Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Daniel Gremillet, Mme Patricia Schillinger.
2. Hommage à Patrick Boré, sénateur, et à Pierre Laffitte, ancien sénateur
3. Questions d’actualité au Gouvernement
M. Philippe Bas ; M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Philippe Bas.
possible insuffisance du personnel hospitalier cet été
M. Olivier Henno ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; M. Olivier Henno.
M. Pierre Laurent ; Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; M. Pierre Laurent.
M. Thani Mohamed Soilihi ; M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
stratégie vaccinale du gouvernement
M. Bernard Jomier ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; M. Bernard Jomier.
gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations
M. Jean-Yves Roux ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
décision du Conseil d’état relative à l’action de l’état en faveur du climat (i)
M. Ronan Dantec ; M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; M. Ronan Dantec.
M. Franck Menonville ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
protection judiciaire de la jeunesse et laïcité
Mme Jacqueline Eustache-Brinio ; M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
décision du conseil d’état relative à l’action de l’état en faveur du climat (ii)
M. Jean-Michel Houllegatte ; M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports ; M. Jean-Michel Houllegatte.
vaccination obligatoire des soignants
Mme Florence Lassarade ; Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie ; Mme Florence Lassarade.
dissolution de l’établissement public du haras du pin
Mme Nathalie Goulet ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; Mme Nathalie Goulet.
législation russe relative à l’appellation du champagne
M. Antoine Lefèvre ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères ; M. Antoine Lefèvre.
réforme des aides personnalisées au logement
Mme Viviane Artigalas ; Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement ; Mme Viviane Artigalas.
conditions d’accès au master à l’université
Mme Alexandra Borchio Fontimp ; Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ; Mme Alexandra Borchio Fontimp.
impact de la taxe carbone européenne sur la filière aluminium
Mme Dominique Vérien ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie ; Mme Dominique Vérien.
Suspension et reprise de la séance
M. Claude Raynal, président de la commission des finances
5. Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
Mme Jacqueline Gourault, ministre
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel avant le titre Ier
Amendement n° 260 rectifié de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Articles additionnels avant l’article 1er
Amendement n° 130 rectifié de M. Stéphane Sautarel. – Retrait.
Amendement n° 891 de M. Jean Louis Masson. – Non soutenu.
Amendement n° 519 rectifié bis de M. Jean-Jacques Michau. – Retrait.
Amendement n° 689 rectifié de M. Philippe Folliot. – Rejet.
Amendement n° 331 de M. Pascal Savoldelli. – Rejet.
Amendement n° 264 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
6. Candidatures à deux éventuelles commissions mixtes paritaires
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
7. Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification. – Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 801 rectifié de M. Jean-Yves Roux. – Retrait.
Amendements nos 1532 rectifié et 1675 rectifié de M. Georges Patient. – Non soutenus.
Amendement n° 390 de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.
Amendement n° 1280 de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 265 de Mme Cécile Cukierman. – Rejet.
Amendement n° 532 rectifié de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° 1281 de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.
Amendement n° 382 de M. Éric Kerrouche. – Retrait.
Amendement n° 383 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Adoption.
Amendement n° 749 de M. Paul Toussaint Parigi. – Devenu sans objet.
Amendement n° 448 rectifié de M. Jean-Jacques Panunzi. – Devenu sans objet.
Amendement n° 929 rectifié ter de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° 1682 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 1er bis
Amendement n° 1131 rectifié bis de M. André Reichardt. – Retrait.
Amendement n° 421 rectifié de M. Olivier Jacquin. – Rejet.
Amendement n° 422 rectifié de M. Olivier Jacquin. – Rejet.
Amendement n° 423 rectifié de M. Olivier Jacquin. – Rejet.
Amendement n° 424 rectifié de M. Olivier Jacquin. – Rejet.
Amendement n° 930 rectifié bis de M. Victorin Lurel. – Rejet.
Amendement n° 178 rectifié bis de M. Cyril Pellevat. – Retrait.
Amendement n° 698 de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.
Amendement n° 1157 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 1683 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 638 rectifié de M. Jean-Pierre Corbisez. – Retrait.
Amendement n° 1396 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 529 de M. Éric Kerrouche. – Devenu sans objet.
Amendement n° 1298 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur. – Devenu sans objet.
Amendement n° 197 rectifié bis de M. Max Brisson. – Retrait.
Amendement n° 1146 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 1613 de M. Ludovic Haye. – Adoption.
Amendement n° 1440 de M. Guy Benarroche. – Rejet.
Amendement n° 639 rectifié de M. Jean-Pierre Corbisez. – Rejet.
Amendement n° 1489 rectifié bis de Mme Angèle Préville. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
Nomination de membres de deux éventuelles commissions mixtes paritaires
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Daniel Gremillet,
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage à Patrick Boré, sénateur, et à Pierre Laffitte, ancien sénateur
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne peux commencer cette séance sans exprimer une double pensée. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, se lèvent.)
D’abord, pour notre collègue Patrick Boré, qui nous a quittés dans la nuit de dimanche. Un certain nombre d’entre vous l’accompagneront demain sur le chemin qui le conduira vers sa hauteur spirituelle, vers l’éternité.
Certains d’entre nous le connaissaient depuis peu, mais son élévation personnelle, politique et spirituelle forçait l’admiration et le respect de chacune et de chacun.
Je sais que vous aurez demain une pensée pour lui. Dans quelques semaines, nous lui rendrons hommage dans cet hémicycle. J’ai bien sûr une pensée pour sa famille, pour sa chère ville de La Ciotat, pour son département des Bouches-du-Rhône et pour tout ce qu’il incarnait.
C’est également avec beaucoup de tristesse que nous avons appris ce matin la disparition de Pierre Laffitte – et je m’adresse tout particulièrement à nos collègues du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, qu’il a présidé. Il fut le fondateur de Sophia Antipolis, le directeur de l’École des Mines, un grand scientifique, patron du Bureau de recherche géologique et minière (BRGM). Il apporta ici cette dimension scientifique si particulière et un engagement politique dans la tradition du parti radical.
Je voulais aussi avoir une pensée pour celui qui a animé nos débats – certains s’en souviennent encore. Le Sénat n’oublie pas ce qui est porté par le groupe qu’il a présidé. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le Premier ministre et Mmes et MM. les ministres, observent un moment de recueillement.)
3
Questions d’actualité au gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif à respecter l’expression des uns et des autres, ainsi que son temps de parole.
projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la constitution et relatif à la préservation de l’environnement
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Bas. Monsieur le Premier ministre, en vertu de l’article 89 de la Constitution, l’Assemblée nationale et le Sénat sont à égalité de droits en matière constitutionnelle.
Par deux fois, le Sénat a voté l’inscription de la préservation de l’environnement à l’article 1er de la Constitution. Certes, il a affirmé librement ses propres convictions, différentes des vôtres et de celles de l’Assemblée. Mais si vous reprochez au Sénat de ne pas avoir recopié le texte de l’Assemblée nationale, nous pourrions tout aussi bien vous reprocher de ne pas avoir repris le nôtre. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains. – Marques d’ironie sur les bancs du Gouvernement.)
C’était à vous, Premier ministre, de rechercher l’accord. Non seulement vous ne l’avez pas fait, mais, de surcroît, vous avez laissé votre porte-parole nous insulter. Car c’est bien nous insulter que de nous traiter de « climatosceptiques » quand on mesure, comme nous, la gravité des effets du réchauffement climatique pour l’humanité. (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, de manifester votre respect pour la représentation nationale en retirant les propos indignes qui ont été tenus en votre nom ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le questeur Bas, comme vous l’indiquez, le Sénat a fait le choix, avant-hier, d’enterrer définitivement, je le crains, le projet de loi constitutionnelle relatif à la préservation de l’environnement, issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Président de la République s’était engagé sur cette proposition phare de la Convention citoyenne, dont l’objectif était très clair : soumettre aux Français un texte ambitieux visant à ériger la protection de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique en principe constitutionnel et imposer ainsi aux pouvoirs publics une véritable obligation d’action en la matière.
Cet objectif, monsieur le questeur, aurait dû tous nous réunir.
M. Bruno Sido. Pas du tout !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La position du Sénat, que je respecte absolument, persiste à proposer un texte qui n’a strictement aucun effet juridique. Vous préférez la Charte de l’environnement de 2004 sans vous rendre compte qu’elle a un peu vieilli. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Premier ministre a indiqué hier, devant l’Assemblée nationale, que le Gouvernement prenait acte de cette fin de non-recevoir. La différence, que vous le vouliez ou non, entre nos positions est désormais tout à fait claire : l’urgence climatique ne présente pas, à vos yeux, le même degré d’importance qu’aux nôtres. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et GEST. – Protestations et huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
Les Français, en particulier les plus jeunes, comprendront à quel point nos approches sont opposées sur ce sujet fondamental. Nul « coup de com’ », monsieur le questeur, nul artifice politicien : il n’y aura désormais pour toujours qu’une grave occasion manquée ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour la réplique.
M. Philippe Bas. Non, monsieur le Premier ministre, c’est vous, et vous seul, qui avez interrompu le processus de la révision constitutionnelle. (M. le garde des sceaux le conteste.)
N’est pas climatosceptique quiconque refuse de cautionner votre politique écologique. Vous n’avez pas le monopole de l’écologie. (Exclamations sur les travées des groupes RDPI, GEST et SER.) Le gaullisme, dont vous essayez de vous réclamer, monsieur le Premier ministre, ce n’est pas la pensée unique. Et nous, nous ne sommes pas une chambre d’enregistrement ! Nous avons le droit de préférer le développement durable à l’écologie de la décroissance. (Marques d’ironie sur les travées du groupe SER.)
Ce débat de fond est digne d’être porté devant les Français. Et, croyez-moi, si vous ne le faites pas maintenant, il le sera dès 2022, sur notre initiative, à l’occasion de l’élection présidentielle ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)
possible insuffisance du personnel hospitalier cet été
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Olivier Henno. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Alors qu’une quatrième vague épidémique menace, une inquiétude monte parmi les professionnels de santé : y aura-t-il cet été pénurie de soignants dans les hôpitaux ?
La crise de la covid-19 a été éreintante pour nos soignants. Nombre d’entre eux ont été surmenés. Ils ont besoin de souffler. L’été s’annonce donc particulièrement difficile. Il suffit de lire la presse régionale pour s’en convaincre.
Tous les voyants sont au rouge : dans La Nouvelle République, on apprend que la pénurie d’infirmiers qui s’annonce dans la Vienne est « très inquiétante » ; dans La Dépêche, on peut lire que la clinique de Montauban, en quête de nouveaux infirmiers, peine à recruter ; Le Télégramme révèle qu’il manque des infirmiers et des aides-soignants dans les établissements de santé et médico-sociaux de Bretagne ; La Voix du Nord indiquait, hier encore, que la filière médicale du groupe Randstad, dans la région des Hauts-de-France, recherchait 531 professionnels de santé d’ici à la fin de l’année…
La situation devient si catastrophique que l’on envisage, dans certains établissements, des fermetures estivales de services comme les urgences, les soins critiques ou la psychiatrie, qui relèvent pourtant de la permanence ou de la continuité des soins. C’est impensable !
Ma question est simple : que comptez-vous faire pour remédier à ce risque de carence de ressources humaines dans les hôpitaux ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Olivier Henno, depuis plus d’un an, nos soignants sont en effet soumis à une rude épreuve.
La crainte d’un rebond épidémique nous oblige à prendre collectivement la mesure du moment. D’une manière générale, hors période de crise, chaque épisode estival souffre de ce problème de désaffection du personnel. Cette période fait toujours l’objet d’attentions particulières de la part des agences régionales de santé (ARS). Cela suppose que nous apportions la réponse la plus finement adaptée aux territoires, en tenant bien évidemment compte de la diversité des zones géographiques et estivales où les choses peuvent évoluer brutalement par endroits.
Chaque établissement de santé est tenu d’anticiper l’organisation et la gestion des services au regard de la situation épidémique actuelle, de l’évolution attendue de la démographie et en fonction des impératifs de service comme des droits sociaux – je pense notamment aux congés du personnel. Vous comprendrez que cette prévision a fait l’objet, cette année, d’une attention particulière au regard de la forte mobilisation des soignants et de la nécessité qu’ils avaient de se reposer.
L’émergence du variant delta, à la fois plus contagieux et plus mortel, nous oblige à redoubler de précautions pour ne laisser aucun territoire sans offre adaptée.
Par ailleurs, face à la crise sanitaire, un certain nombre de décisions de reprogrammation de soins ont dû être prises. Les services sanitaires sont pleinement mobilisés pour assurer ces reprogrammations et permettre à tout un chacun, en particulier aux personnes les plus vulnérables, en raison de leur état de santé, de bénéficier d’un suivi particulier.
Les ARS veillent tout particulièrement à la bonne organisation de cette période sensible selon un principe de solidarité territoriale. Ainsi, dans votre région, monsieur le sénateur, le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille aide les établissements alentour, comme celui de Tourcoing, par exemple, lorsqu’ils rencontrent des difficultés pour assurer la continuité et la permanence des soins.
Nous sommes donc pleinement mobilisés, notamment en cette période de crise.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Merci, madame la ministre, de votre réponse, mais je ne vous cache pas que j’attendais autre chose.
Vous abordez la question sous l’angle structurel pour justifier votre politique, mais je vous parlais d’urgence. Je pense que vous minimisez le problème. Vous n’avez pas, sinon très partiellement, répondu à ma question. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
archives nationales
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, obéissant à une instruction interministérielle, les services d’archives ont dû consacrer des moyens humains considérables à déclassifier des documents secret-défense que la loi de 2008 rendait pourtant communicables de plein droit, après un délai de cinquante ans. L’accès aux archives publiques secret-défense a ainsi été massivement bloqué pendant des mois.
Le Conseil d’État vient d’annuler cette instruction, la considérant tout simplement comme illégale. Près d’un million de documents historiques ont reçu un tampon de déclassification sans aucune raison valable. Nous laisserons ainsi aux générations futures toutes ces pièces entachées de ce tampon…
Le Sénat, qui avait participé activement à l’élaboration de la loi de 2008, parce qu’elle donnait aux documents d’archives un statut patrimonial garant de leur fonction historique, vous demande pourquoi on a laissé faire une telle absurdité. Pourquoi une prétendue raison d’État l’a-t-elle emporté pour interdire à des historiens de publier des sources qu’ils consultaient jusque-là librement ?
En dépit de ce désaveu cinglant, animé par cette même volonté de censure, votre gouvernement propose maintenant, à l’article 19 du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement, de restreindre, cette fois sans limites de délai, l’accès aux archives.
Allez-vous écouter le Conseil d’État, qui considère, dans son arrêt rendu après notre discussion législative, que la loi de 2008 suffit ? Allez-vous renoncer à cet article 19 et donner le feu vert à sa réécriture, ce qui est encore possible, lors de la commission mixte paritaire du vendredi 9 juillet prochain ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER et du GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, je tiens tout d’abord à affirmer que le Gouvernement n’est pas moins attaché que chacun d’entre nous à ce que les historiens puissent accéder, dans les meilleures conditions possible, aux archives publiques. Leur travail est bien évidemment indispensable.
Plus largement, le Conseil constitutionnel a reconnu que le droit d’accéder aux archives publiques était une composante importante du contrôle démocratique, par les citoyens, de l’action de l’administration. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Pour preuve de cet attachement, le Gouvernement a souhaité mettre fin à certains désordres engendrés par l’obligation faite aux administrations de déclassifier les documents classifiés avant toute communication, et ce quelle que soit leur ancienneté. Cette démarche d’ouverture rejoint finalement la décision rendue tout récemment par le Conseil d’État. (M. Jean-Pierre Sueur le conteste.)
Toutefois, le droit d’accès de tout citoyen aux archives publiques n’est pas un droit absolu. La nécessité d’un contrôle démocratique sur le travail de l’administration doit être conciliée avec d’autres impératifs, également de valeur constitutionnelle. Il est bien évident que la divulgation précoce de certains documents pourrait être de nature à compromettre les intérêts fondamentaux de la Nation et doit donc être empêchée. Le rapporteur public du Conseil d’État l’a relevé dans les termes les plus nets.
Il appartient au Parlement de réaliser cette conciliation. Qui voudrait que puissent être révélés au public, y compris à des personnes ou des puissances mal intentionnées à notre égard, les plans des infrastructures de la dissuasion ou les modes d’emploi de nos armements les plus sensibles ? (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. David Assouline. Vous pouvez raconter ça à des enfants, pas à nous !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Par ailleurs, il n’a jamais été question de fermer les archives des services de renseignement. L’article 19 du projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement aura pour seul effet d’empêcher la communication des archives qui dévoileraient des méthodes d’action encore en usage dans nos services au détriment de la sécurité des agents et de l’efficacité de leur action. (Les protestations redoublent sur les travées des groupes SER et CRCE.)
M. David Assouline. Mais oui, c’est ça !
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Mais oui, c’est exactement cela !
Le texte issu des travaux du Sénat semble par conséquent réaliser une conciliation équilibrée entre les différents intérêts en jeu. C’est d’ailleurs ce qu’a également estimé le Conseil d’État, au terme d’un examen approfondi du projet de loi. (M. François Patriat applaudit.)
M. Jean-Pierre Sueur. Soit vous n’avez rien compris, soit vous n’avez rien voulu comprendre !
M. David Assouline. J’ai honte pour vous !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour la réplique.
M. Pierre Laurent. Madame la ministre, vous nous répétez l’argumentation qu’avance le Gouvernement depuis le début et que l’arrêt du Conseil d’État vient justement de faire tomber en rappelant que le principe qui prévaut est celui de la communication de plein droit des archives après cinquante ans, sauf dans certains cas très précis.
Vous refusez de reprendre ce principe dans l’article 19 du projet de loi alors que cinq groupes politiques du Sénat ont proposé le même amendement de réécriture. Si vous vous entêtez et que vous laissez la commission mixte paritaire se dérouler dans ces conditions, la parole publique sera durablement entachée sur la question majeure de l’accès au patrimoine de tous les Français. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
cyberattaques
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, plus un seul jour ne passe sans qu’une cyberattaque survienne. Comme nous alertait le directeur général de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) voilà quelques semaines, la menace croît et plus grand monde n’est à l’abri.
Certaines attaques sont moins médiatisées, mais peuvent entraîner des conséquences redoutées. C’est le cas du centre hospitalier de Mayotte, qui connaît chaque mois, près de 400 tentatives. Un chiffre vertigineux dans un contexte de pandémie. D’autres sont massives, comme celle, toujours en cours, contre l’entreprise Kaseya, qui paralyse 1 500 de ses clients, dans douze pays.
Les cyberattaques sont toujours plus sophistiquées, les cyber-rançonneurs se professionnalisent. Et demain, dans un monde toujours plus interconnecté, les vecteurs de cyberattaques ne cesseront de se multiplier.
Mais le plus inquiétant est le profil des trois principales victimes d’attaques par rançongiciel en France, à savoir les collectivités territoriales, les établissements de santé et les entreprises du secteur industriel.
Nos TPE et nos PME, déjà bien éprouvées par la crise économique, développent de nouvelles vulnérabilités avec le télétravail ou encore le recours massif aux services du cloud. Comme le montre la cyberattaque en cours, elles sont directement touchées lorsque sont visés des fournisseurs de services informatiques.
En février dernier, le Président de la République a présenté une stratégie nationale de sursaut avec un plan doté de 1 milliard d’euros pour aider à renforcer les systèmes de protection informatique et soutenir la filière française de la cybersécurité. La semaine dernière encore, il a annoncé un plan Innovation Santé 2030, dans lequel 650 millions d’euros seront consacrés à la santé numérique, dont une partie à la cybersécurité.
Monsieur le secrétaire d’État, où en sommes-nous dans le déploiement de notre stratégie d’accélération en matière de cybersécurité, notamment dans l’accompagnement de nos TPE et PME face à la menace cyber ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Monsieur le sénateur Mohamed Soilihi, merci de mettre l’accent sur ce sujet.
Il s’agit, en quelque sorte, d’une nouvelle pandémie qui touche, comme vous l’avez souligné, absolument tout le monde, et notamment les plus fragiles : hôpitaux, collectivités territoriales, TPE et PME et l’ensemble des citoyens.
Le centre hospitalier de Dax, par exemple, touché au tout début de l’année, se remet à peine aujourd’hui à fonctionner normalement. C’est dire combien la question de la cybersécurité est essentielle, particulièrement dans un contexte de crise sanitaire.
C’est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité, voilà quelques mois, faire de la cybersécurité une cause nationale. Notre stratégie repose sur plusieurs éléments.
Il s’agit, tout d’abord, de renforcer notre niveau de préparation dans l’ensemble des domaines et des secteurs, avec notamment un plan pour les hôpitaux, en particulier pour les centres hospitaliers outre-mer, où il serait beaucoup plus difficile de détourner les flux de patients en cas d’attaque.
Il s’agit, ensuite, de renforcer les moyens de l’Anssi et ceux de la coopération judiciaire avec les autres pays, sous l’égide d’Éric Dupond-Moretti. Nous avons déjà rencontré certains succès avec l’arrestation, voilà quelques jours, des membres du groupe cybercriminel Imhotep, en Ukraine.
Il s’agit, enfin, d’apporter une réponse technologique. C’est la raison pour laquelle l’État et l’ensemble de l’écosystème investiront plusieurs centaines de millions d’euros dans les mois qui viennent. Car nous pouvons à la fois participer à la protection contre les attaques et développer nos emplois dans ce qui est aussi un domaine de compétence française.
stratégie vaccinale du gouvernement
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la semaine dernière, dans cet hémicycle, notre collègue Catherine Procaccia interrogeait le Gouvernement sur les mesures concrètes qu’il comptait prendre face à la quatrième vague, sans obtenir de réponse précise.
Depuis, la seule annonce concrète est celle d’un projet d’obligation vaccinale pour les soignants. Pour légitime qu’il puisse être, ce projet n’aura qu’une influence marginale sur l’évolution de cette quatrième vague.
Je réitère donc la question de notre collègue : quelles actions concrètes comptez-vous prendre pour protéger les Français ? Et je ne peux que vous inviter à vous référer aux projets de notre mission commune d’information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d’activités… (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Monsieur le sénateur Bernard Jomier, je pense que vous partagez, comme moi, la préoccupation majeure de protéger les Français durant cette crise sanitaire – personne ne peut se renvoyer la balle sur un tel sujet.
Vous connaissez le contexte actuel : le taux d’incidence du virus remonte progressivement pour atteindre aujourd’hui 24 pour 100 000. Cette augmentation s’accentue sous l’influence du variant delta, 60 % plus contagieux que le variant alpha dominant, ce qui entraîne une flambée épidémique.
La solution est à portée de main. Pour autant, le nombre de rendez-vous de vaccination est resté stable pendant plusieurs semaines, alors que nous disposons des doses et des dates. Nous notons ces derniers jours, à la suite de nos appels, une légère augmentation de la demande de rendez-vous pour une injection.
Il est impératif que cette augmentation se confirme et s’amplifie pour lutter contre le variant delta. Il faut aller se faire vacciner sans aucune hésitation : 1 700 centres de vaccination sont opérationnels, partout en France. Nous nous mobilisons sur l’ensemble du territoire, pendant tout l’été.
Nous mettons en œuvre d’importants dispositifs « d’aller vers » avec, par exemple, des centres de vaccination éphémères sur les lieux culturels, comme au festival d’Avignon ou au Printemps de Bourges, des « vaccibus » en Nouvelle-Aquitaine pour les saisonniers, des centres de vaccination mobiles dans les Landes pour aller à la rencontre des publics éloignés et des opérations spéciales en Île-de-France, comme à la Canopée des Halles ou à La Défense.
En outre, afin de faciliter la vaccination, nous avons assoupli les délais entre deux injections.
Quoi qu’on en dise, monsieur le sénateur, la vaccination, c’est la clé pour garantir notre retour à une vie normale, pour nous protéger et protéger ceux qui nous sont chers. J’appelle donc tous les Français à se faire vacciner, notamment pendant cette période estivale. (M. Alain Richard applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour la réplique.
M. Bernard Jomier. Par rapport à la semaine dernière, vous annoncez une politique de « l’aller vers » en termes de vaccination. Nous pouvons le saluer, même si on n’observe encore aucune traduction concrète.
La stratégie « tester-tracer-isoler », que nous avions dû abandonner en raison du niveau trop élevé de l’épidémie, peut de nouveau être menée de manière efficace et permettre de remonter les chaînes de contamination. Nous avions bien pris note que c’était théoriquement le cas depuis le 1er juillet. Toutefois, l’effectivité de cette mesure n’est pas complète.
Le dépistage est essentiel pour limiter l’ampleur de la vague. Il faudra être prêt, à la rentrée scolaire, comme le démontre l’étude de l’ANRS Maladies infectieuses émergentes que nous avons commandée, à mettre en place un dépistage itératif pour les enfants de moins de 12 ans. Il faudra, pendant l’été, vacciner les adolescents et donc mettre en place des dispositifs spécifiques pendant les vacances. Il faudra aussi les vacciner dans les lycées et collèges, à la rentrée, comme le propose le président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, ce que refuse pourtant le ministre de l’éducation nationale.
Je vous invite bien évidemment à intensifier la vaccination, dans toutes ses dimensions, y compris l’obligation, mais aussi à ne pas négliger les autres mesures qui permettront de transformer la vague en vaguelette. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question concerne notre politique de prévention des inondations et les moyens financiers pour la mettre en œuvre.
La compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi), confiée aux intercommunalités depuis sept ans, a permis d’apprécier finement les risques encourus par les populations et les investissements indispensables pour les protéger.
Elle s’appuie sur une ressource optionnelle pouvant aller jusqu’à 40 euros par habitant, dont nous savons tous ici qu’elle n’est pas à la hauteur des enjeux. Nous l’avons encore souligné lors de l’examen du projet de loi Climat et résilience.
Les élus des territoires de faible densité, avec des linéaires de cours d’eau capricieux, tirent la sonnette d’alarme. Ils ne parviendront pas à assurer la sécurité de leur population face aux risques d’inondation.
Permettez-moi, mes chers collègues, de vous donner l’exemple de la communauté de communes Alpes Provence Verdon. Les besoins d’entretien des digues pour 2021 se montent à 950 000 euros, soit le plafond des ressources possibles. Les investissements à venir sont estimés à 10 millions d’euros a minima, avec un reste à charge écrasant. Combien, dans notre pays, de communautés de communes comme celle d’Alpes Provence Verdon ? Combien de communautés de communes comme celle de Jabron-Lure-Vançon-Durance ? Combien comme celle du Sisteronais-Buëch ? Il y en a beaucoup !
Mes chers collègues, la prévention des inondations nécessite une solidarité nationale pleine et entière.
Monsieur le secrétaire d’État, non, les ressources Gemapi ne sont pas sous-utilisées. Elles sont mal réparties et profondément inégalitaires, faisant peser une imposition importante sur des populations qui n’ont aucune assurance que leur sécurité soit garantie.
Non, les ressources Gemapi ne sont ni suffisantes ni à la hauteur des enjeux climatiques. Les régions ne se précipiteront pas pour reprendre la gestion de la compétence !
Mes chers collègues, hélas, le réchauffement climatique et la violence d’intempéries futures n’attendront pas que toutes nos collectivités aient les moyens de prévenir les risques mortels d’inondations pour faire des ravages.
M. le président. Posez votre question.
M. Jean-Yves Roux. Aussi, monsieur le secrétaire d’État, que pouvez-vous proposer rapidement pour prévenir, avec les collectivités concernées, ces risques mortifères dans nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la ruralité.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Roux, vous l’avez rappelé, la loi Maptam, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, a créé une taxe destinée à financer la Gemapi, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. Je me souviens d’ailleurs que l’amendement ayant institué cette taxe avait été adopté par le Sénat, après plusieurs rapports sénatoriaux et un travail de fond conduit avec le Gouvernement.
Les principes sur lesquels repose la taxe, qui n’ont pas changé depuis 2014, restent pleinement valables. Premier principe, il s’agit d’une recette locale pour une problématique locale. La gestion relative au risque d’inondation n’est pas de même intensité partout ; elle n’existe d’ailleurs pas partout. Le Gouvernement reste attaché à ce que le financement de la compétence relève bien des décideurs locaux et non pas des décideurs nationaux.
Second principe, cette taxe est facultative, tous les EPCI n’ayant pas les mêmes besoins pour ce qui concerne cette taxe, du moins pas dans les mêmes proportions. Par ailleurs, tous les territoires ne sont pas organisés de la même manière : certains EPCI gèrent directement la compétence ; d’autres le font au travers de syndicats de rivière, voire de plusieurs syndicats ; d’autres encore la financent par le biais de contributions budgétaires.
Troisième principe, le plafond de cette taxe a été fixé à 40 euros par habitant et par an, ce qui permet de limiter la pression fiscale.
J’observe que les capacités de la taxe Gemapi ne sont d’ailleurs pas intégralement mobilisées. En 2020, 603 intercommunalités percevaient la taxe pour 204 millions d’euros, soit moins de 6 euros par habitant. Ainsi, dans les Alpes-de-Haute-Provence, cinq intercommunalités sur huit l’ont instaurée. La communauté de communes Alpes Provence Verdon a perçu 638 000 euros, le plafond étant de 940 000 euros. La communauté de communes Jabron-Lure-Vançon-Durance a prélevé 48 000 euros, pour un plafond de 239 000 euros, tandis que celle du Sisteronais-Buëch a perçu 149 000 euros, pour un plafond de 1,2 million d’euros.
Pour autant, j’en suis conscient, monsieur le sénateur, il existe des marges de manœuvre. Toutefois, l’enjeu est spécifique à la montagne. J’observe que, pour ce qui concerne les intercommunalités des départements alpins, la plupart d’entre elles ont institué cette taxe.
Je m’engage donc à examiner avec vous et de très près les conditions et les marges de manœuvre actuelles, afin de vérifier qu’elles sont bien adaptées ou, au contraire, nécessitent des évolutions opportunes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
décision du conseil d’état relative à l’action de l’état en faveur du climat (i)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarités et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports.
Le 1er juillet dernier, le Conseil d’État a donné neuf mois, seulement neuf mois, à l’État français pour définir de nouvelles mesures de politiques publiques lui permettant de tenir ses engagements climatiques. Nous venons par ailleurs d’examiner ici la loi Climat et résilience, très vaguement inspirée des travaux de la Convention citoyenne pour le climat. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pour ce qui concerne cette loi, l’étude d’impact et l’avis du Haut Conseil pour le climat sont sans appel : elle ne permet pas d’atteindre les objectifs internationaux sur lesquels la France s’est engagée dans le cadre de l’accord de Paris. Les projections nous font espérer, au mieux, une réduction de 30 % à 35 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, loin de l’objectif de 2015 – une réduction de 40 % –, et encore bien plus loin du nouvel objectif fixé par le Conseil européen, à savoir une réduction de 55 %, toujours d’ici à 2030.
Ma question est donc simple, monsieur le ministre. Le Gouvernement doit maintenant faire au Parlement de nouvelles propositions pour que la France tienne ses engagements. Comment, concrètement, comptez-vous donc procéder ? Pour éviter une réponse un peu floue – ça peut arriver ! –, je poserai deux questions complémentaires plus précises.
Allez-vous, dans le cadre de la navette parlementaire et de la commission mixte paritaire, chercher à garder les mesures les plus ambitieuses qu’a proposées le Sénat, comme la dotation climat pour les collectivités ou la TVA à 5,5 % sur les billets de train, ce qui renforcerait déjà la loi ? Néanmoins, cela ne suffirait pas !
Ma seconde interrogation sera binaire : préférez-vous utiliser la loi actuelle ou bien, au contraire, mettre en chantier, au cours des neuf mois qui viennent, une vraie loi Climat,…
Mme Sophie Primas. Ah non !
M. Ronan Dantec. … afin de répondre à l’urgence climatique ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Un sénateur Les Républicains siffle.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur Dantec, il est devenu fréquent que les juridictions se prononcent sur les actions engagées par les gouvernements. Tel a été par exemple le cas en Allemagne, où le juge constitutionnel a censuré la loi pour insuffisances en termes d’action climatique.
Tel n’est pas le cas en France, puisque le Conseil d’État nous fait simplement injonction de mettre en œuvre complètement les mesures qui sont d’ores et déjà engagées dans le cadre du plan de relance, et notamment les mesures inscrites dans le cadre du projet de loi Climat et résilience.
Vous le savez, dans le plan de relance, 30 milliards d’euros sont consacrés à notre action en faveur du climat, avec, d’ores et déjà, depuis 2019, des résultats dans le domaine industriel, en particulier dans le bâtiment.
S’agissant des transports, les faits parlent pour eux-mêmes. Depuis 2017, nous avons réengagé plus de 75 milliards d’euros d’investissements en faveur du système ferroviaire.
Pour ce qui concerne les véhicules individuels, qui émettent, vous le savez, 50 % des émissions liées aux transports, nous soutenons l’une des transformations les plus rapides de l’industrie automobile, avec un plan massif de déploiement des bornes, le soutien aux constructeurs et des aides inédites pour les consommateurs.
L’année dernière, nous avons baissé le niveau d’émissions de 15 % par rapport à l’année précédente. Ces mouvements s’accéléreront encore à la suite des annonces des constructeurs français.
Nous serons au rendez-vous de cette transformation, monsieur le sénateur, et de cette révolution dans les transports et dans l’énergie. Nous serons au rendez-vous des exigences accrues que présentera la Commission européenne dans les toutes prochaines semaines. (MM. Alain Richard et Thani Mohamed Soilihi applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.
M. Ronan Dantec. Monsieur le ministre, le Conseil d’État vous demande d’en faire plus, vous nous répondez en évoquant ce que vous faites déjà. Cela ne colle pas ! Si vous manquez d’idées, je vous propose de lire la vraie loi Climat proposée par le groupe écologiste, qui indique comment on pourrait atteindre une réduction de 55 % de nos émissions en 2030. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
filière bois
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)
M. Franck Menonville. Monsieur le ministre, le redémarrage de l’économie mondiale exerce une pression sur les matières premières, dont nous sommes souvent dépendants, entraînant ainsi des difficultés d’approvisionnement pour nombre d’entreprises.
Nous avons pourtant au cœur de nos territoires une matière première de qualité en quantité : le bois. Pourtant, cette filière est confrontée à de graves difficultés d’approvisionnement. Faut-il le rappeler, la forêt française est la quatrième surface boisée de l’Union européenne. Notre filière bois représente 440 000 emplois, 60 000 entreprises et 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Or la demande mondiale grandissante pour nos essences, et particulièrement nos chênes, et l’absence de régulation de nos exportations entraînent de lourdes conséquences sur nos territoires.
En effet, à l’heure actuelle, un chêne récolté sur trois part en Chine sans transformation ni valeur ajoutée pour le territoire. Force est de le constater, les scieries sont contraintes de fonctionner en sous-régime. Elles sont appelées à chômer et fonctionnent aujourd’hui à 60 % de leurs capacités de production. La région Grand Est se trouve particulièrement concernée, du fait de la proximité des ports belges.
Face à ce phénomène, de nombreux pays réagissent, afin de protéger leur filière. Je pense notamment aux États-Unis et à la Russie, qui ont déjà mis en place des mesures de protection.
Pendant que la Chine importe nos bois, elle protège ses forêts et y investit pour l’avenir. Même si la labellisation Union européenne a porté ses fruits dans la forêt publique, ce n’est absolument pas suffisant à ce jour !
Monsieur le ministre, il est donc urgent d’agir. Si aucune mesure de régulation n’est prise, c’est toute la filière qui sera touchée. Que comptez-vous faire pour préserver et mieux valoriser nos ressources et, ainsi, mieux garantir l’approvisionnement de la filière ? Si rien n’est fait, des entreprises disparaîtront ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Franck Menonville, je vous remercie de pointer du doigt ce sujet très compliqué, qui suscite une profonde inquiétude pour l’ensemble de l’activité forestière de notre pays.
Du fait de la tension sur les marchés des matières premières, nous voyons arriver des traders qui viennent spéculer sur les offres de vente de bois, particulièrement les grumes de chêne, mais aussi d’autres essences forestières. Ce faisant, ils captent la ressource forestière et empêchent les scieries de notre territoire de la transformer.
Ce sujet, que nous connaissons depuis longtemps, prend des proportions considérables et constitue une véritable source d’inquiétude.
Premièrement, nous avons réuni à plusieurs reprises la filière, pour mettre en place des dispositifs, tels que le label Union européenne. Toutefois, ce dernier ne concerne que le chêne et seulement dans les ventes publiques. L’Office national des forêts (ONF) est déjà engagé dans ce dispositif et plusieurs vendeurs privés y entrent aujourd’hui.
Deuxièmement, la contractualisation, qui doit être amplifiée, constitue un élément important. Si elle est nécessaire, elle ne sera pas suffisante à court terme, car elle prend du temps.
Troisièmement, il convient de porter le sujet au niveau européen, et je m’y emploie en tant que ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Vous l’avez dit, d’autres puissances forestières ont pris des mesures.
Quatrièmement, il est nécessaire de mettre en place des certificats de qualification – le Sénat a récemment adopté une telle mesure –, pour que seules les personnes bénéficiant de ces certificats puissent répondre aux appels d’offres. Souvenez-vous de la loi Macron dans le BTP ! (M. Stéphane Piednoir ironise.) C’est exactement la même logique que vous avez adoptée, mesdames, messieurs les sénateurs, sur ce sujet.
Il nous faudra peut-être aller encore plus loin. Je pense notamment à d’éventuelles mesures fiscales, dont nous débattrons. Quoi qu’il en soit, soyez-en sûr, monsieur le sénateur, il s’agit d’un vrai sujet de préoccupation, que nous prenons à bras-le-corps avec les acteurs de la filière. Notre bois français doit bénéficier à notre forêt française. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)
protection judiciaire de la jeunesse et laïcité
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le garde des sceaux, un rapport récent de l’inspection générale de la justice dresse un bilan catastrophique de la situation dans les structures d’accueil pour jeunes mineurs. Ce rapport concerne toutes les formes de structures d’accueil pour mineurs : foyers, centres éducatifs fermés, publics ou associatifs.
On apprend dans ce rapport, étayé de nombreux exemples, que la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est en proie au séparatisme religieux.
Que nous disent leurs auteurs ? Que des repas confessionnels sont proposés aux mineurs sans autorisation ni demande ; qu’un protocole ramadan est rédigé par les éducateurs, en totale contradiction avec les règles de la protection judiciaire de la jeunesse et de la fonction publique ; que des éducateurs, parfois agents publics, s’auto-attribuent le rôle de conseiller spirituel ; que certains de ceux qui sont chargés d’éduquer refusent de serrer la main de leurs collègues féminines ; que des éducateurs font la morale aux jeunes, car leur comportement n’est pas conforme aux préceptes religieux.
Les inspecteurs généraux ont découvert également qu’il n’est pas inhabituel que des candidats présentant des casiers judiciaires chargés, ou signalés pour des suspicions de radicalisation, se présentent au concours ou pour occuper des fonctions contractuelles auprès des mineurs.
Monsieur le ministre, la PJJ connaît de graves difficultés et ce sont vos services d’inspection qui le constatent et l’écrivent. Le principe de laïcité s’impose à tout agent de l’État, a fortiori lorsqu’il a un rôle d’éducateur.
Pourquoi êtes-vous resté silencieux sur les conclusions de ce rapport ? Qu’avez-vous fait depuis sa publication ? Pensez-vous que ces pratiques communautaristes aident les jeunes confiés à la PJJ à se réinsérer dans notre société ? Pensez-vous qu’il faille mettre un terme aux dérives communautaristes de la PJJ ? Le cas échéant, comment comptez-vous vous y prendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, c’est le ministère de la justice qui a demandé ce rapport.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. En effet, un certain nombre d’éléments nous faisaient craindre les exemples absolument désastreux que vous stigmatisez à juste titre et que je stigmatise également.
Avant la remise de ce rapport en janvier 2021, j’avais rédigé, en décembre 2020, une première note rappelant à quel point la laïcité est absolument essentielle, particulièrement à la PJJ, pour des raisons qu’il n’est pas besoin de développer davantage.
J’ai rédigé ensuite une deuxième note, en date du 11 décembre 2020, pour redire à quel point la laïcité était importante et pour rappeler les règles.
Une fois ce rapport transmis, nous en avons tiré un certain nombre de conclusions immédiates. Tout d’abord, nous avons engagé des procédures disciplinaires, qui sont en cours. Elles entraîneront bien évidemment, si les faits sont confirmés, les sanctions qui conviennent.
Ensuite, j’ai élaboré un plan d’action destiné à la PJJ, qui prévoit, bien sûr, la réaffirmation des principes de laïcité. Sur l’espace intranet dont je suis à l’origine, j’ai répondu à toutes les questions que pouvaient se poser les éducateurs face aux revendications des mineurs.
Enfin, nous avons clarifié le cadre juridique, pour une meilleure appropriation par les personnels des règles applicables. Je vous informe que le Conseil d’État sera saisi de cette question. Nous souhaitons bien évidemment que ces chantiers aboutissent le plus rapidement possible. Je suis à votre disposition pour vous communiquer tous les éléments qui sont à ma disposition. (M. Stéphane Piednoir ironise.)
Je le précise, ce que l’on a pu lire dans la presse est exagéré par rapport aux conclusions rendues par l’inspection générale de la justice, qui montre une fois encore son indépendance, tout en nuançant ce que vous nous présentez comme une véritable catastrophe.
Certes, face aux dysfonctionnements relevés, je prendrai toutes les mesures qui s’imposent, y compris des mesures disciplinaires. Sachez-le, madame la sénatrice, le Gouvernement est particulièrement attentif aux questions de laïcité, surtout quand elles concernent les enfants ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le ministre, j’aurais aimé vous entendre dire que vous alliez demander à la PJJ d’apprendre aux jeunes à aimer la France (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE.) – c’est ce qu’on devrait leur apprendre –, à participer à un destin commun et à aimer nos valeurs et nos principes.
Je vous ai signalé qu’un certain nombre de personnes emmenaient les jeunes sur le chemin du communautarisme. Selon moi, ils méritent mieux que cela. Vous m’avez donné des réponses très techniques. Remédier à la solution relève de votre responsabilité, comme de celle du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
décision du conseil d’état relative à l’action de l’état en faveur du climat (ii)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur le ministre, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’a eu de cesse, ces derniers mois, d’interpeller le Gouvernement sur l’inadéquation de son action avec les engagements internationaux de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, objectif désormais fixé à 55 % dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe et inscrit dans la loi Climat, après l’adoption d’un amendement par le Sénat.
Lors de l’examen de ce projet de loi Climat, dont le Haut Conseil pour le climat a souligné le manque d’ambition, le Gouvernement reconnaissait lui-même que ce texte ne permettrait pas à lui seul de respecter ses engagements. Mais nous étions invités à analyser la politique gouvernementale dans son ensemble, pour en comprendre la réelle portée.
Or, c’est précisément, comme l’a rappelé Ronan Dantec, ce que vient de faire le Conseil d’État dans une décision historique sans précédent.
Le 1er juillet, il a ainsi fixé un ultimatum à l’État français – celui-ci devra agir dans les neuf mois –, en enjoignant au Premier ministre de « prendre toutes les mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre ». L’heure est donc à l’urgence.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer la volonté du Gouvernement de maintenir dans la loi Climat l’inscription, à la suite de l’adoption du Pacte vert européen, d’une réduction de 50 % des émissions de gaz à effet de serre ? Au-delà de l’injonction du Conseil d’État, quelles mesures complémentaires envisagez-vous pour atteindre ce nouvel objectif ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. Monsieur le sénateur, je vais redire ce que j’ai dit précédemment : nous serons au rendez-vous des exigences que nous sommes en train de bâtir, notamment au niveau européen, avec un renforcement des mesures que nous prenons pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer la qualité de l’air.
Vous le savez, depuis 2019, nous enregistrons des résultats dans les secteurs du bâtiment et de l’industrie. Nous avons engagé de très grandes transformations, notamment dans les secteurs du transport et de l’énergie.
