliquait devant le Sénat que les objectifs de dépenses allaient créer une contrainte pour le Gouvernement ; ils constitueraient la ligne sous laquelle devraient passer les taux directeurs fixés aux hôpitaux et s’appliqueraient aussi à la médecine de ville. Cela répond partiellement à vos objections et à votre interprétation, monsieur le secrétaire d’État.
La seule différence – mais elle est essentielle –, c’est que les droits sociaux ne sont ni ouverts ni limités par ce texte. Sans remettre en cause l’approche particulière des assurances sociales, nous voulons tirer les conséquences, comme Corinne Imbert l’a d’ailleurs rappelé lors de la discussion générale, de ce qu’est l’Ondam aujourd’hui, à savoir un mélange de dépenses relevant d’assurances sociales et de dépenses d’intervention.
Par ailleurs, l’article 34 de la Constitution prévoit bien que les objectifs de dépenses sont votés « dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». Le Conseil d’État, certes réservé sur le concept de crédits limitatifs, a souligné que l’absence de caractère limitatif des crédits ne faisait pas obstacle à ce que le législateur organique puisse définir les modalités d’information ou de saisine du Parlement en cours d’exécution d’une loi de financement de la sécurité sociale.
C’est donc bien de ces modalités, et des conditions et réserves mentionnées à l’article 34 de la Constitution, que relève le dispositif proposé.
La commission, en effet, n’a pas parlé de crédits limitatifs – cela ne figure pas dans notre texte – ; elle a simplement instauré une procédure, essentiellement fondée sur le recueil de l’avis des commissions des affaires sociales – avouez que c’est tout de même la moindre des choses – lorsque les dotations votées en projet de loi de financement de la sécurité sociale sont dépassées dans de fortes proportions.
Observez, monsieur le secrétaire d’État, que ce dispositif est moins contraignant que les dotations au Fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS) ou à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), que nous votons chaque année sur votre initiative et que vous ne considérez pas comme contraires à l’article 34 de la Constitution.
Ne travestissons pas les modifications que nous entendons porter à la construction de l’Ondam ! Ne prétendez pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’elles conduiraient à priver, demain, un assuré du remboursement de sa feuille de soins, sous prétexte d’une limitation des crédits. Ce n’est absolument pas ce que nous prévoyons !
Ne prétendez pas non plus que les hôpitaux se verraient dans l’incapacité d’accueillir des patients ou que les achats de masques en urgence auraient été rendus impossibles en 2020, du seul fait que nous aurions demandé l’avis de la commission des affaires sociales. Au contraire, permettez-nous de considérer que les dépenses de santé sont stratégiques et qu’il est du devoir du Parlement de vouloir en débattre et, comme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen nous le prescrit, d’en « constater la nécessité » et d’en « suivre l’emploi ».
J’en viens à l’amendement n° 14, qui vise à inscrire dans la proposition de loi organique que l’Ondam et ses sous-objectifs sont fixés en s’appuyant sur l’évolution des besoins de santé de la population.
L’intention de ses auteurs est de dénoncer le sous-financement du système de santé, mais cette rédaction ne me paraît ni opérationnelle ni pertinente. Par définition, l’Ondam que nous votons s’appuie sur le tableau sanitaire et social que nous dressons de notre pays et sur les besoins que nous identifions. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement et, pour les mêmes raisons, sur l’amendement n° 34.
Enfin, l’amendement n° 33 rectifié vise à prévoir que l’Ondam sera fixé en s’appuyant sur le protocole déterminant la trajectoire pluriannuelle des dépenses des établissements de santé. Je comprends cette intention de prendre en considération une trajectoire pluriannuelle, sauf que c’est une loi annuelle que l’on vote… On peut tenir compte des protocoles signés et des négociations qui se sont tenues – je pense d’ailleurs que le Gouvernement comme le Parlement le font –, mais on ne peut pas inscrire une telle disposition dans une loi organique. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Sans surprise, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 20, 13 rectifié et 36, qui sont similaires ou identiques à son amendement n° 47.
Juste avant d’évoquer rapidement les autres amendements, permettez-moi de faire une remarque, monsieur le rapporteur : n’en venez pas vous-même à travestir les propos que j’aurais tenus – ou plutôt que je n’ai pas tenus. Je n’ai jamais prétendu que l’introduction de critères limitatifs dans certains sous-objectifs de l’Ondam aurait pour effet de priver certains de nos concitoyens du remboursement de leur feuille de soins ou d’empêcher les hôpitaux d’investir.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Dont acte ! Je l’ai pourtant entendu…
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Certes, les intentions de la commission sont louables et légitimes. Je me suis juste permis de vous alerter sur certaines conséquences possibles : je sais bien, monsieur le rapporteur, que vous ne cherchez pas à empêcher des négociations ou à supprimer les remises sur les médicaments, mais telles pourraient être les conséquences de ce texte, si vous l’adoptiez en l’état.
J’en viens aux autres amendements en discussion commune. J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 14, pour les mêmes raisons que celles que vous avez exposées, monsieur le rapporteur.
Par ailleurs, je sollicite le retrait de l’amendement n° 33 rectifié ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Pour vous rassurer, madame Guillotin, monsieur le rapporteur, le Gouvernement s’attelle bien à mettre en œuvre les protocoles qui ont été signés avec les fédérations hospitalières, comme nous le permet la loi de financement de la sécurité sociale de 2020.
Une trajectoire a été fixée pour l’Ondam hospitalier sur la période allant de 2020 à 2022 et nous l’appliquons. Je rappelle que, au-delà des financements complémentaires apportés par le Ségur de la santé – 12,5 milliards d’euros en 2022 –, la progression de l’Ondam hospitalier en base sera de 2,7 %, alors que le protocole évoqué, et que vous proposiez d’inscrire en dur dans la loi, prévoyait une croissance de seulement 2,4 %. Nous nous situons donc au-delà même du protocole.
Celui-ci est d’ores et déjà un déterminant important de l’Ondam en tant que tel et l’annexe 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui présente la construction de cet objectif, en rend d’ailleurs bien compte – ce sera encore le cas, cette année, dans le cadre du PLFSS pour 2022.
Pour toutes ces raisons, il ne nous semble pas nécessaire d’inscrire dans la proposition de loi organique la disposition proposée.
Enfin, l’avis sera défavorable sur l’amendement n° 34 et favorable sur l’amendement rédactionnel n° 53.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. J’ai bien entendu M. le rapporteur, qui a réitéré les propos qu’il avait tenus en commission. Lorsque j’ai voté son amendement visant à étendre le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale à l’assurance chômage, je n’ai pas voté contre le paritarisme. Pour moi, celui-ci doit être impérativement conservé. Mais, comme cela a été expliqué – et je serai donc bref –, l’assurance chômage est pas mal financée par la CSG, à hauteur de 40 %.
Le contrôle parlementaire des comptes du régime d’assurance chômage ne remet pas en cause la participation historique des partenaires sociaux. C’est pourquoi je suis parfaitement serein avec le vote intervenu en commission.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 rectifié, 36 et 47.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. L’amendement du Gouvernement sur l’objectif national des dépenses d’assurance maladie est pour le moins paradoxal…
Chaque année, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les parlementaires que nous sommes se trouvent dans l’impossibilité de déposer des amendements tendant à modifier à la hausse l’Ondam, au nom du respect de l’article 40 de la Constitution sur la création d’une nouvelle dépense.
Chaque année, les hôpitaux sont contraints de réduire leurs moyens en fonction de l’objectif voté, que, faut-il le rappeler, le groupe CRCE dénonce comme étant responsable de l’asphyxie des établissements hospitaliers.
Chaque année, enfin, le rapport sur l’exécution du budget de la sécurité sociale démontre que l’objectif fixé pour les dépenses a été respecté – hors crise du covid, bien évidemment.
Or le Gouvernement explique l’inverse dans l’objet de son amendement. Il précise en effet que, conformément à la Constitution, les lois de financement de la sécurité sociale « ne peuvent fixer des crédits limitatifs ni des ratios obligeant à une ratification des crédits supplémentaires au-delà d’un certain seuil, mais seulement des objectifs ».
De deux choses l’une : soit l’Ondam est un simple objectif et, par conséquent, les parlementaires comme les établissements de santé peuvent augmenter les dépenses au-delà de cet objectif, si les besoins le justifient ; soit l’Ondam est un plafond indépassable et le Gouvernement doit rendre des comptes devant le Parlement lorsque les dépenses sont supérieures à celles qui ont été votées.
Dans tous les cas, monsieur le secrétaire d’État, une clarification est nécessaire sur la nature même de l’Ondam et, sur ce point précis, je pense recueillir une certaine adhésion de mes collègues, au-delà des travées du CRCE.
M. René-Paul Savary. Exact !
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je soutiens effectivement les propos de Laurence Cohen. Je ne pense pas que le texte proposé par la commission, sur l’initiative de son rapporteur, permette de limiter un certain nombre de prestations. Pas du tout ! C’est d’ailleurs un argument facile, monsieur le secrétaire d’État.
Il n’est absolument pas dans mon intention de limiter le budget consacré aux médicaments, comme vous le prétendez. Le Gouvernement, lui, décide de dépassements extraordinaires de plusieurs milliards d’euros pendant cette crise du covid, sans que le Parlement ne soit appelé à en débattre, et quand nous voulons aller vers plus de transparence, on nous dit : « vous ne vous rendez pas compte où vous entraînez les finances de la sécurité sociale. » Cela ne va pas !
Il nous faut donc des explications, car il y a là un double jeu, qui ne me convient pas non plus !
Mme la présidente. Madame Guillotin, l’amendement n° 33 rectifié est-il maintenu ?
Mme Véronique Guillotin. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 33 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 34.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 21, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Supprimer les mots :
ne faisant pas l’objet d’une mesure de compensation aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. La législation actuelle prévoit que les lois de financement de la sécurité sociale ont le monopole sur les exonérations de cotisations sociales.
La présente proposition de loi organique tend à modifier cette règle, en réduisant fortement le périmètre des dispositions concernées. Certes, elle maintient le monopole de la loi de financement de la sécurité sociale sur les exonérations de cotisations qui s’appliquent au-delà de trois ans. Mais, sous couvert d’une évaluation des conséquences de ces exonérations, elle autorise en réalité le vote dans le cadre d’un projet de loi ordinaire de toutes celles dont la durée d’application est inférieure à trois ans. Les tenants de la rigueur budgétaire noteront la contradiction…
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a précisé que le monopole des lois de financement de la sécurité sociale sur les mesures d’exonération concernerait uniquement les exonérations non compensées par l’État. Cette disposition entre en opposition avec la loi, dite Veil, du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, qui prévoyait une compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales par l’État.
Mais, au-delà du principe, ce qui nous pose problème, ce sont les montants concernés. Pour rappel, de 2011 à 2017, les exonérations de cotisations patronales se sont au total élevées à 198,7 milliards d’euros, dont 20,8 milliards d’euros n’ont pas été compensés par l’État. Il n’est évidemment pas acceptable que l’État ne compense pas ces exonérations et qu’il porte ainsi atteinte à la loi Veil, mais la proportion montre bien à quel niveau se situent les enjeux.
En réalité, derrière le mot « transparence », se cache l’organisation de l’assèchement des recettes de la sécurité sociale. Les choix budgétaires arrêtés conduisent à l’austérité de notre système de protection sociale et à la dégradation de nos services publics.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Ma chère collègue, en l’occurrence, vous rejoignez l’intention initiale de notre collègue député Thomas Mesnier : interdire l’adoption de toute mesure de réduction de ressources de la sécurité sociale d’une durée de plus de trois ans, même compensée, en dehors d’une loi de financement de la sécurité sociale.
Il s’agissait là d’un principe simple, qui – il faut le noter – implique une nouvelle restriction du droit d’amendement.
La rédaction de cet alinéa a été nettement complexifiée par l’Assemblée nationale, à la suite des réserves émises par le Conseil d’État sur le texte initial. Toutefois – du moins, c’est notre analyse –, cette rédaction est désormais une simple répétition du droit existant, lequel n’est d’ailleurs pas toujours appliqué de manière stricte.
La commission a fait le choix de s’en tenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, quitte à revenir sur ce sujet en commission mixte paritaire. Par cohérence, nous sommes défavorables à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. J’émets le même avis que M. le rapporteur, pour les mêmes raisons ; en particulier, la rédaction proposée risquerait d’être jugée inconstitutionnelle.
Mon opinion sur la rédaction retenue par l’Assemblée nationale est sensiblement différente de celle de M. le rapporteur…
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Il serait bon que vous nous expliquiez pourquoi !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Quoi qu’il en soit, mieux vaut, à mon sens, conserver l’équilibre du texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. L’amendement n° 22, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Supprimer les mots :
pour une durée supérieure à trois ans
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Au travers de cet amendement, nous proposons que toutes les mesures d’exonération, de réduction ou d’abattement d’assiette des cotisations ou contributions soient votées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année ou dans des textes rectificatifs, sans condition de durée. Nous sommes donc opposés à la limitation instaurée par le rapporteur à l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, je vous le rappelle : selon la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 publiée le 13 avril dernier, les niches sociales ont coûté 80,6 milliards d’euros en 2020. Ces cadeaux faits aux entreprises sont autant de recettes en moins pour la sécurité sociale ; j’y insiste, nous parlons de milliards d’euros !
Or nous sommes assez nombreux dans cet hémicycle à dénoncer la non-compensation de ces exonérations par l’État depuis 2018. Ma collègue Cathy Apourceau-Poly vient de le souligner : il s’agit là d’une remise en cause des principes de la loi Veil, ce qui n’est pas acceptable.
C’est cette politique qui creuse le déficit de la sécurité sociale. Dès lors, on le voit bien, ce déficit est fabriqué de toutes pièces. Il faut le dire à nos concitoyens au lieu de les culpabiliser en insistant sur leurs dépenses de santé, prétendument faramineuses.
Selon les dernières prévisions, le seul déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse atteindrait 34,5 milliards d’euros cette année. Bien sûr, les dépenses ont augmenté avec la crise sanitaire ; mais, dans ce cas, mettons fin aux exonérations pour éviter de creuser le déficit.
Les non-compensations se sont multipliées, pour un coût réel de plus de 4 milliards d’euros par an, et ce uniquement depuis 2018, année où le gouvernement d’Édouard Philippe a choisi de remettre en cause ce principe fondateur.
On a donc beau jeu, trois ans après, de prétendre refonder le financement de la sécurité sociale sans lui donner les moyens d’assurer ses missions et de répondre aux besoins.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai à la suite l’amendement n° 23.
Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toute nouvelle mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale est compensée par la diminution à due concurrence d’une ou plusieurs réductions ou exonérations de cotisations de sécurité sociale existantes.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Par cet amendement comme au travers du précédent, nous dénonçons les différents dispositifs d’allègement de cotisations sociales patronales et nous réitérons nos propositions, dont le bien-fondé nous paraît évident.
Les allègements de cotisations sociales patronales atteignent 68 milliards d’euros. À titre de comparaison, le budget déployé en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, censée être la grande cause du quinquennat, est de 50 millions d’euros ; en parallèle, 1,6 milliard d’euros seront consacrés à l’enseignement scolaire en 2022.
Pour reprendre le titre du livre de mon ami Éric Bocquet, on parle bien là de « milliards en fuite ».
Mes chers collègues, ces allègements ont doublé entre 2013 et 2019. Aussi, je vous y exhorte : s’il doit y avoir une réforme des lois de financement de la sécurité sociale, commencez par supprimer ces allègements, qui, en se multipliant, amputent le budget de la sécurité sociale au point de le menacer dangereusement.
Non seulement ces dispositifs ont un coût exorbitant pour les finances publiques, mais ils sont rarement efficaces – c’est le moins que l’on puisse dire –, notamment sur le front de l’emploi. De toute évidence, les suppressions de cotisations n’entraînent pas de créations d’emplois.
Cela étant, nous ne nous contentons pas de dénoncer : nous proposons, par cet amendement, de créer un principe de non-prolifération des dispositifs d’exonération de cotisations sociales. Tout nouveau dispositif entraînera la suppression d’un dispositif existant pour un montant équivalent. Cette mesure de bon sens serait à même d’éviter l’inflation de dispositifs en la matière.
L’objectif de cette proposition de loi organique est, nous dit-on, de permettre un meilleur contrôle du Parlement : une telle mesure peut y contribuer. Refusons de voir plus longtemps s’envoler les milliards sans avoir notre mot à dire !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 22 et 23 ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Je l’ai déjà indiqué : la commission préfère conserver l’alinéa 37 dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale : d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, nous verrons bien si nous comprenons mieux l’intention de nos collègues députés. Le cas échéant, nous proposerons alors une modification. J’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 22.
À mon sens, il est loisible au législateur de prévoir divers modes de compensation : réduction d’une niche sociale, fixation des crédits budgétaires, affectation d’un impôt, etc. Aussi, j’émets également un avis défavorable sur l’amendement n° 23.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. À l’instar de la commission, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 22, de même qu’il était défavorable à l’amendement n° 21.
Madame Cohen, je suis également défavorable à l’amendement n° 23, en particulier pour des raisons d’ordre constitutionnel. En outre, vous le savez, dès lors que les exonérations sont compensées, l’opération reste neutre pour la sécurité sociale. Ainsi, l’intégralité des exonérations mises en œuvre pour répondre à la crise sanitaire liée au covid ont été compensées.
J’ajoute que plusieurs dispositions visent déjà à limiter la création de nouvelles réductions ou exonérations : je pense notamment à la loi de programmation des finances publiques, en vertu de laquelle la part des exonérations et réductions ne peut pas excéder une certaine part des recettes de la sécurité sociale. Cet indicateur est présenté chaque année en annexe du projet de loi de financement de la sécurité sociale et il est respecté.
Enfin, je rappelle que le présent texte renforce le cadre actuel en réservant aux lois de financement de la sécurité sociale l’exclusivité de la pérennisation des exonérations non compensées. Cette solution permet de préserver un équilibre entre l’encadrement des exonérations et la liberté du législateur ordinaire, à laquelle je ne doute pas que vous êtes très attachée.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Ma chère collègue, les exonérations que l’État accorde aux entreprises doivent bel et bien être compensées au profit de la sécurité sociale ; mais ces exonérations ne sont en aucun cas des cadeaux faits aux entreprises.
Un certain nombre de PME ont un besoin vital de se développer. Nous devons réindustrialiser notre pays, ce qui suppose d’avoir des prix compétitifs, au moins par rapport à nos concurrents européens.
J’y insiste : je parle non pas des grandes sociétés, mais des PME et des très petites entreprises (TPE). Depuis quelques années, grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et à divers dispositifs de réduction de charges, nous affichons un coût horaire à peu près comparable à celui de nos voisins.
C’est par ce biais, c’est par la création d’emplois que nous rembourserons nos dettes, qu’il s’agisse de celle de l’Unédic ou de la sécurité sociale. À l’inverse, si le coût social est trop élevé, on perdra des emplois. C’est avec des entreprises compétitives que nous gagnerons la bataille de l’emploi !
Mme la présidente. L’amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Théophile, Iacovelli, Lévrier, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 43
Compléter cet alinéa par les mots :
ou sur la dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier et des établissements médico-sociaux qui sont financés par l’assurance maladie et soumis à un objectif de dépenses
II. – Alinéa 58
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 3° Ayant un effet sur la dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier et des établissements médico-sociaux qui sont financés par l’assurance maladie et soumis à un objectif de dépenses ;
III. – Alinéa 77
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 5° Ayant un effet sur la dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier et des établissements médico-sociaux qui sont financés par l’assurance maladie et soumis à un objectif de dépenses ;
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à rétablir une disposition votée par l’Assemblée nationale : il s’agit d’inclure dans le champ des PLFSS les dispositions relatives à la dette des établissements de santé relevant du service public hospitalier et des établissements médico-sociaux financés par l’assurance maladie.
Cette proposition n’est pas nouvelle. D’une certaine manière, nous en avons déjà débattu à l’automne dernier, lors de l’examen du PLFSS et, depuis lors, notre position n’a pas changé.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous l’avez dit à l’automne dernier et vous l’avez répété aujourd’hui en commission : selon vous, cette disposition est inconstitutionnelle. Or, en vertu de la Constitution, « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».
La dette accumulée par ces établissements ayant nécessairement des effets sur l’équilibre général des comptes sociaux, cette disposition a toute sa place dans le présent texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement vise à revenir sur le vote de la commission.
Nous avons considéré que cette extension du champ des lois de financement de la sécurité sociale est contraire à la mission que la Constitution donne à ces lois, qui sont des textes de nature financière.
J’observe également qu’une telle modification du périmètre des PLFSS a pour but de légitimer les dispositions prises cette année en la matière, que nous avions d’ailleurs considérées comme un cavalier social ou, du moins, comme un tour de passe-passe : il s’agissait de transférer une part de la dette hospitalière à Cades tout en autorisant les hôpitaux à mener, à terme, des investissements d’un même montant.
Les dispositions que tend à introduire cet amendement peuvent sembler séduisantes ; mais, tôt ou tard, on serait très certainement tenté de transformer les projets de loi de financement de la sécurité sociale en projets de loi portant diverses mesures d’ordre social. Or une telle évolution serait préjudiciable, d’autant que les délais d’examen de ces textes sont particulièrement contraints.
À cet égard, je constate d’ailleurs que l’avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 consacre un article aux contrats entre les ARS et les hôpitaux relatifs à la reprise de la dette hospitalière. Aussi, je m’interroge : le Gouvernement considère-t-il cet article, dont il a eu l’initiative, comme un cavalier social ?
La commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’a pas la même interprétation que la commission : cette disposition nous paraît, au contraire, plutôt cohérente.
Monsieur Théophile, nous soutenons effectivement la prise en compte, dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale, des conséquences concrètes des décisions prises au sujet de la situation financière des hôpitaux. D’ailleurs, la Cour des comptes l’a souligné : le pilotage des finances publiques impose que l’on surveille l’évolution de l’endettement hospitalier, puisque les ressources des hôpitaux dépendent directement et principalement de l’Ondam. À cet égard, le terme de « cavalier » me surprend un peu.
En outre, cet amendement vise à reprendre la modification rédactionnelle apportée en séance à l’Assemblée nationale, laquelle permet d’établir un lien plus clair encore avec le champ des lois de financement de la sécurité sociale en limitant le périmètre aux établissements relevant du service public hospitalier.
Monsieur le rapporteur, j’y insiste, il n’y a pas de cavalier social !
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi parlons-nous de cavalier social ? Nous avons eu l’occasion d’en discuter l’année dernière : la dette des hôpitaux est essentiellement immobilière ; or les hôpitaux appartiennent à l’État ; et, désormais, vous reportez cette dette sur la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). C’est trop facile ! Admettez qu’il s’agit là d’un tour de passe-passe !
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 24, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 53
Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment en assurant l’accès à l’ensemble des données nécessaires pour réaliser cet exercice et sans que l’article L. 151-1 du code du commerce ne puisse s’y opposer
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Proposées par l’organisation non gouvernementale Action santé mondiale, les dispositions que tend à introduire cet amendement s’inscrivent dans une démarche de renforcement des informations mises à disposition des parlementaires pour contrôler les dépenses sociales.
Actuellement, ce contrôle est limité par le secret des affaires. Or, dans le contexte actuel d’inflation du prix des médicaments et de pandémie de covid-19, il est plus que jamais essentiel de progresser en faveur de la transparence des prix des médicaments.
À cet égard, je rappelle l’engagement des parlementaires communistes lors de la campagne européenne pour la levée des brevets sur les vaccins contre la covid-19.
À la fin du mois de juin dernier, le Président de la République a annoncé le doublement dans le plan Innovation Santé 2030 des crédits accordés aux laboratoires qui investissent dans la production ou dans la recherche. En parallèle, le budget de la sécurité sociale pour 2022 devrait dédier 400 millions d’euros supplémentaires à la recherche pharmaceutique et 1 milliard d’euros supplémentaires aux dépenses de médicaments.
Plus que jamais, il est urgent de lever le secret des affaires dans le secteur de l’industrie pharmaceutique afin de permettre un véritable contrôle parlementaire, garant à la fois de la démocratie sanitaire et de l’accès de tous aux produits de santé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Ma chère collègue, sur le fond, je comprends bien sûr votre souci d’assurer la bonne information du Parlement et de garantir une parfaite clarté en la matière. Toutefois, il ne me semble pas pertinent d’inscrire dans le présent texte une disposition dérogatoire au code de commerce.
Surtout, je m’interroge : peut-on réellement refuser de communiquer aux commissions des affaires sociales des deux chambres les informations qu’elles sollicitent ? En vertu de nos pouvoirs d’enquête, nous sommes parfaitement à même de lever le secret des affaires.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je le confirme : les conditions sont déjà réunies pour assurer la transparence. En parallèle, il faut préserver un certain nombre d’informations pour ne pas fausser les négociations à l’œuvre. Enfin, une disposition du code permet aux commissions des affaires sociales d’avoir accès aux informations pertinentes. Ce dispositif nous semble préférable.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets moi aussi un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 54, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 62
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 87
Remplacer les mots :
« 2° du VIII » est remplacée par la référence : « IX »
par les mots :
« 2° du VIII de l’article L.O. 111-3 » est remplacée par la référence : « 2° de l’article L.O. 111-9-4 »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – La section 1 du chapitre Ier bis du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° L’article L.O. 111-4 est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 111-4. – I. – Le projet de loi de financement de l’année est accompagné d’un rapport décrivant, pour les quatre années à venir, les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses des régimes obligatoires de base, par branche, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Ces prévisions sont établies de manière cohérente avec les perspectives d’évolution des recettes, des dépenses et du solde de l’ensemble des administrations publiques présentées dans le rapport joint au projet de loi de finances de l’année en application de l’article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Ce rapport précise les hypothèses sur lesquelles repose la prévision de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour les quatre années à venir. Ces hypothèses prennent en compte les facteurs concourant à l’évolution tendancielle de cet objectif ainsi que l’impact attendu des mesures nouvelles.
« En outre, ce rapport présente, pour chacun des exercices de la période de programmation de la loi de programmation des finances publiques en vigueur, les écarts cumulés entre, d’une part, les prévisions de recettes, de dépenses et de solde des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement qui figurent dans cette même loi et, d’autre part, les prévisions de recettes, objectifs de dépenses et solde décrits dans ce rapport.
« Le rapport précise les raisons et les hypothèses expliquant ces écarts ainsi que, le cas échéant, les mesures prévues par le Gouvernement pour les réduire.
« La prévision de solde cumulé de l’ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes concourant au financement de ces régimes pour la période allant de l’année en cours aux quatre exercices à venir est positive ou nulle. Le rapport présente les moyens et modalités permettant de parvenir à ce résultat. Toutefois, il peut être dérogé à la règle fixée à la première phrase du présent alinéa si une situation de circonstances exceptionnelles a été déclarée, en application du IV de l’article 62 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée ; le cas échéant, le rapport précise à l’issue duquel des dix prochains exercices le solde cumulé de l’ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes concourant au financement de ces régimes pour la période allant de l’année en cours audit exercice redeviendra positif ou nul ainsi que les moyens et modalités permettant de parvenir à ce résultat.
« II. – Sont jointes au projet de loi de financement de l’année des annexes :
« 1° Présentant des mesures relatives à l’équilibre des finances sociales, notamment :
« a) Détaillant, par catégorie, la liste et l’évaluation des recettes, des dépenses et du solde de l’ensemble des régimes obligatoires de base, par branche, ainsi que de chaque organisme concourant au financement de ces régimes, à l’amortissement de leur dette et à la mise en réserve de recettes à leur profit ;
« b) Justifiant les besoins de trésorerie des régimes et organismes habilités par le projet de loi de financement de l’année à recourir à des ressources non permanentes ;
« c) Détaillant l’effet des mesures du projet de loi de financement de l’année ainsi que des mesures réglementaires ou conventionnelles prises en compte par ce projet de loi sur les comptes des régimes obligatoires de base ainsi que sur l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, au titre de l’année à venir et, le cas échéant, des années ultérieures ;
« d) Détaillant les mesures ayant des effets sur les champs d’intervention respectifs de la sécurité sociale, de l’État et des autres collectivités publiques et l’effet de ces mesures sur les recettes, les dépenses et les tableaux d’équilibre de l’année des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant au financement de ces régimes et présentant les mesures destinées à assurer la neutralité des opérations pour le compte de tiers effectuées par ces mêmes régimes et les organismes concourant à leur financement pour la trésorerie de ces régimes et organismes ;
« 2° Présentant l’ensemble des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement et des mesures de réduction de l’assiette ou d’abattement sur l’assiette de ces cotisations et contributions, ainsi que celles envisagées pour l’année à venir, et évaluant l’impact financier de l’ensemble de ces mesures, en précisant les modalités et le montant de la compensation financière à laquelle elles donnent lieu. Ces mesures sont ventilées par nature, par branche et par régime ou organisme ;
« 2° bis (nouveau) Présentant, pour les années à venir, les programmes d’efficience des politiques de sécurité sociale relatifs aux dépenses et aux recettes de chaque branche de la sécurité sociale ; ces programmes comportent un diagnostic de situation appuyé notamment sur les données sanitaires et sociales de la population. Ils retracent, pour chacune des branches, les prestations financées et les évolutions attendues sur l’année à venir concernant la structure des dépenses et les bénéficiaires. Ils fixent pour chaque branche des objectifs dont le suivi sera assuré au moyen d’indicateurs précis dont le choix est justifié. Ils comportent une présentation des moyens mis en œuvre pour réaliser ces objectifs et l’exposé des résultats atteints lors des deux derniers exercices clos et, le cas échéant, lors de l’année en cours. Cette annexe comprend également un programme d’efficience relatif aux dépenses et aux recettes des organismes qui financent et gèrent des dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ;
« 3° Précisant le périmètre de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie et sa décomposition en sous-objectifs et analysant l’évolution, au regard des besoins de santé publique, des soins financés au titre de cet objectif. Cette annexe présente les modifications éventuelles du périmètre de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ou de la composition des sous-objectifs, en indiquant l’évolution à structure constante de l’objectif ou des sous-objectifs concernés par les modifications de périmètre. Elle précise les modalités de passage des objectifs de dépenses des différentes branches à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Elle fournit des éléments précis sur l’exécution de l’objectif national lors de l’exercice en cours ainsi que sur les modalités de construction de l’objectif pour l’année à venir, en détaillant, le cas échéant, les mesures correctrices envisagées et leurs impacts financiers ainsi que les mesures prises pour atteindre les objectifs d’économies fixés. Cette annexe indique également l’évolution de la dépense nationale de santé ainsi que les modes de prise en charge de cette dépense. Elle rappelle, le cas échéant, l’alerte émise par une autorité indépendante désignée par la loi. Elle présente en outre le taux prévisionnel de consommation pluriannuel se rattachant aux objectifs d’engagement inscrits pour l’année à venir, ainsi que le bilan des taux de consommation des objectifs d’engagement de l’exercice en cours ;
« 4° Présentant, pour le dernier exercice clos, l’exercice en cours et l’exercice à venir, les dépenses et les prévisions de dépenses de sécurité sociale relatives au soutien à l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap. Cette annexe indique également l’évolution de la dépense nationale en faveur du soutien à l’autonomie ainsi que les modes de prise en charge de cette dépense ;
« 5° Présentant la situation financière des établissements de santé et des établissements médico-sociaux financés par l’assurance maladie et soumis à un objectif de dépenses, notamment :
« a) Présentant la structure de financement de ces établissements et détaillant les actions menées en la matière, leur bilan rétrospectif et, concernant les dotations, leurs finalités et leur répartition par région et par établissement ;
« b) Retraçant, pour les établissements du service public hospitalier, l’évolution prévisionnelle des charges et des produits par titre, des dépenses d’investissement et de l’endettement et précisant les actions menées en vue d’améliorer l’équilibre financier de ces établissements ;
« c) Présentant les éventuels engagements pris par l’État relatifs à l’évolution pluriannuelle des ressources de ces établissements ;
« 5° bis (nouveau) Présentant, pour les années à venir, les objectifs pluriannuels de gestion et les moyens de fonctionnement dont les organismes des régimes obligatoires de base disposent pour les atteindre, tels qu’ils sont déterminés conjointement par l’État et les organismes nationaux de ces régimes. Ce rapport présente également les mesures de simplification en matière de recouvrement des recettes et de gestion des prestations de la sécurité sociale ;
« 6° Présentant, pour le dernier exercice clos, le compte définitif et, pour l’année en cours et les trois années suivantes, les comptes prévisionnels justifiant l’évolution des recettes et des dépenses et détaillant l’impact, au titre de l’année à venir et, le cas échéant, des années ultérieures, des mesures contenues dans le projet de loi de financement de l’année sur les comptes :
« a) Des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base, à l’amortissement de la dette de ces régimes et à la mise en réserve de recettes à leur profit ;
« b) Des organismes financés par des régimes obligatoires de base ;
« c) Des fonds comptables retraçant le financement de dépenses spécifiques relevant d’un régime obligatoire de base.
« Lorsqu’un projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit le transfert d’actifs aux organismes concourant à l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base ou l’augmentation de leurs ressources par la réalisation d’actifs publics, cette annexe fournit les éléments permettant d’apprécier l’intérêt financier de cette opération. Elle indique notamment la rentabilité passée et la rentabilité prévisionnelle des actifs concernés et le coût de la dette amortie par ces organismes ;
« 7° Comportant, pour les dispositions relevant du VI de l’article L.O. 111-3, les documents mentionnés aux dix derniers alinéas de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;
« 8° Présentant le rapport mentionné au III de l’article 62 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 précitée ;
« 9° Présentant la liste des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et précisant le nombre de leurs cotisants actifs et retraités titulaires de droits propres ;
« 10° Présentant les perspectives d’évolution des recettes, des dépenses et du solde et des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires pour l’année en cours et l’année à venir ainsi que l’impact sur ces perspectives des mesures nouvelles envisagées et précisant le nombre de leurs cotisants actifs et, pour chacun des régimes de retraite complémentaire, le nombre de retraités titulaires de droits propres.
« III (nouveau). – Les données servant aux tableaux et graphiques contenus dans les documents prévus au présent article sont rendues accessibles aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond du projet de loi de financement de la sécurité sociale sous forme électronique, dans un standard ouvert aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. » ;
2° Sont ajoutés des articles L.O. 111-4-1 et L.O. 111-4-2 ainsi rédigés :
« Art. L.O. 111-4-1. – I. – Le projet de loi de financement rectificative est accompagné d’un rapport décrivant, pour les quatre années à venir, les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses des régimes obligatoires de base par branche, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Ce rapport précise les hypothèses sur lesquelles repose la prévision de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour les quatre années à venir. Ces hypothèses prennent en compte les facteurs concourant à l’évolution tendancielle de cet objectif ainsi que l’impact attendu des mesures nouvelles.
« En outre, ce rapport présente, le cas échéant, pour l’année à laquelle se réfère ce projet de loi, une mise à jour des écarts mentionnés au deuxième alinéa du I de l’article L.O. 111-4 ainsi que les raisons et hypothèses justifiant ces écarts.
« II. – Sont jointes au projet de loi de financement rectificative des annexes :
« 1° Présentant des éléments d’information relatifs à l’équilibre des finances sociales, notamment :
« a) Détaillant, par catégorie et par branche, la liste et l’évaluation des recettes, des dépenses et du solde de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que de chaque organisme concourant au financement de ces régimes, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;
« b) Justifiant les besoins de trésorerie des régimes et organismes habilités par le projet de loi de financement rectificative à recourir à des ressources non permanentes ;
« c) Détaillant l’effet des mesures du projet de loi de financement rectificative ainsi que des mesures réglementaires ou conventionnelles prises en compte par ce projet de loi sur les comptes des régimes obligatoires de base ainsi que sur l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, au titre de l’année en cours et, le cas échéant, des années ultérieures ;
« 2° Précisant, si le projet de loi de financement rectificative prévoit une modification de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, le périmètre de cet objectif et sa décomposition en sous-objectifs. Cette annexe présente, le cas échéant, les modifications du périmètre de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ou de la composition des sous-objectifs, en indiquant l’évolution à structure constante de l’objectif ou des sous-objectifs concernés par les modifications de périmètre. Elle précise les modalités de passage des objectifs de dépenses des différentes branches à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Elle fournit des éléments précis sur l’exécution de l’objectif national de l’exercice en cours, en détaillant, le cas échéant, les mesures correctrices envisagées. Elle rappelle, le cas échéant, l’alerte émise par une autorité indépendante désignée par la loi ;
« 3° Comportant, pour les dispositions relevant du IV de l’article L.O. 111-3-1, les documents mentionnés aux dix derniers alinéas de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
« III(nouveau). – Les données servant aux tableaux et graphiques contenus dans les documents prévus au présent article sont rendues accessibles aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond du projet de loi de financement de la sécurité sociale sous forme électronique, dans un standard ouvert aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. »
« Art. L.O. 111-4-2. – I. – Sont jointes au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale des annexes :
« 1° Présentant les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale relatifs à chaque branche de la sécurité sociale ; ces rapports rappellent les objectifs et indicateurs assignés dans chacun des domaines couverts, résument les principaux résultats obtenus et précisent les actions et moyens mis en œuvre afin d’atteindre ces objectifs ; ils s’appuient sur un diagnostic de situation fondé notamment sur les données sanitaires et sociales de la population et sur l’exposé des résultats atteints lors des dernières années. S’agissant de la branche vieillesse, cette annexe analyse l’évolution de la soutenabilité financière de l’ensemble des régimes de retraite de base et complémentaires légalement obligatoires, en précisant les hypothèses de prévision et les déterminants de l’évolution à long terme des dépenses, des recettes et du solde de ces régimes ;
« 2° Énumérant l’ensemble des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement et des mesures de réduction de l’assiette ou d’abattement sur l’assiette de ces cotisations et contributions en vigueur au 31 décembre du dernier exercice clos. Cette annexe évalue l’impact financier de l’ensemble de ces mesures, en précisant les modalités et le montant de la compensation financière à laquelle elles donnent lieu, les moyens permettant d’assurer la neutralité de cette compensation pour la trésorerie desdits régimes et organismes ainsi que l’état des créances. Ces mesures sont ventilées par nature, par branche et par régime ou organisme. Cette annexe présente l’évaluation de l’efficacité de ces mesures au regard des objectifs poursuivis, pour au moins le tiers d’entre elles. Une mesure doit faire l’objet d’une évaluation une fois tous les trois ans ;
« 3° Fournissant des éléments précis sur l’exécution de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie au cours de l’exercice clos ;
« 4° Présentant l’état des recettes, des dépenses et du solde des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires pour le dernier exercice clos.
« II. – Sont également joints au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale :
« 1° Un rapport décrivant les mesures que le Gouvernement a prises ou compte prendre pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion de l’approbation des tableaux d’équilibre relatifs au dernier exercice clos. Ce rapport présente également un tableau, établi au 31 décembre du dernier exercice clos, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ;
« 2° Un rapport rendant compte de la mise en œuvre de la loi de financement du dernier exercice clos ;
« 3° En application de la mission d’assistance du Parlement et du Gouvernement confiée à la Cour des comptes par l’article 47-2 de la Constitution :
« a) Un avis sur la cohérence des tableaux d’équilibre du dernier exercice clos, mentionnés à l’article L.O. 111-3-2 du présent code, ainsi que sur la cohérence du tableau patrimonial du dernier exercice clos mentionné au 1° du présent II ;
« b) Le rapport, mentionné à l’article L.O. 132-2-1 du code des juridictions financières, de certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes des organismes nationaux du régime général, des comptes combinés de chaque branche et de l’activité de recouvrement du régime général, relatifs au dernier exercice clos, établis conformément au présent livre. Ce rapport présente le compte rendu des vérifications opérées aux fins de certification ;
« 4° Un rapport présentant, pour le dernier exercice clos et les années à venir, les objectifs pluriannuels de gestion et les moyens de fonctionnement dont les organismes des régimes obligatoires de base disposent pour les atteindre, tels qu’ils sont déterminés conjointement par l’État et les organismes nationaux de ces régimes, et indiquant, pour le dernier exercice clos, les résultats atteints au regard des moyens de fonctionnement effectivement utilisés. Ce rapport présente également les mesures de simplification en matière de recouvrement des recettes et de gestion des prestations de la sécurité sociale.
« III (nouveau). – Les données servant aux tableaux et graphiques contenus dans les documents prévus au présent article sont rendues accessibles aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond du projet de loi de financement de la sécurité sociale sous forme électronique, dans un standard ouvert aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. »
I bis (nouveau). – La section 2 du chapitre Ier bis du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L.O. 111-5-3 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 111-5-3. – Au plus tard une semaine avant que le Conseil d’État soit saisi du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année, le Gouvernement transmet au Haut Conseil des finances publiques les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour les quatre années à venir.
« Le Haut Conseil rend un avis sur l’ensemble des éléments mentionnés au premier alinéa. Cet avis est joint au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année lors de sa transmission au Conseil d’État. »
I ter (nouveau). – L’article L.O. 111-6 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’avis du Haut Conseil des finances publiques rendu en application du second alinéa de l’article L.O. 111-5-3 est joint à ce projet de loi et rendu public par le Haut Conseil lors de ce dépôt. »
II. – (Non modifié) Le II de l’article 9 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques est abrogé.
III (nouveau). – Au dernier alinéa de l’article L. 139-3, au premier alinéa de l’article L. 225-1-3 et au 2° de l’article L. 225-1-4 du code de la sécurité sociale, la référence : « 8° du III » est remplacée par la référence : « 6° du II ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 1 rectifié est présenté par Mmes Lassarade et Thomas, MM. Cadec, Panunzi, D. Laurent, Pointereau et Burgoa, Mmes Puissat, Dumont et Chauvin, M. Bascher, Mmes M. Mercier, Deromedi, Malet, Joseph et Goy-Chavent, M. Cuypers, Mmes Di Folco et Gosselin, MM. Genet, B. Fournier, Bonhomme, Rapin et Charon, Mmes Bonfanti-Dossat et Gruny, MM. Longuet, Lefèvre, Bouchet et Milon et Mme Lherbier.
L’amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Henno, Bonnecarrère et Mizzon, Mme Férat, MM. Lafon, Longeot et Canévet et Mme Dindar.
L’amendement n° 9 rectifié est présenté par Mme Guillotin, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre et MM. Fialaire, Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, avec notamment un volet consacré aux dépenses et recettes de médicaments inscrits sur les listes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 162-17 et à l’article L. 162-22-7, à l’article L. 5126-6 du code de la santé publique et aux médicaments mentionnés aux articles L. 5121-12 et L. 5121-12-1 du même code
La parole est à Mme Florence Lassarade, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié.
Mme Florence Lassarade. Cet amendement vise à compléter le rapport annexé à la loi de financement de la sécurité sociale par un prévisionnel consacré aux médicaments, tout en introduisant une dimension pluriannuelle.
Dans sa rédaction actuelle, l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale prévoit que doit être annexé à la loi de financement de la sécurité sociale un rapport pluriannuel décrivant « les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour les quatre années à venir ».
Néanmoins, cette disposition n’introduit pas de véritables contraintes dans la rédaction de ce rapport.
Lors des travaux préparatoires de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994, à l’origine des dispositions imposant un rapport pluriannuel, il a été relevé qu’« aucune limite autre que celle de l’objectif d’équilibre à moyen terme des comptes de l’ensemble des régimes n’est posée à la détermination par le Parlement des orientations à moyen terme des dépenses et des recettes de la sécurité sociale ».
De même, les travaux préparatoires de la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, en vertu de laquelle ce rapport doit comporter des dispositions relatives à l’Ondam, ont montré, de manière très générale, que, « en termes de contenu, le nouveau rapport exigé se limite plus rigoureusement que le précédent rapport aux seules questions de financement de la sécurité sociale ».
La pluriannualité que ce rapport est censé instituer reste donc on ne peut plus limitée.
Cette vision à court terme des dépenses de santé semble bien décalée, au moment même où la crise sanitaire nous impose de rendre aux acteurs du système de santé une certaine visibilité.
Le principe d’annualité budgétaire, qui guide chaque année la construction des lois de financement de la sécurité sociale, obère en effet toute capacité de projection, tant pour le régulateur que pour les opérateurs de santé. Le défaut de visibilité et l’instabilité juridique subséquente constituent des facteurs reconnus de la perte d’attractivité de la France auprès des investisseurs industriels.
Aussi, cet amendement tend à enrichir le rapport existant en y introduisant une dimension pluriannuelle relative au budget du médicament, premier contributeur aux économies de la loi de financement de la sécurité sociale. Ce budget représente 15,9 % des dépenses de l’assurance maladie pour une contribution à hauteur de 45 % des économies.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.
M. Olivier Henno. Mes chers collègues, la pluriannualité est précieuse à la fois pour le contrôle parlementaire, pour le pilotage des politiques publiques, pour l’information des citoyens et pour tous les opérateurs de santé : il s’agit là d’un enjeu essentiel pour que la France retrouve une véritable attractivité industrielle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Il est défendu !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission perçoit bien l’intérêt d’une telle information. Néanmoins, nous préférons en toute rigueur ne pas inscrire ces dispositions à l’annexe B.
Voilà pourquoi nous sollicitons le retrait de ces amendements au profit des amendements nos 2 rectifié, 4 rectifié bis et 10 rectifié. Ces amendements, qui ont les mêmes auteurs et seront présentés dans quelques instants, tendent à assurer la publication de ce rapport dans une annexe dédiée. À défaut d’un retrait, la commission émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Lassarade, l’amendement n° 1 rectifié est-il maintenu ?
Mme Florence Lassarade. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.
Monsieur Henno, l’amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?
M. Olivier Henno. Je le retire également, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.
Madame Guillotin, l’amendement n° 9 rectifié est-il maintenu ?
Mme Véronique Guillotin. Non, je le retire !
Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.
Je suis saisie de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 26, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, deuxième phrase
Supprimer les mots :
et du solde de
II. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
et de solde
III. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
IV. – Alinéa 9
Supprimer les mots :
et du solde
V. – Alinéa 37
Supprimer les mots :
et du solde
VI. – Alinéa 44, seconde phrase
Supprimer les mots :
et du solde
VII. – Alinéa 47
Supprimer les mots :
et du solde
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. En vertu de l’article 2, un rapport sur les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses pour les quatre années à venir doit être joint au PLFSS de l’année. Cette disposition vient renforcer la logique de pluriannualité de réduction des dépenses de la sécurité sociale. La création d’un indicateur de mesure des écarts entre les prévisions et les dépenses réellement engagées s’inscrit dans la même démarche.
De son côté, la commission des affaires sociales du Sénat a inséré un indicateur supplémentaire : la mesure du solde entre les dépenses et les recettes de la sécurité sociale.
Derrière cet outil se cache la volonté de mettre en exergue les dépenses jugées excessives de la sécurité sociale par rapport aux recettes, amputées chaque année de près de 100 milliards d’euros d’exonérations et de réductions de cotisations.
Surtout, avec la création de cet indicateur, il s’agit de transposer les règles des soldes structurels de la Commission européenne, lesquelles imposent aux États européens de ne pas dépasser un déficit de 3 % et un taux d’endettement de 60 %.
Cette volonté est assumée par le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin. Il l’a confirmé lui-même : l’objectif est « de faire du printemps, à l’occasion de la transmission du programme de stabilité à la Commission européenne, le grand moment parlementaire de débat d’orientation des finances publiques ».
Nous refusons cette logique d’austérité dictée par l’Europe et, en conséquence, nous demandons la suppression du solde dans les indicateurs de la sécurité sociale.
Mme la présidente. L’amendement n° 38, présenté par Mme Lubin, MM. Jomier et Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et G. Jourda, M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 4, 5, 30 et 47
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 44, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. L’article 2 ajoute aux lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale une annexe présentant une évaluation des politiques de sécurité sociale relatives à chaque branche, rappelant les objectifs assignés, les résultats obtenus et les moyens mis en œuvre. Or cette disposition est problématique, singulièrement pour ce qui concerne la branche vieillesse et l’annexe chargée d’analyser l’évolution de la soutenabilité financière de l’ensemble des régimes de retraite de base et complémentaires légalement obligatoires.
Monsieur le rapporteur, hier en commission, vous avez suggéré que mon but était, en fait, de défendre l’existence du Conseil d’orientation des retraites (COR) : ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit.
Je relève simplement que le COR mène déjà ce travail d’évaluation, en étudiant différents scenarii sur le fondement de quatre conventions. Ses résultats sont soumis au débat. En tout état de cause, ils sont présentés avec toutes les réserves nécessaires du fait qu’il s’agit de projections et qu’ils se fondent sur des conventions. Ils apportent à nos discussions des éléments en lesquels nous pouvons avoir entièrement confiance.
Aussi, je me pose tout bonnement cette question : à l’avenir, qui rédigera cette annexe et sur quelle base ? Nous le savons, il s’agit d’un sujet extrêmement sensible. En privilégiant telle ou telle convention, on peut orienter le débat à dessein.
Mme la présidente. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
pour les réduire
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Il est défendu !
Mme la présidente. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 16 rectifié est présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 25 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 37 est présenté par M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et G. Jourda, M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 50 est présenté par le Gouvernement.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéas 56 à 60
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié.
Mme Raymonde Poncet Monge. Cet amendement tend à revenir sur la création, prévue pour 2025, d’une règle d’or visant à garantir sur cinq ans un équilibre financier parfait des comptes de la sécurité sociale, introduite par le rapporteur en commission.
Les élus du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires désapprouvent l’inscription de ce principe dans le marbre de la loi. À l’évidence, sa portée est plus performative qu’opérationnelle, comme tend à le prouver la dérogation aussitôt introduite par voie d’amendement. En cas de « circonstances exceptionnelles », le délai pourra être porté de cinq à dix ans.
Sans précision ni discussion préalable des « moyens et modalités permettant de parvenir à ce résultat », le dispositif conduira à l’austérité, comme les précédentes mesures prises à cet égard.
L’instauration d’une telle contrainte nous inspire, sur le fond, un véritable désaccord : à nos yeux, la temporalité retenue n’est pas la bonne. Au surplus, alors que le pays traverse une crise sociale qui durera bien au-delà de la crise sanitaire liée au covid-19 et qui peut, de plus, connaître des rebondissements, le fait d’inscrire une telle disposition dans la loi semble à tout le moins risqué, d’autant que, pour amortir les effets de la crise, on a dû augmenter les dépenses de sécurité sociale.
La protection sociale joue un rôle d’amortisseur : en ce sens, nous devons trouver d’autres voies de régulation que le carcan un peu primaire de la règle d’or financière pour garantir la pérennité de notre sécurité sociale, à laquelle nous sommes tant attachés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 25.
Mme Laurence Cohen. La droite sénatoriale veut imposer une règle d’or aux comptes de la sécurité sociale… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Présenté comme novateur, ce mécanisme d’équilibre pluriannuel automatique entre les dépenses et les recettes est en réalité une généralisation de l’Ondam aux comptes de la sécurité sociale.
Depuis vingt ans, l’Ondam a servi de carcan financier pour imposer des restrictions budgétaires aux hôpitaux.
Chers collègues de la majorité sénatoriale, de manière tout à fait étonnante, vous ne tirez aucun enseignement de la crise provoquée par la pandémie de covid-19. Alors que nos concitoyens ont dû être confinés à quatre reprises depuis un an et demi du fait de la situation des hôpitaux, vous proposez de généraliser ce système.
C’est cette même logique qui a conduit à fermer des hôpitaux, à supprimer 100 000 lits en vingt ans, à annuler les projets d’investissement, à imposer un numerus clausus insuffisant pour répondre aux besoins et, globalement, à dégrader les conditions de travail et de rémunération des personnels hospitaliers, entraînant ainsi une pénurie de personnels.
En réalité, cette règle d’or est un arrêt de mort pour les hôpitaux.