Elles ont mobilisé des moyens importants, à hauteur de 75 milliards d’euros sur dix ans, dans le secteur ferroviaire. Nous avons mis un terme au sous-investissement chronique que nous connaissions jusqu’à présent, en relançant des politiques écologiques qui n’étaient plus financées et ne trouvaient plus leur public. Je pense notamment au fret ferroviaire, aux trains de nuit, ainsi qu’aux petites lignes ferroviaires.
Par ailleurs, nous avons engagé une très grande transformation technologique et industrielle autour de la filière automobile. Celle-ci, vous le savez, représente 50 % des émissions liées au transport, lesquelles représentent elles-mêmes 30 % des émissions nationales.
Nous serons donc au rendez-vous. Nous avons bâti des dispositifs de soutien pour que l’ensemble des Français aient accès à des véhicules à des coûts abordables. Je le redis ici, quand vous cumulez le bonus électrique, les primes à la conversion et les aides des collectivités pour un véhicule électrique neuf, vous pouvez recevoir jusqu’à 19 000 euros de primes.
Nous structurons un marché de l’occasion ; nous déployons très massivement des bornes de recharge ; l’ensemble du tissu industriel, les constructeurs français et européens, ont pris des engagements permettant d’accélérer très substantiellement ce qui était, voilà quelque temps, les courbes de référence.
Je le répète, nous serons au rendez-vous, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour la réplique.
M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur le ministre, la communication ne doit pas se substituer à l’action. L’heure du bilan du quinquennat en matière environnementale approche, et la politique de transition écologique ressemble de plus en plus à un renoncement écologique, voire à une illusion écologique.
Renoncement au respect des échéances ; renoncement à la nécessité de changer nos logiciels pour produire, consommer et travailler différemment ; renoncement à cette belle ambition du développement durable, qui conjugue les performances éthiques et les justices économique, environnementale et sociale.
Sachez-le, dans les collectivités que nous administrons, nous serons au rendez-vous, dans un an, pour faire ce que vous n’aurez pas fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
vaccination obligatoire des soignants
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Florence Lassarade. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, selon Santé publique France, alors que 92 % des médecins généralistes sont vaccinés contre la covid-19, seulement 57 % des professionnels des Ehpad, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, et 64 % des professionnels des établissements de santé ont reçu au moins une dose de vaccin contre la covid-19.
La couverture vaccinale des soignants reste insuffisante, et on a déjà pu observer une reprise épidémique dans certains Ehpad.
En Italie, la vaccination a été rendue obligatoire pour les soignants au mois de mai ; ils sont désormais 98 % à avoir reçu une première dose. Le Royaume-Uni a annoncé qu’il allait rendre obligatoire la vaccination complète contre le coronavirus pour toutes les personnes travaillant dans les maisons de retraite.
Madame la ministre, l’obligation vaccinale en France ne serait en aucun cas une nouveauté ! La première fois qu’une loi a imposé l’obligation vaccinale, c’était en 1902 pour protéger la population contre la variole. Cette mesure a disparu avec l’extinction de la maladie.
Agnès Buzyn a rendu onze vaccins obligatoires pour les nourrissons, ce qui a contribué à renforcer la confiance des parents dans les vaccins.
Quatre vaccins sont déjà obligatoires pour les soignants : l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite.
Dans un arrêt rendu le 8 avril 2021, la Cour européenne des droits de l’homme souligne que l’obligation vaccinale est « nécessaire dans une société démocratique », lorsqu’il y a un impératif de santé publique.
Alors que la menace d’une quatrième vague épidémique liée à la propagation du variant delta, voire du variant epsilon, se profile, allez-vous rapidement proposer, madame la ministre, de rendre la vaccination contre la covid-19 obligatoire pour les professionnels de santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l’autonomie. Madame la sénatrice Florence Lassarade, à ce jour, un lit de réanimation sur cinq est encore occupé par un patient atteint de la covid-19. Si cette part continue de baisser, fruit des efforts consentis par les Français, on en conviendra, l’émergence de nouveaux variants, plus contagieux et potentiellement plus mortels, nous oblige à redoubler de vigilance, vous avez raison.
Dans ce contexte, la protection des plus vulnérables, quel que soit leur statut, est vitale et, donc, prioritaire. Leurs soignants et leurs accompagnants doivent se faire vacciner, nous en sommes convaincus. C’est un impératif qu’il me semble nécessaire de rappeler. Pourtant, la couverture vaccinale des soignants est plus faible que celle de la population générale.
Alors que 81 % des résidents des Ehpad sont vaccinés – nous avons choisi sciemment de commencer par eux cette campagne vaccinale –, seulement 60 % des professionnels de santé, même s’il y a eu un rebond ce mois-ci, sont vaccinés. Malgré une forte progression, ce taux est nettement insuffisant, vous avez raison de le souligner. Par ailleurs, il existe de très grandes disparités d’un établissement à l’autre.
Je lance de nouveau en cet instant un appel solennel aux soignants, notamment en Ehpad, à se faire vacciner. C’est un sujet de responsabilité qui nous oblige tous. La situation pourrait nous contraindre à une obligation vaccinale, par voie légale, des soignants.
À cet égard, nous avons souhaité lancer une large concertation, car cette obligation vaccinale ne se fera pas sans consensus. À ce titre, je recevrai cet après-midi avec Olivier Véran les ordres professionnels, les fédérations hospitalières et les Ehpad. Le Premier ministre recevra jeudi, sur ce sujet, l’ensemble des présidents des groupes parlementaires et des associations d’élus.
Pour autant, je crois utile de le rappeler, la vaccination obligatoire, vous l’avez dit, n’est pas nouvelle, puisqu’elle concerne déjà les soignants. C’est d’ailleurs une mesure de bon sens. Ainsi, quatre vaccins sont obligatoires – il s’agit de la diphtérie, du tétanos, de la poliomyélite et de l’hépatite B –, tandis que six autres sont très fortement recommandés – la rougeole, la rubéole, la varicelle, la coqueluche et la grippe. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Je vous invite donc de nouveau à relayer cet appel à vacciner. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour la réplique.
Mme Florence Lassarade. La concertation, c’est bien. La décision et l’action, c’est tout de même beaucoup mieux, et impératif désormais ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
dissolution de l’établissement public du haras du pin
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question concerne le Versailles du cheval, le Haras national du Pin, bien évidemment cher au cœur des Normands et de notre président Gérard Larcher. (Sourires.)
Je voudrais d’abord remercier les ministres Jacqueline Gourault et Julien Denormandie d’avoir engagé, par lettre rectificative au projet de loi 3DS, projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique, la dissolution de l’établissement public administratif du Haras du Pin, qui ne donnait pas satisfaction.
Ils ont ainsi répondu à l’appel du député Jérôme Nury du président du conseil départemental de l’Orne, Christophe de Balorre et du président de la région, Hervé Morin. Les collectivités – département et région – ont ainsi souhaité reprendre en main la mise en place d’un projet ambitieux touristique et sportif.
Ce texte est discret sur les délais d’exécution. Compte tenu de l’importance de ce dossier pour le département de l’Orne, mais aussi pour l’Institut français du cheval et de l’équitation et pour l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, il est important que le Gouvernement s’engage sur un calendrier précis.
Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager sur la dissolution effective de l’établissement public au plus tard dans les six mois de la promulgation de la loi, avec un transfert concomitant des biens immobiliers à l’État et des biens mobiliers au département de l’Orne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Nathalie Goulet, ma réponse sera très claire.
Premièrement, le Gouvernement soutient pleinement le projet, et je vous remercie de vos propos.
Deuxièmement, ce projet devra se faire le plus rapidement possible. La date précise sera d’ailleurs discutée dans le cadre des amendements déposés sur le projet de loi 3DS.
Troisièmement, ce calendrier devra être compatible avec l’ensemble des échéances à court et moyen terme que nous devons respecter. Il implique le beau territoire normand, mais aussi l’Institut français du cheval et de l’équitation et la renommée internationale de notre pays. Je pense notamment à des sujets que vous suivez de près, comme les championnats mondiaux qui se tiendront dans les prochaines années.
Je le répète donc très clairement : ce projet doit se faire, et le plus rapidement possible. J’en veux pour preuve la lettre rectificative au projet de loi, qui a été présentée par le Gouvernement en conseil des ministres. Il s’agit en effet de veiller à ce que l’insertion d’une telle disposition au sein du projet de loi ne puisse être remise en cause.
C’est la preuve la plus précise, la plus forte, du soutien du Gouvernement à ce projet. Pourquoi un tel soutien ? Deux raisons y président.
Tout d’abord, je voudrais le souligner, les élus locaux, les collectivités locales, de ce beau département de l’Orne et de cette région Normandie soutiennent depuis des années ce projet ; et ils ont raison ! Je voudrais leur rendre hommage.
Ensuite, le haras du Pin – je le connais bien, y compris à titre personnel – est un joyau qui date de plusieurs siècles, un lieu d’exception et d’expertise, qui a connu de grands vétérinaires, monsieur le président (Exclamations amusées.), et des heures de gloire. Il nous faut absolument le faire perdurer.
Ce projet est un très beau projet ; nous le soutiendrons totalement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, j’ai rappelé votre engagement ; je vous ai d’ailleurs remercié, ainsi que Jacqueline Gourault. Mais une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance ! C’est la raison pour laquelle je posais de nouveau la question.
Vous avez évoqué les événements internationaux qui vont se dérouler au haras du Pin, dont les championnats du monde. De ce point de vue, tout retard sera extrêmement préjudiciable. Vous savez que faire et défaire, c’est toujours travailler : nous avions défendu les mêmes arguments au moment de la création de l’établissement public à caractère administratif, qui s’est avéré ne pas fonctionner.
C’est vraiment très important. Nous vous faisons confiance, mais il faudra assurer la mise en place de ce projet dans un délai qui ne soit pas celui du refroidissement du fût du canon ! (Sourires. – Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
législation russe relative à l’appellation du champagne
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Ma question, à laquelle j’associe l’ensemble des sénateurs des départements de l’appellation « champagne », s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, d’aucuns se souviendront de la condamnation, en 1993, par la cour d’appel de Paris, d’une grande maison de couture française, jugée coupable d’avoir nommé l’un de ses parfums Champagne.
Trente ans plus tard, la question de la protection de l’intégrité de cette appellation est de retour dans l’actualité.
En effet, une loi signée le 2 juillet dernier par le président de la Fédération de Russie interdit désormais aux bouteilles importées de l’étranger de faire figurer la mention traduite en russe du mot « champagne » et en laisse l’usage exclusif aux producteurs russes, tout en reléguant l’original français au rang de « vin mousseux ». C’est un comble pour cette appellation d’origine contrôlée, dont la reconnaissance de la paternité champenoise a pris plusieurs siècles !
Le comité interprofessionnel du vin de Champagne a annoncé suspendre ses exportations vers la Russie tant que ce conflit commercial n’aura pas trouvé de résolution satisfaisante.
En s’arrogeant un patrimoine vinicole dont la France est l’exclusive titulaire, la Russie contrevient allègrement aux conventions du commerce international et exerce une pratique concurrentielle déloyale à l’égard de son troisième partenaire économique.
Les producteurs français n’auraient pas la prétention de s’arroger la paternité de la production de bortsch, de vodka ou de caviar de saumon russe ; de même, les producteurs russes sont tenus de respecter le patrimoine étranger protégé et ne sauraient contrevenir aux règles élémentaires du droit du commerce sans encourir les sanctions légalement applicables.
Voici ma question : quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre à l’encontre de la Russie dans le but de garantir l’exclusivité française de l’appellation « champagne » et de restaurer la pleine application du droit du commerce ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Alain Richard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Lefèvre, vous avez raison ; votre diagnostic est juste et vos inquiétudes légitimes quant à cette nouvelle loi russe, qui est très récente – elle date de vendredi dernier.
Julien Denormandie, Franck Riester et moi-même sommes extrêmement mobilisés, tant pour l’analyser très concrètement – c’est un prérequis – que pour en enrayer les conséquences sur les professionnels des vins et spiritueux, en particulier sur nos exportations de champagne. Substituer, même en cyrillique, le mot « mousseux » au mot « champagne », ce n’est pas très convenable, avouons-le ! (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Loïc Hervé. C’est honteux !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je remarque d’ailleurs qu’il ne s’agit pas de la première initiative protectionniste russe dans ce domaine viti-vinicole : nous avons déjà eu l’occasion, au cours des derniers mois, d’exprimer au niveau européen nos préoccupations en matière de respect de nos indications géographiques protégées.
Face à cette situation, nous avons engagé des discussions avec les professionnels. Nous allons dans les jours qui viennent prendre les contacts nécessaires et organiser les rencontres qui doivent l’être avec les autorités russes. Et nous allons agir au niveau européen pour faire en sorte que les intérêts de nos producteurs et nos indications géographiques soient protégés. Nous avons prévu de le faire dès la semaine prochaine lors d’une réunion sur les obstacles à l’accès aux marchés auxquels sont confrontées nos entreprises.
Dans un premier temps, nous allons parler. Si d’aventure c’était nécessaire, c’est-à-dire si aucune solution rapide n’émergeait et si cette loi s’avérait contraire aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), nous n’hésiterions pas à en tirer toutes les conséquences, donc à faire appel devant l’organe de règlement des différends de l’OMC pour faire valoir le respect de nos droits et de nos indications géographiques.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cet engagement et pour cette réponse.
Le Gouvernement a récemment affirmé son engagement aux côtés des viticulteurs français, en deux occasions : lorsque l’administration Trump a brandi la menace d’une augmentation des taxes sur les vins français et au moment de la discorde entre Airbus et Boeing. Sachez maintenir ce soutien !
Il est primordial en effet que ce sujet ne soit pas considéré comme une tempête dans un verre d’eau, mais bien comme un ouragan dans une flûte de champagne ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Viviane Artigalas. Quatre millions de pièces justificatives en attente, des allocataires en difficulté et des agents excédés : vous n’êtes pas sans savoir, madame la ministre chargée du logement, que la mise en œuvre de la réforme des aides personnalisées au logement (APL) connaît de telles difficultés techniques que les personnels des caisses d’allocations familiales (CAF) ont fait grève le 29 juin dernier.
Nous avons tous été alertés par leurs syndicats concernant les nombreux dysfonctionnements techniques que subissent leurs logiciels de traitement, ceux-ci s’ajoutant à une situation déjà fortement dégradée en raison de l’obsolescence de leur système informatique.
Ces difficultés entraînent des retards de traitement et un allongement des délais de versement des prestations familiales, qui représentent souvent une part importante des revenus des allocataires. Elles sont particulièrement prégnantes dans le contexte de crise que nous connaissons ; surtout, elles confirment que la réforme des APL était dès son origine une mesure inadéquate et mal préparée, à défaut d’étude d’impact.
Prévue pour janvier 2020, cette réforme a déjà été reportée de six mois compte tenu de la difficulté de sa mise en œuvre par les CAF. La pandémie de covid-19 a finalement porté ce décalage à un an sans que les moyens qui auraient dû l’être soient pour autant déployés.
Madame la ministre, quand allez-vous accorder aux agents les moyens techniques et humains nécessaires à l’application de cette réforme ? Et quelle compensation prévoyez-vous pour les allocataires sortis trop vite du système ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice Viviane Artigalas, la réforme du calcul des APL en temps réel est une réforme indispensable de modernisation de notre système de protection sociale, qu’elle vise à rendre plus juste et plus réactif.
Elle a effectivement été reportée : elle a été mise en œuvre, opérationnellement parlant, au 1er janvier dernier. Le recalcul d’avril et celui de juillet ont pu avoir lieu dans des conditions globalement satisfaisantes pour les allocataires.
Tout d’abord, les déclarations sont désormais préremplies, ce qui veut dire que les allocataires n’ont plus besoin de transférer les données relatives aux ressources prises en compte depuis la base de l’administration fiscale vers celle des CAF ; ainsi lutte-t-on contre le non-recours en en faisant diminuer le taux.
Ensuite, je partage votre constat quant aux difficultés opérationnelles rencontrées : il y a eu des bugs. Mais ils ont finalement été peu préjudiciables aux allocataires, grâce à un investissement, à une mobilisation et à un engagement très forts des agents des CAF et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), que je salue.
Nous accompagnons ces agents dans la modernisation des systèmes d’information et dans la montée des compétences. Un plan d’action est prévu, placé sous l’égide du directeur général de la CNAF.
Enfin, pour ce qui est du bilan général de la réforme, nous serons en mesure de publier des chiffres dans le courant du mois de juillet concernant à la fois l’évolution de la dépense que représentent les APL, qui est en phase avec nos prévisions initiales, et l’impact sur les allocataires. Nous avons fait très attention à préserver les étudiants et les alternants, jeunes en contrat d’apprentissage et personnes en contrat de professionnalisation. Les ressources des étudiants sont d’ailleurs neutralisées par la réforme, ce qui améliore la situation des étudiants qui travaillent.
Croyez bien que nous suivons attentivement, avec la CNAF, le pilotage au quotidien de cette réforme sur le plan opérationnel. Cette réforme permet d’ajuster au plus près la protection sociale à la situation des assurés. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Madame la ministre, comme d’habitude, tout va bien !
Mais si les moyens étaient à la hauteur des enjeux, il n’y aurait pas autant d’alertes à ce sujet. Les CAF doivent bénéficier des moyens adéquats à l’exercice de leurs missions auprès des usagers. C’est la question de l’accès aux droits des allocataires que nous soulevons ici.
Il n’est pas normal que certains passent d’un seul coup de 192 euros à 14 euros mensuels, puis plus rien, du jour au lendemain, sans compensation – c’est arrivé ! Il n’est pas normal que les retards soient si nombreux alors que la réforme était censée permettre un traitement des dossiers en temps réel !
Il devient usant de constater que ce gouvernement ne reconnaît jamais ses erreurs et que ce sont toujours nos concitoyens les plus précaires qui en paient les conséquences ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Éliane Assassi applaudit également.)
conditions d’accès au master à l’université
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Sandy, une licence de droit, quatre stages, deux contrats de travail, deux mandats associatifs, vingt candidatures en master… zéro admission !
Laurent, quarante-neuf demandes en master et, à ce jour,… zéro admission, c’est-à-dire zéro chance de réussir à concrétiser ses ambitions.
Ce n’est là, madame la ministre, qu’un aperçu de la détresse dont nous sommes témoins depuis des années, et en particulier ces jours-ci : après les cours à distance et la détresse psychologique, l’échec incompris !
Combien d’étudiants tiraillés entre l’angoisse de ne pouvoir construire un avenir et la colère – la frustration, aussi – de voir que leurs efforts étaient vains ? Beaucoup trop, et toujours plus !
Cela, vous le saviez déjà : en 2017, vous aviez même promis de répondre aux conséquences du baby-boom de 2000 en assurant que « tout le monde trouverait sa place ». Eh bien non, « tout le monde » n’a pas trouvé sa place !
Si le processus de sélection ne fait pas débat, la République ne peut tolérer un système nébuleux qui explique à cette jeunesse qu’elle n’est pas à la hauteur !
Vous n’avez su ni anticiper ni gérer, pour ce qui est du nombre de places en particulier – il est insuffisant.
En droit, à Nice, on compte 15 000 candidatures pour… 1 200 places ! Vous annoncez la création de 34 000 places supplémentaires ; c’est bien. Aucune ne concerne la quatrième année.
Que direz-vous à ces étudiants pleins d’espoir lorsqu’ils se retrouveront face aux portes fermées du master ? Cessons cette hypocrisie ! C’est un gâchis monumental que de stopper net l’élan d’étudiants qui ne demandent qu’à poursuivre leurs études.
Le droit au master ne s’envisage plus sans le dépôt d’un recours – le nombre de saisines a crû de 129 % en un an. Dans le meilleur des cas, les étudiants sont obligés d’accepter l’unique « chance » offerte ; ainsi de Patrick, étudiant en psychologie à Nice, contraint d’accepter un master en audiovisuel à Angers !
Soyez la ministre qu’ils attendent : agissez ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – MM. Daniel Chasseing et Franck Menonville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord, au nom de l’ensemble du Gouvernement et en mon nom propre, de m’associer à l’hommage que vous avez rendu au sénateur Laffitte. Vous le savez, je suis particulièrement attachée à la technopole de Sophia Antipolis qu’en véritable visionnaire il avait imaginée.
Vous m’interrogez, madame la sénatrice, sur les conditions d’accès au master. Vous le savez, en 2016, la sélection à l’entrée du master a été consacrée ; le Sénat avait d’ailleurs évidemment voté pour cette proposition. Dans le même temps a été créé, initiative intéressante, un droit à l’accompagnement à la poursuite d’études en master. Autrement dit, la loi prévoit une sélection à l’entrée du master, mais dispose que les étudiants qui le souhaitent doivent être accompagnés afin que leur accès au master soit facilité.
C’est exactement ce que nous faisons, madame la sénatrice. Et, contrairement à ce que vous venez de dire, plus de 4 000 places seront créées en master. Il est très important de rappeler, une fois de plus, que c’est une prise en charge humaine qui prévaudra : ce sont les recteurs qui, en lien avec les établissements et en tenant compte des résultats des étudiants – c’est bien normal, madame la sénatrice –, examinent ce qui peut être proposé. Comme le Gouvernement s’y était engagé, des places seront créées dans les masters les plus sélectifs.
Vous évoquez les masters de droit ; vous n’ignorez sans doute pas que les formations de droit, malgré la réforme du master de 2016, continuaient à accueillir des étudiants en master 1 sans aucune sélection. La sélection n’intervenait qu’entre le M1 et le M2, laissant ainsi les étudiants en plein milieu d’un cursus, d’un cycle. À cette situation aussi c’est ce gouvernement qui aura mis fin ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Alexandra Borchio Fontimp, pour la réplique.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. J’avais pensé, naïvement, qu’en vous donnant à l’avance le sujet de ma question j’obtiendrais des réponses claires susceptibles de rassurer nos étudiants… (Mme Laurence Rossignol applaudit.)
Une seule réponse s’impose : créons des places en master !
J’ai bien écouté vos annonces et resterai bien sûr attentive à leur concrétisation. Vous avez dit que les recteurs étudiaient « ce qui peut être proposé » aux étudiants. Espérons que cette possibilité devienne pour eux quelque chose de vraiment concret : ils sont représentés en tribune aujourd’hui et ont besoin de votre soutien plein et entier. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
impact de la taxe carbone européenne sur la filière aluminium
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. J’associe à ma question mes collègues Stéphane Demilly et Valérie Létard.
La filière aluminium, en France, est en plein développement. Ce matériau est un produit vertueux, car il se recycle à l’infini. Mais 50 % seulement de l’aluminium primaire est produit en France. Or l’Union européenne entend créer un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qu’elle devrait présenter dans les prochains jours.
Cette nouvelle taxe devrait permettre d’aider nos filières de l’acier et du ciment, dont la matière première est produite en France, mais elle viendrait sérieusement peser sur la compétitivité de notre filière aluminium, qui, comme je l’ai dit, importe 50 % de sa matière première.
Très concrètement, cette taxe entraînerait l’augmentation du coût des produits fabriqués en France. Comme elle ne s’appliquerait pas sur les produits transformés, il deviendrait plus économique d’importer le produit fini directement depuis la Chine.
Madame la ministre, c’est donc bien toute la filière de l’aluminium français qui risque d’être sacrifiée au nom d’une taxe qui n’aurait même pas les effets désirés sur le climat, puisque la production serait tout simplement délocalisée en dehors de l’Union européenne, à l’abri de nos règles environnementales !
Que comptez-vous faire pour sauvegarder cette filière d’avenir et protéger la souveraineté industrielle française ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Madame la sénatrice Vérien, vous le savez, le Président de la République défend des positions ambitieuses en matière industrielle devant la Commission européenne et le Conseil européen.
Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières compte parmi ces positions ambitieuses ; il doit permettre aux États membres de protéger leurs industries, qui, produisant en Europe, respectent des contraintes environnementales fortes, contre la concurrence déloyale de pays massivement exportateurs en Europe de produits à fort contenu carbone. C’est particulièrement le cas de l’aluminium, de l’acier et du ciment – vous l’avez dit. Des entreprises comme Aluminium Dunkerque, par exemple, bénéficieraient très fortement de ce mécanisme.
Vous avez raison : l’enjeu est de mettre au point un mécanisme qui permette, à l’intérieur de l’Union européenne, de faire payer leur impact sur l’environnement aux producteurs de marchandises dont la fabrication a causé des émissions carbone qui n’ont été payées par personne. Il faut être attentif, ce faisant, à ce que nos produits réalisés à l’aide de ces matériaux de base – acier, aluminium, ciment – puissent rester compétitifs à l’export.
C’est tout le travail que nous sommes en train de mener avec la Commission européenne : nous portons au niveau européen cette volonté de rompre avec le cercle vicieux qui nous a conduits à augmenter notre empreinte carbone du fait d’importations massives tout en réduisant, en France, notre industrie. C’est bien contre ce cercle vicieux que nous luttons.
Nous serons évidemment attentifs à la situation de l’aluminium ; nous sommes d’ailleurs en discussion avec la filière afin qu’elle puisse bénéficier de ce mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Je rappelle que ce mécanisme crée des recettes pour l’Union européenne et que celles-ci peuvent être utilement employées, par exemple, pour accompagner les filières exportatrices – c’est un des sujets sur lesquels nous travaillons.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour la réplique.
Mme Dominique Vérien. Vous avez évoqué Aluminium Dunkerque ; il s’agit précisément d’une fonderie d’aluminium primaire. Mais je vous parle, moi, de tout ce qui est secondaire, c’est-à-dire des productions de canettes, de machines, de pièces, etc.
J’entends bien que vous souhaitez travailler avec les acteurs du secteur, mais ils attendent toujours de rencontrer Thierry Breton pour parler, justement, de ce cas particulier qu’est l’aluminium. Effectivement, le ciment et l’acier n’ont pas du tout le même problème ; il est donc nécessaire de réserver à l’aluminium un traitement différencié au regard de cette taxe.
J’ai bien entendu que vous aviez entendu la filière ! Nous comptons sur vous. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 21 juillet 2021, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.
Mme Cécile Cukierman. Mon rappel au règlement, monsieur le président, se fonde sur l’article 36 du règlement.
Vous n’êtes pas sans connaître notre position, puisque la présidente de notre groupe, Éliane Assassi, vous a interpellé dès la semaine dernière sur ce que je qualifierai d’utilisation abusive de l’article 40 de la Constitution, ayant conduit, avant le début de l’examen en séance du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS), à ce que plusieurs dizaines d’amendements – plusieurs centaines, oserai-je dire, puisqu’on en compte plus de deux cents – émanant de tous les groupes politiques du Sénat soient jugés irrecevables en application de cet article.
Ces amendements déclarés irrecevables visaient, pour une grande partie d’entre eux, à débattre du rétablissement de la clause de compétence générale et de la faculté de déléguer des compétences d’une collectivité à une autre. Aucun de ces amendements n’avait pour objet d’augmenter quelque dépense que ce soit !
Faut-il rappeler à la commission des finances que bien évidemment aucun de ces amendements ne visait à remettre en cause la règle de l’équilibre budgétaire des collectivités territoriales ? Faut-il rappeler à la commission des finances que les choix des collectivités territoriales et de leurs assemblées délibérantes sont des choix politiques et qu’à budget constant des choix différents peuvent être effectués ?
Nous sommes surpris, par ailleurs, pour ce qui est plus particulièrement de certains amendements.
Notre amendement n° 281 avait été, en son temps, déposé et validé par la commission des finances lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021 ; l’amendement n° 253 avait été validé et débattu à l’occasion de la discussion du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN. Ainsi en est-il également des amendements nos 247 et 256, qui avaient été débattus ici même, en décembre 2019, dans le cadre des débats sur le projet de loi Engagement et proximité.
Monsieur le président, alors que va s’ouvrir la discussion générale, et avant le débat d’amendements, nous voudrions obtenir des explications concrètes.
Pourquoi une telle évolution ? La jurisprudence a-t-elle évolué ? Si oui, à qui doit-on une telle évolution ? La commission des finances n’étant pas une juridiction, elle n’a pas vocation à faire évoluer quelque jurisprudence que ce soit. Nous regrettons en tout cas, à cette heure, de n’avoir reçu ni réponse ni explication de la part du président de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Depuis quelques années maintenant, le Sénat a introduit une certaine transparence en matière d’utilisation des frais de mandat. Cette transparence s’exerce sous l’autorité du comité de déontologie.
Mais il serait également opportun, me semble-t-il, que ce comité soit lui-même transparent et que, lorsqu’il instaure une jurisprudence ou une nouvelle règle, il en informe l’ensemble des sénateurs.
Je vais vous donner un exemple, mes chers collègues, qui concerne en particulier les sénateurs non inscrits. La catégorie 9 du référentiel des dépenses éligibles correspond aux petites dépenses.
Initialement, j’avais moi-même soulevé cette question et l’on m’avait répondu qu’il était possible de remettre une attestation pour l’ensemble de l’année, ce qui est beaucoup plus simple que d’en faire une par mois, une tous les deux mois ou une tous les trois mois.
Or, il y a quelques jours, j’ai reçu une réclamation des experts-comptables me demandant pourquoi je n’avais fait qu’une seule déclaration pour l’ensemble de l’année. Je leur ai répondu que j’avais obtenu l’assurance que l’on pouvait procéder de la sorte. Or ils m’ont certifié, chose absolument stupéfiante, que « le comité de déontologie avait changé de jurisprudence » et qu’il souhaitait dorénavant que les déclarations soient fractionnées, l’information ayant circulé de bouche à oreille entre les sénateurs… C’est extraordinaire !
Évidemment, les sénateurs de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe ne sont au courant de rien !
Je ne suis pas opposé aux changements de jurisprudence, mais il importe dans ce cas que tous les sénateurs en soient informés correctement, c’est-à-dire par écrit. Les sénateurs non inscrits sont les seuls à ne pas siéger dans le comité de déontologie. Rassurez-vous, monsieur le président, je ne réclame pas qu’ils y siègent, je demande seulement de mettre un terme à cette diffusion des informations de bouche à oreille. Dans la mesure où nous ne sommes que deux non-inscrits, nous ne disposons d’aucune source orale d’information !
Je souhaite donc, monsieur le président, que le comité de déontologie, à l’avenir, informe par écrit les élus des changements, ce qui éviterait bien des contrariétés !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Le président du comité de déontologie parlementaire du Sénat, Arnaud Bazin, le lira certainement avec attention !
M. le président de la commission des finances m’a fait savoir qu’il souhaitait répondre au rappel au règlement de Mme Cukierman.
Vous avez la parole, monsieur le président.
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. Je veux tout d’abord dire à Mme Cukierman que je n’ai reçu aucune lettre en tant que président de la commission des finances. Il s’agit d’une lettre qui a été adressée au président du Sénat et dont j’ai reçu une copie, ce qui n’est pas exactement la même chose. Je n’avais donc aucune obligation de réponse.
Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 4D, est un texte essentiel pour nos collectivités territoriales et donc pour le Sénat, qui assure leur représentation.
Il a fait l’objet du dépôt de 1 222 amendements au stade de la commission et de 1 690 amendements en vue de la séance publique.
Environ 16 % de ces amendements ont dû être déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. C’est un taux supérieur à la moyenne, mais qui s’explique par la nature même de ce texte.
Je sais combien ces décisions d’irrecevabilité limitent le débat parlementaire, mais elles résultent directement de la décision du Conseil constitutionnel du 14 décembre 2006, qui impose « un contrôle de recevabilité effectif et systématique au moment du dépôt des amendements ».
Si ce contrôle n’était pas effectif, le Conseil constitutionnel soulèverait lui-même l’irrecevabilité financière, ce qu’il s’abstient de faire au nom de la règle dite du « préalable parlementaire », à laquelle nous tenons. S’il le faisait, comme il le fait d’ailleurs au titre des irrecevabilités de l’article 45 de la Constitution, il y aurait peu de chances que l’initiative parlementaire y gagne.
L’article 40 de la Constitution empêche, en effet, toute création d’une charge publique qui s’entend au niveau de chaque personne publique et ne permet pas, contrairement à ce qui est possible en recettes, de compenser la création d’une charge par la diminution d’une autre charge pour une autre personne publique.
Aussi n’est-il pas possible de procéder, par exemple, à des transferts de compétences entre catégories de collectivités locales, ce qui pourtant relève directement de l’objet de ce texte.
Si, par le passé, certains amendements ont pu être examinés, par exemple dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, et dans la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi Maptam, c’est, dans la plupart des cas, parce qu’ils visaient à rétablir le droit existant et que la recevabilité prend comme base de référence celle qui est la plus favorable au droit parlementaire, qu’il s’agisse du droit existant ou du droit proposé.
Aujourd’hui, il n’est ainsi plus possible de revenir sur la clause de compétence générale, sauf si le Gouvernement en prend l’initiative.
La jurisprudence sur l’article 40 est stabilisée depuis de nombreuses années – j’en suis le dépositaire après d’autres – et les quelques divergences qui ont pu exister avec l’Assemblée nationale ont été aplanies par mes prédécesseurs grâce à des assouplissements de jurisprudence.
Je rappelle, par ailleurs, que le taux d’irrecevabilité au Sénat est constamment inférieur à celui constaté à l’Assemblée nationale, et que, chaque fois que cela est possible, des rectifications sont proposées aux auteurs des amendements pour leur permettre de rendre leurs amendements examinables : j’y suis très attentif.
Par ailleurs, il arrive quelquefois que des amendements échappent à l’article 40, mais ce n’est pas parce que l’erreur a existé dans le passé qu’elle doit se reproduire aujourd’hui avec ce texte !
Le débat doit donc porter non pas sur l’application de l’article 40 par rapport à ce texte, mais, de manière générale, sur la rédaction même de l’article 40 de la Constitution, voire sur son existence, ce qui ne peut se faire qu’en révisant la Constitution.
Je vous engage donc, madame la sénatrice, à déposer une proposition de loi constitutionnelle sur le sujet !
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Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, modifié par lettre rectificative, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (projet n° 588 rectifié, texte de la commission n° 724, rapport n° 723, avis nos 719, 720 et 721).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, chère Françoise Gatel, monsieur le rapporteur, cher Mathieu Darnaud, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, chers Dominique Estrosi Sassone, Alain Milon et Daniel Gueret, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a près de quarante ans, Gaston Defferre présentait ici même, devant la Haute Assemblée, la première loi de décentralisation.
Douze lois ont suivi depuis, défendues par mes prédécesseurs, dont certains siègent sur ces travées… Douze lois qui, au fond, ont porté la même idée que, face aux défis auxquels nos sociétés étaient confrontées, l’action publique ne pouvait plus être menée à distance de nos concitoyens.
Étape après étape, la France a fait le choix de tourner la page de sa longue tradition centralisatrice, qui, comme l’écrivait Michel Rocard, « a façonné à la fois les institutions et les mentalités collectives ».
« Le cadre centralisateur se heurte aux réalités du territoire », écrivait-il encore en 1966. L’acuité avec laquelle ces mots résonnent aujourd’hui nous dit bien à la fois le chemin qui a été parcouru et ce qu’il nous reste à accomplir.
Ces lois, nous en sommes les héritiers. J’en ai moi-même été actrice et témoin tout au long de mes quarante années de vie politique. J’ai vu, comme maire, émerger ce grand élan de l’intercommunalité. J’ai vu les départements monter en puissance et les régions devenir des acteurs incontournables. J’ai vu aussi l’État et ses services déconcentrés s’éloigner.
J’ai également vu grandir cette vague silencieuse, l’abstention, qui, élection après élection, nous place tous devant nos responsabilités… Elle nous oblige à nous saisir de toutes les occasions – ce projet de loi en est une – pour redonner du souffle à notre démocratie et pour répondre à la grande insatisfaction que nos concitoyens expriment par leur silence.
Dans les débats que nous aurons, que je sais riches et nombreux, je tiens à ce que nous gardions toujours à l’esprit cette exigence démocratique.
Ce projet de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, traduit l’engagement du Président de la République de porter une ambition nouvelle pour nos territoires. Cette « nouvelle donne territoriale », c’est celle de la confiance aux territoires, de l’efficacité de l’action publique et aussi de la stabilité institutionnelle.
Je sais la lassitude des élus face à la répétition des réformes institutionnelles depuis 2010, l’impression même d’une réforme continue et sans fin, qui n’a pas permis d’offrir davantage de légitimité ou de lisibilité à l’organisation de nos territoires.
C’est pourquoi je vous le dis d’emblée et en toute honnêteté, car je l’assume : je souhaite, avant toute chose, stabiliser la répartition des compétences et construire des réponses concrètes pour faciliter leur exercice. C’est dans cet esprit que nous avons fait le choix d’une longue concertation.
Pendant plus de dix-huit mois, j’ai parcouru les territoires français, vos territoires, à la rencontre des acteurs et des élus locaux. J’ai ressenti des attentes fortes, souvent des besoins concrets et opérationnels. J’ai surtout entendu un souhait, partagé par l’immense majorité des élus que j’ai rencontrés, de leur permettre d’adapter plus finement leur action aux réalités de leur territoire.
La crise sanitaire nous a d’ailleurs montré à quel point la souplesse et l’agilité étaient des valeurs cardinales dans la coordination de l’action publique.
C’est pourquoi nous avons fait de la différenciation le fil rouge de ce projet de loi.
La différenciation doit redonner toute sa force et son effectivité au principe d’égalité, car « l’égalité, qui crée de l’uniformité n’assure plus l’égalité des chances sur la totalité de notre territoire », comme l’affirmait le Président de la République dès 2017.
Depuis quatre ans, la différenciation aura ainsi été une boussole pour l’action du Gouvernement et pour celle que je mène au service de la cohésion des territoires.
Une République différenciée, j’en suis convaincue, ce n’est pas une République morcelée. C’est, au contraire, une République qui n’est pas aveugle à ses diversités et qui valorise les dynamiques locales sans chercher à les niveler.
Une République différenciée, c’est aussi une République davantage décentralisée, où les compétences des collectivités sont confortées et clarifiées. C’est un État plus agile, plus réactif et plus proche, qui adapte sa réponse et accompagne main dans la main les initiatives des collectivités. C’est aussi une administration publique plus efficace, qui simplifie ses procédures au bénéfice des citoyens.
C’est tout le sens des 4D, pour différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification, qui constituent l’architecture de ce projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter.
Je tenais à vous remercier, mesdames, messieurs les rapporteurs, ainsi que toutes les commissions – en particulier la commission des lois – et l’ensemble des groupes, qui ont mené un travail exigeant et constructif.
Des points importants feront l’objet, je le sais, de débats francs en séance, mais je suis sûre que ce texte de loi sortira grandement enrichi de son examen au Sénat, ici, dans cette chambre des territoires.
Je voudrais vous présenter les grandes orientations que nous y avons inscrites.
Le titre Ier permettra d’adapter l’organisation des compétences des collectivités qui le souhaitent, dans le respect de la Constitution. Il affirme le principe de différenciation qui est, je le redis, la pierre angulaire de ce projet de loi.
Il augmente les possibilités d’extension du pouvoir réglementaire local. Il élargit les dispositifs de participation citoyenne pour faire pleinement confiance à la démocratie locale. Enfin, je souhaite qu’il soit l’occasion de renforcer l’effectivité des conférences territoriales de l’action publique, afin que les collectivités puissent s’organiser librement et définir le bon niveau d’exercice de leurs compétences pour conduire des projets.
L’examen de ce texte n’est délibérément pas le lieu pour revenir sur les débats en matière d’organisation entre communes et intercommunalités qui se sont tenus lors de la discussion de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique entrée en vigueur très récemment.
Le titre II du projet de loi offre de nouveaux moyens aux collectivités pour mener des politiques publiques efficaces de mobilité et de transition écologique. S’agissant des routes, le texte vise à donner toute sa cohérence à la décentralisation intervenue il y a dix ans, en assurant la continuité de la gestion du réseau.
Pour les départements et les régions qui le souhaitent, les préfets poursuivront les concertations locales afin d’assurer une répartition la plus pertinente possible, permettant d’arrêter une carte finale en 2022. L’objectif est simple : renforcer la qualité de service pour les citoyens et limiter le nombre d’interlocuteurs.
Enfin, le texte renforcera l’action des régions en matière de biodiversité et permettra aux maires d’avoir des marges de manœuvre supplémentaires pour réglementer l’accès aux espaces naturels protégés.
Le titre III vise à offrir des outils aux collectivités dans le champ de l’aménagement du territoire.
En matière d’habitat, notre impératif était avant tout de conforter la politique du logement social, pour faire en sorte que les objectifs fixés par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, ne s’éteignent pas en 2025.
La loi SRU a des effets très concrets au bénéfice de nos concitoyens, qui ont besoin de se loger pour un coût abordable, mais aussi pour les communes qui veulent concilier l’accueil de nouvelles populations et le respect des équilibres territoriaux.
Nous proposons une approche exigeante, mais réaliste, en prenant mieux en compte les marges de manœuvre des communes dans le rattrapage. Sur ce sujet, je suis sûre que nous allons trouver ensemble le bon équilibre entre la recherche d’une souplesse nécessaire et la responsabilisation des collectivités dans la production de logement social.
Dans le champ de l’urbanisme, plusieurs articles permettront de renforcer les outils d’intervention dans le tissu urbain existant. Vous le savez, c’est une priorité du Gouvernement et de mon ministère, qui s’incarne dans les programmes pilotés par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Pour conforter le rôle puissant de cet outil, nous accélérerons la récupération par les collectivités des biens sans maître, ce qui est une mesure particulièrement attendue.
Le titre IV a pour objectif de renforcer la cohésion sociale et la sécurité sanitaire.
Il porte une réforme de la gouvernance des agences régionales de santé, rendue nécessaire par le besoin d’une meilleure association des élus qui s’est révélé à l’occasion de la crise sanitaire. Je serai particulière vigilante à ce qu’elle reste équilibrée, comme le Gouvernement l’a proposé dans le texte initial.
Le projet de loi permettra également d’élargir les capacités d’action des collectivités pour renforcer l’offre de soins sur tous les territoires.
Enfin, le Gouvernement est particulièrement attaché à ce qu’il permette l’expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active, le RSA. Il s’agit, je crois, d’un enjeu de justice sociale et territoriale.
Le titre V rappelle des dispositions financières et statutaires classiques.
Le titre VI accompagne notre ambition de renforcer l’action déconcentrée de l’État. Il parachève la politique que nous avons menée depuis 2017 pour remettre l’État au plus près des territoires et lui redonner la capacité d’accompagner « sur mesure » les projets des collectivités.
Cette politique s’est incarnée dans la création de l’ANCT en janvier 2020 et, dernièrement, par la territorialisation du plan de relance et la forte ambition contractuelle qui l’accompagne.
En matière d’aide en ingénierie en faveur des territoires, une disposition facilitera le recours des collectivités au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), qui possède une ingénierie forte, technique et utile, en particulier pour les territoires les moins bien dotés.
Nous proposons également que le préfet de département soit désigné délégué territorial de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) pour unifier la parole de l’État sur les territoires.
Nous aurons, je crois, un débat nécessaire sur les évolutions introduites par la commission sur le pouvoir de dérogation des préfets dans la prise de décision de l’État dans les territoires.
Enfin, un article confortera le programme France Services qui permet le retour des services publics en proximité.
Le titre VII comporte diverses mesures relatives à la simplification de l’action publique, ce qui est une attente forte de nos élus locaux comme de nos concitoyens : accélération du partage de données entre administrations, simplification du fonctionnement des institutions locales et des établissements publics…
Plusieurs mesures permettront de prolonger ou d’élargir des expérimentations. La discussion parlementaire sur l’ensemble de ce titre permettra, je l’espère, d’en enrichir significativement les possibilités.
Enfin, le titre VIII contient différentes dispositions relatives à l’outre-mer, qui sont issues, là encore, d’une vaste concertation et qui répondent à des attentes très précises de ces territoires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, « Quarante ans est un âge terrible. Car c’est l’âge où nous devenons ce que nous sommes », écrivait Charles Péguy. (MM. Jean-Pierre Sueur et Loïc Hervé applaudissent.)
Quarante ans après la première pierre de la décentralisation, nous avons l’occasion, ensemble, de conforter la relation entre la République et ses territoires sans bouleverser leur organisation. Nous avons l’occasion de continuer à tracer ce chemin bien français, qui garantit l’unité républicaine, tout en reconnaissant que la diversité de nos territoires est une richesse inestimable.
Pour cela, le Gouvernement a, depuis 2017, choisi deux modalités d’action.
La première est celle du réarmement des territoires : nous agissons de concert, avec les services déconcentrés de l’État, dans un partenariat efficace et assumé avec les collectivités territoriales. C’est tout le sens de l’action de mon ministère, qui dessine chaque jour un nouvel aménagement du territoire via la contractualisation avec tous les échelons de collectivités, via le déploiement de programmes d’action sur le territoire comme Action cœur de ville, Petites Villes de demain, Territoires d’industrie, France Services, et via le renouveau de l’ingénierie territoriale.
La seconde est l’action législative qui nous permet d’améliorer le cadre d’exercice des compétences. C’est un travail que nous avons commencé lors de la discussion de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, et que nous poursuivons.
Ce projet de loi est un jalon supplémentaire dans cette perspective.
C’est un texte concret, qui propose une boîte à outils pour répondre à des besoins opérationnels et améliorer l’efficacité de l’action publique.
C’est un texte de confiance, construit avec et pour les élus locaux et qui sera, je le sais, enrichi par votre travail parlementaire.
C’est un texte qui incarne l’idée de différenciation, qui est le socle de l’action que nous menons, et qui, j’en suis convaincue, est la seule voie qui nous permettra de garantir une décentralisation vivante, dans laquelle l’envie et l’audace d’agir priment les querelles de périmètres et de compétences.
Action législative et action de terrain sont les deux faces d’une même politique de renforcement et de cohésion de nos territoires. La discussion qui s’ouvre sur ce texte nous permettra, j’en suis certaine, d’avancer ensemble vers cette impérieuse nécessité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Nous voilà donc, madame la ministre, au rendez-vous d’une promesse présidentielle attendue, parfois perdue de vue, grâce à votre ténacité que je salue très sincèrement.
Vous le savez, la bienveillance du Sénat n’a d’égale que son exigence. Faisons fi des 4D et avançons rapidement vers la lettre E, celle de l’efficacité !
L’heure n’est pas à un nouveau bouleversement institutionnel hasardeux, nous en convenons, mais à une décentralisation de la confiance et de la proximité : n’est-ce pas là la leçon que nous devons tirer de la crise des « gilets jaunes », de la crise sanitaire, mais aussi de l’abstention tragique que nous avons connue ces derniers dimanches ?
Inspiré par les cinquante propositions du Sénat, approuvées par plus de 3 200 élus ayant répondu à notre consultation, ainsi que par leurs associations, et à l’inverse du rigorisme normatif et autoritaire des précédentes lois territoriales, le Sénat propose un champ des possibles, cohérent, réaliste, pragmatique et consistant.
Parlons d’abord de différenciation : si celle-ci interroge sur la déclinaison d’uniformité égalisatrice du principe révolutionnaire d’égalité, force est de constater que la différenciation n’est pas une invention redoutable qui fracturerait l’unité de la République. Elle est déjà présente dans la loi Montagne, la loi Littoral et les différentes lois concernant l’outre-mer.
Mais elle ne saurait être un droit des exceptions, elle doit être affirmée comme un élément constitutif de la loi qui définit un champ des possibles.
C’est dans cet esprit que nous avons récrit l’article 1er, trop anodin à nos yeux, et permis désormais la délégation de compétences entre collectivités, la territorialisation au sein de l’intercommunalité et la définition de l’intérêt communautaire.
L’État ne peut plus être un État de circulaires et de règlements sclérosants. Si d’aucuns cultivent encore une défiance à l’égard des élus locaux et de leurs initiatives, force est de constater que ce sont ces élus locaux qui ont permis de tenir pendant la crise aux côtés de l’État.
Quant à la décentralisation, visons juste : pas de big-bang, mais pas non plus de timidité excessive, voire hasardeuse. Si nous visons l’efficacité, recourons à la cohérence par le simple principe de subsidiarité.
Ainsi, essentielle, mais isolée, la médecine scolaire restera défaillante, malgré la qualité de son personnel, si on ne la rattache pas au département qui assure la mission et les solutions de sauvegarde de l’enfance. Même réflexion pour les gestionnaires de lycées et de collèges.
Madame la ministre, nous sommes au pied du mur, l’heure de la vérité ou l’heure de la dérobade et de la désillusion, c’est ici et maintenant !
M. Bernard Delcros. Très bien !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Car vous le savez et nous le savons, c’est le Gouvernement qui détient la clé puisque le Sénat ne peut adopter ces propositions d’évidence et de bon sens sans que vous leviez le gage de l’article 40 de la Constitution.
Madame la ministre, vous nous avez tendu un fil, si ténu soit-il, soyez-en sincèrement remerciée. Le Sénat, à son tour, vous tend la main pour servir et partager une ambition et une exigence, celle de l’efficacité de l’action publique « jusqu’au dernier kilomètre » portée par un État stratège et facilitateur, partenaire de confiance des collectivités et de leurs élus, qui sont de remarquables faiseurs. À défaut d’aller dans ce sens, madame la ministre, la démocratie et la République pourraient se fracturer et fondre comme les icebergs.
Madame la ministre, vous avez et nous avons rendez-vous avec le devoir d’efficacité. C’est ici et maintenant ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quarante années nous séparent effectivement de cette première grande loi de décentralisation travaillée autour de Gaston Defferre.
Si l’horizon peut paraître lointain, il en est de même de l’ambition de ce texte, qui est lointaine des objectifs fixés par le Président de la République au début de son quinquennat en juillet 2017, lui qui nous annonçait un élan en matière de décentralisation et de déconcentration.
Aujourd’hui, devant vous, j’aurais aimé parler des mesures de décentralisation, de déconcentration et de différenciation. J’aurais sûrement été moins allant sur la décomplexification, que le Conseil d’État a préféré traduire en simplification : c’est dire si, là aussi, l’ambition de ce texte n’est pas au rendez-vous !
Pour autant, nous souhaitons faire ici, comme toujours, œuvre utile.
Il y a un peu plus d’un an, nous avons, avec le président Gérard Larcher, fait des propositions en matière de décentralisation, de déconcentration et de différenciation, afin d’être au rendez-vous, de ne pas nous dérober et d’adopter une attitude constructive.
Aujourd’hui, force est de constater que, en dépit de notre volonté, nous sommes quelque peu déçus par la portée du texte que vous nous présentez. Nous nous efforcerons cependant, comme à notre habitude – Françoise Gatel l’a rappelé –, de l’enrichir, ainsi que vous nous y invitez : essayons donc de faire route commune. Mais, pour y parvenir, encore faut-il que le Gouvernement accepte une partie des propositions du Sénat. Je le dis avec force et détermination, parce que, même si le texte peut paraître éminemment technique, un souhait est exprimé par nos concitoyens, par les Françaises et les Français : plus de proximité et plus de clarté de l’action publique, qui leur semble parfois illisible, car trop lointaine.
Nous l’avons dit et redit, nous souhaitions que le préfet de département soit la porte d’entrée de l’État territorial et que les conséquences de la crise sanitaire que nous traversons encore puissent trouver des réponses très concrètes dans ce texte, en particulier au travers de la gouvernance des ARS. Or, là aussi, nous sommes un peu déçus. Nous aurions voulu que le président de région puisse être associé au préfet de région pour gouverner ces ARS et faire en sorte que les problématiques rencontrées chaque jour par les élus sur les territoires soient perçues. Nous aurions également souhaité que des mesures visant à rendre facultatif l’exercice de la compétence « eau » soient proposées, comme le Sénat le demande depuis longtemps.
Enfin, comment parler de décentralisation sans parler des moyens qui permettent aux collectivités d’exercer leurs compétences ? Pourtant, le volet financier est le grand absent de ce texte.
Nous essaierons, là encore, de faire œuvre utile et d’être constructifs, parce que nous sommes convaincus que les Françaises et les Français attendent une plus large décentralisation. Ils veulent que les décisions soient prises au plus proche de leur quotidien, que ce soit au niveau départemental, régional ou du bloc communal et intercommunal.
En effet, contrairement à ce que laisse croire la petite musique que l’on entend, nous sommes là non pas pour déconstruire ce qui existe, mais pour mettre de l’huile dans les rouages, pour introduire des modifications que nous considérons comme salutaires. Il ne s’agit pas de ce que nous pensons, nous, à titre personnel ! Il y a, dans cet hémicycle, 348 hommes et femmes qui représentent l’ensemble des territoires de France et qui ne cessent de nous faire remonter les problématiques singulières qu’ils rencontrent dans leur département. En tant que sénateurs, nous sommes les porte-voix de ces territoires auxquels nous sommes toutes et tous très attachés.
Nous allons engager des discussions et débattre pendant plusieurs jours et semaines ici même. La porte est entrebâillée, mais elle a tendance à se refermer, car vous êtes dans l’incapacité d’entendre certaines de nos propositions. Nous entrevoyons encore un filet de lumière, qui est pour nous porteur d’espoir.
Nous espérons que les débats que nous allons conduire pourront éclairer la politique du Gouvernement et formulons cet espoir collectif que nous pourrons avancer dans un sens utile à nos territoires. Nous attendons donc vos propositions, mais j’oserai dire, si vous me passez cette expression, qui vivra verra ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a reçu de la commission des lois une délégation au fond pour traiter de trois sujets, qui, à eux seuls, auraient pu faire l’objet d’un projet de loi distinct : la révision de la loi SRU, l’évolution des règles d’attribution des logements sociaux et l’extension des compétences des organismes de foncier solidaire (OFS). Notre commission a examiné ces dispositions en s’appuyant sur deux rapports que nous avons rédigés avec Valérie Létard, l’un en mai dernier, sur l’évaluation de la loi SRU, l’autre au printemps 2020, sur l’avenir des OFS.
Concernant la réforme de la loi SRU, le projet de loi présente trois avancées importantes : la prolongation de la loi sans date butoir ; la mise en place d’un rattrapage différencié et contractualisé, grâce à un contrat de mixité sociale signé entre le maire et le préfet ; une réforme des exemptions. Une adaptation était en effet nécessaire, car l’effort demandé d’ici à 2025 était devenu irréaliste pour beaucoup de communes.
M. André Reichardt. Eh oui !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Il fallait néanmoins préserver une loi utile pour soutenir le logement social et assurer sa répartition sur le territoire. Rappelons que, depuis vingt ans, la moitié de ces logements ont été construits dans les communes SRU.
Cependant, l’application rigide de la loi décourage les maires, qui sont pourtant de plus en plus nombreux à s’engager en faveur du logement social, mais qui sont confrontés à des difficultés objectives. C’est la raison pour laquelle la commission a renforcé le couple maire-préfet et les possibilités de différenciation. Le contrat de mixité sociale ne doit être ni limité dans le temps ni soumis à l’accord d’une commission parisienne. Il doit prendre en compte les difficultés et les efforts des communes et rassembler l’ensemble des acteurs locaux. Son respect doit conduire à ne pas prononcer la carence.
Ensuite, la commission a supprimé les sanctions dont la Cour des comptes a démontré l’inutilité et dont l’inefficacité décrédibilise l’application de la loi.
M. François Calvet. Très bien !
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Je pense notamment à la reprise du droit de préemption, des permis de construire, des attributions ou à l’interdiction de construire des logements intermédiaires.
De plus, madame la ministre, il y a un contresens à appauvrir les communes par des sanctions financières alors que l’on voudrait qu’elles fassent plus ! C’est pourquoi nous voulons que les pénalités de carence soient consignées sous le contrôle du préfet pour réaliser de futurs logements sociaux sur le territoire.
Enfin, en concertation avec le Gouvernement, la commission propose une mutualisation des objectifs SRU dans le cadre d’un contrat intercommunal de mixité sociale.
Concernant les attributions de logements sociaux, le projet de loi inscrit les « travailleurs clés » dans les priorités. Cette mesure tire les leçons de la crise sanitaire et renforce le lien entre le logement et l’emploi, qui est l’une des clés du soutien de la population et des élus au logement social.
Au-delà de ce sujet, la commission a adopté trois dispositions pour lutter contre les ghettos. En effet, la loi SRU n’a pas atteint ses objectifs en matière de mixité sociale.
Nous voulons, pour ce faire, favoriser la production des logements les plus sociaux, les PLAI, en les majorant de 50 % dans le décompte SRU, tout en minorant de 25 % les logements les moins sociaux, les PLS.
Nous avons, ensuite, retenu le principe d’une « loi SRU à l’envers ». Dans une commune qui compte plus de 40 % de logements sociaux, il ne devrait plus être possible de construire des logements très sociaux.
Il nous faut, enfin, protéger les résidences les plus fragiles en évitant d’y attribuer des logements à des ménages en difficulté, ce qui reviendrait à ajouter de la pauvreté à la pauvreté.
Concernant les OFS, la commission s’est opposée à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance en vue de faire de ces organismes un outil généraliste d’aménagement pour un large spectre de ménages, sans plafond de revenus.
Au contraire, dans une vision largement partagée par l’association des OFS, le mouvement HLM et un très grand nombre d’élus de terrain, la commission a conforté cet outil permettant la dissociation du foncier et du bâti afin de faciliter l’accession sociale à la propriété. Il s’agit donc d’ancrer les OFS dans le service d’intérêt économique général, qui définit le logement social. L’objectif est de leur permettre d’agir dans des réhabilitations, sur des locaux professionnels en pied d’immeuble, d’élargir le public éligible dans le respect des plafonds HLM et, enfin, de faire en sorte de leur déléguer le droit de préemption urbain.
Au total, la commission s’est inscrite dans une démarche constructive, en saluant les avancées du texte et en travaillant à son amélioration avec le Gouvernement. Mais, vous l’aurez compris aussi, il subsiste de nombreux points de désaccord. Ce sont ces deux dynamiques qui m’animeront lors de l’examen des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a examiné dix articles, qui sont relatifs à la santé ainsi qu’aux compétences sociales et médico-sociales des collectivités territoriales. À l’image du texte, ces dispositions disparates, pour l’essentiel de faible portée, peinent à former un fil conducteur cohérent : certains sujets abordés de manière très ponctuelle feront en effet l’objet de réformes plus globales, comme celles – engagées ou attendues – sur la protection de l’enfance ou le grand âge.
Sur le volet relatif à la santé, notre commission est allée plus loin que les timides mesures proposées sur la place des élus locaux au sein du conseil d’administration des agences régionales de santé. La crise sanitaire nous a montré la nécessité d’un plus fort ancrage territorial des politiques de santé.
À cette fin, nous avons confié la coprésidence de ce conseil au président du conseil régional, aux côtés du préfet de région, ménageant ainsi le statut de ces agences qui sont chargées de mettre en œuvre la politique de santé définie au niveau national.
Nous avons également rééquilibré les voix entre les représentants des collectivités et ceux de l’État.
Nous avons étendu, enfin, les prérogatives de cette instance conformément à sa transformation en conseil d’administration : le projet régional de santé, qui incarne la stratégie de l’agence pour la région, sera soumis à son approbation.
Concernant la participation des collectivités territoriales au financement des investissements des établissements de santé publics et privés, à l’article 32, beaucoup de craintes ont été exprimées, notamment celle d’un désengagement de l’État ou d’un creusement des inégalités.
Nous avons ciblé ce soutien sur les équipements médicaux, clarifié le caractère strictement volontaire de ces financements, qui devront s’inscrire dans la planification territoriale, et identifié des priorités d’intervention selon les échelons de collectivités : le département sur la proximité, la région sur les établissements à rayonnement régional ou national.
Sur le volet social et médico-social, notre commission a supprimé l’article 35, qui expérimentait la recentralisation du financement et de la gestion du revenu de solidarité active, le RSA. Même s’il s’agit de répondre à une demande de la Seine-Saint-Denis, un département asphyxié financièrement par le dynamisme de ses dépenses sociales, la question est avant tout de principe : nous n’avons eu transmission, lors de nos travaux préparatoires, d’aucun élément d’évaluation sur les recentralisations menées depuis 2019 en Guyane, à Mayotte et à La Réunion.
En outre, la question, cruciale, des modalités financières de cette recentralisation reste entière et ne fait pas, à ce jour, l’objet d’un accord entre l’État et les départements.
Nous attendons des clarifications au cours de nos débats.
À l’article 36, la commission n’a conservé que la compétence départementale de coordination du développement de l’habitat inclusif et l’a assortie de leviers plus opérationnels, suggérés par le rapport Piveteau-Wolfrom. Elle a supprimé la compétence départementale de coordination de l’adaptation des logements au vieillissement de la population, une mesure sans doute prématurée alors qu’un projet de loi sur le grand âge est annoncé.
Nous avons également pérennisé l’expérimentation par les résidences universitaires de locations de courte durée pour les publics prioritaires, qui fait aujourd’hui l’unanimité.
Notre commission a enfin supprimé l’article 38, qui transférait la tutelle des pupilles de l’État, aujourd’hui exercée par le préfet de département, au président du conseil départemental. Les conditions d’application de ce transfert dans tous les départements, notamment en termes de moyens, manquaient là aussi de précision. Il nous a semblé, de ce fait, préférable de discuter de l’opportunité de cette mesure dans le projet de loi relatif à la protection des enfants, actuellement examiné par l’Assemblée nationale.
Ainsi, au travers de ces mesures disparates et de ces réformes engagées par « petites touches » par le texte dans le champ sanitaire et social, notre commission des affaires sociales a cherché à rétablir une certaine cohérence et, quand cela était possible, à donner plus d’ambition à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Daniel Gueret, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi, annoncé depuis plus de deux ans, suscitait de fortes attentes de la part des territoires. Comme mes collègues rapporteurs, j’exprime une déception : bien que touffu, le contenu de ce texte est sensiblement en deçà des promesses de « décentralisation », de « déconcentration » et de « simplification » qu’il portait. Surtout, il ne répond pas à l’engagement du Président de la République de rénover la démocratie locale et de rapprocher les décisions du terrain sur des questions d’avenir telles que les transports ou encore la transition écologique.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a tout d’abord examiné au fond des mesures relatives aux infrastructures de transport.
L’article 61 correspond, aux dires des élus locaux que j’ai entendus, à une demande de simplification au niveau local qui permettra d’alléger les finances publiques. J’espère qu’il en sera ainsi.
L’article 9, qui concerne le transfert de la gestion des petites lignes ferroviaires aux régions, a davantage retenu l’attention de notre commission. Cet article précise la possibilité, prévue par la LOM, de transférer aux régions les gares de voyageurs dédiées aux petites lignes. Il permet également le transfert en pleine propriété aux régions des lignes d’intérêt local et régional.
Le sauvetage des lignes de desserte fine est un enjeu capital pour la décarbonation des mobilités et la réduction des fractures territoriales. En revitalisant ces lignes, c’est aussi pour le développement et l’attractivité des communes rurales que nous œuvrons.
Pour assurer la bonne application du dispositif, notre commission a jugé nécessaire d’assortir le transfert de garde-fous à deux niveaux.
D’une part, nous avons souhaité garantir que ces lignes, qui sont partie intégrante du réseau ferré national, continueront à remplir les exigences d’interopérabilité et de sécurité qui s’imposent. C’est pourquoi nous avons prévu en commission l’application d’un socle commun de règles techniques aux régions qui se verront transférer des petites lignes ferroviaires. La transmission de ces informations serait assurée par l’Établissement public de sécurité ferroviaire.
D’autre part, le transfert des lignes et gares doit s’accompagner d’un maintien de la qualité du service. Sur la proposition de Philippe Tabarot, la commission a adopté un amendement tendant à permettre aux régions de conclure un contrat de performance avec les futurs gestionnaires du réseau, sur le modèle du contrat de performance qui existe entre l’État et SNCF Réseau pour la gestion du réseau national.
La protection de la biodiversité figurait également dans le champ de notre examen au fond.
Le transfert de la gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres aux régions, prévu à l’article 13, est l’une des rares mesures de décentralisation proposées dans ce projet de loi. Il est regrettable que le Gouvernement ne soit pas allé plus loin pour outiller les collectivités territoriales en matière d’environnement et de transition écologique.
C’est ce souci qui a conduit la commission à renforcer la place des régions dans le processus de désignation des sites Natura 2000, en cohérence avec leur rôle de chef de file dans le domaine de la biodiversité. Nous avons ainsi introduit la possibilité pour le conseil régional de proposer la création d’un site terrestre et prévu la consultation des régions pour la création de tout site situé sur leur territoire, y compris s’agissant des sites mixtes et maritimes.
À l’article 62, qui concerne le régime de protection des alignements d’arbres situés en bordure de voies ouvertes à la circulation publique, nous avons jugé opportun de mieux concilier la protection du patrimoine paysager et le respect du droit de propriété.
La loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité a interdit d’abattre des arbres situés dans une allée ou un alignement d’arbres bordant une voie de communication. En pratique, ce dispositif peut empêcher des propriétaires d’abattre un arbre situé sur leur terrain. Nous avons donc souhaité en clarifier le champ d’application et prévoir que le régime de protection des alignements d’arbres concerne les « voies ouvertes à la circulation publique, à l’exclusion des voies privées ».
Afin d’enrichir les volets « décentralisation » et « différenciation » du projet de loi, nous avons également souhaité élargir les moyens des petites communes pour agir en faveur de la biodiversité et permettre l’adaptation de certaines normes nationales dans les communes de montagne s’agissant de la « politique du loup ».
En concertation avec la commission des lois et celle des affaires sociales, notre commission a également formulé des propositions sur deux volets du projet de loi : le volet mobilité, qu’elle a souhaité approfondir, notamment par le renforcement des garanties apportées aux collectivités dans le transfert « à la carte » des routes nationales proposé aux articles 6 et 7 du projet de loi ; les politiques environnementales et sanitaires, auxquelles elle a souhaité offrir un meilleur ancrage dans les territoires, notamment en renforçant la place des élus locaux dans la gouvernance de l’Ademe et des agences régionales de santé.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, au même titre que les trois autres commissions, a travaillé dans un esprit très constructif visant à enrichir ce texte, dont nous ne pouvons qu’espérer qu’il ira bien jusqu’au bout de son processus législatif. Quoi qu’il en soit, le Sénat aura été force de proposition et, comme l’a souhaité le président Larcher, au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Didier Marie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Didier Marie. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, après qu’il a changé trois fois de titre – 3D, puis 4D et, aujourd’hui, 3DS –, voici enfin ce texte portant différenciation, décentralisation, déconcentration et diverses mesures de simplification de l’action publique locale ; un texte annoncé il y a plus de deux ans, à la suite du grand débat national orchestré par et pour le Président de la République pour éteindre l’incendie social des « gilets jaunes ». Le Président de la République avait en effet sillonné la France à la rencontre des élus locaux, qui se sentaient bien mal considérés depuis le début du quinquennat et dont on redécouvrait à cette occasion l’importance.
Rappelons-nous les questions alors portées au débat par l’exécutif : y a-t-il trop d’échelons administratifs ou de niveaux de collectivités territoriales ? Faut-il renforcer la décentralisation et donner plus de pouvoirs de décision et d’action au plus près des citoyens ? À quel niveau et pour quel service ? Le tout avec l’ambition affichée par le Président de la République « de changer le mode d’organisation de notre République » et de proposer in fine une réforme de la Constitution.
Ce texte était attendu, alors que la crise sanitaire, économique, sociale et démocratique démontre le besoin de proximité, d’une plus grande coordination de l’action publique entre l’État et les collectivités au plus près possible de la maille territoriale, de plus de démocratie.
Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? La promesse a-t-elle été tenue ? La réponse est sans appel : 83 articles de détails, portés à 158 après examen en commission, constitués de dispositions hétéroclites sans armature ni cohérence. Cela ne fait pas une architecture.
Le Conseil national d’évaluation des normes a rendu un avis très défavorable sur le projet du Gouvernement.
Le Conseil d’État, que l’on a connu plus mesuré, « s’il admet que le texte comporte un certain nombre d’avancées concrètes, est défavorable au regard tant du caractère jugé limité des dispositions qu’il contient, que des sujets qu’il n’aborde pas ».
L’objectif du Gouvernement, plutôt que de proposer un nouvel acte de décentralisation et de déconcentration, est d’entériner la fin des grandes réformes et de tenter de boucher les trous. Or, sous couvert de pragmatisme maquillé en simplification, le texte introduit au final de la complexité supplémentaire en faisant du sur-mesure et en multipliant les dérogations aux textes existants.
Ce texte pèche d’abord par ce qu’il n’aborde pas.
Le premier sujet, le plus important, celui dont parlent tous les élus locaux et toutes les associations représentatives, c’est celui des relations financières entre l’État et les collectivités. Il est abordé à la marge au titre V, composé de trois articles anecdotiques, alors que nous réclamons la présentation au Parlement d’une loi de financement des collectivités locales qui fixerait les dispositions financières, budgétaires et fiscales les concernant, afin de permettre une meilleure lisibilité et une transparence de leur financement et de garantir les moyens de leur action.
La seconde absente, c’est la démocratie locale. Il est étonnant qu’au lendemain d’un déraillement démocratique sans précédent, avec plus de 65 % d’abstention aux élections locales, le texte soit totalement muet sur le sujet, à l’exception de l’article 4 sur le droit de pétition, et qu’une grande partie des amendements que nous avions déposés soient tombés sous le coup de l’article 45 de la Constitution ou aient été repoussés par les rapporteurs, qu’ils concernent la parité, la démocratisation des fonctions exécutives intercommunales ou la participation citoyenne.
Enfin, le texte reste bien pauvre sur les moyens d’améliorer la coordination de l’action publique, faute d’un cadre stable et fiable de dialogue entre l’État et les collectivités, qui fait cruellement défaut depuis l’échec de la Conférence nationale des territoires.
Nous avons, avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, dans nos commissions respectives, tenté d’améliorer ce qui pouvait l’être. Mais les points de satisfaction sont peu nombreux, les rapporteurs ne nous ayant que trop rarement ouvert la porte.
On peut saluer ainsi, au fil du texte, quelques avancées : la possibilité pour les collectivités de verser des aides à l’installation des professionnels de santé ; l’assouplissement de la procédure de délégation de compétences entre l’État et les collectivités ; l’attribution aux régions de la conduite de la politique de l’apprentissage, de la formation professionnelle et de la coordination des acteurs du service public de l’emploi ; le transfert à la carte des compétences facultatives au sein des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) ; la possibilité pour les pôles métropolitains d’assurer le rôle d’autorité organisatrice de la mobilité.
Pour ce qui concerne le titre relatif à l’hébergement et au logement, qui aurait dû faire l’objet d’un texte à part tant les besoins sont criants et les résultats médiocres, nous enregistrons positivement quelques avancées.
Nous notons par ailleurs avec satisfaction l’attribution à l’ensemble des départements frontaliers des prérogatives octroyées à la Collectivité européenne d’Alsace, ou encore la clarification du droit funéraire, sujet cher à notre collègue Jean-Pierre Sueur.
Tout cela est bien, mais bien peu, d’autant que les regrets, les points de vigilance et les désaccords sont légion.
Au titre des regrets, citons parmi d’autres : à l’article 1er, la réécriture cosmétique de la définition de la différenciation ; à l’article 1er bis, une généralisation de la procédure de proposition de modification législative et réglementaire à la main des régions et des départements, malheureusement quasi virtuelle en l’absence d’obligation pour le Premier ministre d’y répondre dans un délai contraint, ce qui rend la mesure caduque, comme on l’a constaté pour celle octroyée à la collectivité territoriale de Corse.
Nous regrettons aussi la suppression de l’article 35, qui permettait une expérimentation de la recentralisation du RSA.
Sur le volet sanitaire, nous déplorons que le rôle des collectivités ne soit pas suffisamment renforcé, au-delà de la coprésidence des ARS par l’État et la région.
Enfin, nous regrettons particulièrement l’absence de dispositions sur la gouvernance hospitalière.
Parmi les points de vigilance, je citerai, au titre III portant sur l’urbanisme et le logement, l’allégement des contraintes à l’égard des communes ne respectant pas la loi SRU et les différentes dérogations introduites. Nos collègues de la commission des affaires économiques, saisie au fond, y reviendront pendant nos débats.
Enfin, nous déplorons une fois de plus les coups de canif portés à l’intercommunalité, avec le rétablissement du critère de l’intérêt communautaire pour la détermination de diverses compétences, en particulier celles qui concernent les zones d’activités, ainsi que le retour sur le caractère obligatoire du transfert de la compétence « eau et assainissement » aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération.
Je pourrais ajouter d’autres sujets, comme la permission donnée à toute collectivité de mettre en place des radars automatiques, le renforcement du pouvoir du préfet sur l’Ademe et les agences de l’eau…
Au final, ce texte est celui du grand écart entre des intitulés ronflants et leur contenu.
Alors que la crise sanitaire, économique, sociale et démocratique sans précédent que nous traversons a montré le besoin de proximité et d’une plus grande coordination de l’action publique, le Gouvernement, suivi par les rapporteurs, a fait le choix d’un texte « catalogue » sans souffle.
Ce projet de loi ne change rien à la vie quotidienne des Françaises et des Français et n’éclaire en aucune façon la compréhension pour les électeurs des compétences de chaque niveau de collectivité. Il ne répond pas à la méfiance croissante des citoyens envers la démocratie et à leur demande de proximité de l’action publique. Nous attendions trois « D » majuscules, puissants, nous récoltons finalement un quatrième « D », celui de la déception ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les lois RCT, NOTRe et Maptam ont conduit les gouvernements de droite et de gauche à une erreur de jugement considérable depuis plus de dix ans. Le grand bazar administratif ainsi créé éloigne les centres de décision du terrain et, donc, des Français.
Nos compatriotes ne savent plus à quelle porte taper, ils n’ont plus de réponse à leurs interrogations. Perdus dans ce dédale administratif, ils en oublient aussi le chemin qui mène aux urnes. Vos réformes, mes chers collègues, ne sont pas étrangères à l’abstention massive.
Le texte que nous allons examiner lors des prochaines semaines était censé être le grand acte de décentralisation, déconcentration, différenciation et décomplexification. À cette loi dite 4D, j’en ajouterai un cinquième, le D de « déception », car son contenu est finalement sans ambition.
Il est assez paradoxal pour le Gouvernement de vouloir faire de la Nation une start-up sans remettre en cause la suradministration, semblable en de nombreux points à celle de la fin de l’Ancien Régime, lorsque l’on critiquait l’enchevêtrement des bailliages, des sénéchaussées, des provinces, des gouvernements, des généralités… Pour exemple, un Marseillais a huit niveaux d’administration au-dessus de la tête : la mairie de secteur, la mairie centrale, le conseil de territoire, la métropole, le département, la région, l’État et, bien évidemment, l’Europe. Cet entassement de strates est une source de confusion, un frein à la démocratie, un accélérateur de dépenses publiques et de clientélisme.
Au lieu de donner un coup d’arrêt à cette situation et de mettre en œuvre une réforme organique, ce texte partiel va grossir la tour de Babel administrative de dispositions nouvelles sans cohérence ni sans plus de simplicité, alors qu’il eut fallu, au contraire, simplifier radicalement.
Nos communes sont la cellule de base de notre corps national. La majorité d’entre elles sont rurales et leurs conseillers municipaux en grande partie bénévoles. En cette période de politique bashing, il n’est pas inutile de le rappeler. Ces élus sont au contact des réalités et, donc, des besoins, servant l’intérêt général dans des conditions chaque jour plus difficiles en raison justement des contraintes imposées par des intercommunalités et des monstropoles toujours plus avides de prérogatives et de pouvoirs, sans qu’elles aient d’ailleurs la capacité de les assumer.
L’impératif premier d’une loi de décentralisation doit être le principe de subsidiarité : la responsabilité de l’action publique doit revenir à l’échelon le plus proche des sujets concernés, mais c’est l’inverse qui se produit !
À force d’imposer la rationalisation administrative et l’idéologie du déracinement permanent, on fait table rase des communes et des départements, ces collectivités locales connues et reconnues pour leurs compétences et leur réactivité au profit de structures informes, aussi désincarnées qu’inefficaces.
La coopération intercommunale pourrait être mise en œuvre par les conseils départementaux avec un maillage cantonal, plutôt qu’imposée par un EPCI.
Si les métropoles sont des réalités économiques, la légitimité de l’administration métropolitaine doit être remise en cause. Cela équivaudrait à supprimer une strate administrative et conférerait de l’envergure au mandat départemental.
En pleine crise institutionnelle et démocratique, nous avons l’opportunité de pousser jusqu’au bout la logique de la différenciation en redéfinissant des régions à taille humaine et dont la réalité géographique et historique serait cohérente.
Le triptyque État-département-commune est l’aboutissement de cette décentralisation-différenciation. C’est autour de ce triptyque que je vous invite, mes chers collègues, à orienter nos travaux.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. François Calvet applaudit également.)
M. Alain Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le fameux millefeuille territorial a déjà été suffisamment éprouvé par les coups que le quinquennat précédent lui a infligés.
Votre expérience au sein de la Haute Assemblée et les consultations que vous avez menées, madame la ministre, vous ont permis de constater que les élus ne voulaient pas d’un grand chambardement, mais souhaitaient plus de facilités pour exercer leur action publique.
Il n’empêche que la situation sur le terrain n’est pas évidente. Par nature, l’exercice des mandats locaux est difficile. Les élus sont au contact de nos concitoyens, de leurs difficultés et de leurs insatisfactions. Mais d’expertises techniques en rescrits, menacés par le risque pénal, ils sont sur un chemin de crête qui s’apparente de plus en plus, hélas, à un chemin de croix.
Je prendrai un exemple, dont je viens de prendre connaissance par SMS. Un maire aveyronnais vient d’être condamné à six mois de prison avec sursis pour un accident mortel survenu lors d’une fête : un jeune est décédé après être passé au-dessus d’un mur, en dehors du périmètre de cette fête. Cet élu fait bien sûr appel.
Certains de mes collègues regrettent que le projet de loi que vous soumettez à notre examen ne soit pas plus ambitieux. Je comprends ces regrets, mais je veux rappeler que, en deux ans, nous avons déjà voté la loi Engagement et proximité et la loi Accélération et simplification de l’action publique, et ce alors que les élus ont eu une crise sanitaire historique à gérer. Je veux aussi rappeler que, en France, la technocratie enveloppe d’obstacles toutes les meilleures volontés. L’ultime version de l’attestation de déplacement dérogatoire rappellera à ceux qui pourraient l’avoir oublié toute l’étendue du génie administratif français.
Il convient, autant que faire se peut, de préserver nos collectivités territoriales d’un mal qui n’épargne aucun domaine dans notre pays : l’inflation normative. Nous devons nous attacher à ne voter que des dispositions utiles et intelligibles.
Certes, le contexte des élections départementales et régionales n’a pas permis d’associer nos élus dans les meilleures conditions, mais la commission des lois, dont je salue le travail, s’est employée à enrichir au mieux ce projet de loi dans un délai très réduit. Nous nous félicitons ainsi de l’adoption de plusieurs dispositions visant à accroître la liberté des collectivités territoriales. C’est notamment le cas de celle qui permet le transfert de compétences à la carte entre les communes et les EPCI, ou encore de celle qui supprime le caractère obligatoire du transfert de la compétence « eau et assainissement ». Je rappelle que cette dernière disposition répond au souhait de très nombreux élus.
Notre groupe partage de nombreux objectifs de la commission. Nous doutons cependant que la simplification du droit puisse être réalisée par la création de nouvelles dispositions, quand bien même il s’agirait de dérogations.
Il est devenu indispensable d’éclaircir la mangrove normative si nous voulons qu’élus et administrés puissent s’y retrouver. Pour cela, nous vous proposerons, mes chers collègues, de voter des amendements visant à remettre les choses dans l’ordre et à apporter davantage de clarté et de simplicité.
Les premiers d’entre eux ont pour objet de donner son plein effet au principe « silence gardé vaut acceptation ». Ce principe, qui replace l’administration au service des élus et des citoyens, existe déjà dans notre droit, mais les exceptions ont détrôné la règle. Son application est trop souvent neutralisée par une liste de dérogations qui est le fruit de l’administration et sur laquelle le Parlement n’a pas de contrôle. Ces amendements, portés par notre collègue Dany Wattebled, reprennent ceux qui avaient été adoptés par le Sénat lors de l’examen de la loi Accélération et simplification de l’action publique.
Dans le même objectif, nous soutiendrons le rétablissement de l’article 35 portant l’expérimentation d’une recentralisation du RSA. Les finances de nombreux départements sont grevées par la charge que représente cette allocation. Nous estimons qu’il faut permettre aux départements qui le souhaitent de solliciter une recentralisation.
L’ensemble de ces amendements a le même objectif : redonner des marges de manœuvre aux élus locaux. Nous savons tous ici que nos concitoyens se tournent en priorité vers les élus les plus proches d’eux, au premier rang desquels se trouvent les maires. Ce sont les élus locaux qui connaissent le mieux les spécificités de leur territoire et les attentes de leurs administrés. Il faut leur donner les moyens de résoudre les difficultés qui se posent à eux.
Au fil des fusions, nous avons tous pu constater que la mise en place de collectivités de grande taille ne permettait pas toujours l’organisation la plus efficiente. Les grandes régions n’ont pas permis d’atteindre les économies escomptées et ont parfois même entraîné d’absurdes dépenses supplémentaires.
M. André Reichardt. Oh oui !
M. Alain Marc. En misant sur la proximité, en faisant confiance aux territoires et en jugulant l’inflation normative, nous pourrions faire mentir Pierre Daninos, qui considérait que, « de tous les pays du monde, la France est peut-être celui où il est le plus simple d’avoir une vie compliquée et le plus compliqué d’avoir une vie simple ». (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Stéphane Ravier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’organisation territoriale est au cœur des débats depuis de nombreuses années. Cette question est si essentielle que je me permettrai de déplorer le calendrier qui a été choisi pour en débattre : dans la foulée de la loi Climat et alors même que les élections locales se déroulaient.
Outre la question de l’agenda, notre déception vient du fait que ce texte est très hétéroclite. Renfloué d’un volet sur le logement social initialement prévu dans la loi dite Séparatisme, il n’en reste pas moins un véhicule législatif qui porte a minima sur les enjeux auxquels sont confrontés nos territoires, en n’y apportant que des réponses parcellaires. Le grand soir promis lors du tour de France présidentiel après la crise des « gilets jaunes » n’est pas au rendez-vous : pas de consécration d’une nouvelle décentralisation, pas de mise en œuvre d’une différenciation efficace, une certaine reconcentration du rôle du préfet au niveau local et un oubli, celui de développer la démocratie et la participation citoyenne.
La crise des « gilets jaunes » et la crise sanitaire ont constitué un rappel de l’attachement des Français à un échelon local plus souple et plus agile pour répondre à leurs attentes. Mais, entre l’affichage d’une ambition forte en faveur d’un pouvoir réglementaire local étendu et adapté et sa transcription dans le texte, l’écart est immense, et personne n’y trouve son compte.
Ce texte, si disparate dans ses mesures, a donc servi de trame succincte, et le Sénat et ses rapporteurs l’ont réécrit à leur guise en réintroduisant des propositions retoquées lors de lois précédentes, comme le transfert à la carte des compétences des communes vers les EPCI justifié par la création d’un « intérêt communautaire », sésame supposé de la naissance de projets territoriaux partagés.
Si je salue le souhait de permettre une différenciation plus effective et un renforcement du pouvoir réglementaire local, je désapprouve les possibilités offertes par la nouvelle rédaction du texte de modifier, sous couvert de simplification, la portée des réglementations, notamment en matière d’aide sociale et de procédure d’urbanisme. La simplification ne doit pas être synonyme de moins-disance. Avec mon groupe, nous porterons des amendements qui vont dans le sens d’un plus grand équilibre, par exemple pour que le Ceser ne devienne pas une chambre partisane nommée et dépendante d’une majorité politique régionale, quelle qu’elle soit.
Je m’attarderai sur la vision limitée qu’a une majorité de notre assemblée de la démocratie participative. L’idée de limiter le droit de pétition et de rendre optionnelle son inscription à l’ordre du jour d’un conseil municipal est un couteau planté dans le dos de notre pacte républicain. Les élus sont certes responsables devant leurs électeurs au travers des élections, mais empêcher une expression libre, vivante, démocratique sur un sujet porté par ces derniers au travers d’une pétition, alors que notre devoir est de tout faire pour permettre à notre démocratie de sortir de la crise actuelle, est une faute.
Que dire du titre II sur la transition écologique ?
Après le fiasco de la modification de l’article 1er de la Constitution lundi dernier et les débats souvent d’une autre époque lors de l’examen de la loi Climat, dire que ce titre ne permet pas de répondre aux défis auxquels nous devons faire face est un euphémisme bienveillant.
Le transfert hypothétique des routes nationales aux départements et aux régions et celui des petites lignes ferroviaires pointent une autre lacune de ce texte de loi : ces transferts de compétences se font dans un certain flou s’agissant du financement à long terme. Ce manque de transparence sur le financement et sur les transferts de personnels induits par cette remodélisation fonde une critique largement partagée portant sur l’ensemble de ce texte.
Quant à la remise sous coupe préfectorale, c’est-à-dire sous celle du ministère de l’intérieur, de l’Ademe – une agence qui a fait ses preuves dans le domaine de l’environnement –, elle laisse encore perplexes les intéressés et tous ceux qui ont bénéficié de son soutien.
Ni le Gouvernement ni la majorité n’ont à cœur de combattre l’assignation à résidence des populations précaires qu’ils dénoncent pourtant souvent.
Tout comme pour les éoliennes, la théorie du « pas chez moi » revient de plus belle : comment justifier auprès de nos concitoyens la possibilité pour les communes de comptabiliser des casernes militaires comme logements sociaux ?
Autre exemple de cette lutte contre les précaires plus que contre la précarité : le renforcement du contrôle des allocataires du RSA, la suppression de l’élargissement de la recentralisation du RSA, ou le refus de pérenniser l’encadrement des loyers.
Mes chers collègues, outre que nous restons sur notre faim, dans l’attente d’un big-bang territorial ou même d’un acte III de la décentralisation, nous regrettons l’extrême timidité du Gouvernement.
Quoique plus légitime à porter un véritable projet d’organisation, en s’appuyant sur ses travaux et sa proximité avec les territoires, je regrette que la majorité sénatoriale ait également choisi de se contenter de reprendre la vision partielle et partiale de ses propositions antérieures, sans aucune ouverture ou compromis.
Madame notre rapportrice, je vous cite : « S’il n’y a pas tout, il vaut mieux qu’il n’y ait rien. » Vous l’avez dit ce matin en commission des lois.
À l’image des dispositions sur la métropole Aix-Marseille-Provence, ce texte part d’un constat sans appel et partagé par tous, mais n’y répond que très partiellement, voire témoigne d’une ambition trop partisane.
Cette non-loi fourre-tout proposée par le Gouvernement est devenue un texte sans vision réelle structurante qui ne résoudra aucun problème d’organisation et de coordination des communes, des métropoles et des régions. Quant aux citoyens, toujours trop absents, ils continueront à ne pas pouvoir participer suffisamment et à ne pas pouvoir comprendre comment les choses marchent. C’est pourquoi, fervent défenseur d’une décentralisation à la hauteur des spécificités locales et d’une différenciation synonyme d’efficacité et non de compétition et d’inégalités, le groupe GEST a déposé près de 200 amendements afin d’améliorer ce texte, que nous ne voterons pas en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. François Patriat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me bornerai à quelques propos généraux.
Je veux d’abord saluer votre engagement, madame la ministre, et l’immense travail qui a été réalisé pendant des mois de concertation avec l’ensemble des élus locaux et des associations d’élus. Les sénateurs du groupe RDPI ont également pris part à ce travail d’écoute et de coconstruction, traduisant une profonde considération pour les acteurs de terrain.
Ce texte de clarification et d’amélioration vient compléter les trois actes de décentralisation que nous avons connus depuis les lois Defferre, que j’ai eu l’opportunité de voter en 1981 à l’Assemblée nationale.
Depuis plus de quarante ans, notre pays a vu son millefeuille territorial étoffé, complexifié, peut-être même asphyxié au fil des réformes menées. Mon expérience de président de la région Bourgogne, pendant deux mandats, m’a permis d’en mesurer l’ampleur.
Vous l’avez dit, madame la ministre, le texte 3DS qui nous est présenté aujourd’hui n’a pas vocation à provoquer un énième bouleversement territorial. Il répond avant tout aux attentes légitimes des citoyens, des élus et des territoires posées à l’occasion du grand débat national. Qu’en avons-nous retenu ?