Nous refusons cette obsession de réduction des dépenses sociales, sur le modèle des critères de Maastricht. À l’opposé, nous défendons un financement fondé sur les besoins auxquels la sécurité sociale doit répondre, en se dotant de nouvelles ressources. Ce sont précisément ces nouvelles ressources et ces nouvelles propositions que vous vous obstinez à refuser.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour présenter l’amendement n° 37.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement est identique aux précédents. En résumé, s’il est une règle d’or qui doit être respectée, c’est la loi Veil de 1994 !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 50.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. À l’instar des amendements qui viennent d’être défendus, cet amendement vise à supprimer la règle d’or.
Nous avons évidemment pour préoccupation le retour à l’équilibre des comptes publics, notamment des comptes sociaux. Toutefois, l’introduction d’une règle qui obligerait à adopter des lois de financement en équilibre, même si elle a été envisagée dans d’autres cadres – à l’occasion, par exemple, des discussions que nous avions entamées sur la réforme des retraites – et si elle est pertinente en soi, ne paraît pas adaptée à la situation actuelle.
Le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale doit tenir compte des déficits résultant de la crise sanitaire et de la baisse d’activité qui en découle, tout en préservant évidemment les capacités d’action de la sécurité sociale comme stabilisateur économique.
Par conséquent, s’imposer de présenter des comptes sociaux à l’équilibre dès 2025, comme vous le proposez – qui plus est sans indiquer les moyens permettant d’y parvenir – nous condamnerait soit à prévoir de façon précipitée des mesures allant à l’encontre de la politique menée par le Gouvernement soit à nous fixer un objectif peu crédible.
Nous excluons donc de procéder à des coupes claires, aveugles, notamment dans notre système de santé, en faveur duquel nous avons consenti des efforts inédits depuis 2017 et dont la crise a révélé toute l’importance.
De même, alors que la croissance redémarre, il serait irresponsable de risquer de la briser dès maintenant par une réduction drastique de l’investissement et du soutien publics. (M. Roger Karoutchi manifeste son approbation.) Vous vous en souvenez, le précédent de la crise de 2008 a montré combien il était contre-productif d’engager une politique de redressement des comptes trop brutale. C’est la croissance qui constitue la première solution aux déséquilibres actuels.
Les prévisions de croissance pour 2021 viennent, comme vous avez pu le constater, d’être réévaluées à 6,5 %. Nous commençons à récolter les fruits de notre politique vigoureuse de soutien à l’économie et à l’activité et n’entendons pas risquer de caler au redémarrage, si vous me permettez cette expression.
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 14, 21 et 44
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. La commission des affaires sociales a ajouté des programmes d’efficience des politiques de sécurité sociale, les PEPSS, dans la maquette des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Ces PEPSS ont pour but, selon le rapporteur, d’offrir une meilleure vision de la structure des dépenses à venir de chaque branche et de fixer, dès le vote de l’objectif de dépenses d’une branche, les objectifs de qualité et de performance qui lui sont assignés.
Nous y sommes opposés, pour différentes raisons. Tout d’abord, ces indicateurs, comme les soldes budgétaires, mesurent uniquement les recettes et les dépenses, sans prendre en compte l’ensemble des conséquences positives des dépenses sociales.
À titre d’exemple, la hausse des salaires des personnels de l’aide à domicile souhaitée sur toutes les travées de notre hémicycle entraîne une dépense supplémentaire, donc un solde négatif, et par conséquent amoindrit l’efficience budgétaire. Cela va de soi.
Cependant, cette augmentation renforcera le pouvoir d’achat de ces personnels et participera de ce fait à la relance de la consommation. Elle contribuera également à l’amélioration de leurs conditions de vie, en réduisant le stress lié aux fins de mois difficiles et l’épuisement professionnel dû aux heures supplémentaires, un deuxième emploi leur étant parfois nécessaire. Cette hausse des salaires diminuera en outre le recours aux soins et aux arrêts maladie. Enfin, elle entraînera une augmentation des cotisations sociales, qui profitera à tous.
Cet exemple illustre bien les limites de ces mécanismes budgétaires borgnes et déshumanisés.
Enfin, ces programmes d’efficience font la part belle à celles et ceux qui veulent segmenter les branches de la sécurité sociale et les rendre toujours plus étanches, alors que la sécurité sociale est une maison commune.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de ces PEPSS.
Mme la présidente. L’amendement n° 51, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 14 et 21
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 44, première phrase
1° Supprimer les mots :
et indicateurs
2° Remplacer les mots :
et moyens mis
par le mot :
mises
3° Après le mot :
population
insérer les mots :
, sur des objectifs retracés au moyen d’indicateurs précis dont le choix est justifié, sur une présentation des moyens mis en œuvre pour réaliser ces objectifs
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, si nous vous rejoignons sur la nécessité de supprimer les PEPSS, nous souhaitons en revanche conserver les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale, les REPSS. C’est pourquoi je vous demanderai plus tard de retirer votre amendement au profit de celui du Gouvernement.
Les PEPSS, distincts de ces rapports, ont été introduits dans le texte par un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat. Les informations qui y sont présentées nous semblent redondantes avec celles qui sont déjà contenues dans les REPSS.
Par ailleurs, leur mise en œuvre consisterait à copier la logique d’évaluation appliquée au budget de l’État, qui ne serait pas appropriée au financement de la sécurité sociale. En effet, il ne s’agit pas, en l’occurrence, de justifier de crédits limitatifs.
Enfin, sachez, si vous ne le savez pas déjà, qu’une évaluation des REPSS a été engagée pour les mettre à jour en continu au fil de l’année. Plusieurs d’entre eux sont en cours de refonte depuis deux ans.
Il nous semble plus pertinent de poursuivre ce travail d’amélioration, dans un cadre concerté, plutôt que de créer de nouvelles annexes potentiellement redondantes avec les documents existants.
Tel est le sens de l’amendement n° 51.
Mme la présidente. L’amendement n° 55, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Supprimer la deuxième occurrence du mot :
et
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Théophile, Iacovelli, Lévrier, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 44, première phrase
Après les mots :
lors des
insérer le mot :
trois
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. L’article L.O. 111-4-2 du code de la sécurité sociale nouvellement créé détaille les annexes qui seront jointes au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, notamment celles qui présentent les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale relatifs à chaque branche.
Il précise que ces rapports s’appuient sur « un diagnostic de situation fondé notamment sur les données sanitaires et sociales de la population et sur l’exposé des résultats atteints lors des dernières années ».
Cet amendement vise à préciser que cet exposé concernera les résultats atteints lors des trois dernières années, afin de garantir la qualité et la pertinence des analyses qui en seront tirées.
Mme la présidente. L’amendement n° 30, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 44, seconde phrase
Supprimer les mots :
et complémentaires
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 2 prévoit que les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale annexés au projet de loi d’approbation comprennent désormais une analyse de « l’évolution de la soutenabilité financière de l’ensemble des régimes de retraite de base et complémentaires légalement obligatoires ».
Cet élargissement du périmètre des lois de financement de la sécurité sociale aux régimes de retraite de base et complémentaires revient à grignoter les prérogatives des organisations syndicales pour gérer paritairement ces régimes. Il constitue surtout une étatisation supplémentaire de la sécurité sociale.
De même que nous refusons l’intégration de l’assurance chômage dans les lois de financement de la sécurité sociale, nous contestons le projet consistant à fondre la sécurité sociale dans une acception plus large de la protection sociale, qui dénature le système de sécurité sociale assis sur des cotisations sociales – salaires socialisés – et sur une gestion démocratique et paritaire.
Pour ces raisons, nous demandons l’exclusion des informations relatives aux régimes complémentaires de retraite des annexes de la loi de financement de la sécurité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 26. De façon surprenante, les auteurs de cet amendement semblent ne pas se soucier de l’évolution du solde des comptes de la sécurité sociale et privilégier un pilotage de la sécurité sociale par la dépense, à l’instar d’ailleurs de ce que prévoyait la proposition initiale de M. Mesnier, en phase sur ce point avec les services de M. Olivier Dussopt.
La commission a, au contraire, souhaité que les éventuels écarts par rapport aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques en matière de recettes et de solde viennent compléter cette vision en raison de la sensibilité particulière des comptes sociaux à la notion d’équilibre. Nous complétons donc la présentation des dépenses par celle des recettes.
L’amendement n° 38 vise à supprimer deux mesures de nature très différente, mais également validées par la commission : d’une part, le compteur des écarts, qui impose au Gouvernement d’expliquer les éventuels écarts entre la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de programmation des finances publiques, d’autre part, la création d’une annexe informative sur les régimes complémentaires.
Contrairement à ce que craignent les auteurs de cet amendement, une telle amélioration de l’information du Parlement ne remet en aucune façon en cause la gestion paritaire. Nous nous en sommes expliqués largement. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 32 rectifié. La normativité réelle de l’expression du Gouvernement dans le rapport où il présente les écarts entre la LFSS et la loi de programmation des finances publiques, ainsi que les mesures qu’il entend prendre, le cas échéant, pour les réduire, est sans doute faible.
Cependant, la description de ses intentions est de nature à éclairer le Parlement. Il convient donc de conserver ce dispositif, en rejetant cet amendement.
Je rappelle d’ailleurs que la commission a complété le compteur des écarts introduit par les députés. Les écarts, et donc les mesures, concerneront aussi les recettes – ce que les auteurs de l’amendement devraient apprécier.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 32 rectifié.
J’en viens aux amendements identiques nos 16 rectifié, 25, 37 et 50.
L’instauration d’un mécanisme permettant de couper le robinet de la dette sociale sera nécessaire lorsque la crise actuelle sera derrière nous. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je redis ma disponibilité pour discuter des modalités précises de la règle d’or ou encore de sa date d’entrée en vigueur. En effet, vous avez l’air de dire que 2025, c’est un peu tôt. M. Olivier Dussopt a annoncé qu’en 2024 le déficit de la sécurité sociale s’établirait à 13 milliards d’euros.
M. Bernard Bonne. Allons-y !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Espérons que nous pourrons rétablir l’équilibre au cours des cinq ans qui suivront ! Voilà, tout simplement, ce que nous demandons.
Une clause prévoit par ailleurs que dans le cas où, par malheur, une crise pandémique ou économique surviendrait de nouveau, cette mesure pourrait être suspendue temporairement.
Par cette règle, nous nous donnons l’obligation de tendre vers un « déficit zéro », sur une période longue, de cinq ans.
Tout a déjà été dit à ce sujet, selon que l’on veut ou non se contraindre. C’est en tout cas comme cela que je l’interprète. Je le dis aux populations, qui sont opposées au trou de la sécurité sociale. Elles savent en effet très bien qu’il remet en cause l’avenir de dispositions qui sont nécessaires à leur vie quotidienne.
Monsieur le secrétaire d’État, l’amendement de la commission tend à prévoir, outre l’instauration d’une règle d’or, que le Haut Conseil des finances publiques donne un avis sur la crédibilité de la trajectoire financière quadriennale de la sécurité sociale présentée en annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le Gouvernement serait-il favorable à ce dispositif et, dans le cas contraire, pour quelles raisons s’y opposerait-il ?
La commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 16 rectifié, 25, 37 et 50.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 28. Je conteste en effet l’accusation gratuite et infondée qu’il porte. Les programmes d’efficience, les rapports d’évaluation et les annexes dédiées aux moyens des caisses sont des outils d’information et d’évaluation à disposition du Parlement. Je regrette que cet amendement vise à affaiblir cette information sous prétexte que la commission voudrait réduire les dépenses sociales. Nous voulons simplement en mesurer l’intérêt et l’efficience, non les réduire.
Vouloir suivre le bon emploi de ces dépenses, c’est vouloir assurer la qualité des prestations rendues au service des Français. Je pensais que nous partagions ce point de vue. Nous n’avons pas dû bien nous comprendre. J’imagine pourtant que vous êtes d’accord, vous aussi, madame Apourceau-Poly, pour favoriser la qualité des prestations.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, l’amendement du Gouvernement vise à supprimer l’annexe créée par la commission que sont les programmes d’efficience des politiques de sécurité sociale.
Il s’agit de reproduire dans des annexes le chaînage vertueux que le Gouvernement entend reprendre en loi de finances par la création des lois d’approbation dissociées des LFSS.
J’entends que cela surchargerait l’administration. Or il n’est pas question de produire des annexes de 300 pages ! L’idée est de constituer une série d’éléments sur la structure des dépenses et sur les raisons de l’évolution des objectifs de dépenses sur l’année. Concrètement, pour prendre l’exemple des retraites, il serait bon, comme cela est fait pour le bleu budgétaire du compte d’affectation spéciale « pensions », de savoir combien de nouveaux retraités sont attendus pour l’année à venir, quel serait le niveau de la pension moyenne et comment s’explique l’évolution de la dépense.
On me dit aussi que les documents de la commission des comptes de la sécurité sociale apportent ce genre d’informations. Je rappelle néanmoins que cette commission, à laquelle nous sommes quelques-uns à appartenir, n’est pas le Parlement. Il suffit à l’administration de mettre ces documents en annexe du PLFSS. CQFD. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 51.
La commission est par ailleurs favorable à l’amendement n° 44 rectifié, qui vise à limiter aux trois dernières années la comparaison avec les exercices antérieurs prévue au sein des REPSS. Je doute qu’en l’absence de cette précision le Gouvernement se soit senti obligé de remonter à la création des lois de financement de la sécurité sociale, mais cette précision rédactionnelle n’est pas nuisible ! (Sourires.) Sans enthousiasme, bien sûr, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
La commission émet en revanche un avis défavorable sur l’amendement n° 30. L’article 2 prévoit qu’une annexe du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale analyse l’évolution de la soutenabilité financière de l’ensemble des régimes de retraite de base et complémentaires légalement obligatoires, en précisant les hypothèses de prévisions et les déterminants de l’évolution à long terme des dépenses, des recettes et des soldes de ces régimes.
Il me semble que la présentation d’une telle analyse contribuerait à éclairer le Parlement sur la situation financière globale du système des retraites, sans pour autant remettre en cause la gestion autonome des régimes complémentaires par les partenaires sociaux.
En effet, la proposition de loi organique prévoit non pas d’inclure ces régimes dans le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale, mais uniquement de renforcer l’information des parlementaires par le biais d’une annexe.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 26, 38 et 32 rectifié, mais un avis favorable sur les amendements identiques nos 16 rectifié, 25 et 37, identiques à l’amendement n° 50 du Gouvernement.
Ces amendements identiques tendent à supprimer la règle d’or pour les raisons que j’ai exposées précédemment, notamment pour éviter tout risque d’effet contracyclique durant la période de reprise économique que nous traversons.
Le Gouvernement demande par ailleurs le retrait de l’amendement n° 28 au profit de l’amendement n° 51. Nous sommes d’accord avec la première partie de cet amendement, qui porte sur les PEPSS, mais non avec la seconde. À défaut de retrait, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 55.
Son avis sera également favorable – vous me prêtez de mauvaises intentions, monsieur le rapporteur ! (Sourires.) – sur l’amendement n° 44 rectifié visant à limiter à trois ans le diagnostic contenu dans les REPSS. Il n’est nul besoin, en effet, de remonter à la création des lois de financement de la sécurité sociale !
Enfin, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 30.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je tiens tout d’abord à signaler que, pour la première fois de notre histoire, la dette de la sécurité sociale dépasse celle des collectivités locales – qui sont, elles, soumises à la fameuse règle d’or.
Il ne serait donc pas absurde de mettre fin aux dépenses de confort. Certes, il s’agit d’un bon confort, non d’un mauvais confort ni d’un « surconfort » ! Il reste que nous ferons payer ces dépenses à nos enfants, pour notre bénéfice.
Il faut retrouver le chemin de l’équilibre. Or ce chemin, monsieur le secrétaire d’État, est défini à l’article 34 de la Constitution, dont découle la loi organique : « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier » – non de son déséquilibre permanent ! – « et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses. » C’est ce qui est dit dans la Constitution, madame Apourceau-Poly !
On peut vouloir changer les termes de la Constitution, mais je ne pense pas que tel soit l’objectif d’une loi organique.
Enfin, tout ceci s’inscrit dans des lois de programmation pluriannuelle, ces orientations pluriannuelles s’inscrivant « dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».
Le texte prévoit une méthode pour suivre les lois de financement de la sécurité sociale. On nous objecte que ce n’est jamais le bon moment pour le faire, mais la loi organique n’est pas une loi du moment, monsieur le secrétaire d’État ! Il n’est pas question d’y revenir toutes les cinq minutes !
La proposition très raisonnable de M. le rapporteur devrait être écoutée. On peut discuter des dates. Nous comprenons la crise du covid-19, d’autant que nous en vivons encore les conséquences. La méthode suggérée ne m’en paraît pas moins pertinente.
L’objectif de la règle d’or est de dégager des recettes afin de pouvoir faire des investissements, notamment dans l’hôpital public. Ne nous y trompons pas ! Cela ne pose aucun problème, car nous avons pris beaucoup de retard. En vérité, nous nous sommes endettés pour couvrir les dépenses courantes, non pour préparer l’avenir de nos hôpitaux et faire face aux pandémies.
Je voterai contre les amendements de suppression de la règle d’or, qui est bonne mesure, la seule très grande mesure de ce texte d’ailleurs…
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas la seule !
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Nous ne pouvons pas vivre éternellement au-dessus de nos moyens. Nous sommes tous attachés à notre modèle social. Il faut trouver le financement nécessaire pour le maintenir. Nous ne pourrons pas éternellement faire supporter le coût de nos soins et de nos prestations sociales à nos enfants. Il faut être réaliste !
Je sais bien que nous sommes dans une période marquée par le « quoi qu’il en coûte ». Tous les jours, des mesures sociales sont annoncées, qui coûtent toujours plus cher, sans qu’il soit jamais question de leur financement. Il faudra pourtant bien y réfléchir un jour, pour ne pas courir le risque de mettre à bas notre modèle social !
La règle d’or me paraît donc un moindre mal. Elle a au moins l’avantage de nous contraindre à définir une politique et une stratégie. Elle montre que nous sommes soucieux de parvenir un jour à l’équilibre afin de ne pas faire porter le poids de notre dette à nos enfants.
Il est important de se préoccuper d’efficience. L’exemple de l’augmentation des salaires a été évoqué précédemment. Nous trouvons tous que les salaires des aides à domicile ou des personnes qui travaillent dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sont insuffisants. Toutefois, augmenter leurs salaires, lesquels sont pris en charge par le biais de l’allocation personnalisée d’autonomie ou d’autres prestations, sans accroître les budgets, conduit à une diminution du nombre d’heures travaillées.
La mesure de l’efficience permet de vérifier, lorsqu’on déploie une politique assortie d’un certain nombre de moyens, qu’elle produit les effets attendus et non des effets délétères semblables à ceux qui peuvent se produire lorsqu’on modifie une certaine politique. La notion d’efficience est donc cruciale.
Nous voulons un système de retraite par répartition. Dans un tel système, les actifs d’aujourd’hui financent les pensions des retraités actuels. Financer ces prestations par la dette revient à faire supporter leur coût par les générations futures, donc à remettre en cause le principe de la répartition auquel nous sommes majoritairement attachés – même si d’autres modèles, supplémentaires ou complémentaires, pourraient être envisagés.
Pour avoir une vision globale, il est important que le Parlement puisse étudier, par le biais des annexes, ce qu’il se passe au niveau des régimes complémentaires.
Nous sommes attachés à la gestion des régimes complémentaires par les partenaires sociaux. C’est pourquoi nous veillerons, au Parlement, à empêcher toute étatisation de ces dispositifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Depuis mon élection en 2014, depuis même que je m’intéresse aux projets de loi de financement, je n’ai vu que des gestions comptables.
Entre 2013 et 2018, le taux de progression de l’Ondam était de 2 % par an, alors que les dépenses de l’hôpital augmentaient de 4 % par an, simplement pour assurer la gestion quotidienne, sans augmenter les salaires.
La gestion a ensuite été un peu moins comptable, l’Ondam ayant été porté à 2,5 %. Un important déficit subsistait néanmoins en matière de rémunération, bien que des mesures aient été prises dans les services d’urgences.
J’en viens à la règle d’or. Il est possible de fixer des objectifs intégrant des financements pour les hôpitaux, la médecine de ville et les établissements médico-sociaux sur un temps plus long. C’est ce que j’ai retenu des propos de M. le rapporteur. Toutefois, en cas circonstances exceptionnelles, comme une nouvelle pandémie, il serait possible déroger à cette règle.
La règle d’or consiste à mon sens à bien estimer les besoins des hôpitaux, des établissements médico-sociaux et en matière d’aide à domicile. D’après ce que j’ai lu, l’année prochaine, environ 200 millions d’euros seront dégagés pour les Ehpad, autant dire rien. En effet, cela représente à peine une aide-soignante par Ehpad ! Je reconnais néanmoins que des efforts sont réalisés pour le maintien des patients à domicile.
Il n’en demeure pas moins que des projections devront être effectuées dans les cinq ans à venir pour les hôpitaux, la médecine de ville et surtout les établissements médico-sociaux, un grand nombre de personnes âgées étant attendues à partir de 2030. Il faut élaborer une projection à cinq ans, fixer des objectifs chiffrés et s’y tenir.
Je voterai par conséquent pour la règle d’or et pour le maintien et le renforcement de la sécurité sociale afin d’améliorer la gestion de l’hôpital, de la médecine de ville et des établissements médico-sociaux.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Le débat n’oppose pas d’un côté les personnes responsables, cautions d’une bonne gestion et partisanes de la règle d’or, et de l’autre les dépensiers qui ne voudraient pas inscrire cette règle dans la loi.
Notre groupe est attaché à la bonne maîtrise des finances publiques et des comptes sociaux, ainsi qu’au retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale. Pour rappel, nous n’étions pas loin d’y parvenir avant la crise sanitaire. Pourtant, la règle d’or n’était pas inscrite dans la loi organique !
L’idée d’une règle d’or peut et doit probablement être débattue. Elle peut être pertinente par temps calme, en période normale. Toutefois, si tout va mieux aujourd’hui et si la crise semble, au moins temporairement, voire, je l’espère, de manière pérenne, s’éloigner, nous n’en sommes pas certains.
Nous l’avons peut-être un peu oublié, mais si la dette a augmenté, c’est parce que des dépenses ont inexorablement dû être effectuées pour faire face à cette crise sanitaire. Il a fallu notamment remettre les hôpitaux à flot, en les dotant de personnels. Des soignants étaient encore dans la rue pas plus tard qu’hier. SOS Médecins revendique en particulier une revalorisation des visites à domicile, dont les cotations sont actuellement sous-évaluées.
Il nous semble donc que cette période n’est pas propice à l’inscription de la règle d’or dans le projet de loi organique. Pour toutes ces raisons, nous voterons les amendements qui ont pour objet de la retirer de ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. En plus de défendre l’amendement n° 25, je veux souligner qu’il faut bien mesurer les conséquences de l’inscription de cette règle d’or dans le texte. Il n’y aura plus d’autre choix pour les gouvernements à venir que de réduire les dépenses de la sécurité sociale. Ils ne pourront pas, par exemple, décider de les augmenter pour améliorer les remboursements des frais de santé de nos concitoyens. Par conséquent, vous allez continuer d’affaiblir notre système de sécurité sociale et l’orienter encore davantage vers un financement par l’impôt.
Comme je l’ai déjà dit, notre groupe est favorable à l’arrêt des exonérations de cotisations patronales. En effet, vous le savez bien, l’assèchement des recettes de la sécurité sociale résulte non seulement de l’accroissement exponentiel du chômage, mais aussi de l’absence de stratégie industrielle ambitieuse. Tout cela nuit aux recettes de la sécurité sociale.
Je veux rassurer ceux de mes collègues qui craignent que nos propositions ne mettent en difficulté les entreprises, notamment les PME. Ce n’est pas du tout le cas, car nous voulons aussi développer un financement via une contribution sur les revenus financiers des entreprises qui serait modulée selon leur politique sociale, environnementale et économique. On pourrait ainsi garantir l’accès universel à des soins de qualité dans l’ensemble du territoire hexagonal et dans les outre-mer.
Chacun d’entre nous doit assumer le projet qu’il soutient. Défendre cette règle d’or, c’est privatiser la santé en limitant volontairement le budget des hôpitaux, notamment. Nous nous y refusons et c’est la raison pour laquelle nous présentons l’amendement n° 25.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Daniel Chasseing a raison lorsqu’il dit que la gestion a été comptable. En réalité, cela n’a pas duré de 2013 à 2018, mais de 2010 jusqu’à la survenue de la pandémie, soit une décennie. Par quel mystère un tel constat, qui est loin d’être celui d’un succès, peut-il aboutir à l’instauration d’une règle d’or ? Le tête-à-queue est spectaculaire ! C’est la signature de ceux qui ne voient dans la dépense sociale qu’une charge qui pose des problèmes au pays.
Or nous sommes convaincus, pour notre part, que notre système de protection sociale est un atout qui permet aux Français de mieux vivre ensemble, parce qu’il leur assure une protection commune.
Je considère comme une maladresse d’expression la formule de notre collègue Bascher, car il ne s’agit évidemment pas de dépenses de confort, mais de dépenses vitales et nécessaires dans le parcours de vie de chacun.
Parmi les questions qui se posent, il y a notamment celle de la pérennité des recettes de notre système de protection sociale. Cependant, vous voulez instaurer une règle d’or en l’inscrivant dans un texte qui n’aborde le sujet que sous le prisme des dépenses. Le mot « recettes » est devenu tabou.
Pourtant, les collectivités locales – j’en parle parce que vous les avez évoquées – ont mis le sujet sur la table, ce qui a donné lieu à de nombreux débats avec le Gouvernement, à la suite des réformes de la fiscalité locale. Néanmoins, quand il s’agit de protection sociale, on ne parle plus des recettes.
La règle que vous voulez établir figera l’équilibre et je souscris aux arguments qui ont été présentés sur la grande brutalité que représentera l’inscription de cette règle, dans le contexte actuel. Si vous persistez, il faut au moins commencer par ouvrir un débat sur les recettes, qui abordera la question de manière complète et qui permettra de déterminer ce que doit être l’équilibre de notre système de protection sociale et comment celui-ci doit être garanti. En effet, nous vous donnons acte du fait que cet équilibre est l’une des garanties de la pérennité du système. C’est effectivement le cas, dès lors que l’équilibre n’est pas obtenu sous l’effet d’un esprit de système selon lequel il faudrait sans cesse diminuer les recettes et comprimer la dépense.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Certains en viendront bien sûr à agiter le problème de la dette. Avant d’en parler, qu’il s’agisse de la dette de la sécurité sociale ou de la dette publique, il serait bon de faire un audit pour déterminer comment cette dette s’est construite.
Il y a bien sûr, chacun le sait, l’événement exceptionnel de la crise du covid-19. Cependant, d’autres éléments ont favorisé cette dette sur un temps plus long, à l’échelle d’une décennie, voire plus, comme l’a rappelé le sénateur Jomier.
Le sénateur Chasseing doit pousser son raisonnement jusqu’au bout. L’Ondam est resté, systématiquement, des années durant, inférieur à ce qu’aurait nécessité une logique de besoins, procédant d’un calcul presque mathématique, pour que l’on ne soit pas obligé d’interdire à partir du mois de novembre de l’année en cours certains remboursements ou de refuser de dispenser des soins en urgence. Cette logique, chacun le savait, poussait à aller au-delà des 4 %. Pourtant, on en est resté là et c’est ainsi que la dette s’est constituée. En effet, la dette de l’hôpital n’est pas qu’immobilière. Elle résulte aussi d’un fonctionnement complètement décalé.
Cela revient à dire que nous n’avons pas forcément vécu au-dessus de nos moyens, mais que les recettes ont été en dessous de nos besoins, comme l’a rappelé le sénateur Jomier.
Il faut aussi en finir avec l’argument d’une dette que l’on transmet aux enfants. On dit depuis longtemps qu’ils subiront une dette écologique, alors que nous devons déjà faire face à ses conséquences. En réalité, notre système de protection sociale développe une politique de l’enfance et consacre aux enfants un certain nombre de dépenses. En fait-on suffisamment ? Est-il normal que, quand il a des idées suicidaires, un enfant doive attendre neuf mois pour être examiné par un pédopsychiatre ? Est-il normal que, lorsqu’il est en situation de handicap, un enfant n’ait pas forcément un accompagnateur ?
L’insuffisance des dépenses qui leur sont consacrées pénalise déjà les enfants, sans qu’il y ait besoin d’attendre demain pour que les générations futures subissent les effets de la dette.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Hier, lors de la discussion générale, notre collègue Véronique Guillotin se demandait ce que les médias et les citoyens retiendraient de nos débats. Je souscris à ses propos.
Les amendements qu’ont présentés un certain nombre de mes collègues nous privent des outils que nous souhaitions introduire dans cette loi organique. Pourquoi ajouter ces outils de gestion et de pilotage de notre système social ?
Contrairement à ce que disait Mme Poncet Monge, je considère que nous avons un contrat d’engagement envers les générations futures. On peut transmettre à nos enfants un patrimoine ou un héritage. Lorsque notre pays engage des dépenses importantes pour développer un système social qui protège chacun d’entre nous, on doit aussi pouvoir dire à quel moment on remboursera cette dette. Pour mener un projet d’investissement, il faut établir un plan pluriannuel de dépenses. Il en va de même pour la dette sociale : nous devons prévoir à quel moment elle pourra être remboursée… ou pas.
La règle d’or peut ainsi s’entendre comme un contrat d’assurance pour les générations futures, qui pourront elles aussi dépenser en fonction des besoins qu’elles auront déterminés. Nous ne pouvons pas les laisser dans l’idée que les finances seront exsangues au point qu’elles ne pourront décider de la politique sociale qu’elles voudront mener.
Quant à l’efficience, elle ne se mesure pas seulement par la quantité, mais aussi par la qualité. Je considère que la revalorisation des salaires est un investissement d’avenir. Il me semble en effet que, en France, dans les secteurs sanitaire et médico-social, les salaires sont beaucoup trop bas et ne témoignent pas de la reconnaissance que nous devons avoir envers ceux qui nous soignent et qui sont auprès des personnes les plus fragiles.
La revalorisation des salaires ne doit donc pas être envisagée comme une dépense, mais comme une recette au profit de ces catégories de personnel, en compensation des difficultés morales qu’elles affrontent.
Ces outils sont importants et nous devons les inscrire dès aujourd’hui dans la Constitution.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. J’apprécie le débat que nous avons, mais je considère avant tout qu’il y a des dépenses et des dettes utiles. Nous parlons tous de l’avenir de nos enfants et du fait qu’il faudra expliquer aux générations futures les dettes que nous avons laissées.
Cependant, que fait-on pour les jeunes qui vont actuellement à la fac, qui logent dans des piaules de vingt mètres carrés – je suis généreuse ! – et qui font la queue à la Banque alimentaire ou au Secours populaire pour être aidés ? Les laissera-t-on mourir, avec cette règle d’or ? Qu’ira-t-on leur expliquer dans quelques années ?
Les difficultés sont pourtant visibles. Aujourd’hui les psychologues étaient dans la rue. Toutes les sages-femmes étaient mobilisées dans les hôpitaux, le week-end dernier. Et l’on parle de règle d’or ?
La règle d’or, aujourd’hui, c’est la réduction des dépenses publiques ! La règle d’or, demain, c’est moins de fonctionnaires, et des hôpitaux vidés de leur personnel ! Voilà ce qu’est la règle d’or !
Il ne faut pas s’y tromper. Appliquer la règle d’or, « quoi qu’il en coûte », c’est moins de personnel dans les services publics. Or je considère que, dans la situation où nous sommes, nous avons besoin de développer l’éducation et les services de santé. Les personnes qui vivent dans les villes, autour de nous, ont besoin d’avoir davantage accès à la santé et à l’éducation.
Par conséquent, je ne crois pas que l’on dépense à outrance, bien au contraire. Il est normal de soigner les gens, il est normal que les jeunes aient des professeurs en face d’eux.
Comment donc peut-on parler de règle d’or, alors que la crise liée à la pandémie n’est pas terminée ? On n’arrête pas de nous le dire, et nous le constatons effectivement, même si la situation s’est un peu améliorée. Nous devons donc veiller à ce que, dans les hôpitaux, le personnel soit en nombre suffisant, tout comme à l’école, pour aider les jeunes et les familles qui sont en difficulté. Je ne crois pas que nous pourrons le faire en appliquant cette règle d’or, qui exige que l’on supprime certaines dépenses publiques. Je tiens en effet à rappeler que la dépense publique, c’est l’égalité des citoyens. Je suis donc pour la dépense publique ! (Mme Laurence Cohen applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. Je veux partager un témoignage sur l’efficience dans l’utilisation des moyens publics, notamment dans le secteur social et médico-social.
Depuis sept ans que je siège au Sénat, je travaille de très près tous les budgets, notamment ceux qui sont liés au domaine du handicap, soit à peu près 31 milliards d’euros, quand on cumule l’ensemble des acteurs. Cela fait sept ans que tous les acteurs nous expliquent que, à cause d’un problème d’organisation ou de « tuyauterie », les sommes consacrées, aussi importantes soient-elles, ne permettent pas de régler tous les problèmes.
Ils nous disent donc tous qu’il faut réorganiser le secteur et pourtant ils ne le font pas. Pourquoi ? Parce que, chaque fois qu’un problème surgit, on déplore le manque de moyens et on rajoute de l’argent. Puis, on se rend compte qu’il n’y a toujours pas assez de moyens et on rajoute de l’argent. On ne règle ainsi jamais le problème d’organisation, alors que c’est l’essence même d’une utilisation efficiente des moyens publics.
Si l’on ne se fixe pas, à un moment donné, des limites et des contraintes, on continuera en permanence de répondre aux difficultés sans y répondre véritablement, alors même que les acteurs du secteur vivent ces difficultés comme une contrainte.
Il est essentiel que nous ayons la volonté de toujours mieux servir nos concitoyens en souffrance, mais pour le faire, nous devons agir dans l’ordre, en commençant par repenser notre organisation et l’utilisation des crédits publics mobilisés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. On n’a qu’à taxer les revenus du capital !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. J’apprécie les propos que Philippe Mouiller vient de tenir, car ils illustrent parfaitement le débat que nous avons eu et que certains de nos collègues semblent mal comprendre. Plutôt que de mettre en cause leur honnêteté intellectuelle, je mettrai cela sur le compte de la politique politicienne…
Mme Laurence Cohen. De quel côté est-elle ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Je crois que vous vous trompez. La règle d’or est une règle d’équilibre. Il ne s’agit pas de réduire les dépenses. Mais, si les dépenses augmentent, il faut augmenter les recettes. Le principe est tout simple, c’est celui de l’équilibre.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Taxons les revenus du capital !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Libre à vous de penser que, pour cela, il faut davantage imposer le capital, mais nous devons en discuter. Cela fait partie de la règle d’or qui, je le répète, est une quête d’équilibre.
Nous savons que la pression démographique, notamment le vieillissement de la population, nécessitera d’augmenter les recettes. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
Je dis simplement qu’il est de notre devoir de respecter l’équilibre pour les générations futures. Voilà ce qu’est la règle d’or.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 rectifié, 25, 37 et 50.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 175 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 127 |
Contre | 215 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 28.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 27, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après la deuxième occurrence du mot :
mesures
insérer les mots :
, ainsi que leur impact sur les créations d’emplois et l’évolution des salaires
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cette série de votes donne l’impression de courir un marathon… (Sourires.)
L’annexe 5 du PLFSS qui retrace les différentes mesures d’exonération de cotisations sociales reste très sommaire quant à l’évaluation de ces dispositifs. Lorsque des évaluations aboutissent à constater l’inefficacité de certaines niches, celles-ci ne sont que fort rarement remises en cause. Or il ne s’agit pas de quelques euros, mais de milliards d’euros.
Il est donc indispensable que la représentation nationale puisse avoir une connaissance plus fine de l’utilisation par les entreprises de ces dispositifs. Pour favoriser la transparence, nous proposons a minima de disposer d’une évaluation précise et détaillée de l’impact des mesures d’exonération sur les créations d’emplois et les dynamiques salariales au sein de cette annexe. Puisque vous êtes favorables aux exonérations, voyons au moins si elles sont efficaces !
Dans son rapport de septembre 2020, France Stratégie évaluait l’effet total de ces mesures pour l’année 2016 à 100 000 emplois créés environ, pour un coût de 18 milliards d’euros, soit un coût moyen de 180 000 euros par emploi. Dans la mesure où le coût moyen pour un emploi en France est de 40 000 euros, mes chers collègues, vous jugerez de l’efficacité du dispositif…
Alors que, depuis des années, le Gouvernement et ceux qui l’ont précédé font de la réduction des dépenses publiques leur ligne politique, ces exonérations sont scandaleuses. Combien de temps encore acceptera-t-on que certaines grandes entreprises aient profité, durant la crise sanitaire, des aides mises en place par l’État, notamment les exonérations, et qu’elles aient augmenté, dans le même temps, les dividendes de leurs actionnaires, tout en supprimant des emplois ? Qui plus est, avec de l’argent public ! C’est inadmissible.
Faut-il rappeler que des personnes aux revenus modestes sont poursuivies, notamment dans le cadre des contrôles menés par les CAF, pour des montants dérisoires en comparaison de ces milliards d’euros ?
Il nous semble donc que ce serait la moindre des choses que de demander une évaluation de l’impact des mesures d’exonération sur les créations d’emplois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. C’est un avis défavorable, tout d’abord à cause d’une erreur d’imputation légistique. Ensuite, cet amendement est réducteur au regard du principe d’évaluation triennale de l’ensemble des niches sociales en fonction des objectifs qu’elles visent, tel que l’introduit la proposition de loi. Il me paraît préférable de nous en tenir au texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 17, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 13
1° Première phrase
Après les mots :
de l’ensemble de ces mesures
insérer les mots :
et leur impact sur les créations d’emplois et l’évolution des salaires
2° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Des évaluations de l’évolution des inégalités salariales entre femmes et hommes, de la transition écologique et énergétique et du respect de l’environnement de la part des entreprises bénéficiaires de ces mesures sont jointes à cette annexe.
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. De nombreux allégements de cotisations sociales sont accordés aux entreprises, dans le but de créer des emplois, à l’image des exonérations qui ont remplacé le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).
Cet objectif n’est que rarement atteint et très insuffisamment évalué. Dans le rapport que ma collègue a cité précédemment, France Stratégie mentionne le chiffre de 100 000 emplois créés, loin du million d’emplois promis par le Medef, lors de la mise en place de ces exonérations – dix fois moins…
Les inégalités salariales restent fortement marquées en France. D’après l’Insee, les femmes perçoivent une rémunération inférieure de 28 % en moyenne à celle des hommes. Selon la CGT (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), si l’on tendait vers l’égalité salariale entre femmes et hommes, cette convergence permettrait d’augmenter de plus de 5 milliards d’euros les recettes nettes de la Caisse nationale d’assurance vieillesse.
Cette revendication de justice sociale par les organisations syndicales, dont la CGT, est donc efficiente en matière d’équilibre des comptes sociaux.
En outre, selon l’Organisation mondiale de la santé, 25 % des pathologies chroniques dans le monde peuvent en grande partie être attribuées à des facteurs environnementaux, comme la qualité de l’air et de l’eau, ou l’exposition aux produits chimiques, aux ondes et aux bruits.
Il est essentiel que les exonérations de cotisations sociales orientées vers l’économie soient conditionnées à des engagements sociaux et environnementaux. Pour cela, il est nécessaire que la représentation nationale soit informée des politiques que les entreprises qui bénéficient de ces exonérations mettent en œuvre dans ces domaines.
Cet amendement a donc pour objet d’intégrer à l’annexe 5 les évaluations relatives aux effets attendus de ces politiques.
Ce sont toujours les PME et les PMI qui doivent justifier de leur situation à l’égard de ces exonérations. Or nombreux sont les grands groupes où elles servent surtout à la distribution des dividendes, dont la France est championne, sans empêcher la destruction des emplois. Mieux vaut donc favoriser les exonérations au profit de PME et des PMI qui sont davantage créatrices d’emplois que les attribuer aux grands groupes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. L’ensemble de mon groupe soutient l’amendement qui vient d’être présenté. Il s’inscrit en effet dans la même philosophie que le nôtre, dont l’objet est proche. Il introduit, en outre, un sujet essentiel, mes chers collègues.
En tant que législateurs, nous fabriquons en quelque sorte la loi et nous sommes là pour qu’elle soit respectée. Or en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes, le respect de la loi n’a rien d’un sujet mineur. En 2021, la loi continue de ne pas être appliquée et de nombreuses entreprises y contreviennent. Cela n’a pas l’air de choquer grand monde, puisque quand ma collègue s’est exprimée, on a entendu des ricanements.
Mme Monique Lubin. Tout à fait !
Mme Laurence Cohen. Je trouve, quant à moi, que le sujet est extrêmement grave et que nous devrions être solidaires pour que les femmes, en 2021, puissent gagner l’égalité salariale. Ne pas toucher le même salaire, uniquement parce que l’on est femme, c’est une discrimination intolérable, contre laquelle nous devrions nous unir, quelle que soit notre appartenance politique.
Je vous demande donc d’accorder une attention particulière à cet amendement, qui aborde un sujet auquel le Gouvernement devrait également être sensible, puisqu’il l’a déclaré « grande cause nationale » du quinquennat – même si cela ne se ressent pas vraiment… (Mme Michelle Meunier applaudit.)
Mme la présidente. L’amendement n° 29, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
Après le mot :
publique
insérer les mots :
et du principe d’égalité d’accès aux soins
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’Ondam est un outil de pilotage que nous savons imparfait, car il est déconnecté de l’évolution tendancielle des besoins de santé de la population. L’enveloppe financière destinée aux hôpitaux reste la principale variable d’ajustement sur laquelle les gouvernements successifs jouent pour comprimer les dépenses de santé, faute de pouvoir maîtriser les dépenses de médecine de ville. Le résultat en est une réduction de l’offre publique hospitalière sur le territoire national.
Pour notre part, nous estimons que la construction de l’Ondam doit davantage prendre en compte les besoins de santé de la population et l’exigence d’égalité d’accès aux soins dans les territoires. Dans cette logique, le présent amendement vise à intégrer au sein de l’annexe relative au périmètre de l’Ondam une analyse de son évolution au regard du principe d’égalité d’accès aux soins.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable – je suis désolé que cela se répète…
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est gentil d’être désolé, monsieur le rapporteur… (Sourires.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. En effet, votre amendement me paraît satisfait, dans la mesure où l’égalité d’accès aux soins participe, à mon sens, aux besoins de santé publique. Or l’Ondam est calculé en fonction de ces besoins.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je ne comprends pas l’avis défavorable de la commission. Si l’on a effectivement bien prévu l’établissement du rapport de construction de l’Ondam et la nécessité qu’il se réfère aux besoins de santé publique, comment peut-on considérer que tout entre dans les besoins de santé publique ? Si l’on suit ce principe, il faudra nettoyer un certain nombre de textes !
La question de l’égalité d’accès aux soins est fondamentale, notamment dans la construction de l’Ondam. Personne n’ignore la question des déserts médicaux, et nous connaissons tous des cas de fermetures d’établissements, ici ou là, dans les territoires. Le problème est tellement fondamental que certains, à droite de l’hémicycle, proposent régulièrement que l’Ondam soit régionalisé, et se décline en objectifs régionalisés d’assurance maladie (Ordam). J’ai récemment entendu un président de région qui aspire à de hautes fonctions reprendre cette proposition pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins.
Il me semble donc que votre avis défavorable, monsieur le rapporteur, s’inscrit dans une posture idéologique extrêmement regrettable. Pourquoi ne pas reconnaître que l’égalité d’accès aux soins est un enjeu fondamental dans la construction de l’Ondam ? Les acteurs de santé ne comprennent pas que cette position ne soit pas davantage défendue. Par conséquent, nous voterons l’amendement de nos collègues communistes.
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 18, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Présentant, pour le dernier exercice clos, l’exercice en cours et l’exercice à venir, le montant des dépenses et des prévisions de dépenses de sécurité sociale relatif aux prix réels de l’ensemble des médicaments ;
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Dans un contexte d’inflation du prix des médicaments qui menace la soutenabilité de notre système de santé, pensons à l’augmentation du prix des vaccins de deux euros à la suite de l’apparition d’un nouveau variant – je vous invite à regarder les profits du groupe pharmaceutique qui a imposé cette augmentation.
Alors même que la pandémie a mobilisé des fonds publics d’une ampleur sans précédent en faveur de la recherche et du développement en matière biomédicale, il est essentiel de progresser sur la question de la transparence du marché pharmaceutique, en vue de renforcer notre démocratie sanitaire et de garantir l’accès aux produits de santé pour toutes et tous.
Dès lors, il convient de créer un document budgétaire retraçant les dépenses effectuées par l’assurance maladie dans ce domaine, qui permette aux parlementaires d’avoir accès à l’ensemble des données nécessaires à l’exercice de leur fonction de contrôle des dépenses sociales. En effet, les PLFSS – en particulier leur annexe 7 telle qu’elle est constituée à ce jour – ne permettent pas de disposer d’informations détaillées et exhaustives des dépenses liées au médicament, y compris celles qui sont destinées aux vaccins.
Cet amendement a pour objet d’étayer les informations dont disposent les parlementaires, afin qu’ils puissent exercer pleinement leur fonction de contrôle de ces dépenses. En outre, il vise à créer une annexe spécifique, détaillée et transparente, en cohérence avec l’objectif général de ce texte : créer, pour l’examen des prochains PLFSS, « les conditions d’un débat démocratique riche et transparent dont les parlementaires pourront pleinement s’approprier les enjeux ».
Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 2 rectifié est présenté par Mmes Lassarade, Deseyne et Thomas, MM. Cadec, Panunzi, D. Laurent, Pointereau et Burgoa, Mmes Puissat, Dumont et Chauvin, M. Bascher, Mmes M. Mercier, Deromedi, Malet, Joseph et Goy-Chavent, M. Cuypers, Mmes Di Folco et Gosselin, MM. Genet, B. Fournier, Bonhomme, Rapin et Charon, Mmes Bonfanti-Dossat et Gruny, MM. Longuet, Lefèvre, Bouchet et Milon et Mme Lherbier.
L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par MM. Henno, Bonnecarrère et Mizzon, Mmes Férat et Guidez, MM. Lafon, Longeot et Canévet et Mme Dindar.
L’amendement n° 10 rectifié est présenté par Mme Guillotin, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre et MM. Fialaire, Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Présentant, pour le dernier exercice clos, l’exercice en cours et l’exercice à venir, le montant des dépenses, des prévisions de dépenses de sécurité sociale et des économies relatifs aux médicaments inscrits sur les listes mentionnées au premier alinéa de l’article L. 162-17, à l’article L. 162-22-7 du présent code et à l’article L. 5126-6 du code de la santé publique ;
La parole est à Mme Florence Lassarade, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.
Mme Florence Lassarade. Cet amendement vise à rendre compte, en annexe des lois de financement de la sécurité sociale, du budget que la France consacre aux médicaments.
Le tableau figurant en annexe 7 de la LFSS ne permet pas de reconstituer le montant détaillé et exhaustif des économies imputables aux médicaments, qui sont disséminées dans les différents sous-objectifs de l’Ondam.
L’ajout aux LFSS d’une nouvelle annexe consacrée aux médicaments permettrait de retracer en toute transparence le budget que la France alloue aux médicaments. La représentation nationale doit disposer d’une information claire et lisible sur le budget du médicament dans notre pays et sur le montant des économies demandées au secteur.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.
M. Olivier Henno. Il est défendu, madame la présidente. J’ajoute que les informations sont précieuses à la fois pour le Parlement, au regard de sa fonction de contrôle, pour le Gouvernement, dans son rôle de pilotage, pour les citoyens, qui peuvent se faire un jugement, et pour tous les partenaires ou les opérateurs, qui ont besoin d’une lisibilité dans le temps.
Les opérateurs du domaine de la santé doivent pouvoir prévoir les dépenses et programmer leurs investissements ; ce n’est pas un péché que de permettre cela. Il y va de l’accessibilité des soins pour tous et de l’innovation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission approuve la création d’une annexe relative aux médicaments. Toutefois, nous avons des doutes quant à la rédaction proposée et espérons qu’elle pourra être affinée au fur et à mesure de la navette.
En conséquence, la commission émet un avis favorable sur les amendements identiques nos 2 rectifié, 4 rectifié bis et 10 rectifié. Elle sollicite, au profit de ces derniers, le retrait de l’amendement n° 18.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 18 compte tenu de l’impératif de transparence, qui semble satisfait par les dispositions actuelles, et de la nécessité de maintenir certaines informations dans le cadre des négociations menées avec les industriels.
Lors de la clôture du conseil stratégique des industries de santé, le Président de la République a annoncé un plan ambitieux des pouvoirs publics en faveur du secteur ; il a fixé un objectif de progression annuelle des dépenses de produits de santé au sein de l’Ondam de 2,4 % sur les prochaines années. Le respect de cet objectif sera naturellement suivi chaque année, au moment du PLFSS, en particulier lors de l’examen de l’annexe 7. Les informations que vous souhaitez intégrer figureront dans cette annexe, laquelle comporte déjà des informations très détaillées sur les dépenses relatives aux médicaments.
En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait des amendements identiques nos 2 rectifié, 4 rectifié bis et 10, faute de quoi il émettrait un avis défavorable. Ces amendements semblent, eux aussi, être satisfaits ; il n’est pas besoin de créer une nouvelle annexe spécifique. J’ajoute que, sur un plan technique, cette annexe ne s’insérerait pas au bon endroit dans le texte que nous discutons.
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour explication de vote.
Mme Florence Lassarade. Je maintiens mon amendement, justement parce qu’il vise à éviter la dispersion des informations, de sorte que l’on dispose d’un éclairage net. Vos propositions, contrairement à mon amendement, ne semblent pas aller dans ce sens…
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 rectifié, 4 rectifié bis et 10 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 35, présenté par M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et G. Jourda, M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) Présentant un état des besoins, selon les territoires, des moyens humains, matériels et financiers pour satisfaire les besoins en santé de la population et assurer la réalisation effective du principe d’accès universel à un service public de qualité ;
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement étant une réplique de l’amendement n° 34, qui a été précédemment rejeté, je ne pense pas que des arguments différents seront avancés. Par conséquent, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 35 est retiré.
L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Théophile, Iacovelli, Lévrier, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Kulimoetoke, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Richard et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéas 18 et 19
Rédiger ainsi ces alinéas :
« a) Détaillant les actions menées en matière de financement de ces établissements et leur bilan rétrospectif, y compris les dotations et leur répartition par région ;
« b) Retraçant l’évolution prévisionnelle de la dette de ces établissements ;
La parole est à M. Dominique Théophile.
M. Dominique Théophile. Cet amendement vise à supprimer l’obligation d’annexer aux PLFSS le détail de la structure de financement des établissements de santé et, pour chaque région et chaque établissement, le détail et les finalités de chaque dotation reçue.
Si nous comprenons l’intention qui inspire cet ajout, il nous semble que le volume d’informations obtenu, en plus d’être difficilement exploitable, ne serait pas de nature à faciliter l’examen de ce texte. Le risque serait de faire porter le débat sur des enjeux locaux et d’affecter la vision globale et synthétique que nous nous efforçons de conserver dans le cadre de l’examen du PLFSS.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Notre but n’est pas d’avoir un détail pour chaque établissement. La commission, sur l’initiative de Corinne Imbert, a seulement précisé l’objet de cette nouvelle annexe, avec deux préoccupations : mieux identifier et distinguer les dotations versées globalement aux établissements, en distinguant permanence de soins, recherche, etc. et mieux appréhender les dépenses d’investissement.