Tout d’abord, nos concitoyens attendent davantage de services publics de proximité.
Ensuite, nos collectivités territoriales souhaitent une meilleure prise en compte des particularités locales, pour une organisation territoriale moins rigide.
Enfin, nos élus locaux méritent d’être confortés et soutenus dans leur mission quotidienne. C’est ce que nous avons mis en œuvre ici même avec la loi Engagement et proximité, votée en 2019 sous l’impulsion du ministre M. Lecornu.
C’est l’un des principaux enjeux du texte, mes chers collègues : trouver un équilibre entre ce qui existe et ce qui peut être amélioré, en répondant aux différentes formes d’attente qui ont été exprimées, notamment pendant la crise sanitaire, sans remettre en cause les grands équilibres existants et surtout sans creuser d’écart abyssal entre les collectivités et les administrés.
En plus de répondre aux attentes pragmatiques qui ont été exprimées, le projet de loi 3DS marque un tournant dans les relations entre l’État et les collectivités. Il tend vers une relation basée sur davantage de contractualisation que la tutelle verticale de l’État, laquelle implique que toutes les décisions soient prises unilatéralement et sans concertation. Il prévoit des outils concrets afin de permettre aux élus locaux et aux collectivités territoriales d’exercer les missions qui sont les leurs avec plus de risques, de responsabilités et de singularités.
Au cours de nos séances de travail, nous débattrons de plus de 90 articles qui concernent tous les champs de l’action politique locale en France hexagonale et en outre-mer : la transition écologique, le logement, l’urbanisme, la santé, la cohésion sociale, l’éducation, la culture et le fonctionnement des institutions. Nous les examinerons en suivant quatre principes : la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la simplification de l’action publique. Nous devons également aborder l’examen de ce projet de loi avec responsabilité envers nos concitoyens.
Tout comme les rapporteurs, offrons encore plus d’ambition au texte sans bouleverser les équilibres acquis et rassurons nos concitoyens, en leur rappelant le travail colossal qui est abattu chaque jour par les élus locaux, dans les mairies, les intercommunalités, les départements et les régions.
Avec l’ensemble des sénateurs du groupe RDPI, nous mettrons toute notre énergie au service des élus et des collectivités, à l’image de notre mobilisation lors de la loi Engagement et proximité, et nous proposerons un certain nombre d’évolutions législatives, notamment sur la santé, le logement et l’urbanisme. C’est la raison pour laquelle nous espérons des débats constructifs, bienveillants et à la hauteur de la tâche qui nous incombe en tant que représentants de la chambre des territoires. En une phrase : enrichir ce texte, oui, le dénaturer et le rendre illisible, non ! Évitons la surenchère et la démagogie !
Nous soutiendrons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
(M. Pierre Laurent remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Pierre Laurent
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’abstention record lors des dernières élections départementales et régionales doit nous interroger. D’abord, sur l’offre politique que nous proposons, qui, manifestement, intéresse de moins en moins nos concitoyens ; ensuite, sur le rôle des différents échelons de nos collectivités territoriales, d’une part, et sur la représentation de l’État, d’autre part.
Ce tiraillement entre pouvoir local et pouvoir national, entre centralisme et fédéralisme, a toujours existé en France, avec un penchant historique pour un centralisme hérité de l’Ancien Régime, puis de la Révolution française. Le législateur, notamment depuis 1958, a cherché à corriger ses excès, ceux d’une politique descendante, déconnectée des territoires, mais l’impression pour beaucoup reste la même : trop de décisions dépendent encore de considérations parisiennes. Cette crise de la covid-19 nous l’a trop souvent rappelé.
Aussi, l’annonce de ce projet de loi 3D, puis 4D, puis finalement 3DS, a suscité chez les élus locaux beaucoup d’espoir, non pas celui de bouleverser l’équilibre institutionnel – les lois NOTRe et Maptam ayant fait suffisamment de dégâts –, mais bien celui de simplifier, de fluidifier les relations, les compétences et l’exercice du pouvoir au sein de nos collectivités locales et de leurs groupements. Nous héritons à l’arrivée d’un texte complexe, dont on a des difficultés à en comprendre le but et l’objectif si ce n’est qu’il ajoute encore plus de confusion chez les élus locaux et les citoyens.
Concernant la différenciation, nous sommes confrontés à un principe que l’on appréhende mal. Si l’idée, que nous comprenons tous, est bien de prévoir dans certains cas une application différente de la loi selon les spécificités locales, ce à quoi nous aspirons tous, le texte initial peinait à l’exprimer clairement : les apports de la commission des lois ont été précieux en ce sens.
Ce texte vient à la fois consacrer un principe et, en même temps, en prévoir une application très limitée. Dans la version initiale du texte, quatre articles seulement y étaient consacrés. Il faut reconnaître qu’il y avait de quoi rester sur notre faim !
La logique aurait également voulu qu’en parallèle soit consacré un véritable pouvoir réglementaire local, mais, une fois de plus, on fait face à de menues mesures : on met en œuvre ce pouvoir seulement pour déterminer le nombre d’élus dans les CCAS, pour fixer le délai de publication de la liste des terrains qui n’ont pas fait l’objet d’une mise en défens ou encore pour la facturation de la redevance d’occupation pour travaux. Je ne dis pas que cela ne constitue pas une avancée, mais c’est, hélas, trop maigre. Là encore, nous saluons les apports de la commission, qui a essayé de revoir l’ambition à la hausse, notamment en faveur des conseils départementaux.
Pour ce qui est du deuxième « D », celui de décentralisation, la portée des mesures proposées est faible. On y retrouve pêle-mêle une clarification des compétences en matière de transition énergétique, à l’article 5, et diverses dispositions concernant les transports, notamment la possibilité de transfert d’une partie des routes nationales vers les départements et les métropoles.
Pour revenir sur cet article 5, je rappellerai que les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires. Je crains bien que, là, ce soit le cas. Le Conseil d’État a d’ailleurs proposé de supprimer cet article, considérant, d’une part, qu’il est sans portée juridique sur la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et, d’autre part, qu’il tend à altérer la lisibilité de la répartition des compétences entre ces collectivités.
Sur le transfert des routes, on retrouve en fond la même musique jouée lors des lois NOTRe et Maptam : le renforcement du couple EPCI-région. Si nous pouvons nous interroger quant à la réalité du réseau transféré, de son financement ou de l’éclatement de cette compétence, nous sommes d’autant plus inquiets que cela risque de s’effectuer au détriment de l’échelon communal, mais, surtout, du département. Le groupe du RDSE s’était battu à l’époque pour le maintien de l’échelon départemental : comptez sur nous pour vous rappeler son utilité et la proximité qu’il apporte au quotidien, notamment dans les territoires ruraux. À ce titre, nous proposerons plusieurs amendements visant à renforcer l’action des conseils départementaux, en les associant davantage aux ORT, en prévoyant qu’ils puissent verser des aides de proximité en faveur de l’activité économique ou encore en leur donnant un rôle plus important dans la lutte contre l’illectronisme.
Parmi les éclaircies dans cette partie relative à la décentralisation, on trouve les mesures relatives à la loi SRU et à la facilitation de l’acquisition des biens sans maître. À ce titre, je salue l’adoption par la commission de l’amendement du président Requier allant en ce sens.
Actualité oblige, nous retrouvons également des mesures d’ordre sanitaire, notamment sur la gouvernance des ARS afin d’y renforcer le poids des élus locaux. Nous y sommes favorables, mais nous nous interrogeons sur le véritable levier politique que cette mesure pourrait représenter et la place que la parole des élus pourrait y prendre.
Concernant la déconcentration, je le répète, là encore, le contenu est décevant avec seulement cinq articles sur ce sujet dans le projet de loi initial. Nous serons particulièrement vigilants sur la transition des MSAP en espaces France Services, avec les risques de non-homologation qui peuvent parfois exister.
Le rôle du préfet est, lui, à réhabiliter. Localement, c’est le trio préfet-maire-président du département qui a été privilégié durant cette crise, et il a fait preuve de toute son efficacité.
La partie simplification est sûrement celle qui résume le mieux l’esprit confus de ce texte, où l’on évoque tour à tour la CNIL, la coopération territoriale transfrontalière, les expérimentations en matière de relance économique, ou encore la transparence dans les EPL.
Pour conclure, je regrette que le Gouvernement n’ait pas donné aux collectivités les moyens de leurs ambitions, à savoir davantage d’autonomie fiscale. En effet, il n’y a pas de pouvoir local sans pouvoir fiscal. L’idée n’est pas de remettre en cause la péréquation, ciment de la solidarité nationale, mais bien de permettre, dans chaque territoire, une véritable politique différenciée selon les besoins. Je prendrai l’exemple de la Gemapi, pour laquelle les moyens sont aujourd’hui insuffisants, de nombreuses collectivités se trouvant dos au mur pour faire face à leurs besoins d’investissement. La taxe Gemapi connaît une application très irrégulière selon la proximité de la menace climatique. Nous sommes confrontés à une véritable inégalité territoriale, avec des élus à qui l’on répond : « Aide-toi, le ciel t’aidera ! »
Voilà les quelques éléments auxquels le groupe du RDSE restera attentif. Il réserve son vote, qui dépendra du sort des amendements qu’il a proposés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons arrive à la fin d’un quinquennat que certains ont d’ores et déjà qualifié de « quinquennat du malaise » des élus locaux, exprimant ainsi leur colère à l’égard du Gouvernement et de la majorité présidentielle. Souvenons-nous de la suppression des emplois aidés lors des premières semaines et, quelques mois plus tard, des contrats dits « de Cahors », qui ont illustré les difficultés des élus locaux à être entendus et à voir leur rôle reconnu par le Gouvernement, comme ce fut le cas tout au long des différentes crises qui ont suivi.
Vous l’avez dit, madame la ministre, l’objectif de ce texte n’est pas de tout bouleverser, car il existe une aspiration à une véritable pause institutionnelle, mais, entre détricoter et ne rien tricoter, il y a une marge.
Nous nous trouvons dans une situation héritée de la décennie précédente. Quelques collectivités territoriales sont effectivement devenues plus fortes, plus puissantes, plus compétitives, mais beaucoup d’autres ont besoin d’un accompagnement renforcé pour pouvoir satisfaire les besoins de leur population.
Cela a été dit, ce sera bientôt la date anniversaire des quarante ans de la décentralisation, laquelle visait à renforcer la démocratie tout en consolidant et en développant les libertés locales, en rapprochant la prise de décision publique de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Or, j’y insiste, depuis dix ans, principalement avec les lois Maptam, NOTRe ou celle sur la fusion des régions, à la place du renforcement des collectivités locales, de la clarification et de la simplification auxquels nous aspirions, nous avons assisté à une rigidification et à une incapacité à innover territorialement. Je veux le dire ici à celles et ceux qui défendront bientôt, lors de l’examen des premiers articles, la différenciation : si l’on continue en ce sens, seules quelques collectivités territoriales pourront réellement choisir demain de se différencier, quand beaucoup d’autres devront continuer à subir.
Depuis le dépôt de ce projet de loi, un phénomène nouveau est advenu : les élections départementales et régionales, avec – j’oserai le dire – la victoire de l’abstention, qui est de plus en plus forte, élection après élection. Certains ont parlé d’une « grève des urnes », mais ce n’est pas une fatalité. Cette abstention nous invite, y compris au travers de ce projet de loi, à repenser le pacte républicain et à en assurer l’efficacité, avec une volonté de renforcer les libertés locales dans l’esprit des lois de décentralisation. Mais ces libertés locales ne peuvent pas prendre toute leur place si elles ne s’inscrivent pas dans le cadre de l’égalité républicaine.
Vous nous parlez de simplification. Oui, elle est possible ! La clause générale de compétence était une mesure de grande simplification, mais elle a été retirée aux départements et aux régions. La possibilité pour les communes de gérer la compétence « eau et assainissement » serait une garantie de simplification efficace et immédiate. Nous attendrons donc de voir les suites qui seront données aux prises de position du Sénat.
Vous nous parlez de déconcentration, qui est le corollaire inévitable de la décentralisation. Oui, il y a besoin non pas d’un État censeur, mais d’une présence de l’État pour accompagner, faciliter la prise de décision ! Oui, il y a besoin de davantage de services publics !
Ce n’est pas simplement en renforçant le rôle du préfet de département que l’on répondra à ce besoin de « plus d’État » pour accompagner nos collègues élus, notamment en matière d’ingénierie financière. Ce ne sont pas non plus les maisons France Services, qui finiront par rassembler le peu de services publics encore présents dans les territoires, qui répondront à ce besoin de proximité et d’incarnation de la République, quel que soit le lieu où l’on habite. C’est évidemment avec plus d’agents dans les préfectures et dans les sous-préfectures que l’on y parviendra. Je tiens d’ailleurs à saluer ces agents, qui, lors de l’entre-deux-tours des dernières élections, ont tenté fortement et sans compter leurs heures d’enrayer la catastrophe liée à la diffusion de la propagande électorale.
En l’état, la différenciation renforcera inévitablement ceux qui ont des moyens – les métropoles et les grandes régions – alors que, pour développer la proximité, il faudrait au contraire affermir le triptyque formé par la commune, le département et la région.
Madame la ministre, face à ces enjeux, votre texte, que certains ont qualifié « de fourre-tout » – je reprendrai cette expression à mon compte, tant la diversité des articles nous empêche d’en voir la cohérence –, répond par une logique libérale, laquelle vise à détruire davantage encore l’équilibre que, dans notre histoire, par-delà nos appartenances politiques, nous avons toujours cherché à renforcer. Cet équilibre procède, d’une part, de la res publica romaine, le domaine commun, la chose publique qui appartient à tous, et, d’autre part, de la dêmokratia grecque, la capacité du peuple et des territoires à commander.
Vous l’aurez compris, le groupe CRCE se place dans une tout autre logique, celle de la construction d’une République demeurant décentralisée, garantissant les principes de liberté, d’égalité et de fraternité. Il sera constructif au cours des nombreux jours de débat, convaincu que la discussion se poursuivra et que ce projet de loi de fin de mandat aboutira d’ici à la fin du quinquennat.
Nous resterons constructifs, au travers des différents amendements que nous avons déposés, parce que, s’il faut garantir les missions régaliennes de l’État, il faut également renforcer les libertés locales, lesquelles ne sauraient s’opposer à l’égalité de tous ni justifier la destruction des services publics qui incarnent, in fine, la fraternité républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. Philippe Bas. Madame la ministre, il faut bien le dire, le texte que vous nous présentez est un peu rébarbatif. (Rires sur des travées du groupe Les Républicains.) Il est d’ailleurs difficile d’avoir une discussion générale sur un texte ne comportant que des mesures particulières ; à force de ne pas vouloir de grande réforme, on finit par en faire de trop petites, qui se limitent à des réglages techniques et à des ajustements juridiques, sans véritable ligne directrice.
Je m’adresse à vous avec respect, non seulement pour votre personne, mais aussi pour votre travail. Ne prenez donc pas ce reproche pour vous, car nous savons bien que vous êtes allée le plus loin possible dans ce que vous pouviez faire, tout en respectant le cadre étroit qui vous était fixé par le Président de la République et le Premier ministre. C’est peut-être là que réside finalement tout le problème…
L’état des lieux de la décentralisation est sombre – cela ne date pas de l’élection de M. Macron –, mais ce n’est pas avec ce texte que l’horizon va s’éclaircir.
Le Sénat avait fait au Président de la République et au Gouvernement 50 propositions ; les voici ! (L’orateur brandit le document.) Elles ont été ignorées ; pourtant, le Président de la République et le Premier ministre les ont reçues le 2 juillet 2020, comme vous-même, madame la ministre.
Voilà quarante ans, les Français ont voulu mettre fin au centralisme, mais, au fil des décennies, les administrations de l’État n’ont eu de cesse que de récupérer leurs pouvoirs, en multipliant les normes (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.),…
M. Laurent Duplomb. Eh oui !
M. Philippe Pemezec. C’est scandaleux !
M. Philippe Bas. … en organisant la dépendance financière des collectivités, en bouleversant la structure de celles-ci et en éloignant les principaux centres de décision des territoires.
Aucune décision n’est parvenue à donner un véritable coup d’arrêt à cette frénésie centralisatrice, y compris la révision de la Constitution voulue par Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin, qui proclamait, en 2003, l’« organisation […] décentralisée » de la République.
Aujourd’hui, les collectivités territoriales sont tenues la bride courte, les maires sont parfois traités comme des subordonnés, à qui on adresse des instructions, les ressources propres des collectivités se sont réduites, au fil des années – particulièrement des dix dernières –, comme une peau de chagrin. Même l’État « local » est devenu plus rigide, en étant atteint dans son autorité, son unité, sa proximité et ses moyens d’action.
Vous venez pourtant nous parler de décentralisation.
M. Philippe Pemezec. Et de simplification !
M. Philippe Bas. Il fallait oser !
Eh bien, parlons-en puisque vous le souhaitez !
Au chapitre de la décentralisation, je constate que vous ne consacrez pas, comme nous le demandions, le pouvoir réglementaire des collectivités. Je vois également que, en matière d’urbanisme, avec le projet de loi Climat, vous restreignez toutes les capacités des élus à planifier les constructions dans leur ressort. Cela porte en germe la révolte – je vous le dis solennellement – des habitants et des élus de nos territoires.
En matière d’emploi, vous refusez la cohérence qui s’impose entre formation, emploi et action économique. Cette cohérence, vous l’instaurez pour la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, mais pas question de la transposer à l’échelon local, sous l’autorité des présidents de région !
Dans le secteur de la santé, vous voulez vous défausser de vos responsabilités en matière d’investissement hospitalier sur les collectivités, tout en refusant toute décentralisation du pouvoir au soin des autorités régionales de santé.
En matière sociale, vous avez, comme vos prédécesseurs, fait des départements les guichets des politiques nationales ; ces collectivités sont de plus en plus dépourvues de toute marge de manœuvre. Comment voulez-vous que la France avance, alors que se multiplient les entraves aux libertés locales, qui assèchent l’esprit d’initiative ?
Enfin, se pose malheureusement la question – sans doute la plus grave – de l’autonomie financière.
M. Philippe Pemezec. Eh oui !
M. Philippe Bas. Qu’avez-vous fait pour la rétablir ? La réalité est là : à cet égard, vous n’avez cessé d’aggraver la situation. Le bricolage désastreux auquel le pouvoir actuel s’est livré, par la suppression progressive de la taxe d’habitation, remplacée par la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui encourt exactement les mêmes reproches quant à l’inadéquation de son assiette,…
M. Laurent Duplomb. Tout à fait !
M. Philippe Bas. … restera longtemps gravé dans la mémoire des élus. Les malheureux départements qui perdent une ressource fiscale sont maintenant placés dans une dépendance accrue à l’égard de l’État.
M. Laurent Duplomb. Totalement !
M. Philippe Bas. Certes, vous avez calculé justement les dotations de compensation, mais qui nous garantit que ce sera encore le cas à l’avenir ?
Les dotations de l’État, après avoir diminué de 30 % sous le précédent quinquennat, ont encore perdu 10 % de leur pouvoir financier, en raison du gel des dotations que vous avez imposé ; 10 % en cinq ans, c’est tout de même beaucoup, alors que nous avions déjà franchi, à la baisse, un plancher qui n’aurait jamais dû l’être.
On voit par ailleurs se multiplier des subventions affectées. Très bien, les élus sont contents, mais, voyez-vous, la subvention affectée à un projet négocié avec le préfet n’équivaut pas tout à fait au libre exercice de la faculté de décision des élus. Ceux-ci préfèrent financer leurs projets sur leurs propres ressources plutôt que de devoir tendre la main à l’État, lequel exige toujours, naturellement, des contreparties… (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Si seulement la déconcentration était, quant à elle, plus fournie que la décentralisation ! Les territoires veulent des interlocuteurs qui s’engagent pour l’État, non des interlocuteurs demandant la permission à Paris, aux agences et aux services régionaux de l’État. La régionalisation des services de l’État et la multiplication des guichets d’agence à l’échelon régional constituent une forme insidieuse de recentralisation, par les ministères, de ce qui pourrait relever du pouvoir de décision du préfet.
Nous voulons – nous l’avons demandé dans notre rapport sur le plein exercice des libertés locales – que le préfet soit, même si la décision est instruite à l’échelon régional, l’autorité de décision de l’État dans le département. Cela nous paraît très important.
Pauvres préfets de département, peu à peu dépouillés de leurs responsabilités, alors qu’il serait si simple de les leur rendre ! Ce serait, pour les collectivités, un avantage considérable si les besoins qui émergent du terrain pouvaient être davantage pris en compte dans les décisions de l’administration, qui se réfugie maintenant – commodément, puisqu’elle est lointaine – derrière des normes auxquelles on ne peut jamais déroger.
M. Laurent Duplomb. Elle les interprète !
M. Philippe Bas. Puisque j’utilise ce vocable, je veux vous indiquer que nous avons également proposé de faciliter l’octroi, sous l’autorité du préfet, d’un certain nombre de dérogations, afin de permettre la réalisation de projets d’intérêt général. Je n’en vois pas trace dans ce texte.
Il y a aussi le chapitre de la différenciation, qui est réduite à la portion congrue ! Vous n’explorez pas toutes les possibilités ouvertes par l’excellent avis du Conseil d’État de décembre 2017 et, bien sûr, vous ne reprenez pas non plus la proposition du Sénat ; vous me direz que ce n’est pas le lieu, s’agissant de dispositions de nature constitutionnelle, mais que ne faites-vous pas cette révision constitutionnelle, vous qui les aimez tant ? (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il s’agirait de garantir constitutionnellement un droit à la différenciation, ce qui permettrait au législateur d’aller plus loin qu’on ne peut le faire actuellement.
Peut-être trouvera-t-on dans le « S » ajouté à la dernière minute – la simplification – un quelconque soulagement après un tel inventaire ?
M. Laurent Duplomb. Même pas !
M. Philippe Bas. Malheureusement, j’ai le regret de vous dire que, en ce qui me concerne, je n’ai pas ressenti ce soulagement. Cette dénomination m’a au contraire semblé n’avoir pu être utilisée que par antiphrase, par ironie, tant le projet que vous nous présentez est touffu, technique et protéiforme. Il eût été plus exact de parler de complexification…
Il faudrait donc beaucoup plus que ce texte pour remédier à ce mal français : l’étatisme. Un catalogue de mesures ne constitue pas ni ne peut inverser une politique. Nos rapporteurs, que je salue, ont eu bien du mérite d’essayer de donner consistance à ce texte. Si nous y parvenons ensemble, ce sera toujours ça de pris, mais il faudra une tout autre ambition pour remédier à la situation créée par deux quinquennats d’incompréhension des territoires. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les parlementaires se plaignent parfois de textes de circonstances ou de projets de loi examinés dans la précipitation, poussés par une actualité brûlante. Assurément, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui n’appartient pas à cette catégorie. Ce serait même plutôt l’inverse : voilà des mois que nous entendons parler du projet de loi 4D, devenu au dernier moment 3DS,…
M. Loïc Hervé. … des mois que les concertations avec les élus se multiplient.
Nous avons pu craindre, au printemps dernier, que le projet ne soit pas inscrit à l’ordre du jour, mais nous y voici enfin, en grande partie grâce à votre opiniâtreté, madame la ministre.
Ainsi, vous imaginez bien que, après une telle attente, nous espérons un grand texte pour les collectivités territoriales. Nous n’attendons pas un big-bang – ni les élus locaux ni nous n’en voulons, car les grandes régions, la loi Maptam et la loi NOTRe ont tellement bouleversé le paysage institutionnel local qu’il n’est pas question de se lancer dans un nouveau chamboule-tout –, car nos collectivités ont besoin de stabilité. Néanmoins, ce texte arrive à la fin d’un mandat présidentiel et, comme nombre d’élus, nous sommes assez déçus du résultat ; même le Conseil d’État n’a pas été tendre dans son avis sur votre texte…
Pourtant, en apparence, tous les ingrédients sont bien présents : un zeste de différenciation, un soupçon de décentralisation, une pincée de déconcentration… mais ça manque de simplification. Une lecture plus attentive des différents items fait apparaître une succession de mesures aux effets trop limités, même si tout n’est pas à jeter, tant s’en faut.
Ainsi, dans une période où se manifeste, de plus en plus bruyamment, la grève des isoloirs, il faut saluer l’initiative visant à encourager les nouvelles formes de participation à la vie politique locale, via l’abaissement des seuils de saisine directe par les citoyens de la collectivité de toute affaire relevant de sa compétence. Certaines compétences des collectivités sont par ailleurs renforcées dans des domaines variés : l’environnement, le logement ou encore la mobilité.
Toutefois, si le projet de loi étonne par son éclectisme, il déçoit par ce qu’il tait. En effet, pas un mot des finances locales ! Or il n’y a pas de pouvoir de décision sans réel pouvoir fiscal. Pusillanimité pour ne froisser personne ou tentative sincère de créer le consensus, au risque d’en décevoir beaucoup ? Quoi qu’il en soit, il est temps de développer de nouvelles solidarités financières vertueuses.
Que demandent les maires ? De la souplesse et de la proximité dans l’action publique ! Ce message a été entendu par notre commission des lois et par leurs rapporteurs, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, que je veux saluer et dont je tiens à souligner la qualité des travaux au nom du groupe UC. Nos deux collègues sont, depuis plusieurs années maintenant, les garants et les gardiens d’une « doctrine sénatoriale » sur le sujet, laquelle est régulièrement alimentée par les travaux de la commission des lois et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, mais pas seulement : le nombre de commissions saisies pour avis sur ce texte démontre que ce texte touche une grande quantité de sujets.
Nous espérons, madame la ministre, que les nombreuses initiatives de la majorité sénatoriale au cours des deux prochaines semaines de débat ne resteront pas lettre morte.
Ainsi, le texte adopté par la commission prévoit de nouveaux transferts de compétences, tels que le transfert, aux régions, du service public de l’emploi ou encore le renforcement de la compétence de solidarité des départements.
En matière financière, je salue l’adoption de l’amendement sur la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local), qui visait à reprendre une position que j’ai défendue avec constance, depuis plusieurs années, en tant que rapporteur pour avis de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». En vertu de ce dispositif, les subventions de l’État au titre de la DSIL sont principalement attribuées par le préfet de département et non par le préfet de région.
Je souhaite maintenant dire quelques mots du titre III du présent projet de loi.
Dans la lignée du rapport d’information de nos collègues Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard sur l’évaluation de la loi SRU, la commission des affaires économiques a accompli un travail important sur ce texte.
Sur le fond, le groupe Union Centriste partage l’analyse de la commission, qui considère qu’il faut sortir de la dimension infantilisante de l’application de cette loi. Cela implique la suppression des sanctions contre-productives dont la Cour des comptes a démontré l’inutilité dans un rapport récent. Appauvrir les communes par des sanctions financières est une véritable erreur ; faisons-leur confiance, au contraire, en fléchant ces sommes vers le logement social sur le territoire, au moyen d’une consignation des pénalités de carence sous le contrôle du préfet.
Je veux dire un mot, enfin, sur un sujet qui empoisonne la vie de nombreux élus ces derniers temps, à savoir le risque juridique qui pèse sur les représentants d’une collectivité au sein d’une entreprise publique locale.
Depuis février dernier, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique recommande aux élus locaux de se déporter lorsque leur est soumise une décision relative à une SEM (société d’économie mixte) ou une SPL (société publique locale). La menace est sérieuse : on parle d’un risque de condamnation pénale pour prise illégale d’intérêts. Il s’agit d’un sujet en soi, qu’il conviendrait de résoudre au-delà de la simple question soulevée incidemment, car il y a de quoi effrayer de nombreux élus. Pourtant, en réalité, cette interprétation paraît « très éloignée de l’esprit de la loi », comme l’ont relevé nos rapporteurs.
Ainsi, afin d’apporter aux élus locaux la sécurité juridique indispensable à l’exercice serein de leur mandat, notre commission a adopté un amendement bienvenu. Celui-ci ne règle pas tout ; il nous restera à réfléchir, demain, à une rédaction renouvelée du délit de prise illégale d’intérêts, au sens de l’article 432-12 du code pénal. Le Sénat a déjà été force de proposition sur cette question par le passé. L’examen de la réforme de la justice à la rentrée nous permettra, je l’espère, d’avancer sur ce point.
Je ne peux passer sous silence, avant de conclure, le sujet du cumul des mandats, en particulier du cumul du mandat de parlementaire avec toute fonction exécutive locale. Nous sommes très nombreux à convenir que le législateur est allé trop loin, en privant le Parlement de notre pays de la présence, en son sein, de maires, notamment de communes rurales.
Il est regrettable que ce texte ne permette pas, là encore, d’introduire de la souplesse dans l’application d’une règle qui s’est finalement révélée néfaste pour la démocratie parlementaire. D’ailleurs, je crois que le Président de la République lui-même convient de cette difficulté qui se pose à notre démocratie parlementaire.
Vous l’aurez donc compris, mes chers collègues, nous avons ressenti une certaine déception à la lecture de la copie initiale du Gouvernement. Toutefois, celle que nos commissions ont rendue offre des perspectives beaucoup plus encourageantes.
M. Loïc Hervé. Je souhaite que les nombreuses heures de débat qui sont devant nous permettent d’aboutir à un texte plus ambitieux. Surtout, j’espère que le Gouvernement soutiendra cette ambition lorsque le texte sénatorial arrivera au Palais-Bourbon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après plus d’un an de concertations et d’hésitations, d’atermoiements, sur l’inscription à l’ordre du jour de ce texte, nous entamons enfin l’examen du projet de loi 3DS. Ce texte devait traduire la vision qu’avait le chef de l’État de la République territoriale, en réponse notamment à la crise des « gilets jaunes », en s’inspirant du débat avec les maires, dont le Président de la République avait redécouvert l’utilité.
Las, comme l’a précédemment indiqué mon collègue Didier Marie, ce texte est une succession de mesures. Si c’était un animal, ce serait un invertébré… C’est, au bout du compte, la désillusion qui l’emporte, sur toutes les travées et chez les élus locaux. Par ailleurs, ce texte ne tire pas les conséquences de la crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, il s’agit d’un texte « nid-de-poule » : il répare des choses de-ci, de-là, parfois à juste titre, parfois non, mais il ne trace aucun itinéraire, ne porte aucun souffle. Résultat : un nombre d’articles doublé et de nombreux amendements, en dépit des déclarations d’irrecevabilité, le tout à examiner dans un délai record, ce gouvernement ne voyant aucun intérêt à créer les conditions requises pour un examen serein des textes. Nous pouvons donc remercier les services du Sénat et les collaborateurs de groupe.
Pourtant, il y avait des propositions, émanant tant de la majorité sénatoriale que de notre groupe, auteur de la proposition de résolution pour une nouvelle ère de la décentralisation.
Nous examinons un texte portant sur la différenciation. L’État français a réussi sa construction par la centralisation, mais cette réussite s’est traduite par la méfiance à l’égard des territoires, souvent considérés comme immatures. L’intitulé du titre I du présent projet de loi laissait augurer une petite révolution en la matière, mais celle-ci a été démentie par son contenu. C’est parce que le Gouvernement refuse d’assumer une véritable logique de différenciation que des difficultés demeurent, par exemple avec la compétence « eau et assainissement ». Ainsi, si l’annonce d’une différenciation marque l’amorce d’un changement de référentiel, l’exécutif se contente de faire la charité d’une parcelle de liberté en matière de pouvoir réglementaire…
L’article 1er bis a été opportunément introduit par les rapporteurs. Il représente, il faut le souligner, un changement de mentalité pour la majorité sénatoriale, qui s’était opposée à cette évolution, proposée par des parlementaires socialistes dans le cadre de l’examen du projet de loi NOTRe. Nous proposerons d’ajouter d’autres dispositions, afin de garantir une réponse de l’exécutif aux demandes d’adaptation législative et réglementaire des collectivités.
Nous serons en revanche en désaccord avec certaines évolutions proposées par la majorité sénatoriale, notamment celle, scandaleuse, qui consiste à autoriser les départements à poser une condition de patrimoine pour pouvoir bénéficier du RSA.
Nous serons également en désaccord avec le rétablissement de la notion d’intérêt communautaire pour des compétences qui constituent le cœur de l’intercommunalité ; cela n’a aucun sens. Les modifications apportées par la loi Engagement et proximité ainsi que la possibilité, que nous avons également proposée, de transférer des compétences facultatives à la carte suffisaient.
Nous aurions pu nous retrouver sur les dispositions concernant les CTAP, car il s’agit d’interterritorialité, mais votre approche est trop instrumentale, mes chers collègues, dans la mesure où elle repose sur des délégations de compétences. La rédaction initiale de cette disposition était floue, et, en ce qui concerne les délégations « ascendantes », l’accord des communes membres d’un EPCI nous semble indispensable.
En matière de décentralisation, les compétences transférées sont résiduelles et les modalités de transfert soulèvent des interrogations ; je pense par exemple aux routes nationales. Pour ce qui concerne la transition écologique, l’incompréhension domine, puisque nous sortons à peine de l’examen du projet de loi Climat, qui n’a même pas été promulgué. Quel est l’intérêt de cette méthode, madame la ministre ?
Malgré tout, nous défendrons quelques amendements, notamment pour sécuriser les droits des salariés lors du transfert des petites lignes ferroviaires ou pour faire avancer la question du fret ferroviaire. Nous sommes par ailleurs favorables – nous l’avions également proposé – au transfert aux régions du service public de l’emploi.
En matière de logement se pose encore la question de la quasi-concomitance des examens de ce texte et du projet de loi Climat. En outre, l’exécutif ne répond pas au problème principal, celui de la cherté du foncier et de la production de logements sociaux, qu’il a mise en péril depuis 2017. Ce sont la préservation et l’application de la loi SRU qui ont guidé nos propositions, la tentation de la droite de cet hémicycle étant de l’entailler…
La même tentation hante nos collègues à propos des questions de justice sociale, quand ils souhaitent contrôler davantage encore les bénéficiaires du RSA. Pour notre part, nous défendrons la lutte contre les non-recours aux prestations sociales.
La déconcentration consiste à optimiser les services territoriaux de l’État et à les faire mieux travailler avec les collectivités territoriales. Or le texte n’aborde pas réellement cette dimension. On y traite davantage de recentralisation dans les mains du préfet, notamment des compétences des agences de l’eau, disposition sévèrement critiquée par le Conseil national d’évaluation des normes et que nous proposons de supprimer.
Je ne m’étendrai pas sur France Services, grossière tentative de récupération de ce qui a été réalisé par les collectivités locales.
En matière de simplification, si certaines mesures peuvent sembler utiles, il s’agit plutôt – étonnamment – de complexification, si possible par voie d’ordonnances.
Face à tout cela, nous avons essayé de tenir une ligne, une gageure avec un texte aussi désarticulé. Cette ligne, c’est celle de l’option sociale et écologique dans une République des territoires, mais aussi celle de l’orientation démocratique et féministe.
J’en finirai avec un « D », qui nous manque cruellement, la grande absente du texte : la démocratie locale. Ce texte devait constituer, normalement, une réponse à l’éloignement démocratique. Nous avions déposé de multiples amendements visant à réparer ce manque, mais la plupart d’entre eux ont été déclarés irrecevables. Pour autant, il en reste quelques-uns : budget participatif, questions orales citoyennes, référendum local d’initiative partagée, rétablissement des conseils de développement, abaissement du seuil de signatures pour solliciter une consultation du public. Tout cela paraît mineur à la majorité,…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oh !
M. Éric Kerrouche. … mais il n’en est rien : c’est aussi par la multiplication des outils que nous sortirons d’une démocratie à éclipses, qui fait exploser l’abstention électorale, pour aller vers une démocratie continue, qui permette à chacun de prendre de nouveau part à la délibération collective.
Nous déterminerons le sens de notre vote sur l’ensemble du texte en fonction du sort qui sera réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà quarante ans, le 27 juillet 1981, Gaston Defferre disait aux représentants de la Nation : « ouvrons les yeux, regardons autour de nous. En quelques années, tout a changé […]. Partout, un nouveau droit a été reconnu. Partout, pour y parvenir, la décentralisation est devenue la règle de vie ; partout, sauf en France. » Or, cinquante ans plus tard, pour beaucoup d’élus, ces mots résonnent toujours avec force, car notre pays a conservé, en matière de décentralisation, plusieurs trains de retard sur ses voisins. Cela constitue, à mes yeux, une des raisons majeures de son incapacité à se réformer.
Ce texte marque-t-il une avancée ? La réponse est apportée par le Conseil d’État : « Les mesures qu’il comporte sont d’ampleur limitée en matière de décentralisation. » C’est là le malentendu majeur entre ce gouvernement et ceux qui attendaient, comme en 1982 ou 2004, qu’on ouvrît un nouveau cycle de décentralisation grâce à un transfert substantiel de nouvelles compétences vers les collectivités, accompagné des moyens financiers et humains correspondants.
Ce projet de loi est, après la loi Engagement et proximité, au mieux un nouveau volet de la réforme territoriale portant sur l’organisation des collectivités, au pire un second volet de la loi Accélération et simplification de l’action publique, un ASAP bis, en quelque sorte. Non, ce n’est pas une loi de décentralisation, et la France conservera bien plusieurs trains de retard sur ses voisins !
Vous n’avez même pas osé, après y avoir pensé, décentraliser une médecine scolaire sinistrée au profit des départements, qui ont pourtant fait leurs preuves en matière de PMI. Vous avez reculé au premier grognement des syndicats. Heureusement que Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin n’en firent pas autant en 2004.
Sur le transfert des gestionnaires des collèges et lycées, la mesure que vous nous proposiez était en deçà de l’attente des collectivités. Là aussi, vous avez cédé aux corporatismes syndicaux.
Nos rapporteurs, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, que je salue chaleureusement, vous invitent désormais à préciser vos intentions et à mettre un terme à une curieuse incongruité, où des fonctionnaires d’État commandent encore à des fonctionnaires territoriaux, comme s’il y avait une hiérarchie de noblesse des fonctions publiques dans ce pays.
Sur la différenciation, les dispositions que vous portez sont également très modestes. On est loin de l’attente de certains territoires, comme le mien, en la matière. Heureusement, les rapporteurs nous proposent un transfert à la carte des compétences sur les territoires intercommunaux ou le rétablissement du critère de l’intérêt communautaire, autorisant l’agilité tant réclamée pour s’adapter à la réalité très diverse des EPCI. De même, j’ai apprécié la réécriture par nos rapporteurs des passages sur la différenciation.
Madame la ministre, vous nous dites que ce projet de loi répond aux attentes des élus. Effectivement, les maires, les élus départementaux et régionaux plaident, presque à l’unisson, pour ne pas subir un nouveau big-bang territorial. Pour autant, tout en entendant la demande de stabilité des élus locaux, vous aviez la possibilité d’aller plus loin et de donner un souffle nouveau à l’action publique. Pour vous y aider, le Sénat avait formulé, dès 2019, 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales. Vous en avez fort peu tenu compte.
Voilà presque un an jour pour jour, au lendemain des élections municipales, le président Larcher nous rappelait qu’il existait un lien entre abstention et absence de décentralisation. Ce constat résonne plus fort encore aujourd’hui. Nos concitoyens ont en effet compris que le pouvoir reste concentré à Paris, pour ne pas dire à l’Élysée. Ailleurs, il demeure émietté, atomisé, contrôlé, d’où le retrait des électeurs. Pourtant, il existe en Europe des pays où la participation électorale est aussi forte aux élections locales qu’aux élections nationales. Ce sont des pays profondément décentralisés.
Chez nous aussi, les territoires et les besoins de ceux qui les habitent sont pluriels. Ignorer cela en uniformisant l’action des collectivités territoriales, c’est aggraver l’éloignement des citoyens de l’action publique ; c’est alimenter à leur encontre ce sentiment d’impuissance et de défiance.
À force de retarder la libération des énergies territoriales et d’entraver les libertés locales, à force de reprendre d’une main, celle, toujours suspicieuse, de l’administration, ce que le pouvoir central fut obligé de concéder de l’autre, notre pays s’enlise dans un lourd et désuet jacobinisme, meilleur rempart des conservatismes, qui ne se trouvent pas toujours là où on le croit. Il est donc temps de rompre avec ce carcan. Ce quinquennat a, hélas, sur ce point échoué. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la démarche du Gouvernement sur laquelle nous allons délibérer est d’adapter, de moderniser et de prendre en compte la diversité des territoires. Tous les orateurs ont exprimé cette vérité, que nous partageons, qu’il n’était pas souhaité de grandes transformations de nos structures locales.
Parmi les talents parlementaires, il y a celui du commentaire, et il y a aussi celui de la proposition. Comme c’est plutôt logique dans une discussion générale, nous avons entendu une variété de commentaires, dans lesquels revenaient très souvent les mots « ambition » ou « souffle », mais, dans quelques minutes, nous allons passer aux propositions et, ainsi, revenir à un dialogue beaucoup plus équilibré. En effet, il y a dans ce texte beaucoup de dispositifs qui donnent prise à un travail de proposition, d’ajustement, d’amélioration. Il me semble que c’est bien l’une des missions principales du Sénat, que nous exerçons, il faut le dire, avec intérêt et même parfois avec plaisir, toutes les perversités étant dans la nature. (Sourires.)
Je crois vraiment que nous allons faire un travail utile sur plusieurs champs de la décentralisation, que ce soit pour faciliter la participation des citoyens ou en matière de transport, avec un transfert négocié et adapté aux situations de routes ou de lignes ferroviaires. Je pense également à la préservation de la biodiversité, avec le rôle que peut avoir le pouvoir de police des maires dans les espaces protégés, sachant qu’ils sont les mieux préparés, avec leur personnel, pour assurer cette préservation.
Le projet de loi introduit aussi des éléments de coopération améliorée entre les niveaux de collectivités. Je cite à cet égard, parce que je pense que c’est une excellente idée, la contribution, qui devient maintenant la règle, du département à la préparation des programmes locaux de l’habitat. Pour ces projets, les grandes agglomérations disposent de l’ingénierie. Or c’est aussi un besoin dans les zones rurales ou les petites villes, qui ne disposent pas des compétences nécessaires pour réaliser un tel document, avec toutes ses composantes et toutes ses implications. Dans ces cas-là, la contribution du département va être précieuse.
De même, confier aux départements le rôle d’opérateur dans la réalisation des opérations d’habitat inclusif, qui est une intervention très utile en matière de solidarité concrète dans logement, me semble une bonne chose. À la différence d’autres, je ne vois pas la nuance négative à qualifier une collectivité d’opérateur d’une politique publique.
Enfin, ce texte propose une flexibilisation nécessaire de la loi SRU – je remercie à cet égard Mme Estrosi Sassone de sa contribution –, qui, j’en suis sûr, sera largement partagée et soutenue dans cette assemblée.
Il m’apparaît donc que nous allons sortir assez rapidement – c’est une question de minutes – de ce contraste entre des proclamations, pour certaines franchement critiques, ou appelant à des jours meilleurs, chacun ayant en tête un agenda politique, et une approche concrète d’amélioration de notre législation sur beaucoup de sujets. J’en profite d’ailleurs pour saluer le travail des commissions.
Nous entrons maintenant dans un débat où se manifestera une volonté partagée de partenariat entre l’État et les collectivités territoriales. Il y aura des divergences, mais aussi beaucoup de complémentarité, et je me réjouis que nous puissions contribuer ensemble à améliorer la décentralisation dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Bernard Delcros. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, en trente ans, de la loi ATR de 1992, qui a créé les intercommunalités à fiscalité propre, en passant par la loi NOTRe de 2015, une succession de textes législatifs a transformé en profondeur l’organisation territoriale de notre République. Certains étaient nécessaires et ont permis d’adapter l’organisation territoriale aux évolutions de la société. D’autres, en décalage avec les réalités du terrain, ont complexifié et finalement pénalisé l’action locale.
Alors, quels sont aujourd’hui les besoins des territoires ?