Dans la mesure où cet amendement tend à revenir sur la position de la commission, celle-ci émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. La proposition de la commission risque, en dépit de vos intentions, monsieur le rapporteur, d’avoir pour effet d’annexer aux lois de financement de la sécurité sociale les comptes ou les données de santé pour chaque établissement de santé. Le volume d’informations ainsi constitué serait significatif, ce qui me fait douter de son exploitabilité.
Mieux vaut s’en tenir à une approche plus globale de la situation financière des établissements de santé, comme le suggère M. Théophile, ce qui représentera déjà un progrès important par rapport à la situation actuelle – sur ce point, je vous rejoins, monsieur le rapporteur.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 31, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 39
Après le mot :
mesures
insérer les mots :
ainsi que leur impact sur les créations d’emplois et l’évolution des salaires
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 19, présenté par Mme Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 45, avant-dernière phrase
Supprimer les mots :
, pour au moins le tiers d’entre elles
La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le présent texte prévoit la création d’une annexe au PLFSS énumérant l’ensemble des mesures de réduction, d’exonération de cotisations ou de contributions sociales, qui en évalue l’impact financier et l’efficacité au regard des objectifs visés. Cet apport constitue une avancée vers plus de transparence.
Le recours aux exonérations de cotisations dans le cadre des politiques de baisse des prélèvements obligatoires est devenu courant et croissant, alors que le Parlement n’est qu’insuffisamment informé sur leur véritable impact et leur efficience, en particulier sur la compétitivité des entreprises ou sur le marché de l’emploi.
De plus, ces exonérations ne sont pas sans effet sur les comptes des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ou des organismes concourant à leur financement. D’un côté, certaines mesures, depuis 2018, n’ont pas fait l’objet d’une compensation totale de la part de l’État ; de l’autre, la compensation pour solde de tout compte ne prend pas suffisamment en considération l’évolution des salaires et représente donc un manque à gagner pour les comptes sociaux.
Ainsi, cet amendement a pour objet d’étendre l’évaluation de l’efficacité des mesures d’exonération au regard de leurs objectifs à la totalité des mesures, plutôt qu’au seul tiers prévu à l’article 2, dans sa version actuelle. De la sorte, une annexe exhaustive retraçant l’ensemble de ces mesures serait fournie au Parlement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Il vaut mieux s’en tenir à un rythme triennal. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 56, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 51 à 53
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Le chapitre Ier bis du titre Ier du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L.O. 111-6 est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 111-6. – Le projet de loi de financement de l’année, y compris le rapport mentionné au I de l’article L.O. 111-4 et les annexes mentionnées au II du même article, est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale au plus tard le premier mardi d’octobre.
« Le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, y compris les documents prévus à l’article L.O. 111-4-2, est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale avant le 1er juin de l’année suivant celle de l’exercice auquel il se rapporte. » ;
2° Aux premier, troisième et dernier alinéas de l’article L.O. 111-7, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « de l’année » ;
3° L’article L.O. 111-7-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa du I est ainsi rédigé :
« I. – Le projet de loi de financement de l’année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant l’adoption de la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale afférente à l’année qui précède celle de la discussion dudit projet de loi de financement. » ;
b) Le premier alinéa du III est supprimé ;
c) Le deuxième alinéa du même III est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « , du régime général » sont supprimés ;
– à la deuxième phrase, les mots : « des régimes obligatoires de base de sécurité sociale » sont remplacés par les mots « de ces mêmes régimes » ;
– après le mot : « dépenses », la fin de la troisième phrase est ainsi rédigée : « , décomposés le cas échéant par branche ou en sous-objectifs, est assurée par un vote unique portant sur l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. » ;
d) Le troisième alinéa dudit III est ainsi modifié :
– aux deux premières phrases, les mots : « , du régime général » sont supprimés ;
– à la troisième phrase, les mots : « des régimes obligatoires de base de sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « de ces mêmes régimes » ;
e) Après le mot : « portant », la fin de la deuxième phrase du dernier alinéa du même III est ainsi rédigée : « sur l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale. » ;
f) Après le III, il est inséré un III bis ainsi rédigé :
« III bis. – Lors de l’examen du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, l’approbation des tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base et des organismes concourant au financement de ces régimes fait l’objet d’un vote unique. L’approbation des dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie constatées au titre de cet exercice, celle des montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit de ces mêmes régimes ainsi que celle des montants correspondant à l’amortissement de leur dette font l’objet d’un vote unique. » ;
3° bis Après l’article L.O. 111-8, il est inséré un article L.O. 111-8-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 111-8-1. – La Conférence des présidents de chaque assemblée peut décider qu’une semaine prévue au quatrième alinéa de l’article 48 de la Constitution est consacrée prioritairement au contrôle de l’exécution des lois de financement de la sécurité sociale. » ;
4° Le début de l’article L.O. 111-10-1 est ainsi rédigé : « Le Gouvernement transmet annuellement un état des sommes… (le reste sans changement). »
Mme la présidente. L’amendement n° 57, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa de l’article L.O. 111-7 est complété par les mots : « de l’année » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les délais constitutionnels encadrant l’examen des PLFSS par le Parlement ne s’appliquent qu’au PLFSS de l’année, à l’exclusion des projets de loi de finances rectificative et des projets de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 11 rectifié est présenté par MM. Requier, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol et Roux.
L’amendement n° 12 est présenté par M. Savary.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 20 et 21
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Bernard Fialaire, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié.
M. Bernard Fialaire. L’Assemblée nationale a introduit une disposition aux termes de laquelle la conférence des présidents de chaque assemblée pourra décider de consacrer prioritairement une semaine au contrôle de l’exécution des lois de financement de la sécurité sociale. Il s’agit d’élever au rang organique le Printemps de l’évaluation qu’organise chaque année l’Assemblée nationale, à l’instar de l’article 8 de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
Or le Conseil d’État considère que cette disposition établit une procédure pour laquelle la Constitution ne prévoit pas de renvoi à une loi organique ; il recommande donc sa suppression. La commission des finances l’a ainsi supprimée lors de l’examen de la proposition de loi relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.
Par ailleurs, nous ne pensons pas que l’Assemblée nationale ait besoin de voir le Printemps de l’évaluation élevé au rang organique, puisqu’elle l’organise chaque année depuis 2018. Enfin, depuis la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, les deux assemblées ont chacune créé en leur sein une mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), afin de suivre et de contrôler l’application des LFSS et de procéder à l’évaluation de toute question touchant aux finances de la sécurité sociale.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous proposons de supprimer l’inscription du Printemps de l’évaluation dans la loi organique.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l’amendement n° 12.
M. René-Paul Savary. Au Sénat, nous sommes non pas dans une saisonnalité, mais dans une annualité de l’évaluation. C’est la raison pour laquelle nous disposons d’une mission d’évaluation des comptes de la sécurité sociale, que j’ai l’honneur de présider, qui se penche régulièrement sur l’évaluation des comptes sociaux. Il n’y a donc aucune raison d’inscrire dans une loi organique la façon dont chaque assemblée peut procéder à cette évaluation.
Nous sommes donc formellement opposés à cette proposition qui nous vient de l’Assemblée nationale ; les députés, qui cherchent à imposer au Sénat un mode d’évaluation, ne font pas montre d’une redoutable élégance…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Au Sénat, c’est toujours le printemps ! (Sourires.) Nous avons, avec la Mecss, l’outil qui convient pour évaluer de façon continue la situation des comptes sociaux.
Je comprends que l’Assemblée nationale veuille pérenniser ce dispositif, mais il ne me paraît pas nécessaire de l’inscrire dans une loi organique. Si d’aventure les conférences des présidents de chaque assemblée souhaitaient procéder autrement, il leur serait toujours loisible d’en convenir par voie réglementaire, sans qu’il soit besoin d’alourdir la loi organique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Pour ma part, je ne m’immiscerai pas dans les échanges entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Le Gouvernement ne partage pas exactement votre analyse de l’arrêt du Conseil d’État, monsieur Fialaire. En effet, si la Constitution ne prévoit pas de loi organique pour une telle procédure, elle ne dit pas qu’il soit inconstitutionnel d’en prévoir une.
Il nous semblait intéressant de pérenniser un dispositif objectif et constructif d’évaluation de l’action du Gouvernement par le Parlement. Mais une telle éventualité reste, bien entendu, à la discrétion des conférences des présidents ; à cet égard, la liberté d’appréciation et d’action du Sénat est préservée.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié et 12.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 3 bis (nouveau)
Le premier alinéa de l’article L.O. 111-9 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase, après la première occurrence du mot : « président », sont insérés les mots : « , à leur rapporteur général » ;
2° À la dernière phrase, après les mots : « y compris », sont insérés les mots : « toute évaluation de l’impact financier de l’évolution d’une ou plusieurs dispositions législatives encadrant des prestations légalement servies ou » ;
3° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les données demandées, le cas échéant, leur sont rendues accessibles, sous forme électronique, dans un standard ouvert aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. » – (Adopté.)
Article 3 ter (nouveau)
L’article L.O. 111-9-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 111-9-2. – En cas d’urgence, des décrets de relèvement pris sur avis du Conseil d’État et après avis des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale peuvent relever les limites prévues au e du 2° du C du I de l’article L.O. 111-3.
« La commission saisie au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale de chaque assemblée fait connaître son avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification qui lui a été faite du projet de décret. La signature du décret ne peut intervenir qu’après réception des avis de ces commissions ou, à défaut, après l’expiration du délai susmentionné.
« La ratification des décrets pris sur le fondement des premier et deuxième alinéas du présent article est demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. »
Mme la présidente. L’amendement n° 58, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer la référence :
I
par la référence :
II
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3 ter, modifié.
(L’article 3 ter est adopté.)
Article 3 quater (nouveau)
Après l’article L.O. 111-9-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L.O. 111-9-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 111-9-2-1. – Lorsque, en cours d’exercice, les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale telles que déterminées en loi de financement de la sécurité sociale sont remises en cause, le Gouvernement adresse sans délai aux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale un rapport présentant :
« 1° Les raisons de la dégradation de la situation financière de la sécurité sociale ;
« 2° Les modifications projetées des tableaux d’équilibres prévus à l’article L.O. 111-3 ainsi que la révision projetée des objectifs de dépenses et de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ;
« 3° Les mesures envisagées de redressement des comptes de la sécurité sociale pour l’année en cours.
« En l’absence de dépôt d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale, un rapport actualisé est transmis chaque trimestre.
« La commission saisie au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale de chaque assemblée fait connaître son avis au Premier ministre sur les modifications et mesures mentionnées aux 2° et 3°. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Le groupe CRCE s’abstient.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3 quater.
(L’article 3 quater est adopté.)
Article additionnel après l’article 3 quater
Mme la présidente. L’amendement n° 59, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 3 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L.O. 111-9-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L.O. 111-9-4 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 111-9-4. La mission d’assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le premier alinéa de l’article 47-2 de la Constitution comporte notamment :
« 1° La réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale, dans les conditions prévues à l’article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières ;
« 2° La production d’un avis sur la cohérence des tableaux d’équilibre du dernier exercice clos, mentionnés à l’article L.O. 111-3-2 du présent code, ainsi que sur la cohérence du tableau patrimonial du dernier exercice clos mentionné au 1° du II de l’article L.O. 111-4-2 du même code ;
« 3° La production du rapport, mentionné à l’article L.O. 132-3 du code des juridictions financières, sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale ;
« 4° La production du rapport, mentionné à l’article L.O. 132-2-1 du même code, de certification de la régularité et de la fidélité des comptes des organismes nationaux du régime général, des comptes combinés de chaque branche et de l’activité de recouvrement du régime général, relatifs au dernier exercice clos, établis conformément au présent livre. Ce rapport présente le compte rendu des vérifications opérées aux fins de certification. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Cet amendement vise à préciser, au sein du code de la sécurité sociale, le contenu de la mission d’assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes à l’article 47-2 de la Constitution en ce qui concerne le contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale et la certification de la régularité et de la fidélité des comptes du régime général.
L’article 58 de la LOLF définit la mission de la Cour des comptes concernant le contrôle de l’exécution des lois de finances et la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l’État.
Cet amendement tend donc à préciser que la mission d’assistance du Parlement exercée par la Cour des comptes comporte notamment la réalisation des enquêtes demandées par les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que la production du rapport sur l’application des LFSS et du rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi organique, après l’article 3 quater.
Article 3 quinquies (nouveau)
Le premier alinéa de l’article L.O. 132-3 du code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° La première phrase est complétée par les mots : « conjoint au dépôt du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale » ;
2° La dernière phrase est supprimée. – (Adopté.)
Article 3 sexies (nouveau)
À la deuxième phrase de l’article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, après le mot : « communiquées », sont insérés les mots : « dans un délai de huit mois après la formulation de la demande ». – (Adopté.)
Article 4
I. – (Non modifié) Les articles 1er à 3 entrent en vigueur le 1er septembre 2022.
II. – Par dérogation au I du présent article, les cinq premiers alinéas et le A du I ainsi que les 1° et 2° du VIII de l’article L.O. 111-3, le II et le 2° du III de l’article L.O. 111-4 ainsi que le I et le premier alinéa du III de l’article L.O. 111-7-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction antérieure à la présente loi, sont applicables à la loi de financement pour l’année 2023.
Par dérogation au I du présent article, le dernier alinéa du I de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale s’applique à partir du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, pour lequel la règle définie à ce même dernier alinéa concerne les exercices 2024 à 2028.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 39 est présenté par M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol, Rossignol et G. Jourda, M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 52 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 39.
M. Bernard Jomier. Le présent amendement vise à supprimer l’entrée en vigueur de la règle d’or en 2025. Nous tenons à cet amendement, car il laisse ouverte la question de la date d’application, laquelle pourra être intégralement rediscutée par la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 52.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement, par un précédent amendement, a déjà demandé la suppression du dispositif même de la règle d’or, mais le Sénat ne l’a pas adopté. C’est donc par cohérence que nous défendons conjointement le présent amendement, qui vise à supprimer la date d’entrée en vigueur de la règle d’or.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, car elle souhaite le maintien de la règle d’or. Mais, en ce qui concerne l’entrée en vigueur du présent texte, je veux interroger le Gouvernement sur deux points.
Premièrement, monsieur le secrétaire d’État, vos services et les organismes gestionnaires seront-ils prêts lorsque le texte entrera en vigueur à compter du 1er septembre 2022 ? La loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale du printemps 2023 sur l’exercice 2022 pourra-t-elle présenter la situation correctement, avec les données nécessaires ? La proposition de loi organique tendant à renforcer le pilotage financier de la sécurité sociale et à garantir la soutenabilité des comptes sociaux, que j’avais déposée en mars dernier, vous donnait un peu plus de temps pour vous y préparer.
Deuxièmement, la Cour des comptes nous a fait part de ses inquiétudes sur la possibilité de préparer les documents nécessaires à la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, si la clôture des comptes du régime général, actuellement fixée au 15 mars, n’était pas avancée. Comptez-vous anticiper cette clôture d’ici 2023 ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Monsieur le rapporteur, si je ne suis pas en mesure de prendre des engagements sur le second point que vous évoquez, soyez assuré en revanche, sur le premier point, de toute la confiance que je porte aux services de mon ministère : nous ferons en sorte que tout soit prêt en temps et en heure.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 et 52.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article additionnel après l’article 4
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Lassarade et Thomas, MM. Cadec, Panunzi, D. Laurent, Pointereau et Burgoa, Mmes Puissat, Dumont et Chauvin, M. Bascher, Mmes M. Mercier, Deromedi, Joseph et Goy-Chavent, M. Cuypers, Mme Gosselin, MM. Genet, B. Fournier, Bonhomme et Charon, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Longuet, Bouchet et Milon et Mme Lherbier, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la création d’une loi de programmation pluriannuelle de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie.
La parole est à Mme Florence Lassarade.
Mme Florence Lassarade. Une loi de programmation pluriannuelle de la santé permettrait de réinjecter une dimension plus prospective dans le débat sur les dépenses de santé, tout en prévoyant des orientations budgétaires à plus long terme. Une telle loi pourrait ainsi servir de cadre aux LFSS adoptées chaque année, sur le modèle de la loi de programmation militaire.
Cet amendement vise donc à demander au Gouvernement la rédaction d’un rapport sur l’opportunité de la mise en place d’une loi de programmation pluriannuelle de santé, laquelle dresserait les grandes orientations de la France en matière de santé et les moyens financiers déployés en parallèle pour y répondre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission n’est jamais favorable aux demandes de rapport. Je doute de l’opportunité de cette proposition, bien qu’elle émane du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM). Je m’interroge sur les éventuels doublons et incohérences qui pourraient survenir par rapport aux lois de programmation des finances publiques.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Une rénovation en profondeur de l’Ondam a été engagée dans le prolongement du Ségur de la santé. Le HCAAM, depuis qu’il a été saisi par Olivier Véran, travaille sur ce sujet ; il a d’ailleurs adressé au ministre ses premières préconisations au printemps dernier. Concernant la programmation pluriannuelle des ressources allouées au système de santé, des travaux complémentaires sont nécessaires ; ils sont justement programmés par le HCAAM.
Nous partageons la démarche que vous entendez poursuivre au travers de votre amendement, mais celui-ci est déjà satisfait. En conséquence, le Gouvernement en sollicite le retrait, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Lassarade, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
Mme Florence Lassarade. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié est retiré.
Article 5
(Suppression maintenue)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique, je donne la parole à M. Dominique Théophile, pour explication de vote.
M. Dominique Théophile. Nous avons entamé l’examen de ce texte en séance avec l’espoir de voir certaines dispositions contraignantes supprimées ; je pense notamment à la règle d’or.
Nous souhaitions voir ce texte renforcé par l’intégration de la dette des établissements de santé dans le champ des PLFSS. Ces modifications n’ont malheureusement pas été adoptées par notre assemblée et nous le regrettons. Nous espérons que le travail de consensus empreint de responsabilité qui animera la commission mixte paritaire permettra de revenir sur certaines dispositions.
Nous partageons tous le souhait de voir les lois de financement de la sécurité sociale renforcées ; il serait dommage de créer un cadre si contraignant qu’il limite leur portée.
Pour autant, parce que les textes qui nous sont présentés sont rares et importants, parce que les lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale nous semblent essentielles, parce que cette proposition de loi organique renforce l’information du Parlement et la transparence, valeurs en lesquelles nous croyons profondément, le groupe RDPI votera le présent texte. Mais il le votera avec l’espoir que cette version ne soit pas la version finale, le regard tourné vers la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 176 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 250 |
Contre | 90 |
Le Sénat a adopté.
Nous passons à la discussion, dans le texte de la commission, de la proposition de loi.
proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale
Article 1er
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 5° de l’article L. 182-2 est complété par les mots : « ainsi que sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions définies à l’article L. 200-3 » ;
2° L’article L. 200-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « autonomie », sont insérés les mots : « , de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie » ;
b) Après la même première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Les avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont rendus sur l’avant-projet de loi transmis au Conseil d’État. La saisine est effectuée au plus tard le lendemain de cette transmission. » ;
c) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au troisième alinéa du présent article, les avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont rendus au Parlement dans un délai de quinze jours à compter du dépôt dudit projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale. »
II. – Le II bis de l’article L. 723-12 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du premier alinéa, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Les avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont rendus sur l’avant-projet de loi transmis au Conseil d’État. La saisine est effectuée au plus tard le lendemain de cette transmission. » ;
2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au troisième alinéa du présent II bis, les avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale sont rendus au Parlement dans un délai de quinze jours à compter du dépôt dudit projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale. »
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 9
Après les mots :
rendus sur
rédiger ainsi la fin de ces alinéas :
le texte déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. La saisine est effectuée par le Gouvernement au plus tard le lendemain du dépôt.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Par cet amendement, le Gouvernement propose de revenir sur la modification de la procédure d’avis rendu par les caisses de sécurité sociale, qui a été introduite en commission.
Pour rappel, la proposition de loi transmise par l’Assemblée nationale permet une refonte substantielle de la procédure actuelle : les avis seraient désormais remis directement au Parlement et non plus au Gouvernement, et les caisses disposeraient désormais d’un délai plus long pour rendre leur avis.
Or la commission propose que les avis soient rendus sur l’avant-projet de loi et non sur le projet de loi lui-même, ce qui ne nous apparaît pas souhaitable pour au moins trois raisons que je vais exposer.
Tout d’abord, dans la mesure où l’avis serait rendu après le dépôt du projet de loi, il n’est pas utile qu’il soit remis sur l’avant-projet de loi : cet avant-projet serait de fait, et par construction, déjà caduc.
Ensuite, l’objectif de la commission est, me semble-t-il, de disposer des tableaux d’équilibre suffisamment tôt pour garantir un examen serein du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cet objectif louable est déjà atteint grâce au texte de la proposition de loi organique, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, puisque celui-ci permet l’avancement du dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale par rapport à la situation actuelle.
Enfin, en imposant la saisine des caisses de sécurité sociale avant que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne soit délibéré en conseil des ministres, le texte de la commission empêcherait, comme aujourd’hui, que le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale soient déposés le même jour au Parlement.
En effet, l’avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale étant public, la saisine ne pourra intervenir au plus tôt que le jour du dépôt du projet de loi de finances, ce qui impliquera le maintien d’une désynchronisation, qui a aussi pour conséquence de réduire le temps dont le Parlement dispose pour examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce qui est contraire à l’objectif visé.
Pour ces trois raisons, je vous invite à revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. La commission s’en remettra a priori à la sagesse du Sénat sur cet amendement. L’essentiel est en effet que l’avant-projet de loi soit transmis en même temps que le projet de loi. Ce qui nous importe est que nous puissions avoir l’information en direct, le plus rapidement possible. Or c’est ce que prévoit, si j’ai bien compris, le texte adopté par l’Assemblée nationale.
Si vous nous garantissez, monsieur le secrétaire d’État, que le nouveau système de saisine mis en place par les députés ne dégradera pas le calendrier à l’avenir, nous émettrons un avis de sagesse positive.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je vous confirme que le calendrier budgétaire ne sera pas dégradé, bien au contraire : nous économiserons même plusieurs jours et il sera possible d’étudier le texte plus sereinement qu’aujourd’hui. Le dispositif prévu par la commission pourrait, quant à lui, avoir des effets contraires à l’objectif partagé par nous tous.
Mme la présidente. L’amendement n° 2, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Au III de l’article L. 162-12-22, à la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 162-16-1 et au premier alinéa de l’article L. 225-1-4, la référence : « I » est remplacée par la référence : « II » ;
…° À la première phrase du II de l’article L. 162-14-1-1, la première occurrence de la référence : « I » est remplacée par la référence : « II ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
L’article 1er entre en vigueur le 1er septembre 2022. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Confiance dans l’institution judiciaire
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi et d’un projet de loi organique dans les textes de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi et du projet de loi organique, adoptés par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la confiance dans l’institution judiciaire (projets nos 630 et 631, textes de la commission nos 835 et 836, rapport n° 834).
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le constat qui m’amène ici est simple et je ne doute pas que vous le partagerez : notre justice fait l’objet d’une défiance grandissante dont les causes sont en réalité multiples. Le projet de loi que je vous présente aujourd’hui vise précisément à inverser cette tendance qui altère notre démocratie et notre pacte social.
Ce texte est d’abord le fruit de mon expérience d’avocat, qui m’a permis d’observer ce que notre justice faisait de meilleur, mais également de pire. Il est également le fruit du travail des commissions que j’ai installées dès mon arrivée à la chancellerie, mais également des commissions des lois des deux assemblées qui, monsieur le président Buffet, travaillent depuis de nombreuses années sur ces questions éminemment complexes.
Les causes de la défiance – nous les connaissons – sont nombreuses : la justice est considérée à tort comme un monde à part, éloigné de la vie réelle de nos concitoyens. Mais, à raison, les Français ne la comprennent plus, ne comprennent plus son langage, la trouvent tantôt trop sévère, tantôt trop laxiste et trop lente.
Dans les jours qui viennent, nos débats devront répondre à certaines des attentes légitimes de nos concitoyens pour rendre la justice plus transparente, plus proche d’eux et plus protectrice de leurs droits en tant que justiciables.
Je mentionnerai, un bref instant, pour la mémoire de tous, l’effort sans précédent en termes de moyens qui est engagé depuis 2017, et plus particulièrement depuis 2020. En cinq ans, le budget de la justice aura augmenté de près de 33 %. Certes, nous partions de loin – un ancien garde des sceaux avait même évoqué la « clochardisation » de la justice –, mais qui pourrait nier l’implacable détermination du Président de la République, du Premier ministre et de ce gouvernement pour faire ce qui n’avait jamais été fait auparavant, à savoir donner à la justice de notre pays les moyens qu’elle mérite ?
Parce que la défiance prospère souvent sur la méconnaissance, j’ai l’ambition de faire en sorte que tous nos concitoyens puissent mieux comprendre la justice du quotidien, celle qui est rendue dans les cours et les tribunaux de France en leur nom.
Si les médias peuvent rendre compte des procès, ils ne peuvent pas filmer les audiences du quotidien. C’est tout l’objet de l’article 1er de ce projet de loi, qui apporte un changement d’importance.
Je vous le dis d’emblée, je ne souhaite pas faire de la justice spectacle. C’est même tout le contraire : je veux que ces audiences filmées aient une vocation pédagogique, que notre justice soit enfin expliquée pour être mieux comprise.
Le texte prévoit toutes les garanties pour assurer que la présence des caméras dans les prétoires ne porte pas atteinte aux droits des parties, tant lors de l’enregistrement que lors de la diffusion. Sans être exhaustif, je pense par exemple à l’autorisation d’enregistrement qui sera donnée par une autorité juridictionnelle et dans un motif d’intérêt public.
D’autres garanties figurent encore dans la loi pour assurer la sérénité des débats, la présomption d’innocence, la sécurité des personnes, le droit à l’oubli, le respect de la vie privée, ou encore l’intérêt supérieur des mineurs ou des majeurs protégés. De même, la diffusion de l’audience ne pourra se faire qu’après une décision définitive.
J’estime par ailleurs, depuis mes années d’avocature, que le lien de confiance qui est à reconstruire entre la justice et nos concitoyens repose aussi sur une meilleure connaissance mutuelle des professions du droit. C’est pourquoi j’ai souhaité expérimenter la participation d’un avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles en tant qu’assesseur au sein des cours d’assises et des cours criminelles départementales. Aussi, je regrette que votre commission des lois ait supprimé ces dispositions novatrices.
Dans le même esprit, j’ai souhaité que des magistrats président les commissions disciplinaires des avocats.
Il est pour moi évident que la restauration de la confiance ne peut s’envisager sans le renforcement des droits auxquels les justiciables peuvent prétendre.
À cette fin, j’ai souhaité que la durée des enquêtes préliminaires soit mieux encadrée et, donc, limitée dans le temps : les enquêtes de droit commun seront limitées à deux ans, avec la possibilité de les prolonger d’une année supplémentaire.
Cette disposition restaure pleinement le rôle du ministère public en lui permettant non seulement de diriger les investigations, mais également de contrôler le rythme des enquêtes et, donc, de les traiter plus rapidement.
Le texte prévoit également un délai d’enquête dérogatoire porté à cinq années, et initialement réservé à la criminalité organisée et au terrorisme. Il me semble nécessaire de le circonscrire aux infractions les plus complexes au risque de faire de l’exception la règle et, donc, une réforme pour rien !
Je suis donc défavorable à l’extension des dérogations voulue par votre commission, car elle viderait littéralement de leurs effets ces nouvelles dispositions.
Toutefois, comme je l’avais déjà indiqué devant votre commission, et conformément à l’analyse du procureur national financier, je suis favorable, en matière économique et financière, à l’introduction d’une dérogation au régime d’enquête de droit commun, en la réservant aux seuls faits de corruption d’agents publics étrangers.
Je me félicite enfin que la commission ait préservé les mesures novatrices qui permettront l’accès à la procédure à la personne mise en cause par un acte d’enquête ou par les médias.
J’en viens maintenant à évoquer l’une des garanties les plus absolues du droit des justiciables, celle de la confidentialité de leurs échanges avec leur avocat. Je défends avec vigueur, dans ce projet de loi, le renforcement du secret professionnel des avocats, qui a trop longtemps été foulé aux pieds.
Ce texte prévoit donc d’encadrer plus strictement les actes d’enquête comme les perquisitions, les écoutes téléphoniques ou l’exploitation des factures détaillées susceptibles de porter atteinte à cette confidentialité.
J’ai entendu, comme vous, les craintes concernant l’efficacité des enquêtes, qui se trouverait soudainement mise à mal par le renforcement du secret professionnel des avocats. Dissipons ici les fausses querelles et les mauvaises caricatures !
Il est vrai qu’une enquête est toujours plus facile à conduire sans garanties pour les justiciables ou leurs avocats, mais nous sommes dans un État de droit où les pouvoirs de coercition et de perquisition ouverts aux uns doivent être contrebalancés par les droits consentis aux autres.
J’ajoute d’ailleurs que le problème n’est pas forcément bien posé : l’efficacité d’une enquête réside d’abord – nous y travaillons avec le ministre de l’intérieur – dans le nombre et la formation des enquêteurs spécialisés, notamment dans le domaine complexe de la délinquance économique et financière.
Certains arguments que nous avons pu entendre à l’encontre du renforcement du secret professionnel témoignent d’une méfiance déplacée à l’encontre des avocats, alors qu’il s’agit – mais ai-je besoin d’en convaincre le Sénat ? – d’une profession fondamentale pour l’exercice des libertés et des droits démocratiques, et non d’un adjuvant de la délinquance. Si certains avocats commettent des infractions, la protection du secret professionnel ne trouve pas à s’appliquer.
Enfin, il est faux, voire fantaisiste, de prétendre qu’il suffirait de mettre un avocat en copie de messages électroniques et de documents internes à une société pour les soustraire de ce seul fait aux perquisitions des enquêteurs. Ce n’est ni l’objet ni l’effet induit par le texte adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale ! En cohérence, le Gouvernement émettra donc un avis de sagesse sur les amendements visant à rétablir cette disposition pour permettre, dans le cadre de la navette parlementaire, de trouver le meilleur des compromis.
Parce qu’une justice qui inspire confiance est aussi une justice rapide, qui ne correctionnalise pas les affaires de viol, je crois qu’il est absolument indispensable de maintenir dans le texte la généralisation des cours criminelles départementales.
Je connais bien sûr les réticences initiales du Sénat sur ce point…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et les vôtres !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … et je les ai partagées. Je vous remercie, madame la sénatrice, de me rappeler ce que j’allais dire et d’anticiper mes propos…
Cependant, cette expérimentation a fait l’objet d’une évaluation dans le cadre d’au moins deux rapports différents, dont l’un est un rapport parlementaire transpartisan, qui aboutissent tous à la même conclusion : les cours criminelles départementales doivent être généralisées.
Enfin, les débats à venir vont nous permettre de travailler ensemble au remplacement du rappel à la loi. Cette alternative aux poursuites était devenue incompréhensible pour nos concitoyens, ainsi que pour les forces de l’ordre qui la mettaient en œuvre. Pis, elle portait gravement atteinte à l’autorité de l’État.
C’est pourquoi je vous proposerai la création d’un « avertissement pénal probatoire », élaboré en concertation avec les magistrats de terrain, la conférence nationale des procureurs de la République, afin d’apporter une réponse pénale plus lisible et plus efficace.
Pour faire simple, lorsqu’un justiciable se verra remettre cet avertissement pénal probatoire, on lui rappellera ses obligations légales sans le poursuivre. En revanche, si dans l’année qui suit, il commet une nouvelle infraction, on ressortira son dossier et on le poursuivra au titre de la nouvelle infraction – cela va de soi –, mais aussi de l’ancienne.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Comme aujourd’hui !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Afin d’éviter les écueils précédents, cette mesure ne pourra être prononcée que si la personne a reconnu sa culpabilité et n’a pas déjà été condamnée. Elle ne pourra pas non plus s’appliquer aux cas de violences et de délits commis contre une personne dépositaire de l’autorité publique ou investie d’un mandat électif public. Enfin, la solennité de cette nouvelle réponse pénale sera renforcée, car seul un procureur ou son délégué pourra la prononcer.
Je précise que, afin de préparer le transfert de charges entre services enquêteurs et autorités judiciaires, cette nouvelle disposition n’entrera en vigueur que progressivement.
Avoir confiance en la justice, c’est aussi comprendre le sens de la peine et surtout la manière dont elle est exécutée.
Pour cela, il est devenu indispensable de refondre entièrement le dispositif des réductions de peine, pour le rendre d’abord plus compréhensible, mais surtout plus juste.
Il convenait d’abord d’en abroger le caractère automatique. Je souhaite que, désormais, les réductions de peine soient graduées au mérite et que la personne détenue sache enfin clairement ce qui est attendu d’elle en termes de conduite et d’efforts de réinsertion. En effet, c’est bien sur ces deux aspects que l’autorité judiciaire se prononcera pour envisager ces réductions, notamment à partir de l’avis des personnels pénitentiaires.
Mais mieux prévenir de nouveaux passages à l’acte passe également par la réduction des sorties « sèches ». C’est dans cette optique que sera créée une libération sous contrainte, avec un accompagnement à trois mois de la fin de la peine. Il ne s’agit évidemment pas d’une mesure de faveur, mais bien du prolongement de l’exécution de la peine prononcée, sous d’autres modalités, afin de favoriser, dans l’intérêt de la société, la réinsertion du condamné.
C’est dans cette même logique de renforcement de la réinsertion que je soutiens la création d’un contrat de travail pour le détenu. En se rapprochant du droit commun, ce contrat permettra de mieux préparer les personnes détenues, souvent dépourvues de toute expérience professionnelle, à retrouver une place dans la société. Il permettra également de revaloriser l’image du travail pénitentiaire à l’extérieur et d’attirer les entreprises qui veulent s’inscrire dans une démarche de responsabilité sociétale.
Je précise, parce que je connais vos inquiétudes, madame, monsieur les rapporteurs, que je peux d’ores et déjà prendre l’engagement devant vous que les coûts liés à ces nouveaux droits seront pris en charge par l’État et qu’ils ne seront pas supportés par les entreprises qui feront le choix louable d’intervenir en prison.
Enfin, le lien de confiance que nous souhaitons retisser entre nos concitoyens et leur justice ne peut être conçu sans une discipline renforcée et rénovée des professions du droit, et sans replacer l’usager au centre du dispositif. Ce dernier sera désormais assuré que chacune de ses réclamations sera traitée avec célérité et impartialité.
Je me félicite que cette réforme importante et largement consensuelle ait pu se construire avec les professions, mais aussi que votre commission l’ait sensiblement enrichie.
Toujours pour répondre aux attentes des usagers, le texte comporte des dispositions modernisant les conditions de fonctionnement de la justice. En particulier, il prévoit toute une série de mesures pour encourager le recours aux modes amiables de règlement des différends, qui permettent aux parties, quand cela est possible, de trouver rapidement un accord sans l’intervention du juge.
Dans ce même esprit favorisant le développement et l’amélioration de la médiation, votre commission a rendu possible le versement direct au médiateur de la provision fixée par le juge pour la médiation. Je ne peux que m’en réjouir.
Afin de satisfaire les besoins concrets exprimés par les justiciables, je vous proposerai également de faciliter le recours à la visioconférence, à la demande des parties, pour tenir des audiences en matière civile et commerciale.
Comme je m’y étais solennellement engagé devant l’Assemblée nationale, je vous proposerai d’enrichir ce texte d’un nouvel article visant à créer un conseil de l’accès au droit sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, où l’absence d’une telle structure n’est plus tolérable. Il s’agit, dans la droite ligne de la justice de proximité que je défends, de permettre le développement du réseau d’accès au droit avec l’appui des juridictions, professions du droit, provinces, maires, autorités coutumières et monde associatif.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que je vous présente aujourd’hui permettra, j’en suis convaincu, de changer le regard de nos compatriotes sur l’institution judiciaire.
Bien sûr, un projet de loi ne résoudra jamais à lui tout seul, d’un seul coup, le problème de la défiance des Français envers leur justice, mais ses dispositions portent toutes en elles de quoi susciter un choc de confiance qu’il nous appartiendra de prolonger lors des États généraux qui s’ouvriront prochainement. Sans tabou ni censure, nous continuerons à y travailler avec passion. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP. – M. le rapporteur applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi, sixième réforme de la justice depuis le début du quinquennat, annonce clairement son ambition : redonner confiance dans la justice.
Ambition d’autant plus forte que plus d’un Français sur deux – très exactement 53 % – ne croit pas en la capacité de la justice à répondre à ses attentes : une justice de qualité, simple dans son fonctionnement, rapide dans ses décisions et effective dans l’exécution de ses jugements.
Cette inquiétude, le Sénat la partage ! C’est pourquoi nous avons formulé de nombreuses propositions pour le redressement de la justice, clé de la confiance de nos concitoyens dans l’institution judiciaire.
Cette ambition, nous continuons à l’alimenter par nos propositions issues de l’Agora de la justice, qui s’est tenue hier et qui a permis des échanges éclairants.
C’est dans ce même état d’esprit que mon collègue rapporteur Philippe Bonnecarrère et moi-même avons mené nos travaux sur ce texte qui affiche une ambition volontaire, mais qui est malheureusement avant tout un catalogue de mesures souvent très techniques et de portée inégale.
En effet, monsieur le garde des sceaux, la confiance ne se décrète pas : elle s’acquiert !
Et pour ce faire, il convient d’en assurer les conditions, grâce à un travail parlementaire serein et non par une rafale de textes et d’annonces présidentielles qui brouillent le travail législatif.
Pourtant, à peine ce projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire était-il adopté par l’Assemblée nationale, que le Président de la République annonçait des États généraux de la justice ! À peine ce texte était-il adopté en commission au Sénat, que le même Président concluait le Beauvau de la sécurité en annonçant une réforme globale de la procédure pénale !
Mieux faire connaître le fonctionnement de la justice grâce à l’enregistrement et à la diffusion des audiences contribuera certes à restaurer cette confiance, à condition que certaines ambiguïtés soient levées. Les émissions souhaitées, sortes de Jour du Seigneur de la justice, ne doivent être ni un outil de communication gouvernemental ni un moyen de faire du sensationnel. Aussi, afin d’éviter les dérives et d’assurer la transparence recherchée, nous avons précisé que leur objectif doit être « pédagogique, informatif, scientifique et culturel », et que la participation des parties au procès ainsi diffusé ne saurait être rémunérée.
Pour rétablir cette confiance, il semble avant tout urgent d’apaiser le monde judiciaire : magistrats, avocats, policiers, greffiers et officiers publics, tous ceux qui, par leur engagement quotidien, font vivre la justice, mais qui sont trop souvent la cible d’attaques infondées.
Nous nous félicitons, monsieur le garde des sceaux, que l’augmentation, ces deux dernières années, des crédits de votre ministère ait permis de renforcer les moyens humains tant attendus. Mais c’était sans compter l’accumulation de réformes législatives qui se sont avérées difficilement assimilables dans des délais rapprochés et qui déstabilisent l’institution judiciaire.
La généralisation des cours criminelles départementales nous semble tout aussi précipitée. Lancée en 2019, l’expérimentation doit se prolonger jusqu’en mai 2022 et se conclure par la remise d’un rapport au Parlement. Si les premiers retours semblent positifs, force est de constater qu’ils ne portent que sur un nombre restreint d’affaires, perturbées par la crise sanitaire et la grève des avocats. Faute de recul suffisant, nous avons décidé de prolonger cette expérimentation jusqu’au mois de mai 2023.
Toujours dans un souci d’apaisement et de clarification du rôle de chacun, la commission a supprimé la présence des avocats honoraires dans les cours d’assises et les cours criminelles départementales.
La lutte contre le sentiment d’impunité passe par une meilleure exécution des peines, notamment des plus courtes d’entre elles, et par les moyens alloués à la prévention de la récidive. Simone Veil affirmait ainsi : « La prison n’est pas une fin, elle doit servir à élever intellectuellement les détenus, et pas seulement à les punir. » Dans cet esprit, l’augmentation proposée du travail en détention doit favoriser la réinsertion. De fait, le constat de la diminution de moitié en vingt ans du nombre de détenus travaillant est incontestable : aujourd’hui, seuls 29 % des détenus travaillent.
Le contrat d’emploi pénitentiaire, qui n’est pas un contrat de travail, mais se rapproche du droit du travail, constitue ainsi une avancée sociale en créant un lien direct entre le détenu et son employeur. Cependant, nous serons vigilants à ce que des règles trop contraignantes et un coût du travail augmenté ne découragent pas les opérateurs économiques et à ce que ce coût soit réellement supporté par l’État.
Enfin, dévoilé tardivement, l’avertissement pénal probatoire, annoncé après la suppression du rappel à la loi, offrira une alternative nécessaire aux poursuites, ciblée sur les infractions les moins graves émanant de primodélinquants.
Victor Hugo affirmait : « Faire justice est bien, rendre justice est mieux. » C’est en nous appuyant sur les professionnels de la justice que nous reconstituerons collectivement le lien entre les Français et l’institution judiciaire, base de notre État de droit. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le Sénat aborde la discussion de ce texte de manière constructive.
Je voudrais ordonner cette très rapide introduction, dont vous comprendrez qu’elle ne me permet pas réellement d’aborder le fond du sujet, autour de deux thèmes : d’abord, je pointerai qu’il s’agit d’un texte de paradoxes ; ensuite, j’exposerai une alternance légitime de points d’accord entre la commission des lois et le Gouvernement. On pourra se rendre compte, au fur et à mesure de l’examen du texte, que ces points d’accord sont plus nombreux qu’on ne le pense ; quant aux quelques points de désaccord, ils ont l’avantage d’être connus, assumés et argumentés de part et d’autre, ce qui devrait permettre, monsieur le garde des sceaux, une décision mûrie dans un bicamérisme de bon aloi.
Un texte de paradoxes, disais-je.
Son premier paradoxe est dans son titre : « la confiance ». Le texte qui nous est proposé est-il de nature à redonner confiance dans l’institution judiciaire ?
M. Philippe Bas. Non ! (Rires sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous entendons là une réponse claire et nette ! Vous le savez, mes chers collègues, nos concitoyens doutent tant de la justice civile, essentiellement du fait des problèmes de délais, que de la justice pénale, avec le fameux débat sur son laxisme réel ou supposé. Or ces deux éléments – délais et laxisme – ne sont pas abordés dans le texte qui nous est présenté.
Je tiens à préciser que M. le garde des sceaux nous a montré tout à l’heure qu’il était tout de même conscient de cette défiance exprimée vis-à-vis de la justice ; chacun d’entre nous, à sa manière, va essayer d’y apporter sa réponse.
Le deuxième paradoxe de ce texte est celui de l’inflation législative. Nous avons récemment découvert un nouveau programme politique : la décroissance. Or vous avez indiqué, monsieur le garde des sceaux, que vous étiez un décroissant législatif. Bigre !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Pourtant, nous en sommes, mes chers collègues, à plus d’un texte pénal par an. Et alors que nous débattons dans cet hémicycle du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, l’Assemblée nationale vient d’examiner un autre texte, sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure, tandis que nos magistrats se préparent à en appliquer dans quelques jours un troisième, issu d’une ordonnance ! Examinons encore tous les textes récemment adoptés – je pense en particulier à la loi confortant les principes de la République et à la loi Climat et résilience –, on conviendra qu’ils ont été particulièrement généreux en infractions nouvelles !
Un autre paradoxe porte sur les moyens. Vous avez insisté, monsieur le garde des sceaux, sur les crédits que vous avez obtenus en 2021 et que vous espérez obtenir en 2022 : ils sont pour vous une réussite évidente. Or voilà que, au moment où la justice pourrait se dire qu’elle est en train de refaire surface, pour les uns, ou d’entamer sa remontée, pour les autres, vous proposez de nouveaux objectifs, de nouvelles procédures, de nouvelles dépenses !
Voilà, vraiment, ce qui provoque notre étonnement, ce que je qualifie de paradoxe : il va y avoir de nouveaux délais à surveiller, de nouvelles procédures à mener, qui vont nécessiter plus de juges d’instruction et de juges de l’application des peines, il va y avoir des ordonnances supplémentaires à motiver, des complexités de procédure supplémentaires, voire de nouvelles dépenses de fonctionnement pures et dures, comme celles que vous venez d’annoncer, il y a quelques minutes, quant à la prise en charge des cotisations sociales des employeurs dans le cadre du nouveau régime de travail des détenus !
Je ne développerai que très rapidement le second thème de mon intervention, pour évoquer les trois grands désaccords qui se sont fait jour entre la commission et le Gouvernement, du moins pour les secteurs du texte qui me concernent.
Le premier désaccord porte sur les réalités de la situation de l’enquête judiciaire dans notre pays, ce qui nous empêche de vous suivre totalement, monsieur le garde des sceaux, sur la réduction des délais d’enquête ; un problème subsiste par ailleurs dans le domaine de la délinquance économique et financière.
Le deuxième désaccord porte sur la priorité de réponse démocratique, et donc sur l’équilibre à trouver entre les droits de la défense, qui justifient le secret professionnel des avocats, et l’activité dans le champ du conseil, qui ne relève pas aujourd’hui de ce secret professionnel : où placer le point d’équilibre ?
Le troisième désaccord, enfin, concerne l’avocat honoraire. Vous voulez qu’il intervienne partout, monsieur le garde des sceaux : dans les cours d’assises, dans les cours criminelles, dans les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) ; vous voulez encore lui faire présider les compositions pénales !
Nous avons du mal à comprendre cette passion, qui nous paraît – je vais tenter une interprétation – résulter du sentiment de la nécessité d’empêcher un certain « entre soi » des magistrats : il faudrait qu’il y ait une participation des uns et des autres à l’œuvre de justice, ce que je peux comprendre. D’une certaine manière, vous exprimez là la recherche d’un paradis perdu, celui des avocats et des magistrats qui vivaient imbriqués dans le même palais de justice, alors que les choses sont un peu différentes aujourd’hui.
Cela me conduit à vous répondre en conclusion de mon propos, monsieur le garde des sceaux, que nous aborderons comme vous ce débat sans tabou ni censure ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre » disait Richelieu. Sans une justice forte et efficace, c’est l’ensemble de la société qui vacille. Nous avons été nombreux à rappeler que la moitié des Français n’ont plus confiance en notre justice. Ces chiffres sont des alarmes auxquelles il est urgent de répondre.
Le premier problème de la justice, c’est celui des moyens. À cet égard, je veux saluer l’action du garde des sceaux, qui a obtenu pour 2021 une augmentation de budget significative. Nous souhaitons que l’effort soit poursuivi pour les années à venir. Nous y serons attentifs lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.
Cependant, pour que la justice cesse d’être le coupable idéal, il est également nécessaire de mieux faire connaître son fonctionnement. Nous sommes donc tout à fait favorables à la diffusion des procès pour des motifs d’intérêt général. Nos deux rapporteurs, dont je salue le travail, ont apporté des précisions utiles quant aux modalités de ces diffusions. Nous espérons que cette mesure permettra au plus grand nombre de comprendre ce que les jurés savent bien : juger en connaissance de cause n’est jamais facile.
La justice a besoin de transparence quand elle est rendue ; elle a besoin de secret quand elle se prépare. Nous soutenons donc le renforcement des sanctions en cas de violation du secret de l’enquête ou de l’instruction. Il est essentiel de préserver ces secrets jusqu’à ce que les investigations soient terminées. Nous voyons trop souvent des condamnations morales tomber dans la presse alors que le verdict n’est pas encore rendu par les juges. Cela n’est pas acceptable.
Par essence, la phase d’enquête ne peut être que temporaire. La limitation de la durée des enquêtes préliminaires est une très bonne mesure. Il faudra néanmoins s’assurer que les moyens humains des services d’enquête permettront de respecter ces délais sans que la qualité du travail en pâtisse.
Le même souci d’efficacité doit guider la phase de jugement. Concernant certains crimes, notamment les crimes sexuels, notre commission des lois a souhaité prolonger l’expérimentation des cours criminelles plutôt que la pérenniser. Cette décision de prudence ne remet pas en cause les résultats satisfaisants que l’expérimentation a produits. Il est essentiel que ces crimes reçoivent une réponse pénale forte.
La justice de notre pays doit remplir un double objectif d’équité et de fermeté, pour que les citoyens retrouvent confiance en elle.
À cet égard, notre groupe soutient particulièrement la suppression des réductions de peine automatiques. Le manque de places de prison ne peut motiver ce dispositif qui envoie un message délétère, car seul le bon comportement du détenu doit justifier une réduction de peine. Il faut récompenser celui qui renoue avec les valeurs de notre société et qui prépare ainsi sa réinsertion. Cette mesure nécessite cependant que le nombre de places de prison soit augmenté en conséquence.
Dans la même optique de réinsertion, nous voulons saluer l’encadrement du travail des détenus par un contrat d’emploi pénitentiaire. « Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin », disait Voltaire. Ce qui se trouve au fondement de notre société ne doit pas s’arrêter aux portes de la détention. C’est par le travail que l’individu s’améliore : il est donc encore plus nécessaire que les détenus y aient accès.
Ce projet de loi et ce projet de loi organique traitent encore beaucoup d’autres points que je ne pourrai évoquer par manque de temps.
Je constate cependant que ces textes n’abordent que peu la justice civile et commerciale, qui constitue pourtant l’une des principales voies d’accès des Français à la justice.
Néanmoins, je relève qu’il y est prévu de permettre l’apposition de la formule exécutoire sur l’acte d’avocat issu d’un mode alternatif de règlement des différends. J’y suis favorable, dans la mesure où cette disposition incite à recourir à ces modes qui désengorgent nos tribunaux, tout en sécurisant l’accord trouvé par les parties.
Les dispositions contenues dans ces textes sont porteuses de progrès pour notre justice. Pour que les Français retrouvent confiance en elle, il est essentiel de renforcer sa publicité, de clarifier et d’affermir les sanctions. Notre groupe soutiendra donc leur adoption, tout en insistant sur la nécessité de lui donner les moyens de remplir ses missions.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici face à un texte qui nous laisse un vrai goût d’inachevé, de « presque », de « juste à côté ».
L’intention est louable. Le constat d’une justice trop incomprise et éloignée des Français est juste. Mais la réponse à la lenteur et aux difficultés de la justice ne doit pas uniquement consister à rogner sur les droits de la défense, sur l’initiative des magistrats enquêteurs, sur la capacité du juge à juger.
En entamant la lecture de ce projet de loi, je le regardais comme ce qu’il est : une réflexion qui devrait couronner une fin de mandat en matière de justice. Mais, une fois ce texte ficelé, à la fois par la commission des lois et par le Gouvernement, la morale que j’en retiens serait plutôt celle-ci : la justice est trop lente, court-circuitons la justice !
Certes, le constat d’une justice trop lente et perdant de son efficacité est partagé par tous, mais quels remèdes y apportez-vous ? Dans la course à l’amélioration des chiffres et à l’affichage, vous choisissez d’éloigner encore plus les justiciables du juge.
Sous couvert de la recherche du compromis et de l’efficacité, vous prétendez ainsi que ce serait plus simple, en matière civile, de se contenter d’accords passés devant avocats : de la sorte, vous refusez en fait l’accès à un juge pour ces affaires.
Que dire des transferts de tâches entre professionnels du droit ! À vouloir afficher un changement radical, vous ne permettez d’améliorer profondément ni les conditions d’accès à la justice ni les conditions de travail des magistrats.
De fait, monsieur le garde des sceaux, vous opérez un véritable changement de philosophie du droit, d’ailleurs favorablement accueilli par la majorité des élus siégeant dans nos travées. Vous délaissez la vision de la justice pénale selon laquelle, en plus de juger les faits, elle doit personnaliser la peine, selon le principe essentiel aux termes duquel on doit être jugé par ses pairs.
Ainsi, votre désir de généraliser les cours criminelles, encore une fois sous couvert de simplification, nous semble démontrer une déconnexion vis-à-vis des attentes qu’on a envers la justice dans une démocratie. Cette dérive, similaire aux problématiques de correctionnalisation de certaines infractions sexuelles, constitue pour nous un nouveau recul. Faire plus simple, certes, pourquoi pas ? Mais faire plus juste, c’est mieux ! Parfois, je me demande même si certains ne rêveraient pas de remplacer les humains par des machines ou des algorithmes à juger !
Je regrette également de ne rien voir sur la justice des mineurs, dont vous savez qu’elle est en souffrance : des délais trop longs, des prises en charge inadaptées – et pourtant, rien ! Ah, si ! À la dernière minute, au son de la cloche annonçant l’arrivée, un amendement a été déposé afin de corriger une imprécision du code de la justice pénale des mineurs : voilà tout !
Toujours en trompe-l’œil, toujours dans une pure volonté d’affichage, toutes les mesures portant sur l’exécution des peines.
Tout d’abord, monsieur le garde des sceaux, vous avez annoncé votre volonté de remplacer le rappel à la loi : il s’agirait d’une sanction inefficace qui, en vos propres termes, ne fait peur qu’aux « honnêtes gens ». Le remplacer par des sanctions plus importantes afin d’afficher une plus grande sévérité sert essentiellement à apporter de l’eau au moulin de ceux qui affirment que la justice ne condamne pas assez.
De manière générale, aucune des mesures de ce texte qui touchent à l’exécution des peines ne découle d’une réflexion profonde ; ainsi, on n’y trouvera rien sur le développement des travaux d’intérêt général. La prison n’est pas, n’en déplaise à certains, la seule sanction efficace dans notre arsenal : encore faut-il juger l’efficacité d’une sanction !
Cette ambition de sanctionner toujours plus fort, forcément par de la prison, ne s’accompagne pourtant d’aucun apport sur les conditions de vie des détenus.
Je ne saurais trop rappeler les condamnations répétées de notre pays pour des conditions de détention proches de l’indignité, comme l’a récemment souligné la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté au sujet des lieux de garde à vue.
Je reste aussi surpris de l’élitisme de certaines propositions extrêmement éloignées de la réalité du terrain. Par exemple, si la valorisation, pour l’octroi de réductions de peine, de la participation à des activités culturelles, ou encore de l’acquisition de connaissances universitaires, est louable, il s’agit d’activités qui ne sont pas accessibles à tous, dans tous les lieux de détention.
Un des aspects les plus positifs de ce texte est qu’on s’y préoccupe de la question du travail en détention, zone très grise de notre système carcéral. Je regrette profondément que notre commission des lois ait supprimé l’habilitation donnée au Gouvernement à légiférer par ordonnance dans ce domaine, sans s’emparer réellement du sujet.
Quelle vision de la réinsertion s’exprime-t-elle quand des élus freinent la reconnaissance de droits sociaux en arguant d’une charge trop importante pour les employeurs ?
Monsieur le garde des sceaux, je comprends bien votre positionnement, depuis votre nomination, sur le budget de la justice et son augmentation. Mais ce que vous nous proposez là nous paraît non seulement manquer de vision globale, mais surtout marquer une dérive vers une justice de plus en plus punitive et vindicative, dont le seul but serait d’emprisonner les gens au plus vite et le plus longtemps possible.
Certes, cela répond à une demande de fermeté accrue, mais nous ne sommes pas dupes : il s’agit d’un leurre dont rien ne démontre l’efficacité. C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le colloque organisé hier soir par notre commission des lois l’a confirmé, notamment au moyen des résultats d’une enquête d’opinion présentés à cette occasion : nos concitoyens accordent à notre institution judiciaire une confiance et un crédit limités.
Ce constat doit être considéré, déjà, pour ce qu’il exprime du rapport complexe, voire conflictuel, d’une partie non négligeable de la population à des institutions indispensables au fonctionnement de notre société.
Mais il doit l’être aussi parce que, comme nous l’avons constaté hier, il heurte les acteurs de cette institution, dont la réalité de la pratique et des décisions, réalité elle aussi chiffrée par des données malheureusement moins exploitées dans le débat public et médiatique, diverge du sentiment et de l’impression dégradés qu’on ressent envers la justice.
Ce décalage doit lui aussi être traité, nous en conviendrons tous. Il doit l’être non pas pour livrer la justice au tribunal de l’opinion, ou encore pour légiférer dans le seul but d’infléchir la sentence de celui-ci, comme Philippe Bas l’a d’ailleurs bien exprimé hier, mais pour saisir les ressorts de la défiance et agir sur ceux-ci lorsqu’ils procèdent bien de mécanismes qui ne fonctionnent pas, ou plus assez bien.
Comme il a été rappelé, plusieurs causes rationnelles peuvent être invoquées à l’appui du constat précité : la lenteur de certaines procédures, la méconnaissance du fonctionnement de la justice – opaque pour 69 % des Français –, ou encore l’enjeu du sens de la peine.
Au-delà de cet état des lieux, sur lequel nous pouvons nous accorder, se pose bien sûr la question des solutions à apporter, des voies à emprunter pour y répondre avec pertinence et efficacité.
On peut certes, comme le font certains de nos collègues aujourd’hui, appréhender le projet de loi soumis à notre discussion en creux, par ses manques.
D’ailleurs, s’attacher à souligner ce que ce texte n’est pas peut aussi, à rebours de certains positionnements, nous amener à souligner les autres vecteurs de confiance mobilisés par le Gouvernement, qu’il s’agisse de la justice de proximité, de la hausse importante des moyens – condition sine qua non de toute réforme ambitieuse – ou encore des prochains États généraux de la justice, qui s’inscriront sans doute dans l’esprit constructif de l’Agora d’hier soir.
Mes chers collègues, si l’on se concentre à l’inverse sur le fond du présent projet de loi, force est de constater qu’une convergence se dessine sur l’esprit de ce texte et sur la majorité de ses dispositions.
C’est le cas s’agissant de la nécessité, pour mieux faire connaître le fonctionnement de l’institution judiciaire, d’ouvrir les possibilités d’enregistrement et de diffusion des audiences, sous réserve bien sûr de garanties, dont certaines ont été utilement renforcées par nos rapporteurs.
Un consensus se dessine également quant à la nécessité, pour renforcer les droits des justiciables, d’ouvrir les enquêtes préliminaires au principe du contradictoire et de les encadrer dans le temps, en ménageant des exceptions pour tenir compte de la complexité de certaines enquêtes en matière de délinquance économique et financière.
Le bon curseur du champ d’application de l’allongement dérogatoire de la durée de l’enquête pourra continuer à nourrir nos échanges, mais il me semble qu’un souci d’équilibre nous réunit.
L’un des facteurs de la confiance réside également dans le respect des droits de la défense, qui répond non à une lubie corporatiste, mais bien à une volonté de protection des justiciables et de leur présomption d’innocence.
À ce titre, le renforcement de la protection du secret de l’enquête et de l’instruction a été utilement conforté par nos rapporteurs.
Les dispositions relatives à la révision et à l’harmonisation de la déontologie et de la discipline des professions du droit, dispositions améliorées de manière substantielle en commission, sont elles aussi de nature à intégrer l’enjeu de la protection des droits de ceux qui y ont recours et, là aussi, à offrir l’égalité des armes.
La confiance dans l’institution judiciaire est indissociable, enfin, du sens de la peine, de la réinsertion des personnes condamnées et de la prévention de la récidive, mais également de la compréhension de la réponse pénale par l’ensemble des justiciables.
Dans le sens de la peine, c’est finalement la préservation de la sécurité de notre société qui est en jeu, dépassant toute polarisation ou toute cristallisation des oppositions politiques.
Je veux à ce titre souligner plusieurs dispositions du présent projet de loi : la systématisation de la libération sous contrainte en fin de peine pour les infractions de basse intensité, afin d’éviter les sorties dites « sèches » ; la suppression de l’automaticité des crédits de réduction de peine, car l’effort a également sa place dans le sens de la peine ; enfin, le contrat d’emploi pénitentiaire, qui vise à favoriser l’insertion professionnelle des personnes condamnées.
Sur la plupart de ces dispositions, là encore, une convergence se dessine sur nos travées.
Le remplacement du rappel à la loi par un avertissement pénal probatoire s’inscrit dans cette finalité de confortement du sens, par un renforcement du caractère solennel et de la compréhension de la mesure.
Il faut bien rappeler que la solution proposée se distingue réellement du rappel à la loi ; elle rejoint d’ailleurs la rédaction initialement envisagée par nos rapporteurs, en ce qu’elle impose l’intervention du procureur de la République ou de son délégué, ainsi que la réparation du préjudice causé à la personne morale ou physique, et qu’elle comporte une période probatoire.
Mes chers collègues, certains points nourriront nos débats dans les prochaines heures.
Je pense notamment à la présence de l’avocat lors des perquisitions, ou encore à la mise en balance de l’opportunité d’un allongement d’un an de l’expérimentation des cours criminelles avec celle de leur généralisation immédiate.
Les différentes dispositions qui nous réunissent ce soir rappellent en tout cas à quel point la confiance des justiciables, mais aussi des acteurs de la justice, en la capacité de cette dernière à remplir son office est indissociable de notre pacte social, lequel se scelle par la volonté de s’en remettre, au sens le plus étymologique de la confiance, à nos institutions.
Vous l’aurez compris, le groupe RDPI votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comment restaurer la confiance dans la justice quand près de la moitié de la population n’y croit plus ? Voilà la question qui nous est posée au travers de ce projet de loi.
Ce constat, posé par nombre de nos concitoyens, est tout aussi criant qu’il est contradictoire : en cela il est typiquement français !
Il est contradictoire, car les Français sont partagés entre, d’une part, les tenants du tout répressif, du tout carcéral – ou, du moins, du très répressif – et, d’autre part, ceux qui pensent que cette solution ne fonctionne plus et qu’il nous faut davantage nous orienter vers des peines alternatives, qu’il faut vider les prisons plutôt qu’en construire de nouvelles.
Je grossis volontairement le trait, mais je partage largement cette seconde approche, notamment dans un domaine que je connais, celui de la protection judiciaire de la jeunesse, où, pour de nombreux jeunes, l’incarcération en centre éducatif fermé est le premier pas vers la récidive et le début d’un parcours judiciaire tortueux.
Au-delà de ces débats, les Français sont tous d’accord sur un point : entre la commission d’une infraction, le prononcé d’une peine et son exécution s’écoule souvent beaucoup trop de temps. La France a par ailleurs été condamnée de nombreuses fois par la Cour européenne des droits de l’homme pour ce manque de célérité.
Vous me permettrez d’émettre quelques regrets avant d’en venir au texte.
Tout d’abord, ce texte ne comporte pas ou peu de dispositions concernant la justice du quotidien qu’est la justice civile. Pourtant, les chiffres sont là : en 2020, plus de 2,25 millions de décisions ont été rendues au civil, contre seulement 1,13 million d’affaires pénales engagées, preuve une nouvelle fois que, si la justice civile est omniprésente dans la vie de la société, elle demeure invisible dans le débat public.
À cela s’ajoute l’impression que ce texte est un peu décalé, alors que les États généraux de la justice, annoncés depuis de nombreux mois, sont sur le point de débuter.
Malgré ces manques évidents et un calendrier contraint, la commission des lois a apporté quelques modifications substantielles au texte initial qui peuvent, pour partie, convenir au groupe du RDSE.
C’est le cas de l’article 1er portant sur l’enregistrement et la diffusion des audiences : la commission des lois a apporté davantage de garanties en précisant la nature du motif d’intérêt public, en évitant toute possibilité de rémunération pour les personnes enregistrées ou en précisant que la décision du juge d’arrêter ou de suspendre un enregistrement ne peut faire l’objet d’un recours. Néanmoins, sur cet article, nous proposerons des amendements ayant pour objet la mise en œuvre d’une expérimentation à ce sujet et visant à renforcer les garanties en faveur des personnes enregistrées.
Nous sommes également favorables à la réduction des délais de l’enquête préliminaire prévue à l’article 2.
J’en viens aux cours criminelles départementales. Monsieur le garde des sceaux, si nous comprenons votre objectif d’accélération de la procédure, nous partageons la volonté de la commission des lois de prolonger l’expérimentation avant sa généralisation, afin d’avoir davantage de recul sur ce dispositif.
Sur le sujet de la concurrence entre les cours criminelles et les cours d’assises, si vous vous êtes voulu rassurant, monsieur le garde des sceaux, je me permets de vous rappeler notre attachement et celui de nombreux Français aux assises, qui restent le dernier lien direct entre eux et leur justice.
Nous sommes également favorables au contrat d’emploi pénitentiaire prévu aux articles 11 à 13. Le texte qui nous est proposé permettra une clarification des conditions de travail des détenus.
Lors de l’examen de ce texte, nous serons vigilants au sort réservé à nos différents amendements, notamment sur la médiation ou sur les mesures concernant les huissiers de justice.
Restent deux interrogations.
La première interrogation concerne le remplacement du rappel à la loi par l’avertissement pénal probatoire. Si nous sommes plutôt favorables au principe de cette mesure, nous regrettons que celle-ci n’ait pas fait l’objet d’une étude d’impact qui nous aurait très certainement éclairés.
La seconde interrogation a trait à la réduction du secret professionnel des avocats. L’amendement adopté en commission introduit un recul en permettant qu’il soit procédé à la saisine de la totalité du dossier ou à la mise en place d’écoutes en raison du simple fait que l’enquête porte sur un contentieux fiscal ou un délit financier : cela porte atteinte à l’exercice professionnel de l’avocat.
Pour conclure, il convient de souligner, pour le saluer, le contexte dans lequel ce projet de loi intervient, celui d’une hausse substantielle des crédits mis en œuvre par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Monsieur le garde des sceaux, le chemin de la confiance sera long.
Mme Maryse Carrère. Nous essaierons de faire route ensemble.
S’il ne vient pas renverser la table, ce projet de loi est, à notre sens, une première étape pour rétablir la confiance dans l’institution judiciaire.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE déterminera son vote en fonction du sort qui sera réservé à ses amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis nous laisse, comme d’autres, pour le moins sceptiques sur la forme comme sur le fond. Nous nous interrogeons également sur le contexte dans lequel intervient un tel débat. Il semblerait en effet que, à la veille d’échéances électorales importantes, les projets, débats, états généraux en tout genre sur le thème de la justice, surgissent de toutes parts, orientés tous azimuts.
Pourtant, pour nous comme pour un certain nombre de professionnels de la justice, c’est finalement un projet de loi aux mesures éparses et sans véritable cohérence globale qui est proposé, alors même qu’il affiche la volonté de rétablir la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire.
Certes, filmer les audiences pourrait présenter une vertu pédagogique en donnant aux justiciables accès aux rouages de la justice du quotidien – nous n’y sommes pas opposés, à condition d’encadrer sérieusement ce dispositif –, mais bien d’autres problématiques amputent aujourd’hui la confiance de nos concitoyens dans cette institution. Il est par exemple important de faire le constat amer des suspicions de nos concitoyens quant à l’impartialité des juges et à leur indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Bien plus, nous ne pouvons ignorer l’impact notable de l’indigence des moyens de la justice sur la qualité des audiences et de la motivation, sur les délais d’audiencement et de jugement – autant d’éléments qui ont une incidence non négligeable sur la mauvaise opinion que les citoyens peuvent se faire de leur justice, et ce malgré l’engagement de l’ensemble des professionnels pour faire mieux au quotidien.
Toutes ces questions ne sauraient donc être résolues par la simple diffusion d’images d’audience à la télévision ou sur internet : elles nécessitent des réformes institutionnelles permettant de renforcer dans les faits le statut des magistrats – la réforme sur l’indépendance du parquet est-elle définitivement enterrée ? – ou encore d’encadrer les transmissions d’informations des juridictions à la Chancellerie. Permettez-moi une digression : nous avons vu qu’il ne suffisait pas d’organiser des débats télévisés avec de grands professeurs de médecine pour rassurer nos concitoyens sur les politiques sanitaires à conduire.
Enfin, ce projet de loi qui affiche l’ambition de renouer le lien de confiance entre justiciables et institution judiciaire manque cruellement de crédibilité en éludant la question de la justice civile, au cœur du quotidien de nos concitoyens. En ce sens, ce texte contient une seule disposition, minime, mais néanmoins positive, la suppression de la juridiction nationale des injonctions de payer, bien que cela n’aille pas du tout dans le sens d’une confiance renforcée dans la politique menée par le Gouvernement en matière de justice, le garde des sceaux actuel supprimant une juridiction créée par la garde des sceaux qui l’a précédé au cours de ce quinquennat.
Venons-en à ce que le texte contient de positif. Nous saluons les mesures concernant le travail en détention. Le contrat d’emploi pénitentiaire marque indubitablement un progrès ; il consacre des relations entre les donneurs d’ordre et le travailleur détenu. Hélas, pour ce code pénitentiaire, le Gouvernement demande l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnances.
Concernant l’exécution des peines, alors qu’un pas est fait dans le sens de la régulation carcérale en rendant automatique la libération sous contrainte à trois mois de la fin de peine, ce qui est donné, d’un côté, est repris de l’autre, avec la fin des crédits de peine attribués d’emblée lors du placement sous écrou des détenus. Nous y reviendrons lors de la discussion des articles.
En l’état, ce projet de loi ne peut recueillir notre assentiment. Si un certain nombre de mesures semblent plutôt positives, par exemple celles qui visent à encadrer le travail en détention ou encore celles qui sont relatives à l’évolution des règles déontologiques et disciplinaires des professionnels du droit, d’autres sont pour nous rédhibitoires, à l’instar de la fin des crédits de réduction des peine, de la suppression du rappel à la loi, finalement remplacé par ce qui pourrait s’apparenter à un Canada Dry de la justice, ou encore de la généralisation des cours criminelles départementales. Les crimes sexuels ne peuvent être jugés au rabais et à la place du peuple à travers les jurés populaires ; la cour d’assises doit rester centrale dans le fonctionnement de la justice.
Dans l’ensemble, trop de mesures vont dans le sens d’une gestion comptable de la justice. Elles révèlent un manque de cohérence flagrant et semblent relever, comme je l’ai dit au début de mon propos, d’une logique dictée par les aléas politiques et médiatiques du moment. C’est finalement bien regrettable, car, oui, monsieur le garde des sceaux, il y a urgence à restaurer cette confiance, à redonner à nos concitoyens cette capacité non pas à croire en l’institution judiciaire, mais à avoir l’assurance que l’institution judiciaire est tournée vers eux et fonctionne pour eux.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas le texte proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hussein Bourgi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hussein Bourgi. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans tout pays démocratique, l’État de droit se mesure à l’aune de l’adhésion et de la confiance qui lient les citoyens et les institutions régaliennes. Force est de constater que, dans notre pays, si la confiance à l’égard de l’armée, de la gendarmerie et de la police est élevée, celle que les Français placent en la justice est altérée, parfois même dégradée.
En effet, dans une enquête d’opinion de 2019, un Français sur deux signifiait sa défiance à l’égard de notre système judiciaire et 62 % des Français indiquaient que la justice fonctionnait mal. Ces chiffres sont durs, ils sont même cruels à bien des égards, car ils témoignent d’un décrochage profond entre les Français et l’institution judiciaire.
Les causes de cette défiance sont à la fois multiples et justifiées. Nos tribunaux sont engorgés, les magistrats et les greffiers croulent sous les dossiers. Deux exemples très récents : au tribunal judiciaire de Nîmes, il n’y a plus de juge d’instruction spécialisé en matière économique et financière ; au tribunal judiciaire de Nantes, à l’occasion de son installation, lundi dernier, le nouveau procureur a indiqué, comme un appel à sa tutelle et aux élus que nous sommes, que la justice nantaise n’était plus crédible.
Monsieur le garde des sceaux, les inégalités territoriales dans l’accès à la justice sont criantes. Les procédures rallongent les délais de traitement et d’audiencement. De surcroît, en dépit du travail sérieux qu’accomplissent les associations d’aide aux victimes, les parties civiles ont le sentiment d’être oubliées, voire délaissées. Certaines victimes apprennent par exemple que leur plainte a été classée sans suite, sans que personne ait pris le soin de les en informer.
Monsieur le garde des sceaux, lors de votre prise de fonction, vous avez annoncé vouloir « améliorer la justice dans notre pays », regrettant alors « les conditions de travail déplorables dans lesquelles se débattent quotidiennement magistrats et greffiers » et estimant nécessaire de mettre en place une justice plus proche du citoyen. Pour l’heure, votre bilan est pour le moins contrasté : l’augmentation bien réelle des crédits qui vous ont été accordés lors du vote du précédent projet de loi de finances reste cependant insuffisante pour corriger les nombreux travers d’un système judiciaire laissé exsangue.
Indépendamment de la question des moyens, qui est centrale, il y a le contexte dans lequel nous sommes invités à débattre de ce projet de loi. Il règne objectivement un climat de perplexité, voire de crispation, chez les acteurs du système judiciaire, qui ont été déçus par le contenu de ce projet de loi. Derrière un titre ambitieux qui aurait pu séduire et qui aurait dû convaincre, il n’y a qu’une addition de mesures techniques et quelques ajustements qui évitent soigneusement les vrais problèmes et ne règlent en rien la justice du quotidien.
Je relève enfin que nous sommes saisis de ce projet de loi alors même que le Gouvernement annonce son intention d’organiser des États généraux de la justice. Cette multiplication d’annonces vient brouiller le message gouvernemental et ne favorise pas les conditions de la confiance.
Monsieur le garde des sceaux, la confiance dans l’institution judiciaire ne se proclame pas, pas plus qu’elle ne se décrète. La confiance dans l’institution judiciaire se construit jour après jour, elle se mérite.
Venons-en au contenu de votre projet de loi.
Sans nier l’intérêt pédagogique que peuvent représenter la captation vidéo des audiences et leur retransmission à la télévision, nous avons du mal à évaluer l’impact réel d’une telle mesure sur la confiance des Français dans l’institution judiciaire. Plus surprenant encore, alors que vous sembliez, comme nous, attaché aux jurys populaires nés de la Révolution française, vous voulez désormais supprimer les cours d’assises et les remplacer par les cours criminelles départementales. (M. le garde des sceaux proteste.)
En 2017, sur France 3 Corse, vous critiquiez les cours criminelles départementales, indiquant que la présence des citoyens était une « bouffée d’oxygène dans le corporatisme des juges ». Et d’ajouter : « La justice est rendue au nom du peuple et on voudrait interdire au peuple de rendre justice ? Nous avons besoin du jury populaire ; moi, je ne veux pas d’une justice qui soit exclusivement professionnelle. » (M. le garde des sceaux acquiesce.)
Monsieur le garde des sceaux, vous avez parfaitement le droit de changer d’avis, vous avez même le droit d’évoluer, mais avouez qu’il y a quelque paradoxe à évincer les Français quand ils sont acteurs de la justice, notamment lorsqu’ils siègent dans les cours d’assises, pour les réduire au simple statut de téléspectateurs devant une émission à mi-chemin entre Au théâtre ce soir et Faites entrer l’accusé.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Hussein Bourgi. La réforme des réductions de peine est une autre mesure à la fois contradictoire et contre-productive. Nous saluons évidemment votre volonté de simplifier le dispositif existant, car le système actuel est illisible et incompréhensible pour de nombreux justiciables profanes en matière juridique.
Pour autant, l’ensemble des professionnels que nous avons rencontrés et auditionnés soutiennent qu’il n’y a pas lieu de légiférer sur cette question et que la nouvelle réforme pourrait avoir deux effets pervers majeurs. D’une part, elle engendrera la multiplication des sorties « sèches », entravant ainsi la volonté gouvernementale, que nous partageons, de lutter contre les récidives puisque le détenu ne pourra pas pleinement préparer sa réinsertion dans la société. D’autre part, cette suppression des réductions de peine serait susceptible de favoriser le maintien en détention de certains prisonniers, alors que l’exécutif a affiché sa volonté, que nous partageons là aussi, de réduire la surpopulation carcérale.
Il est un autre point de ce texte qui fait débat : la suppression du rappel à la loi annoncée au mois de mai dernier. Monsieur le garde des sceaux, il vous aura fallu quelques semaines pour constater que cette suppression sèche poserait problème, alors même que les rappels à la loi représentaient 21 % des réponses pénales, soit la bagatelle de 262 346 rappels à la loi en 2019.
Monsieur le garde des sceaux, supprimer un rappel à la loi et ne le remplacer par aucune mesure alternative, c’était le meilleur moyen d’accréditer involontairement, je vous l’accorde, ce sentiment d’impunité judiciaire chez certains auteurs d’infractions. Supprimer le rappel à la loi et ne le remplacer par aucune mesure alternative, c’était prendre le risque de faire plonger les statistiques en matière de réponse pénale.
M. Hussein Bourgi. En effet, je souligne, pour mémoire, que les rappels à la loi représentent la moitié des mesures alternatives aux poursuites.
Vous vous êtes ravisé et c’est tant mieux. N’en déplaise à ses détracteurs, le rappel à la loi a prouvé sa vertu dissuasive en vingt ans de pratique.
Aux incohérences de fond que contient ce projet de loi s’ajoute la forme choisie pour en traiter certains aspects essentiels : le groupe socialiste déplore que le Gouvernement ait initialement choisi d’avoir recours aux ordonnances pour les articles 14, 15, 27 et 32.
Monsieur le garde des sceaux, il appartient au Parlement de légiférer. L’usage abusif que fait votre gouvernement de l’article 38 de la Constitution depuis le début de cette législature n’est pas acceptable. Le recours trop fréquent aux ordonnances et à la procédure accélérée n’est pas respectueux du Parlement et des parlementaires.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !
M. Hussein Bourgi. Monsieur le garde des sceaux, nous sommes parfaitement ouverts à un débat sur les droits sociaux des travailleurs détenus ou à une discussion autour de la création d’un code pénitentiaire. Encore faut-il que l’exécutif nous en donne l’occasion. La commission des lois a partiellement satisfait cette demande et je souhaite en profiter pour remercier les rapporteurs de la qualité de leur travail.
Pour espérer obtenir et gagner la confiance des Français, le préalable consisterait peut-être à jeter les bases d’un travail loyal, respectueux et constructif avec les parlementaires que nous sommes, qu’ils appartiennent à la majorité présidentielle ou à l’opposition.
Pour conclure, je tiens à mentionner l’élément structurel qui manque dans ce projet de loi. Si une réflexion est menée sur le contentieux pénal, rien, comme souvent, n’est proposé en matière de justice civile, commerciale et familiale ; or le contentieux civil totalise 2,2 millions de décisions rendues par an, quand la justice pénale n’en rend que 800 000. Il est grand temps que nous nous penchions sur cette justice du quotidien, celle qui a un impact sur nos concitoyens.
Monsieur le garde des sceaux, avec ce projet de loi vous souhaitiez donner à nos concitoyens confiance dans l’institution judiciaire. Je crains hélas, que, par ses faiblesses intrinsèques, ce texte ne soit considéré comme un énième rendez-vous manqué de ce quinquennat.
Pour éloigner ce funeste destin, notre groupe s’attachera à gommer les imperfections de ce texte et à lui donner un peu plus de consistance lorsque c’est nécessaire. Nous espérons que vous saurez accueillir nos propositions avec ouverture ; cela est d’autant plus souhaitable que, dans cet hémicycle, nous sommes, les uns et les autres, que nous siégions sur les travées ou au banc du Gouvernement, animés de la volonté commune d’aider la justice à retrouver tout le crédit qu’elle mérite auprès des justiciables. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dès l’abord, je dois vous dire que j’ai été un peu surpris du décalage entre le titre, l’objet annoncé de ce texte et son contenu réel. Ce projet de loi comporte en réalité des dispositions hétéroclites et de portée inégale – et ce n’est pas méconnaître l’intérêt de certaines d’entre elles que de le dire. Reste que cela ne justifie en rien le caractère quelque peu présomptueux de l’intention affichée par ce texte.
J’espère néanmoins que nos travaux contribueront à ce qu’un certain nombre de dispositions utiles s’intègrent à notre corpus juridique. Toujours est-il que, entre le déroulement de l’enquête préliminaire, l’adaptation du régime des droits de la défense, les cours criminelles, la possibilité de filmer l’audience, le recours à des magistrats non professionnels, nous ne sommes tout de même pas dans un Grand Soir du service public de la justice. D’ailleurs, le texte paraît déjà incomplet, puisque le Gouvernement en annonce d’autres, comme s’il avait tant de temps devant lui pour faire en quelques mois ce qui n’aurait pas été fait en cinq ans.
Il serait donc plus exact et moins présomptueux d’intituler ce texte « projet de loi portant diverses dispositions relatives à la justice ». Ce ne serait déjà pas si mal et cela renseignerait davantage le public sur son contenu réel.
En réalité, monsieur le garde des sceaux, convenons-en, cette question est tout à fait secondaire : le titre du texte sera bien vite oublié sous l’effet de la codification. Je crains d’ailleurs que son contenu ne le soit à son tour assez rapidement aussi. (Sourires.)
Monsieur le garde des sceaux, vous avez souhaité organiser des États généraux de la justice. Nous nous sommes mis en situation d’y prendre part. L’Agora de la justice, qui s’est tenue hier à l’invitation du président de notre commission des lois et du président du Sénat, a été un moment fort de la relation entre la représentation nationale et le monde de la justice. Je dois dire que, face à l’énoncé des différents points de vue exprimés par les Français sur la justice, il y avait dans le corps des magistrats, mais aussi chez les avocats, les responsables de l’administration pénitentiaire, voire les universitaires, beaucoup d’émotion, ce qui nous a permis de mesurer de nouveau à quel point tous ceux qui concourent à la justice sont sincèrement et profondément engagés pour le bon fonctionnement de ce grand service public.
M. Philippe Bas. Nous voulons aider la Chancellerie à renouer avec la communauté judiciaire en même temps qu’à resserrer les liens distendus entre les Français et la justice. Je crois, après vous avoir entendu, monsieur le garde des sceaux, que vous partagez largement ce constat pourtant sévère. Reste que je préfère un garde des sceaux objectif sur la situation dont il a la responsabilité à des discours de marchand de bonheur qui ne devraient pas avoir cours en ce qui concerne la justice.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez raison sur un point essentiel : on ne peut laisser perdurer la défiance que mesurent les enquêtes d’opinion entre les Français et la justice ni laisser la justice livrée en pâture au tribunal de l’opinion. Je le dis au Gouvernement : les États généraux doivent commencer par un état des lieux, lequel, s’il veut servir à un débat consensuel entre les Français, doit être loyalement établi, objectif et impartial.
Il y a la justice civile : plus de 2 millions de décisions sont rendues chaque année ; ces décisions concernent la famille, la consommation, les loyers, mais aussi, avec la justice prud’homale, les licenciements ou les salaires. Ces décisions touchent le quotidien des Français.
Il n’en est pas question dans ce texte. Pourtant, rares sont nos concitoyens qui n’ont pas au moins une fois dans leur vie besoin de l’arbitrage d’un juge. Ce n’est donc pas accessoire. Hélas, après cinq années du quinquennat actuel, nous constatons que les délais moyens de jugement ne se sont pas raccourcis : ils se sont au contraire encore allongés d’un mois, pour atteindre désormais une moyenne d’un an, hors conseils des prud’hommes où la situation est encore plus critique puisque l’on frôle les dix-huit mois. Il n’y a pas de confiance possible dans la justice, si on laisse perdurer une telle situation de thrombose.
Il y a ensuite la justice pénale. Arrêtons-nous-y un instant, puisque c’est l’objet principal de ce texte. Entre la première instance et l’appel, il faut plus de deux ans pour traiter les affaires de délinquance, soixante mois pour les affaires criminelles. C’est beaucoup trop. La réponse pénale est trop lente, elle n’est pas adaptée aux exigences d’une politique répressive efficace.
D’abord, il y a la réalité de la société : la violence ne cesse de s’aggraver – n’est-ce pas, monsieur le garde des sceaux ?… –, plus encore vis-à-vis des agents en charge de la sécurité de nos concitoyens.
Incontestablement, la France doit faire face à une forte augmentation des violences sur les personnes. Ce n’est pas moi qui le dis, monsieur le garde des sceaux, non, c’est le Président de la République au mois d’avril dernier, vous l’avez lu comme moi. Croyez bien que ce constat d’échec après quatre années de mandat me navre tout autant que lui et qu’il désole plus encore nos concitoyens exposés à cette aggravation de la violence. Je ne crois pas qu’on les rassurera en filmant le déroulement des procès ou en remplaçant le rappel à la loi par l’avertissement pénal probatoire.
M. Philippe Bas. Ensuite, cette insécurité aurait normalement dû donner lieu à une amélioration de notre système pénitentiaire. Force est de constater, malheureusement, en ce qui concerne les constructions de prisons, que les engagements n’ont pas été tenus.
Monsieur le garde des sceaux, vous vous dites « ulcéré » du procès qui est fait au Gouvernement à propos des 15 000 places de prison que le Président de la République s’est engagé à construire pendant son quinquennat. Pour ma part, je suis également ulcéré, mais pas pour les mêmes raisons : je suis ulcéré que l’on prétende, que l’on puisse oser prétendre, que cet engagement a été tenu. Que l’on en juge : 2 000 places ont été ouvertes – la Santé, les Baumettes 2, Aix-Luynes 2 –, mais il s’agit de travaux engagés par M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux du précédent quinquennat ; 650 places sont en cours de réalisation. C’est tout, pas plus,…
M. Philippe Bas. … même si, il faut le dire, des marchés sont notifiés pour 3 450 places, qui, pour la plupart d’entre elles, prendront malheureusement plusieurs années avant d’être ouvertes. Cet échec grave, cette carence dans le respect des engagements qui sont au cœur d’un mandat présidentiel posent un véritable problème démocratique.
Enfin, il y a la question du budget. L’augmentation des moyens de la justice est réelle, il faut le reconnaître, mais elle aura été insuffisante au départ – cela ne sera pas rattrapé –, irrégulière sur la durée, avec une sous-consommation de crédits qui constitue une anomalie grave dans le fonctionnement de l’État.
La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a été votée tardivement. Elle prévoyait une augmentation de crédit de 23 % en cinq ans. Nous avons jugé que c’était insuffisant, qu’il fallait atteindre si possible 30 %, nous ne l’avons donc pas votée. Vous avez décidé de rétablir la trajectoire que nous souhaitions, nous ne pouvons pas vous le reprocher, nous en sommes heureux. Pour autant, nous ne pouvons pas vous laisser dire que l’effort fait pour la justice permet une remise à niveau, telle qu’elle serait nécessaire pour le bon fonctionnement de la justice.
M. Philippe Bas. En effet, on ne rattrapera pas les sous-dotations des premières années du quinquennat – cet argent qui n’a pas été dépensé ne le sera plus. Par ailleurs, la sous-consommation des crédits de la mission « Justice » à laquelle j’ai fait allusion est endémique. Excusez du peu : 378 millions d’euros de sous-consommation pour les années 2018, 2019 et 2020 ! Qui plus est, 652 millions d’euros de crédits d’investissement, soit un tiers des crédits d’investissement de ces trois années, n’ont pas été engagés. C’est très grave, c’est même le plus grave et cela explique d’ailleurs en grande partie que l’on ne construise pas de places de prison. On ne peut pas accepter cette situation.
Enfin, le caractère purement virtuel du budget pour 2022, qui n’engage à rien et n’est d’ailleurs pas soutenable, fait que la bataille budgétaire sera entièrement à recommencer au second semestre 2022. Il sera alors trop tard pour tenir la trajectoire budgétaire de 2022.
C’est pourquoi il ne faut pas se contenter de voir les crédits votés, il faut regarder quel aura été rétrospectivement l’effort réel en faveur de la justice. Monsieur le garde des sceaux, je vous le dis : le compte n’y est pas.
Le Sénat est depuis longtemps engagé au service d’une rénovation en profondeur de la justice. Nous sommes très nombreux ici à penser que la justice doit cesser d’être un enjeu de débat politique. Nous sommes prêts à contribuer, comme en matière de politique étrangère ou de défense nationale, à ce que des consensus se forgent pour que cette grande fonction régalienne soit mise à l’abri des surenchères et cesse d’être le domaine des bateleurs d’estrade. (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
C’est dans cet esprit que nos rapporteurs ont travaillé, pour essayer d’améliorer votre texte. C’est aussi dans cet esprit que mon groupe soutiendra les efforts de la commission des lois.
Même avec ces améliorations, ce n’est certes pas le texte que nous aurions fait si nous avions pu le faire seuls, mes chers collègues. J’ai en particulier les plus grandes réserves sur le fait de filmer des audiences, parce que je suis sensible à l’émotion des victimes comme à la vulnérabilité des accusés, qui sont présumés innocents, et je crains fort que cela n’amène des biais dans la sincérité et l’authenticité des débats judiciaires, et que certains n’en viennent à se servir du tribunal comme d’une tribune. (M. le garde des sceaux ironise.)
Cependant, le Sénat n’est pas une chambre d’obstruction, monsieur le garde des sceaux, mais de construction. Il sait qu’il ne peut à lui seul faire la loi, et il a donc toujours à cœur d’aborder la discussion des textes avec le sens du compromis, qui permet de trouver des accords consolidant les points qui lui paraissent essentiels – nous vous les signalerons et nous sommes certains que vous contribuerez à une bonne entente avec l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « Projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire » : voilà un titre qui sonne comme un aveu ! Mais vous l’avez dit vous-même, monsieur le garde des sceaux, et le sondage commandé par la commission des lois le prouve : les Français n’ont plus confiance dans leur justice. C’est une situation regrettable pour une institution qui est pourtant au cœur de notre pacte social.
Les causes de ce désamour sont multiples : délais trop longs ; méconnaissance du fonctionnement judiciaire et de ses acteurs ; incompréhension par le grand public de la sévérité, ou du manque de sévérité, des peines prononcées ; questionnement sur l’exécution de ces peines ; gestion, prévention de la récidive… La liste est longue, malheureusement.
Oui, donc, sur le principe, ce texte est bienvenu. Atteint-il son objectif ? Dans un premier temps, il entend redonner confiance en montrant la justice en action à travers l’enregistrement et la diffusion d’audiences.
De prime abord, l’idée m’a paru bonne. Puis je me suis référée à ce que nous vivons nous-mêmes ici, à l’impact que peut avoir sur notre parole ou notre comportement le fait d’être filmés. Quel impact auront donc les caméras sur le comportement et la parole des victimes, des témoins, des accusés, mais aussi des procureurs, des juges ou des avocats ?
Je me suis vraiment posé la question, monsieur le garde des sceaux, lors d’une de vos auditions, où nous évoquions les avancées comme les retards de votre ministère en matière informatique. Lorsque vous m’avez répondu, vous avez commencé par dire : « Je ne voudrais pas que les personnes qui nous regardent croient que… ». Vous vous adressiez donc à ces personnes autant qu’à moi. Qu’en sera-t-il dans une session d’assises ?
Non, tout ne peut pas être tout le temps filmé, et nos deux rapporteurs, dont je salue ici le travail de grande qualité, ont défini ce qui relève d’un intérêt public, dont l’enregistrement est utile, et affirmé le principe de gratuité, pour éviter toute recherche de surenchère.
Rien de tel, à mon sens, qu’une bonne série télévisée, bien documentée, pour faire connaître le métier. Ainsi, la série Urgences contribue probablement plus à donner envie aux jeunes de devenir médecins que des opérations filmées sur le vif. Et que dire du Bureau des légendes, qui a considérablement aidé la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) dans son recrutement ? Voilà pour la meilleure connaissance.
J’en viens aux délais, avec l’article 2, qui vise à limiter la durée de l’enquête préliminaire à deux ans, prolongeables d’un an sur décision du procureur. Ce délai semblerait déjà respecté pour 92,7 % des enquêtes préliminaires. Seules 3,2 % d’entre elles dureraient au-delà de trois années. Je dois avouer que ces chiffres me surprennent vraiment, et je crains que la plupart des clôtures ne soient des déclarations sans suite, faute de pouvoir engager les suites en question.
Heureusement, l’article exclut de son champ d’application les enquêtes antiterroristes et le crime organisé. Mais il est également un domaine où une enquête prend toujours du temps, les enquêtes financières, ne serait-ce que parce qu’il y a quasiment systématiquement un compte étranger dans l’affaire, mais aussi à cause du manque d’officiers de police judiciaire spécialisés dans la matière. L’extension du délai préconisée par nos rapporteurs en matière de fraude fiscale, de corruption ou de blanchiment est donc la bienvenue.
Autre sujet qui a fait causer ou qui fait lire : la suppression du rappel à la loi introduite par nos collègues de l’Assemblée nationale. Il a suffi de le supprimer pour en découvrir toute l’utilité ! En lisant hier Le Figaro, j’ai pris connaissance de la mesure que vous souhaitiez nous soumettre, l’avertissement pénal probatoire. Le journaliste ne semblait pas avoir compris qu’il fallait encore que nous la votions… Mais vous avez raison d’avoir eu confiance et d’employer le futur plutôt que le conditionnel, car cette proposition mérite que l’on vous suive.
Je finirai avec le fonctionnement de la justice en mentionnant les cours criminelles départementales que le Gouvernement souhaite généraliser dès à présent. À titre personnel, je suis favorable à ces cours criminelles, qui ont permis de juger des viols rapidement et d’éviter de les correctionnaliser.
Mais pendant que les juges seront en train de siéger dans des cours criminelles que l’on généraliserait, ils ne seront ni aux assises ni dans leur bureau. Comment développer des cours criminelles sans se poser la question des moyens à leur consacrer ? Certes, les moyens ont été augmentés pour l’équipe qui entoure le magistrat, mais pas vraiment pour le nombre de magistrats, et je parle des moyens humains, et surtout des greffiers. Généraliser ces cours sans penser à cette question me paraît prématuré, car vous savez bien qu’il reste encore un gros effort à faire sur le sujet.
Passons à la pénitentiaire : que du bon ! La fin des remises de peine automatiques était souhaitée par nos concitoyens, et j’ai pu me rendre compte qu’elle était également bienvenue pour les magistrats et les personnels pénitentiaires. Tout le monde serait d’accord, semble d’accord, alors allons-y ! Un point de vigilance, toutefois, sur les courtes peines qui pourraient partir de la mesure.
Autre bonne mesure, le contrat d’emploi pénitentiaire. La peine, c’est la prison, pas le travail sans règles claires. Celles-ci sont mieux définies, on sait qui juge en cas de conflit : c’est un véritable progrès.
Enfin, le titre V porte sur le renforcement de la confiance du public dans l’action des professionnels du droit, car la justice, ce ne sont pas que les tribunaux et les juges. Ce sont aussi les notaires, les avocats ou les nouveaux commissaires de justice, regroupant les métiers d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire. Créer des codes de déontologie devrait permettre de rassurer les justiciables en montrant qu’il n’y a pas les intouchables, d’un côté, et les petits à la merci d’une justice partiale, de l’autre. Souvent, on a pu entendre que les notaires protégeaient les notaires ou les huissiers, les huissiers, par exemple. C’est pourquoi la création d’une phase préalable de conciliation pour les réclamations des usagers, ainsi que la possibilité pour ces derniers de saisir directement la juridiction disciplinaire, ce qui est impossible aujourd’hui, sont des signes positifs et des avancées nécessaires.
En définitive, il en faudra probablement plus pour rétablir un véritable lien de confiance entre les Français et leur justice. Pour autant, les avancées que ce texte comporte sont les bienvenues. Elles ont été qui plus est enrichies par nos rapporteurs. Le groupe centriste votera donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Tout d’abord, je voudrais répondre à M. le sénateur Bas. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Que vous le vouliez ou non, monsieur le sénateur, il y avait 8 427 magistrats au 1er janvier 2017. Nous en sommes à 9 090…
M. Philippe Bas. C’est vrai.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est vrai, et c’est incontestable, et 52 magistrats supplémentaires viendront abonder ce nombre. De plus, naturellement, nous pourvoirons aux départs à la retraite.
M. Philippe Bas. Ai-je dit le contraire ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce que nous avons fait, vous ne l’avez pas fait ! Pardon, mais c’est vous qui avez donné au débat cette tournure politicienne !
M. Philippe Bas. Vous n’êtes pas obligé de le faire…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En 2017, monsieur le sénateur, le taux de vacance chez les magistrats était de 6,22 %. Au 1er novembre 2021, il sera de 0,56 %.
M. Philippe Bas. Quelqu’un a-t-il dit le contraire ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui, vous avez dit le contraire, dans un discours un peu fumeux, et purement politicien. (Exclamations indignées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Oui, et souffrez que je vous réponde, et avec des chiffres ! À vous entendre, nous n’avons rien fait. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Pardon, j’ai la parole, souffrez que je vous réponde !
Je vais vous répondre parce que rien n’est insupportable comme la critique pour la critique ! (Vives protestations et sifflets sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Un peu de respect !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Parce que vous avez respecté notre travail, vous ?
Et nous allons continuer. Pour les greffiers…
Mme la présidente. Je demande à M. le garde des Sceaux et à nos collègues sénateurs de bien vouloir baisser d’un ton dans la forme et sur le fond.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Bien sûr, madame la présidente.
Deux thèses s’opposent, mais moi je vais vous opposer des chiffres, car je n’ai pas le sentiment de n’avoir rien fait depuis que je suis à la Chancellerie. Pardon de vous les rappeler, mais les chiffres, voyez-vous, on peut difficilement les contester.
S’agissant des greffes, 10 000 fonctionnaires ont été recrutés, notamment à la suite des départs à la retraite entre 2017 et 2021.
Vous avez dit que les délais s’étaient allongés et que nos compatriotes attendent une justice plus rapide. J’ai lu d’ailleurs, monsieur le sénateur Bas, dans un esprit de construction, les travaux du colloque qui s’est tenu hier et dont vous avez parlé. Ils me sont très utiles, parce que je partage les constats qui sont les vôtres, mais il est faux de dire que les stocks ont augmenté parce que nous ne les aurions pas traités. Ils ont augmenté parce qu’il y a eu ce qu’on ne peut pas encore oublier, même si on peut s’exprimer maintenant sans masque à la tribune : la covid-19, à laquelle s’est ajoutée une grève des avocats qui a duré six mois.
M. Philippe Bas. À qui la faute ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Une grève ? Ce n’est pas bien…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. À qui la faute ? Vous n’avez jamais connu de grève quand vous étiez au pouvoir, c’est une évidence…
Madame de La Gontrie, ne vous en déplaise, si vous souhaitiez m’accompagner quand je me rends dans une juridiction, vous verriez que les stocks…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je n’ai pas besoin de vous pour y aller !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je l’ai bien compris, mais les chiffres que l’un des vôtres a donnés tout à l’heure concernant Nîmes et Nantes sont faux, et je vais les corriger.
J’étais encore hier à Nanterre, où la présidente du tribunal judiciaire m’a dit à quel point les stocks diminuaient. Pourquoi ? Parce que nous avons envoyé en masse des personnels, pour le civil comme pour le pénal. Pour le civil, ce sont des juristes assistants. Quand un juriste assistant est aux côtés d’un magistrat, deux fois plus de décisions sont rendues dans le même temps.
J’en viens aux établissements pénitentiaires. En fait, vous avez fait le tour de la politique pénale que je conduis pour mieux la critiquer : au fond, vous avez assez peu critiqué mon texte, et vous avez fait une sorte de tour à 360 degrés – l’expression est à la mode. Je voudrais rappeler qu’est sorti de terre l’établissement pénitentiaire de Lutterbach, tout neuf, et si vous allez, monsieur le sénateur Bas, à Caen, en Avignon, à Meaux, à Lille, à Osny, et j’en oublie, vous verrez les 7 000 places qui seront livrées en 2022-2023.
M. Jean-Pierre Sueur. Il faudra donc attendre encore un an pour les voir !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Président de la République a dit, en 2018, que 15 000 places au total seraient construites dans un délai de dix ans. En 2027, toutes les places seront livrées, pour un total de 75 000 places nettes, sans compter les réfections, naturellement, puisque nous avons pris en considération, et c’était bien légitime, les conditions de détention. L’établissement de Fleury-Mérogis, le saviez-vous, monsieur le sénateur, a été complètement restauré. Face à ces 75 000 places, certains chez vous auraient réclamé 80 000 ; si nous avions annoncé 80 000, certains chez vous auraient réclamé 85 000…
Vous avez donc peu de leçons à nous donner sur ce registre (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) – pardon, mais c’est vous qui avez placé le débat sur ce terrain. Vous avez supprimé des postes de policiers et nous, nous avons franchi la barre des 9 090 magistrats, c’est historique ! (Mêmes mouvements.)
M. Bernard Bonne. Ce reproche durera vingt ans…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Non, monsieur le sénateur, il ne durera pas vingt ans, mais il durera tant que vous nous ferez le grief de ne pas avoir été présents dans le domaine régalien, et tant que vous ne reconnaîtrez pas que nous en avons fait plus pendant cette mandature que vous durant de bien plus nombreuses années. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je termine, mais souffrez que je vous réponde ! Vous voudriez que je vienne à Canossa, la tête baissée, pour dire que nous n’avons rien fait ? Mais c’est une plaisanterie ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Souffrez que je vous réponde !
M. Fabien Genet. Nous souffrons !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous me faites le reproche, monsieur le sénateur Bas, de ne pas avoir traité la justice civile dans mon projet de loi. C’est faux, et je vais vous dire pourquoi.
Nous traitons d’abord de la simplification de la procédure pour rendre exécutoire un acte d’avocat dans le cadre d’une médiation. Vous savez à quel point c’est important pour les justiciables, parce que cela permet d’aller vite, et que les justiciables, comme ils ont participé à la décision de justice qui les concerne, ont le sentiment que la justice est bien rendue – tant il est vrai que, quand on a le sentiment de participer à quelque chose, on a la faiblesse, et c’est très humain, de penser que ce n’est pas trop mal fait.
Ensuite, nous élargissons les cas où la conciliation, la médiation, est obligatoire avant de saisir le juge.
Enfin, nous créons un Conseil national de la médiation.
Et vous me faites le reproche de ne pas aborder la justice civile, tout en me faisant le reproche de trop légiférer ! Vous n’avez pas pu oublier le recours préalable obligatoire à un mode amiable de règlement des différends (MARD) pour les litiges de moins de 5 000 euros, en janvier 2020 ; la réforme du divorce, en janvier 2021 ; et l’assignation avec prise de date – extrêmement importante pour les justiciables – entrée en vigueur le 1er juillet 2021.
Nous avons donc fait des choses en matière civile. Bien sûr, il en restera encore à faire. Je n’ai jamais dit, malgré vos moqueries, que ce texte allait en soi rétablir la confiance, mais il pose des jalons… Il a pour objet de rétablir la confiance – et je vais vous répondre sur ce point, parce que vous m’avez moqué et que, au fond, cela mérite une réponse de la part du Gouvernement.
Vous demandez comment le fait de filmer la justice va rétablir la confiance. Je vais vous le dire, monsieur le sénateur : certaines personnes parlent de la justice sans la connaître, et ne la voient que sous l’angle du fait divers : un homicide par-ci, un homicide par-là… Je veux montrer la justice, calmement, tranquillement, avec – c’est l’objet d’un des amendements que j’aurai l’honneur de présenter – un débat obligatoire après la projection avec des professionnels, au cours duquel on expliquera ce qu’est un témoin, un avocat général, une expertise ADN, un conseil de prud’hommes…
Quand on a connaissance des choses, on peut appréhender la réalité qu’on ne connaît pas forcément. Vous, vous connaissez la justice, vous connaissez la règle de droit. Moi aussi, je navigue dans ce monde, parce qu’il a été ma vie pendant des années, mais je pense qu’un certain nombre de nos compatriotes, quand ils verront comment fonctionne la justice, réussiront à mieux l’appréhender. Cela peut donc rétablir un peu de confiance. Pas toute la confiance, je le concède, et je n’ai d’ailleurs pas cette prétention. Vous avez dit qu’il y avait un décalage entre le titre de ce texte et sa réalité. Non, pas tant que cela ! Cette mesure rétablira un peu la confiance de nos compatriotes.