Sur le terrain, je le répète après d’autres, les élus n’attendent pas de nouveaux bouleversements. Ils ont désormais besoin de visibilité, j’y insiste, institutionnelle et financière. Cependant, dans ce cadre, ils attendent tout de même certaines évolutions pour faciliter, d’une part, leurs initiatives en matière de développement local et, d’autre part, leur tâche au quotidien. Et cela passe tout d’abord par une politique de la différenciation ! Tous les territoires ne sont pas identiques, et des règles appliquées partout, de façon uniforme, constituent un frein aux dynamiques locales.
Le bon sens veut que les règles s’adaptent aux réalités des territoires, et non l’inverse. C’est pourquoi, madame la ministre, l’inscription de la différenciation dans ce projet de loi est une avancée majeure que nous saluons. Le transfert des routes nationales, appliqué uniquement dans les départements volontaires, s’inscrit dans cette logique.
Mais la différenciation doit irriguer les territoires bien au-delà du texte qui nous est présenté. Par exemple, c’est un sujet qui me tient à cœur, les secteurs ruraux en perte d’habitants doivent pouvoir relever le défi de leur reconquête démographique grâce à une application différenciée des mesures de lutte contre l’artificialisation des sols. C’est vital pour eux ! Nous aurons l’occasion d’en reparler.
La simplification s’impose aussi à nous. Au fil du temps, les procédures et les normes se sont multipliées et complexifiées, créant autant d’obstacles à la bonne marche des territoires, et, de surcroît, des inégalités entre les grandes collectivités, qui disposent de services administratifs et juridiques étoffés, et les petites communes, qui se trouvent démunies et pénalisées dans leurs projets.
Il est temps de stopper cette fuite en avant de la complexification. Au-delà des mesures prévues dans ce texte, comme les échanges de données ou encore l’acquisition des biens sans maître ou en état d’abandon, ne ratons pas l’occasion d’inscrire dans notre droit une ambition forte de simplification massive, qui doit se concrétiser dans de nombreuses procédures administratives.
La déconcentration doit devenir une réalité pour renforcer l’efficacité de l’action de l’État dans la proximité. Les réformes successives des services de l’État se sont accompagnées d’un désengagement, particulièrement marqué dans le secteur rural, où la présence de l’État est pourtant cruciale, et d’un affaiblissement de l’État à l’échelle départementale au bénéfice d’une concentration au niveau régional.
Plusieurs mesures du texte que nous allons examiner vont dans le bon sens sur cette question, mais tout ne peut pas être réglé par la loi non plus. C’est une ligne de conduite continue qu’il faut adopter en faveur de la déconcentration afin que l’État réinvestisse les territoires au plus près des citoyens. Dans ce cadre, il est important de renforcer les prérogatives du préfet de département, mais cela ne suffit pas.
Enfin, j’en viens à la décentralisation. Les compétences que vous proposez d’accorder aux départements en matière de santé, de transition écologique ou d’habitat inclusif sont bienvenues. Cependant, il convient aussi d’introduire davantage de souplesse et de créer des passerelles entre les compétences de chaque niveau de collectivités, afin de faciliter la réalisation des projets. L’article 3, conforté par la commission grâce à plusieurs amendements, vise à répondre à cette préoccupation, notamment au travers de la délégation de compétences entre collectivités. Je pense néanmoins que des améliorations peuvent être apportées pour agir au meilleur niveau d’efficacité en fonction des situations locales.
Nous saluons, bien sûr, la réforme de la gouvernance des ARS, même si je considère qu’une réforme de plus grande ampleur serait nécessaire, avec notamment le renforcement des prérogatives à l’échelon départemental.
Madame la ministre, je veux dire un mot sur les contrats de cohésion territoriale. J’insiste sur l’importance de conserver, à côté des outils financiers contractualisés, la souplesse de la DETR, qui permet de répondre annuellement aux besoins des communes. En d’autres termes, et pour être bien clair, elle ne doit pas être complètement absorbée par les contrats de cohésion territoriale, ce qui pénaliserait les petites communes
Le texte que vous portez, avec la détermination que l’on vous connaît et le réalisme d’une élue de terrain, ce qui a permis de le faire arriver jusqu’ici, contient tous les ingrédients pour répondre aux besoins des territoires dans leur diversité. Il appartient désormais au Sénat d’y apporter les évolutions qui lui semblent nécessaires pour l’améliorer. Le groupe Union Centriste entend bien y prendre sa part. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Calvet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Calvet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi 3DS traite de beaucoup de sujets différents. Je vais m’intéresser à trois d’entre eux.
Commençons par la question du transfert d’une partie des routes nationales aux régions. Lorsque le Premier ministre, à Font-Romeu, a annoncé cette mesure phare, nous nous sommes tous réjouis dans mon territoire, plus spécialement à propos de la nationale 116, véritable colonne vertébrale du département des Pyrénées-Orientales, tant nous attendons une route nationale digne de ce nom.
À l’examen du projet de loi, ce fut plutôt la douche froide. En effet, malgré les effets d’annonce, nous ne connaissons pas la liste des routes nationales concernées. La RN116 et la RN20, qui aboutissent toutes deux à Bourg-Madame, seront-elles incluses dans l’expérimentation ? La prudence est de mise, vu les renoncements précédents de l’État, d’autant que nous ne savons pas dans quelles conditions se feront ces transferts de compétences : quid du transfert de personnels, de l’entretien et, surtout, des compensations financières ?
C’est aujourd’hui que nous avons besoin d’obtenir des précisions, car il est bien connu que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Nous en savons malheureusement quelque chose en ce qui concerne notre nationale 116. Pourtant, l’enjeu est prioritaire pour le développement et le désengorgement des régions.
Je remarque par ailleurs que le projet de loi prévoit des conventions État-région, d’une durée de cinq ans, que la commission des lois a eu la bonne idée de porter à huit ans.
J’en viens maintenant au chapitre de la coopération transfrontalière. Là, il y a vraiment de quoi être déçu. Nous nous retrouvons avec presque rien, ce qui est très décevant pour un pays comme le nôtre, qui partage 2 913 kilomètres de frontières terrestres en métropole avec ses huit États voisins.
Certes, des accords-cadres bilatéraux spécifiques sont régulièrement signés, par exemple l’accord de coopération sanitaire transfrontalier franco-espagnol de 2014. Certes, les différents sommets qui ont lieu tous les deux ans permettent des ajustements et de régler un certain nombre de problèmes pratiques, tels que l’accélération des formalités en vue de l’agrément des médecins pour l’exercice à l’hôpital franco-espagnol transfrontalier. Mais, en ce qui concerne la coopération entre les collectivités territoriales de régions frontalières, il a fallu l’adoption par la commission des lois d’un amendement tendant à conférer à l’ensemble des départements frontaliers les prérogatives octroyées à la Collectivité européenne d’Alsace. C’est indéniablement un progrès, tout du moins si cette disposition est maintenue.
Dans le cas de la coopération transfrontalière entre la France et le Royaume d’Espagne, on aurait pu s’appuyer sur le traité de Bayonne de 1995, qui porte justement sur la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales. Chez nous, nous avons créé des équipements communs utiles à tous les habitants du même bassin de vie : l’hôpital européen transfrontalier de Cerdagne, une station d’épuration des eaux, un abattoir. Nous pourrions aller beaucoup plus loin, notamment en matière de coopération universitaire.
Pour finir, j’en viens aux dispositions aménageant la loi SRU. Ici, les avancées sont réelles, et elles sont dues à Mmes Estrosi Sassone et Létard, qui, dans leur excellent rapport, ont identifié les particularités locales qui empêchent certaines collectivités d’honorer leurs obligations. Il s’agit des communes touristiques, qui se trouvent très souvent confrontées à une transformation massive de leurs nombreuses résidences secondaires en résidences principales. C’est le cas de Canet-en-Roussillon, par exemple, ou aussi du Barcarès, qui doit son existence à la volonté de l’État, à l’époque de la mission Racine.
La commission a donc décidé d’introduire de la souplesse là où il n’y en a pas, notamment en adaptant les contrats de mixité, qu’elle porte à six ans, et en introduisant la possibilité pour les communes soumises au rattrapage de recourir à la mutualisation des objectifs à l’échelle intercommunale. Il s’agit principalement de permettre aux communes de tenir des objectifs réalistes, compte tenu des spécificités du terrain, sans être injustement et inutilement pénalisées. J’espère toutefois que ces améliorations seront maintenues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je tiens à remercier l’ensemble des orateurs des groupes qui se sont exprimés. Je les ai bien sûr écoutés très attentivement.
Monsieur Marie, vous avez regretté que le texte passe de 83 à 158 articles. Je dois dire que nous devons cette augmentation à l’excellent travail constructif du Sénat. Aujourd’hui, nous sommes en séance publique, mais, vous le savez, ce travail a commencé bien en amont : les commissions ont travaillé chacune sur des parties du texte, la commission des lois ayant réalisé la plus grande part du travail.
Parmi les 158 articles, certains faisaient déjà partie du texte initial, même s’ils ont pu être modifiés, d’autres sont nouveaux. Comme certains ont l’impression que rien ne bouge de la part du Gouvernement, sachez que nous proposerons de maintenir 100 articles issus des commissions, sans les modifier de nouveau, ce qui montre l’étendue du travail de préparation que nous avons fait avec l’ensemble des acteurs du Sénat. Nous souhaitons en rectifier 30 – je dis bien « rectifier » –, pour les améliorer. Restent 28 articles avec lesquels nous ne sommes pas en accord. C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cinquante amendements de séance, ce qui n’est pas énorme, vous devez en convenir.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mais c’est lourd !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je termine avec le document que Philippe Bas a brandi et qui contient les 50 propositions du Sénat. (M. Philippe Bas brandit de nouveau le document.)
Il faut savoir, cher Philippe Bas, qu’il y avait déjà nombre de ces propositions dans le projet de loi initial et que nous sommes encore en discussion sur une quinzaine d’entre elles. Nous arriverons peut-être – qui sait ? – à ce que la moitié de ces 50 propositions figure dans le texte final. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale
Article additionnel avant le titre Ier
M. le président. L’amendement n° 260 rectifié, présenté par Mmes Cukierman, Assassi, Brulin, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Avant le titre Ier : la différenciation territoriale
Insérer un article ainsi rédigé :
Avant le livre Ier de la troisième partie du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 3111-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3111-… – La République reconnaît les départements comme division territoriale fondamentale, inhérente à l’organisation administrative et politique française et nécessaire à son bon fonctionnement, notamment par leurs compétences en matière de solidarités et leur soutien aux communes. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre préliminaire
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Nous souhaitons inscrire le département comme une division administrative française indispensable au cœur d’une République décentralisée.
Ces dernières années, le département a été fortement malmené, parfois fragilisé, voire menacé dans son existence. Il convient donc de réaffirmer toute la place et tout le rôle de cette collectivité des solidarités, non seulement sociales, mais également territoriales.
Le département a fait la démonstration de son efficacité, notamment dans la gestion de la crise sanitaire. C’est à cela que nous souhaitons nous attacher en défendant cet amendement, ainsi que d’autres qui suivront.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je note que cet amendement est une déclaration d’affection profonde au département, que nous partageons tous ici. En revanche, sa portée normative n’est pas à la hauteur de cette affection. Sans doute retrouverons-nous des manifestations de ce sentiment dans d’autres amendements plus opérationnels, mais, ici, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons que celles développées par Mme la rapporteure.
Je rappelle que les départements sont inscrits à l’article 72 de la Constitution. Je ne vois donc pas l’utilité d’adopter un tel amendement. En outre, madame Cukierman, cette majorité n’a pas l’intention de faire disparaître les départements.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je tiens à rassurer chacune et chacun ici, je ne fais pas partie de ceux qui mélangent l’affect et la politique.
M. Jérôme Bascher. C’est un tort !
Mme Cécile Cukierman. Vous dites que cet amendement est déclaratif et pas normatif, mais, au-delà de la déclaration, il vise à réaffirmer un principe.
Madame la ministre, j’en conviens, d’ici à la fin du quinquennat, les départements ne seront pas supprimés… Je me rappelle cependant les propos d’un certain candidat, devenu ensuite Président de la République, qui laissaient tout de même sous-entendre bien autre chose. Comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois !
Certes, cette majorité n’a pas supprimé les départements, mais nous resterons vigilants. La majorité précédente ne les avait pas supprimés non plus, mais quand on ne leur donne pas les moyens, on les affaiblit au point d’en faire des coquilles vides, ce qui a parfois des conséquences non négligeables. Cela aggrave notamment la fracture démocratique. Nous en avons la traduction avec l’abstention qui augmente élection après élection.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Même si le département est déjà inscrit dans la Constitution, réaffirmer son rôle capital pour le milieu rural, je trouve ça pas mal. Je voterai donc cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 260 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
TITRE Ier
LA DIFFÉRENCIATION TERRITORIALE
Articles additionnels avant l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 130 rectifié, présenté par MM. Sautarel, Rapin et C. Vial, Mmes Raimond-Pavero et Drexler, M. Mandelli, Mmes Schalck, Belrhiti, Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Burgoa, Courtial, Tabarot, Sido et Gremillet, Mmes Gosselin et Chain-Larché, M. Cuypers, Mmes Imbert et Joseph et MM. Genet, Bouchet et H. Leroy, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales, il est ajouté un titre préliminaire ainsi rédigé :
« Titre préliminaire
« Art. L. 100-…. – Le principe de libre administration confère aux collectivités territoriales la liberté institutionnelle, la liberté fonctionnelle et l’autonomie financière. »
La parole est à M. Stéphane Sautarel.
M. Stéphane Sautarel. Cet amendement a pour objet de réaffirmer le principe de libre administration des collectivités territoriales. Il vise à desserrer les contraintes en rendant aux collectivités la maîtrise de leurs compétences et en refondant leur autonomie financière. L’enjeu n’est autre que de libérer les énergies locales et les initiatives en faisant confiance aux élus locaux, responsables et engagés.
La portée du principe de libre administration doit juridiquement être appréciée de manière différente de celle du principe de libre organisation des collectivités territoriales. Le premier principe confère aux collectivités la liberté institutionnelle, la liberté fonctionnelle et l’autonomie financière, les limites de ces libertés étant la protection des droits fondamentaux, les libertés publiques et le respect du principe d’égalité.
Avec cet amendement, nous voulons substituer une décentralisation politique à une décentralisation trop souvent administrative.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Chacun ici est extrêmement attaché à la libre administration des collectivités. Toutefois, la disposition que vous proposez, mon cher collègue, est de rang constitutionnel. Elle n’est donc pas opérante.
Je pense qu’il serait important de prendre en compte les propositions que nous avons déjà faites au fur et à mesure de l’examen des articles. Ainsi, nous avons renforcé le pouvoir réglementaire local et la capacité des collectivités à faire des propositions en matière de délégation de compétences. Dès lors, je considère que votre demande est satisfaite.
C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai le même avis que la commission, même si je le dirai autrement : au fond, votre amendement est déjà satisfait par la Constitution.
M. le président. Monsieur Sautarel, l’amendement n° 130 rectifié est-il maintenu ?
M. Stéphane Sautarel. Non, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 130 rectifié est retiré.
L’amendement n° 891 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 519 rectifié bis, présenté par MM. Michau, Cozic, Jeansannetas, Pla et Vaugrenard, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5210-1-1 A du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Forment la catégorie des intercommunalités les communautés de communes, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les métropoles. »
La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. Le présent amendement vise à mieux identifier, dans la diversité extrême des formes d’établissements publics de coopération intercommunale, la catégorie spécifique des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Il est ainsi proposé de regrouper sous le terme générique d’« intercommunalité », désormais mieux connu des Français, les différents statuts d’EPCI à fiscalité propre ; ils resteront naturellement maintenus, mais formeront une catégorie commune.
La création de cette catégorie permettra de mieux expliquer le fait intercommunal à nos concitoyens, à travers une sémantique claire, et de simplifier l’écriture des lois et règlements, tout en la sécurisant.
Les EPCI à fiscalité propre doivent être distingués, pour d’évidentes raisons, au sein des établissements publics de coopération intercommunale.
Ainsi, outre le fait que toute commune doit faire partie d’un EPCI à fiscalité propre, et ce à l’exclusion de tout autre, le législateur a prévu l’exercice d’un certain nombre de compétences à l’échelle de l’intercommunalité.
Les conseillers communautaires et métropolitains issus des communes de plus de 1 000 habitants sont également élus directement par les électeurs.
Enfin, les répartitions de sièges entre communes au sein des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre sont très encadrées par la loi, contrairement à celles des autres formes d’établissements publics de coopération intercommunale.
Ces caractéristiques singulières, comme la nécessité de mieux expliquer le fait intercommunal au grand public, plaident pour l’usage d’un substantif adapté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La sécurité juridique de votre proposition, mon cher collègue, n’est pas du tout assurée. Ce serait mettre dans une même catégorie des groupements de communes excessivement importants, comme les métropoles que je qualifie de « génériques » et les métropoles à statut particulier.
Vous soulevez par ailleurs un point extrêmement important, qui a fait l’objet d’un travail dans la loi Engagement et proximité, à savoir la lisibilité et la transparence du fait intercommunal pour nos concitoyens. À mes yeux, un nom ne saurait suffire à créer un sentiment d’appartenance à une intercommunalité : il appartient aux élus intercommunaux, mais aussi aux maires et aux conseillers municipaux, de communiquer sur l’ensemble des actions menées par les intercommunalités. C’est ainsi que nos concitoyens auront une vision plus heureuse des intercommunalités et qu’elles-mêmes le seront plus.
Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je comprends ce que vous dites, monsieur le sénateur : dans le langage commun, on utilise souvent le mot « intercommunalité ». Toutefois, il faut un terme juridique pour distinguer les établissements publics de coopération intercommunale. C’est pourquoi, comme la commission, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Michau, l’amendement n° 519 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Michau. Non, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 519 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 689 rectifié, présenté par MM. Folliot, Bonnecarrère, Henno, Canévet et Kern, Mme Vermeillet, MM. J.M. Arnaud, Hingray, P. Martin, Le Nay et L. Hervé, Mme Vérien et M. Moga, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° du III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Cet amendement vise à redonner aux collectivités territoriales une certaine marge de liberté qui leur avait été ôtée par la sinistre loi NOTRe, où était mise en avant l’idée selon laquelle, si quelque chose est plus gros, plus grand, plus massif, il est plus efficace. C’est ainsi que l’on a obligé un certain nombre de communes et de communautés de communes à fusionner pour respecter de fameux seuils de population, déterminés à l’échelle nationale. Une population de 15 000 habitants a-t-elle donc la même signification en Île-de-France et dans nombre de nos régions ? Assurément pas ! Il en est de même pour le seuil dérogatoire de 5 000 habitants. Quant aux coefficients mis en place, qui permettraient d’abaisser ces seuils au regard d’un nombre de facteurs, dont la densité démographique, nul ne peut les comprendre !
On pourrait toujours dire que, somme toute, cette situation ne mérite pas que l’on y prête attention comme nous le faisons dans cet amendement. Il existe encore dans notre pays quelques communautés de communes qui comptent moins de 5 000 habitants : ainsi de celle du Cordais et du Causse, dans le Tarn, qui compte 4 800 habitants. Les seules perspectives offertes à cette intercommunalité, dans le schéma actuel, seraient de se rapprocher soit de la communauté de communes Carmausin-Ségala, qui compte déjà 32 communes sur un territoire très large, soit de la communauté d’agglomération Gaillac-Graulhet, qui regroupe 63 communes sur un périmètre encore plus large.
On en arrive à créer des formes de monstres, si vous me passez l’expression, avec un éloignement toujours plus grand entre nos concitoyens et ces communautés de communes qui ne correspondent plus, à certains égards, à des bassins de vie quotidienne. Il ne faut pas ensuite s’étonner qu’il y ait une large abstention aux élections, ne serait-ce qu’au regard du fait que nos concitoyens ne se retrouvent pas dans tout cela.
Cet amendement a donc pour objet de supprimer la référence à ces seuils de population, afin de redonner aux communes la liberté de s’unir et de coopérer dans le périmètre qui leur semble le plus opportun et le plus adapté à leur situation territoriale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement de notre collègue Philippe Folliot illustre les difficultés qui sont nées de réformes autoritaires, menées à marche forcée – à rênes serrées, diraient des cavaliers. On ne serait pas là aujourd’hui si les réformes précédentes avaient été lumineuses. On pourra constater, tout au long des débats sur ce texte, que des situations extrêmement difficiles et des blocages remontent du terrain.
Mon cher collègue, vous évoquez la notion mortifère de « seuil ». Quelle est la pertinence d’un seuil, notamment pour les intercommunalités ? On nous a affirmé un temps que la lumière était à 5 000 habitants ; quelques années plus tard, c’était à 20 000 ! Ma profonde conviction est qu’un seuil est tellement contraire à la réalité des choses qu’il vaut mieux éviter d’en parler. On ne substituera pas au seuil en place un autre seuil miraculeux.
Dans la loi Engagement et proximité, nous avons fait deux choses. Premièrement, nous avons permis que des intercommunalités se divisent, sous réserve de préserver l’intérêt de tout le monde, selon des règles strictes. Deuxièmement, nous avons supprimé la clause de révision sexennale qui avait été inscrite dans la loi NOTRe pour prévoir un nouveau regroupement d’intercommunalités.
Ces changements signifient que, si la situation actuelle peut encore être difficile, le préfet ne pourra en tout cas pas, à ce stade, contraindre une intercommunalité à en rejoindre une autre. Ce serait en revenir au refrain selon lequel seul ce qui est « XXL » est puissant et utile, refrain si simple qu’il en est faux !
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le sénateur Folliot, j’étais sénatrice lors de l’examen de la loi NOTRe. Nous nous sommes battus dans cet hémicycle pour qu’il y ait des exceptions au seuil de 15 000 habitants et, notamment, pour qu’on admette que des intercommunalités puissent se former dès un seuil de 5 000 habitants dans les zones où la densité de population est inférieure à la moyenne nationale, ce qui est le cas dans beaucoup de départements ruraux.
Au lendemain d’élections municipales et intercommunales – elles n’ont eu lieu qu’il y a un an –, il est sage de laisser la loi comme elle est et de ne pas provoquer de bouleversements qui viendraient perturber la vie locale.
Ces arguments, ainsi que ceux de Mme la rapporteure, justifient l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Folliot, l’amendement n° 689 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Folliot. Oui, je le maintiens, ne serait-ce que pour cette simple et bonne raison : qu’on le veuille ou non, ces seuils existent toujours !
Je veux donner encore un exemple de cette obligation de fusionner les intercommunalités qu’on en a tiré. J’étais président d’une intercommunalité qui fonctionnait très bien, mais qui avait un défaut aux yeux de la loi : elle n’avait que 3 500 habitants. Eh bien, nous avons été obligés de fusionner avec une autre intercommunalité pour en créer une nouvelle, de 12 000 habitants. Certes, cela entre dans le cadre de la loi, mais il faut quarante-cinq minutes au maire du Masnau-Massuguiès pour se rendre en voiture au siège de la nouvelle communauté de communes, pour chaque réunion de l’intercommunalité ! C’est juste impossible !
Ce que certains subissent déjà, il n’est pas tout à fait logique de l’imposer à d’autres. Plus il y aura de liberté et plus nous reviendrons sur les excès d’une loi que nous sommes presque unanimes à condamner en la matière, mieux ce sera pour nos territoires !
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Nous savons gré au Sénat d’avoir abaissé à 5 000 habitants ce seuil qui s’impose aux intercommunalités. Toutefois, qu’adviendra-t-il le jour où une communauté de communes qui compte actuellement 5 050 habitants passera sous le seuil des 5 000 habitants – toutes les régions de France ne connaissent pas des augmentations de population –, pour n’atteindre plus que 4 950 habitants ? Que fera le préfet ? On n’a pas prévu un tel cas !
C’est pourquoi je suis complètement d’accord avec mon voisin et ami Philippe Folliot : c’est le genre de stupidité qu’il faut vraiment faire sauter, pour libérer les territoires ruraux. N’oublions pas que certains d’entre eux, en France, n’ont que cinq habitants au kilomètre carré !
Je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous n’allons pas refaire ici les nombreux débats de la loi NOTRe, avec sa volonté exprimée à l’époque de fixer des seuils. On était très loin de la différenciation : il fallait les fixer et, après seulement, trouver quelques exceptions pour que chacun puisse quand même retrouver ses petits et rentrer dans son département sans trop de violence.
Nous voterons bien évidemment cet amendement. Je veux simplement souligner qu’on est parfois beaucoup plus prompt ici à prôner la différenciation pour l’adaptation de certaines lois et de certaines normes que pour d’autres. La question des seuils et de la constitution des intercommunalités nous ramène à des débats passés, quoique passionnants. En fin de compte, il n’est de seuil pertinent que celui qui est vécu et partagé par ceux qui constituent une intercommunalité.
Je me rappelle que, quand ces seuils ont été institués, le Sénat avait tout fait pour les abaisser le plus possible par rapport au texte initial ; il n’en demeure pas moins que des difficultés continuent de se produire, parce qu’on ne peut pas tout anticiper. C’est pourquoi on en arrive aux situations qui viennent d’être décrites.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je pense que le seuil de 5 000 habitants qui avait été retenu par le Sénat est très bon. Je veux en remercier Mme la ministre. Ma communauté de communes compte un peu plus de 5 000 habitants ; si nous avions dû fusionner avec l’agglomération de Tulle, nous aurions été à plus de cinquante-cinq kilomètres de la ville centre.
Il faut absolument conserver ces intercommunalités où les petites communes se retrouvent et où on a une gestion de proximité. Bien sûr, les revenus sont modestes et ce n’est pas facile quand il faut réaliser des implantations, mais les élus veulent de la proximité.
Adopter cet amendement pourrait être utile pour apporter davantage de souplesse et pour que, comme Alain Marc l’a évoqué, il n’y ait pas de remise en cause d’une communauté de communes qui descendrait un peu en dessous de 5 000 habitants.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Arnaud. Cet amendement inaugure bien les travaux que nous entamons aujourd’hui autour de ce projet de loi 4D. Nous devons déterminer si, oui ou non, nous allons procéder à une redéfinition des libertés locales. Il me semble que, sur beaucoup de sujets dont nous aurons à débattre tout au long de l’examen de ce texte, c’est bien ce curseur qui importera.
M. Philippe Pemezec. Eh oui !
M. Jean-Michel Arnaud. Nous aurons un débat sur la liberté locale en matière de choix de compétences, notamment pour l’eau et l’assainissement. J’ai cru comprendre que le Gouvernement allait demander en la matière le retrait des propositions de la majorité sénatoriale, qui me semblent d’ailleurs rassembler un grand nombre des groupes de notre assemblée.
Ce qui est demandé aujourd’hui à travers cet amendement de M. Folliot, c’est de recréer de la souplesse, mais aussi une certaine adhésion à un pacte intercommunal de la part des communes membres, qui doivent choisir la manière dont elles souhaitent s’organiser territorialement. Or pour celles et ceux qui ont vécu l’élaboration des schémas départementaux de coopération intercommunale – j’en étais ! –, la question de la cohérence des espaces de vie intercommunale était largement au second rang par rapport à l’objectif de respect des seuils démographiques.
On se retrouve ainsi, dans certains secteurs, avec des intercommunalités de 64, 65, voire 66 communes ; dans de telles circonstances, les communes les plus modestes et les maires qui les représentent se trouvent complètement exclus du projet intercommunal. Rappelons, pour la forme, que l’intercommunalité est au service de ses communes membres, et non l’inverse !
Il me paraît donc indispensable, si l’on veut sauvegarder durablement l’intérêt des intercommunalités pour nos territoires, intérêt bien réel dans certains domaines, de conserver cette liberté locale. C’est la raison pour laquelle je voterai, de manière très engagée, en faveur de l’amendement déposé par notre collègue Folliot.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis une rurale, comme vous. Il faut quand même relativiser les choses. Rappelons que c’est la loi de 2010 qui a rendu obligatoire l’appartenance à une intercommunalité. On peut toujours faire la critique des voisins, de ceux d’avant et de ceux d’encore avant, mais il n’en reste pas moins qu’une logique s’est installée sous des majorités différentes.
Quant à ce seuil, j’ai consulté les chiffres : en France, il y a quatre intercommunalités dont la population est inférieure à 5 000 habitants. Eh bien, personne n’est venu les embêter ni nous poser de questions ! On trouve également 340 intercommunalités dont la population est comprise entre 5 000 et 15 000 habitants. Franchement, revenir sur ce seuil de 5 000 habitants déclencherait un petit séisme dans l’intercommunalité qui n’a pas vraiment d’intérêt.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Encore une fois, le sujet dont il est question illustre un vrai malaise. Je l’entends, et je considère qu’il y a eu dans la loi NOTRe beaucoup d’égarements théoriques.
Certes, nous pouvons renverser la table de manière considérable, en changeant des seuils, ou en les supprimant, ce que je comprends sur le fond, mais cela aurait des conséquences. Je vous le dis très sincèrement, après en avoir discuté lors de nos auditions avec les représentants des associations d’élus.
Des situations particulières existent, comme celles qu’ont évoquées M. Folliot et d’autres encore, qu’il faut régler. Si nous pensons régler ces situations en modifiant les seuils pour l’ensemble des intercommunalités de France, nous devrons aussi le faire pour les communautés d’agglomération, voire pour les communautés urbaines et les métropoles.
Ce qui a été fait n’était sans doute pas ce que les élus locaux souhaitaient, ce n’était pas génial – ne revenons pas là-dessus, je partage leur sentiment –, mais ils ont mis trois ans à s’organiser et considèrent aujourd’hui que l’urgence est plutôt, comme nous l’avons dit précédemment, de rendre des services aux citoyens. Si l’on devait à nouveau démonter l’architecture pour tout recommencer – cela n’est pas demandé par les associations d’élus –, on mettrait à mon sens des collectivités et des groupements de communes en difficulté. Reste qu’il est très important, madame la ministre, qu’un dialogue soit mené avec le préfet de manière à assurer un traitement particulier des situations qui conduisent à des blocages.
Nous allons introduire des possibilités de délégation et de territorialisation de compétences au sein des intercommunalités. Mme la ministre n’aime pas cette idée,…
M. le président. Il faut conclure, madame le rapporteur !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. … mais les réponses aux questions sont là.
Je vous confirme donc, mes chers collègues, l’avis défavorable de la commission sur cet amendement. C’est, si je puis dire, une sagesse de raison.
Veuillez me pardonner, monsieur le président, d’avoir été un peu longue.
M. le président. Vous connaissez comme moi le nombre d’amendements que nous devons examiner ; c’est pourquoi je vous ai invitée à conclure votre propos.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Je suis un peu inquiète – le mot est peut-être exagéré – de la manière dont s’engage le débat.
Voilà un texte dont tout le monde a dit dans la discussion générale qu’il était insatisfaisant, fourre-tout, sans colonne vertébrale, et j’en passe. Tout le monde veut donc y apporter ce qui nous remonte des élus locaux de partout, pour au moins améliorer des situations insatisfaisantes. Le présent amendement va dans cette direction ; c’est pourquoi nous le voterons.
Si on craint que l’adoption de cet amendement contribue à dissoudre toute l’architecture de l’intercommunalité en France, quel aveu d’échec sur ce qui a été construit ! En réalité, cela va non pas révolutionner l’organisation territoriale en France, mais simplement permettre de revenir sur des intercommunalités qui n’épousent absolument pas des bassins de vie et qui sont des constructions technocratiques. Effectivement, madame la ministre, cela ne concernera sûrement qu’un petit nombre d’entre elles, mais, verrouiller toutes les modifications possibles avant même d’aborder l’article 1er d’un texte qui veut faire de la différenciation territoriale et de la décentralisation son cœur, ce n’est pas de très bon augure pour la suite de nos débats.
M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Il faut quand même apporter un peu de liberté aux collectivités territoriales. Leur libre administration doit être une réalité ! Il faut bien dire que, à la suite de l’adoption de la loi NOTRe, un certain nombre de regroupements ont été opérés, quasiment d’autorité, par les préfets dans les départements, sans qu’ils correspondent aux souhaits des élus.
Il est pourtant important, si l’on veut développer la coopération intercommunale dans notre pays, que les territoires retenus soient pertinents. Or la pertinence des territoires s’affranchit bien entendu de certaines règles relatives au seuil, même si l’on s’aperçoit que peu de collectivités sont concernées par ce problème. Cela ne fait rien : il faut absolument qu’on s’affranchisse de ces seuils pour redonner aux élus la capacité de s’organiser et de décider eux-mêmes du projet qu’ils veulent construire ensemble.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je ne voudrais pas qu’on se trompe de débat. J’ai été l’un des premiers, lors du vote de la loi NOTRe, à regretter que les seuils soient ainsi définis. Là où le bât blesse, je le dis très clairement, c’est que ce que vote le législateur n’est pas toujours suivi d’effet.
Nous en avons discuté il y a quelques jours avec Mme la ministre. La loi offre la possibilité aux intercommunalités de se scinder, de définir de nouveaux périmètres, mais, il me faut malheureusement le dire franchement, trop souvent les préfets bloquent. J’imagine qu’ils agissent sur instruction, parce qu’il ne serait pas de bon ton de séparer des intercommunalités… Je connais un cas dans le département du Morbihan, mais je pourrais citer d’autres exemples pour étayer mon propos.
Je veux le dire très solennellement : si les textes que nous votons ici ne sont pas suivis d’effet, alors il ne faut pas s’étonner qu’on en arrive à des abus, ce qui ne peut qu’inciter nos collègues à déposer des amendements comme celui-ci.
Mme Cécile Cukierman. Absolument !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Faites-nous confiance, mes chers collègues : comme nous l’avons fait avec la mission de contrôle et de suivi de la mise en œuvre des dernières lois de réforme territoriale, nous pointerons du doigt chaque cas qui se présentera à nous et nous le ferons émerger. On ne peut pas continuer de demander au législateur de voter des lois, pour, ensuite, si la loi adoptée ne va pas dans le sens choisi par l’État, s’asseoir dessus !
Je veux le dire avec fermeté, car il me semble que le type de débat que nous avons aujourd’hui naît du fait que l’on n’applique pas les textes que nous avons adoptés. On débattra demain des compétences « eau » et « assainissement », où on fait face à peu près au même problème : à un moment donné, on n’entend pas les situations des territoires, on ne leur laisse pas suffisamment de liberté.
Cela dit, je rejoins l’avis défavorable de ma collègue rapporteur.
M. Jean-Michel Arnaud. C’était un avis de sagesse !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Non, mon cher collègue, j’ai dit que notre avis défavorable était une sagesse de raison !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Le débat que nous avons n’est pas nécessairement le bon, mais il me semble que nous devons être très vigilants pour que ce que vote le législateur soit suivi d’effet après la promulgation du texte.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. J’entends tout ce qui a été dit sur les libertés locales ; nous partageons tous une grande partie de ces propos. Cela étant, la liberté locale, pour quoi faire ? L’intercommunalité est un espace de coopération pour porter un projet de développement local ; voilà à quoi elle sert !
Je rappellerai simplement, comme d’autres avant moi, que, depuis quinze ans, des seuils différents ont été fixés : d’abord, 5 000 habitants, dans la loi RCT ; ensuite, 15 000 habitants, dans la loi NOTRe. Pourquoi ces seuils ont-ils été fixés ? Il faut tout simplement se souvenir de la période antérieure : certaines intercommunalités, quand bien même elles correspondaient à un bassin de vie, étaient trop petites pour mener une quelconque politique publique, parce qu’elles n’en avaient pas les moyens.
On peut concevoir l’intercommunalité de deux façons : selon un mode identitaire, où chacun réclame sa place, ou comme un mode de coopération, pour lequel il est important de délivrer des politiques publiques aux citoyens. Tel est bien l’objectif des intercommunalités !
Pour prolonger les propos des rapporteurs, je veux rappeler qu’il existe déjà des possibilités de dérogation. Toutes les intercommunalités n’ont pas une population supérieure au seuil de 15 000 habitants : c’est le cas de trois communautés de communes de mon département, qui remplissaient déjà certains critères dérogatoires.
En outre, les intercommunalités qui le souhaitent ont la possibilité de se démarier. Certes, on peut regretter que cette faculté ne soit pas très utilisée : à ma connaissance, sur les 1 253 EPCI français, seuls trois démariages sont en cours. Il n’en reste pas moins que cette faculté existe.
M. le président. L’amendement n° 331, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’autonomie financière des collectivités territoriales est une garantie constitutionnelle pour leur assurer le bénéfice de ressources propres et ainsi leur permettre la mise en œuvre réelle de leur libre administration.
De plus, la compensation intégrale des transferts de compétences de l’État, vers les collectivités territoriales, ou entre elles, doit être réellement assurée.
Par ailleurs, toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales doit être accompagnée de ressources déterminées par la loi.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous souhaitons, par cet amendement, ouvrir le débat sur l’autonomie financière des collectivités, dont, je suppose, nous aurons l’occasion de discuter à maintes reprises lors de l’examen de ce texte.
L’autonomie financière est, à nos yeux, aussi importante que les libertés locales, dont nous venons de débattre. Nous souhaitons l’évoquer d’entrée de jeu, puisque des articles transférant des compétences aux collectivités vont être examinés très rapidement.
La Constitution pose comme principes que les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources et que tout transfert de compétences s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Or l’expérience montre quasi quotidiennement que ces principes ne permettent pas d’assurer la réelle autonomie financière des collectivités. De plus en plus d’impôts locaux sont aujourd’hui remplacés par des dotations de l’État, même si elles proviennent d’impôts nationaux. Je pense aux fractions de la TVA, par exemple. On connaît également des tas de compensations qui, au fil du temps, ne sont pas abondées comme elles devraient l’être.
Une véritable décentralisation, à savoir la possibilité pour les collectivités de mener des politiques adaptées aux besoins de leur territoire et de leur population, ne peut pas se résumer à leur faire assumer des compétences que l’État leur confierait avec des moyens qu’il leur consentirait. Une véritable autonomie financière est nécessaire.
Tel est le sens de cet amendement
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Chère collègue, vous évoquez un sujet dont le Sénat débat souvent, à savoir l’autonomie financière des collectivités.
Je rappelle que ce principe est déjà consacré dans la Constitution. Reste que ce que vous dites est juste : si les compétences transférées font l’objet d’une compensation au moment du transfert, leur coût n’est jamais réévalué.
Nous avons déposé un amendement pour remédier à cette difficulté. Ce faisant, nous avons repris l’une des 50 propositions du Sénat, travaillée avec la commission des finances, notamment avec Charles Guené, qui vise à introduire une clause de révision du coût des compétences transférées.
Nous pensons donc que votre amendement est satisfait par les dispositions de la Constitution et par l’invitation que nous adressons au Gouvernement de faire un pas supplémentaire par la clause de révision. La commission en sollicite donc le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comme vient de le dire Mme la rapporteure, le principe d’autonomie financière est inscrit dans la Constitution.
Qu’entend-on par « autonomie financière » ? C’est généralement ce point qui fait discussion.
À l’instar de ce que vient de faire Mme la rapporteure, je me tourne vers Charles Guené. Nous en avons déjà débattu à de multiples occasions, et je crois savoir que la commission des finances travaille sur le sujet.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 331.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
Le chapitre Ier du titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Est ajoutée une section 1 intitulée : « Dispositions générales et exercice différencié des compétences » et composée des articles L. 1111-1 à L. 1111-7 ;
2° Est ajoutée une section 2 intitulée : « Délégations de compétences » et composée des articles L. 1111-8 à L. 1111-8-2 ;
3° Est ajoutée une section 3 intitulée : « Exercice concerté des compétences » et composée des articles L. 1111-9 à L. 1111-11 ;
4° Après l’article L. 1111-3, il est inséré un article L. 1111-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-3-1. – Dans le respect du principe d’égalité, il est tenu compte, pour la définition des règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales, des différences de situations dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales relevant de cette catégorie. »
M. le président. L’amendement n° 264, présenté par Mmes Cukierman, Assassi, Brulin, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. La discussion que nous avons eue sur l’avant-dernier amendement est un assez bel exemple du débat entre différenciation et rétablissement de la clause générale de compétence.
J’ai bien entendu que certains se demandaient pourquoi et comment faire. Quand la loi permet la différenciation, encore faut-il que les collectivités en aient les moyens ! Ce n’est pas la même chose que prévoir dès le départ la clause générale de compétence, donc une obligation de la part de l’État d’assurer l’exercice de celle-ci.
Il existe inévitablement, sur les territoires, des réalités variées, multiples, liées à l’histoire, à la géographie, à la topographie, aux habitudes, aux modes de déplacement et de travail des femmes et des hommes. Ces différences ne doivent pas être niées et sont une richesse pour faire République ensemble.
Mais la différenciation, telle qu’elle est aujourd’hui proposée ici, ne vise pas à partir de réalités locales pour pouvoir satisfaire, en fonction de celles-ci, les besoins des populations. Elle vise à reconnaître qu’il existe des différences et à permettre qu’une collectivité puisse déroger à telle procédure législative ou à telle norme. Encore faut-il qu’elle en ait les moyens financiers ou les capacités d’ingénierie. Or, sur ce point, nous n’avons pas de réponse. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 1er.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ma chère collègue, la différenciation, c’est comme la prose de M. Jourdain : on en fait déjà. Songez à la loi Montagne, à la loi Littoral, à la loi SRU, aux dispositions concernant spécifiquement les outre-mer, les petites ou les grandes communes, les intercommunalités de taille différente…
Nous avons vu avec l’amendement dont nous avons longuement débattu combien il était nécessaire de permettre la prise en compte des spécificités des territoires.
Le Sénat ne peut pas clamer son attachement à la diversité des territoires et refuser soudainement la différenciation.
On sait qu’une commune de 400 habitants ne peut avoir les mêmes obligations qu’une commune de 100 000 habitants. On sait que, comme le Conseil d’État l’a affirmé, la différenciation est non pas une interprétation égalisatrice du principe d’égalité, tel qu’il a été défini par la Révolution française, mais la nécessité de mettre en œuvre des moyens adaptés pour qu’il y ait une égalité de droits.
Votre amendement mérite sans doute le débat de fond que nous avons, mais je crois qu’il dessert l’objectif qui est de rendre des services à tous nos concitoyens, jusqu’au dernier kilomètre. La commission en sollicite donc le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Chère Cécile Cukierman, je reconnais votre ligne : je me souviens que vous aviez voté contre le projet de loi organique relatif à l’expérimentation, qui prévoyait une plus grande différenciation. Je ne suis donc pas du tout étonnée par votre amendement.
J’ajoute tout de même que l’expérimentation et la différenciation se font dans le cadre constitutionnel du principe d’égalité.
J’émets évidemment un avis défavorable sur votre amendement, mais vous verrez, au cours de l’examen de ce texte, que je respecte le principe d’égalité. Je vous en apporterai la preuve à plusieurs reprises.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Si ça commence comme ça, alors que nous n’en sommes qu’au début du texte…
Madame la rapporteure, je dis ce que je veux, non pas parce que je ferais un caprice, mais parce que j’exprime une appréciation différente sur ces questions. Sur la manière dont les réalités territoriales différentes doivent être prises en compte par l’administration, demain, au regard de la loi, la parole n’est pas monolithique.
Je respecte votre point de vue. Je vous demande, par politesse, de respecter le mien. Tout amendement doit pouvoir être débattu ici, qu’on y souscrive ou non.
Vous avez cité l’exemple de différentes lois : si elles prévoient la prise en compte de réalités différentes, elles ne partent pas, a priori, du principe de différenciation tel qu’il est écrit ici. Cela étant, je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai déjà développés.
J’entends ce que vous dites, madame la ministre. Je ne dis pas que la différenciation est la fin de l’égalité républicaine. Je dis simplement que, dans les faits, elle risque, demain, de renforcer les métropoles, les régions, les plus grosses collectivités, au détriment des plus petites. J’ai défendu ce point de vue lors de la discussion générale, et je continuerai à le faire.
Évitons les postures ! Je ne suis pas là pour me construire un avenir politique, mais simplement pour répondre à des préoccupations. Les positions contradictoires permettent un débat pluraliste.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je suis favorable à la différenciation.
Il est évident que, dans certaines communes ou certains secteurs ruraux, s’il n’y a pas, à l’avenir, une différenciation, on ira vers une désertification. Une différenciation, au moyen d’une zone de revitalisation rurale ou d’aides renforcées aux communes, permettra d’y maintenir la vie.
6
Candidatures à deux éventuelles commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des éventuelles commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 et de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. La séance est reprise.