Un autre exemple peut être pris avec la durée de l’enquête préliminaire. Pensez au justiciable de notre pays qui la subit – jusqu’en 1959, l’enquête préliminaire s’appelait l’enquête officieuse –, par exemple pendant quatre ans et demi, avec un feuilletonnage médiatique qui vient parfois de violations du secret de l’enquête, sans pouvoir répondre ! Ne pensez-vous pas qu’une limitation de cette durée serait de nature à rendre un peu confiance dans la justice de notre pays ?
C’est d’ailleurs cohérent avec ce que nous avons fait pour la justice pénale des mineurs, dans le consensus, sans moqueries, sans polémiques politiciennes. Nous avons pensé que les gamins devaient être jugés plus vite. Vous l’avez voté, quasiment à l’unanimité. Bien sûr, ce n’est pas une révolution copernicienne, mais cela fait bouger les choses.
Oui, les gens ont besoin de savoir que c’en est fini de ces enquêtes préliminaires qui durent quatre ans et demi ! Elles seront désormais encadrées, et il y aura des droits. Quand la presse aura dit de vous pendant des années que vous êtes un suspect, vous pourrez avoir accès au dossier, vous pourrez vous défendre.
La médiation, aussi, est de nature à rétablir un peu la confiance. Bien sûr qu’il reste des choses à faire. Mais quel est le garde des sceaux qui serait suffisamment imbécile et arrogant pour prétendre qu’il a tout réglé ? Ce ne sont que de petites briques, mais ce n’est pas rien d’avoir confiance dans son avocat, de savoir qu’on ne va pas violer le secret qui vous unit à lui quand vous êtes un justiciable. Ne pensez-vous pas que c’est de nature à rétablir la confiance, quand on sait que le secret a été complètement balayé ? Le président Hollande avait promis au bâtonnier de Paris, à l’époque, de rétablir le secret : il n’a jamais rien fait sur ce point précis !
La confiance dans la déontologie des professions du droit, ne pensez-vous pas qu’elle est essentielle ? N’est-ce pas essentiel de savoir que l’avocat va travailler correctement et que, si vous lui reprochez de ne pas l’avoir fait, le différend sera jugé par des juges impartiaux ? C’est pour cela que j’ai demandé l’échevinage, avec la présence d’un magistrat professionnel. Les notaires ont appelé cette réforme de leurs vœux – les avocats aussi d’ailleurs, pour dire vrai, et les huissiers de justice également.
Voilà donc de petites choses, monsieur le sénateur, qui peuvent vous sembler infimes, mais qui me semblent importantes pour rétablir la confiance. Pas toute la confiance, c’est vrai, c’est sûr ; il reste du travail à faire, notamment lors des États généraux. Il y a aussi le travail que vous avez fait hier, et que je regarde avec infiniment de respect parce qu’il est très intéressant.
Monsieur Benarroche, vous avez mal lu mon texte, pardon de vous le dire. Vous dites, et c’est très blessant, que c’est un texte élitiste, qui ne bénéficierait qu’aux détenus qui vont à l’université, et à eux seuls. Vous ne l’avez pas lu, pardonnez-moi ! J’y parle de l’apprentissage de la lecture, monsieur Benarroche, de l’écriture, du calcul, pour les plus modestes, pour les plus petits d’entre nous.
Quand je l’ai préparé, j’ai rencontré une éducatrice qui m’a dit que, pour certains gamins, se lever le matin est un effort. Cet effort devra être pris en considération par les juges de l’application des peines – ce qui n’est évidemment pas nouveau –, mais aussi par les surveillants, parce que j’ai voulu qu’ils aient un rôle d’acteurs, car ce sont eux qui sont au contact des détenus.
Vous m’avez fait un reproche sur le travail d’intérêt général (TIG). La plateforme TIG 360° fonctionne à plein, et sera ouverte aux avocats à partir du 4 octobre. La loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, adoptée à l’unanimité des deux chambres, permet une réduction à six mois de la mise en œuvre du TIG au lieu de quatorze mois aujourd’hui.
Enfin, M. Bourgi est allé reprendre une de mes anciennes déclarations… Je ne vais pas vous rappeler à l’envi que le président Hollande a dit que la justice était une institution de lâches ! Ce sont des propos que je n’ai jamais tenus, voyez-vous, jamais. Mais ce que j’ai dit, lorsque j’étais avocat, c’est que je ne voulais pas de cette cour départementale, parce que je pensais qu’elle allait balayer la cour d’assises traditionnelle, à laquelle j’étais extrêmement attaché.
Et puis, je suis devenu ministre, et que m’a-t-on dit ? Premièrement, que les magistrats étaient satisfaits de cette nouvelle juridiction. Deuxièmement, que les avocats étaient satisfaits de cette juridiction – à l’exception de quelques braillards qui se sont immédiatement levés pour dire que je reniais mon ancienne robe d’avocat. Troisièmement, que le taux d’appel était de dix points inférieur au taux d’appel que l’on constatait dans le cadre des cours d’assises traditionnelles. Quatrièmement, que cela permettait une fois pour toutes de régler la correctionnalisation des viols, que les victimes ne voulaient plus voir. Cinquièmement, que les audiencements étaient beaucoup plus rapides.
Que vouliez-vous que je fasse, monsieur le sénateur ? Que je reste avocat en étant devenu garde des sceaux ? Vous m’auriez fait le reproche, et vous auriez eu raison, de n’avoir toujours pas endossé le costume de garde des sceaux et d’être resté avocat.
Prenant en charge l’intérêt général et non plus les intérêts particuliers qui étaient les miens lorsque j’étais avocat, j’ai décidé de ne pas laisser filer cette juridiction, qui fonctionne bien, qui est plus fluide, et j’ai décidé de la maintenir. Vous m’en faites également le reproche !
Je dois ajouter que, contrairement à ce que vous avez dit, la souveraineté populaire, je l’ai renforcée. Dans le système que j’ai connu avant de devenir ministre, en cour d’assises traditionnelle, un homme pouvait être condamné en l’absence d’une majorité de voix du jury populaire pour le condamner. C’était une première historique dans notre pays et la cour d’assises n’était plus l’expression de la souveraineté populaire. Je rétablis cette règle de majorité dans ce projet de loi. Vous ne pouvez pas m’en faire grief.
Enfin, vous avez évoqué Nîmes et Nantes, mais on ne peut pas tricher avec les chiffres…
M. Laurent Burgoa. Pour Nîmes, c’est vrai !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. À Nîmes, il y a 40 magistrats au siège, qui est complet, et 11 au parquet où il y a deux vacances, dont une sera compensée en janvier. Le procureur général dispose de 5 magistrats placés pour faire face aux vacances. Sur les 130 fonctionnaires, 9 postes sont vacants, soit 6 %. Pour la justice de proximité, nous avons envoyé en renfort 15 effectifs, soit 11 % du personnel hors magistrats. Voilà les vrais chiffres, monsieur le sénateur !
À Nantes, il n’y a pas de vacances sur les 76 postes de magistrats ; 14 postes sont vacants au greffe, soit 6 %, comme la moyenne nationale. Cela tient au fait que l’école ne forme pas suffisamment de greffiers, ce qui nous place dans une situation compliquée. J’ai donc envoyé des renforts au greffe, et 3 fonctionnaires arriveront à la fin de l’année. La loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale m’a permis d’envoyer à Nantes 23 agents, soit 11 % d’effectifs supplémentaires. Et j’ai lancé, parce que nous sommes conscients des difficultés nantaises, une mission de l’inspection générale de la justice pour apprécier le niveau des effectifs et celui de l’activité.
Voilà ce que je voulais vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La discussion générale commune est close.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la présidente, je demande une courte suspension de séance.
Mme la présidente. Elle est de droit. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion, dans le texte de la commission, du projet de loi.
projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENREGISTREMENT ET À LA DIFFUSION DES AUDIENCES
Article 1er
I. – La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée :
1° A Les troisième à huitième alinéas de l’article 35 sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :
« La vérité des faits diffamatoires peut toujours être prouvée, sauf lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne.
« Le troisième alinéa du présent article ne s’applique pas lorsque les faits sont prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal et ont été commis contre un mineur. La preuve contraire est alors réservée. Si la preuve du fait diffamatoire est rapportée, le prévenu sera renvoyé des fins de la plainte. » ;
1° B À la première phrase du troisième alinéa de l’article 38 ter, après le mot : « punie », sont insérés les mots : « de deux mois d’emprisonnement et » ;
1° Après le même article 38 ter, il est inséré un article 38 quater ainsi rédigé :
« Art. 38 quater. – I. – Par dérogation au premier alinéa de l’article 38 ter, l’enregistrement sonore ou audiovisuel d’une audience peut être autorisé, pour un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique, en vue de sa diffusion. La demande d’autorisation d’enregistrement et de diffusion est adressée au ministre de la justice. L’autorisation est délivrée, après avis du ministre de la justice, par le président du Tribunal des conflits, le vice-président du Conseil d’État, le premier président de la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, concernant leurs juridictions respectives. Elle est délivrée, sur proposition du ministre de la justice, par le président de la juridiction concernant les juridictions administratives, et par les premiers présidents de cour d’appel concernant les cours d’appel et les juridictions de l’ordre judiciaire dont les décisions relèvent des cours d’appel.
« Lorsque l’audience n’est pas publique, l’enregistrement est subordonné à l’accord préalable et écrit des parties au litige. Lorsqu’un majeur bénéficiant d’une mesure de protection juridique est partie à l’audience, l’enregistrement est subordonné à l’accord préalable du majeur apte à exprimer sa volonté ou, à défaut, de la personne chargée de la mesure de protection juridique. Lorsqu’un mineur est partie à l’audience, l’enregistrement est subordonné à l’accord préalable du mineur capable de discernement ainsi qu’à celui de ses représentants légaux ou, le cas échéant, de l’administrateur ad hoc désigné.
« Les modalités de l’enregistrement ne doivent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats, ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées. Le magistrat chargé de la police de l’audience peut, à tout moment, suspendre ou arrêter l’enregistrement. Cette décision constitue une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours.
« La diffusion, intégrale ou partielle, de l’enregistrement n’est possible qu’après que l’affaire a été définitivement jugée. En cas de révision d’un procès mise en œuvre en application de l’article 622 du code de procédure pénale, la diffusion de l’enregistrement peut être suspendue.
« La diffusion est réalisée dans des conditions ne portant atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées, ni au respect de la présomption d’innocence.
« Sans préjudice de l’article 39 sexies de la présente loi, l’image et les autres éléments d’identification des personnes enregistrées ne peuvent être diffusés qu’avec leur consentement donné par écrit avant la tenue de l’audience. Les personnes enregistrées peuvent rétracter ce consentement dans un délai de quinze jours à compter de l’audience.
« L’image et les autres éléments d’identification des mineurs ou des majeurs bénéficiant d’une mesure de protection juridique ne peuvent, en aucun cas, être diffusés.
« Aucun élément d’identification des personnes enregistrées ne peut être diffusé cinq ans après la première diffusion de l’enregistrement ou dix ans après l’autorisation d’enregistrement.
« L’accord écrit des parties au litige ou des personnes enregistrées ne peut faire l’objet d’aucune contrepartie.
« II. – Après recueil de l’avis des parties, les audiences publiques devant le Conseil d’État et la Cour de cassation peuvent également être diffusées le jour même, sur décision de l’autorité compétente au sein de la juridiction, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« III. – Le présent article est également applicable, par dérogation à l’article 11 du code de procédure pénale, aux audiences intervenant au cours d’une enquête ou d’une instruction ainsi qu’aux auditions, interrogatoires et confrontations réalisés par le juge d’instruction. Lors des auditions, interrogatoires et confrontations, l’enregistrement est subordonné à l’accord préalable et écrit des personnes entendues et le juge d’instruction peut, à tout moment, suspendre ou arrêter l’enregistrement.
« III bis. – Le fait de diffuser un enregistrement réalisé en application du I du présent article sans respecter les conditions de diffusion prévues au même I est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« IV. – Les conditions et les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article 39 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « les cas prévus aux paragraphes a, b et c » sont remplacés par les mots : « le cas prévu au troisième alinéa » ;
b) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les interdictions prévues au premier alinéa du présent article ne sont pas applicables lorsque les parties ont donné leur accord. » ;
3° (nouveau) Au dernier alinéa de l’article 48, après la référence : « 13 », est ajoutée la référence : « , 38 quater ».
II. – À la fin du a de l’article L. 221-2 du code du patrimoine, le mot : « vice-président » est remplacé par le mot : « président ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Herzog, sur l’article.
Mme Christine Herzog. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire vise à restaurer la confiance des Français dans la justice. Le titre Ier contient des dispositions relatives à l’enregistrement et à la diffusion des séances. Il autorise notamment, via l’article 1er, l’enregistrement sonore ou audiovisuel d’une audience pour un motif d’intérêt public en vue de sa diffusion. Néanmoins, ses dispositions ne semblent pas suffisantes pour renforcer la confiance des Français dans la justice. Le projet de loi permettrait désormais l’enregistrement des séances, mais il ne comporte aucun article concernant les interrogatoires, confrontations ou reconstitutions.
Lors de la discussion de la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, le 4 février 2021, j’ai proposé deux amendements portant sur la possibilité pour une personne interrogée de se voir délivrer une copie de son procès-verbal signé par les deux parties. Le but serait de pacifier les relations entre personnes entendues et personnes dirigeant l’interrogatoire. Les arrestations et les auditions sont une source de stress, et parfois de conflits, et cela rend d’autant plus difficile le travail de la justice dans sa recherche de vérité et d’authenticité.
La justice étant indépendante, il convient de la rendre la plus transparente possible, en permettant aux citoyens entendus de vérifier leurs déclarations. Actuellement, seule l’autorité enquêtrice dispose de ce droit. Par ailleurs, des cas de modification de déclarations ont déjà été relevés dans le cadre de différentes affaires, la plus célèbre étant celle de Jacques Chirac.
Notre Constitution garantit l’indépendance de la justice et l’égalité de tous. Ce genre de manquements désavantage la défense des citoyens. Aussi, je souhaiterais qu’en votre qualité de ministre de la justice, représentant le Gouvernement et porteur de ce projet de loi, vous puissiez intervenir sur les articles 114 et 60-1 du code de procédure pénale, afin qu’une copie du procès-verbal signé puisse être remise aux personnes entendues, ou que celles-ci soient autorisées à photographier leurs déclarations. Le grand avocat que vous êtes, monsieur le garde des sceaux, devrait comprendre et apprécier ma démarche en faveur de la défense.
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, permettez-moi d’émettre une réserve sur l’article 1er du projet de loi. Si je comprends l’ambition pédagogique de faire connaître aux Françaises et aux Français le fonctionnement de la justice, je me demande en revanche jusqu’où peut aller cette captation. Il ne faudrait pas transformer les prétoires en justice spectacle. De plus, cet article est-il réellement compatible avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) et, surtout, avec le droit à l’oubli ?
Les parties, avant de donner leur accord, doivent être éclairées scrupuleusement sur le déroulement et les motifs de l’enregistrement. Ainsi, je demande que l’on précise davantage le motif d’intérêt général, qui me semble bien trop vague.
Concilier le respect des droits individuels des acteurs d’un procès et le droit à l’information du public a toujours été en débat. Il est donc nécessaire d’inviter le législateur à se montrer plus précis sur l’objectif visé pour déterminer ce qui pourrait relever de l’intérêt public. Nous devons justifier précisément en quoi l’enregistrement sonore audiovisuel des audiences mériterait d’être autorisé, en garantissant notamment le respect des droits des personnes concernées. À défaut, ce choix serait laissé au seul juge. Pourquoi ne pas envisager la création d’un juge de la mise en images, qui aurait pour rôle de veiller à la protection des données personnelles, au respect du droit à l’image et à la vie privée, autant de questions qui méritent débat ?
Ce projet de loi ne doit laisser place à aucune ambiguïté, puisqu’il s’agit de renforcer la confiance des Français dans notre justice. Nous devons être à la hauteur de cette mission.
Mme la présidente. L’amendement n° 231, présenté par Mme Canayer et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
huitième
par le mot :
sixième
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 43 rectifié, présenté par Mmes Bonfanti-Dossat, Gosselin et Puissat, M. Bascher, Mme Belrhiti, MM. Burgoa, Brisson, Calvet, Bonhomme, Belin, Bouchet et Gremillet, Mmes Lherbier et Delmont-Koropoulis et MM. Milon et H. Leroy, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 7, première phrase
Après la référence :
38 ter
insérer les mots :
, et à titre expérimental, pour une durée de cinq ans
II. – Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport procédant à son évaluation.
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Le Gouvernement nous propose, moyennant certains garde-fous, que les audiences puissent être enregistrées puis diffusées à la télévision ou sur internet. L’intention est certes louable : faire entrer la justice dans le salon des Français.
Mais la médiatisation aura bien d’autres conséquences… Trois en particulier me viennent à l’esprit.
D’abord, un enregistrement diffusé a posteriori peut faire l’objet de toutes sortes de montages ou de manipulations. Les exemples ne manquent pas sur internet.
Ensuite, tout le monde n’a pas l’habitude des caméras, monsieur le garde des sceaux. On peut imaginer que certains participants au procès manquent de spontanéité, ce qui va inévitablement nuire à la liberté des débats. Vous avez dit lors de la discussion générale que vous ne souhaitiez pas faire de justice spectacle, mais force est de constater que la télévision laisse de plus en plus de place au spectacle. J’ajoute que la transparence existe déjà, puisque tout citoyen peut aujourd’hui assister à une audience.
C’est parce que cette future médiatisation des procès fait débat, autant dans notre assemblée que dans le monde juridique, que je demande une expérimentation pour une durée de cinq ans.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 69 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 103 rectifié est présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 7, première phrase
après la référence :
38 ter
insérer les mots :
, et à titre expérimental pour une durée de cinq ans
II. – Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ….. – Au plus tard trois mois avant l’expiration du délai de fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport procédant à l’évaluation de l’expérimentation prévue au présent article. » ;
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 69.
Mme Cécile Cukierman. Nous regrettons comme d’autres la précipitation avec laquelle est présenté ce projet visant à libéraliser l’enregistrement et la diffusion des audiences sans une analyse approfondie de l’expérience acquise, notamment dans les autres pays européens qui l’autorisent déjà.
Cet article a été conçu sans consultation préalable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), alors que les questions de la protection des données personnelles et du droit à l’oubli sont légitimes. Aucune véritable concertation n’a eu lieu non plus avec les professionnels de la justice du quotidien, notamment les avocats.
C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, la mise en œuvre d’une période d’expérimentation préalable concernant l’enregistrement et la diffusion des audiences, ainsi que la remise par le Gouvernement d’une évaluation complète du dispositif avant toute généralisation.
Au regard des enjeux et de la complexité du sujet, qui a tout de même fait l’objet de plusieurs groupes de travail et de réflexion par le passé, il paraît indispensable de recourir à une expérimentation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 103 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Le dispositif de diffusion des audiences proposé dans ce projet de loi est un vrai bouleversement institutionnel, dont les effets ne sauraient naturellement être prédits. Comment réagiront nos concitoyens, les juridictions, les prévenus, les parties civiles ?
Chacun le sait dans cet hémicycle : être filmé n’a rien de neutre, et personne ne peut croire qu’en matière de justice, comme ailleurs, le film d’un procès pourrait correspondre à une transcription objective. Il en résultera une transcription télévisuelle montée en fonction des besoins, d’autant que, comme l’indique le texte, la diffusion pourra être intégrale ou partielle.
Bref, tout cela ne doit pas être confondu avec la publicité habituelle de notre justice, que le Conseil d’État a très tôt érigée en principe général du droit, tout en lui fixant comme limite le risque de désordre de nature à troubler la sérénité de la justice.
Or, de ce point de vue, nous ne savons pas les effets que pourront produire les diffusions. Nous devrions donc nous engager sur une voie plus prudente, ce que permet cet amendement, qui vise à rendre le dispositif expérimental.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet article 1er sur l’enregistrement et la diffusion des audiences crée une nouvelle exception à l’article 38 ter de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, autorisant donc l’enregistrement et la diffusion pour un motif d’intérêt public. Au demeurant, madame Benbassa, la commission a précisé ce dernier, en prévoyant qu’il devait s’agir d’un motif d’intérêt pédagogique, informatif, scientifique ou culturel.
Ce texte, qui vise à ouvrir la justice aux Français et à leur faire mieux connaître son fonctionnement, offre un certain nombre de garanties, que nous avons par ailleurs renforcées. Il ne prévoit la diffusion que dans des délais allongés, notamment une fois que l’affaire est définitivement jugée, c’est-à-dire une fois que toutes les voies de recours sont épuisées, ce qui peut prendre un certain temps.
Mettre en place une expérimentation limitée à cinq ans ne permettra pas forcément d’évaluer toutes les conséquences du texte. Le dispositif ne nous semble donc pas opérationnel, et c’est pourquoi nous émettons un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.
Le Conseil d’État dit que la CNIL n’a pas à être saisie à ce stade, mais qu’elle devra l’être lors de la préparation du décret.
Au demeurant, ce n’est pas une idée nouvelle. Robert Badinter y avait déjà songé. Un certain nombre de procès avaient déjà été filmés, mais avec du matériel qui, à l’époque, était tellement encombrant et bruyant qu’on avait dû y renoncer. Je pense en particulier au procès Dominici, au cours duquel de nombreuses photos avaient été prises.
Certains disent aujourd’hui que l’enregistrement ne sera pas forcément naturel. Mais il existe aujourd’hui des caméras extraordinairement discrètes que l’on finit par oublier.
Au demeurant, je pense que la publicité constitue une véritable garantie. Au contraire des démocraties, dans les dictatures, la justice n’est pas rendue publiquement…
Vous prétendez que tout le monde peut assister aux procès. Ce n’est pas vrai : dans une salle de cinquante places, la cinquante et unième personne à se présenter ne pourra pas être admise.
J’ajoute que la finalité de ces enregistrements sera purement pédagogique. Les audiences de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et du Conseil constitutionnel sont déjà filmées et diffusées.
Et si l’on avait filmé les audiences de l’affaire Halimi devant la Cour de cassation, par exemple, on aurait compris qu’il ne s’agissait pas d’un arrêt mal fait, mais d’une décision qui déplorait un manque dans la règle de droit, et qui nous invitait à le combler. C’est en effet ce qu’avait expliqué l’avocate générale, ainsi que les hauts magistrats composant la juridiction.
Je l’ai déjà rappelé : toutes les précautions ont été prises quant à l’anonymisation, au respect de la vie privée et de la présomption d’innocence. Il faut que la décision soit définitive pour que l’enregistrement soit diffusé : il n’y aura donc pas de chevauchement avec le procès.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Le débat qui s’ouvre à l’instant est majeur. Il ne doit pas y avoir aujourd’hui de confusion entre les audiences de procès, qui sont publiques, et qui ne peuvent pas être filmées, sauf circonstances exceptionnelles, et ce qui est proposé dans ce texte, qui vise à ce que les audiences, même lorsqu’elles ne sont pas publiques, puissent quand même être filmées.
Lorsque les audiences ne sont pas publiques, en général, ce n’est pas le fruit du hasard. C’est en raison de la matière jugée.
Cet article prévoit que les enregistrements pourront concerner des mineurs, et même ce qui se passe dans un cabinet d’instruction.
On argue que la personne filmée sera libre de donner ou non son accord. J’imagine que personne ici ne s’est jamais trouvé dans un cabinet d’instruction en qualité de prévenu. Je vous assure qu’à ce stade, votre sujet principal de préoccupation n’est pas d’être filmé. Vous signerez donc l’accord, et les enregistrements seront ensuite diffusés dans des conditions que je ne comprends pas très bien. Dire que ce sera possible sans porter atteinte au respect de la vie privée des personnes enregistrées et de la présomption d’innocence me paraît tout de même assez complexe…
Ce qui est proposé aujourd’hui est une vraie révolution.
Oui, la justice doit être rendue publiquement, dans les salles d’audience. Mais, pour ma part, je considère que, dans les cabinets des juges d’instruction, des juges aux affaires familiales, ou dans d’autres circonstances encore, ce n’est pas le fruit du hasard si les comparutions ou les audiences ne sont pas publiques.
Le fait que ces dispositions puissent s’appliquer à des mineurs me choque également à titre personnel.
Les diffusions ne seront possibles qu’après l’épuisement des voies de recours. Autant dire que nous sommes en train de légiférer sur un dispositif qui ne produira ses effets que dans plusieurs années. Pour autant, je ne crois pas que l’expérimentation soit une réponse rassurante. À titre personnel, je ne voterai donc ni l’amendement instituant l’expérimentation ni le dispositif proposé.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 69 et 103 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 65, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
sur une chaîne du service public
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Selon l’étude d’impact, le fait d’enregistrer et de diffuser les audiences serait un moyen efficace d’informer le public sur la manière dont la justice est rendue.
Nous pouvons souscrire aux vertus pédagogiques que pourraient revêtir de tels enregistrements. En ayant accès à ces derniers, nos concitoyens justiciables pourraient avoir une idée un peu moins confuse et un plus précise de leurs droits et du déroulement d’un procès, à condition bien évidemment que le procès soit sélectionné avec le plus grand soin, qu’il s’agisse d’affaires du quotidien, et non de grandes affaires fortement médiatisées.
Si la diffusion des enregistrements se faisait sur le site du ministère de la justice ou, à défaut, sur le service public télévisuel, cela pourrait contribuer au caractère vertueux du dispositif, en permettant d’encadrer la diffusion de ces audiences, en les faisant suivre par exemple de décryptages de la part de magistrats ou d’avocats, lesquelles seraient de nature à éviter une caricature de débat.
Monsieur le garde des sceaux, après avoir assuré que la diffusion aurait lieu sur la télévision de service public, vous avez finalement concédé que vous n’étiez pas hostile à l’idée d’une diffusion sur les chaînes privées.
C’est pourquoi il pourrait être intéressant d’inscrire ce principe de diffusion exclusif dans la loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 117, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
par un organisme du secteur public de la communication audiovisuelle
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Au regard des objectifs d’éducation civique prêtés à l’enregistrement et à la diffusion des audiences à la télévision, nous proposons que les éventuelles diffusions aient lieu exclusivement sur les chaînes de télévision du service public.
Il nous semble en effet que celles-ci sont plus à même de remplir cette mission pédagogique, d’autant qu’elles sont moins soumises aux pressions liées à la course à l’audimat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’amendement n° 65 vise à réserver la diffusion aux chaînes du service public, et l’amendement n° 117 aux organismes du secteur public de la communication audiovisuelle.
On comprend l’idée : diffuser des audiences filmées sur des chaînes publiques serait gage de qualité et de sérieux.
Toutefois, l’article 1er soumet déjà la diffusion de ces enregistrements à des garanties qui sont suffisantes pour éviter le trash ou le sensationnel. La commission des lois a de surcroît renforcé ces garanties, afin d’éviter des diffusions contre-productives. Nous avons ainsi prévu que ces diffusions et enregistrements devaient forcément être à visée pédagogique, informative, culturelle ou scientifique.
Public ou privé, le diffuseur sera tenu de respecter l’ensemble de ces obligations et d’assurer la qualité de ses émissions.
En conséquence, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Tout vient d’être dit, et fort bien dit. Le diffuseur, public ou privé, sera tenu de respecter les limites que vous aurez fixées. Il n’aura pas d’autre choix.
En conséquence, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 159 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, dans le respect du droit à l’oubli et du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement vise à préciser explicitement la compatibilité du dispositif d’enregistrement et de diffusion des procès avec les garanties apportées par le règlement général de protection des données et le droit à l’oubli.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, pour deux raisons.
S’agissant du traitement de données à caractère personnel, le règlement européen est d’application directe. La mention que vous proposez d’insérer nous semble donc inutile.
Par ailleurs, l’article 1er lui-même organise le respect du droit à l’oubli, en son alinéa 14 : aucun élément d’identification des personnes enregistrées ne pourrait plus être diffusé cinq ans après la première diffusion, ou dix ans après l’autorisation, étant précisé que, dans tous les cas, les éléments d’identification des personnes enregistrées ne seront diffusés qu’avec leur accord exprès et écrit. À défaut, ces personnes seront « pseudonymisées ».
En conséquence, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 142, présenté par MM. Temal et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7, troisième phrase
Après le mot :
avis
insérer les mots :
non contraignant
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Il s’agit d’indiquer que l’avis du ministre de la justice, préalable à l’enregistrement, ne saurait être contraignant.
La décision finale et souveraine appartient au président du tribunal des conflits, au vice-président du Conseil d’État, au Premier président de la Cour de cassation ou au Premier président de la Cour des comptes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Un avis simple est toujours non contraignant. La mention est donc superfétatoire. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 217 rectifié bis est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Haye, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
L’amendement n° 232 est présenté par Mme Canayer et M. Bonnecarrère, au nom de la commission.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7, dernière phrase
1° Remplacer les mots :
sur proposition
par les mots :
après avis
2° Remplacer les mots :
les premiers présidents de cour d’appel concernant les cours d’appel et les juridictions de l’ordre judiciaire dont les décisions relèvent des cours d’appel
par les mots :
le premier président de la cour d’appel concernant les cours d’appel et les juridictions de l’ordre judiciaire de leur ressort
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 217 rectifié bis.
M. Thani Mohamed Soilihi. Le présent amendement vise à modifier sur deux points la procédure d’autorisation en matière d’enregistrements et de diffusion des audiences.
Il vise, d’une part, à aligner le régime d’autorisation prévu pour les juridictions judiciaires et administratives de premier ressort et d’appel sur celui prévu pour les cours suprêmes, en prévoyant un avis simple, et non une proposition du ministre de la justice. Il vise par ailleurs à procéder à une amélioration rédactionnelle relative à l’autorité décisionnaire, afin de bien viser l’ensemble des audiences.
J’ai retravaillé cet amendement en accord avec la commission, qui devrait donc rendre un avis favorable… (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 232.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement est identique au précédent.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 217 rectifié bis et 232.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 66, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
1° Remplacer les mots :
est subordonné
par les mots :
et la diffusion sont subordonnés
2° Compléter cette phrase par les mots :
et de toutes les personnes présentes
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise simplement à étendre le recueil de l’accord préalable à l’enregistrement à toutes les personnes présentes à l’audience, et non uniquement aux parties au litige, comme le prévoit le texte actuel.
Il s’agit là notamment d’une préconisation de l’Union syndicale des magistrats (USM) et du Syndicat de la magistrature, qui vise à garantir que le droit à l’image soit respecté pour chacun, y compris pour les professionnels présents à l’audience.
La mission des professionnels qui rendent la justice ou concourent à son exercice ne comporte en effet aucune obligation de passer à la télévision, même floutés, d’autant que les garanties d’anonymat sont très restreintes dans le projet de loi.
Il s’agit également de veiller au consentement des personnes présentes lors de l’audience, si celle-ci est filmée. Il aurait d’ailleurs été nécessaire de permettre un droit de rétractation après l’enregistrement de l’audience pour toutes et tous, celui-ci n’étant pour l’heure réservé qu’aux personnes jugées, aux plaignants et aux témoins, et de fixer un délai suffisant d’information, comme le souligne le Syndicat de la magistrature. Une personne est-elle véritablement en mesure d’apprécier les enjeux si la demande lui est soumise le matin même de l’audience ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Votre amendement impose de recueillir l’accord de toutes les personnes présentes lors des audiences qui ne sont pas publiques. Actuellement, le texte ne prévoit que l’accord des parties. Les autres personnes, qui sont des professionnels de la justice principalement, des témoins ou des experts, sont donc enregistrées sans leur accord, mais peuvent s’opposer à la diffusion de leur image et demander l’anonymisation de leur participation. Le dispositif nous paraît équilibré. Imposer un accord à tout le monde rendrait l’organisation de cet enregistrement encore plus complexe.
C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 233, présenté par Mme Canayer et M. Bonnecarrère, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 8, deuxième et dernière phrases
Après le mot :
audience,
insérer les mots :
qu’elle soit publique ou non,
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 64 rectifié, présenté par Mmes Lherbier et Bonfanti-Dossat et M. H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans tous les cas où il s’agit d’une audience non publique, lorsque le ministère public est représenté, il peut, au même titre que les parties, s’opposer à l’enregistrement dès lors qu’il considère que l’enregistrement ou la diffusion pourrait porter atteinte aux intérêts des parties. Il peut également, à l’issue de l’audience et dans un délai de quinze jours, s’opposer à la diffusion pour les mêmes motifs.
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Cet amendement vise à permettre au ministère public, lorsqu’il est représenté, de s’opposer à l’enregistrement dès lors qu’il considère que sa diffusion pourrait porter atteinte aux intérêts des parties. Il pourrait aussi s’opposer, dans un délai de quinze jours et à l’issue de l’audience, à sa diffusion.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Il est défavorable. On ne voit pas pourquoi on accorderait plus de droits au ministère public qu’aux autres magistrats présents à l’audience.
Pour que l’enregistrement se déroule dans de bonnes conditions, il est évident que le premier président de la cour d’appel devra, préalablement à sa décision d’autorisation, consulter les magistrats concernés par l’audience, notamment ceux du parquet. La précision nous semble donc inutile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 100 rectifié bis est présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.
L’amendement n° 105 rectifié est présenté par M. J.B. Blanc.
L’amendement n° 118 rectifié est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, dont notamment la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client
La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 100 rectifié bis.
Mme Maryse Carrère. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour présenter l’amendement n° 105 rectifié.
M. Jean-Baptiste Blanc. Défendu ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 118 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. L’alinéa 9 de l’article 1er du présent projet de loi énonce que « les modalités de l’enregistrement ne doivent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées ».
Ces précisions sont évidemment les bienvenues, mais, à notre sens, ces garde-fous peuvent encore être renforcés.
C’est pourquoi nous souhaitons préciser que l’enregistrement d’une audience ne pourra en aucun cas attenter au secret professionnel de l’avocat, qui couvre tous les échanges entre celui-ci et son client, y compris pendant l’audience.
Ces échanges sont très nombreux lors des procès et permettent à l’avocat de conseiller son client et de préparer sa défense. En conséquence, l’enregistrement d’une audience ne doit pas permettre de retranscrire ces échanges ou de les restreindre, par crainte et anticipation des parties d’être entendues.
Nous proposons donc par cet amendement de garantir l’absolue confidentialité des échanges entre un avocat et son client.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission des lois est très favorable à ces trois amendements identiques. En effet, elle est très attachée au secret professionnel de l’avocat, qui doit englober tous les échanges entre l’avocat et son client. Il nous paraît donc utile d’apporter cette précision complémentaire à l’article 1er.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ces amendements sont en réalité déjà satisfaits, puisque la garantie légitime que vous appelez de vos vœux figure dans l’article 1er. Celui-ci précise ainsi que « les modalités de l’enregistrement ne doivent pas porter atteinte au libre exercice de leurs droits par les parties », au rang desquels figurent naturellement les droits de la défense. Je suggère un retrait, madame la présidente. J’avoue être un peu désarçonné, car c’est une précision que nous avions envisagée, et finalement abandonnée. Selon nous, elle est superfétatoire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’entends la réponse du garde des sceaux. Le libre exercice du droit des parties inclut les droits de la défense, le droit de s’exprimer, le droit de se taire, etc. Tel n’est pas le sujet : nous discutons ici du fait que la caméra ne doit pas capter des échanges entre l’avocat et son client. C’est l’objet de ces amendements, et c’est pourquoi il importe d’apporter cette précision par écrit. Nous soutenons naturellement ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 100 rectifié bis, 105 rectifié et 118 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 67, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
1° Première phrase
Remplacer les mots :
qu’après
par les mots :
au plus tôt qu’un an après
2° Seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Elle est réalisée sur le site internet du ministère de la justice, qui veille à la diffusion d’une variété d’audiences, tant civiles que pénales.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Cet amendement concerne la diffusion des enregistrements sur le site du ministère de la justice au minimum un an après que l’affaire a été jugée. En cohérence avec notre amendement de réécriture n° 69 visant à expérimenter ce dispositif d’audiences filmées, nous proposons via cet amendement plusieurs aménagements pour améliorer le dispositif.
D’abord, nous souhaitons prévoir la diffusion des enregistrements au minimum un an après que l’affaire a été définitivement jugée, sauf devant la Cour de cassation ou le Conseil d’État, juridictions pour lesquelles la diffusion pourra avoir lieu le jour même.
Ce délai nous semble très important pour éviter tout risque d’atteinte à la présomption d’innocence. Comme le souligne d’ailleurs le Syndicat de la magistrature, il empêcherait que ces enregistrements n’influent sur le délibéré ou sur la décision de l’éventuelle juridiction d’appel. Toute autre solution accroît le risque de verser dans la justice spectacle, qui n’est en rien propice à la sérénité des débats.
Par ailleurs, nous estimons que le meilleur canal de diffusion serait une page spéciale du le site internet du ministère de la justice, sur le modèle des diffusions des débats parlementaires disponibles sur les sites internet des assemblées parlementaires. Il s’agit pour nous d’une garantie nécessaire. À défaut, comme nous l’avons précédemment exposé, le service public télévisuel devrait bien entendu être utilisé, et en aucun cas les chaînes privées. Le principe de gratuité de la diffusion, défendu par les rapporteurs, s’en trouverait réaffirmé.
Enfin, cet amendement prévoit des diffusions à l’image de la diversité des audiences. En effet, ces diffusions ne sauraient être focalisées sur le seul procès pénal, qui peut être instrumentalisé à des fins politiciennes. C’est avant tout la diffusion de la justice du quotidien dans toute sa variété qui nous semble intéressante : justice prud’homale, justice civile, comparutions immédiates… Cette variété permettra à nos concitoyens de mieux comprendre notre justice, mais aussi de constater par eux-mêmes les inégalités sociales qu’elle traduit, ainsi que les conditions souvent indigentes dans lesquelles les professionnels de la justice sont amenés à travailler.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement pour deux raisons.
La première tient au fait que vous souhaitez rallonger d’un an la période au terme de laquelle la diffusion est autorisée. Or je vous rappelle que la diffusion n’est possible qu’une fois l’affaire définitivement jugée. Quel est l’intérêt d’ajouter un an supplémentaire à un délai qui, déjà, peut s’avérer parfois extrêmement long ?
La deuxième raison porte sur la publication des enregistrements sur le site du ministère de la justice. Cette option me semble contre-productive. Elle va selon moi à l’encontre de l’objet de l’article 1er qui, rappelons-le, vise à faire connaître le fonctionnement de la justice au plus grand nombre. Ne vous en déplaise, monsieur le garde des sceaux, je pense qu’une diffusion sur le site du ministère de la justice serait un peu réductrice et ne permettrait pas à un grand nombre de nos concitoyens de prendre connaissance de ces audiences. En effet, peu nombreux sont ceux qui iront consulter ce site, parfois intéressant, mais tout de même très technique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la rapporteure, je vous remercie de tous les égards avec lesquels vous évoquez le site du ministère de la justice. Je crois néanmoins que vous avez raison. Qui donc ira consulter le site du ministère de la justice ? Les magistrats, les avocats, les professionnels pour s’informer sur la justice ? Ils la connaissent déjà !
L’intérêt de la démarche est évidemment de mieux faire connaître la justice à nos concitoyens. Je suis donc totalement défavorable à cet amendement suggéré par le Syndicat de la magistrature.
Mme la présidente. L’amendement n° 101 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
, ni au respect de l’anonymat
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Si nous souhaitons que les procès conservent leur part de spontanéité, il convient de nous assurer que le dispositif le permette et respecte un ensemble de principes fondamentaux de notre société. L’alinéa 11 prévoit en l’état que « la diffusion est réalisée dans les conditions ne portant atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées, ni au respect de la présomption d’innocence. » Nous proposons, par cet amendement, d’y ajouter le respect de l’anonymat, d’autant que la garantie explicite d’un tel principe peut également servir à assurer la sécurité de toutes les personnes participant au procès. En effet, nous pouvons facilement imaginer qu’une personne puisse, par exemple, craindre de témoigner et d’être ensuite reconnue lors de la diffusion de l’enregistrement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Celui-ci vise à ajouter le respect de l’anonymat aux lignes directrices des conditions de diffusion. Or l’anonymat ne s’applique pas à tous, et pas toujours. Certaines personnes peuvent consentir à la diffusion de leur image et à des éléments d’identification. L’anonymat ne s’impose que pour les fonctionnaires de la police nationale, les militaires, les personnels civils du ministère de la défense ou les agents des douanes, en vertu de l’article 39 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement. L’anonymat protège celles et ceux que la diffusion de leur nom ou de leur image permettrait d’identifier. L’article 1er me semble parfaitement respectueux de ce principe essentiel. Je vous propose de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, ou, à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je voudrais souligner l’importance de cet amendement. On avance la vertu pédagogique de ces films. Il n’est donc pas nécessaire d’identifier les personnes présentes à ce moment-là devant un magistrat. On nous dit que celles-ci peuvent donner leur consentement, mais je le répète : il ne faut pas imaginer que telle sera à cet instant leur préoccupation principale. Si nous voulons vraiment protéger les personnes, cela passe par l’adoption de cet amendement. Ce n’est qu’en imposant l’anonymat que nous pourrons réellement protéger les personnes.
Mme la présidente. L’amendement n° 102 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les personnes enregistrées sont informées, préalablement à la diffusion, des modalités de diffusion de l’enregistrement et notamment du support, du média et de la date de diffusion de l’enregistrement.
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er prévoit un certain nombre de garanties pour les acteurs de l’audience. Je pense par exemple au fait que l’image et les autres éléments d’identification des personnes enregistrées ne puissent être diffusés qu’avec leur consentement donné par écrit avant la tenue de l’audience, ou encore à la possibilité pour les personnes enregistrées de rétracter leur consentement dans un délai de quinze jours à compter de l’audience.
Cet amendement vise à prévoir, avant toute diffusion, l’information préalable des personnes concernées s’agissant des modalités de diffusion – support, média, jour, horaire, etc.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous comprenons bien l’intention des auteurs de l’amendement : il s’agit de renforcer notamment les garanties des personnes directement concernées, parties ou professionnels de la justice. Néanmoins, cette disposition nous paraît très difficile à mettre en œuvre. D’abord, cela demande un traitement des données personnelles…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est bien le problème !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ensuite, cela nécessite de retrouver, au moment de la diffusion qui peut avoir lieu des années plus tard, les noms de l’ensemble des personnes présentes. Cela nous paraît matériellement très compliqué. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 223, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette diffusion est accompagnée d’éléments de description de l’audience et d’explications pédagogiques et accessibles sur le fonctionnement de la justice.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement avait initialement précisé que les audiences pouvaient être filmées pour un « motif d’intérêt public ». Votre commission a enrichi le texte en définissant ce motif : « l’enregistrement sonore ou audiovisuel d’une audience peut être autorisé, pour un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique ». Vous avez cependant supprimé l’accompagnement de cette diffusion par des explications pédagogiques.
J’ai souhaité, et je souhaite toujours que, après la diffusion du film, un plateau télévisé soit consacré aux explications. Animé par un ou deux journalistes, peu importe, celui-ci ferait intervenir par exemple un magistrat, un avocat, de préférence n’ayant pas participé au procès en question afin de ne pas « refaire le match » – cela relève, me direz-vous, du futur cahier des charges. Ces professionnels de la justice viendraient éclairer nos concitoyens et expliquer ce qui mérite de l’être.
Regarder une audience, entendre ce qui s’y passe, c’est important, mais cela peut utilement s’accompagner d’un certain nombre d’explications. Je sais que les habitués des audiences, en particulier des audiences criminelles, essaient toujours de savoir à un moment donné à quoi correspond telle chose ou telle autre. Ils sont demandeurs d’explications. Imaginons par exemple une émission sur l’expertise ADN. Il pourrait être intéressant de faire intervenir, après la diffusion, un expert qui expliquerait ce qu’est l’ADN, comment on procède à l’analyse, quelles ont été les évolutions, si ce type d’expertise est la reine des preuves, etc.
Je pense que nous pouvons trouver une formulation conciliant vos modifications et mon amendement. Oui, le motif d’intérêt public peut être d’ordre pédagogique, informatif, culturel et scientifique, cela va de soi. Si nous pouvions réintégrer les explications pédagogiques associées, le dispositif n’en serait que meilleur. Naturellement, je vois d’un bon œil mon amendement…
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous voyons aussi d’un bon œil vos explications, monsieur le garde des sceaux, mais nous pensons qu’en l’espèce, cet amendement n’est pas utile. Nous comprenons votre volonté de faire Les Dossiers de l’écran de la justice en introduisant des débats après la projection, ainsi que l’utilité pédagogique de ces débats. Cependant, nous considérons que notre amendement précisant le motif d’intérêt public prévoit déjà ces explications pédagogiques, et que l’organisation desdites émissions relèvera avant tout du cahier des charges à venir.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, qui lui paraît superfétatoire.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de l’article 1er.
L’amendement n° 176 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 12, seconde phrase
Après les mots :
à compter de
insérer les mots :
la fin de
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement porte sur le délai de rétractation précédemment discuté. Le droit à l’image et à l’identification est un sujet sensible et délicat. Or la formulation initiale prévoyait que les personnes enregistrées puissent rétracter leur consentement dans un délai de quinze jours à dater de l’audience.
Au vu des circonstances d’un procès, qu’il soit civil ou pénal, une des parties au procès, dans la difficulté de la situation très justement soulignée par Mme de La Gontrie, peut être amenée à donner son accord pour être identifiée. Nous souhaitons que le délai de rétractation coure, non pas à partir du début de l’audience, mais une fois l’audience terminée. Cela permettrait aux justiciables de prendre une décision en pleine connaissance des éléments qui seront diffusés. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement. Nous pensons que cette précision peut être utile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 210 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le fait de proposer une telle contrepartie aux parties au litige ou aux personnes enregistrées est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. L’article 1er apporte plusieurs garanties en matière d’enregistrement des audiences, en soumettant notamment à un accord écrit l’enregistrement des audiences qui ne sont pas publiques ou portent sur des litiges auxquels un mineur ou un majeur protégé est partie. Est également soumise à un accord écrit la diffusion de l’image et des autres éléments d’identification des personnes enregistrées.
Afin de renforcer ces garanties, nos rapporteurs ont utilement inscrit dans l’article 1er le fait que cet accord écrit ne peut faire l’objet d’aucune contrepartie. Pour que cette garantie soit effective, le présent amendement tend à l’assortir d’une sanction, en lui appliquant le quantum d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, prévu par ailleurs par l’article, lorsqu’une diffusion méconnaît les conditions qu’il pose.
Il apparaît en effet indispensable, pour que cette garantie supplémentaire soit effective, d’assortir sa méconnaissance de sanctions. Je pense que notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie n’aurait aucun mal à me suivre, dans la mesure où cet amendement répond partiellement à la nécessité de protéger les mineurs qu’elle soulevait précédemment.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement vise à pénaliser le fait de proposer une rémunération dans l’intention d’obtenir l’accord des personnes enregistrées pour une diffusion ultérieure. En précisant à l’alinéa 15 de l’article 1er que « l’accord écrit des parties au litige ou des personnes enregistrées ne peut faire l’objet d’aucune contrepartie », la commission a déjà posé le principe de la gratuité et ajouté cette interdiction de rémunération.
Faut-il aller jusqu’à la pénalisation ? Nous ne le pensons pas. Nous pensons qu’il est prématuré de présupposer que les personnes bénéficiaires des autorisations de filmer délivrées par les autorités judiciaires – qui seront des professionnels des médias – se laisseraient aller à de tels comportements.
La commission émet donc un avis plutôt défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis tout à fait favorable sur cet amendement, monsieur le président. Il faut éviter les abus. On n’est jamais à l’abri de tentations de cette nature. Si la gratuité doit évidemment présider à la démarche des personnes intéressées par la diffusion, sait-on jamais…
Le Gouvernement est donc favorable à la création de cette infraction tout à fait spécifique.
M. le président. L’amendement n° 68, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. En cohérence avec nos amendements précédents, nous souhaitons supprimer la possibilité d’enregistrer puis de diffuser les audiences intervenant au cours d’une enquête ou d’une instruction. Cette disposition est dangereuse et nous indique de nouveau l’intention des rédacteurs de ce texte de privilégier les audiences pénales. Il s’agit là encore de se prémunir contre une forme de justice spectacle, qui ferait perdre tout son sens au dispositif et, pire, le dénaturerait.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Dès lors que cette démarche d’enregistrement et de diffusion des audiences est engagée, nous pensons qu’elle doit s’inscrire dans un enjeu global de pédagogie et d’information complètes, y compris pour les audiences en cours d’enquête ou d’instruction.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Si, au lieu de siéger au Sénat, nous étions à cette heure-ci devant notre poste de télévision, nous pourrions voir, sur certaines chaînes qui diffusent ce type de contenus presque tous les soirs d’ailleurs, des enquêtes et des informations judiciaires sans aucune réglementation.
Un texte venant réglementer la façon dont on peut filmer les enquêtes et les instructions me paraît souhaitable. Vous comprendrez, dans ces conditions, que je préfère que l’on protège les uns et les autres – les victimes, les suspects, les témoins – comme il se doit, avec toutes les précautions que nous avons prises, celles que votre commission a envisagées et celles que l’Assemblée nationale a votées, plutôt que de voir perdurer les pratiques actuelles, sans aucun contrôle de quelque nature que ce soit.
Il est rare, d’ailleurs, que je regarde l’une de ces émissions sans être choqué par un certain nombre de choses, qui n’auront plus cours demain grâce à la loi que vous vous apprêtez, si vous le voulez bien, à voter.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. À la fin du débat sur cet article 1er, M. le garde des sceaux vient enfin de verbaliser les raisons pour lesquelles ces dispositions sont mises en place. Aujourd’hui, la possibilité de filmer des audiences non publiques existe déjà, mais elle est à la discrétion du ministre de la justice. Et c’est ainsi, monsieur le garde des sceaux, que vous voyez parfois des images plus ou moins floutées, tournées dans un cabinet de juge pour enfants, ou plus rarement, même si je n’en ai pas le souvenir, dans un cabinet d’instruction.
Les dispositions que nous votons ce soir ont vocation à encadrer tout cela, et à donner ce pouvoir aux chefs de juridictions. Fort bien ! Là où l’amendement de Mme Cécile Cukierman est tout à fait bienvenu, c’est que nous ne parlons pas que des audiences. Nous parlons, et c’est l’objet de l’alinéa 17, des cabinets d’instruction, des auditions de témoins, des confrontations…
Nous sommes là dans un tout autre champ que celui de l’audience publique. C’est là qu’à mon sens réside le danger. Il est inexact de dire que la protection de la vie privée ou la présomption d’innocence seront respectées. Certes, le jugement sera intervenu, mais dix ans plus tard, vous vous retrouverez un jour acteur d’un documentaire diffusant votre image dans un cabinet de juge d’instruction. Prétendre que le fait d’y avoir consenti, en donnant votre autorisation, vous protège n’est pas honnête.
Je le répète : quand vous vous trouvez devant un juge d’instruction, vous vous inquiétez de savoir non pas si vous allez donner ou non une autorisation pour être filmé, mais si vous allez être placé en détention une heure après. Vous n’êtes donc pas en mesure de prendre une décision éclairée.
Si nous voulons protéger les personnes, nous devons voter l’amendement de Mme Cukierman et ne pas permettre la captation vidéo des auditions et confrontations devant un juge d’instruction.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Nous avons tous à cœur ici d’éviter la justice spectacle, cette justice qui pourrait presque, demain, faire revenir la loi du talion. À vouloir faire dans l’ultra-transparence, à vouloir laver plus blanc que blanc – on l’a vu en politique où l’on a joué ce jeu-là –, je vous le garantis, on ne satisfait jamais personne.