7
Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, modifié par lettre rectificative, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.
Nous poursuivons la discussion de l’article 1er.
Article 1er (suite)
Mme le président. L’amendement n° 801 rectifié, présenté par MM. Roux, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les services déconcentrés de l’État facilitent la réalisation de la différenciation territoriale et des initiatives locales, et promeuvent des expérimentations.
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. L’article 1er fixe un nouveau principe allant au-delà de celui de la seule décentralisation. Ainsi, il ancre dans la loi le principe de la différenciation territoriale en offrant aux collectivités certaines attributions afin d’y parvenir.
Dans cette perspective, il apparaît essentiel que les services de l’État soient associés à ce processus, afin, d’une part, de faciliter sa bonne réalisation, et, d’autre part, d’assister au mieux les collectivités territoriales dans leur effort de différenciation.
Il s’agit de dire non pas que les collectivités devraient être limitées en raison de l’action étatique des services déconcentrés, mais que ces services facilitent la réalisation de la différenciation territoriale et les initiatives locales de nos collectivités ainsi que les expérimentations qu’elles peuvent mener.
Il s’agirait ainsi d’inaugurer une nouvelle culture administrative de partenariat renforcé et de travail partagé.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Cher collègue, vous souhaitez que la participation des services déconcentrés à l’objectif de différenciation soit plus importante. Votre volonté est juste, et nous la partageons.
Toutefois, il nous semble que le dispositif de votre amendement relève davantage du niveau réglementaire. Il convient également de rappeler que nous avons, par des possibilités de liberté et de sollicitation en matière de différenciation, complété la loi relative à la simplification des expérimentations que nous avons votée.
Votre amendement nous paraît donc satisfait. Par conséquent, la commission en sollicite le retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, votre amendement est tout à fait juste, mais me semble satisfait, puisque les services déconcentrés de l’État ont déjà pour mission de favoriser la réalisation des initiatives locales, y compris en matière de différenciation territoriale, dans le cadre de la mission de conseil et d’accompagnement que les préfets assurent auprès des collectivités territoriales. Je rappelle par ailleurs que les préfets sont désormais les délégués de l’Agence nationale de la cohésion des territoires dans les départements.
En outre, comme vous le savez, une expérimentation offrant la possibilité au préfet de déroger à des normes réglementaires a été menée dans dix-sept départements. Cette expérimentation s’étant révélée positive, nous l’avons étendue, depuis avril 2020, à l’ensemble des départements.
Des guichets d’appui aux expérimentations locales seront également prochainement mis en place dans chaque préfecture du département pour accompagner les élus.
Dans ces conditions, je vous invite à retirer votre amendement.
Mme le président. Monsieur Gold, l’amendement n° 801 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Gold. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 801 rectifié est retiré.
L’amendement n° 1532 rectifié n’est pas soutenu.
Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1675 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 390, présenté par Mme Jasmin, MM. Marie, Kerrouche, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces mêmes règles font l’objet d’une actualisation régulière pour les départements et les régions d’outre-mer régis par l’article 73 de la Constitution, les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie pour les adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de ces territoires. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
.… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
.… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement est directement inspiré des travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer dans la perspective de ce projet de loi, particulièrement attendu par les élus et la population de nos territoires. Le sénateur Patient a souligné l’excellence de ce rapport de notre ancien collègue et président de la délégation Michel Magras, qui pointait déjà les limites actuelles du droit en matière de différenciation territoriale pour les outre-mer.
Bien qu’inscrit dans la Constitution, ce droit n’est que théorique et son application législative ou réglementaire est rarement effective, ce qui explique une certaine complexité. C’est pourquoi il nous semble indispensable de fixer dans la loi un prérequis : la nécessité de l’actualisation régulière, de la simplification et de l’adéquation législative du droit à la différenciation pour nos territoires d’outre-mer.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Chère collègue, nous souscrivons tous à la nécessité d’une reconnaissance des spécificités des territoires ultramarins et à une meilleure prise en compte de celles-ci par la législation et les règlements. Toutefois, la rédaction que nous proposons a vocation à s’appliquer à tous les territoires qui, aujourd’hui, ne disposent pas de ce droit à la différenciation. Or les territoires ultramarins bénéficient déjà de dispositions particulières.
Vous évoquez la mise en œuvre des dispositions de la loi. Je me permettrai d’inviter le ministre des outre-mer à être attentif à l’application de ce droit à la différenciation spécifique aux territoires ultramarins.
La commission sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Madame la sénatrice, en tant que parlementaire, vous avez bien sûr un droit d’initiative et vous pouvez déposer des propositions de loi.
Il semble qu’une telle obligation encadre de manière peut-être excessive les pouvoirs du Parlement. En effet, le législateur doit demeurer libre de légiférer, lorsque la situation le justifie, pour simplifier ou adapter le droit spécifiquement applicable aux collectivités situées en outre-mer, qui sont régies par les articles 73 et 74 de la Constitution.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme le président. Madame Jasmin, l’amendement n° 390 est-il maintenu ?
Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, sachez que, lors de l’élaboration de ce rapport, quasiment tous les exécutifs des différents territoires ont été auditionnés par la délégation aux outre-mer. Je peux vous dire que notre proposition correspond à un véritable besoin.
Je retire l’amendement, mais je crois qu’une telle mesure serait l’occasion de permettre la simplification des différentes procédures.
Mme le président. L’amendement n° 390 est retiré.
L’amendement n° 1280, présenté par Mme Jasmin et M. Lurel, est ainsi libellé :
I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le présent article s’applique à l’ensemble du territoire de la République, y compris les départements et les régions d’outre-mer régis par l’article 73 de la Constitution.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
.… – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. L’objectif de l’article 1er de ce projet de loi est de donner une plus grande effectivité à la différenciation territoriale en consacrant son principe dans la loi.
En raison de la multiplicité des spécificités locales de chaque territoire ultramarin, l’effectivité de la différenciation territoriale est un enjeu particulièrement essentiel pour les collectivités d’outre-mer. Dès lors, on peut s’étonner que l’étude d’impact annexée à ce projet de loi précise que les mesures de l’article 1er ne s’appliquent pas en outre-mer.
Si cette gageure est fort heureusement corrigée par l’article suivant – l’article 1er bis –, les méandres des débats parlementaires, notamment à l’Assemblée nationale, pourraient être fatals à la longévité de cet article. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’ouvrir aux territoires d’outre-mer les possibilités de simplification prévues à l’article 1er.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Chère collègue, on peut considérer que cet amendement est un amendement de repli.
Je renouvelle les préconisations que j’ai suggérées pour assurer une effectivité du droit. L’avis reste donc le même que précédemment : retrait ou, à défaut, défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je vais m’attacher à un autre aspect, madame la sénatrice.
Les outre-mer étant régis, comme je l’ai dit précédemment, par les articles 73 et 74 de la Constitution, ils ont déjà des capacités de différenciation renforcées par rapport à l’article 1er, qui concerne les collectivités métropolitaines, lesquelles relèvent de l’article 72.
Ainsi, l’article 73 de la Constitution prévoit que les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités. Il prévoit également que les collectivités peuvent être habilitées, par la loi ou le règlement, à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire.
Je le répète, l’article 1er concerne les collectivités relevant de l’article 72, puisque les outre-mer sont déjà en avance sur le droit à la différenciation, en vertu des articles 73 et 74 de la Constitution. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme le président. Madame Jasmin, l’amendement n° 1280 est-il maintenu ?
Mme Victoire Jasmin. Je tiens à préciser que, lors de la préparation du rapport, l’ensemble des collectivités ont appelé à des modifications, parce que le Gouvernement ne répond pas forcément aux demandes qui lui sont formulées. C’est la raison de notre proposition.
Cela étant, je retire l’amendement.
Mme le président. L’amendement n° 1280 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre Ier du livre II de la troisième partie est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-3. – Un conseil départemental ou, par délibérations concordantes, plusieurs conseils départementaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires, en vigueur ou en cours d’élaboration, concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement d’un, de plusieurs ou de l’ensemble des départements. Ces propositions peuvent en particulier porter sur la différenciation des règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables aux départements afin de tenir compte des différences de situations dans lesquelles ils se trouvent.
« Les propositions adoptées par les conseils départementaux en application du premier alinéa du présent article sont transmises par les présidents de conseil départemental au Premier ministre, au représentant de l’État dans les départements concernés et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. » ;
2° L’article L. 3444-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces propositions peuvent en particulier porter sur la différenciation des règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à ces départements afin de tenir compte des différences de situations dans lesquelles ils se trouvent. » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les propositions adoptées par les conseils départementaux en application du premier alinéa sont transmises par les présidents de conseil départemental au Premier ministre, au représentant de l’État dans les départements concernés et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. » ;
3° L’article L. 4221-1 est ainsi modifié :
a) Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces propositions peuvent en particulier porter sur la différenciation des règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à ces régions afin de tenir compte des différences de situations dans lesquelles elles se trouvent. » ;
b) À la fin du dernier alinéa de l’article L. 4221-1, les mots : « et au représentant de l’État dans les régions concernées » sont remplacés par les mots : « , au représentant de l’État dans les régions concernées et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat » ;
4° À la fin du second alinéa des I et III de l’article L. 4422-16, les mots : « et au représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Corse » sont remplacés par les mots : « , au représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Corse et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat » ;
5° L’article L. 4433-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces propositions peuvent en particulier porter sur la différenciation des règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à ces régions afin de tenir compte des différences de situations dans lesquelles elles se trouvent. » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les propositions adoptées par les conseils régionaux en application du premier alinéa du présent article sont transmises par les présidents de conseil régional au Premier ministre, au représentant de l’État dans les régions concernées et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. » ;
6° L’article L. 7152-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « au Premier ministre » sont supprimés ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les propositions adoptées par l’assemblée de Guyane en application du premier alinéa du présent article sont transmises par le président de l’assemblée de Guyane au Premier ministre, au représentant de l’État et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. » ;
7° L’article L. 7252-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « au Premier ministre » sont supprimés ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les propositions adoptées par l’assemblée de Martinique en application du premier alinéa du présent article sont transmises par le président de l’assemblée de Martinique au Premier ministre, au représentant de l’État et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. »
Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.
M. Daniel Chasseing. Alors que nous entamons l’examen de l’article 1er bis, je tiens à indiquer qu’il serait souhaitable d’avoir une décentralisation plus importante au bénéfice des départements, qui sont devenus des acteurs incontournables de l’action sociale et médico-sociale. Madame la ministre, nous devons aller plus loin dans la décentralisation et la simplification, pour améliorer l’accompagnement des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées.
La décentralisation de la compétence médico-sociale est loin d’être parfaite et l’entrelacement des compétences entre l’État, l’assurance maladie et les départements rend la gouvernance illisible et cloisonnée et la coordination de l’accompagnement difficile à mettre en œuvre. C’est pourquoi je pense que nous devons décentraliser l’ensemble de la compétence médico-sociale à l’échelon du département. Il s’agit d’améliorer la coordination et la prise en charge des personnes handicapées, âgées et dépendantes, dans la perspective de la réforme du grand âge.
Je suis favorable à un transfert du budget soins – autrement dit, des Ehpad – aux conseils départementaux, qui sont déjà responsables des budgets hébergement et dépendance.
De la même manière, dans le secteur de l’aide sociale, je pense que nous devons transférer aux départements le budget des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), financés par les ARS, sachant que les départements sont responsables des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), afin de réaliser des services polyvalents d’aide et de soins à domicile qui regroupent SSIAD et SAAD pour plus de coordination.
Concernant l’accompagnement des personnes handicapées en établissement, les foyers de vie sont placés sous la responsabilité des départements, alors que leur médicalisation relève du budget de l’État.
Aussi, je pense que nous devons aller vers un partage plus homogène des blocs de compétences et faire du département l’autorité unique d’organisation et de tarification des établissements et services qui relèvent du champ médico-social.
Mme le président. L’amendement n° 265, présenté par Mmes Cukierman, Assassi, Brulin, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 3, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. - Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
III. - Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Par parallélisme des formes avec notre amendement de suppression de l’article 1er, nous proposons la suppression de ces alinéas de l’article 1er bis, qui, plus qu’un transfert de compétences, visent à renforcer la différenciation.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Nous savons tous l’attachement qui est le vôtre, que je respecte totalement, au principe d’égalité, mais aussi les craintes que peuvent susciter les propositions de différenciation en la matière.
La commission a souhaité donner aux collectivités la possibilité de proposer des modifications législatives et réglementaires afin que puissent être prises en compte les difficultés réelles des services à la population au plus près du terrain. Cette disposition est de nature à encourager la différenciation.
Je rappelle qu’il s’agit là d’une faculté, non d’une obligation, et qu’elle est particulièrement encadrée, car elle est soumise à la validation ultérieure du pouvoir réglementaire ou législatif. Cette disposition est donc bien sécurisée.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 532 rectifié, présenté par MM. Lurel, Marie, Kerrouche, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte et Sueur, Mme Conconne et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat
par les mots :
, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et aux députés et sénateurs des départements concernés
II. – Alinéa 8
Remplacer les mots :
et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat
par les mots :
, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et aux députés et sénateurs des départements concernés
III. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat
par les mots :
, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, et aux députés et sénateurs des régions concernées
IV. – Alinéa 12
Remplacer les mots :
et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat
par les mots :
, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et aux députés et sénateurs de Corse
V. – Alinéa 16
Remplacer les mots :
et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat
par les mots :
, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et aux députés et sénateurs des régions concernées
VI. – Alinéa 20
Remplacer les mots :
et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat
par les mots :
, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et aux députés et sénateurs de Guyane
VII. – Alinéa 24
Remplacer les mots :
et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat
par les mots :
, aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et aux députés et sénateurs de Martinique
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. La commission des lois a généralisé à l’ensemble des départements et des régions le dispositif aujourd’hui applicable aux outre-mer, lequel permet à un département ou à une région de présenter au Gouvernement des propositions de modification ou d’adaptation législative. Nous avions déposé un amendement en ce sens.
Le présent amendement vise à compléter le dispositif d’information et à prévoir la communication aux députés et aux sénateurs des territoires concernés des propositions des départements et régions. Ces propositions pouvant être de nature législative, il paraît pertinent que les parlementaires de ces territoires, c’est-à-dire ceux qui sont en mesure de les traduire dans la loi, en aient connaissance.
Mme le président. L’amendement n° 1281, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :
Alinéas 4, 8, 11, 12, 16, 20 et 24
Compléter ces alinéas par deux phrases ainsi rédigées :
Un décret pris en Conseil d’État fixe les modalités d’information et de réponse du Gouvernement et du Parlement. En l’absence de réponse sur le fond de ces propositions, dans les délais impartis, l’avis est réputé acquis.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement procédant de la même philosophie que le précédent, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 1281 est retiré.
L’amendement n° 382, présenté par MM. Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À défaut de réponse du Premier ministre dans un délai de six mois, le silence de l’État vaut acceptation. En cas de refus de ces propositions, le Premier ministre notifie aux départements concernés les motifs de ce refus dans un délai de six mois à compter de la réception de ces propositions. » ;
II. – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À défaut de réponse du Premier ministre dans un délai de six mois, le silence de l’État vaut acceptation. En cas de refus de ces propositions, le Premier ministre notifie aux départements concernés les motifs de ce refus dans un délai de six mois à compter de la réception de ces propositions. » ;
III. – Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« À défaut de réponse du Premier ministre dans un délai de six mois, le silence de l’État vaut acceptation. En cas de refus de ces propositions, le Premier ministre notifie aux régions concernées les motifs de ce refus dans un délai de six mois à compter de la réception de ces propositions. » ;
IV. – Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… Le III de l’article L. 4422-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À défaut de réponse du Premier ministre dans un délai de six mois, le silence de l’État vaut acceptation. En cas de refus de ces propositions, le Premier ministre notifie aux régions concernées les motifs de ce refus dans un délai de six mois à compter de la réception de ces propositions. » ;
V. – Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À défaut de réponse du Premier ministre dans un délai de six mois, le silence de l’État vaut acceptation. En cas de refus de ces propositions, le Premier ministre notifie à la collectivité territoriale de Corse les motifs de ce refus dans un délai de six mois à compter de la réception de ces propositions. » ;
VI. – Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À défaut de réponse du Premier ministre dans un délai de six mois, le silence de l’État vaut acceptation. En cas de refus de ces propositions, le Premier ministre notifie à l’assemblée de Guyane les motifs de ce refus dans un délai de six mois à compter de la réception de ces propositions. » ;
VII. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« À défaut de réponse du Premier ministre dans un délai de six mois, le silence de l’État vaut acceptation. En cas de refus de ces propositions, le Premier ministre notifie à l’assemblée de Martinique les motifs de ce refus dans un délai de six mois à compter de la réception de ces propositions. »
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Pour être effective, la possibilité accordée aux départements et aux régions de soumettre au Gouvernement des propositions de modification ou d’adaptation législative ou réglementaire doit être assortie de règles concernant la réponse de l’État. À défaut, ces propositions pourraient ne jamais obtenir de réponse, comme l’expérience l’a malheureusement démontré, notamment pour ce qui concerne la collectivité territoriale de Corse.
Cet amendement vise donc à prévoir un mécanisme à deux niveaux : d’une part, il tend à préciser que, à défaut de réponse dans un délai de six mois, le silence de l’État vaut accord ; d’autre part, il vise à prévoir, en cas de refus, une réponse motivée dans un délai de six mois.
Mme le président. L’amendement n° 383 rectifié, présenté par MM. Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le Premier ministre notifie aux départements concernés les suites données à ces propositions dans un délai de six mois à compter de leur réception. » ;
II. – Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le Premier ministre notifie aux départements concernés les suites données à ces propositions dans un délai de six mois à compter de leur réception. » ;
III. – Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le Premier ministre notifie aux régions concernées les suites données à ces propositions dans un délai de six mois à compter de leur réception. » ;
IV. – Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
.. Le III de l’article L. 4422-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Premier ministre notifie à l’Assemblée de Corse les suites données à ces propositions dans un délai de six mois à compter de leur réception. » ;
V. – Après l’alinéa 16
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le Premier ministre notifie aux régions les suites données à ces propositions dans un délai de six mois à compter de leur réception. » ;
…) Au début du deuxième alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Chacun des conseils régionaux mentionnés au premier alinéa » ;
VI. – Alinéa 17
Remplacer la référence :
L. 7152-2
par la référence :
L. 7152-1
VII. – Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le Premier ministre notifie à l’assemblée de Guyane les suites données à ces propositions dans un délai de six mois à compter de leur réception. » ;
VIII. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Premier ministre notifie à l’assemblée de Martinique les suites données à ces propositions dans un délai de six mois à compter de leur réception. »
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement de repli vise à prévoir qu’à tout le moins le Premier ministre informe dans les six mois les collectivités ayant soumis des propositions de modification ou d’adaptation législative des suites qu’il entend leur donner afin que les collectivités soient pleinement informées.
Mme le président. L’amendement n° 749, présenté par MM. Parigi, Benarroche, Dantec, Salmon et Gontard, Mme Benbassa, MM. Dossus, Fernique et Labbé et Mmes de Marco, Poncet Monge et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 12
Remplacer cet alinéa par treize alinéas ainsi rédigés :
4° L’article L. 4422-16 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
- au premier alinéa, après les deux occurrences du mot : « dispositions », sont insérés les mots : « législatives ou » ;
- à la fin du second alinéa, les mots : « et au représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Corse » sont remplacés par les mots : « , au représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Corse et aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat » ;
b) Le II est ainsi modifié :
- au deuxième alinéa, les mots : « , dans le respect de l’article 21 de la Constitution, » sont supprimés ;
- il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque année, avant l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée de Corse, le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les demandes qui lui ont été adressées sur le fondement du présent II ainsi que les réponses qui leur ont été apportées. » ;
c) Le III est ainsi rédigé :
« III. – Lorsque l’Assemblée de Corse estime que les dispositions législatives en vigueur ou en cours d’élaboration présentent, pour l’exercice des compétences de la collectivité de Corse, des difficultés d’application liées aux spécificités de l’île, elle peut demander au Gouvernement que le législateur lui ouvre la possibilité de procéder à des expérimentations comportant le cas échéant des dérogations aux règles en vigueur, en vue de l’adoption ultérieure par le Parlement de dispositions législatives appropriées.
« La demande prévue au premier alinéa du présent III est faite par délibération motivée de l’Assemblée de Corse, prise à l’initiative du conseil exécutif ou de l’Assemblée de Corse après rapport de ce conseil. Elle est transmise par le président du conseil exécutif au Premier ministre et au représentant de l’État en Corse.
« La loi fixe la nature et la portée de ces expérimentations, ainsi que les cas, conditions et délais dans lesquels la collectivité de Corse peut faire application de ces dispositions. Elle fixe également les modalités d’information du Parlement sur leur mise en œuvre.
« Les mesures prises à titre expérimental par la collectivité de Corse cessent de produire leur effet au terme du délai fixé si le Parlement, au vu du rapport d’évaluation qui lui est fourni, n’a pas procédé à leur adoption ou modification. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
.… – La perte de recettes résultant pour la collectivité territoriale de Corse du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
.… – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.
M. Paul Toussaint Parigi. Cet amendement vise à rendre effectif l’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales, conformément à l’esprit qui a présidé à sa rédaction en 2002.
Alors adopté par les deux chambres du Parlement, cet article avait été censuré par le Conseil constitutionnel, la révision de 2003 consacrant l’organisation décentralisée de la République et le droit à l’expérimentation pour les collectivités de droit commun n’étant pas encore intervenue.
L’article L. 4422-16 issu de la loi de 2002 relative à la Corse, après censure du Conseil constitutionnel, permet cependant à la collectivité de Corse de demander à être habilitée par le législateur, dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues, à fixer des règles adaptées aux spécificités de l’île.
Vingt ans plus tard, force est de constater que cet article est totalement inopérant alors même que les spécificités de la Corse ont été reconnues depuis lors dans l’arsenal législatif, notamment dans la loi Montagne.
Madame la ministre, vous le savez mieux que moi, la quasi-totalité des demandes adressées par la collectivité de Corse au Gouvernement sont restées sans réponse, preuve du caractère purement cosmétique de cet article et de l’indifférence des gouvernements successifs.
Le présent amendement, conformément à l’esprit de ce projet de loi qui entend redonner la parole aux territoires, vise à rendre opérationnels les pouvoirs d’expérimentation et d’adaptation dévolus à la collectivité de Corse.
Je me réjouis que mon collègue Panunzi s’aligne sur les demandes de la collectivité de Corse. C’est la preuve, madame la ministre, qu’il existe une convergence politique sur cette question, que vous ne pouvez ignorer. Votre bienveillance sur cet amendement serait le symbole de la volonté que vous avez affirmée hier à l’Assemblée nationale, et à laquelle nous voulons croire, d’engager un dialogue serein et apaisé, respectueux du peuple corse.
Mme le président. L’amendement n° 448 rectifié, présenté par M. Panunzi, Mmes Deromedi et Lassarade, MM. Grosperrin, Hingray et Houpert, Mme Garriaud-Maylam et MM. Wattebled, Brisson et Bascher, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… Le VI de l’article L. 4422-16 est ainsi rédigé :
« VI. – Concernant les demandes et avis mentionnés aux I à IV, le Premier ministre ou le représentant de l’État ont un délai de réponse de deux mois. Leur position fait l’objet d’une communication devant l’Assemblée de Corse dès la séance suivant l’extinction du délai de deux mois. » ;
La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi.
M. Jean-Jacques Panunzi. Mon amendement est proche de celui de mon collègue Paul Toussaint Parigi.
Madame la ministre, des pouvoirs d’expérimentation et d’adaptation ont été dévolus à la Corse par la loi du 22 janvier 2002. Or, comme l’a expliqué mon collègue, toutes les demandes que nous avons effectuées sont restées lettre morte.
Nous réclamons à travers cet amendement que le Gouvernement accuse réception dans un délai de deux mois de la demande du président de l’exécutif. Peu importe que cette réponse soit positive ou négative, ce que nous voulons, c’est une réponse ! Aujourd’hui, nous n’en avons pas.
À titre d’exemple, nous avons demandé un pouvoir de différenciation concernant les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse. Nous savons que les oiseaux ne migrent pas tous en même temps au même endroit. En Corse, la migration est plus tardive. En accord avec l’Office national de la biodiversité, le préfet et le président de l’exécutif, nous avons demandé à décaler les jours d’ouverture et de fermeture. Cette demande est restée lettre morte. Nous n’avons jamais eu de réponse malgré toutes nos demandes.
Nous attendons aujourd’hui que le Gouvernement nous fasse un signe afin que nous puissions véritablement bénéficier de ce pouvoir d’expérimentation, lequel est prévu, je le répète, depuis la loi de 2002.
Mme le président. L’amendement n° 929 rectifié ter, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Antiste, Mme Préville, MM. Pla, P. Joly et Cozic et Mme Conconne, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 16
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Ces propositions de modification ou d’adaptation des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration sont transmises aux parlementaires élus sur les territoires concernés. » ;
… L’article L. 7152-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces propositions de modification ou d’adaptation des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration sont transmises aux parlementaires élus sur les territoires concernés. » ;
II. - Après l’alinéa 20
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
… L’article L. 7252-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces propositions de modification ou d’adaptation des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration sont transmises aux parlementaires élus sur les territoires concernés. »
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. La loi d’orientation pour l’outre-mer permet aux conseils régionaux et aux conseils départementaux des outre-mer de présenter au Premier ministre des propositions de modification de toute disposition législative ou réglementaire en vigueur, notamment des dispositions concernant leur développement économique, social et culturel.
Afin de garantir une prise en compte pleine et entière des propositions de modification législative émanant des collectivités et de les encourager, les parlementaires des territoires doivent en avoir connaissance.
Les propositions de modification d’ordre réglementaire peuvent également faire l’objet d’une transmission afin de permettre au Parlement de suivre ces demandes au titre de son pouvoir de contrôle de l’action du Gouvernement.
Cet amendement est inspiré d’une recommandation du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je remercie les auteurs de ces amendements de la pertinence de leur question sur l’absence de réponse de l’État aux demandes des collectivités. Permettez-moi toutefois de porter à cet égard un certain nombre d’observations à votre connaissance.
L’amendement n° 532 rectifié de M. Lurel tend à prévoir la transmission des propositions de modification aux parlementaires. Nous ne souhaitons pas étendre les obligations d’information dans le texte. Nous pensons que les collectivités qui feront des propositions d’expérimentation et de différenciation ne manqueront pas d’en informer leurs parlementaires afin que ceux-ci les accompagnent. Par ailleurs, ces derniers seront obligatoirement informés, car ces propositions seront transmises aux présidents des assemblées.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable, sachant que nous allons toutefois, bien sûr, proposer une solution.
L’amendement n° 382 de M. Kerrouche porte sur la suite donnée aux propositions de modification. Il vise à prévoir qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités de réponse du Gouvernement.
Cet amendement soulève des interrogations. Comment qualifie-t-on l’absence de « réponse sur le fond » ? C’est une réelle question. Par ailleurs, la proposition de considérer que l’absence de réponse de l’État vaut acceptation me laisse un peu songeuse. On ne peut comparer ce type de demande à d’autres sollicitations plus légères. Enfin, le législateur et le pouvoir réglementaire sont chargés d’édicter des normes et non de rendre des avis.
Nous demandons donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Votre amendement de repli n° 383 rectifié, monsieur Kerrouche, tend à prévoir l’information des collectivités concernées des suites données à leurs propositions dans un délai de six mois. La commission y est favorable au titre du devoir d’information.
La commission est défavorable aux amendements nos 749 et 448 rectifié, qui seront satisfaits par l’adoption de l’amendement de M. Kerrouche tendant à prévoir l’information obligatoire des collectivités des suites données à leurs demandes, lesquelles sont très justes.
Enfin, la commission est défavorable à l’amendement n° 929 rectifié ter.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’émets, pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure, un avis défavorable sur l’amendement n° 532 rectifié. Dès lors que les propositions sont transmises aux présidents de chaque assemblée, il ne semble pas nécessaire de prévoir une information spécifique des seuls parlementaires de la collectivité concernée. Libre à chaque président d’assemblée d’organiser l’information de ses membres. N’alourdissons pas le dispositif.
J’émets également un avis défavorable sur l’amendement n° 382, car on ne peut pas prévoir que l’absence de réponse de l’État vaille acceptation. Un tel dispositif serait inconstitutionnel.
Nous ne sommes pas sûrs que l’amendement n° 383 rectifié ne présente pas lui aussi un risque d’inconstitutionnalité, même s’il vise simplement à prévoir une information. Je suis donc très réservée sur cet amendement.
L’amendement n° 749 tend à reconnaître un droit d’expérimentation législative pour la Corse. Je ne peux pas aller jusque-là, monsieur Parigi. Une telle disposition relève non pas d’un projet de loi ordinaire, mais d’un projet de loi organique. Ma réponse sera la même sur votre amendement, monsieur Panunzi. Je demande donc le retrait de ces deux amendements.
Enfin, l’avis est défavorable sur l’amendement n° 929 rectifié ter.
M. Didier Marie. Je retire l’amendement n° 382 !
Mme le président. L’amendement n° 382 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 383 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. En conséquence, les amendements nos 749 et 448 rectifié n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 929 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 1682, présenté par Mme Gatel et M. Darnaud, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Remplacer la référence :
L. 7252-2
par la référence :
L. 7252-1
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote sur l’article.
M. Didier Marie. Nous avons examiné assez vite l’article 1er et presque tout aussi vite l’article 1er bis. Ces deux articles étaient pourtant au cœur des annonces faites par le Président de la République lors de la Conférence nationale des territoires de juillet 2017 et du discours qu’il prononça à Quimper en juin 2018, dans lequel il appelait de ses vœux à « repenser en profondeur l’interaction entre l’État et les collectivités » afin de redonner « aux territoires les moyens d’agir dans une responsabilité partagée ».
À cette époque, le Président de la République prévoyait une révision de la Constitution, laquelle devait faciliter ces évolutions en instaurant le droit à la différenciation dont nous parlons aujourd’hui. Ce droit fut inscrit dans un projet de loi constitutionnelle en mai 2018 : il autorisait les collectivités à déroger aux règles nationales lorsque leurs réalités locales l’exigeaient et ouvrait ainsi la voie à la reconnaissance d’espaces de vie différenciés sur le territoire national. Cette révision constitutionnelle a disparu du calendrier présidentiel au mois d’août 2019.
On nous propose aujourd’hui une définition a minima de la différenciation, traduction dans le projet de loi de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
M. Didier Marie. La commission des lois n’a complété ce texte qu’à la marge, ce qui ne permettra pas d’améliorer significativement les interactions entre l’État et les collectivités, une telle amélioration étant pourtant indispensable à une réconciliation entre les citoyens et leur administration et à un retour de la confiance.
Nous allons bien évidemment voter cet article, comme nous avons voté le précédent, mais nous tenions à souligner qu’il s’agit là d’un rendez-vous manqué. Nous espérons qu’une révision constitutionnelle sera possible un jour afin de nous permettre d’aller plus loin en matière de décentralisation, de différenciation et de déconcentration.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.
(L’article 1er bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er bis
Mme le président. L’amendement n° 983 rectifié bis, présenté par Mmes Muller-Bronn et Drexler, MM. Klinger, Reichardt et Brisson, Mme Garriaud-Maylam, MM. Le Gleut, Bonhomme, Charon et Cuypers, Mme Deromedi et MM. Mandelli et Moga, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1115-4-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1115-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1115-4-… - Dans le cadre de la coopération transfrontalière et dans le respect des engagements internationaux de la France, les départements frontaliers peuvent mettre en œuvre ou soutenir toute action présentant un intérêt pour leur territoire. »
La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn.
Mme Laurence Muller-Bronn. Cet amendement vise à accroître les possibilités d’action offertes aux départements frontaliers, dans l’esprit notamment du traité d’Aix-la-Chapelle, qui a été signé en janvier 2019 entre la France et l’Allemagne. Ce traité prévoit que les deux États s’engagent à doter les collectivités territoriales des territoires frontaliers de compétences appropriées, de ressources dédiées et de procédures accélérées permettant de surmonter les obstacles à la réalisation de projets transfrontaliers.
Je suis conseillère d’un canton alsacien frontalier situé au bord du Rhin, face à la zone allemande de l’Ortenau, qui accueille des entreprises comme Zalando et Europa-Park et offre des milliers d’emplois. Des Alsaciens traversent tous les jours la frontière pour aller y travailler. Nous avons voulu mettre en place un transport public, afin de limiter la pollution environnementale, de participer au développement économique, de faciliter l’insertion et la formation, mais nous avons fait face à de nombreuses difficultés.
Les transports collectifs transfrontaliers de voyageurs sont un facteur d’intégration européenne. Cependant, l’offre est faible, car leur développement se heurte à des difficultés techniques, juridiques et organisationnelles : les réglementations diffèrent de chaque côté de la frontière, les techniques et les systèmes varient grandement, tout comme les niveaux de compétence des autorités organisatrices de transport et les orientations nationales en matière de transports. Des évolutions législatives sont réellement nécessaires.
Certaines entraves, comme l’a dit notre collègue Philippe Bas, assèchent l’esprit d’initiative. Il nous aura fallu quatre ans pour mettre en place cette ligne transfrontalière, laquelle était nécessaire et remplit aujourd’hui son rôle. Il conviendrait de donner plus de possibilités d’indépendance à des territoires comme la Collectivité européenne d’Alsace pour leur permettre de mener des actions particulières.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement de Mme Muller-Bronn ouvre le chapitre sur la question particulière des territoires frontaliers, qui sont souvent, vous l’avez dit, chère collègue, des bassins de vie. Toutefois, je suis fort ennuyée, car, s’il était adopté tel qu’il est formulé, votre amendement reviendrait à rétablir la clause générale de compétence pour le département, ce qui n’est pas possible en l’état. Il aurait d’ailleurs dû être déclaré irrecevable au titre de l’article 40.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable, même si je comprends votre préoccupation, qui est très concrète. Il conviendrait de trouver une solution afin de faire face à l’enjeu très important que vous évoquez.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je connais bien le sujet que vous évoquez pour avoir beaucoup travaillé sur la Collectivité européenne d’Alsace, qui reste néanmoins un département.
Comme l’a indiqué Mme la rapporteure, s’il était adopté, votre amendement reviendrait à rétablir la clause générale de compétence, ce qui n’est bien sûr pas possible. Cela étant, je reconnais que les territoires frontaliers – tous les territoires frontaliers, et pas seulement ceux d’Alsace ; il a été question précédemment des territoires frontaliers de l’Espagne – rencontrent des problèmes spécifiques. Je vous renvoie donc aux articles 57 et suivants, qui portent sur la coopération transfrontalière. Je vous invite à les compléter par voie d’amendements si vous jugez que ces dispositions sont insuffisantes.
En attendant, je vous prie de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme le président. Madame Muller-Bronn, l’amendement n° 983 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laurence Muller-Bronn. Oui, je le maintiens.
Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Permettez-moi d’insister pour soutenir cet amendement.
Comme vous venez de le dire, vous connaissez bien ce sujet, madame la ministre. L’article 59 bis nouveau étend à tous les départements les compétences reconnues à la Collectivité européenne d’Alsace par la loi du 2 août 2019. Il s’agit de généraliser la différenciation.
Nous vous proposons ici de donner de nouveau un avantage à la Collectivité européenne d’Alsace pour que, demain, d’autres départements puissent en bénéficier aussi, mes chers collègues.
La Collectivité européenne d’Alsace s’est vu reconnaître le rôle de chef de file de la coopération transfrontalière. Conformément à la loi du 2 août 2019, elle élabore un schéma départemental de coopération transfrontalière pour toutes les collectivités territoriales concernées.
En Alsace, nous sommes d’avis qu’il faut aller plus loin que les dispositions prévues à l’article 59 bis. Nous pensons que les départements frontaliers doivent pouvoir, en plus d’élaborer le schéma départemental de coopération transfrontalière, mettre en œuvre ou soutenir toute action présentant un intérêt pour leur territoire. Nous pensons que le moment est venu, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi qui porte sur la différenciation. C’est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. On mesure bien à quel point il est difficile dans ce pays de faire de la différenciation, cela a été dit avec force. Les articles que nous avons adoptés jusqu’à présent prévoient une différenciation a minima. Or il faut faire du sur-mesure, accepter d’agir à géométrie variable, en fonction des problèmes.
Je pense profondément, comme ceux de mes collègues qui se sont exprimés, que le département est le bon échelon, surtout avec ces grandes régions dont une grande partie du territoire est totalement éloignée des questions transfrontalières. Dans la grande région Nouvelle-Aquitaine, qui touche désormais quasiment Paris, les questions transfrontalières ne concernent que les Basques et les Béarnais. Vues de Bordeaux, elles sont difficiles à appréhender, encore plus pour les habitants des départements des Deux-Sèvres ou de la Creuse.
Je souhaite donc que l’on renforce les dispositions en matière transfrontalière. Vous avez dit, madame la ministre, que c’était possible aux articles 57 et suivants. Pour notre part, nous ne pouvons plus déposer d’amendements, mais, si vous avez envie d’améliorer le texte, ne vous gênez pas ! Que le Gouvernement dépose des amendements en ce sens puisqu’il semble être d’accord avec nous sur le sujet.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. J’avais été passionné par les débats sur la Collectivité européenne d’Alsace. Je pense que la question très concrète des mobilités transfrontalières se pose non seulement en Alsace, mais également dans d’autres départements.
À titre personnel, je voterai cet amendement. Je proposerai même un certain nombre de dispositions visant à permettre à l’ensemble des territoires frontaliers de disposer des mêmes facultés que celles dont bénéficie aujourd’hui la Collectivité européenne d’Alsace.
Vous l’avez rappelé, monsieur Reichardt, nous nous sommes montrés solidaires d’un certain nombre de dispositions en faveur de la Collectivité européenne d’Alsace – je pense à l’ordonnance qui vient d’être publiée sur l’écotaxe alsacienne – et vous avez été solidaires de la Lorraine en indiquant que vous vous prononceriez pour une telle taxe aussi en Lorraine. Je fais donc aujourd’hui un geste de solidarité complémentaire sur la disposition que tend à prévoir cet amendement, qui me semble assez intéressante. Je ne doute pas que cet esprit de solidarité continuera à régner dans cet hémicycle entre la Lorraine et l’Alsace. (M. Jacques Fernique applaudit.)
Mme le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. J’avais dit, lorsque nous avions examiné le projet de loi relatif aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace, que ce qui est bon pour l’Alsace l’est aussi pour les départements qui sont dans une situation comparable. Je reste sur cette position : ce qui doit prévaloir, c’est la réalité à laquelle les territoires sont confrontés.
Alors que les questions transfrontalières occupent une place importante au sein de la politique de cohésion de l’Union européenne, nombre de départements ne consomment pas tous les crédits européens, parce que les procédures sont trop lourdes et les dossiers trop complexes. Si l’on offrait aux départements la possibilité de s’engager plus facilement dans des relations transfrontalières constructives, tout le monde y gagnerait. C’est pourquoi je suis favorable à cet amendement de bon sens.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis.
L’amendement n° 1131 rectifié bis, présenté par M. Reichardt, Mme Muller-Bronn, M. Haye, Mme Schillinger, M. Klinger et Mme Drexler, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant l’article L. 3431-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 3431-… ainsi rédigé :
« Art. L. 3431-…. – Le conseil départemental d’Alsace peut présenter au Gouvernement des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences de l’ensemble des collectivités territoriales d’Alsace, le développement économique, social et culturel ainsi que le droit particulier applicable en Alsace.
« Les propositions adoptées par le conseil administrant la Collectivité européenne d’Alsace en application de l’alinéa précédent sont adressées à son Président qui les transmet au Premier ministre et au représentant de l’État dans la collectivité européenne d’Alsace.
« Le conseil administrant la Collectivité européenne d’Alsace est consulté sur les projets et les propositions de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à l’Alsace ou concernant l’Alsace et la Moselle.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Cet amendement que j’ai l’honneur de défendre s’inscrit parfaitement dans la logique de différenciation voulue par le projet de loi. Il vise spécifiquement la Collectivité européenne d’Alsace, citée en exemple par le Gouvernement, et ne fait à mon sens que décliner les dispositions de l’article 1er bis du projet de loi, applicable à tous les conseils départementaux. Il tend également à étendre le pouvoir réglementaire de cette collectivité territoriale, en complément des dispositions figurant à l’article 2 du projet de loi.
Il s’agit donc, d’une part, de prévoir la consultation de la Collectivité européenne Alsace sur les projets de textes concernant l’Alsace et, d’autre part, de permettre à cette collectivité de faire des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions en vigueur ou en cours d’élaboration au niveau national.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Cet amendement vise à prévoir la consultation de la Collectivité européenne d’Alsace sur les projets de textes relatifs non seulement à l’Alsace, mais aussi à la Moselle et la possibilité pour cette collectivité de proposer, notamment, des mesures d’adaptation du droit local. Cette dernière faculté est déjà prévue par l’article 1er bis, qui a été créé à cette fin.
Consulter la Collectivité européenne d’Alsace pour chaque texte législatif ou réglementaire l’affectant de près ou de loin serait un dispositif particulièrement lourd, qui trouverait à s’appliquer dans de très nombreux cas.
Enfin, la Collectivité européenne d’Alsace devrait être consultée y compris sur des projets concernant la Moselle, ce qui semble peu respectueux du principe de non-tutelle pour les collectivités mosellanes.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.
Cet amendement est satisfait par l’article 1er bis, qui dispose que les « conseils départementaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires, en vigueur ou en cours d’élaboration, concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement » des départements.
La Collectivité européenne d’Alsace étant un département doté de compétences spécifiques, elle pourra se voir appliquer cet article sans qu’il soit nécessaire d’introduire une disposition spécifique.
Mme le président. Monsieur Reichardt, l’amendement n° 1131 rectifié bis est-il maintenu ?
M. André Reichardt. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 1131 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 421 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, M. Devinaz, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’intitulé du livre IV de la quatrième partie est ainsi rédigé : « Dispositions spécifiques à certaines régions » ;
2° Après le titre III du livre IV de la troisième partie, il est inséré un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« Départements frontaliers
« Chapitre unique
« Art. L. 3432-1 – Le conseil départemental de chaque département frontalier peut adresser au Gouvernement des propositions en vue de la conclusion d’engagements internationaux concernant la coopération régionale entre la République française et les États ou territoires étrangers limitrophes, ou en vue de la conclusion d’accords avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions des Nations unies.
« À défaut de réponse dans un délai de six mois, le silence de l’État vaut acceptation. En cas de refus de ces propositions, le Premier ministre notifie aux départements concernés les motifs de ce refus dans un délai de six mois à compter de la réception des propositions. » ;
3° Après le titre II du livre IV de la quatrième partie, il est inséré un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« Régions frontalières
« Art. L. 4427-1. – Le conseil régional de chaque région frontalière peut adresser au Gouvernement des propositions en vue de la conclusion d’engagements internationaux concernant la coopération régionale entre la République française et les États ou territoires étrangers limitrophes ou en vue de la conclusion d’accords avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions des Nations unies.
« À défaut de réponse dans un délai de six mois, le silence de l’État vaut acceptation. En cas de refus de ces propositions, le Premier ministre notifie aux régions concernées les motifs de ce refus dans un délai de six mois à compter de la réception des propositions. »
Monsieur Jacquin, accepteriez-vous de présenter également les amendements nos 422 rectifié, 423 rectifié et 424 rectifié ?
Mme le président. L’amendement n° 422 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, M. Devinaz, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’intitulé du livre IV de la quatrième partie est ainsi rédigé : « Dispositions spécifiques à certaines régions » ;
2° Après le titre III du livre IV de la troisième partie du, il est inséré un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« Départements frontaliers
« Chapitre unique
« Art. L. 3432-1 – Dans les domaines de compétence de l’État, les autorités de la République peuvent délivrer pouvoir au président du conseil départemental des départements frontaliers pour négocier et signer des accords avec un ou plusieurs États ou territoires étrangers limitrophes au département concerné ou avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies.
« Dans le cas où il n’est pas fait application des dispositions de l’alinéa ci-dessus, le président du conseil général ou son représentant peut être associé, ou participer au sein de la délégation française, aux négociations d’accords de même nature.