Oui, vous avez raison : nous avons besoin de transparence, de démocratisation. Permettez-moi d’ailleurs de vous faire remarquer que, bien que nous ne soyons pas en dictature, un certain nombre d’audiences ne font pas pour autant aujourd’hui l’objet d’une publicité. Je crois qu’il faut savoir raison garder dans les arguments échangés au sujet des différents amendements.
L’objectif de ces dispositions serait donc de mieux faire comprendre l’institution judiciaire dans sa diversité, de rendre accessible à une grande partie de nos concitoyens ce qui ne l’est pas aujourd’hui. Permettez-moi d’en douter – et je ne remets pas en cause votre volonté – : si le résultat final est une émission rébarbative, celle-ci ne sera pas plus regardée qu’un site internet sans aucun attrait… En réalité, nous sommes en train de nous faire plaisir, depuis quelques heures, à disserter sur des dispositions qui ne changeront rien à la confiance que nos concitoyens accordent à l’institution judiciaire.
L’alinéa 17, dont nous demandons la suppression, va plus loin encore dans cette dérive. Nous sommes dans le « toujours plus »…
Monsieur le garde des sceaux, vous pouvez hausser les épaules ! J’avoue que, ce que je vous dis maintenant, je ne l’aurais certainement pas dit il y a deux ans, mais parce que je fais de la politique, je vous le dis !
Il y a un an et demi, notre pays a été soumis à un confinement. Soudainement, on a vu sur des chaînes d’information en continu de grands professeurs de médecine s’affronter sur des questions sanitaires, sur les solutions de sortie de crise, sous le regard des Français incapables de comprendre les enjeux. On en voit aujourd’hui les conséquences.
Nous sommes favorables à la publicité d’un certain nombre d’audiences, mais on ne peut pas tout montrer. Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Merci, madame la sénatrice, de m’autoriser un petit lever d’épaules qui correspond à ma respiration. Merci de me laisser respirer…
Pour le reste, ne pensez-vous pas qu’il soit utile que les Français sachent comment fonctionne une instruction, qui est le juge d’instruction, à quoi sert le greffier, à quoi sert l’avocat aux côtés du mis en examen ? Pardonnez-moi, mais cette information se fait aujourd’hui de façon sauvage.
Au moins, avec le texte que nous proposons, tout cela sera réglementé. Il y aura des autorisations. Des précautions ont été prises ou ont été envisagées, vous le savez, par le Gouvernement, par l’Assemblée nationale et par votre commission des lois.
La logique est la même pour l’enquête. Certains de nos concitoyens sont demandeurs d’informations. Pourquoi tronqueriez-vous la procédure pénale ? Pourquoi réserverait-on les enregistrements aux seules audiences ?
Je souhaite que les caméras aillent partout : aux prud’hommes, chez le juge aux affaires familiales (JAF), aux audiences pénales, au tribunal de commerce… Le but est de montrer la justice à nos compatriotes qui ne la connaissent pas. Tel est le fondement de cet article.
Si vous préférez les émissions diffusées aujourd’hui et qui sont construites de façon un peu curieuse, sans aucune explication pédagogique associée, libre à vous ! Quant à moi, je pense qu’il faut expliquer, et c’est le but unique de cet article.
M. le président. L’amendement n° 202, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« III ter. – La cession des droits sur les images enregistrées emporte de droit transfert au cessionnaire des obligations et interdictions prévues par le présent article.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement a pour objet d’imposer aux cessionnaires des images filmées d’une audience de respecter les règles fixées à l’article 1er de ce texte. En effet, il faut que les droits et interdictions que nous prévoyons dans le projet de loi perdurent en cas de cession de telles images. C’est une garantie supplémentaire permettant de ne pas dénaturer ce que nous mettons ici en place.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement tend à sécuriser le respect des conditions de diffusion en cas de cession des images. Cette nouvelle garantie nous paraît quelque peu surabondante compte tenu du cadre déjà défini à l’article 1er, et notamment de l’incrimination spécifique prévue à l’alinéa 18 en cas de non-respect des conditions légales de diffusion.
Pour autant, en la matière, trop de précautions ne nuit pas. L’avis de la commission est donc favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le garde des sceaux, j’ai écouté avec attention ce que vous avez répondu à l’instant à l’intervention de Mme Cukierman et, avec tout le respect que j’ai pour vous, cette réponse me laisse pantoise !
Vous érigez la proposition que vous nous faites dans ce projet de loi en une sorte d’alpha et d’oméga de l’éducation… (M. le garde des sceaux le conteste.) Mais si !
Mme Éliane Assassi. Monsieur le garde des sceaux, je vous écoute tranquillement depuis le début de l’examen de ce texte…
Mme Éliane Assassi. Vous n’avez pas eu la courtoisie de répondre à l’intervention de Mme Cukierman en discussion générale. Vous nous ignorez ; vous faites comme si les élus du groupe CRCE n’existaient pas. (M. le garde des sceaux manifeste son exaspération.) Mais si ! Ne le contestez pas !
Mme Éliane Assassi. Et j’ai, moi, le droit de réagir à vos mouvements…
M. le président. Poursuivez, madame Assassi !
Mme Éliane Assassi. Nous ne sommes pas dans un prétoire, monsieur le garde des sceaux. Nous sommes au Sénat !
M. Laurent Burgoa. Bravo !
Mme Éliane Assassi. Nous examinons un projet de loi, qui soulève à nos yeux différentes questions – Mme Cukierman vous en a posé un certain nombre. Et il me semble normal que vous essayiez d’y répondre !
Regardez-moi, s’il vous plaît, plutôt que votre opposition de droite !
Mme Éliane Assassi. Soyez un peu respectueux de ce que nous représentons, même si pour vous nous ne représentons presque rien… Nous représentons quand même quelque chose !
Mme Cukierman vous a interpellé sur un sujet précis et vous la négligez, comme si ce que vous proposiez était l’alpha et l’oméga de la pédagogie sur ce qu’est la justice dans notre pays. Cela ne suffit pas !
Ce n’est pas la captation filmée des audiences qui va répondre à la question fondamentale que nous nous posons tous : comment rétablir la confiance entre la justice et nos concitoyens ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Le débat qui a eu lieu sur cet article a contribué à convaincre le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain de ne pas le voter. En effet, trop d’incertitudes subsistent.
J’ai d’ailleurs relu avec beaucoup d’attention le rapport de notre commission, qui indique en page 25 : « La position de la commission : mieux encadrer une initiative qui reste très incertaine quant à sa mise en œuvre. »
Un peu plus loin, il est écrit : « Il est vrai qu’à ce jour l’impact de ces tournages, s’ils devaient se généraliser, n’est pas connu. »
Et encore : « Les rapporteurs ont exprimé leurs doutes sur l’objectif réel et l’opérabilité d’un dispositif conçu avant toute chose pour être un instrument de communication du ministère de la justice, tout en reposant sur l’intervention de producteurs et diffuseurs tiers pour éviter d’avoir à faire supporter par le budget du ministère les frais de tournage et de diffusion. »
Je continue de citer le rapport : « L’article 1er ne semble avoir fait l’objet d’aucune concertation avec les professionnels. »
Chacun sent bien à la lecture de ces extraits que, malgré la bonne volonté des rapporteurs et même en prenant en compte ce qui peut relever, pour la justice, d’un objectif pédagogique ou de meilleure communication, il n’y a pas d’enthousiasme.
En outre, les incertitudes sont nombreuses. On aurait d’ailleurs pu imaginer que ce dispositif fût expérimental, ce qui n’est pas le cas.
Je ne reprendrai pas, par ailleurs, les arguments de Mme de La Gontrie – elle les a présentés avec beaucoup de clarté – sur les problèmes qui se posent lorsque l’on filme, dans le cabinet du juge, une instruction en cours.
Par conséquent, nous pensons que cette question n’est pas mûre et que l’on s’engagerait, en votant ce texte, sur une voie qui n’est pas du tout sûre. J’ajoute, monsieur le garde des sceaux, que les chaînes de télévision continueront de toute façon de diffuser des fictions – il y va tout simplement de leur liberté de création.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’article.
M. Gérard Longuet. Je partage les doutes de Jean-Pierre Sueur et de Cécile Cukierman et deux observations me conduisent, par respect pour le travail de la commission, à m’abstenir sur cet article.
Nous devons tout d’abord avoir en tête que le numérique est doté d’une mémoire permanente, alors que les situations judiciaires sont – heureusement – effacées par la prescription, qui exprime en général la réinsertion du coupable, voire sa sérénité retrouvée. Or, quand on filme, on le fait pour l’éternité. Ce décalage me pose un véritable problème. Quel usage sera fait des images d’une instruction s’agissant d’un délit disparu, quelle qu’ait été, d’ailleurs, la décision finale du tribunal dans le dossier en question ?
Ensuite, M. le garde des Sceaux a évoqué le développement des « enquêtes vérité » – la télévision nous en abreuve de plus en plus. Mais la France dispose d’un service public dont, me semble-t-il, la vocation est différente, qui revendique qualité, indépendance à l’égard du succès immédiat, vérité, rigueur et intelligence. Pourquoi ne pas confier à ce service public la possibilité non pas de filmer une instruction réelle, où des êtres humains jouent leur vie, mais d’en restituer la substance avec d’excellents acteurs et professionnels, conseillés, le cas échéant, par d’excellents magistrats et avocats ?
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Longuet, je vous réponds : personne, ou pas grand monde, ne regardera un programme tel que celui que vous envisagez. Il y a plus de gens, voyez-vous, dans les salles d’audience qu’au théâtre – c’est ainsi ! L’attraction, en la matière, est inéluctable : l’émission Faites entrer l’accusé, diffusée sur le service public, attire par exemple un nombre considérable de téléspectateurs.
Cela dit, il existe des émissions diffusées sur le service public qui sont de qualité discutable et d’autres qui, diffusées sur des chaînes privées, sont de bonne qualité. Pour ce qui me concerne – je l’ai dit –, je veux du pédagogique.
Or je pense que l’intérêt pour l’affaire est l’un des vecteurs de l’attraction des téléspectateurs pour l’une ou l’autre de ces émissions. Je crois d’ailleurs me souvenir que c’est France Inter – mais je peux me tromper – qui avait songé, il y a longtemps, à reconstituer un dossier en le faisant jouer par des acteurs. Cela n’a pas marché – ça a fait flop ! –, parce que les gens ont envie de vérité, pour des tas de raisons différentes.
Ce qui m’intéresse, en tout cas, c’est la pédagogie qu’on peut tirer de ce genre de programmes.
Enfin, et pour répondre à l’interpellation qui m’a été faite tout à l’heure (M. le garde des sceaux désigne la gauche de l’hémicycle.), je suis bien sûr convaincu que cette disposition ne constitue pas l’alpha et l’oméga de l’apprentissage de la procédure. Il y a là simplement une façon attractive, me semble-t-il, d’avancer vers une connaissance plus approfondie de nos procédures judiciaires, qu’elles soient civiles, pénales ou encore commerciales.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 119, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 706-52 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « d’un mineur victime » sont remplacés par les mots : « d’une victime » ;
2° À la fin du deuxième alinéa, les mots : » du mineur » sont remplacés par les mots : « de la victime ».
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Cet amendement vise à étendre l’enregistrement de l’audition, au cours d’une enquête, à toutes les victimes de délits et de crimes sexuels, quel que soit leur âge.
Actuellement, cette disposition n’est prévue que pour les victimes mineures. Nous proposons d’élargir cette possibilité à l’ensemble des victimes de violences sexuelles, que ces victimes soient mineures ou majeures.
L’adoption de cet amendement permettrait d’éviter à une victime majeure d’avoir à relater à plusieurs reprises les violences sexuelles qu’elle a subies, lui épargnant l’effet traumatique d’une telle répétition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. L’obligation d’enregistrer l’audition répond à des préoccupations qui sont aujourd’hui propres aux mineurs. Il s’agit notamment de s’assurer que l’enquêteur n’a pas suggéré, volontairement ou involontairement, une réponse à un enfant, qui en tant que tel est particulièrement vulnérable.
Élargir cette disposition aux majeurs nous paraît difficile à mettre en œuvre : beaucoup de commissariats ne sont pas équipés et les procédures d’enquête s’en trouveraient alourdies.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 119.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS AMÉLIORANT LE DÉROULEMENT DES PROCÉDURES PÉNALES
Chapitre Ier
Dispositions renforçant les garanties judiciaires au cours de l’enquête et de l’instruction
Section 1
Dispositions renforçant le respect du contradictoire et des droits de la défense
Article 2
I. – Le chapitre II du titre II du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 75-2, il est inséré un article 75-3 ainsi rédigé :
« Art. 75-3. – La durée d’une enquête préliminaire ne peut excéder deux ans à compter du premier acte de l’enquête, y compris si celui-ci est intervenu dans le cadre d’une enquête de flagrance.
« L’enquête préliminaire peut toutefois être prolongée une fois pour une durée maximale d’un an à l’expiration du délai mentionné au premier alinéa, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, qui est versée au dossier de la procédure.
« Les enquêteurs clôturent leurs opérations et transmettent les éléments de la procédure au procureur de la République en application de l’article 19 avant l’expiration du délai de deux ans ou, en cas de prolongation, du délai de trois ans, afin de permettre à ce dernier soit de mettre en mouvement l’action publique, le cas échéant en ouvrant une information judiciaire, soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites, soit de classer sans suite la procédure. Tout acte d’enquête intervenant après l’expiration de ces délais est nul, sauf s’il concerne une personne qui n’a été mise en cause au cours de la procédure, au sens de l’article 75-2, que depuis moins de deux ans ou, en cas de prolongation, de trois ans.
« Lorsque l’enquête porte sur des crimes ou délits mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1 ou relevant de la compétence du procureur de la République antiterroriste, les délais de deux ans et d’un an prévus au présent article sont portés respectivement à trois ans et à deux ans. Ces délais sont également portés à trois ans et à deux ans lorsque l’enquête porte sur des délits mentionnés aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, aux articles 433-1, 433-2 et 435-1 à 435-10 du code pénal, ainsi que sur le blanchiment de ces délits.
« Pour la computation des délais prévus au présent article, il n’est pas tenu compte, lorsque l’enquête a donné lieu à une décision de classement sans suite puis a repris ultérieurement sur décision du procureur de la République, de la durée pendant laquelle l’enquête a été suspendue. Il n’est pas non plus tenu compte, en cas de demande d’entraide judiciaire, de la durée qui s’écoule entre la signature de la demande par le parquet émetteur et la réception par ce même parquet des pièces d’exécution. Lorsqu’il est procédé au regroupement de plusieurs enquêtes dans le cadre d’une même procédure, il est tenu compte, pour la computation des délais prévus au présent article, de la date de commencement de l’enquête la plus ancienne. » ;
2° L’article 77-2 est ainsi rédigé :
« Art. 77-2. – I. – À tout moment de l’enquête préliminaire, le procureur de la République peut, lorsqu’il estime que cette décision ne risque pas de porter atteinte à l’efficacité des investigations, indiquer à la personne mise en cause, à la victime ou à leurs avocats qu’une copie de tout ou partie du dossier de la procédure est mise à la disposition de leurs avocats, ou d’elles-mêmes si elles ne sont pas assistées par un avocat, et qu’elles ont la possibilité de formuler toutes observations qui leur paraîtraient utiles.
« Ces observations peuvent notamment porter sur la régularité de la procédure, sur la qualification des faits pouvant être retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête, sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qui seraient nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
« II. – Sans préjudice du I, toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’une peine privative de liberté peut demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, de prendre connaissance du dossier de la procédure afin de formuler ses observations lorsqu’au moins l’une des conditions suivantes est remplie :
« 1° Si la personne a été interrogée dans le cadre d’une audition libre ou d’une garde à vue qui s’est tenue il y a plus d’un an ;
« 2° S’il a été procédé à une perquisition chez la personne il y a plus d’un an ;
« 3° S’il a été porté atteinte à la présomption d’innocence de la personne par un moyen de communication au public. Le présent 3° n’est pas applicable lorsque les révélations émanent de la personne elle-même ou de son avocat, directement ou indirectement, ou que l’enquête porte sur des faits relevant des articles 706-73 et 706-73-1 ou relevant de la compétence du procureur de la République antiterroriste.
« Lorsqu’une telle demande lui a été présentée et qu’il estime qu’il existe à l’encontre de la personne une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’une peine privative de liberté, le procureur de la République avise cette personne ou son avocat de la mise à la disposition de son avocat, ou d’elle-même si elle n’est pas assistée par un avocat, d’une copie de la procédure et de la possibilité de formuler les observations prévues au I du présent article, selon les formes mentionnées au premier alinéa du présent II.
« Par dérogation au cinquième alinéa du présent II et pour une durée maximale de six mois à compter de la réception de la demande, le procureur de la République peut refuser à cette personne la communication de tout ou partie de la procédure si l’enquête est toujours en cours et si cette communication risque de porter atteinte à l’efficacité des investigations. Il statue dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande, par une décision motivée versée au dossier. À défaut, le silence vaut refus de communication. La personne à l’origine de la demande peut contester un refus devant le procureur général, qui statue également dans un délai d’un mois à compter de sa saisine, par une décision motivée versée au dossier. Lorsque l’enquête porte sur des crimes ou délits mentionnés aux articles 706-73 et 706-73-1 ou relevant de la compétence du procureur de la République antiterroriste, le délai de six mois prévu au présent alinéa est porté à un an.
« Dans la période d’un mois qui suit la réception de la demande, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision de poursuites hors l’ouverture d’une information, l’application de l’article 393 ou le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité prévue aux articles 495-7 à 495-13.
« Le procureur de la République peut décider de ne pas mettre à la disposition de la personne certaines pièces de la procédure au regard des risques de pression sur les victimes, les autres personnes mises en cause, leurs avocats, les témoins, les enquêteurs, les experts ou toute autre personne concourant à la procédure.
« III. – Lorsqu’une enquête préliminaire fait l’objet d’une demande de communication dans les conditions prévues au II, la victime, si elle a porté plainte, est avisée par le procureur de la République qu’elle dispose des droits prévus au I dans les mêmes conditions que la personne à l’origine de la demande.
« III bis. – Les observations formulées en application du présent article sont versées au dossier de la procédure. Le procureur de la République apprécie les suites à apporter à ces observations. Il en informe les personnes concernées. S’il refuse de procéder à un acte demandé, sa décision peut être contestée devant le procureur général.
« IV. – Lorsqu’une période de deux ans s’est écoulée après l’un des actes mentionnés aux 1° et 2° du II, l’enquête préliminaire ne peut se poursuivre à l’égard des personnes ayant fait l’objet de l’un de ces actes et à l’encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elles ont commis ou tenté de commettre une infraction sans que le procureur de la République fasse application du I à leur profit ainsi qu’à celui du plaignant. » ;
3° À la première phrase de l’article 77-3, la référence : « premier alinéa du I » est remplacée par la référence : « II ».
II (nouveau). – L’article 696-114 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il poursuit les investigations après l’expiration des délais d’enquête prévus à l’article 75-3, le procureur européen délégué est également tenu de procéder conformément aux dispositions applicables à l’instruction. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 160 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Sous couvert de rendre la justice plus rapide, le Gouvernement a choisi, dans cet article, une solution qui ressemble en fait au lit de Procuste !
Il est vrai que certains délais sont parfois trop longs, mais une règle unique, rigide, qui aurait pour conséquence de rendre encore plus difficiles les enquêtes complexes, ne nous paraît pas pour autant souhaitable. Souhaitons-nous vraiment que des enquêtes préliminaires en matière criminelle, par exemple sur certains cas d’homicides, soient closes alors même que leur complexité demande du temps ?
Comme cela a été rappelé, la majorité des enquêtes préliminaires – entre 70 % et 85 % d’entre elles – dure moins de six mois. Je me permets aussi de rappeler qu’en 2020 seules 3,2 % des enquêtes préliminaires sont allées au-delà des trois ans.
Je le redis, cette recherche d’une plus grande efficacité nous paraît plutôt relever de l’affichage. Prétendre que les enquêtes préliminaires s’éternisent au motif que les magistrats instructeurs manqueraient d’une volonté d’accélérer la manifestation de la vérité ne nous paraît pas refléter de la réalité. Fixer pour objectif la rapidité dans la résolution des affaires, plutôt que la résolution elle-même, nous paraît même assez dangereux.
C’est pourquoi nous demandons, par cet amendement, la suppression des alinéas de cet article qui concernent la durée de l’enquête préliminaire : nous souhaitons en rester au cadre législatif actuel.
M. le président. L’amendement n° 106 rectifié, présenté par M. J.B. Blanc, Mmes Bonfanti-Dossat et V. Boyer, MM. Brisson, Cambon, Charon et Chasseing, Mme Joseph, MM. B. Fournier, Genet, Gremillet, Lefèvre et Longuet, Mme M. Mercier et MM. Mouiller, Sautarel et Somon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
deux ans
par les mots :
un an
II. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’enquête peut toutefois se prolonger des délais de recours éventuels lorsque le suspect ou le plaignant éventuel auront exercé des recours contre un refus de demande d’acte ou le suspect une demande de nullité d’un acte. À l’issue de ce délai, faute pour le procureur de la République de classer sans suite ou de prendre une décision de renvoi devant une juridiction de jugement ou une mesure alternative aux poursuites, une information judiciaire est ouverte. » ;
III. – Alinéas 5 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc.
M. Jean-Baptiste Blanc. La durée de deux ans, qu’il serait possible de prolonger d’un an, est de toute évidence trop longue et, dans la pratique, peu opérante, puisque la plupart des enquêtes durent moins de deux ans.
En outre, aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect du délai, ce qui rend illusoire un tel encadrement.
C’est pourquoi nous proposons que l’enquête soit limitée à une durée d’un an, prolongée le cas échéant des délais de recours. À l’issue de ce délai, une information judiciaire serait automatiquement ouverte. Cette proposition nous apparaît plus réaliste et plus efficace.
M. le président. L’amendement n° 226, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il en est de même si l’enquête porte sur des infractions mentionnées aux articles 435-1 à 435-10 du code pénal ou sur les délits de recel ou de blanchiment de ces infractions.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Cet amendement a pour objet de limiter l’application des délais de trois et deux ans aux enquêtes sur les faits de corruption internationale et de blanchiment ou de recel de ces infractions, à l’exclusion des enquêtes concernant des faits de fraude fiscale ou de corruption non internationales, également visées par la rédaction de votre commission.
Celle-ci a prévu que l’élargissement des délais à trois et deux ans s’appliquerait lorsque l’enquête porte sur des délits de fraude fiscale et de corruption, ainsi que sur le blanchiment de ces délits. Cette extension me paraît excessive. Comme l’a indiqué le parquet national financier (PNF), qui exerce ses attributions près le tribunal judiciaire de Paris, le délai total de trois ans prévu en droit commun ne paraît pas adapté en matière d’enquête portant sur des faits de corruption commis par des agents étrangers.
Je vous donne lecture de la lettre de M. Jean-François Bohnert, procureur de la République financier, dont je vous ai parlé lors de mon audition par la commission : « Si le principe d’une limitation dans le temps de la durée des enquêtes préliminaires, y compris dans le domaine économique et financier, m’apparaît de nature à améliorer l’efficacité de l’action de la justice et à accroître la sécurité juridique des personnes mises en cause, la question peut toutefois se poser de l’extension des exceptions prévues à l’heure actuelle dans la petite loi au seul domaine de la lutte contre la corruption internationale, compte tenu des spécificités propres à la conduite de l’action publique en ce domaine et de sa particulière sensibilité politique. »
Si l’on fait une succession d’exceptions, alors la règle est obsolète. Il faut limiter les exceptions. Aujourd’hui, les enquêtes préliminaires ne sont enserrées dans aucun délai. Pour autant, quand une enquête préliminaire ne sera pas terminée dans les délais nouveaux que vous fixerez, alors on basculera automatiquement vers une information judiciaire qui donnera cette fois à l’intéressé le droit d’avoir immédiatement accès au dossier et d’être défendu par un avocat.
Ce n’est donc pas parce qu’une enquête préliminaire ne s’inscrirait pas dans les délais qui seront imposés par la loi que cette enquête finirait dans je ne sais quel tiroir ou je ne sais quelle poubelle. Il est extrêmement important de le dire : nulle impunité au terme de ce délai s’il n’est pas respecté ! L’enquête continuera sous une autre forme, en l’occurrence l’instruction.
Je pense qu’il ne faut pas multiplier les exceptions ; nous risquons de nous y perdre et de faire perdre à ce texte l’esprit qui est le sien. Cet esprit consiste à prolonger ce qui a déjà été décidé dans d’autres domaines : l’instruction et la détention provisoire ont été enserrées dans des délais ; la réforme du code de la justice pénale des mineurs a également fixé un certain nombre de délais, pour ce qui concerne en particulier l’instruction. Et voilà que la chronologie de l’enquête préliminaire serait à la discrétion, si j’ose dire, des officiers de police judiciaire, sous le contrôle du parquet ?
Fixer un délai est aussi une façon, pour le parquet, de mieux contrôler l’enquête préliminaire et d’exercer une autorité plus vigilante – disons-le ainsi – sur les officiers de police judiciaire.
Je trouve scandaleux que dans notre pays des enquêtes préliminaires vieilles de quatre ans et demi ou de cinq ans ne soient toujours pas closes, ce qui entraîne – je l’ai dit – des « feuilletonnages » médiatiques insupportables, où peut crever la réputation d’un homme sans même qu’il puisse avoir accès à son dossier. Il faut mettre un terme à cela ! Tel est le sens de cet article ; attention à ne pas le dénaturer !
M. le président. L’amendement n° 161 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces délais sont également portés à trois ans et à deux ans lorsque l’enquête porte sur des crimes et délits mentionnés aux articles L. 173-3, L. 216-1 et L. 216-6 du code de l’environnement et sur les délits de pollution de l’air, de l’eau et des sols.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Je remercie M. le garde des sceaux pour son plaidoyer, que j’ai trouvé excellent. Je comprends très bien la volonté de limiter les délais des enquêtes préliminaires et de permettre la transformation de ces enquêtes en instructions à l’expiration de ceux-ci. Cela permettrait aux justiciables mis en cause d’accéder au dossier et de s’exprimer, ce qu’ils ne peuvent pas faire dans le cadre d’une enquête préliminaire.
Je comprends tout cela, mais les faits sont têtus et je les répète : aujourd’hui, 3,2 % des affaires seulement durent plus de trois ans.
M. Guy Benarroche. En outre, dans le projet de loi qui nous est soumis, il n’existe aucune garantie concernant la transformation des enquêtes préliminaires, à l’issue des délais que nous allons fixer, en quelque chose de plus acceptable.
L’amendement n° 160 rectifié que j’ai présenté tout à l’heure prévoyait, à défaut de solution plus satisfaisante, que pour ces 3,2 % de dossiers on n’impose pas systématiquement un délai.
L’amendement n° 161 rectifié, de repli par rapport au précédent, vient compléter le dispositif proposé. Vous venez de plaider de manière très probante, monsieur le garde des sceaux, contre toute exception supplémentaire ; nous en proposons une malgré tout. Chacun sait en effet que, dans les affaires portant sur des atteintes environnementales ou liées à des pollutions, il est extrêmement difficile de réunir des preuves et de cerner les responsabilités dans des délais contraints : cela peut prendre énormément de temps.
C’est pourquoi, à défaut de supprimer complètement l’instauration de délais pour les enquêtes préliminaires, nous défendons une exception visant à allonger les délais prévus pour les crimes et délits environnementaux.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mmes N. Goulet et Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces délais sont également portés à trois ans lorsque l’enquête porte sur des délits et crimes mentionnés aux articles 222-22 à 222-22-2 et aux articles 222-23 à 222-26 et 225-4-1 du code pénal.
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Les articles visés par cet amendement concernent le viol, les agressions sexuelles et le trafic d’êtres humains. Le combat contre ces crimes et délits est une cause nationale. Les enquêtes peuvent parfois concerner des personnes étrangères, comme c’est le cas dans les trafics d’êtres humains.
De récentes affaires, notamment sur des prédateurs sexuels dans le secteur de la mode, ont mis en lumière des failles dans les dispositifs de protection des victimes.
C’est pourquoi il est important de conserver, en la matière, des délais d’enquête suffisamment longs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. M. Benarroche a proposé, en présentant l’amendement n° 160 rectifié, d’en rester à la situation actuelle, c’est-à-dire à des enquêtes préliminaires sans limite de temps.
Je dois dire que, sur ce point, notre commission partage l’analyse de M. le garde des sceaux : des enquêtes préliminaires qui n’en finissent pas ne sont souhaitables pour personne, ni pour la justice ni pour le bon fonctionnement de la société. Si j’étais un peu excessif, je dirais qu’une enquête préliminaire qui durerait trop longtemps résulterait soit d’une inertie anormale soit d’une forme de pathologie technique.
L’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement. Une précision : dans son objet, il est fait référence au fait que cette réforme ne concernerait en réalité que 3,2 % des enquêtes préliminaires. Je dois dire que notre commission ne partage pas cette appréciation. M. le garde des sceaux va me dire que ce chiffre est issu de tableaux du ministère de l’intérieur ; nous les avons bien sûr regardés, mais ils s’assortissent de multiples astérisques, si bien qu’ils doivent être interprétés avec beaucoup de prudence. Par exemple, ils amalgament des enquêtes dites techniques avec les enquêtes judiciaires. Je serais donc beaucoup plus prudent que les auteurs de cet amendement sur l’interprétation de ces tableaux.
Ce que nous savons concrètement, c’est ce que nous disent les parquets : 100 000 procédures en instance depuis plus de trois ans à Nanterre, 80 000 à Marseille, 40 000 à Nice. Le volume des enquêtes anciennes en attente peut donc être important. J’ajoute que, dans les nombreux parquets qui ne disposent pas d’un bureau dit d’ordre, on ne connaît même pas ce chiffre.
C’est pourquoi je vous propose, en la matière, de ne pas nous déterminer par rapport à un volume d’enquêtes, puisque nous aurions du mal à le déterminer précisément, mais par rapport à la pertinence du texte défendu par M. le garde des sceaux.
L’amendement n° 106 rectifié présenté par notre collègue Jean-Baptiste Blanc s’inscrit en quelque sorte dans une logique inverse à celle de M. Benarroche : au lieu de rallonger les délais, on les raccourcit. Vous proposez en effet, mon cher collègue, de limiter l’enquête préliminaire à un an. Nous n’y sommes pas favorables. Chacun souhaiterait que, dans un monde idéal, nous puissions respecter un tel délai, mais la réalité est nettement différente.
Pour que les enquêtes aboutissent, a fortiori dans un délai d’un an, il faut des enquêteurs judiciaires. Or une grande pénurie règne en ce domaine dans notre pays. Les chiffres sont connus : le ministre de l’intérieur s’est exprimé cet été, indiquant qu’il manquait au moins 5 000 postes. Pour diverses raisons, notamment la complexité de la procédure pénale – ce texte le montre clairement –, les policiers ne sont plus attirés par ce type de fonction.
J’ajoute que les réponses qui sont avancées par le ministère de l’intérieur pour tenter de fournir à M. le garde des sceaux les enquêteurs judiciaires dont il souhaite légitimement pouvoir disposer sont plutôt de nature à nous inquiéter, puisqu’elles tendent à reproduire des phénomènes que nous avons déjà connus dans le passé : il s’agit, grosso modo, de « sortir » rapidement des enquêteurs judiciaires. Ainsi, dès cette année, l’oral du concours a été supprimé, ce qui veut dire qu’on recrute des enquêteurs judiciaires, dont, je le rappelle, les responsabilités sont importantes, sans avoir pu tester leur personnalité, leur manière d’être.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez souligné, dans votre intervention en discussion générale, votre action commune avec le ministre de l’intérieur en faveur d’une amélioration de la formation des enquêteurs judiciaires ; nous pensons que ce qui est en train de se faire va exactement dans le sens contraire.
M. le président. Monsieur le rapporteur, si vous utilisez deux minutes et demie pour donner l’avis de la commission sur chaque amendement, nous ne respecterons pas nous-mêmes nos délais…
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. L’amendement n° 226 présenté par M. le garde des sceaux pose la question du champ d’application de cette mesure. Le Gouvernement ne prévoit aucune autre exception que le terrorisme et la criminalité organisée ; il ne souhaite pas que le délai de deux ans, ou de trois en cas de prolongation, s’applique en quelque matière que ce soit, à l’exception, nous dit-il, des enquêtes portant sur des faits de corruption commis par des agents étrangers.
La commission, qui entend le message du Gouvernement sur la nécessité de réduire le champ de la dérogation, propose que celle-ci porte non pas sur l’ensemble du secteur économique et financier ou sur la totalité du champ d’action du PNF, mais sur la fraude fiscale, la corruption et le blanchiment de capitaux, c’est-à-dire ce que nous considérons comme le noyau dur de la délinquance financière.
Pour être rapide, monsieur le président, je n’ajouterai que quelques arguments à ceux que j’ai déjà avancés lorsque j’ai donné l’avis de la commission sur l’amendement de M. Blanc.
Tout d’abord, il s’agit de dossiers complexes : on ne traite pas d’affaires de corruption, de blanchiment de capitaux ou de fraude fiscale dans un délai de deux ans.
Ensuite, pour pouvoir traiter de tels dossiers dans un délai court, alors même que ceux-ci requièrent souvent d’accomplir des actes à l’étranger, ce qui prend du temps – chacun l’imagine –, il faut des enquêteurs spécialisés. Hier soir, un ancien procureur nous a indiqué qu’à son départ du parquet de Paris 577 enquêtes pour fraude fiscale grave étaient pendantes et que pour les traiter les enquêteurs étaient au nombre de trois ! Si nous limitons le délai à deux ans, même prolongé éventuellement à trois ans, il ne sera pas possible de traiter ces dossiers, si bien qu’on ne pourra s’occuper, à l’évidence, que d’une petite partie de ce qui est le noyau dur de la délinquance financière, sujet pourtant ô combien important du point de vue de nos valeurs démocratiques.
Quant à la petite part d’exception qu’accepterait M. le garde des sceaux – la corruption internationale –, je pose la question : comment expliquerons-nous à nos concitoyens que l’on traitera différemment la corruption commise par des agents étrangers et celle qui est commise en France, à titre interne ? Cela me semble totalement injustifiable et inexplicable.
Pour ce qui est de l’amendement n° 6 rectifié, je veux rassurer Mmes Bonfanti-Dossat et Goulet sur la question des enquêtes relatives aux agressions sexuelles, aux viols et à la traite d’êtres humains. Dans ce genre de dossiers, en cas de comparution immédiate, la justice dispose de tous les éléments et l’enquête ne dure pas. Il en est de même dans les autres cas : le dossier part à l’instruction et la question du délai ne se pose pas non plus.
Quant à la question des crimes et délits environnementaux soulevée par M. Benarroche, de tels dossiers font toujours l’objet, en pratique, d’une étude administrative préalable. Ils peuvent donc être traités rapidement. Sur des sujets difficiles, type Lubrizol, je ne crois pas qu’il y ait matière à de longues enquêtes préliminaires : bien entendu, on va à l’instruction.
Voilà les raisons pour lesquelles la commission des lois émet un avis défavorable sur ces cinq amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Tout d’abord, permettez-moi de rappeler que le viol est un crime ; à ce titre, l’instruction est obligatoire.
Pour ce qui concerne par ailleurs les atteintes à l’environnement, un pôle spécialisé a été créé dans chaque cour d’appel ; je ne vois donc pas l’intérêt de laisser ces enquêtes aux services de police.
Pour le reste, je ne suis pas d’accord du tout avec ce qui vient d’être dit, et je vous explique rapidement pourquoi.
Dans l’économie générale du code de procédure pénale, les procédures complexes, pardon de le dire, relèvent de l’instruction et non pas de l’enquête.
M. Gérard Longuet. Absolument ! À charge et à décharge !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui, à charge et à décharge ! J’y insiste, les affaires complexes vont traditionnellement à l’instruction.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Si le parquet le décide !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le développement des enquêtes longues, c’est une corruption du système – je suis désolé de le dire ainsi.
Je veux rappeler aussi qu’une commission de travail sur le sujet a réuni des avocats, des policiers, des gendarmes, des magistrats du parquet et du siège. Les délais ont été expertisés en tenant compte du volume des enquêtes qui n’étaient pas terminées après un certain temps. Les chiffres me paraissent indiscutables ; ils viennent d’ailleurs du ministère de l’intérieur.
Je veux vous dire encore que, s’il est un spécialiste des affaires financières, c’est bien le patron du parquet national financier, que nous avons consulté. Il a écrit à mes services, le 28 juin 2021, une lettre que je viens de porter à votre connaissance et que j’avais déjà évoquée.
Sans en relire l’intégralité, je précise qu’y sont dites deux choses. Tout d’abord, il est certain que la limitation va améliorer l’efficacité de l’action de la justice, sachant que l’on connaît tous des affaires qui s’étirent sur quatre ans et demi ou cinq ans. Le patron du PNF ajoute qu’à ses yeux l’exception doit être la corruption internationale. Pourquoi la corruption internationale ? Parce qu’il faut aller à l’étranger, ce qui, naturellement, ralentit les investigations.
Monsieur le rapporteur, vous vous inquiétez de la différence de traitement entre la corruption nationale et la corruption internationale. Mais, à l’évidence, le caractère international complexifie considérablement les choses, ce que tout le monde peut entendre.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, quand il n’y a pas de délai – c’est un grand classique –, les procédures s’accumulent, car il n’y a pas de couperet.
C’est d’ailleurs une des difficultés que nous avons rencontrées avec le code de la justice pénale des mineurs – mais elle est en train de se résorber. On constatait une inflation du nombre de procédures qui, en l’absence de délai, restaient pendantes ; un stock considérable finissait par s’accumuler. C’est logique : il n’y a aucune incitation à aller plus vite que la musique, puisqu’il n’y a pas de musique !
Selon moi, j’y insiste, au regard des droits humains, cette enquête préliminaire qui devient une enquête éternelle est insupportable. C’est la raison pour laquelle j’ai présenté l’amendement n° 226 et émets un avis défavorable sur les amendements nos 160 rectifié, 106 rectifié, 161 rectifié et 6 rectifié. Si l’on fait de l’exception une règle, plus rien n’a de sens !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. Monsieur le ministre, dès lors que l’affaire revêt une dimension internationale, avez-vous dit, cela prend plus de temps. Or il n’y a pas une enquête de fraude fiscale ou une enquête économique et financière qui n’ait son compte à l’étranger. Et, effectivement, il faut du temps, beaucoup de temps, pour que les enquêteurs obtiennent des retours.
Mme Dominique Vérien. Aussi, que se passe-t-il dans la réalité ? L’enquêteur qui commence ses investigations se rend compte qu’il faut qu’il adresse des demandes en Suisse, au Luxembourg, que sais-je. Comme il sait qu’il doit attendre quelques mois avant d’obtenir des réponses, dans l’intervalle il embraie sur d’autres enquêtes, sachant qu’en règle générale il est tout seul – et encore, quand il existe – pour plusieurs dossiers. En effet, il n’y a pas que le parquet national financier à Paris ; des enquêtes économiques et financières sont menées partout en France, y compris dans des ressorts qui ont relativement peu d’enquêteurs. Je peux citer Rennes ou, évidemment, Auxerre, dans l’Yonne.
Tant qu’il mène d’autres enquêtes, la première est mise de côté ; il s’y remet quand les réponses arrivent de l’étranger, mais a déjà perdu six à huit mois. Comme vous le dites, dès qu’on a affaire à l’étranger, cela prend beaucoup de temps ; or, aujourd’hui, les dossiers économiques et financiers sont systématiquement liés à l’étranger.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. S’il y a une date butoir, comme le souhaite le garde des sceaux, il n’y aura pas de miracle. Que se passera-t-il pour les enquêtes qui seront toujours en cours à la fameuse date butoir ?
Première solution : les parquets classent sans suite (M. le garde des sceaux s’agace.), et toute une série de dossiers à problèmes échappent au tamis.
Deuxième solution : les affaires sont envoyées devant les juridictions, où l’on retrouve des dossiers qui ne sont « ni faits ni à faire », si vous me permettez l’expression.
Troisième solution : une instruction est ouverte – telle est probablement la voie qui sera privilégiée. Or, vous le savez tous, les cabinets d’instruction sont plutôt chargés ; on ne fait donc qu’augmenter les difficultés.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Cette passion pour l’enquête préliminaire m’étonne, parce qu’il s’agit d’une enquête exclusivement à charge, réalisée dans le secret absolu, sans qu’à aucun moment la personne susceptible d’être renvoyée un jour à l’instruction ait la possibilité de s’exprimer. (M. le garde des sceaux opine.)
Je pense profondément que l’enquête préliminaire a été créée parce que le parquet a la lourde responsabilité de décider de transférer ou non devant un juge d’instruction. Or il doit le faire à partir d’éléments qui laissent à penser qu’il y a matière à ouvrir une instruction – en présence de tels éléments, il faut accepter d’ouvrir.
Monsieur le rapporteur, cher Philippe Bonnecarrère, étant avocat, vous connaissez la justice : l’instruction en France est à charge et à décharge, et elle est transparente. Certes, cela la rend longue et compliquée, mais il faut accepter de considérer également le point de vue de l’individu ou de l’entreprise, quel que soit le délit qui est susceptible de lui être reproché. Il faut qu’il ou elle ait le droit de se défendre dès le départ ; cela permet sans aucun doute de gagner du temps, car des explications sont apportées, ce qui est strictement impossible dans l’enquête préliminaire.
C’est la raison pour laquelle j’incite mes collègues à accepter l’idée que l’enquête préliminaire est un recours qui est offert au parquet, mais pas une solution pour défendre une justice équitable, laquelle est rendue au moment de l’instruction.
M. le président. L’amendement n° 162 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art 77-2. – I. – Dans le cadre d’une convocation en vue d’une audition libre ou d’une garde à vue, le dossier, expurgé des éléments risquant de porter atteinte à l’efficacité des investigations, est mis à la disposition du suspect et de son avocat.
II. – Alinéa 9, au début
Supprimer les mentions :
Art. 77-2. – I. –
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Les auteurs de cet amendement souhaitent renforcer les droits de la défense et le respect du contradictoire dans l’enquête préliminaire en donnant l’accès au dossier au suspect et à son avocat dès le stade de la garde à vue.
L’étude d’impact du projet de loi souligne, à ce sujet, que, dans la plupart des pays européens, « parmi les droits les plus fréquemment conférés à la personne au cours de l’enquête figurent le droit d’accès au dossier, le plus souvent au cours de la garde à vue, et le droit de demander des actes d’enquête ou de participer à des actes d’enquête et d’être informé de ses droits. »
Cet amendement s’inscrit dans la lignée de la position de notre groupe : une justice plus efficace ne doit pas se faire au détriment des droits des justiciables. Le Gouvernement souhaitant raccourcir les délais de l’enquête préliminaire en alléguant l’amélioration parallèle des droits de la défense, en matière d’accès au dossier notamment, il ne trouvera, à notre avis, rien à redire à cet amendement, qui s’appuie d’ailleurs sur des travaux du Conseil national des barreaux (CNB), lequel préconise un accès au dossier dès le stade de la garde à vue ou dès l’audition libre.
Cet accès se fera bien sûr sans compromettre l’enquête, après que le dossier aura été expurgé de certains éléments dont la présence aurait altéré l’efficacité et la continuité de celle-ci.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cet amendement a passionné l’Assemblée nationale, qui ne l’a cependant pas retenu. Vous savez que les droits de la défense sont garantis au cours de la garde à vue, puisque l’avocat est présent et que la personne suspectée est informée de la qualification et de la date de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise. Surtout, elle est informée de son droit de garder le silence.
Demander dès cet instant la mise à disposition du dossier expurgé de certains éléments suppose que les enquêteurs décident de ce qu’ils laissent dans le dossier et de ce qu’ils n’y mettent pas. Quid, par ailleurs, du temps de la consultation et de celui du débat entre l’avocat et les parties ?
Nous avons le sentiment que la disposition proposée, loin d’être absolument indispensable, serait plutôt de nature à perturber l’équilibre qui a déjà été trouvé en cette matière.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 212 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, Haye, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand, Patient et Patriat, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéas 11, 15, 21
Après le mot :
commettre
insérer les mots :
, en tant qu’auteur ou complice,
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Il s’agit d’un amendement de précision et de cohérence avec ce qui a été adopté en commission en matière de secret professionnel de la défense.
Il vise à bien préciser dans le texte que les dispositions relatives à l’ouverture de l’enquête préliminaire au contradictoire s’appliquent que l’intéressé soit soupçonné d’avoir commis une infraction en tant qu’auteur ou en tant que complice.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous souhaiterions connaître l’avis du Gouvernement. Selon nous, la précision apportée ne s’impose pas, puisque le traitement est le même, sur le plan de la répression, qu’il s’agisse de l’auteur principal ou du complice.
Abstraction faite de son caractère pédagogique, nous ne voyons pas très bien l’intérêt de l’amendement, mais peut-être avons-nous mal appréhendé sa portée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 70, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 12 et 13
Remplacer les mots :
d’un an
par les mots :
de six mois
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous reprenons une préconisation du Conseil national des barreaux. Il s’agit de renforcer les droits de la défense et le respect du contradictoire dans l’enquête préliminaire en donnant l’accès au dossier au suspect et à son avocat dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre. Au regard du droit à un procès équitable, le droit d’accès au dossier pour le citoyen mis en cause dans le cas d’une enquête préliminaire apparaît en effet indispensable.
L’étude d’impact du projet de loi souligne d’ailleurs, à cet égard, que, dans la plupart des pays européens, « parmi les droits les plus fréquemment conférés à la personne au cours de l’enquête figurent le droit d’accès au dossier, le plus souvent au cours de la garde à vue, et le droit de demander des actes d’enquête ou de participer à des actes d’enquête et d’être informé de ses droits ».
Le suspect et son avocat, avant la garde à vue ou l’audition libre, devraient donc pouvoir avoir accès au dossier de l’enquête, expurgé, bien évidemment, des éléments devant rester secrets dans l’attente de la fin de l’investigation en cours et ne pouvant être connus que des enquêteurs, et ce afin que le suspect puisse avoir la meilleure connaissance possible, à ce stade de l’enquête, des charges et indices qui pèsent sur lui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Cet amendement, sur lequel j’émettrai un avis défavorable, est une forme de réponse, madame Assassi, à l’intervention de notre collègue M. Longuet.
M. le garde des sceaux et moi-même n’avons pas évoqué l’autre point de réforme de cet article 2, qui est l’ouverture au contradictoire. Monsieur le ministre, vous avez évoqué l’hypothèse d’une enquête préliminaire qui durerait très longtemps, sans possibilité de se défendre. Non ! Il y a tout un pan de la réforme présentée que nous avons accepté sans présenter aucun amendement, à savoir l’ouverture au contradictoire, qui intervient au bout d’un an. Nous pensons qu’il y a là un bon équilibre, si je puis dire, entre les positions qui ont été exprimées. En revanche, ouvrir au contradictoire dès le délai de six mois écoulé aurait été excessif.
Pour être tout à fait transparent à l’égard de notre assemblée, je précise que nous avons, après beaucoup d’hésitations, laissé en l’état la rédaction de l’Assemblée nationale concernant l’ouverture au contradictoire à partir du moment où une information fuite dans la presse.
Ce sujet nous a beaucoup tracassés, si vous me permettez cette formule. En effet, cette disposition ne revient-elle pas à offrir au puissant la possibilité du contradictoire dès lors qu’il lui sera facile de faire circuler l’information dans la presse ? Ou met-on fin par là, au contraire, aux risques de « feuilletonnage » ? Nous avons retenu cette seconde hypothèse, renonçant à amender la disposition proposée – je donne cette explication en réponse à l’intervention de M. Longuet davantage qu’à celle de Mme Assassi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je suis totalement défavorable à cet amendement : le délai d’un an me paraît le bon. Six mois, c’est trop tôt !
Se pose une autre question : comment les policiers expurgeront-ils du dossier ce qui, pour mener à bien l’investigation, doit demeurer de la connaissance exclusive de la police ? Comment fait-on le tri ? Quel dossier donne-t-on à la personne mise en cause ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas le sujet de l’amendement !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. J’ajoute qu’un certain nombre d’éléments susceptibles d’apparaître dans le dossier peuvent ne rien représenter à l’instant t mais devenir par la suite des éléments à charge, voire des éléments de preuve. Faire le distinguo est infiniment compliqué… On parle de décharger les officiers de police judiciaire d’un travail harassant ; les libérer de cette charge permettra peut-être d’aller encore un peu plus vite dans les enquêtes préliminaires. Vous l’aurez compris, cette mesure n’a pas beaucoup de sens selon moi.
Mme Éliane Assassi. Mon amendement ne porte que sur le délai de six mois…
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Oui, sur le délai de six mois, mais aussi sur la communication du dossier expurgé d’un certain nombre d’éléments. Mais lesquels ? Comment ? Sous le contrôle de qui ? Il y a là davantage de problèmes, me semble-t-il, que de solutions.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le III de l’article préliminaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le respect du secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, est garanti au cours de la procédure pénale dans les conditions prévues par le présent code. Le secret professionnel du conseil n’est pas opposable aux mesures d’enquête et d’instruction relatives aux infractions mentionnées aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, aux articles 433-1, 433-2 et 435-1 à 435-10 du code pénal, ainsi qu’au blanchiment de ces délits. » ;
2° L’article 56-1 est ainsi modifié :
aa) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « prise », sont insérés les mots : « par le juge des libertés et de la détention saisi » et, à la fin, les mots : « et l’objet de celle-ci » sont remplacés par les mots : « , l’objet de celle-ci et sa proportionnalité au regard de la nature et de la gravité des faits » ;
ab) À la fin de la deuxième phrase du même premier alinéa, les mots : « dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué par le magistrat » sont remplacés par les mots : « à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué dès le début de la perquisition par le magistrat effectuant celle-ci » ;
a) Avant la dernière phrase du même premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la perquisition est justifiée par la mise en cause de l’avocat, elle ne peut être autorisée que s’il existe contre celui-ci des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, l’infraction qui fait l’objet de la procédure ou une infraction connexe au sens de l’article 203. » ;
a bis) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et à ce qu’aucun document relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, ne soit saisi et placé sous scellé » ;
b) À la fin du quatrième alinéa, les mots : « non susceptible de recours » sont supprimés ;
c) Après le septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La décision du juge des libertés et de la détention peut faire l’objet d’un recours suspensif dans un délai de vingt-quatre heures, formé par le procureur de la République, l’avocat ou le bâtonnier ou son délégué devant le président de la chambre de l’instruction. Celui-ci statue dans les cinq jours suivant sa saisine, selon la procédure prévue au cinquième alinéa du présent article. » ;
2° bis Après le même article 56-1, il est inséré un article 56-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 56-1-1. – Lorsque, à l’occasion d’une perquisition dans un lieu autre que ceux mentionnés à l’article 56-1, la personne chez qui il est procédé à ces opérations estime qu’il est découvert un document mentionné au deuxième alinéa du même article 56-1, elle peut s’opposer à la saisie de ce document. Le document doit alors être placé sous scellé fermé et faire l’objet d’un procès-verbal distinct de celui prévu à l’article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l’original ou une copie du dossier de la procédure. Les quatrième à huitième alinéas de l’article 56-1 sont alors applicables. » ;
2° ter (Supprimé)
3° Après l’article 60-1, il est inséré un article 60-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 60-1-1. – Lorsque les réquisitions prévues à l’article 60-1 portent sur des données de connexion émises par un avocat et liées à l’utilisation d’un réseau ou d’un service de communications électroniques, qu’il s’agisse de données de trafic ou de données de localisation, elles ne peuvent être faites que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le procureur de la République.
« Cette ordonnance fait état des raisons plausibles de soupçonner que l’avocat a commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, l’infraction qui fait l’objet de la procédure ou une infraction connexe au sens de l’article 203 ainsi que de la proportionnalité de la mesure au regard de la nature et de la gravité des faits.
« Le bâtonnier de l’ordre des avocats en est avisé.
« Les formalités prévues au présent article sont prescrites à peine de nullité. » ;
4° À la fin du troisième alinéa de l’article 77-1-1, les mots : « est également applicable » sont remplacés par les mots : « et l’article 60-1-1 sont également applicables » ;
5° L’article 99-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les réquisitions portent sur des données mentionnées à l’article 60-1-1 et émises par un avocat, elles ne peuvent être faites que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le juge d’instruction, et les trois derniers alinéas du même article 60-1-1 sont applicables. » ;
6° L’article 100 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune interception ne peut porter sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile, sauf s’il existe contre l’avocat des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, l’infraction qui fait l’objet de la procédure ou une infraction connexe au sens de l’article 203 et à la condition que la mesure soit proportionnée au regard de la nature et de la gravité des faits. La décision est alors prise par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par ordonnance motivée du juge d’instruction, prise après avis du procureur de la République. » ;
6° bis Le troisième alinéa de l’article 100-5 est complété par les mots : « et couvertes par le secret professionnel de la défense et du conseil, prévu à l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques » ;
7° Au premier alinéa de l’article 706-95, les références : « par les articles 100, deuxième alinéa, » est remplacée par la référence : « aux deuxième et dernier alinéas de l’article 100 ainsi qu’aux articles ».
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. J’ai demandé à intervenir sur l’article afin de présenter un cadre sur la base duquel je répondrai à chacun à l’occasion du débat d’amendements.
Le secret professionnel des avocats est-il aujourd’hui un secret professionnel absolu, illimité, indivisible, pour reprendre la formule du CNB ? Oui, mes chers collègues, si l’on parle de la relation entre l’avocat et son client, ou entre l’avocat et les tiers.
En revanche, ce secret professionnel n’est pas absolu lorsqu’il se confronte avec l’autorité régalienne, avec le pouvoir judiciaire, dans un cadre assez simple où deux principes constitutionnels s’entrecroisent.
Le premier, c’est celui qui sanctuarise les droits de la défense ou, plus largement, la défense des libertés en général. Le secret professionnel de l’avocat est absolu dans ces domaines. C’est incontestable et il s’agit d’un objectif à caractère constitutionnel.
Le second, c’est l’objectif également constitutionnel de préservation de l’ordre public ou de prévention des infractions, en vertu duquel il n’y a pas de secret professionnel opposable dans le domaine de l’activité de conseil des avocats.
Ces deux sujets sont bien distincts. Je vous donnerai les références jurisprudentielles, monsieur Longuet, du Conseil constitutionnel, de la Cour de cassation, de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Et c’est justement parce que la Cour de cassation a pris une position différente sur le sujet à la fin de l’année dernière, avec l’arrêt Au vieux campeur, que le CMB a souhaité l’introduction de cet article 3 et a été moteur en cette affaire.
J’ajoute qu’il n’y a pas de secret professionnel illimité dans notre pays. Même le secret professionnel du médecin, qui touche à l’intime, connaît de nombreuses exceptions : les déclarations de violence…
M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je poursuivrai mon propos en répondant à nos collègues lors de la discussion des amendements.
M. Gérard Longuet. Nous vous écoutons avec attention.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est important, monsieur le président !
M. le président. Poursuivez, monsieur le rapporteur !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Je donnerai quelques exemples tout à l’heure du caractère déterminant – je dis bien « déterminant » – de la faculté offerte aux services d’enquête ou aux services judiciaires d’agir en cette matière sans se voir opposer, là où il s’agit de conseil, le secret professionnel. J’évoquerai les engagements internationaux de notre pays en cette matière, parce qu’il y en a, et attirerai votre attention, mes chers collègues, sur un problème constitutionnel qui pourrait conduire, à vouloir trop demander, à l’annulation de l’ensemble du dispositif.
Voilà le cadre général que je souhaitais présenter au début de la discussion de cet article 3.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 107 rectifié quater est présenté par MM. J.B. Blanc, Babary et Belin, Mme V. Boyer, MM. Brisson, Cambon, Charon, Chasseing et Chauvet, Mme Chauvin, M. D. Laurent, Mme Estrosi Sassone, MM. Favreau, Mouiller, B. Fournier, Genet et Gremillet, Mmes Guidez et Loisier, MM. Longuet, Milon, Ravier, Saury, Sautarel et Tabarot et Mme Bonfanti-Dossat.
L’amendement n° 149 est présenté par MM. Parigi, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mmes de Marco et Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 189 rectifié quater est présenté par MM. Bonhomme, J.P. Vogel et Burgoa, Mmes de Cidrac et Micouleau, MM. Calvet et Bouchet, Mme Deseyne, MM. Le Rudulier, Courtial, de Nicolaÿ, Joyandet, Pointereau, Chatillon et Sol, Mme Ventalon, MM. Darnaud, Sido et Frassa et Mmes Schalck et Joseph.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour présenter l’amendement n° 107 rectifié quater.
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le garde des sceaux, ce texte est totalement inacceptable, et la position de M. le rapporteur l’est aussi.
Quelque 70 000 avocats de France sont vent debout, ce soir, contre cette disposition. Il faut à tout le moins entendre cette colère, me semble-t-il. S’ils sont vent debout, c’est parce que nous touchons là au secret professionnel, qui est au cœur de leur métier : c’est son ciment, son ADN, sa colonne vertébrale. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le rapporteur : c’est incessible ; c’est insécable ; c’est inaliénable ; c’est indivisible ; c’est intouchable ; c’est sacré. C’est comme ça !
C’est l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 qui en dispose ; on l’apprend nécessairement quand on s’apprête à passer un oral de déontologie. Toucher à cela, c’est toucher au cœur des avocats ; accepter cette faille, c’est ne rien comprendre à ce métier. Au-delà des seuls avocats, la question soulevée est essentielle dans une démocratie. Osons les grands mots : en l’espèce, ils sont appropriés.
De quoi s’agit-il ? De ce fameux article de la loi de 1971 qui dispose que l’avocat, qu’il agisse dans ses fonctions de conseil ou d’assistance, bénéficie de ce secret. Ce secret s’entend comme un tout : il couvre toutes les matières du droit, dans tous les domaines d’activité de l’avocat, que l’on parle de consultation, de correspondance, d’entretien ou de défense.
J’invite vraiment la Haute Assemblée à se pencher sur ce texte, qui est très important et potentiellement grave pour cette profession. Si l’on veut vraiment rétablir la confiance dans la justice, commençons par la rétablir envers les avocats.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 149.
M. Guy Benarroche. Cet amendement a été déposé par notre collègue Paulu Santu Parigi.
Nous entendons, comme notre collègue Jean-Baptiste Blanc, supprimer la mention qui vise à écorner le principe même du secret professionnel de l’avocat en matière de conseil dans le cadre des enquêtes pour la répression des délits de fraude fiscale, de corruption, de trafic d’influence et de blanchiment de ces délits.
L’introduction de cet alinéa en commission des lois induit une confusion délétère et dangereuse, nous semble-t-il, entre, d’une part, les pièces d’un justiciable, qui ne sont pas couvertes par le secret professionnel de l’avocat et sont donc de facto saisissables dans le cadre des enquêtes pénales si cela est utile à la manifestation de la vérité, et, d’autre part, les consultations d’avocat, les correspondances entre avocat et client, ainsi que les factures adressées par l’avocat au client, qui sont couvertes par le secret et ne doivent en aucun cas pouvoir être saisies, sauf si elles recèlent la preuve de la participation de l’avocat à une infraction pénale.
En outre, véritable sanctuaire pour l’exercice même de la profession d’avocat, le secret professionnel repose sur la garantie de deux droits fondamentaux : le droit de se confier à un avocat sans crainte que ces confidences soient un jour utilisées contre son consentement et servent de fondement à une incrimination, corollaire du droit de ne pas s’auto-incriminer ; le droit de recueillir les consultations juridiques d’un avocat en toute matière sans crainte de voir un jour ces consultations utilisées contre soi.
Plus largement, en portant atteinte à l’indivisibilité du secret professionnel des avocats, c’est la légitimité même de l’État de droit que l’on affaiblit, en ce que celle-ci repose, entre autres, sur le respect par les autorités publiques du secret professionnel de l’avocat en toute matière.
Enfin, et surtout, si le présent projet de loi affiche pour ambition de rétablir la confiance, aujourd’hui dégradée, de nos concitoyens dans la justice, cette disposition va à rebours de l’esprit du texte en sapant précisément la confiance qu’ils peuvent avoir envers les avocats et la justice.
Pour toutes ces raisons, et afin de ne pas créer un précédent irréversible et dommageable à plus d’un titre, il convient de supprimer cette disposition.
M. le président. La parole est à Mme Elsa Schalck, pour présenter l’amendement n° 189 rectifié quater.
Mme Elsa Schalck. Cet amendement vise également à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, qui réaffirme l’indivisibilité du secret professionnel de l’avocat, garantie essentielle de notre État de droit. Il s’agit d’une garantie des droits fondamentaux, à la fois pour le client et pour l’avocat, qui est d’ailleurs protégée par le droit européen, en matière tant de défense que de conseil.
Qui dit secret professionnel dit confidentialité, secret de l’échange entre un avocat et son client. Plus qu’un droit opposable du client, le secret professionnel est la base de la relation de confiance entre l’avocat et son client. Cette sécurité de l’échange est la condition sine qua non d’un conseil éclairé et de qualité, et donc d’une meilleure application de la règle de droit dans la société.
La confiance est au cœur du secret professionnel. Elle est indispensable au bon fonctionnement de notre système judiciaire. Elle est d’ailleurs au fondement de ce texte, puisqu’il est justement question de restaurer la confiance dans l’institution judiciaire.
Je ne peux que saluer les dispositions de ce projet de loi qui renforcent la protection du secret professionnel de l’avocat. Il est pertinent que celui-ci soit étendu aux activités de conseil, afin de couvrir tout le champ de la relation entre l’avocat et son client.
À rebours des arguments qui ont été invoqués, je pense qu’il est vraiment difficile de concevoir que des limites puissent être apportées au secret à raison de la nature des infractions lorsque l’avocat n’a pas participé à la commission des infractions poursuivies. Rappelons un point qui fait consensus : le secret professionnel est d’ores et déjà inopposable dans le cas où l’avocat est soupçonné de participer à la commission d’une infraction.
Aussi, je crains que l’adoption de l’amendement de la commission n’ait pour effet de limiter le secret professionnel de l’avocat, ce qui ne peut se faire qu’au préjudice du justiciable et de la force de notre État de droit. Le secret professionnel de l’avocat doit être indivisible ; il doit même être renforcé et étendu à toutes les activités professionnelles, tant de défense que de conseil.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Personne ne discute le secret professionnel des avocats pour la défense des libertés. Vous avez invoqué l’État de droit, mes chers collègues. Si, effectivement, comme vous le pensez, monsieur Blanc, la loi de 1971 doit être interprétée comme accordant à l’avocat un secret professionnel absolu et indivisible, nous n’avions pas besoin de nous réunir ce soir : si la situation est telle que vous la décrivez, nul besoin de légiférer.
Madame Schalck, si la CEDH ou la CJUE, voire les deux, avaient tranché dans le sens que vous indiquez, au regard de la primauté du droit européen, il n’y aurait pas matière à se réunir, car le droit français aurait été mis en conformité. (M. Mathieu Darnaud s’exclame.)
Mais la situation, aujourd’hui, n’est pas celle que vous avez décrite. Je passe très vite là-dessus : Cour de cassation, 24 novembre 2020, le secret professionnel est limité aux droits-libertés ; CEDH, 6 décembre 2012, CJUE, 18 mai 1982, ces deux décisions traitant très vite la question à propos du droit de la concurrence ; et le Conseil constitutionnel a eu à trancher, décidant, le 24 juillet 2015, qu’aucune disposition constitutionnelle ne consacrait un droit au secret des échanges et correspondances des avocats en dehors des droits de la défense.
Autrement dit – c’est le premier point sur lequel je voudrais insister –, le texte de la commission des lois ne réduit pas le secret professionnel des avocats ! Au contraire, il l’étend, certes pas de manière illimitée, mais il l’étend. Si vous dites le contraire, encore une fois, c’est qu’il n’y a pas besoin de légiférer – et pourquoi y aurait-il un article 3 ?
M. Gérard Longuet. Je vous répondrai tout à l’heure.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Par ailleurs, il n’y a pas d’exemple d’un secret illimité ou absolu, je le répète, y compris pour ce qui est d’éléments qui touchent à l’intime, comme c’est le cas avec le secret professionnel des médecins. Je pourrais vous faire la liste des dérogations qui existent. Concernant les avocats, il s’agit de concilier les deux principes constitutionnels que sont les droits de la défense et la prévention des infractions et des atteintes à l’ordre public. Concernant les médecins, c’est la balance avec les règles de salubrité publique qui est en jeu.
Mais le sujet qui nous occupe a-t-il trait simplement aux principes ? Se situe-t-il uniquement au niveau des idées ? Je ne voudrais pas avoir à citer des dossiers précis, mais entendez malgré tout, mes chers collègues, au-delà des 70 000 avocats, dont je connais bien, comme vous, la pensée et l’action, que notre société compte également des juges d’instruction, des enquêteurs, des associations luttant contre la pauvreté ou la corruption, etc., qui suivent eux aussi nos travaux.
L’extension du secret professionnel à l’activité de conseil représente-t-elle, ou non, une difficulté ? La réponse est clairement : oui.
Si vous donnez au secret professionnel une extension illimitée – quand, je le rappelle, nous proposons simplement de l’étendre –, vous ne permettez pas à notre société de lutter correctement contre la corruption ou la fraude fiscale.
Je prendrai deux exemples, en essayant de raisonner de manière théorique, sans entrer dans des comparaisons qui pourraient nous conduire à évoquer des situations particulières.
Prenons l’exemple d’un cas de corruption, nationale ou internationale, reposant sur le versement de rétrocommissions. Ce cas implique forcément l’intervention d’une ou de plusieurs sociétés offshore – c’est du moins ce que me disent les spécialistes, et le mauvais avocat de province de droit privé ne connaît pas ces éléments.
Mon raisonnement ne consiste pas à dire que ladite société offshore aura été montée par un avocat, mais il y aura forcément, à un moment donné, parmi toutes les opérations et mouvements bancaires qui conduiront à la création de cette société, intervention d’un avocat. Je ne dis pas du tout que l’avocat sera intervenu comme auteur ; il aura néanmoins visé certains éléments, ne serait-ce que dans le cadre d’un compte rendu de réunion ou du secrétariat de la société.
Deuxième exemple : la pratique qui est probablement la plus courante en matière de fraude fiscale consiste à faire remonter l’argent, dans les comptabilités des sociétés internationales, vers les pays où le niveau d’imposition est le plus faible. Pour obtenir ce résultat – je n’ai pas besoin de vous faire un dessin –, on survalorise les opérations réalisées dans un pays donné afin d’accroître les bénéfices dans un autre. De toute évidence, un tel montage donne lieu à des instructions – à un cabinet d’expertise comptable ou d’audit, je ne sais –, à des discussions, à des procès-verbaux de réunion, autant d’opérations qui, à un certain stade, exigent une rédaction juridique, sans pour autant que l’avocat impliqué dans cette rédaction ne soit l’auteur des actes.
En résumé, pour les spécialistes de l’enquête en matière de corruption, de fraude fiscale et de blanchiment, il n’existe pas de dossier où n’intervienne pas, à un moment ou un autre, un conseil juridique répondant aux besoins de l’entreprise. Si, donc, vous prévoyez pour les avocats un secret professionnel indivisible, sachez simplement que les enquêtes en matière de fraude fiscale ou de corruption ne pourront plus être conduites dans des conditions que les enquêteurs considèrent comme nécessaires à l’exercice de leur métier.
Je conclurai en vous rappelant que notre pays a pris de très nombreux engagements internationaux sur le sujet et, au cas où vous ne voudriez entendre aucun des arguments que j’ai exposés, je me permets d’en ajouter un dernier…
Vous admettrez du moins, mes chers collègues, que l’activité de conseil est une activité concurrentielle pour les avocats. C’est la partie – accessoire – du métier d’avocat où les avocats sont en concurrence avec les notaires, les huissiers de justice, les experts-comptables, etc. Si demain vous décidez d’attribuer à la profession d’avocat, et à elle seule, un secret professionnel indivisible et absolu, comment justifierez-vous de l’égalité devant la loi ? Il y a là un risque d’inconstitutionnalité évident.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Parmi vos arguments, monsieur le rapporteur, il en est un qui m’impressionne : le dernier. En revanche, dans les deux exemples que vous fournissez, l’avocat a tout de même un peu trempé la main…
M. Laurent Duplomb. … dans le pot de confiture !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … dans le pot de confiture… En effet, s’il crée une société offshore dans un but précis, et qu’il est suspecté à ce titre, nous avons expressément prévu qu’il puisse faire l’objet d’une perquisition.
M. Mathieu Darnaud. Bien sûr !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Il n’est pas question de consacrer l’impunité de l’avocat ! Celui-ci est un justiciable comme un autre, à ceci près qu’il est dépositaire d’un secret, ce qui le place un peu à part. Mais, naturellement, si on le suspecte de fraude, il n’y a absolument aucune raison de ne pas aller enquêter chez lui.
Vous mesurez déjà, monsieur le rapporteur, ma perplexité : un de vos arguments me paraît excellent – pardon d’exprimer ainsi mon opinion – mais l’autre, pour être tout à fait courtois, n’emporte pas ma conviction – c’est le moins que je puisse dire.
Mais quand on a dit ça, on n’a encore rien dit, et il faut progresser un peu.
Je ferai d’abord observer aux avocats présents dans cet hémicycle – la flamme avec laquelle certains amendements ont été défendus me laisse augurer qu’il y a parmi nous des avocats-sénateurs – que nous avons renforcé le secret de la défense. Je tiens tout de même à le souligner. Je sais bien qu’un morceau avalé n’a pas de saveur ; reste qu’un tel renforcement figure bel et bien dans le présent texte.
La difficulté qui subsiste concerne donc l’activité de conseil, pour laquelle il existe deux façons de concevoir les choses : soit on considère que le secret est absolu, soit on établit un certain nombre d’exceptions – je me place, bien sûr, dans l’hypothèse où l’avocat n’est pas suspecté d’avoir commis une fraude, auquel cas il est, et c’est tout à fait logique, logé à la même enseigne que tous les autres.
À cet égard, j’ai entendu ces temps derniers des propos assez troublants et singuliers.
Certains parmi les « lobbyistes », si j’ose dire, ont prétendu qu’il suffirait qu’un fraudeur adressant à tous ses associés un courrier en destine une copie à l’avocat, avec la mention « copie à l’avocat », pour qu’il puisse se prévaloir du secret professionnel sur cet écrit.
M. Gérard Longuet. Plaisanterie !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. C’est effectivement une plaisanterie. Les mêmes diraient-ils que le courrier qu’un avocat ayant tué quelqu’un enverrait à tous les membres de sa famille et dans lequel il regretterait formellement son crime serait couvert par le secret professionnel ? Celui qui pense ainsi est un doux plaisantin ! Arrêtons donc avec ce genre d’affirmations : cela n’est pas possible !
À ce stade de mon intervention, j’ai progressé un peu, mais je ne suis toujours pas au terme de mon raisonnement.
Il est vrai que la conduite d’une enquête est toujours plus facile en l’absence de garantie pour le justiciable. D’ailleurs – veuillez m’excuser, mesdames, messieurs les sénateurs, d’être caricatural, mais j’ai lu des choses qui le sont franchement –, il y avait bien plus d’aveux à l’époque où la torture était autorisée ! On est mille fois plus efficace en s’affranchissant de toutes les règles et il ne fait pas de doute que, si l’on perquisitionnait aujourd’hui tous les cabinets d’avocats, on trouverait beaucoup plus d’affaires, car les gens viennent y déposer leurs secrets, en matière tant pénale que civile.
Il y a encore une autre difficulté, tenant à la coexistence du texte de 1971 et d’une jurisprudence de la Cour de cassation, qui est discutée et, peut-être, discutable. Voilà où nous en sommes !
Maintenant,…
M. Laurent Duplomb. Que fait-on ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … en matière de protection du secret professionnel – secret de la défense, secret du conseil –, il faut aussi prendre en considération ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur, quant à la concurrence dans le secteur du conseil.
Parce que j’entends cet argument, et par cohérence avec l’avis que j’ai exprimé à l’Assemblée nationale, je m’en remets donc à la sagesse du Sénat. Mon souhait le plus sincère est que, dans le cadre de la navette parlementaire, on puisse enfin trouver, sur cette question, le meilleur des compromis.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Pourquoi attendre ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Vous ne croyez pas à la commission mixte paritaire, madame la sénatrice ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Je vais soutenir ces amendements. J’ai écouté avec beaucoup d’attention l’intervention de notre rapporteur, qui est un homme convaincu et de bonne foi. Depuis la loi de 1971, le monde a changé. La mondialisation de l’économie, la rapidité des échanges d’informations et des flux internationaux, la multiplication des déplacements donnent incontestablement à l’ordre économique international des capacités d’intervention qui sont extraordinaires et, en apparence, difficiles à contrôler. Mais il ne s’est pas rien passé entre 1971 et 2021.
Dans les années 2000, plusieurs directives européennes ont été publiées en matière de lutte contre le blanchiment, la corruption et le financement du terrorisme. Nous, parlementaires, connaissons bien celle de 2006 : en tant que « personnes politiquement exposées », nous devons rendre publiquement des comptes sur pratiquement toutes nos affaires personnelles.
Il en va de même des avocats, monsieur le rapporteur. Ceux-ci ont l’obligation absolue, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et de cette directive de 2006, d’apporter un certain nombre d’informations. En cas de doute, il existe une organisation professionnelle – que vous connaissez parfaitement – qui a vocation à intervenir.
Je rappelle que les avocats prêtent serment, ce qui a une valeur symbolique extraordinairement forte – peu de métiers sont concernés par une telle prestation de serment, signifiant que l’on accepte une charge particulière, celle du secret du client. La contrepartie, c’est naturellement le respect du droit et de la directive de 2006, l’obligation de signalement et celle de ne pas se faire le complice d’un délit de blanchiment.
C’est la raison pour laquelle la loi de 1971, qui ne prévoyait rien sur ce point, a été complétée par la transposition de la directive de 2006 dans notre droit français…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Gérard Longuet. Je serai relayé – j’en suis persuadé – par certains de mes collègues ; ne prenez pas les avocats pour des complices de la malversation ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Les auteurs de ces amendements ont le mérite de poser d’emblée le cœur de ce qu’est la problématique de l’article 3.
D’un côté, les avocats, par la voix du Conseil national des barreaux et de syndicats tels que le Syndicat des avocats de France, le SAF, s’expriment en faveur du texte initial du Gouvernement ; de l’autre, des magistrats, des associations et organisations diverses, des lanceurs d’alerte sont favorables à la réécriture de cet article 3 proposée par nos rapporteurs, et particulièrement par M. Bonnecarrère.
Pour ma part, j’oserai dire que les arguments des uns et des autres peuvent s’entendre et qu’il ne serait pas responsable, aujourd’hui, de les opposer.
Il ne faut pas, en effet, se tromper de débat. L’enjeu du débat, c’est la lutte contre la fraude fiscale et contre les infractions liées à la corruption, lutte qui, selon nous, mérite d’autres mesures plus contraignantes que la suppression du secret professionnel pour les activités de conseil.
Gardons-nous, en la matière, de toute vision simpliste ! Chacune et chacun sait ici le combat qui est le nôtre. Éric Bocquet, en particulier, porte de manière régulière dans le débat public la question de l’évasion et de la fraude fiscales.
J’ose aussi espérer que personne ici n’ignore que les banques et autres structures liées à la finance accompagnent des entreprises et des particuliers afin que ceux-ci échappent à l’impôt. Ce n’est pas nouveau ! Mais si beaucoup s’en indignent, peu s’attaquent résolument à ces pratiques aujourd’hui. C’est effectivement à toute une chaîne qu’il faudrait s’attaquer : clients, cabinets d’audit et de conseil, banques, intermédiaires financiers.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Éliane Assassi. D’autres ont largement occupé le débat, monsieur le président.
M. le président. Ils sont rapporteurs ou ministre !
Mme Éliane Assassi. La tendance est à supprimer encore et encore du temps de parole, je le sais… Mais il est des débats de nature politique qui sont très importants, monsieur le président ; c’est le cas de celui-ci.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. En la matière, donc, il faut une volonté politique. Or, à l’heure actuelle, il n’y a pas de réelle volonté politique, dans notre pays, pour s’attaquer à la fraude fiscale. Et je ne crois pas que les mesures proposées ce soir y remédieront.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je voudrais souligner que, sur le sujet du secret professionnel en matière de conseil, l’écart entre les différentes positions est de toute façon « balisé » par la supervision du Conseil constitutionnel. En effet, si nous commettions l’imprudence d’affirmer dans la loi l’expression d’un secret professionnel sans limite en faveur des avocats pour ce qui est des activités non liées à la défense, le Conseil constitutionnel nous rappellerait qu’une telle loi n’a pas fait une balance équilibrée entre le principe des droits de la défense, d’un côté, et, de l’autre, l’impératif de valeur constitutionnelle de recherche des infractions.
Je crois donc qu’il nous faut rester détendus. Il vaut mieux que nous écrivions nous-mêmes, de la façon la plus soigneuse possible, la délimitation de ce secret professionnel en matière de conseil, plutôt que de devoir appliquer ensuite une rédaction hasardeuse corrigée par une simple réserve du Conseil constitutionnel qui surviendrait à la fin de l’opération.
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour explication de vote.
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le rapporteur, je pense que vous avez juridiquement raison,…
M. Alain Richard. … mais… (Sourires.)
M. Stéphane Le Rudulier. … mais philosophiquement et politiquement tort !
Je me contenterai de citer une formule employée par Émile Auguste Garçon, que tout le monde doit connaître dans cet hémicycle : « Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholique un confesseur, mais ni le médecin, ni l’avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n’étaient assurées d’un secret inviolable. »
Je me mets à la place d’un homme, d’une femme, d’une entreprise qui ne peut pas s’exprimer en toute liberté auprès de son avocat, par écrit ou oralement, par crainte que cette parole puisse être retournée contre lui ou elle dans le cadre d’une procédure quelconque. Forcément, le réflexe, dans un tel cas, est de se taire. Qu’advient-il si, par ce silence, faute de connaître la réalité de la situation, l’avocat est empêché de conseiller ou de défendre correctement ?
Voilà pourquoi il faut faire très attention, sur un plan philosophique, lorsqu’on touche au caractère indivisible et absolu du secret professionnel de l’avocat.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.
Mme Dominique Vérien. N’appartenant pas à la profession, je me suis demandé pourquoi il y aurait deux façons de considérer l’action de l’avocat.
Premièrement, la défense : lorsqu’un avocat est appelé à défendre un client – par exemple, dans un cas de possible malversation –, il doit pouvoir le faire au mieux, et il semble normal, de ce point de vue, que personne ne puisse savoir ce qui s’est dit entre l’un et l’autre. C’est le droit de la défense, et c’est la position de la Cour de cassation.
Mais, pour ce qui est cette fois de sa mission de conseil, comme vous l’indiquiez, monsieur le ministre, l’avocat ne doit pas mettre les doigts dans le pot de confiture. Cela signifie qu’il doit donner un conseil tout à fait légal, et il n’y a aucune raison d’imposer le secret sur un conseil tout à fait légal.
Voilà pourquoi on ne saurait juger de la même façon de la défense et du conseil.
Voilà pourquoi, aussi, comme la Cour de cassation l’a très clairement indiqué, si l’on n’a pas le droit de toucher aux documents liés à la défense, cette interdiction ne concerne pas les documents liés à l’activité de conseil, ce qui justifie d’ailleurs que d’autres professions que celle d’avocat, non soumises au secret professionnel, puissent intervenir en ce domaine.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je voudrais dire aux auteurs de l’amendement n° 107 rectifié quater que la commission des lois n’est pas opposante au secret professionnel de l’avocat. L’objet de votre amendement met en cause, très clairement, les travaux menés par les rapporteurs et la commission. Les auteurs de l’amendement n° 189 rectifié quater, qui appartient à la même liasse d’amendements identiques, ont eu la précaution, eux, de ne pas procéder à une telle mise en cause.
Cela dit, je ne suis pas d’accord avec notre collègue Jean-Baptiste Blanc lorsqu’il affirme que le secret de l’avocat est absolu depuis 1971. Telle n’est pas la vérité !
Preuve en est, la chambre commerciale et la chambre criminelle de la Cour de cassation n’ont pas appréhendé de manière univoque l’étendue du secret professionnel de l’avocat. Ces deux chambres opèrent en effet une distinction entre l’acte de défendre dans une procédure, où le secret est absolu et s’applique y compris aux conversations et aux courriers échangés, et l’activité de conseil, hors procédure, pour laquelle elles émettent une réserve.
Telles sont, mes chers collègues, les règles qui prévalent, au moment où nous parlons, dans le droit positif.
L’évolution ne tient qu’à la volonté de nos collègues députés, en première lecture à l’Assemblée nationale, d’élargir le secret professionnel, sans limitation, au conseil juridique. Dès lors, ce secret professionnel deviendrait absolu, si toutefois le projet de loi était voté dans les mêmes termes par les deux assemblées – nous n’en sommes pas là !
Sans revenir sur les explications données par Philippe Bonnecarrère, permettez-moi d’insister sur le fait que la commission des lois n’a pas porté atteinte au secret professionnel de l’avocat ; elle l’a élargi, comme souhaité, d’ailleurs, par les députés, mais en le limitant pour les infractions les plus graves. Après échanges et discussions – en tant que président de la commission, je suis totalement solidaire de nos rapporteurs –, nous avons estimé qu’il fallait impérativement, pour des motifs d’ordre public, ne pas conférer au secret professionnel un caractère absolu.
Le dernier argument, celui qui doit porter et, en tout cas, vous amener à la réflexion, mes chers collègues, est le suivant : procéder ainsi reviendrait à créer une distorsion profonde avec les autres professions – professions du chiffre, notaires, huissiers, etc. –,…
M. Gérard Longuet. Les responsabilités ne sont pas les mêmes !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. … qui, demain, viendront à leur tour solliciter auprès du Parlement un secret professionnel absolu. Sauf qu’un tel secret est avant tout lié au rôle des avocats !
Cette question est difficile, nous en sommes bien conscients. J’ai lu dans la presse que le président du Conseil national des barreaux accusait les sénateurs de lui avoir « planté un couteau dans le dos ». J’aurais préféré qu’il décroche son téléphone et m’appelle !
M. Gérard Longuet. Oui !
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Il l’a fait, d’ailleurs, mais ensuite est venue sa déclaration. Nous sommes ici dans une assemblée où chacun se respecte, même si nous avons – et c’est normal : c’est la vie – des opinions différentes, divergentes. J’attends autre chose d’une institution représentative, à laquelle j’ai d’ailleurs appartenu : plutôt que de tenir ce type de propos, je préférerais qu’elle jette un regard précis sur les arguments développés par la commission des lois. (MM. Ludovic Haye et Alain Richard applaudissent.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 107 rectifié quater, 149 et 189 rectifié quater.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 177 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 220 |
Pour l’adoption | 59 |
Contre | 161 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mmes Bonfanti-Dossat et Gosselin, M. Bascher, Mme Belrhiti, MM. Burgoa, Brisson, Calvet, Bonhomme, Belin, Bouchet et Gremillet, Mme Delmont-Koropoulis, M. Milon, Mmes Joseph et Lherbier et M. H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les éléments de preuve éventuellement collectés lors d’une surveillance des communications téléphoniques ou électroniques ne peuvent servir que dans le cadre de l’enquête pour laquelle cette surveillance a été ordonnée. » ;
La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. En l’état, l’article 3 ne permet pas d’empêcher certaines dérives qui ont été observées au cours d’affaires récentes, et que, monsieur le garde des sceaux, vous avez d’ailleurs régulièrement dénoncées, à juste titre, lorsque vous étiez encore avocat.
Par cet amendement, je vous propose que les éléments collectés lors d’une surveillance téléphonique ou électronique ne puissent être utilisés à d’autres fins que celles pour lesquelles le juge des libertés et de la détention a autorisé cette surveillance.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit de renforcer le secret professionnel entre le client et son avocat, sans lequel les droits de la défense ne peuvent être correctement assurés. Lorsqu’un client échange avec son avocat, comme avec son médecin, d’ailleurs, il lui confie ce qu’il a de plus cher : son honneur, sa santé, sa liberté, sa dignité. Si nous voulons garantir à tout citoyen l’absence d’ingérence des pouvoirs publics dans sa défense, nous devons préciser plus avant les contours du secret professionnel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Ma chère collègue, tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 3 accorde déjà aux avocats de nouvelles garanties procédurales tout à fait substantielles, pour ce qui concerne en particulier les liaisons téléphoniques.
Je rappelle que les mises sur écoute et les réquisitions portant sur les données de connexion devront désormais être autorisées par le juge des libertés et de la détention, et ce uniquement s’il y a des raisons plausibles de soupçonner que l’avocat a commis ou tenté de commettre une infraction. Ces dispositions paraissent a priori répondre à l’hypothèse que vous évoquez.
Sans revenir lourdement sur les débats un peu tendus – il faut le reconnaître – qui nous ont précédemment occupés, je tiens à souligner, mes chers collègues, que le présent texte emporte de nombreuses évolutions importantes pour la profession d’avocat. Cet article en contient plusieurs et toutes n’ont pas fait débat – je pense notamment aux conditions de perquisition.
En présentant cet amendement, vous me conduisez à insister sur les garanties relatives aux réquisitions portant sur les données de connexion des avocats. Au-delà de l’extension du secret professionnel, d’autres dispositions seront examinées dans la suite de la discussion : je pense par exemple aux mesures qui ont trait à la force exécutoire de l’acte d’avocat.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 145, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 56-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « du magistrat » sont remplacés par les mots : « du juge des libertés et de la détention saisi par le magistrat » ;
b) À la fin du septième alinéa, les mots : « non susceptibles de recours » sont supprimés ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La décision du juge des libertés et de la détention peut faire l’objet d’un recours suspensif dans un délai de vingt-quatre heures formé par le procureur de la République, le journaliste ou l’entreprise, devant le premier président de la cour d’appel. Celle-ci statue dans les cinq jours ouvrables suivant sa saisine, selon la procédure prévue au cinquième alinéa. » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les dispositions de cet amendement doivent être appréciées corrélativement à celles des amendements nos 122 et 123, qui ont le même objet.
Plusieurs orateurs l’ont rappelé, notamment M. le rapporteur : cet article étend le mécanisme de protection du secret des avocats.
Cela étant, comme l’a souligné le Conseil d’État, un grand nombre de professions bénéficient d’un régime protecteur, notamment en cas d’intrusion judiciaire, qu’il s’agisse de perquisitions, d’interceptions téléphoniques ou de l’exploitation de données de connexion.
En première lecture à l’Assemblée nationale, un grand nombre de protections supplémentaires ont été accordées, à cet égard, aux seuls avocats. D’autres professions, bien que concernées, ne jouiront pas, si le texte reste en l’état, de telles protections ; parmi ces professions figurent les journalistes.
Nous connaissons la législation relative à la protection du secret des sources ; à ce titre, le présent texte entraîne une distorsion préoccupante : l’encadrement des procédures – il ne s’agit bien que de cela – prévu pour les avocats ne bénéficierait pas aux journalistes.
Aussi, avec ce premier amendement, nous proposons d’étendre aux journalistes les protections prévues en cas de perquisition, d’interception ou d’exploitation des données de connexion. À défaut, nous porterions tout simplement atteinte à la protection des sources.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Ma chère collègue, c’est après quelque hésitation que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, car il s’agit là d’un sujet sensible.
L’argumentation présentée par Mme de La Gontrie, très étayée, repose sur le postulat suivant : les journalistes jouent dans la société, au titre de la défense des libertés, un rôle finalement très proche de celui des avocats. Ce parallélisme des situations devrait nous conduire à appliquer aux journalistes les dispositions dont nous venons de débattre.
Me tournant vers le président de la commission des lois, je lui demande s’il accepterait que nous travaillions sur ce sujet à l’avenir – cet amendement étant arrivé tardivement, ce qui est normal, nous n’avons pas pu l’expertiser.
Je n’ai pas la prétention d’être un spécialiste de ce droit tout à fait autonome qu’est le droit de la presse. Les journalistes font l’objet de multiples dispositions spécifiques, tendant notamment à protéger leurs sources. Ils ont également fait l’objet de nombreuses décisions du Conseil constitutionnel. Or, en calquant sur les journalistes le régime que nous venons de voter en faveur des avocats, il se pourrait que nous produisions un certain nombre d’imperfections rédactionnelles susceptibles de nous poser, à terme, d’importantes difficultés.
En outre, le parallélisme entre ces deux professions particulièrement importantes pour notre démocratie ne saurait être parfait : ainsi, à ma connaissance, elles ne font pas l’objet des mêmes règles déontologiques. Pour les avocats, il s’agit de normes ; pour les journalistes, il s’agit plutôt de chartes d’éthique que les professionnels s’engagent volontairement à respecter.
De plus, si les professions judiciaires historiques, en particulier les avocats, sont structurées en ordres, il n’existe pas d’« ordre des journalistes ». On a certes vu apparaître l’embryon d’une telle structuration, avec la création du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM). Mais je ne suis pas tout à fait certain que la profession ait envie de pousser cette dynamique plus avant.
En résumé, la question que vous posez est parfaitement légitime et je suggère, sous le contrôle du président de la commission des lois, qu’elle fasse l’objet d’un travail spécifique, car le besoin d’expertise dépasse mes capacités, du moins dans les délais de deux ou trois jours qui nous sont impartis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame de La Gontrie, je m’associe aux propos de M. le rapporteur. J’ai reçu, voilà deux semaines, les représentants de la presse judiciaire, mais cela ne saurait suffire. Il faudrait également recevoir les syndicats de journalistes, les patrons de presse et les représentants de la profession dans sa diversité et son éclectisme. À ce stade, l’expertise en la matière fait défaut.
À l’Assemblée nationale, votre collègue députée Cécile Untermaier a déposé un amendement similaire ; en séance, elle s’est dite surprise qu’il ait été déclaré recevable. Il l’était bel et bien ! Certes, il s’agit d’une modification du code de procédure pénale, mais ces dispositions n’ont strictement rien à voir avec le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie manifeste sa circonspection.)
Il s’agit là d’un sujet de la plus haute importance. Bien sûr, dans une grande démocratie comme la nôtre, il faut garantir aux journalistes le secret de leurs sources. Mais ce n’est pas le moment de le faire. J’y insiste, un tel travail exige une expertise beaucoup plus précise et approfondie. Pour l’heure, il n’y a pas eu d’expertise du tout, faute d’étude d’impact.
J’entends ce que vous dites et j’en comprends parfaitement le sens ; mais je ne peux pas accepter, au détour d’un amendement tardivement déposé – ce n’est pas un reproche, c’est un constat –, des modifications de cette nature.
Pour avoir touché au sujet épineux de la haine en ligne, je suis assez bien placé pour connaître la susceptibilité des journalistes, leur sensibilité à fleur de peau, qui dépend de leurs obédiences et des journaux auxquels ils appartiennent. On ne peut pas engager un tel travail sans avoir préalablement entendu l’ensemble de la profession.
C’est la raison pour laquelle j’émets, à regret, un avis défavorable sur votre amendement, madame la sénatrice.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour explication de vote.
M. Hussein Bourgi. Monsieur le rapporteur, monsieur le garde des sceaux, donnant mon appui aux explications données par ma collègue Marie-Pierre de La Gontrie, je rappelle ce qu’a indiqué le Conseil d’État dans son avis relatif au présent texte : les dispositions prévues pour les avocats « paraissent à première vue utiles aussi pour d’autres secrets protégés par la loi, comme le secret des sources des journalistes ».
M. Hussein Bourgi. Il s’agit du point 13 de cet avis.
La Défenseure des droits préconise elle aussi, dans son avis, d’étendre ces garanties aux journalistes. Mes chers collègues, tout est dit !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 121 est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 163 rectifié est présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 214 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi et Mme Havet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14
Rétablir le 2°ter dans la rédaction suivante :
2° ter Après l’article 57-1, il est inséré un article 57-2 ainsi rédigé :
« Art. 57-2. – Même s’il n’est pas procédé à l’audition de la personne, l’officier de police judiciaire ou le magistrat qui procède à une perquisition ne peut s’opposer à la présence de l’avocat désigné par la personne chez qui il est perquisitionné si ce dernier se présente sur les lieux des opérations, y compris lorsque la perquisition a déjà débuté.
« S’il existe contre la personne des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement et qu’il est prévu qu’elle soit entendue au cours de ces opérations, elle est préalablement informée de son droit d’être assistée par un avocat au cours de cette audition conformément au 4° de l’article 61-1 ou aux articles 63-3-1 à 63-4-3.
« L’avocat présent au cours de la perquisition peut présenter des observations écrites, qui sont jointes à la procédure ; l’avocat peut également adresser ces observations au procureur de la République. Si l’avocat demande qu’il soit procédé à la saisie d’objets ou de documents qu’il juge utiles à la défense de son client, l’officier de police judiciaire ou le magistrat ne peut refuser de procéder à la saisie demandée que s’il apparaît que celle-ci n’est manifestement pas utile à la manifestation de la vérité. Dans ce cas, il en est fait mention au procès-verbal prévu à l’article 57.
« Dans les cas prévus aux deux premiers alinéas du présent article, les opérations de perquisition peuvent débuter sans attendre la présence de l’avocat. Dans le cas prévu au deuxième alinéa, si la personne a été placée en garde à vue, son audition ne peut débuter avant l’expiration du délai prévu à l’article 63-4-2.
« Hors le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, il peut être refusé l’accès de l’avocat sur les lieux de la perquisition pour des motifs liés à la sécurité de celui-ci, de la personne chez qui il est perquisitionné ou des personnes participant aux opérations. Il en est alors fait état au procès-verbal prévu à l’article 57. » ;
La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 121.
M. Hussein Bourgi. Lors de l’examen de ce projet de loi par l’Assemblée nationale, l’une des principales avancées a été l’adoption d’une mesure visant à autoriser explicitement la présence de l’avocat au cours des perquisitions pénales. Or cette possibilité a été supprimée par notre commission des lois.
Actuellement, la présence d’un avocat lors d’une perquisition n’est pas interdite et toute personne peut demander à être assistée par un avocat en de pareilles circonstances. Néanmoins, aucune disposition d’ordre législatif n’est prévue à cet effet.
Aussi, en pratique, c’est le plus souvent le magistrat qui autorise les avocats à assister leurs clients lors de perquisitions. Il s’agit d’une des mesures les plus coercitives du code de procédure pénale ; pourtant, elle est également l’une des moins encadrées.
La présence de la personne au domicile de laquelle la perquisition a lieu est requise. Dans certains cas, la personne retenue sera sommée de fournir des renseignements, y compris auto-incriminants.
Dans ces conditions, il semble crucial d’inscrire explicitement dans la législation le droit, pour la personne perquisitionnée, d’informer son avocat si elle le souhaite. Bien entendu, l’avocat interviendra pour assister son client, pour l’éclairer et lui rappeler tant ses droits que ses devoirs, notamment celui de coopérer. Il lui indiquera également qu’il peut faire modifier le procès-verbal si celui-ci comporte des erreurs ou refuser de le signer s’il est en désaccord avec son contenu.
Notre amendement tend à préciser que les opérations de perquisition pourront débuter sans attendre la présence de l’avocat, afin que le travail des enquêteurs ne soit pas entravé ou retardé. En revanche, l’avocat pourra se voir refuser l’accès au lieu de perquisition, pour des motifs liés à la sécurité de ce dernier, de la personne chez qui la perquisition a lieu ou des personnes participant aux opérations.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 163 rectifié.
M. Guy Benarroche. Il vient d’être très bien défendu par M. Bourgi. Il s’agit de rétablir la présence de l’avocat lors des perquisitions ; cette mesure, proposée par une large majorité de députés et adoptée par l’Assemblée nationale en séance publique, a été supprimée par notre commission des lois.
Mes chers collègues, pour rétablir la confiance dans la justice, il convient d’abord d’assurer le déploiement des droits de la défense. Certains font valoir que la présence de l’avocat lors des perquisitions complexifie la procédure et le déroulement des enquêtes ; à mon sens, ils perdent en partie de vue l’objectif de notre système judiciaire.
La présomption d’innocence, chère à tous, est en effet garantie par les droits de la défense tout au long de la procédure. L’avocat est trop souvent perçu comme un élément perturbateur des enquêtes alors qu’il est un rouage essentiel de l’équilibre des procès.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 214 rectifié.
M. Thani Mohamed Soilihi. Mes deux collègues ont parfaitement défendu cet amendement. Il s’agit d’encadrer dans la loi une pratique observée dans les faits, au bon gré des magistrats.
D’une certaine manière, par cet amendement, nous souhaitons également sécuriser les perquisitions, lesquelles peuvent constituer une étape décisive dans le déroulement d’une enquête.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Mes chers collègues, la question de la présence de l’avocat lors des perquisitions a donné lieu à un débat assez nourri en commission ; pour notre part, nous ne sommes pas favorables à ces dispositions, quoique nous percevions bien la pertinence des observations qui viennent d’être formulées.
Premièrement, cet élément de la procédure qu’est la perquisition est d’ores et déjà encadré.
Deuxièmement, si les opérations de perquisition ne se limitent pas à la recherche d’un élément matériel, si le perquisitionné, par exemple, est soumis à interrogatoire, les règles de l’audition libre ou de la garde à vue s’appliquent à peine de nullité du procès-verbal.
Troisièmement et enfin, parmi les très nombreux accords que nous avons avec le Gouvernement sur ce texte – je l’ai indiqué au tout début de la discussion générale – figure une garantie qui n’a pas fait débat et que la commission a actée dans son texte : la généralisation, à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel, du droit de ne pas s’auto-incriminer et du droit de se taire.
Or, par le biais d’un de mes amendements, adopté en commission, nous avons fait « remonter » dans le préambule du code de procédure pénale – en amont, si je puis dire – l’obligation pour les enquêteurs de rappeler à la partie qu’elle a le droit de se taire et, partant, de ne pas s’auto-incriminer. Cela signifie que, dans le cadre d’une perquisition, la personne est dûment informée en ce sens. Les garanties nous semblent donc à cet égard suffisantes.
Gardons à l’esprit que le travail des enquêteurs est complexe et que nous devons, comme toujours, nous efforcer de trouver un équilibre.
Dans un monde idéal, les dispositions de ces amendements ne poseraient aucune difficulté. Lors d’une garde à vue dans une gendarmerie ou un commissariat, l’avocat peut participer au débat qui s’engage, dont les conditions sont sécurisées et organisées.
En revanche, pensez-vous qu’une personne perquisitionnée accueille l’enquêteur à bras ouverts en lui disant : « Mon cher monsieur, installez-vous dans ce canapé, nous allons deviser ensemble autour d’une tasse de café en attendant de visiter mon logis en compagnie de mon avocat » ? (Sourires.)
Si tel était le cas dans la vraie vie, on pourrait envisager de voter ces dispositions ; mais je ne suis pas tout à fait certain qu’il en aille ainsi. Il me paraît donc plus raisonnable de s’en tenir à l’équilibre atteint. Dès lors que nous avons défini les garanties nécessaires, au nombre desquelles figure celle qui concerne le droit de se taire, il ne nous semble pas nécessaire d’aller plus loin en prévoyant, comme on nous le propose, l’assistance de l’avocat durant la perquisition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Pour une fois ! (Nouveaux sourires.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Tout d’abord, si la personne perquisitionnée est en train de deviser courtoisement sur un canapé avec l’officier de police judiciaire en prenant un café, la perquisition peut commencer, même si l’avocat n’est pas là. (M. le rapporteur le concède.)
C’était évidemment une des conditions d’acceptation de la présence de l’avocat lors des perquisitions : elle ne devait pas avoir pour but de retarder l’enquête.
À l’occasion du Beauvau de la sécurité, les syndicats de policiers ont eu l’occasion de s’exprimer et j’ai été invité à échanger avec eux. Ils estimaient que l’application du présent texte retarderait considérablement les opérations. Non : j’y insiste, l’exemple que vous donnez n’est pas juste, puisque la perquisition peut suivre son cours sans avocat.
Évidemment, j’ai entendu ce qu’ont dit les policiers. Mais, à cette même occasion, je leur ai dit combien j’avais été marqué par le joli texte que ce sujet a inspiré à Thierry Lévy : en perquisition, les officiers de police judiciaire cherchent un pull de couleur bleue, car un suspect a été vu portant un tel vêtement. Si l’avocat est présent pendant la perquisition, il peut dire : « Certes, il y a quatre pulls bleus. Mais il y a également six pulls verts et je voudrais que vous les saisissiez, car ils constituent des éléments à décharge. » Je vous avoue que, lorsque je l’avais lu, ce texte m’avait ébranlé.
Aussi, j’émets un avis de sagesse, comment dirais-je,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. … bienveillante !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la sénatrice, je vous remercie : heureusement que vous êtes là pour m’aider à finir mes phrases ! (Sourires.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. À votre service ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 121, 163 rectifié et 214 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 71, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 16 et 17
Après le mot :
avocat
insérer les mots :
, un journaliste ou un magistrat,
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. L’amendement n° 122, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 19
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article 60-1-1, il est inséré un article 60-1-2 ainsi rédigé :
« Art. 60-1-2. – Lorsque les réquisitions prévues à l’article 60-1 portent sur des données de connexion émises par un journaliste, une entreprise de presse, une entreprise de communication audiovisuelle, une entreprise de communication au public en ligne ou une agence de presse, et liées à l’utilisation d’un réseau ou d’un service de communications électroniques, qu’il s’agisse de données de trafic ou de données de localisation, elles ne peuvent être faites que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par le procureur de la République.
« Le magistrat veille à ce qu’il ne soit pas porté atteinte, directement ou indirectement, au secret des sources en violation de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
« Les formalités prévues au présent article sont prescrites à peine de nullité. » ;
II. – Alinéa 20
Remplacer les mots :
l’article 60-1-1
par les mots :
les articles 60-1-1 et 60-1-2
III. – Alinéa 22
Remplacer les mots :
à l’article 60-1-1
par les mots :
aux articles 60-1-1 et 60-1-2
et les mots :
du même article 60-1-1
par les mots :
des mêmes articles 60-1-1 et 60-1-2
IV. – Après l’alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les réquisitions portent sur des données mentionnées à l’article 60-1-2 et émises par un journaliste, une entreprise de presse, une entreprise de communication audiovisuelle, une entreprise de communication au public en ligne ou une agence de presse, elles ne peuvent être faites que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le juge d’instruction et les deux derniers alinéas de ce même article 60-1-2 sont applicables. » ;
La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, la philosophie de cet amendement est la même que celle de l’amendement n° 145, précédemment défendu par Marie-Pierre de La Gontrie : il s’agit de renforcer la protection dont bénéficient les journalistes concernant l’accès aux données de connexion.
Si vous le voulez bien, monsieur le président, je défendrai par la même occasion l’amendement n° 123, dont les dispositions participent du même objectif.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 123, présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, et ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune interception ne peut porter sur une ligne dépendant d’un journaliste, d’une entreprise de presse, d’une entreprise de communication audiovisuelle, d’une entreprise de communication au public en ligne ou d’une agence de presse, à moins que la mesure ne soit décidée par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin par ordonnance motivée du juge d’instruction, prise après avis du procureur de la République. Le magistrat veille à ce que l’interception ne porte pas atteinte, directement ou indirectement, au secret des sources en violation de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. » ;
II. – Alinéa 26
Après la seconde occurrence du mot :
deuxième
insérer le mot :
, quatrième
III. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifié :
1° La première phrase du troisième alinéa est complétée par les mots : « , eu égard à la nécessité de garantir l’information du public dans une société démocratique » ;
2° Au dernier alinéa, après le mot « infraction », sont insérés les mots : « de la nécessité de garantir l’information du public dans une société démocratique, » et après le mot : » sont », sont insérés les mots : « proportionnées et ».