« Le président du conseil général peut être chargé par les autorités de la République de les représenter au sein d’organismes régionaux relevant des catégories mentionnées au premier alinéa du présent article. Les autorités de la République le munissent des instructions et pouvoirs nécessaires. » ;
3° Après le titre II du livre IV de la quatrième partie, il est inséré un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« Régions frontalières
« Art. L. 4427-1. – Dans les domaines de compétence de l’État, les autorités de la République peuvent délivrer pouvoir au président du conseil régional des régions frontalières pour négocier et signer des accords avec un ou plusieurs États ou territoires étrangers limitrophes à la région concernée ou avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions des Nations unies.
« Dans le cas où il n’est pas fait application des dispositions de l’alinéa ci-dessus, le président du conseil régional ou son représentant peut être associé ou participer, au sein de la délégation française, aux négociations d’accords de même nature.
« Le président du conseil régional peut être chargé par les autorités de la République de les représenter au sein des organismes régionaux relevant des catégories mentionnées au premier alinéa. Les autorités de la République le munissent des instructions et pouvoirs nécessaires. »
L’amendement n° 423 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, M. Devinaz, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’intitulé du livre IV de la quatrième partie est ainsi rédigé : « Dispositions spécifiques à certaines régions » ;
2° Après le titre III du livre IV de la troisième partie, il est inséré un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« Départements frontaliers
« Chapitre unique
« Art. L. 3432-…. – Dans les domaines de compétence du département, les conseils départementaux des départements frontaliers peuvent, par délibération, demander aux autorités de la République d’autoriser leur président à négocier, dans le respect des engagements internationaux de la République, des accords avec un ou plusieurs États ou territoires étrangers limitrophes au département concerné ou avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies.
« Lorsque cette autorisation est accordée, les autorités de la République sont, à leur demande, représentées à la négociation.
« À l’issue de la négociation, le projet d’accord est soumis à la délibération du conseil départemental pour acceptation. Les autorités de la République peuvent ensuite donner, sous réserve du respect des engagements internationaux de celle-ci, pouvoir au président du conseil départemental aux fins de signature de l’accord. » ;
3° Après le titre II du livre IV de la quatrième partie, il est inséré un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« Régions frontalières
« Art. L. 4427-…. – Dans les domaines de compétence de la région, les conseils régionaux des régions frontalières peuvent, par délibération, demander aux autorités de la République d’autoriser leur président à négocier, dans le respect des engagements internationaux de la République, des accords avec un ou plusieurs États ou territoires étrangers limitrophes au département concerné ou avec des organismes régionaux des aires correspondantes, y compris des organismes régionaux dépendant des institutions spécialisées des Nations unies.
« Lorsque cette autorisation est accordée, les autorités de la République sont, à leur demande, représentées à la négociation.
« À l’issue de la négociation, le projet d’accord est soumis à la délibération du conseil régional pour acceptation. Les autorités de la République peuvent ensuite donner, sous réserve du respect des engagements internationaux de celle-ci, pouvoir au président du conseil régional aux fins de signature de l’accord. »
L’amendement n° 424 rectifié, présenté par MM. Jacquin, Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, M. Devinaz, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’intitulé du livre IV de la quatrième partie est ainsi rédigé : « Dispositions spécifiques à certaines régions » ;
2° Après le titre III du livre IV de la troisième partie, il est inséré un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« Départements frontaliers
« Chapitre unique
« Art. L. 3432-…. – Dans les domaines de compétence des départements frontaliers, le président du conseil départemental peut, pour la durée de l’exercice de ses fonctions, élaborer un programme-cadre de coopération régionale précisant la nature, l’objet et la portée des engagements internationaux qu’il se propose de négocier, dans le respect des engagements internationaux de la République, avec un ou plusieurs États, territoires ou organismes régionaux mentionnés à l’article L. 3441-2.
« Le président du conseil départemental soumet ce programme-cadre à la délibération du conseil départemental, qui peut alors demander, dans la même délibération, aux autorités de la République d’autoriser son président à négocier les accords prévus dans ce programme-cadre.
« Lorsque cette autorisation est expressément accordée, le président du conseil départemental peut engager les négociations prévues dans le programme-cadre. Il en informe les autorités de la République qui, à leur demande, sont représentées à la négociation.
« Le président du conseil départemental soumet toute modification de son programme-cadre à la délibération du conseil départemental. Ces modifications sont approuvées par les autorités de la République, dans les mêmes conditions que la procédure initiale.
« À l’issue de la négociation, le projet d’accord est soumis à la délibération du conseil départemental pour acceptation. Les autorités de la République peuvent ensuite donner, sous réserve du respect des engagements internationaux de celle-ci, pouvoir au président du conseil départemental aux fins de signature de l’accord. » ;
3° Après le titre II du livre IV de la quatrième partie, il est inséré un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« Régions frontalières
« Art. L. 4427-…. – Dans les domaines de compétence des régions frontalières, le président du conseil régional peut, pour la durée de l’exercice de ses fonctions, élaborer un programme-cadre de coopération régionale précisant la nature, l’objet et la portée des engagements internationaux qu’il se propose de négocier, dans le respect des engagements internationaux de la République, avec un ou plusieurs États, territoires ou organismes régionaux mentionnés à l’article L. 4433-4-1.
« Le président du conseil régional soumet ce programme-cadre à la délibération du conseil régional, qui peut alors demander, dans la même délibération, aux autorités de la République d’autoriser son président à négocier les accords prévus dans ce programme-cadre.
« Lorsque cette autorisation est expressément accordée, le président du conseil régional peut engager les négociations prévues dans le programme-cadre. Il en informe les autorités de la République qui, à leur demande, sont représentées à la négociation.
« Le président du conseil régional soumet toute modification de son programme-cadre à la délibération du conseil régional. Ces modifications sont approuvées par les autorités de la République, dans les mêmes conditions que la procédure initiale.
« À l’issue de la négociation, le projet d’accord est soumis à la délibération du conseil régional pour acceptation. Les autorités de la République peuvent ensuite donner, sous réserve du respect des engagements internationaux de celle-ci, pouvoir au président du conseil régional aux fins de signature de l’accord. »
Vous avez la parole pour présenter ces quatre amendements, mon cher collègue.
M. Olivier Jacquin. Ces quatre amendements visent à attribuer certaines prérogatives supplémentaires aux responsables des exécutifs des collectivités frontalières.
L’amendement n° 421 rectifié a pour objet de permettre aux régions et départements frontaliers d’adresser au Gouvernement des propositions en vue de la conclusion d’engagements internationaux, selon un dispositif encadré.
L’amendement n° 422 rectifié vise à prévoir que l’État peut confier au président du conseil départemental et au président du conseil régional le pouvoir de négocier et de signer des accords avec leurs voisins étrangers, que ce soit des États ou des collectivités.
L’amendement n° 423 rectifié tend à prévoir que l’État peut autoriser le président d’une collectivité frontalière à négocier dans ses domaines de compétence avec ses voisins.
Enfin, l’amendement n° 424 rectifié vise à offrir la possibilité d’élaborer un programme-cadre de coopération régionale.
Ces dispositifs pourraient profiter à l’ensemble des collectivités frontalières de France : l’Alsace, bien sûr, mais aussi le Nord, la Savoie, l’Ain, les Alpes-Maritimes, les Pyrénées ou le Pays basque.
En outre, cette idée n’est pas originale : elle ne fait que reprendre la possibilité pour les départements d’outre-mer d’engager de telles relations avec leurs voisins à l’étranger.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement n° 421 rectifié vise à octroyer aux départements et régions frontaliers la compétence de conclure des engagements internationaux. Or la situation des départements frontaliers n’est pas exactement comparable à celle des territoires d’outre-mer.
Vous indiquez également, monsieur Jacquin, que le silence du Gouvernement vaudrait acceptation… J’entends bien qu’il faille être efficace, mais l’absence de réponse du Gouvernement à une sollicitation ne saurait valoir conclusion d’un accord avec un État étranger !
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 422 rectifié vise à prévoir que le président du conseil départemental et le président du conseil régional puissent être habilités à signer des accords internationaux au nom de la France ou à représenter notre pays au sein d’organismes internationaux.
J’ai, comme chacun d’entre nous, beaucoup de respect et de considération pour le président du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle, mais une telle disposition lui permettrait de représenter la France au Conseil européen…
La commission sollicite donc également le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Sa position est identique sur les amendements nos 423 rectifié et 424 rectifié, qui traitent du même sujet.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’avis est absolument semblable à celui de la commission.
Monsieur Jacquin, je suis étonnée que vous demandiez que des départements, même frontaliers, puissent signer des engagements internationaux. Vous allez même jusqu’à prévoir que le silence de l’État vaudrait acceptation…
Nous n’avons pas octroyé à la Collectivité européenne d’Alsace le droit de signer des traités internationaux. Je le précise, car je sais qu’il y a toujours une petite course entre l’Alsace, la Moselle et la Meurthe-et-Moselle…
Disons-le simplement et clairement : la conduite des relations internationales de la France relève de l’État, quel que soit le gouvernement.
Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Il me semble difficile de mettre tous ces amendements dans le même sac. Ce n’est pas la même chose de permettre au conseil départemental de signer des conventions internationales et de prévoir simplement, comme le fait l’amendement n° 421 rectifié, que l’exécutif de chaque département frontalier pourra adresser au Gouvernement des propositions de conclusion d’engagements internationaux concernant la coopération régionale.
Cette gradation dans les amendements de notre collègue Jacquin doit être prise en compte. Pour ma part, l’amendement n° 421 rectifié ne me dérange pas : il me semble plutôt sain en termes de différenciation, et je pourrais le voter. En tout cas, cela rejoint ce que disait notre collègue du Pays basque précédemment.
En revanche – je m’adresse directement à l’auteur de ces amendements –, ce qui me pose problème, c’est de parler à la fois des départements frontaliers et des régions frontalières. Citons le Grand Est et la Collectivité européenne d’Alsace. Laquelle de ces deux collectivités pourra-t-elle adresser des propositions au Gouvernement ? On peut en effet imaginer qu’elles ne présentent pas les mêmes propositions.
Mme le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. J’ai pris au pied de la lettre le thème de ce projet de loi : différenciation, décentralisation, déconcentration.
Madame la rapporteure, mon amendement ne vise pas à faire d’un président de conseil départemental ou d’un président de conseil régional un représentant de la France dans les instances internationales. Il est clairement rédigé : le président de ces collectivités peut demander à représenter l’État pour un accord particulier. Le dialogue international se fait bien évidemment d’État à d’État. Pour vivre la relation transfrontalière avec le Luxembourg, je peux vous assurer que certaines problématiques du quotidien ne peuvent pas attendre la tenue d’une CIG annuelle ou bisannuelle.
Il s’agit de faire confiance à tous les territoires. J’aurais pu citer aussi la Bretagne, qui pourrait envisager de dialoguer avec les îles Anglo-Normandes. De nombreux départements français sont intéressés, même si je n’ai pas encore d’exemple pour l’Ardèche, monsieur Darnaud… (Sourires.)
Nos territoires sont de plus en plus impactés par la relation transfrontalière, et ce serait une manière de faire progresser l’indispensable dialogue entre collectivités.
Monsieur Reichardt, quand je parle des collectivités territoriales frontalières, je vise les départements ou les régions. Il s’agit, en fonction des spécificités françaises, de donner la faculté à l’un ou à l’autre d’engager un tel dialogue. Les collectivités ne le feront pas en même temps.
Je vous demande de prêter une attention soutenue à l’amendement n° 421 rectifié, mes chers collègues, car il semble intéresser plusieurs d’entre vous. En revanche, pour les autres, il faudra sans doute attendre encore un peu avant de franchir le pas.
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Ces amendements suscitent chez moi un profond malaise. Ils traduisent une conception jusqu’au-boutiste qui dépasse l’idée que je me fais de la différenciation territoriale : ils remettent en cause une mission régalienne de l’État, celle de ses relations avec d’autres États souverains. Ces amendements ne visent donc pas simplement les relations transfrontalières des collectivités, qui sont d’ores et déjà une réalité pour les départements et régions concernés par cette situation géographique.
Concernant l’amendement n° 421 rectifié, j’ai presque envie de dire que chaque département peut bien adresser au Gouvernement tous les courriers qu’il veut contenant des propositions toutes plus intelligentes les unes que les autres, il appartiendra toujours au Gouvernement d’en tenir compte ou pas. En revanche, comment peut-on envisager que le président de l’exécutif d’une collectivité territoriale de la République française puisse représenter la France ?
Remettre en cause la souveraineté de l’État en matière de relations internationales ou le principe de séparation des pouvoirs – principe qui est peut-être devenu anecdotique à force de différencier… – me dérange. C’est pourquoi, avec les membres du groupe CRCE, je voterai contre ces amendements, qui ne relèvent plus de la différenciation territoriale, mais d’une autre conception de la République, de son gouvernement et de sa capacité à faire œuvre commune pour les citoyennes et les citoyens.
Mme le président. L’amendement n° 930 rectifié bis, présenté par M. Lurel, Mme Jasmin, M. Antiste, Mme Préville, MM. Pla, P. Joly, Cozic et Gillé et Mme Conconne, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 4433-3-4 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 4433-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 4433-3-…. – Les conseils régionaux d’outre-mer sont informés et consultés sur les projets de modification de l’organisation générale des services de l’État sur leur territoire. »
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Les auteurs du présent amendement souhaitent que les élus locaux soient systématiquement informés et saisis des projets d’évolution des services déconcentrés sur leur territoire, afin que ces derniers ne soient plus conduits de façon unilatérale. Cette mesure a pour objectif d’offrir aux élus locaux des marges de manœuvre pour maintenir le niveau de services offert aux habitants.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je comprends l’intention des auteurs de cet amendement, mais le dispositif prévu est particulièrement lourd.
L’article 46 ter, ajouté par la commission, prévoit déjà de généraliser l’information des communes sur les fermetures éventuelles de services publics. En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’État s’organise sur les territoires et ne peut pas être obligé de consulter systématiquement les collectivités territoriales. Au reste, le plus souvent, ce dialogue se fait naturellement.
À l’inverse, on ne va pas demander à la collectivité de Guadeloupe de consulter obligatoirement l’État pour chacune de ses décisions d’organisation.
Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées, comme on dit chez moi… (Sourires.)
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 930 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° 178 rectifié bis, présenté par M. Pellevat, Mme Deromedi, MM. Bonhomme, Karoutchi et Chaize, Mme Garriaud-Maylam, MM. Burgoa, Sautarel et Genet, Mme V. Boyer, M. Brisson, Mmes Berthet, Puissat et Goy-Chavent, MM. Panunzi, Cadec, Sido, D. Laurent, B. Fournier, Bonnus, Bacci, Savin et Bouchet, Mmes Malet, M. Mercier, Canayer et Deroche, M. Tabarot, Mme Joseph, MM. Gremillet, Klinger, Calvet et Cambon, Mme Dumont, M. Le Gleut, Mme Dumas et M. Charon, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 6 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et la protection de la montagne est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil national constitue en son sein une instance chargée d’émettre des propositions visant à concilier les dispositions de portée générale et d’application spécifique de la présente loi, de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne et de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. »
II. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.
La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Tout élu d’un territoire soumis à la fois aux lois Montagne et Littoral connaît les difficultés liées à leur application conjointe, en raison des nombreuses dispositions contradictoires qu’elles contiennent. C’est un véritable casse-tête pour les élus, qui ne savent pas quelle règle doit être appliquée. Cela entraîne une insécurité juridique des décisions prises par les collectivités lorsqu’une loi est respectée et que l’autre ne l’est pas. Des solutions doivent donc être trouvées pour leur faciliter la tâche et éviter des décisions arbitraires et non sécurisées.
Cet amendement vise ainsi à créer une instance au sein du Conseil national de la montagne, dont la mission serait d’émettre des propositions visant à concilier les dispositions de portée générale et d’application spécifique des lois Montagne et Littoral. Il reprend l’une des recommandations de mon rapport d’information sur l’application de la loi Montagne, voté à l’unanimité, et de l’Agenda rural de 2019.
Je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement, afin d’apporter une réelle réponse aux problématiques spécifiques rencontrées par les élus de zones à la fois de montagne et de littoral.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La demande que le Conseil national de la montagne puisse émettre des propositions est déjà satisfaite par le septième alinéa de l’article 6 de la loi Montagne, qui prévoit que le Conseil national de la montagne « a pour objet de faciliter, par ses avis et ses propositions, la coordination des actions publiques dans les zones de montagne ». En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Monsieur Pellevat, l’amendement n° 178 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Cyril Pellevat. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 178 rectifié bis est retiré.
Article 2
I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° (nouveau) L’article L. 111-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nonobstant toute disposition contraire, le refus d’admission à une prestation relevant de la compétence du département peut être fondé sur le seul motif que le postulant ne remplit pas les conditions fixées par le règlement départemental d’aide sociale. » ;
2° Le cinquième alinéa de l’article L. 123-6 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce nombre est fixé par délibération du conseil municipal ou par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale. » ;
3° (nouveau) Le premier alinéa de l’article L. 132-1 est ainsi modifié :
a) À la fin, les mots : « , qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire » sont supprimés ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ces derniers, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à leur valeur locative s’il s’agit de biens soumis aux taxes foncières et à leur valeur déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès, multipliée par le taux d’intérêt légal, s’il s’agit d’autres biens. » ;
4° (nouveau) L’article L. 245-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le règlement départemental d’aide sociale peut, à titre complémentaire, prévoir l’affectation de la prestation de compensation à d’autres charges. »
I bis (nouveau). – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 262-3, il est inséré un article L. 262-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 262-3-1. – Le règlement départemental d’aide sociale peut prévoir que le bénéfice du revenu de solidarité active est réservé aux personnes dont la valeur totale des biens n’atteint pas un montant qu’il fixe, sans que celui-ci puisse être inférieur à 23 000 €. La valeur des biens des postulants est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès.
« Pour l’application du premier alinéa, sont exclus des biens des postulants :
« 1° Les biens constituant leur habitation principale, ainsi que les meubles meublants dont ils sont garnis autres que ceux soumis à la taxe prévue à l’article 150 VI du code général des impôts ;
« 2° Une voiture automobile, dès lors que sa valeur vénale est inférieure à 10 000 €. » ;
2° L’article L. 262-49 est ainsi rédigé :
« Art. L. 262-49. – Pour l’application de l’article L. 132-8, les sommes servies au titre du revenu de solidarité active ne sont recouvrées que pour leur fraction qui excède trois fois le montant forfaitaire mentionné à l’article L. 262-2. Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire s’exerce sur la partie de l’actif net successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède 46 000 €. »
II. – À la seconde phrase de l’article L. 241-11 du code forestier, les mots : « fixé par décret » sont remplacés par les mots : « compatible avec la communication par l’Office ».
III. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2333-84 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , ainsi que pour les occupations provisoires de leur domaine public par les chantiers de travaux, » sont supprimés ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le régime des redevances dues aux communes pour l’occupation provisoire de leur domaine public par les chantiers de travaux est fixé par délibération du conseil municipal. »
2° (nouveau). – L’article L. 4134-2 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « un décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « délibérations des conseils régionaux, prises dans les trois mois qui suivent leur renouvellement » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État détermine les règles applicables à défaut de délibération des conseils régionaux. »
IV (nouveau). – L’article L. 4383-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, remplacer les mots : « arrêté des ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur » par les mots : « délibération du conseil régional » ;
2° Au quatrième alinéa, remplacer les mots : « arrêté du ministre chargé de la santé » par les mots : « délibération du conseil régional » ;
3° Le cinquième alinéa est supprimé.
V (nouveau). – Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’article L. 143-25 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, le mot : « Toutefois, » est supprimé ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
2° Le dernier alinéa de l’article L. 153-25 et le second alinéa de l’article L. 153-26 sont supprimés ;
3° L’article L. 421-4 est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « La commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme arrête, par délibération de son organe délibérant, la liste… (le reste sans changement). » ;
b) Au début des deuxième et dernier alinéas, les mots : « Ce décret » sont remplacés par les mots : « Cette délibération » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État détermine les règles applicables à défaut de délibération prise par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent. » ;
4° L’article L. 421-5 est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « La commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme arrête, par délibération de son organe délibérant, la liste… (le reste sans changement). » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État détermine les règles applicables à défaut de délibération prise par la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent. »
VI (nouveau). – Le deuxième alinéa de l’article L. 312-10 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Celles-ci peuvent, par l’adoption de délibérations prises par leur assemblée délibérante à la majorité des voix, émettre des vœux sur la mise en œuvre de cette convention afin qu’elle favorise un enseignement substantiel en langue régionale, circonscrit aux établissements proposant exclusivement cette modalité d’enseignement, permettant d’assurer une bonne maîtrise du français et de la langue régionale. »
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, sur l’article.
M. Max Brisson. L’article 2 porte sur l’extension du pouvoir réglementaire local, dans le cadre de concertations territoriales entre les collectivités et l’État. C’est bien dans ce cadre que l’enseignement facultatif des langues régionales est conduit dans notre pays. L’article L. 312-10 du code de l’éducation prévoit en effet qu’il est dispensé « selon des modalités définies par voie de convention entre l’État et les collectivités territoriales où ces langues sont en usage ».
En commission, mon amendement visant à renforcer cet enseignement conventionné a été adopté, pour devenir l’alinéa 46 du présent article 2. J’en remercie nos rapporteurs. Reste que je comprends mal l’amendement de suppression de cet alinéa proposé par le Gouvernement. Nous en reparlerons…
Ce dont nous ne parlerons pas, en revanche, c’est de la possibilité, dans le cadre de ces conventions, de pratiquer un enseignement intensif en langue régionale dans les écoles publiques. Mon amendement a en effet été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Je m’incline, bien entendu… Toutefois, étant donné que l’élève aurait reçu cet enseignement de langue régionale sur le temps d’enseignement qui lui est dû, aucune charge supplémentaire n’aurait été induite, puisque l’élève aurait dû dans tous les cas être face à un maître, en français ou en langue régionale.
De même, le professeur qui aurait enseigné en langue régionale l’aurait fait également en français, dans le cadre de ses obligations réglementaires de service. Cet enseignement aurait donc eu lieu à enveloppe horaire constante, pour le professeur comme pour l’élève.
Enseigner en langue régionale, sur le temps scolaire, pour des professeurs qui enseignent dans les deux langues n’aurait en rien aggravé la charge publique !
La méconnaissance de l’enseignement des langues régionales et de son organisation ressort chaque jour davantage des débats qui lui sont consacrés. Le présent projet de loi ne comblera pas ce fossé, alors même que ce sujet, qui renvoie au rapport entre Paris et les territoires, est loin d’être marginal par endroit.
La situation des langues régionales, affaiblie par la dernière censure du Conseil constitutionnel, aurait dû trouver une réponse dans un texte dont l’un des piliers est la différenciation. Nous attendons certes les conclusions de la mission confiée aux députés Kerlogot et Euzet, mais un signe aurait déjà pu être adressé dans ce texte. Ce ne sera pas le cas.
Soyez persuadée, madame la ministre, que la question se posera avec acuité en Bretagne, en Corse, en Alsace, au Pays basque et dans bien d’autres territoires ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et GEST.)
Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.
M. André Reichardt. J’ai peu de choses à ajouter à l’excellente intervention de Max Brisson.
Un amendement que j’avais déposé en ce sens m’a aussi été refusé au titre de l’article 40 de la Constitution. Je voudrais dire à quel point cette irrecevabilité m’a choqué, et je renvoie au rappel au règlement fait par Cécile Cukierman en début de séance : plusieurs centaines d’amendements sénatoriaux ont été retoqués au titre de cet article !
Le président de la commission des finances a essayé de nous convaincre de l’opportunité de déclarer irrecevables des amendements de ce type. Mais, dans la mesure où il s’agit d’une compétence de la collectivité départementale et que la réforme s’opère à moyens constants, je ne comprends pas comment on peut invoquer l’article 40.
Je rejoins donc totalement les observations de Max Brisson.
Mme le président. Je suis saisie de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 698, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4 et 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. La commission a modifié l’article 2 afin de renforcer le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales, notamment le règlement départemental d’aide sociale. Cette modification peut paraître anodine au premier abord, mais, si chaque département élabore son propre règlement pour l’attribution des aides sociales, nous franchirons un pas supplémentaire vers la segmentation et la division de l’unité nationale.
Si chaque département décide de fixer ses propres règles pour l’attribution de la prestation de compensation du handicap ou du RSA, la place laissée à l’État sera réduite à peau de chagrin. Surtout, la majorité du Sénat feint d’ignorer l’actualité juridique : les tribunaux administratifs ont toujours annulé les règlements départementaux qui ont tenté de limiter ou de réduire l’accès au RSA.
Par ailleurs, autoriser le transfert des reliquats du budget de la prestation de compensation du handicap vers le budget général des départements reviendrait automatiquement à réduire les dépenses départementales en faveur de la compensation du handicap.
Ces deux dispositions nous semblent extrêmement régressives. C’est pourquoi nous en demandons la suppression.
Mme le président. L’amendement n° 1157, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3, 11 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Nous discutons de dispositions visant à étendre un certain nombre de pouvoirs réglementaires des collectivités.
Lors de la discussion générale, nous sommes plusieurs à avoir alerté sur les dangers que pouvait représenter une telle extension. Cécile Cukierman s’était notamment interrogée sur sa finalité.
Mme Cohen vient d’en donner un exemple pratique : grâce à sa modification par la commission, l’article 2 permettrait in fine de restreindre l’accès à certaines prestations sociales.
Une telle restriction est problématique. Il n’y a pas de limitation sur la nature des critères qui pourraient être décidés localement. Ainsi, chaque département pourrait restreindre l’accès au RSA ou refuser l’attribution d’une aide en se fondant sur son règlement départemental d’aide sociale établi territorialement.
Le risque – mais c’est peut-être un objectif ; il faut toujours envisager le pire… – est que certains conseils départementaux cherchent à réaliser des économies budgétaires en imposant des critères toujours plus restrictifs pour réduire le nombre de bénéficiaires admissibles. Cela pourrait aller jusqu’à l’instauration de critères de conditionnalité potentiellement discriminatoires, comme le refus des aides aux familles de délinquants.
Nous sommes donc extrêmement circonspects. C’est pourquoi nous demandons la suppression des alinéas 2 et 3, ainsi que des alinéas 11 à 15, qui cèdent un pouvoir trop important aux départements et, de ce fait, entravent davantage l’accès aux aides.
Avec votre permission, madame la présidente, je souhaite présenter dès maintenant l’amendement n° 1158, qui vise à supprimer les alinéas 8 et 9 de cet article ; Mme Cohen a déjà évoqué le sujet.
Le texte prévoit de permettre aux départements d’affecter la prestation de compensation du handicap (PCH), dont plus de 300 000 personnes bénéficient actuellement, à d’autres charges. Nous craignons les finalités d’une telle mesure. Aucune information claire ne nous a été fournie par les rapporteurs. Que comptez-vous faire avec ces fonds dédiés aux personnes handicapées ? À quelles charges voulez-vous les affecter ? Cela soulève à la fois un problème juridique et une interrogation quant à l’usage qui sera fait des crédits. Nous demandons la suppression de ces alinéas.
Mme le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 384 est présenté par MM. Marie, Kerrouche, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 1158 est présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 384.
M. Jérôme Durain. La mesure très générale qui a été introduite en commission nous inquiète. Un département pourra affecter la PCH à des charges n’ayant aucun lien avec le financement des politiques publiques à destination des personnes handicapées. Nous demandons donc la suppression des alinéas 8 et 9.
Mme le président. L’amendement n° 1158 a déjà été défendu.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 699 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 1159 est présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 1279 est présenté par Mme Lubin, M. Jomier, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Poumirol et Rossignol, MM. Kerrouche, Marie, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 10 à 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 699.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à supprimer la possibilité d’interdire l’accès au revenu de solidarité active (RSA) aux personnes disposant d’une épargne.
Alors que, 14 avril, le Conseil d’État a définitivement annulé le refus d’accès au RSA aux demandeurs détenant plus de 23 000 euros, mesure prévue par le département de la Manche, certains élus ayant visiblement de la suite dans les idées veulent introduire une telle disposition dans la loi.
Le RSA est financé par les départements – cela a été souligné –, mais il est distribué par les caisses d’allocations familiales, et selon des règles fixées nationalement, afin de garantir l’égalité de l’accès aux droits sur le territoire.
Il est étonnant que certains parlementaires veuillent profiter de l’examen du présent projet de loi pour imposer une départementalisation des règles en la matière au lieu de chercher des solutions pour lutter contre le non-recours aux droits – dans le cas du RSA, cela représente plus de 3,6 milliards d’euros –, dont le montant est largement supérieur à celui de la fraude sociale.
Le bénéfice du RSA n’a jamais été conditionné à un plafond d’épargne. Il ne nous semble pas juste d’en instituer un aujourd’hui. Je rappelle que le RSA s’élève à 565,34 euros par mois.
Gabriel Garcia Marquez écrivait : « J’ai appris qu’un homme n’a le droit d’en regarder un autre de haut que pour l’aider à se relever. » Notre amendement s’inscrit dans cet esprit.
Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 1159.
M. Guy Benarroche. Cet amendement est identique à celui que Mme Cohen vient de présenter.
Du fait d’une disposition adoptée en commission, les départements pourront fixer un seuil de patrimoine au-delà duquel le RSA ne sera pas attribué, ce seuil pouvant varier selon les départements à la seule condition de ne pas être inférieur à 23 000 euros. Nous sommes loin du principe d’universalité qui caractérise notre système de protection sociale !
En outre, une telle mesure entretient une grande confusion entre le patrimoine et les ressources. Je me permets de rappeler deux éléments.
D’une part, le RSA est destiné à des personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour vivre.
D’autre part, le patrimoine peut être constitué de biens n’apportant pas de ressources à leur propriétaire. Prenons l’exemple d’un agriculteur qui possède une ou des parcelles agricoles ; je connais votre sensibilité à la situation des agriculteurs et à la ruralité, mes chers collègues. Comme vous le savez, les valeurs des parcelles agricoles varient selon différents critères, notamment la localisation. Le propriétaire ne peut pas toujours en tirer des revenus. Le RSA pourrait être attribué à un propriétaire dans un département et refusé dans un autre. Et je ne parle même pas des cas où une personne reçoit en héritage une parcelle agricole ou un bien immobilier.
Une telle confusion entre le patrimoine, qui ne permet pas toujours de vivre, et le revenu, qui est destiné à se nourrir, à se loger et à se déplacer, me paraît très dangereuse. En outre, c’est source d’inégalités entre les territoires.
Une telle mesure, qui met en place un critère restrictif, dont on ne connaît par ailleurs pas bien la teneur, ne pourra qu’entraver l’accès aux aides pour les personnes en situation de précarité. Cela me paraît extrêmement dangereux.
Les départements ne pourraient-ils pas être tentés de réaliser des économies au détriment des populations qui ont besoin d’aide, en ajustant chaque année en fonction de leurs capacités budgétaires le plafond de patrimoine retirant l’éligibilité au RSA ? On peut vraiment le craindre.
Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 1279.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement est identique à ceux qui viennent d’être présentés.
La commission des lois a adopté un amendement pour autoriser les départements à imposer des conditions de patrimoine au bénéfice du RSA et pour leur permettre d’exercer un recours en récupération des sommes versées à ce titre.
Je le rappelle, 4 millions de Français sont au chômage, et la crise continue de produire ses effets. En outre, selon les estimations de l’Unédic, environ 2,8 millions de personnes se verront ouvrir des droits aux allocations chômage entre juillet 2021 et juin 2022, alors même qu’en raison des décisions prises par le Gouvernement, les sommes versées baisseront pour quelque 1,15 million de personnes, soit 350 000 personnes de plus que ce que le Gouvernement nous avait annoncé. De plus en plus de gens devront donc avoir recours aux minima sociaux.
Il nous semblerait plus pertinent de s’attaquer aux causes des difficultés d’insertion au lieu d’alimenter sans cesse une suspicion à l’égard des bénéficiaires des dispositifs sociaux.
La plupart des études convergent pour montrer que les bénéficiaires de minima sociaux veulent retrouver un emploi et que le stéréotype de l’oisiveté est bien loin de la réalité. Cessons de stigmatiser sans cesse les mêmes populations !
Certes, on estime généralement que la fraude au RSA s’élève à environ 800 millions d’euros. Mais il faudrait avoir la même sévérité avec l’évasion fiscale, qui coûte entre 30 milliards d’euros et 36 milliards d’euros chaque année à l’État selon le rapport d’information de notre collègue Éric Bocquet.
Mme le président. L’amendement n° 1683, présenté par Mme Gatel et M. Darnaud, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
II. – Alinéa 11
Remplacer la référence :
1°
par la référence :
5°
III. – Alinéa 16
Remplacer la référence :
2°
par la référence :
6°
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements qui viennent d’être défendus.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement n° 1683 est un amendement de coordination.
Je souhaite faire une réponse globale sur l’ensemble des amendements qui viennent d’être présentés.
Nous sommes au cœur d’un véritable débat démocratique. Chacun d’entre nous défend une position respectable ; il ne s’agit en aucun cas de porter un jugement de valeur. Toutefois, de même qu’il ne faut pas avoir de suspicion à l’égard des personnes ayant besoin d’être aidées, n’en ayons pas à l’égard des élus.
Les premiers articles de ce texte, que nous avons déjà adoptés, portent sur le droit à la différenciation pour les collectivités locales. Il me paraît donc étrange de rejeter une telle possibilité pour les départements en matière sociale – encore une fois, il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur – alors que ce secteur représente l’essentiel de leurs compétences.
J’ajoute que le cadre de la différenciation est clairement défini par la loi.
Quel regard portons-nous sur les départements. Sont-ils de simples exécutants des décisions prises par l’État, voués à distribuer les aides sociales, par ailleurs tout à fait légitimes, en lieu et place de ce dernier sans exercer la moindre responsabilité ?
En réalité, ce sont des collectivités constituées d’élus responsables devant leurs électeurs. Si un département souhaite mettre en œuvre l’une des mesures que nous avons prévues dans l’article – il s’agit, je le rappelle, d’une possibilité, et non d’une obligation –, la décision relèvera de l’assemblée délibérante, et non du seul président.
Si nous faisons confiance aux élus locaux pour exercer leurs responsabilités dans le cadre fixé par la loi, cela doit s’appliquer en matière sociale, puisque c’est le cœur des missions du département.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de ces amendements, dont la philosophie est contraire à la sienne, ainsi d’ailleurs qu’à celle du projet de loi. À défaut, l’avis serait défavorable. (M. Philippe Bas applaudit.)
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comme je l’ai indiqué précédemment, le Gouvernement est par principe favorable au pouvoir réglementaire local. La question est simplement de savoir sur quel champ celui-ci doit s’appliquer.
Les alinéas que l’amendement n° 698 vise à supprimer ont été introduits par la commission et comportent trois dispositions distinctes.
Le Gouvernement est favorable à la suppression de la mesure tendant à renforcer la portée juridique du règlement départemental d’aide sociale.
Il approuve également la suppression de la modification adoptée par la commission visant à permettre aux départements d’affecter la PCH à des charges autres que celles qui sont prévues à l’article L. 245-3 du code de l’action sociale et des familles.
En revanche, le Gouvernement n’est pas favorable à la suppression de la modification visant à prévoir que le nombre de membres des conseils d’administration des centres communaux et intercommunaux d’action sociale est fixé par délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’EPCI. Chacun peut le comprendre, une telle mesure est d’une nature différente et n’emporte pas les mêmes conséquences que les précédentes.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 698, souhaitant conserver la disposition inscrite à l’alinéa 4 de l’article 2.
Je suis favorable à l’amendement n° 1157, aux amendements identiques nos 384 et 1158 et à l’amendement n° 699 – ces différents amendements tendent à supprimer les deux dispositions que j’ai évoquées –, ainsi qu’à l’amendement rédactionnel de la commission.
Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Je n’ai pas entendu l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 1159 et 1279.
Mme le président. Mon cher collègue, comme ces deux amendements sont identiques à l’amendement n° 699, l’avis du Gouvernement est nécessairement favorable.
La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Je souhaite remercier Mme la ministre de son avis favorable sur les amendements tendant à supprimer les dispositions introduites en commission, qui soulèvent de graves interrogations.
Certes, la version initiale de l’article 2 du projet de loi a suscité la déception de toutes et tous. Elle ne prévoyait l’octroi d’un pouvoir réglementaire aux collectivités que sur des sujets pour le moins anecdotiques, comme l’état de répartition du nombre de bestiaux admis respectivement au pâturage et au panage ou encore la fixation du régime des redevances pour l’occupation provisoire du domaine public par les chantiers de travaux.
Mais la majorité de la commission, sur l’initiative des rapporteurs, a introduit des modifications qui touchent aux droits des plus vulnérables de nos concitoyens ! Nous ne pouvons pas accepter de telles mesures.
La disposition relative à l’affectation de la PCH à d’autres charges est floue et imprécise. Elle ouvre des possibilités immenses. Un département pourra, s’il le souhaite, affecter une partie de cette prestation à des lignes de son budget général ne concernant pas les personnes en situation de handicap. Or la plupart des départements n’ont pas suffisamment de moyens aujourd’hui pour répondre aux demandes en la matière !
Plutôt que d’améliorer l’accompagnement des bénéficiaires du RSA et de lutter contre le non-recours, qui touche – cela a été rappelé – près de 30 % des potentiels ayants droit, on cherche à traquer les quelques économies qu’une personne aurait pu réaliser durant sa vie avant de perdre son emploi et de tomber dans la précarité.
Tout cela est inacceptable ! La majorité sénatoriale aurait-elle oublié que le département, auquel elle est pourtant, comme nous, très attachée, est la collectivité des solidarités ? Pour notre part, nous ne l’oublions pas, et nous souhaitons qu’il en soit toujours ainsi !
C’est pourquoi nous voterons les amendements visant à supprimer les dispositions introduites par la commission.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je n’ai pas bien compris ce que notre collègue Laurence Cohen a voulu dire tout à l’heure lorsqu’elle a évoqué le département de la Manche.
En revanche, si je ne connais pas particulièrement ce département, j’en ai auditionné le président, ainsi que ses homologues d’autres départements, comme l’Allier et La Réunion, dans le cadre de l’examen de la proposition de loi de Claude Malhuret d’expérimentation visant à favoriser le retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA. Je peux donc témoigner que ce département est exemplaire. Il a augmenté le nombre de personnes chargées d’accompagner les bénéficiaires du RSA, mis en place un partenariat avec Pôle emploi, et il mobilise les entreprises dans ce cadre.
Mme le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je salue la prise de position de Mme la ministre. Mais, sans vouloir diminuer son mérite, elle était obligée de la prendre. En effet, les dispositions proposées par nos collègues de la commission sont inconstitutionnelles. Cela fait écho aux illusions qui circulent sur la différenciation.
La différenciation dans l’exercice des responsabilités locales est évidemment encadrée par les principes du droit, notamment ceux qui figurent dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Autant on peut imaginer une différenciation dans l’exercice d’une politique publique comme l’insertion, autant le fait de donner la possibilité aux départements d’appliquer des critères chiffrés différents selon les territoires pour calculer une prestation sociale nationale liée aux revenus des gens serait manifestement contraire au principe d’égalité tel que l’apprécie le Conseil constitutionnel.
Le Sénat peut évidemment repousser les amendements de suppression et essayer de faire prospérer de telles dispositions fondées – bien mal, à mon avis – sur l’idée de différenciation, mais celles-ci ne figureront jamais dans la loi.
Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Je partage totalement l’avis qui vient d’être exprimé par Alain Richard.
Outre son inconstitutionnalité manifeste, ce qui nous est proposé aurait des conséquences plus profondes. Je le dis très tranquillement à nos deux rapporteurs : si on voulait décrédibiliser l’idée de différenciation territoriale, on ne s’y prendrait pas autrement !
On peut tout à fait imaginer que des collectivités de même niveau aient à traiter des situations différentes. En ce sens, du point de vue du principe de subsidiarité, la différenciation territoriale est une bonne chose.
Mais en introduisant une telle disposition dans une perspective visiblement idéologique, vous décrédibilisez complètement ce que nous essayons de construire patiemment dans le texte.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. À ce stade de nos discussions, il me semble nécessaire de rappeler le contenu des dispositions que certains de nos collègues voudraient voir effacées du texte issu des travaux de la commission.
Il s’agit simplement de dire à ceux qui sollicitent le RSA et qui disposent d’une épargne importante, c’est-à-dire supérieure au plafond du livret A, qu’ils doivent recourir à leurs propres moyens avant de faire appel à la solidarité nationale. Il ne s’agit nullement de viser les personnes en situation de précarité ; seules celles qui ont des ressources sont concernées.
Je me permets de le rappeler, un ouvrier célibataire qui gagne un peu plus de 1 200 euros par mois paye l’impôt sur le revenu, et cet impôt sert au financement du RSA. Or cet ouvrier ne dispose certainement pas d’une épargne de plus de 23 000 euros !
Cette discussion me paraît donc presque surréaliste. Demander à ceux qui ont une épargne très importante d’y recourir avant de faire appel à la solidarité nationale me semble une mesure de justice sociale (Exclamations ironiques sur des travées des groupes SER et GEST.) vis-à-vis de tous les travailleurs qui ont un très faible revenu et qui n’ont pas du tout d’épargne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Nassimah Dindar, pour explication de vote.
Mme Nassimah Dindar. Ce qui me gêne dans cette discussion, c’est qu’on mélange des sujets différents. Le RSA et la PCH ne relèvent pas de la même logique.
Je partage totalement la conviction que la PCH ne doit pas servir à des fins autres que celle qui a été fixée par la loi de 2005, à savoir compenser le handicap.
Les choses sont différentes pour le RSA ; je rejoins Philippe Bas sur ce point. Les prestations ne sont pas identiques entre les départements, puisqu’il existe un règlement départemental d’aide sociale et qu’il dépend de chaque organe délibérant. À La Réunion par exemple, le département a demandé le remboursement de prestations versées au titre du RSA pour des personnes qui étaient par ailleurs propriétaires terriens.
Il est donc un peu gênant de mettre sur le même plan les deux dispositifs.
À mon sens, aucun président de conseil départemental n’oserait utiliser la PCH à des fins autres que la compensation du handicap. Je fais confiance aux élus, et je ne crois pas qu’il y ait de risque à cet égard.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 384 et 1158.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 699, 1159 et 1279.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. L’amendement n° 638 rectifié, présenté par MM. Corbisez, Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la seconde phrase du III de l’article L. 123-4-1, les mots : « exercées par l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et les compétences qui ne relèvent pas de l’action sociale d’intérêt communautaire sont » sont supprimés ;
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Aux termes de l’article L. 123-4-1 du code de l’action sociale et des familles, lorsqu’un EPCI à fiscalité propre est compétent en matière d’action sociale d’intérêt communautaire, il peut créer un centre intercommunal d’action sociale (CIAS). Un centre d’action sociale est donc un établissement public administratif rattaché soit à une commune – dans ce cas, c’est un CCAS –, soit à une intercommunalité.
L’article prévoit également le cas de la dissolution des centres intercommunaux d’action sociale, en instituant une répartition de ses attributions entre l’EPCI et les communes.
Cela nous semble contraire à l’esprit de l’ensemble des dispositions relatives aux missions et aux statuts des CCAS et CIAS. À nos yeux, si un centre intercommunal venait à être dissous, ses attributions devraient de plein droit être restituées aux communes ou à leurs CCAS, et non être exercées directement par l’EPCI.
L’objet de cet amendement est de repenser la répartition des attributions du centre dissous au bénéfice des seules communes.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. En cas de dissolution d’un CIAS, comme lors de tout transfert de compétence exercée par une intercommunalité, des discussions ont lieu sur la reprise desdites missions. En l’espèce, il peut y avoir reprise partielle de compétence par les communes ou maintien de la compétence au sein de l’EPCI.
Par ailleurs, l’article 37 du présent projet de loi ouvre la possibilité de créer un CIAS dans les métropoles et les communautés urbaines. Et n’oubliez pas qu’il y a une notion d’intérêt communautaire.
Par conséquent, mon cher collègue, votre question, qui est pertinente, me semble trouver des réponses dans les dispositifs qui régissent actuellement les intercommunalités ou dans les nouvelles dispositions que nous introduisons dans ce projet de loi.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Monsieur Gold, l’amendement n° 638 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Gold. Non, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 638 rectifié est retiré.
Je suis saisie de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1396, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au deuxième alinéa de l’article L. 1413-1 les mots : « d’associations locales » sont remplacés par les mots : « des usagers et des habitants intéressés à la vie des services publics locaux ».
II. – Alinéas 24 à 27 et 46
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement a trois objectifs.
Premièrement, il tend à traduire une recommandation du rapport de juin 2021 de l’inspection générale de l’administration Le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales : enjeux et perspectives. Il s’agit de donner la possibilité aux collectivités territoriales et groupements concernés de déterminer librement les représentants à associer au sein de la Commission consultative des services publics locaux sans restreindre la participation aux seules associations locales. Cet amendement vise à ouvrir plus largement cette instance à de nouvelles formes d’action citoyenne, comme les forums de citoyens, à des usagers ou à des habitants.
Deuxièmement, il est proposé de supprimer la disposition relative à la détermination de la composition des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (Ceser) par délibération du conseil régional. Le cadre actuel me semble garantir le pluralisme de ces instances ; je ne souhaite pas qu’il soit modifié.
Troisièmement, l’amendement tend à supprimer la mesure relative à l’enseignement des langues régionales, qui est susceptible d’aller à l’encontre de la récente décision du Conseil constitutionnel et qui a été introduite dans le texte sans avoir attendu les conclusions de la mission parlementaire demandée par le Premier ministre.
Mme le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 758 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier, Cazabonne, Guerriau, Hingray et Moga.
L’amendement n° 1059 rectifié bis est présenté par Mme Vérien et MM. Henno, P. Martin, Le Nay, Canévet, Delcros, L. Hervé, Duffourg, Chauvet et Kern.
L’amendement n° 1372 rectifié bis est présenté par MM. Hassani, Mohamed Soilihi, Dennemont et Iacovelli, Mme Schillinger et M. Patient.
L’amendement n° 1441 est présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 1674 est présenté par M. Masson.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 24 à 27
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 758 rectifié bis.
Mme Nathalie Delattre. Le conseil économique, social et environnemental régional est une institution reconnue pour la qualité de ses travaux, notamment de ses avis, qui permettent d’éclairer les pouvoirs publics dans leur prise de décision.
Le Ceser a su s’adapter à sa mission de relais de l’opinion publique en tenant compte des nouveaux appétits démocratiques de nos concitoyens. Pour avoir commencé ma vie professionnelle en tant que chargée de mission dans un Ceser, je connais la qualité du travail qui y est réalisé.
Malheureusement, la disposition introduite par la commission prévoit que les Ceser soient dorénavant composés non plus par décret en Conseil d’État, avec une mise en œuvre confiée au préfet de région, mais par les conseils régionaux, dans les trois mois suivant leur renouvellement.
Cela risque à terme de décrédibiliser la portée des travaux des Ceser. Une telle disposition rompt en effet avec le principe d’indépendance, qui constitue l’essence même de l’institution. Ce changement risque d’apporter confusion et doutes quant à l’impartialité de la parole des Ceser. La défiance des Français envers nos institutions risque de n’en être que plus grande. Dans un contexte où les niveaux d’abstention sont de plus en plus importants et inquiétants, il est nécessaire de préserver la parole portée par nos institutions de toute accusation de collusion.
Les Ceser participent à la richesse démocratique de notre pays. Ce sont des assemblées de dialogue, où se confrontent des avis très différents, mais qui nous permettent de répondre aux enjeux et défis de notre société.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de supprimer la disposition introduite par la commission et de préserver ainsi l’indépendance des Ceser en conservant le principe de nomination par décret en Conseil d’État.
Mme le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour présenter l’amendement n° 1059 rectifié bis.
Mme Dominique Vérien. Les Ceser ont besoin d’être confortés et rassurés. Il me semble donc nécessaire de revenir au mode de nomination actuel. Cette institution présente un véritable intérêt ; je pense notamment à l’éclairage qu’apportent ses rapports aux délibérations du conseil régional.
Mme le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 1372 rectifié bis.
M. Thani Mohamed Soilihi. Comme cela vient d’être souligné, la disposition introduite en commission risque de politiser les Ceser. Nous en demandons donc également la suppression.
Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° 1441.
M. Guy Benarroche. Au mois d’octobre dernier, après le succès de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), nous avions débattu de la refonte du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Il s’agissait de l’une des demandes de la CCC. L’idée de consolider la composition et le fonctionnement de cette instance était apparue évidente, même si nous avions des désaccords sur la marche à suivre.
Les Ceser ont une réelle mission de consultation auprès des instances politiques de la région. Ils sont l’une des expressions de la décentralisation et représentent les différents mouvements de la société.
C’est donc avec une certaine stupéfaction que nous avons découvert le détournement partisan que les rapporteurs ont proposé. La mesure relative à leur composition et aux conditions de nomination de leurs membres nous semble porter une atteinte assez grave à l’essence même des Ceser.
Les alinéas 24 à 27 de l’article 2 disposent que la composition des Ceser sera dorénavant déterminée par délibération des conseils régionaux. Il s’agit d’un changement fondamental : les Ceser disposaient d’une réelle indépendance vis-à-vis du politique. Cela permettait à leurs membres de produire des rapports sans lien de subordination politique, notamment par rapport aux exécutifs régionaux, qui viennent d’être renouvelés par moins de 30 % des inscrits.
Un tel changement de règle du jeu va induire une dépendance particulièrement néfaste du Ceser au personnel politique, surtout en ces temps difficiles pour nous tous, élus de la République. Concentrer les pouvoirs de composition des Ceser dans les mains du conseil régional représente un danger pour l’indépendance des travaux de ces instances. Il ne s’agit pas d’une solution adaptée au regard de la crise de confiance des électeurs.
Enfin, si réforme il devait y avoir, mieux vaudrait, face à l’urgence climatique, modifier le règlement des Ceser pour ajouter un nouveau collège dédié à l’environnement, sur le modèle de ce qui a été fait pour le CESE, plutôt que de les placer dans les mains du président du conseil régional. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mais oui, bien sûr…
Mme le président. L’amendement n° 1674 n’est pas soutenu.
L’amendement n° 529, présenté par MM. Kerrouche, Marie, J. Bigot et Houllegatte, Mmes Artigalas, S. Robert et M. Filleul, MM. Devinaz et Jacquin, Mmes Préville et Lubin, MM. Jomier, Gillé, Kanner et Bourgi, Mme de La Gontrie, M. Durain, Mme Harribey, MM. Leconte, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 25
après le mot :
régionaux,
insérer les mots :
à la majorité des deux tiers de leurs membres,
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Cet amendement est un amendement de repli.
Mme la ministre propose en quelque sorte de revivifier les commissions consultatives de service public. C’est une bonne chose. Ces commissions ont une utilité, mais elles sont devenues soit ennuyeuses soit une figure imposée. Dans les faits, elles ne fonctionnent plus comme elles le devraient.
Nous souhaitions donner plus de capacité d’adaptation à l’échelon local. Toutefois, ayant entendu les représentants des Ceser, dont celui de ma région, la Nouvelle-Aquitaine, il nous apparaît désormais préférable d’en rester à l’organisation actuelle, en raison du risque que pourrait faire courir le mécanisme de nomination introduit par la commission.
Cet amendement, qui vise à fixer une majorité qualifiée pour décider de la composition des Ceser, est donc un amendement de repli par rapport aux amendements identiques de suppression et à celui du Gouvernement.
Mme le président. L’amendement n° 1298 rectifié, présenté par MM. Sueur et Durain et Mmes S. Robert et Harribey, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 25
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les membres de chacune des composantes des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, dirigeants d’entreprises, salariés, associations, sont désignés sur proposition des représentants de chacune des composantes. »
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement est défendu.
Mme le président. L’amendement n° 197 rectifié bis, présenté par M. Brisson, Mmes Canayer et Garriaud-Maylam, MM. Burgoa, Reichardt et Pellevat, Mmes Deromedi et Belrhiti, MM. D. Laurent, Courtial, Sol, Panunzi, Bascher et Mouiller, Mmes Drexler et Imbert, M. Sido, Mme Lassarade, M. Calvet, Mme Saint-Pé, MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Schalck, M. de Legge, Mme Dumas, MM. Belin, Sautarel, Charon, Bonhomme, H. Leroy, Gremillet et Rapin, Mme Di Folco et M. Klinger, est ainsi libellé :
Alinéa 46
Remplacer les mots :
émettre des vœux sur
par le mot :
demander
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement ne concerne pas le Ceser. Il porte sur l’alinéa 46 de l’article 2, qui est une réaction à la censure par le Conseil constitutionnel de l’article 6 de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, dite loi Molac.
Cette décision du Conseil constitutionnel a entraîné une grande insécurité pour les réseaux d’enseignement intensif en langue régionale, qui fonctionnent pourtant depuis plus de cinquante ans, sont, pour plusieurs d’entre eux, sous contrat avec l’État depuis 1994 et participent à former des locuteurs totalement bilingues.
En commission, j’avais déposé un amendement ayant pour objet d’apporter un minimum de sécurité à ces écoles. En effet, les propositions des députés Kerlogot et Euzet mettront du temps à être mise en œuvre, si tant est que le Gouvernement ne les enterre pas. Or l’insécurité, c’est maintenant ! Cet amendement, qui a été adopté par la commission, ce dont je remercie les rapporteurs, est devenu l’alinéa 46. Hélas ! le Gouvernement propose, à travers son amendement n° 1396, de le supprimer ; au moins sa position de fond a-t-elle le mérite de la clarté…
Cet amendement n° 197 rectifié bis tend à améliorer encore le texte de la commission. Mais comme nous sommes dans l’épaisseur du trait, je saurai me montrer raisonnable s’agissant du maintien de l’amendement…
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. L’amendement n° 1396 du Gouvernement tend à enrichir le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales en nommant au sein de la Commission consultative de services publics locaux des représentants des usagers et des habitants au lieu des seuls représentants d’associations locales. Or la commission préfère laisser cette faculté ouverte.
Surtout, l’adoption de votre amendement, madame la ministre, aurait pour effet collatéral d’éteindre l’ajout de M. Brisson sur les langues régionales, qui vise à permettre aux collectivités de passer des conventions avec l’État pour l’enseignement des langues régionales. Il s’agit ici de répondre, comme l’a souligné notre collègue, à l’inquiétude suscitée par la récente décision du Conseil constitutionnel, qui met ces écoles bilingues en difficulté. Le dispositif retenu par la commission ne frise pas la censure constitutionnelle.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 1396 du Gouvernement.
Je note avec intérêt la convergence de beaucoup de nos collègues sur la disposition de la commission relative aux Ceser. (Sourires.) Il ne s’agissait nullement de contester l’existence des Ceser, qui sont une instance de dialogue, de concertation et de démocratie participative tout à fait pertinente. Nous voulions au contraire nous montrer « mieux disant », même si cela a été compris à rebours. En effet, beaucoup de régions ont formulé des demandes d’adaptation et d’enrichissement de la composition du Ceser. C’est dans ce sens plutôt vertueux qu’il fallait comprendre notre intention.
Depuis dix jours, comme vous tous ici, nous avons un dialogue extrêmement intense avec les Ceser pour expliquer notre démarche, qui s’inscrivait bien dans un esprit de décentralisation.
Cela étant, j’entends et respecte les arguments avancés par nos collègues. C’est pourquoi j’émettrai un avis de sagesse favorable sur les amendements identiques nos 758 rectifié bis, 1059 rectifié bis, 1372 rectifié bis et 1441.
Je suis en revanche défavorable à l’amendement n° 529, qui tend à rouvrir le débat, que je propose précisément de clore, sur la composition des Ceser.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 1298 rectifié.
Cher Max Brisson, nous entendons bien les préoccupations que vous exprimez avec les Basques, les Alsaciens, les Bretons, les Corses et d’autres. Mais l’adoption de l’amendement n° 197 rectifié bis aurait pour effet d’atténuer la portée du texte tel qu’il résulte du vote de votre amendement de commission. Pour cette raison, je préférerais que vous le retiriez ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement est évidemment favorable aux amendements identiques sur les Ceser, puisqu’il souhaite également la suppression des alinéas concernés.
Le Gouvernement demande le retrait des amendements nos 529 – cet amendement de repli doit rester « en repli » ! (Sourires.) – et 1298 rectifié. À défaut, l’avis serait défavorable.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 197 rectifié bis de M. Brisson. Je connais les risques que je prends. Je sais déjà qu’il y aura de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. Toutefois, monsieur Brisson, le sujet des langues régionales est suffisamment sensible et important pour ne pas aller plus loin aujourd’hui. Je m’étais déjà inquiétée, manifestement à juste titre, lors de l’adoption de la proposition de loi Molac. La décision du Conseil constitutionnel sur l’enseignement immersif ne va pas dans votre sens.
L’alinéa 46 est désormais ainsi rédigé : « Le deuxième alinéa de l’article L. 312-10 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : “Celles-ci peuvent, par l’adoption de délibérations prises par leur assemblée délibérante à la majorité des voix, émettre des vœux sur la mise en œuvre de cette convention afin qu’elle favorise un enseignement substantiel en langue régionale, circonscrit aux établissements proposant exclusivement cette modalité d’enseignement, permettant d’assurer une bonne maîtrise du français et de la langue régionale.” »
Je vous prie de m’excuser de vous le dire aussi simplement, monsieur Brisson, mais je ne vois pas très bien ce que tout cela signifie… C’est pourquoi je propose de supprimer cet alinéa. Ce n’est pas une attaque contre les langues régionales ; c’est une manière de les protéger. (M. Max Brisson s’exclame ironiquement.)
Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. La décision du Conseil constitutionnel sur les langues régionales pose problème dans quasiment tous les départements concernés.
Je regrette que l’amendement du Gouvernement mêle ainsi des questions différentes. Si les sujets avaient été séparés, nous aurions pu le voter.
Comme l’a souligné Mme la rapporteure, la commission avait l’intention d’aller vers un « mieux disant » sur le fonctionnement des Ceser. Il ne s’agissait pas d’un retour en arrière. Si les choses ont été perçues ainsi, la sagesse nous commande de nous abstenir.
En cas d’adoption des amendements identiques, notre amendement n° 529 tomberait.
Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. C’est parce que le cabinet de Jean-Michel Blanquer n’a pas accepté le vote conforme de l’Assemblée nationale et du Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi. C’est pour cette seule raison que nous nous retrouvons aujourd’hui dans une telle situation.
Après la décision du Conseil constitutionnel, le Président de la République a promis de trouver rapidement une solution. Il nous a demandé de ne pas nous inquiéter en nous assurant qu’il ne s’agissait pas d’une offensive contre l’enseignement immersif.
Pour notre part, nous cherchons la solution. Nous sommes au mois de juillet, et la rentrée se profile. Nous avons donc profité de ce véhicule législatif et adopté un amendement en commission. Et vous nous demandez aujourd’hui de supprimer le dispositif que nous avons voté sans apporter la moindre solution !
Ce n’est pas nous qui mettons de l’huile sur le feu ; c’est vous qui entretenez une situation aussi anxiogène. En proposant de supprimer l’alinéa 46, vous posez un acte politique. Vous allez dans le sens de Jean-Michel Blanquer, qui ne veut ni d’enseignement immersif ni de perpétuation des langues régionales par l’enseignement ; il faut appeler un chat un chat !
Excusez-moi de le dire aussi brutalement, mais il est plus que temps de tenir l’engagement du Président de la République et de mettre une solution sur la table !
Mme le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Madame la ministre, vous affirmez une fois de plus que le Gouvernement aime les langues régionales – je n’ai jamais entendu autant de professions de foi en leur faveur –, mais c’est bien lui qui est à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel sur l’article 6 de la loi Molac, issu d’un amendement de Laurence Muller-Bronn, et donc de l’insécurité qui en découle.
Nous recherchons des solutions. L’alinéa 46 de l’article 2 vise à offrir un cadre sécurisé à des structures qui ne pratiquent qu’improprement l’immersion sur l’ensemble des sites. Il s’agit d’un enseignement intensif ou substantiel en langue régionale. Vous le balayez d’un revers de main !
Depuis soixante ans, leur seul objectif est de former, avec succès, des locuteurs bilingues. Il faut aujourd’hui préserver sans tarder ce bilinguisme intégral, fondé sur le projet d’écoles intégrées dans des réseaux : Diwan, Bressola, Calandreta ou Seaska…
Oui, le Président de la République a tenu des propos rassurants ! Oui, la mission des députés Kerlogot et Euzet doit rendre son rapport ! Mais conserver cet alinéa 46 jusqu’à la navette parlementaire serait un signe fort. Nous verrons bien si le Gouvernement se décide enfin à répondre au tweet du Président de la République – lui aussi utilise les réseaux sociaux – sur le sujet. Nous pourrions alors, le cas échéant, retirer cet alinéa.
Il y a urgence à sécuriser des réseaux qui fonctionnent. Madame la ministre, à quelques semaines de la rentrée, les élèves méritent un autre traitement. Le Gouvernement donne l’impression de les balayer d’un revers de main en se cachant derrière la décision du Conseil constitutionnel, qu’il a lui-même saisi par l’intermédiaire du ministre de l’éducation nationale et qui manifeste une hostilité totale et absolue aux langues régionales !
Vous aurez beau multiplier les discours pour prétendre le contraire, vous n’empêcherez pas nos territoires de constater que ce gouvernement aura porté des coups très durs aux langues régionales de ce pays ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et GEST.)
Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Je voudrais remercier Mme la rapporteure de son avis de sagesse.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je suis très sage ! (Sourires.)
Mme Nathalie Delattre. Depuis le vote de la disposition concernée, nous avons été nombreux à recevoir des coups de téléphone des présidents de Ceser. Je pense notamment à la présidente du Ceser de Nouvelle-Aquitaine, Emmanuelle Fourneyron, qui a bien compris que la commission avait cherché à élargir le panel des représentants dans un esprit de simplification et d’ouverture.
La commission n’avait tout simplement pas perçu les risques collatéraux pour l’indépendance des Ceser vis-à-vis des conseils régionaux. Être juge et partie aurait été compliqué…
Mme le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. La censure du Conseil constitutionnel a suscité une forte émotion en Bretagne, où l’attachement au breton et au gallo est extrêmement fort. Nous, les Bretons, plaidons pour qu’une solution soit trouvée.
La rédaction proposée n’est peut-être pas la meilleure, mais il faut trouver le plus rapidement possible un véhicule législatif pour sécuriser la prochaine rentrée, comme l’a souligné Ronan Dantec. À défaut, nous risquons d’être confrontés à de grandes difficultés.
Max Brisson l’a rappelé, la navette doit nous permettre de trouver la bonne rédaction, à l’issue de la mission de nos deux collègues députés, pour sécuriser enfin la situation de tous ceux qui participent à l’enseignement des langues régionales auprès des jeunes.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je ne suis pas une spécialiste des langues régionales, et ce n’est pas mon ministère qui gère ce dossier.
Toutefois, je suis la ministre de la cohésion des territoires, et je connais bien notre pays. Monsieur Brisson, je sais comment fonctionne l’enseignement du basque dans les écoles basques. J’ai même un ami béarnais qui tient beaucoup aux langues régionales. (Sourires.)
M. Max Brisson. Je sais !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je connais l’attachement des Basques, des Bretons, des Corses ou des Savoyards à ce patrimoine.
Monsieur Dantec, vous qui êtes l’autre Breton de la Loire-Atlantique, sachez que le Président de la République a pris l’engagement très ferme de ne fermer aucune école immersive. Il le tiendra. Je vous demande de n’y voir aucune suspicion à l’égard des langues régionales. Je vous le dis très officiellement, même si je suis originaire du Loir-et-Cher, où la langue régionale n’a pas de signification concrète.
Le Président de la République était bien marri de la décision du Conseil constitutionnel. Ne prêtez pas de fausses intentions au Gouvernement ; nous souhaitons simplement ne pas compliquer les choses.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 758 rectifié bis, 1059 rectifié bis, 1372 rectifié bis et 1441.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme le président. En conséquence, les amendements nos 529 et 1298 rectifié n’ont plus d’objet.
Monsieur Brisson, l’amendement n° 197 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Non, je le retire à l’appel de Mme la rapporteure, en la remerciant de nouveau du travail effectué en commission.
Pour autant, madame la ministre, nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours. Nous connaissons les forces hostiles aux langues régionales. Elles sont nombreuses, y compris rue de Grenelle.
Mme le président. L’amendement n° 197 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 1146, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa de l’article L. 2212-4, après la référence : « L. 2212-2 », sont insérés les mots : « , les dangers imminents sur la santé des personnes vulnérables ou les atteintes à l’environnement » ;
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. L’article 2 prévoit une extension du pouvoir réglementaire du maire pour le moins limitée et incomplète. Le Gouvernement nous avait pourtant promis de mettre en place une réelle décentralisation et d’accroître le pouvoir réglementaire du maire.
Au sein du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, nous nous battons pour que cette décentralisation favorise une meilleure prise en compte locale de la préservation de la santé et de l’environnement. Les deux enjeux sont profondément liés.
Pourtant, alors que l’urgence sanitaire et climatique est déclarée, que l’État est condamné pour son inaction au regard de ses ambitions et obligations en la matière et que les produits phytosanitaires sont considérés comme nocifs pour la santé humaine, rien ne permet aujourd’hui à un maire d’agir pour la préservation de la santé environnementale de ses administrés.
Pourquoi ne pas écouter ces maires, que vous connaissez tous, quand ils souhaitent limiter les épandages de pesticides trop près des écoles ? Pourquoi ne pas les écouter quand ils perçoivent un danger en matière de pollution du sol ou de contamination des eaux ?
Les juges refusent de leur accorder la compétence nécessaire pour édicter ce type de réglementation. Il nous semble donc utile d’établir une base légale pour que les élus locaux – nous l’avons tous été ou nous le sommes encore –puissent prendre des mesures adéquates en cas de danger imminent sur la santé et l’environnement de leur population proche. Cela nous semble parfaitement s’inscrire dans l’idée qui était à l’origine du présent projet de loi.
La commune est le bon échelon pour agir sur de tels sujets. Les maires ont l’avantage de la proximité, ce qui leur permet de faire face aux problèmes concrets, locaux et quotidiens rencontrés par les habitants de leur commune, leurs voisins, qu’ils connaissent parfaitement.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement me rappelle mon pays ! (Sourires.)
En effet, tout est parti d’un arrêté anti-pesticides pris en Ille-et-Vilaine par celui qui était alors le maire de Langouët, Daniel Cueff, que je connais fort bien. Il a été suivi par d’autres maires. Son arrêté a été annulé par le tribunal administratif. Pourquoi le sujet est-il intéressant ? Si votre préoccupation est sérieuse et grave, il convient de choisir le bon outil pour y répondre.
Or il se trouve qu’il y a une sorte de conflit entre le pouvoir de police générale du maire et un pouvoir relevant de règles sanitaires et du ministère de la santé. Un maire ne peut pas intervenir dans ce champ, puisque la décision du ministre de la santé annule toute initiative particulière.
C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, je me verrais contrainte d’émettre un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Vous proposez d’ajouter aux pouvoirs de police municipale des cas spécifiques de réglementation des produits phytopharmaceutiques.
Conformément aux exigences de la réglementation européenne, la police spéciale de la mise sur le marché de la détention et de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques est confiée à l’État par la loi. Le code rural et de la pêche maritime encadre fortement la mise en œuvre de cette police spéciale, qui s’appuie sur des évaluations scientifiques approfondies.
Les produits phytopharmaceutiques font l’objet d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché, délivrée par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Il appartient ensuite au ministre chargé de l’agriculture et au ministre chargé de la santé, de l’environnement et de la consommation de prendre les mesures d’interdiction ou de limitation de l’utilisation de ces produits.
Puis, le préfet de département est chargé de fixer les distances minimales d’utilisation des produits à proximité des lieux accueillant des personnes.
Le Conseil d’État a précisé dans son arrêt du 31 décembre 2020, c’est-à-dire très récemment, que le maire ne peut légalement user de ses pouvoirs de police générale pour édicter une réglementation sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, qu’il appartient aux seules autorités de l’État de prendre.
Pour autant, le projet de loi Climat et résilience, dans son article 49 bis D, renforce le rôle du maire, au titre de sa compétence aménagement et urbanisme, en prévoyant qu’il peut définir des zones de transition entre zones urbanisées et agricoles au travers de son plan local d’urbanisme (PLU).
Chacun est ainsi conforté, si je puis dire, dans ses compétences, que le Gouvernement n’entend pas modifier. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je suis un peu déçu par la réponse de Françoise Gatel. En effet, nous avions cru à une volonté du Sénat de donner beaucoup plus de pouvoir aux maires, par exemple un pouvoir de vie et de mort sur l’installation d’éoliennes… Nous avons donc pensé, dans la logique de la majorité sénatoriale, étendre ces prérogatives à des questions de santé liées à l’utilisation de produits phytosanitaires. Nous avons estimé qu’il s’agissait du bon moment pour créer une cohérence et avoir moins de conflits.
Votre avis, madame la rapporteure, me semble aller dans le sens opposé. Je suis, je vous l’avoue, un peu perdu. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Je reconnais bien là votre esprit malicieux, mon cher collègue ! Mais vous ne m’y prendrez pas, malgré notre solidarité bretonne et notre amitié pour Daniel Cueff ! (Sourires.)
Très sincèrement, on peut confier à un maire de nombreuses responsabilités. Toutefois, quand il s’agit d’apprécier des risques sanitaires ou liés à des connaissances scientifiques, le maire n’ayant pas ces connaissances sera mis en danger.
Mes chers collègues, nous ne cessons de le dire, nous ne décentralisons pas tout. Il existe des compétences régaliennes qui appartiennent à l’État. Or la santé en fait partie. On ne peut pas demander un maire de faire ce qu’il ne peut pas faire.
Je le dis avec malice, mon cher collègue : vos propositions sont très souvent fondées sur une défiance à l’égard des élus. (M. Ronan Dantec le conteste.)
Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Madame la ministre, je peux vous l’assurer, nous n’avons pas plus de défiance à l’égard des élus que vous-même.
Un maire peut n’avoir aucune connaissance des stratégies structurelles dans l’installation d’un certain nombre de sources d’énergie comme les éoliennes. Un maire peut très bien n’avoir aucune connaissance des dangers supposés des éoliennes. Un maire peut très bien n’avoir aucune connaissance des dangers des pesticides. Nous sommes bien d’accord !
Néanmoins, y a-t-il moins de possibilités pour un maire de connaître la dangerosité de l’épandage de pesticides à cinq mètres d’une école, alors qu’il a peut-être des retours d’un certain nombre d’habitants de sa ville concernant les problèmes posés par cet épandage ? Une telle décision serait-elle moins légitime que celle visant à l’installation d’une éolienne qui servira à produire de l’électricité pour tout un territoire ? Nous nous posons simplement la question, sans aucune malice.
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Madame la rapporteure, vous parlez de confiance aux maires et aux élus locaux, mais ce que vous proposez démontre l’inverse !
Permettez-moi de donner un exemple. Nous évoquerons au cours de l’examen du projet de loi la compétence eau. De très petites communes doivent gérer leurs ressources en eau et la distribution d’eau potable. Le maire en porte la responsabilité bien qu’il ne soit pas expert en la matière. Il s’appuie sur des services et des contrôles. Si ces derniers ne sont pas bons au regard de la sécurité publique, il a la responsabilité de prendre la décision de ne pas distribuer l’eau.
Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas avoir un système identique sur les pesticides. Si le maire est responsable, rien ne l’empêche de demander une étude et de prendre des mesures lorsqu’il estime que la situation fait courir un risque à la population locale.
Notre position est logique et s’inscrit dans une perspective de renforcement du rôle des élus.
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. L’examen de cet amendement met en lumière la difficulté qu’il y a à trouver un équilibre stable sans basculer d’un côté ou de l’autre.
Tout d’abord, nos erreurs de langage, que nous partageons, en disent long : souhaitons-nous renforcer le pouvoir des élus ou leur capacité à agir et à prendre les bonnes décisions pour répondre aux besoins de leur population ? Ce n’est pas seulement une question linguistique !
Ensuite, mon groupe a toujours affirmé son opposition au recours et à l’utilisation d’un certain nombre de pesticides. Toutefois, la question posée concerne avec la capacité des maires de prendre une décision en matière de santé. Qui est compétent en ce domaine ?
Si nous allons jusqu’au bout de la logique, demain, un de nos concitoyens qui estimera être tombé malade à la suite d’un contact avec des pesticides pourra se retourner contre le maire qui n’aura pas pris un arrêté de mise en danger. En effet, dans notre société, de plus en plus, tout le monde veut attaquer tout le monde.
Pourtant, l’analyse de la dangerosité de ces produits nécessite une maîtrise scientifique et relève de la compétence santé publique. Or je pense que ce domaine doit continuer de faire l’objet des missions régaliennes.
Même si, politiquement, nous pourrions rejoindre les auteurs de cet amendement et le voter spontanément, nous devons veiller, sur le fond, à protéger les élus. À vouloir leur donner trop de possibilités, on les fragilise.
Nous débattrons bientôt des services publics. Si nous renforçons une telle compétence pour les élus, demain, la fermeture d’une gare sera non plus du ressort de la SNCF, mais bien des élus ! C’est ainsi qu’on casse les missions régaliennes et, partant, le sentiment d’appartenir à une société et de faire République.
Mme le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est bientôt minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit et demi, afin de poursuivre l’examen du projet de loi. Il reste 1 247 amendements à examiner.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
L’amendement n° 1613, présenté par MM. Haye, Mohamed Soilihi, Richard, Patriat, Bargeton, Buis et Dennemont, Mmes Duranton et Evrard, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Marchand et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud et Rohfritsch, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Compléter cet alinéa par les mots :
dans le respect d’un plafond fixé par décret en Conseil d’État
La parole est à M. Ludovic Haye.
M. Ludovic Haye. Le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales concourt aujourd’hui à deux principes structurants du droit des collectivités territoriales : la libre administration des collectivités territoriales et la différenciation.
L’article 2 du projet de loi, largement enrichi par Mme la rapporteure Françoise Gatel, vise à une extension du pouvoir réglementaire locale dans plusieurs domaines. Il prévoit notamment la fixation par une délibération du conseil municipal du régime des redevances dues aux communes pour l’occupation provisoire de leur domaine public par les chantiers de travaux.
Il semble toutefois préférable d’instaurer un plafond fixé par décret pour ces redevances, comme nous le proposons par notre amendement.
Cela facilitera le calcul technique de la redevance par les communes, en permettant notamment à celles qui ne souhaitent pas l’effectuer de renvoyer au plafond du décret, et sécurisera juridiquement les délibérations fixant les montants.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui tend à mettre en place un encadrement plutôt bienvenu tout en préservant le pouvoir réglementaire local.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 1440, présenté par M. Benarroche et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéas 32 à 45
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement concerne les pouvoirs réglementaires du maire et des conseils municipaux, qui ne peuvent pas statuer en faveur de la santé environnementale de leurs citoyens.
Les alinéas 32 à 45 de l’article 2 tendent à modifier – rien que cela ! – le code de l’urbanisme. Introduits par les rapporteurs, ces alinéas donnent aux conseils municipaux la mission de dresser la liste des constructions exonérées de toute formalité au titre du code de l’urbanisme.
Vous m’avez entendu, les conseils municipaux auront la mission – quelle compétence ou quelle responsabilité ont-ils dans ce cas ? – de dresser la liste des constructions exonérées de toute formalité au titre du code de l’urbanisme. Je le répète, parce que cela paraît énorme.
Cette disposition est actuellement fixée par décret en Conseil d’État. Nous pensons qu’il est plus pertinent de laisser les choses ainsi et de supprimer les alinéas 32 à 45. C’est l’objet de cet amendement.
En effet, le transfert d’une telle compétence fait obligatoirement naître des risques d’arbitraire, de méconnaissance, d’impossibilité de prendre de bonnes décisions et, éventuellement, de clientélisme. Cela ne place pas le maire dans une situation confortable, puisqu’il se retrouve à la fois juge et partie de projets d’urbanisme. À ce titre, je me souviens des discussions que j’ai pu avoir avec de nombreux maires concernant leurs plans d’occupation des sols (POS), puis leurs PLU.
Par ailleurs, que dire de la disparité sur les territoires ? À tel endroit, on pourra construire un « cabanon », comme on dit dans le Midi, sans aucun document administratif, à un autre endroit, une piscine. Tout cela se fera de manière tout à fait disparate, en fonction de décisions de conseils municipaux, qui disposent bien entendu de beaucoup plus d’éléments pour décider dans ce domaine que pour ce qui concerne la dangerosité des produits phytosanitaires…
Nous ne pouvons pas prendre le risque d’un débordement s’agissant de l’exonération de normes encadrant les constructions. Ce sont ces normes qui ont permis d’atteindre de nouveaux standards environnementaux. Ce sont elles qui jouent un rôle crucial pour assurer la sécurité du bâti et des gens qui y habitent.
Je vous demande, madame la rapporteure, d’être favorable à cet amendement pour revenir à la norme qui nous paraît la plus sage. Je sollicite donc un avis de sagesse !
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Si je m’en tiens le plus souvent possible à un principe de sagesse, cela ne me conduit pas toujours à émettre des avis favorables !
Permettez-moi de vous donner un exemple. Dans la baie du Mont-Saint-Michel, que certains connaissent, il y a un élevage de moutons de prés salés. Aujourd’hui, certaines dispositions empêchent les éleveurs de construire un abri pour y déposer du foin, ce qui pose problème.
Je le rappelle encore une fois, les dispositions dont il est question sont extrêmement encadrées par le législateur. Ce n’est pas open bar ! La rédaction retenue par la commission n’enlève rien à toutes les considérations environnementales et de performance énergétique prévues par la loi. (M. Guy Benarroche le conteste.) Mon cher collègue, respectons nos différences de point de vue ! Je l’ai dit tout à l’heure, alors que des connaissances scientifiques sont nécessaires, les maires pourront être attaqués pour mise en danger de la santé.
Nombre d’entre nous ont été maires ! Pour ma part, au cours de mes dix-sept années de mandat, on m’a demandé d’apprécier des demandes d’extension d’élevages agricoles. Très sincèrement, hormis un avis personnel, je n’ai aucune compétence scientifique en la matière. Je m’appuie sur des règles.
Pour ce qui concerne la santé, c’est autre chose ! Je le rappelle, les élus sont responsables et soumis au contrôle de légalité du juge administratif.
Par conséquent, dans un esprit de responsabilité et de confiance – nous avons été très sollicités sur le sujet –, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Benarroche, votre amendement vise à revenir sur les modifications du code de l’urbanisme introduites par la commission.
Premièrement, le fait de conditionner la prise en compte des observations du représentant de l’État à l’entrée en vigueur d’un document d’urbanisme permet, je crois, de vérifier la prise en compte réelle des enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols ou de répartition équilibrée des logements.
Leur mauvaise prise en compte expose les communes et les porteurs de projet à une certaine insécurité juridique. C’est la raison pour laquelle je pense que la sécurisation et le conseil, par des experts, auprès des collectivités territoriales permettent de rassurer les maires. L’annulation récente du plan local d’urbanisme intercommunal et habitat (PLUiH) de Toulouse est éclairante à cet égard.
Deuxièmement, il n’est pas souhaitable de confier à la collectivité le soin de déterminer les critères pour soumettre ou non un projet à autorisation d’urbanisme sans l’encadrer.
Le fait de disposer d’une procédure de délivrance d’autorisations d’urbanisme identique sur tout le territoire permet donc une sécurité juridique pour les pétitionnaires. Cela facilite le montage et la sortie des projets. Il n’est pas souhaitable de le remettre en cause, a fortiori en période de relance.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Lorsque j’ai découvert la disposition en question, j’ai eu du mal à en comprendre le sens. L’explication donnée par Mme la rapporteure ne m’a absolument pas rassuré ; elle m’a même inquiété.
En effet, il s’agit de donner la possibilité aux conseils municipaux d’autoriser sans aucun critère, un certain nombre de constructions qui n’auront plus l’autorisation d’urbanisme. On ne sait pas de quel type de constructions il s’agira. C’est le conseil municipal qui en décidera.
Cela pose problème. En effet, qu’est-ce qu’un document d’urbanisme ? C’est un permis de construire ou une déclaration préalable.
Nous avons été maires, et nous savons donc comment cela se passe. Un document d’urbanisme constitue une sécurité juridique. Vous vous apprêtez ainsi à exposer un certain nombre d’élus à une absence d’encadrement juridique. Je pense aux constructions autorisées sur certains terrains, mais avec des spécificités particulières s’agissant des risques naturels. Dans le cas qui nous occupe, aucun document ne prendra en compte ces risques. Et je ne parle ni de la question patrimoniale ni de l’intégration !
Rien n’est prévu non plus s’agissant de l’isolation, notamment la mise en œuvre de la RT2012 et de la RE2020.
Vous évoquez des bâtiments agricoles, qui relèvent pourtant des mêmes problématiques. Pourquoi certains bâtiments agricoles ne sont-ils pas autorisés ? En général, il y a une raison !
Surtout, un document d’urbanisme est un moyen de communication : les tiers disposent d’un délai de deux mois pour déposer un recours. Il permet d’informer la population d’un projet qui se réalisera.
Vous êtes en train de déréglementer totalement et de fragiliser juridiquement les élus qui seront chargés de cette compétence. Pour éviter ce danger, il faut bien évidemment voter cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. Je veux rendre hommage au travail de la commission, dont les propositions sont cohérentes, contrairement aux vôtres, chers collègues écologistes. Tout à l’heure, vous nous disiez que les maires devaient prendre des responsabilités sur les produits phytosanitaires ; à présent, vous souhaitez leur enlever du pouvoir en matière d’urbanisme. (Protestations sur les travées du groupe GEST.) Vous risquez d’attraper une scoliose ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur Gontard, je comprends bien que vous ne soyez pas d’accord avec la position de la commission. Mais ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Je n’ai jamais évoqué un Far West en matière d’urbanisme !
M. Guillaume Gontard. C’est ce qui est écrit !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les PLU ne disparaissent pas !
Il existe également des zones inondables et des zones protégées sur lesquelles on ne peut pas construire. Ne dites donc pas que c’est l’avènement d’un monde sauvage dans lequel n’importe qui pourra faire n’importe quoi sans que personne en sache rien !
La disposition que nous prévoyons d’introduire n’enlève rien aux documents d’urbanisme qui existent. Par ailleurs, je le rappelle, dans ce cas, le conseil municipal sera soumis à des règles qui seront votées, passeront le contrôle de légalité et pourront être examinées par le tribunal administratif.
Vous pouvez ne pas partager mon point de vue, mais ne dites pas que je transforme la compétence urbanisme en Far West. Ce n’est pas vrai !
Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Cet amendement suscite un débat intéressant sur les documents d’urbanisme et le code de l’urbanisme.
Même si mes souvenirs sont lointains en la matière, j’ai pu mesurer l’évolution du code de l’urbanisme et de tous les documents liés à l’urbanisme. À titre personnel, je reconnais que c’est tout de même très compliqué.
Au risque de passer pour un nostalgique, je regrette que les services de l’État, via les directions départementales de l’équipement, aujourd’hui directions départementales des territoires, n’apportent plus leur appui technique aux communes pour l’élaboration des permis de construire et des certificats d’urbanisme. Certes, à l’heure actuelle, les intercommunalités disposent de ces compétences. On me répondra qu’il faut vivre avec son temps ! Pour ma part, je ne suis pas sûr que tout cela constitue un progrès.
L’examen de cet amendement permet de soulever de bonnes questions. Certes, j’en conviens, il faut préserver l’environnement, et ces documents d’urbanisme présentent un certain nombre de points positifs.
Pour autant, je me rallierai à l’avis de la commission, qui a beaucoup travaillé sur ces questions. Je tenais toutefois à apporter ces modestes précisions.
Mme le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Boyer. Pour ma part, je suis un peu surpris par un tel amendement.
En effet, lorsque l’on discute avec les maires de nos communes, en particulier de nos petites communes, on s’aperçoit qu’ils ont l’impression que les décisions qu’ils peuvent prendre en termes d’urbanisme leur échappent. Le conseil municipal prend des décisions concernant le schéma pour le développement de leur commune en termes d’urbanisme, notamment avec la création de lotissements. Or les décisions seront de plus en plus prises à l’échelon intercommunal.
Avec les POS, transformés en PLU, et les schémas d’organisation au niveau de l’intercommunalité, les maires se plaignent de ne plus avoir de pouvoir de décision sur le développement de leur commune ou sur les demandes formulées en termes de construction. Laissons-leur la petite parcelle de pouvoir dont ils disposent ! Si on la leur enlève, que leur restera-t-il ?
A contrario, vous vouliez tout à l’heure leur « refiler » toutes les contraintes liées à l’utilisation de produits phytosanitaires, qui peuvent soulever les plus grandes difficultés. Mais vous leur enlevez les décisions concernant le développement de leur commune ! Je ne comprends pas !
Laissons-leur le peu de pouvoir de décision qu’ils ont encore sur le schéma de développement de leur commune !
Mme le président. Mes chers collègues, je souhaite que nous puissions voter l’article 2 ce soir. Je vous demande donc de faire preuve de concision !
La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Il y a visiblement une certaine incompréhension. Nous ne voulons pas enlever des prérogatives aux maires. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.) Relisez l’amendement !
Ce que nous rejetons, c’est la disposition introduire dans le texte. Elle vise à déroger au code de l’urbanisme, fragilisant ce faisant les maires et les conseils municipaux. Par ailleurs, elle pourrait leur permettre de faire un certain nombre de constructions qu’ils ne peuvent pas faire aujourd’hui sans avoir reçu une autorisation conformément au code de l’urbanisme.
En tant que membre d’un conseil municipal, je sais que cette institution ne peut pas, à l’heure actuelle, prendre de telles décisions. Pour autant, le conseil a la mainmise sur les projets de développement et d’aménagement du territoire et d’urbanisme, dans les limites imposées par la loi. Je pense notamment aux autorisations prévues par le code de l’urbanisme.
Nous ne voulons rien changer ! C’est le texte adopté par la commission qui introduit un changement par rapport à la situation actuelle.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 865 rectifié bis est présenté par MM. Menonville, Guerriau, Médevielle et Lagourgue, Mme Mélot, MM. Capus, Chasseing, Wattebled, A. Marc et Verzelen, Mme Paoli-Gagin et MM. Malhuret et Decool.
L’amendement n° 940 rectifié bis est présenté par M. E. Blanc, Mmes Belrhiti et Chain-Larché, MM. Charon et Cuypers, Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Sautarel, Sido et Rojouan et Mme Goy-Chavent.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le XIII de l’article 87 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 est ainsi rédigé :
« XIII. – Après la répartition entre les régions du volume de population éligible dans le cadre d’une concertation entre l’État et ces dernières, les zones d’aide à finalité régionale sont définies par délibération du conseil régional. Les zones d’aide à l’investissement des petites et moyennes entreprises sont définies par décret en Conseil d’État. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 865 rectifié bis.
M. Daniel Chasseing. La loi NOTRe a consolidé le rôle des régions en matière de développement économique.
Au sein des zones d’aide à finalité régionale (ZAFR), la Commission européenne autorise les autorités françaises à octroyer des aides spécifiques. Ces aides à finalité régionale contribuent au développement de ces zones en soutenant plus particulièrement les investissements initiaux des grandes entreprises et des PME et la création d’emplois liés à ces investissements.
Afin de garantir une plus forte cohérence de ces actions de soutien aux entreprises et une meilleure prise en compte des dynamiques territoriales, il apparaît opportun que les ZAFR soient définies en pleine cohérence avec les orientations des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) et des Sraddet, donc par délibération du conseil régional, et non plus par décret en Conseil d’État.
Cette décentralisation pourrait se révéler tout à fait utile. Lorsqu’une commune est limitrophe d’une ZAFR sans y être intégrée, elle subit une double peine.
Mme le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour présenter l’amendement n° 940 rectifié bis.
M. Étienne Blanc. La mesure que nous proposons relève d’une parfaite cohérence. D’un côté, les régions se voient confier, via les