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Hussein Bourgi. Il s’agit une nouvelle fois de garantir le secret professionnel et la protection des sources des journalistes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous avons déjà débattu de cette question : la commission émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’article.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, les membres de notre groupe s’abstiendront sur cet article pour plusieurs raisons, au premier rang desquelles figure notre attachement au secret professionnel de l’avocat et à la confidentialité de ses rapports avec ses clients.
Par ailleurs, notre amendement ayant pour objet la présence de l’avocat lors des perquisitions n’a pas été adopté.
Nous avons de surcroît considéré qu’il était logique d’étendre aux journalistes les mesures prévues en faveur des avocats, en particulier pour défendre le respect du secret des sources journalistiques ; mais notre proposition en ce sens n’a pas recueilli non plus les faveurs de notre assemblée.
Dans ces conditions, nous ne saurions voter l’article 3.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3.
(L’article 3 est adopté.)
Section 2
Dispositions relatives au secret de l’enquête et de l’instruction et renforçant la protection de la présomption d’innocence
Article 4
(Non modifié)
I. – L’article 434-7-2 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 434-7-2. – Sans préjudice des droits de la défense reconnus à la personne suspectée ou poursuivie ou des droits des victimes, le fait pour toute personne qui, en raison de ses fonctions, a connaissance, en application du code de procédure pénale, d’informations issues d’une enquête ou d’une instruction en cours concernant un crime ou un délit de révéler sciemment ces informations à des tiers est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
« Sans préjudice des droits de la défense reconnus à la personne suspectée ou poursuivie ou des droits des victimes, lorsque la révélation par une personne mentionnée au premier alinéa est faite à des personnes qu’elle sait susceptibles d’être impliquées comme auteurs, coauteurs, complices ou receleurs dans la commission de ces infractions, et que cette révélation est réalisée dans le dessein d’entraver le déroulement des investigations ou la manifestation de la vérité, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.
« Dans le cas prévu au deuxième alinéa du présent article, lorsque l’enquête ou l’instruction concerne un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement relevant de l’article 706-73 du code de procédure pénale, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende. »
I bis. – À l’article 114-1 du code de procédure pénale, le montant : « 10 000 € » est remplacé par les mots : « trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € ».
II. – L’article 11 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les références : « des articles 226-13 et 226-14 » sont remplacées par les mots : « prévues à l’article 434-7-2 » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « public », sont insérés les mots : « ou lorsque tout autre impératif d’intérêt public le justifie » ;
b) Après le mot : « parties », sont insérés les mots : « , directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire agissant avec son accord et sous son contrôle ».
III. – (Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 72, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’article 4 aggrave les peines prévues en cas de violation du secret de l’enquête et de l’instruction.
Bien entendu, nous souhaitons préserver le secret de l’instruction, garantie indispensable au bon fonctionnement d’une justice équitable. Cela étant, nous regrettons l’alourdissement des sanctions prévues à cet article, alors que les condamnations en la matière sont aujourd’hui marginales.
Une fois de plus, le Gouvernement semble afficher des objectifs contradictoires. Il réaffirme l’importance du secret de l’enquête, corollaire de la présomption d’innocence ; mais, dans le même temps, il élargit les possibilités d’y porter atteinte en multipliant les personnes autorisées à communiquer sur l’enquête.
Comme l’a relevé le Conseil national des barreaux, le présent texte ne prévoit aucun dispositif lorsque l’avocat, pour la défense de son client et sans nuire à l’enquête ou à l’instruction en cours, utilise légitimement les informations issues de cette enquête ou instruction.
Par voie de conséquence, une telle absence de garantie pourrait entraver l’exercice des droits de la défense. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Nous comprenons l’objectif que vise la Chancellerie en aggravant les peines en cas de violation du secret de l’enquête et de l’instruction. En outre, nous n’avons pas le sentiment que de telles dispositions sont susceptibles de porter atteinte à la défense : de toute façon, le dispositif s’applique sans préjudice des droits de la défense reconnus à la personne suspectée ou poursuivie.
Pour nous, en la matière, il n’y a donc pas de problème : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Défendu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Ce sujet nous interpelle, ma chère collègue : il s’agit de savoir qui s’exprime sur une enquête en cours. Les procureurs de la République en ont pris l’habitude, ce qui ne pose aucune difficulté. Faut-il étendre cette faculté d’expression aux officiers de police judiciaire placés, le cas échéant, à leurs côtés ? En pareil cas, la parole de l’État est-elle une ou peut-elle être diverse ? Faut-il ou non permettre à l’enquêteur de s’exprimer sur une enquête en cours ?
Ce sujet nous paraît sensible ; c’est pourquoi nous sollicitons l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Cukierman. Ça, c’est de l’avis du Gouvernement…
M. le président. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Chapitre II
Dispositions tendant à limiter le recours à la détention provisoire
Article 5
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 197, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° L’article 137-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « En matière correctionnelle, les décisions prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l’énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l’assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l’article 142-5 et à l’article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l’article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés. » ;
b) Le second alinéa est ainsi modifié :
– après le mot : « notifiée », il est inséré le mot : « verbalement » ;
– les mots : « contre émargement au dossier de la procédure » sont supprimés.
2° L’article 142-6 est ainsi modifié :
a) Après le troisième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :
« 1° Si elle est demandée par une personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d’instruction ;
« 2° Avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge ;
« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la détention lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Sauf s’il envisage un placement sous contrôle judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation à résidence sous surveillance électronique qu’en cas d’impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne. » ;
b) Les quatrième et avant-dernier alinéas sont supprimés
c) Au dernier alinéa, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « à ».
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement a pour objet de rétablir l’article 5 du présent texte, qui tend à favoriser le recours à l’assignation à résidence sous surveillance électronique en lieu et place de la détention provisoire.
J’ai été un peu surpris de constater que votre commission des lois avait adopté un amendement de Mme Boyer visant à supprimer cet article. Je le comprends d’autant moins que c’est la Haute Assemblée qui est à l’origine de l’introduction dans notre procédure pénale du dispositif du bracelet électronique, lequel permet d’éviter, lorsque c’est possible, une privation de liberté.
Je le répète : c’est le Sénat qui, contre l’avis du gouvernement de l’époque, a pris cette décision en 1997, adoptant définitivement la loi du 19 décembre 1997 qui consacrait le placement sous surveillance électronique comme modalité d’exécution des peines privatives de liberté.
Il serait particulièrement regrettable que, presque un quart de siècle après cette réforme historique, le Sénat s’oppose à des dispositions favorisant le recours au bracelet électronique mobile à la place de la détention.
De plus, je tiens à rassurer Mme Boyer…
M. Hussein Bourgi. Elle n’est pas là ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce n’est pas grave : vous lui direz que je souhaite la rassurer ! (Nouveaux sourires.)
La détention provisoire demeurera possible – c’est un point essentiel – chaque fois qu’elle apparaîtra indispensable comme mesure de sûreté, notamment pour éviter de nouveaux faits ou à raison de nécessités de l’instruction.
Il ne s’agit pas de remplacer la détention par la surveillance électronique mobile : nous voulons simplement que cette surveillance soit prononcée chaque fois que la détention peut être évitée.
Pour ce qui concerne le recours au bracelet anti-rapprochement en cas de violences au sein du couple, votre commission indique, dans son rapport, que ce dispositif connaît des difficultés et peine à être mis en œuvre du fait d’un manque de bracelets disponibles. C’est totalement inexact ! Il est vrai que cette mesure nouvelle est appliquée de manière progressive par les juridictions ; mais en aucun cas les magistrats souhaitant y recourir ne voient leur action entravée faute de matériel.
Il est donc tout à fait souhaitable de rappeler l’existence du bracelet anti-rapprochement, qui, dans certains cas, peut opportunément se substituer au maintien en détention provisoire. En particulier, les juges qui mettent fin à une détention n’opteront que plus volontiers pour cette solution.
Enfin, dans son rapport, la commission suggère que la surveillance électronique mobile serait moins sévère que la surveillance électronique fixe. C’est tout aussi inexact : dans les deux cas, la personne est tenue de demeurer chez elle. Même dans les situations où elle reste libre, elle fait l’objet d’une surveillance y compris lorsqu’elle quitte son domicile. On peut donc vérifier qu’elle ne se rend pas sur les lieux qui lui ont été interdits.
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous demande avec force d’adopter cet amendement de rétablissement de l’article 5.
M. le président. L’amendement n° 74, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 137-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « En matière correctionnelle, les décisions prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l’énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations du contrôle judiciaire prévues à l’article 138 6° du code de procédure pénale, des obligations de l’assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l’article 142-5 et à l’article 142-12-1, ou du dispositif électronique prévu à l’article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés. » ;
2° L’article 142-6 est ainsi modifié :
a) Après le troisième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :
« 1° Si elle est demandée par une personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d’instruction ;
« 2° Avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge ;
« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la détention lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Sauf s’il envisage un placement sous contrôle judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation à résidence sous surveillance électronique qu’en cas d’impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne. » ;
b) Les quatrième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;
c) Au dernier alinéa, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « à ».
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. L’article 5 imposait, en cas de second renouvellement de la détention provisoire, de motiver le non-recours à une assignation à résidence assortie d’une surveillance électronique ou d’un bracelet anti-rapprochement. Il rendait également obligatoire la saisine du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) avant la date de la seconde prolongation de la détention provisoire, lorsque l’intéressé encourt une peine d’emprisonnement de cinq ans ou moins.
En adoptant un amendement de Mme Boyer, la commission des lois du Sénat a supprimé cet article, qui, selon nous, constitue pourtant un point notable d’amélioration du fonctionnement de notre justice.
Il faut proposer des substituts à la détention provisoire, propices à la régulation carcérale : c’est ce que recommandent de nombreux professionnels.
Voilà pourquoi nous souhaitons, nous aussi, rétablir cet article, en ajoutant de surcroît aux alternatives qui y étaient prévues la possibilité de recourir à une autre solution, à savoir le contrôle judiciaire.
À nos yeux, il faut réaffirmer la place du contrôle judiciaire, assorti d’obligations socio-éducatives, sur la liste des mesures alternatives à la détention provisoire, afin que le juge des libertés et de la détention puisse l’envisager lorsqu’il examine la situation de la personne.
Les personnes placées en détention provisoire représentent 32 % de la population carcérale. Il est plus que jamais urgent de réfléchir à des dispositifs susceptibles de se substituer à la détention provisoire. Bien sûr, il faut répondre aux besoins de protection de la société par des mesures coercitives. Mais il faut également travailler à favoriser le changement de comportement des prévenus.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 164 rectifié est présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 215 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l’article 137-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « En matière correctionnelle, les décisions prolongeant la détention provisoire au-delà de huit mois ou rejetant une demande de mise en liberté concernant une détention de plus de huit mois doivent également comporter l’énoncé des considérations de fait sur le caractère insuffisant des obligations de l’assignation à résidence avec surveillance électronique mobile, prévue au troisième alinéa de l’article 142-5 et à l’article 142-12- 1, ou du dispositif électronique prévu à l’article 138-3, lorsque cette mesure peut être ordonnée au regard de la nature des faits reprochés. » ;
2° L’article 142-6 est ainsi modifié :
a) Après le troisième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« En matière correctionnelle, cette saisine est obligatoire dans les cas suivants :
« 1° Si elle est demandée par une personne détenue ou son avocat un mois avant la date à laquelle la détention peut être prolongée, sauf décision de refus spécialement motivée du juge d’instruction ;
« 2° Avant la date à laquelle la détention peut être prolongée lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans, sauf décision de refus spécialement motivée du juge ;
« 3° Avant la date de la seconde prolongation de la détention lorsque la personne encourt une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à cinq ans. Sauf s’il envisage un placement sous contrôle judiciaire, le juge ne peut refuser le placement de la personne sous assignation à résidence sous surveillance électronique qu’en cas d’impossibilité liée à la personnalité ou à la situation matérielle de la personne. » ;
b) Les quatrième et avant-dernier alinéas sont supprimés ;
c) Au dernier alinéa, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « à ».
La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 164 rectifié.
M. Guy Benarroche. À cette heure tardive de la nuit, je partage l’interrogation de M. le garde des sceaux concernant la volonté de la commission des lois de supprimer l’article 5. Cette suppression me paraît en effet très surprenante.
Avec moins de force que lui, mais autant de conviction, je vous demanderai donc de voter les amendements visant à le rétablir. Je regrette en effet la vision « tout incarcération » qui me semble être celle de la commission.
La détention provisoire est aujourd’hui l’exception. Nous l’avons voulue comme telle. Elle ne devrait être prononcée que lorsqu’elle s’avère nécessaire pour le bon déroulement de l’enquête. La percevoir comme le début d’une punition nuit totalement aux mis en cause.
Corollaire de la présomption d’innocence, ce régime d’exception doit perdurer. Aussi, l’article 5, que nous souhaitons rétablir, et qui prévoit l’obligation de justifier une détention provisoire par l’inapplicabilité de l’assignation à résidence, nous paraît fondamental.
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 215 rectifié.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je n’ajouterai que peu de choses à ce qui vient d’être souligné tant par M. le garde des sceaux que par mes collègues.
Je souhaite toutefois rappeler que le sens de la détention et de la contrainte participe de la motivation de l’encadrement des décisions de prolongation de la détention provisoire, encadrement que cet amendement vise à rétablir.
Ce même sens a été longuement mis en avant hier, lors de l’Agora de la justice, y compris par des collègues émettant d’importantes réserves sur l’article 5.
Rappelons, à cet égard, que les rapporteurs n’avaient pas eux-mêmes déposé d’amendements sur cet article dont la suppression est intervenue via l’adoption d’un amendement dont ils n’étaient pas les auteurs.
Il faut enfin rappeler que les dispositions de l’article 5 n’interdisent en rien de recourir à la détention provisoire chaque fois que celle-ci s’avérera nécessaire.
Je demande donc à mon tour le rétablissement de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. Notre collègue Mme Boyer s’est montrée très convaincante devant la commission ; c’est pourquoi nous l’avons suivie.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements visant à rétablir l’article 5.
Je voudrais cependant relativiser la portée de notre débat. Dans la version de Mme Boyer – si je puis m’exprimer ainsi –, à l’expiration du délai de huit mois de détention provisoire, le magistrat doit rendre une ordonnance. Il s’agit, par principe, d’une ordonnance de maintien en détention, sauf à ce que le magistrat décide d’opter plutôt pour une décision motivée de placement sous bracelet électronique.
Dans la version soutenue par nos collègues et par M. le garde des sceaux, à l’expiration du délai de huit mois, le passage au bracelet électronique ou au bracelet anti-rapprochement est automatique, à moins que le magistrat ne décide d’un maintien en détention.
C’est donc seulement la motivation de la décision qui change de nature ; sur le fond, les situations sont extrêmement proches. Dans le premier cas, une décision de principe s’applique dans un certain sens, mais le magistrat peut statuer dans l’autre sens, en motivant ce choix. À l’inverse, dans le second cas, c’est cette dernière direction qui est prise par défaut, mais le magistrat peut également choisir, là encore en exposant ses motifs, d’en décider autrement.
Je vous prie donc de bien vouloir relativiser, d’une certaine manière, la portée de ce sujet.
Avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement demande le retrait de l’amendement n° 74 et des amendements identiques nos 164 rectifié et 215 rectifié au profit de l’amendement n° 197. À défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 164 rectifié et 215 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 5 demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 5
M. le président. L’amendement n° 76, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article préliminaire du code de procédure pénale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Toute autorité judiciaire prononçant une peine privative de liberté du type détention provisoire ou emprisonnement ferme, doit expressément motiver sa décision au regard de toute autre mesure pouvant être effectuée en milieu ouvert.
« Cette règle est d’ordre public. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 76 et 75.
M. le président. J’appelle donc également en discussion l’amendement n° 75, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l’article 142-5 du code de procédure pénale est complété par les mots : « et plus particulièrement à celle du 6° de cet article afin d’engager des mesures socio-éducatives visant à prévenir le renouvellement de l’infraction ».
Veuillez poursuivre, madame Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. L’amendement n° 76 a pour objet d’inscrire dans la loi l’inversion de la logique du tout carcéral, en rendant obligatoire et d’ordre public, à quelque moment que ce soit de la procédure pénale, la motivation du choix d’enfermer une personne en regard d’une autre mesure pouvant être effectuée en milieu libre.
Cette disposition préserve l’office du juge, mais impose une obligation de motivation circonstanciée de l’emprisonnement comme dernier recours, car le juge est tenu d’examiner les raisons de l’impossibilité de prononcer une mesure en milieu libre.
Il est en effet grand temps de réfléchir à des logiques de décroissance carcérale et de penser l’organisation de l’administration pénitentiaire sous l’angle de la régulation carcérale. La période de pandémie de covid-19 nous a enseigné qu’il était possible de mettre en œuvre une telle décroissance, bien que cela ait été fait de manière tout à fait circonstanciée, dans un cadre qui était celui de l’urgence sanitaire.
Nous devrions en tirer le bilan, sachant par ailleurs que de telles logiques sont déjà déployées dans certains centres pénitentiaires, comme nous l’apprend la section française de l’Observatoire international des prisons.
Quant à l’amendement n° 75 – il s’agit d’une recommandation du réseau d’associations Citoyens et Justice –, il vise à mentionner spécifiquement dans le texte la possibilité de soumettre le prévenu à des obligations socio-éducatives afin que soit engagé un travail sur ces problématiques – mobilisation autour du soin, d’une prise en charge psychologique, etc.
La structure désignée pour ce suivi produira obligatoirement un rapport avant l’audience de jugement, comportant des informations relatives à la situation du prévenu, aux actions engagées avec lui, à son adhésion à certaines mesures, à la faisabilité de certaines peines alternatives ou encore à sa capacité à respecter des obligations.
Ces éléments se révèlent particulièrement utiles au tribunal dans son appréhension fine du prévenu, concernant tant la propension de ce dernier à respecter des mesures contraignantes que son engagement dans un travail visant à prévenir la récidive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. La commission n’a pas retenu ces amendements ; nous prions notre collègue de bien vouloir admettre qu’il s’agit là de sujets très relatifs.
On comprend en particulier que l’amendement n° 76 a en réalité pour objet d’éviter la détention ; l’obligation de motivation expresse nous ramène au débat que nous venons d’avoir.
La disposition proposée diffère-t-elle véritablement de la situation de droit qui prévaut actuellement ? Nous ne le pensons pas. Le code de procédure pénale prévoit déjà les garanties que vous souhaitez. Il le fait simplement dans une rédaction un peu différente : « Les mesures de contrainte dont la personne suspectée ou poursuivie peut faire l’objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l’autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l’infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne. »
Nous voyons bien, dans cette rédaction, que la détention constitue la solution de dernier recours, applicable lorsque la gravité des faits ou la personnalité de l’intéressé le justifient.
Sur le fond, cette rédaction est très proche de la vôtre. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 76.
De même, la situation visée par l’amendement n° 75 nous semble déjà prévue par le droit actuel. Pour ce qui est de la question des moyens, M. le garde des sceaux sera plus à même que moi de vous répondre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 75.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre III
Dispositions améliorant la procédure de jugement des crimes
Article 6
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° AAA (nouveau) Le quatrième alinéa de l’article 181 est ainsi rédigé :
« Lorsqu’elle est devenue définitive, l’ordonnance de mise en accusation couvre, s’il en existe, les vices de la procédure, sous réserve de l’article 269-1. » ;
1° AA À l’article 234-1, la référence : « 249, » est supprimée ;
1° A L’article 249 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « tribunal judiciaire du lieu de la tenue des assises » sont remplacés par les mots : « ressort de la cour d’appel » ;
b) Le second alinéa est ainsi rédigé :
« Le premier président de la cour d’appel peut désigner un des assesseurs, lorsque la cour d’assises statue en premier ressort, parmi les magistrats exerçant à titre temporaire, ou, lorsqu’elle statue en premier ressort ou en appel, parmi les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles dans les conditions prévues à la section II du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature. » ;
1° B (nouveau) Après l’article 269, il est inséré un article 269-1 ainsi rédigé :
« Art. 269-1. – Lorsque l’accusé n’a pas été régulièrement informé, selon le cas, de sa mise en examen ou de sa qualité de partie à la procédure, de l’avis de fin d’information judiciaire ou de l’ordonnance de mise en accusation, et que cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de sa part ou de sa négligence, il peut saisir le président de la chambre de l’instruction, alors même que l’ordonnance de mise en accusation est devenue définitive, d’une requête contestant les éventuelles irrégularités de la procédure d’information.
« Le président de la chambre de l’instruction statue dans un délai d’un mois, au vu des observations écrites de l’accusé ou de son avocat et des observations écrites du ministère public, par une décision motivée susceptible de pourvoi en cassation.
« À défaut pour l’accusé d’avoir exercé ce recours dès qu’il a connaissance de sa mise en accusation et au plus tard trois mois avant la date de sa comparution devant la cour d’assises, l’ordonnance de mise en accusation couvre les vices de la procédure. » ;
1° Après l’article 276, il est inséré un article 276-1 ainsi rédigé :
« Art. 276-1. – Après avoir procédé à l’interrogatoire de l’accusé en application de l’article 272, et recueilli l’accord du ministère public et des avocats de l’ensemble des parties pour y participer, le président de la cour d’assises peut organiser une réunion préparatoire criminelle tenue en chambre du conseil. La réunion se tient en présence du ministère public et des avocats de l’ensemble des parties, le cas échéant par tout moyen de télécommunication, afin de rechercher un accord sur la liste des témoins et des experts qui seront cités à l’audience, sur leur ordre de déposition et sur la durée de l’audience, notamment lorsqu’il a été fait application de l’article 380-2-1 A.
« Si un accord intervient, il ne fait obstacle, en cas de nécessité, ni à la possibilité pour le ministère public et les parties de citer d’autres témoins ou experts que ceux qui avaient été prévus, ni à une modification de leur ordre de déposition. À défaut d’accord, il est procédé dans les conditions prévues aux articles 277 à 287. » ;
1° bis Après l’article 304, il est inséré un article 304-1 ainsi rédigé :
« Art. 304-1. – Lorsque la cour d’assises statuant en appel doit se prononcer uniquement sur la peine, le discours aux jurés prévu à l’article 304 est ainsi modifié :
« 1° Les mots : “les charges qui seront portées contre X…” sont remplacés par les mots : “les éléments de preuves retenus contre X, qui ont conduit à sa déclaration de culpabilité,” ;
« 2° Les mots : “de vous rappeler que l’accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; de vous décider d’après les charges et les moyens de défense” sont remplacés par les mots : “de vous prononcer sur la peine d’après les charges et les moyens de défense”. » ;
1° ter A (nouveau) La première phrase de l’article 305-1 est ainsi rédigée : « L’exception tirée d’une nullité autre que celles purgées par la décision de renvoi devenue définitive ou en application de l’article 269-1 et entachant la procédure qui précède l’ouverture des débats doit, à peine de forclusion, être soulevée dès que le jury de jugement est définitivement constitué. » ;
1° ter Après le mot : « ils », la fin du deuxième alinéa de l’article 327 est ainsi rédigée : « résultent de l’information, y compris, s’il y a lieu, les éléments à décharge mentionnés par les observations de l’avocat déposées en application du III de l’article 175, même si ces éléments ne figurent pas dans l’ordonnance de renvoi prise en application de l’article 184. » ;
2° À l’article 359, le mot : « six » est remplacé par le mot : « sept » ;
2° bis A (nouveau) À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 362, le mot : « six » est remplacé par le mot : « sept » ;
2° bis L’article 366 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La lecture des textes de loi et des réponses faites aux questions n’est pas obligatoire si l’accusé ou son défenseur y renonce. » ;
3° L’article 367 est ainsi modifié :
aa) Au deuxième alinéa, après la première occurrence du mot : « cas », sont insérés les mots : « , si l’accusé est condamné à une peine de réclusion criminelle » ;
a) Le même deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si l’accusé n’est pas détenu au moment où l’arrêt est rendu et s’il est condamné à une peine d’emprisonnement, la cour peut, par décision spéciale et motivée, décider de décerner mandat de dépôt, à effet immédiat ou différé, si les éléments de l’espèce justifient une mesure particulière de sûreté. » ;
b) Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Si la peine prononcée est supérieure à six mois, la cour peut également prononcer un mandat de dépôt à effet différé. » ;
4° Aux articles 888 et 923, la première occurrence du mot : « six » est remplacée par le mot : « sept ».
M. le président. L’amendement n° 198, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Les dispositions des articles 622 à 626-1 du code de procédure pénale sont applicables aux condamnations prononcées par une cour d’assises sous l’empire du code d’instruction criminelle, lorsque la culpabilité de la personne est résultée d’aveux obtenus par l’usage de la torture.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, cet amendement revêt à mes yeux une importance toute particulière.
Ils étaient deux. Ils ont été condamnés à trois reprises pour le meurtre d’un garde-chasse à la suite d’aveux qui leur avaient été extorqués sous la torture, au cours de l’enquête, après plusieurs jours d’interrogatoire.
Ils ont toujours clamé leur innocence et ont été graciés par le président René Coty, mais n’ont jamais pu obtenir la révision de leur condamnation en dépit des six demandes qu’ils ont présentées.
Ils sont morts à présent, mais des gens se battent encore pour réhabiliter leur mémoire et pour que, même à titre posthume, l’injustice qui leur a été faite soit réparée.
Je parle, bien sûr, de Mis et Thiennot. J’ai, comme vous sans doute, le souvenir bouleversant d’avoir vu l’un des deux, qui avait survécu à son compagnon, s’exprimer à la télévision. Il était en larmes tout du long. Il avait livré toute sa vie un combat acharné contre une justice qui ne voulait pas dire qu’elle s’était trompée.
La justice a dit à de nombreuses reprises la réalité des tortures que les deux hommes avaient subies, mais elle a ajouté, suivant les textes de l’époque – ils ont été modifiés depuis –, que, puisque cette torture était connue lors du procès, elle ne constituait pas un élément nouveau susceptible de conduire à une révision.
J’ai donc l’immense honneur ce soir de vous demander de faire entrer un nouveau cas de révision dans notre droit positif – même s’il concerne un passé révolu. La révision pourrait désormais être demandée au bénéfice de toute personne dont la condamnation a été prononcée sous l’empire du code d’instruction criminelle, lorsque sa culpabilité résulte d’aveux obtenus par l’usage de la torture.
Cette disposition est très attendue dans le beau département de l’Indre.
Lorsque cet amendement a été présenté à l’Assemblée nationale par M. le député François Jolivet, pour des raisons de recevabilité et parce que nous n’y étions pas préparés, la mort dans l’âme, j’ai émis un avis défavorable. J’ai vu M. Jolivet quitter l’hémicycle les larmes aux yeux. Demandant immédiatement une suspension de séance, je lui ai promis que nous allions y travailler.
J’ai alors demandé à mon cabinet de se mettre au travail. Deux jours après, ce projet était prêt ; après l’avoir retravaillé, j’ai l’honneur de vous le présenter aujourd’hui.
Je vous demande, je vous supplie – mais est-ce, au fond, nécessaire ? – de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous voyons bien toute l’émotion que suscite, aujourd’hui encore, l’affaire Mis et Thiennot, qui fait partie de notre histoire judiciaire et a, j’en suis convaincue, favorisé l’engagement dans la voie juridique de nombreux étudiants des universités françaises.
Bien qu’ancienne, cette affaire résonne toujours – vous l’avez dit, monsieur le garde des sceaux : le contexte qui fut le sien n’a pas perdu tout à fait son actualité.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois a décidé de soutenir votre engagement en émettant un avis de sagesse très positive, très favorable, sur cet amendement. Gageons que cette évolution permettra de continuer le combat et contribuera à faire avancer l’affaire Mis et Thiennot.
M. le président. La parole est à Mme Nadine Bellurot, pour explication de vote.
Mme Nadine Bellurot. Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi de saluer cet amendement en tant que sénatrice de l’Indre.
Comme vous l’avez rappelé, ce drame s’est déroulé dans ce département, où deux innocents ont été condamnés après avoir été torturés pendant plus d’une semaine.
Ces hommes sont décédés désormais, mais leurs familles ont continué leur combat.
Voilà quelques semaines, MM. les députés Nicolas Forissier, qui ne pouvait pas être en séance, et François Jolivet ont déposé des amendements à ce sujet. Vous aviez pris l’engagement, que je veux saluer ici, de procéder à une nouvelle rédaction de cette disposition. Il s’agit en effet d’une matière pénale, sur laquelle il convient de légiférer avec prudence. Cette rédaction devait donc être juridiquement mieux ciblée et mieux encadrée.
Le groupe Les Républicains, sous l’égide de M. Bruno Retailleau ici présent, votera évidemment cet amendement, car nous souhaitons que justice soit rendue, certes avec retard, à ces familles ; leur combat, ainsi, pourra se terminer.
Je veux donc ici saluer le travail effectué.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le garde des sceaux, vous n’avez pas besoin de nous supplier ! Nous sommes tout à fait favorables à son amendement.
Nous ne pouvons bien entendu que souscrire à cette proposition : au-delà de l’émotion qu’elle peut susciter, elle est à la fois très explicite dans son contenu et, me semble-t-il, d’une grande justesse.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est un moment très important. Raymond Mis et Gabriel Thiennot, condamnés aux travaux forcés, à trois reprises, puis à quinze ans de réclusion, ont toujours affirmé leur innocence.
Nous sommes un certain nombre à avoir demandé depuis longtemps la révision de leur procès. Le 1er décembre 2016, j’ai déposé une proposition de loi dont les termes étaient presque identiques à ceux de l’amendement présenté par M. le garde des sceaux, avec quelques différences toutefois.
À l’époque, Jean-Paul Chanteguet avait présenté la même proposition de loi à l’Assemblée nationale.
Nous nous sommes retrouvés au Poinçonnet, aux côtés des familles de Mis et Thiennot et des représentants du département de l’Indre, participant aux manifestations organisées pour demander justice.
L’émotion est très grande ; il faut le comprendre. Comme vous l’avez dit très justement, monsieur le garde des sceaux, chaque fois qu’une proposition de loi ou un amendement était présenté, on nous a toujours opposé l’argument suivant : la justice ayant toujours su qu’il y avait eu torture, il n’y avait pas d’élément nouveau. Or, en l’absence d’élément nouveau, la loi, telle qu’elle est écrite, empêche la révision du procès.
Nous nous sommes heurtés à ce mur, comme des centaines d’autres personnes du département de l’Indre et de la région Centre-Val de Loire, où l’émotion est très vive.
Je tiens à vous le dire, monsieur le garde des sceaux : le moment que nous vivons ce soir est très important. Jusqu’à présent, en dépit de toutes nos démarches, nous n’obtenions pas de réponse. Et voilà que vous ouvrez la voie à une révision de ce procès.
Cette affaire date d’il y a exactement 75 ans. Il est bon que, certes tard, très tard, la justice et le droit puissent enfin converger.
Je salue également François Jolivet, ainsi que les propos tenus par Mme Nadine Bellurot. Je salue tous les élus de toutes tendances qui, dans l’Indre, se sont rassemblés pour crier la nécessité de mettre fin à cette injustice.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je voudrais remercier Mme la sénatrice Bellurot pour son soutien.
Rétablir la confiance dans la justice, c’est aussi, le cas échéant, permettre à la justice de dire qu’elle a pu se tromper, car elle n’est pas infaillible.
Je veux voir par ailleurs dans cet amendement un autre symbole. C’est à la suite de l’affaire Mis et Thiennot que la garde à vue a été raccourcie dans le temps. C’est un sacré clin d’œil du hasard que de penser qu’aujourd’hui vous allez voter un texte qui raccourcit, non plus la garde à vue – c’est chose faite, et heureusement, depuis longtemps –, mais la durée de l’enquête préliminaire, qui s’appelait, sous l’empire du code d’instruction criminelle, l’enquête officieuse.
Je vois un lien entre ces deux décisions.
Ne serait-ce que par égard pour l’association que vous connaissez ainsi que pour les membres des familles de Mis et Thiennot – je pense qu’il en existe encore – ; nous ne pouvions pas manquer ce rendez-vous.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 198, qui a reçu un avis de sagesse favorable de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Un avis favorable, monsieur le président !
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à zéro heure cinq, est reprise à zéro heure dix.)
Article 6 bis
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Les quatrième et avant-dernier alinéas de l’article 52-1 sont ainsi rédigés :
« Les juges d’instruction composant un pôle de l’instruction sont seuls compétents pour connaître des informations donnant lieu à une cosaisine conformément aux articles 83-1 et 83-2.
« Ils sont également seuls compétents pour connaître des informations en matière de crime et le demeurent en cas de requalification des faits au cours de l’information ou lors du règlement de celle-ci. Toutefois, s’il s’agit d’un crime puni de quinze ans ou de vingt ans de réclusion criminelle, lorsqu’il n’est pas commis en état de récidive légale et si le procureur de la République considère qu’il résulte des circonstances de l’espèce et de son absence de complexité que le recours à la cosaisine, même en cours d’instruction, paraît peu probable, il peut requérir l’ouverture de l’information auprès du juge d’instruction du tribunal judiciaire dans lequel il n’y a pas de pôle de l’instruction. » ;
2° Au premier alinéa du II de l’article 80, après le mot : « criminelle », sont insérés les mots : « , lorsque la gravité ou la complexité de l’affaire le justifie » ;
3° Le dernier alinéa de l’article 118 est ainsi modifié :
a) Après la première occurrence du mot : « instruction », sont insérés les mots : « et lorsque la gravité ou la complexité de l’affaire le justifie » ;
b) Les mots : « se dessaisit » sont remplacés par les mots : « peut se dessaisir, d’office ou sur réquisition du procureur de la République, » ;
4° À la dernière phrase du dernier alinéa de l’article 397-2, les mots : « les faits relèvent de la compétence d’un pôle de l’instruction » sont remplacés par les mots : « la gravité ou la complexité de l’affaire justifie que le tribunal commette un juge du pôle de l’instruction compétent » ;
5° À la première phrase de l’article 397-7, après le mot : « objet », sont insérés les mots : « , en raison de leur gravité ou de leur complexité, ». – (Adopté.)
Article 6 ter
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le sixième alinéa de l’article 706-54, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le fichier contient également, sur décision du procureur de la République ou du juge d’instruction, pour une durée et un régime d’effacement similaires à ceux des traces dans les dossiers criminels, les empreintes génétiques des victimes d’un crime mentionné à l’article 706-106-1, ainsi que, lorsque l’empreinte génétique de la victime n’a pu être recueillie ou s’il est nécessaire de confirmer son identification, les empreintes génétiques des ascendants, descendants et collatéraux de ces victimes, sous réserve de leur consentement éclairé, exprès et écrit, et de leur possibilité de demander à tout moment au procureur de la République d’effacer leur empreinte du fichier. » ;
2° Après le titre XXV du livre IV, il est inséré un titre XXV bis ainsi rédigé :
« TITRE XXV BIS
« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE AUX CRIMES SÉRIELS OU NON ÉLUCIDÉS
« Art. 706-106-1. – Un tribunal judiciaire désigné par décret exerce une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52 et 382 du présent code pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des crimes prévus aux articles 221-1 à 221-5, 222-1, 222-3 à 222-6, 222-23 à 222-26 et 224-1 à 224-3 du code pénal et tous les délits connexes à ces crimes lorsque l’une au moins des deux conditions ci-après est remplie et que les investigations les concernant présentent une particulière complexité :
« 1° Ces crimes ont été commis ou sont susceptibles d’avoir été commis de manière répétée à des dates différentes par une même personne à l’encontre de différentes victimes ;
« 2° Leur auteur n’a pas pu être identifié plus de dix-huit mois après le début des investigations.
« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite ou l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application du présent article, le procureur de la République et le juge d’instruction de la juridiction désignée exercent leurs attributions sur l’ensemble du territoire national.
« La juridiction saisie demeure compétente, quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l’affaire. Toutefois, si les faits constituent une contravention, le juge d’instruction prononce le renvoi de l’affaire devant le tribunal de police compétent en application de l’article 522.
« Art. 706-106-2. – Au sein de ce tribunal judiciaire, le procureur général et le premier président, après avis du procureur de la République et du président du tribunal judiciaire, désignent respectivement un ou plusieurs magistrats du parquet, et juges d’instruction chargés spécialement de l’enquête, la poursuite et l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-106-1.
« Les magistrats du parquet et juges d’instruction désignés ainsi que le procureur général près la cour d’appel compétente peuvent demander à des assistants spécialisés, désignés dans les conditions prévues à l’article 706, de participer, selon les modalités prévues au même article, aux procédures concernant les crimes et délits entrant dans le champ d’application de l’article 706-106-1.
« Art. 706-106-3. – Le procureur de la République près un tribunal judiciaire peut, pour les infractions relevant de l’article 706-106-1, d’office, sur proposition du juge d’instruction ou à la requête des parties, requérir du juge d’instruction initialement saisi, se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction compétente en application du même article 706-106-1.
« Si elles ne sont pas à l’origine de la demande, les parties sont avisées de ces réquisitions et sont invitées à faire connaître leurs observations par le juge d’instruction.
« L’ordonnance statuant sur le dessaisissement est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter des réquisitions ou de l’avis donné aux parties.
« Les deuxième à quatrième alinéas de l’article 706-77 et l’article 706-78 sont applicables à cette ordonnance.
« Art. 706-106-4. – Le procureur de la République peut ordonner une enquête, ou saisir le juge d’instruction d’une information, ayant pour objet de retracer l’éventuel parcours criminel d’une personne condamnée pour des faits entrant dans le champ d’application de l’article 706-106-1 ou pour laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre de tels faits.
« Art. 706-106-5. – Les modalités d’application du présent titre et notamment les conditions dans lesquelles des officiers de police judiciaire spécialement désignés peuvent assister les magistrats mentionnés à l’article 706-106-2 sont précisées par voie réglementaire. » – (Adopté.)
Article 7
Au premier alinéa du III de l’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 77 est présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 124 est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 187 rectifié bis est présenté par MM. H. Leroy, Bonhomme, Frassa, Duplomb et Bouchet, Mme V. Boyer, MM. Laménie et Gremillet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Daubresse, Mme Demas, MM. A. Marc, Guerriau, Charon, Meurant, Sido, Hingray et Genet, Mmes Gosselin et Lherbier, M. Saury et Mme Borchio Fontimp.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 77.
Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, nous souhaitons rappeler notre opposition à la généralisation des cours criminelles départementales.
Alors que l’expérimentation dont elles font l’objet est censée se poursuivre jusqu’en 2022, aucune étude n’a pu établir de données définitives quant à sa mise en œuvre. Les premiers chiffres dévoilés n’attestent en aucun cas que leur instauration sur le long terme serait aussi judicieuse que ne le disent les promoteurs du projet de loi. De nombreux acteurs du monde judiciaire jugent cette expérimentation trop courte pour en tirer des conclusions aussi hâtives et la généraliser.
Si la commission des lois du Sénat s’est exprimée dans le sens d’une prolongation d’un an de l’expérimentation plutôt que d’une généralisation, nous préférons ne laisser aucune chance à l’Assemblée nationale de réécrire cet article 7 et, partant, proposons sa suppression.
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi, pour présenter l’amendement n° 124.
M. Hussein Bourgi. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Henri Leroy, pour présenter l’amendement n° 187 rectifié bis.
M. Henri Leroy. J’ai déposé moi aussi un amendement de suppression de l’article 7. En effet, ce projet de loi affiche l’ambition de généraliser les cours criminelles départementales, aujourd’hui compétentes pour juger de très nombreux crimes et dont sont écartés, pour ne pas dire chassés, les jurés populaires.
Mes chers collègues, je voudrais vous mettre en garde contre cette disposition qui agira comme une sorte de poison lent. C’est toujours le même refrain avec la politique des « petits pas ». Aujourd’hui, on écarte le peuple des cours criminelles départementales ; demain, on nous demandera de l’écarter des cours d’assises !
Les jurés populaires sont une institution bicentenaire. C’est leur participation qui nous permet de dire que la justice est bien rendue au nom du peuple français.
Monsieur le garde des sceaux, avec la création des jurés populaires, la Révolution française a fait entrer les citoyens dans notre système judiciaire. Vous les en faites sortir, semble-t-il !
Comment pouvez-vous prétendre restaurer la confiance dans l’institution judiciaire ? Au contraire, vous allez augmenter la défiance du peuple.
Mes chers collègues, la justice ne se rend pas sur un coin de table. Tant que les cours criminelles départementales ne comporteront pas de jurés populaires, elles ne seront pas totalement légitimes.
Je vous demande donc de voter cet amendement afin que l’expérimentation des cours criminelles départementales ne soit pas prolongée d’une année.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous sommes très attachés, ici, au Sénat, à la mise en place des jurés populaires, qui sont l’expression de la participation des citoyens à l’œuvre de justice.
C’est pourquoi, sans remettre en cause leur existence, nous pensons qu’il est prématuré de généraliser l’expérimentation des cours criminelles départementales.
C’est tout d’abord une question de principe : dès lors qu’une expérimentation est souhaitée et votée, il convient qu’elle soit menée jusqu’à son terme. Y mettre fin avant la date fixée nuit à la crédibilité du principe même d’expérimentation.
Ensuite, sur le fond, les cours criminelles départementales ne sont en place que depuis le début de l’année 2020 ; nous ne disposons donc que de peu de recul à leur sujet. La mission « flash » menée par nos collègues députés MM. Stéphane Mazars et Antoine Savignat, tout comme la mission présidée sur le sujet par M. Jean-Pierre Getti, montrent bien que, faute du recul nécessaire, des interrogations subsistent quant à la mise en œuvre de cette expérimentation.
Comme l’indique le rapport Getti, seules 86 affaires ont été jugées impliquant 100 accusés. L’échantillon est donc insuffisant pour apprécier la situation ; il « apparaît peu aisé, en raison de l’absence de recul […], d’en tirer des conclusions significatives. », est-il écrit.
Cette expérimentation a en outre été très perturbée, tant par la crise de la covid-19 que par la grève des avocats.
Pour ce qui est de généraliser cette expérimentation, nous penchons donc pour la prudence : nous proposons plutôt de l’étendre afin qu’un bilan solide et complet puisse en être tiré.
La commission émet par conséquent un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression de l’article 7.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Premièrement, il convient de rappeler que les cours d’assises traditionnelles subsistent pour toutes les infractions punies de plus de vingt ans de réclusion criminelle. Ce n’est pas rien ! Ces infractions représentent même une partie importante du contentieux.
Supposons, deuxièmement, que vous soyez mécontent d’une décision rendue par la cour criminelle départementale ; interjetant appel, vous retombez sur la cour d’assises traditionnelle, qui est alors saisie comme juridiction d’appel. Celle-ci est donc loin d’être supprimée.
Troisièmement, il est faux de dire que le peuple n’a pas été respecté. En réalité, j’ai fait en sorte qu’un jury populaire ne puisse plus prononcer une condamnation sans que la majorité des jurés se soit exprimée en ce sens, ce qui n’était plus le cas, durant une période courte, il est vrai. En effet, ces temps derniers, un homme pouvait être condamné par une cour d’assises sans que se soit dégagée une majorité de jurés ; j’ai remis en chantier cette question afin de redonner à la souveraineté populaire son sens véritable, qu’elle avait perdu.
Voilà pour le contexte.
Pour le reste, je l’ai dit précédemment, les magistrats sont satisfaits, comme le sont les avocats, dans leur très grande majorité. Le taux d’appel a nettement baissé, de dix points. Le viol n’est plus correctionnalisé et l’audiencement est beaucoup plus rapide qu’avec la cour d’assises traditionnelle.
J’indique aussi – les praticiens le savent – que l’on peinait souvent à réunir les jurés pour former un jury populaire. C’était devenu un casse-tête.
Je suis tout à fait favorable à la généralisation du dispositif – et je défendrai dans un instant un amendement en ce sens –, pour une raison simple : l’expérimentation est en cours depuis septembre 2019, c’est-à-dire depuis deux ans ! Or je ne souhaite pas que l’on maintienne dans ce pays deux types de juridiction et que la cour d’assises traditionnelle et la cour criminelle départementale continuent de se chevaucher. Deux ans, c’est bien assez !
Le dispositif a été déployé, développé et expertisé. On pourrait bien sûr, pour le plaisir, continuer d’expérimenter, mais les retours d’expérience sont déjà là et bien là. Des rapports parlementaires transpartisans confirment d’ailleurs que l’expérience est plutôt probante. Pourquoi, dès lors, laisser prospérer un système, quelle que soit la durée prévue, où coexistent une cour d’assises stabilisée sur le terrain de la souveraineté populaire et une cour criminelle départementale qui siègera dans certains départements, mais pas dans d’autres ?
Je plaide pour l’homogénéité, qui est essentielle là où il s’agit de restaurer la confiance. Comment les justiciables comprendraient-ils qu’il y ait dans tel endroit deux types de juridiction, mais un seul dans tel autre ?
L’expérience – je l’ai dit – est concluante. Le bilan, nous l’avons, sous différentes formes – de nombreuses auditions ont été menées. On me rétorque que tout le monde serait opposé au dispositif ; mais qui est ce « tout le monde » ? Je l’ignore… Je suis en contact quotidien avec des magistrats et des avocats qui me disent que cette juridiction fonctionne. Quelques braillards ont hurlé, dans des conditions assez singulières, puisqu’ils semblaient ne pas savoir qu’il y va de l’intérêt général, seule chose qui me préoccupe.
Quant aux propos que j’ai tenus lorsque j’étais avocat, Mme la sénatrice de La Gontrie a eu raison de les rappeler, car je les assume.
Il est temps désormais – cette réforme nous en donne l’occasion – d’instaurer un système clair, net, précis et homogène, reposant sur l’unicité de la juridiction criminelle.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces amendements et vous demanderai, dans un instant, d’abréger cette expérience et de stabiliser le dispositif. Nous disposons de tous les éléments nécessaires pour le faire sans trembler.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je partage le point de vue exprimé par Henri Leroy. Monsieur le ministre, je tiens à dire qu’il y a des limites à certains raisonnements. Vous avez évoqué les propos que vous aviez tenus avant d’être garde des sceaux ; je n’y reviens pas.
Je me souviens, en revanche, de ce qu’avait dit Mme Belloubet ici au Sénat. Annonçant le lancement d’une expérience dans huit départements, elle nous avait dit, avec un luxe de précautions très grand, qu’il ne s’agissait absolument pas de généraliser, mais de voir ce que l’expérience allait donner. Des expertises et des rapports étaient promis.
Il paraît que des rapports transpartisans ont été publiés. Où sont-ils ? Pour ma part, je n’en ai jamais vu la couleur au Sénat…
Par la suite, Mme Belloubet est passée tout d’un coup de huit à dix-sept départements concernés par l’expérimentation. À la question que je lui posais quant à la raison de ce changement, elle s’est contentée de me répondre : « C’est comme ça… » ! Pourtant, le raisonnement qui valait pour huit départements s’effondrait dès lors qu’on passait à dix-sept.
Lorsque vous êtes entré en fonction, je me suis dit que peut-être, eu égard à vos déclarations passées, vous alliez interrompre l’expérience, ou qu’au moins vous alliez vous en tenir là. Mais pas du tout ! Vous nous dites désormais que tout est parfait, que le bilan est formidable, qu’il faut relativiser les débats sur les jurys populaires, car de toute manière on peine à les réunir, qu’avocats et magistrats pensent tous la même chose… Quelle extraordinaire unité de pensée !
On déplore néanmoins la résistance de quelques « braillards », comme vous les avez désignés à plusieurs reprises depuis le début de nos débats, monsieur le garde des sceaux. On a le droit d’être contre cette mesure et d’exiger du Gouvernement qu’il fasse preuve de cohérence dans la durée sans pour autant être considéré comme un ramassis de « braillards » ! D’un point de vue intellectuel, la manœuvre relève du tour de passe-passe (M. le garde des sceaux proteste.).
Quand un engagement a été pris au sujet de huit, puis treize, puis dix-sept départements, alors même qu’on nous avait assuré qu’il n’y aurait pas d’extension de l’expérimentation avant qu’un bilan sérieux soit dressé, il faut se garder de certains raccourcis !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le garde des sceaux, à l’occasion de l’examen d’un précédent texte sur la justice, je me souviens très bien vous avoir rappelé qu’au Sénat personne ne donnait ni dans l’excès ni dans la caricature. Vous ne pouvez donc pas laisser croire que certains d’entre nous auraient dit que « tout le monde était contre » l’expérimentation, quand cela n’a jamais été le cas.
Voici ce que je vous ai dit : « De nombreux acteurs du monde judiciaire jugent cette expérimentation trop courte ». Je n’ai en revanche jamais dit que ces acteurs étaient favorables ou opposés à l’expérimentation.
Le Sénat, qui n’est pas l’Assemblée nationale, n’aime guère les effets de manche. Je tiens à vous le redire, car nous avons apparemment un problème de communication.
Dans cet hémicycle, personne ne songe à démonter par principe le texte du garde des sceaux : tous nous réfléchissons à la manière la plus efficace de restaurer la confiance de nos concitoyens dans l’institution judiciaire.
En outre, parce que notre assemblée est démocratique et que nous y faisons de la politique, il peut arriver que nos avis divergent. C’est en versant au débat nos positions respectives et en acceptant la contradiction que nous avons une chance de faire société. Cet exercice éminemment politique est le propre d’une assemblée démocratique. Je vous demande donc un minimum de respect.
Méprisant en quelque sorte nos amendements, vous nous dites que nos concitoyens ont besoin d’homogénéité. Je vous réponds, sur le même ton, qu’il suffirait, pour homogénéiser – rien de plus facile ! –, de supprimer toutes les cours criminelles départementales. C’est ce qu’à juste titre notre collègue Leroy proposait : revenons-en aux jurys populaires sur tout le territoire, et basta !
Mieux vaudrait, monsieur le ministre, que nous nous répondions les uns aux autres sur le fond et non seulement sur la forme. Je le redis donc : sur ces travées comme parmi les acteurs du monde judiciaire, certains demeurent sceptiques quant au système proposé ; d’où ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je suis cosignataire de l’amendement de M. Henri Leroy qui vise, comme les autres amendements identiques dont nous débattons, à supprimer l’article 7. Cet article suscite beaucoup d’inquiétudes, car le passage de l’expérimentation à l’extension généralisée des cours criminelles départementales présente un danger réel.
Or, nous en avons tous des exemples, les jurys d’assises tirés au sort à l’échelle des communes fonctionnent quand même relativement bien. J’ai moi-même eu l’honneur de faire partie d’un jury d’assises, en 1995 – ça remonte ! J’insiste sur la légitimité de l’échelon de proximité ; je soutiens donc ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. Sans revenir sur le fond, je précise les enjeux à l’intention de mes collègues : si nous adoptions ces amendements, alors nous reviendrions à l’état actuel du droit, c’est-à-dire que les cours criminelles départementales seraient expérimentées jusqu’en mai 2022. Nous n’aurions donc pas le temps de nous prononcer sur la généralisation ou sur l’extinction de cette expérimentation.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 77, 124 et 187 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 43 amendements au cours de la journée ; il en reste 154.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 29 septembre 2021 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement
À seize heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la confiance dans l’institution judiciaire (texte de la commission n° 835, 2020-2021) et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour la confiance dans l’institution judiciaire (texte de la commission n° 836, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 29 septembre 2021, à zéro heure trente.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER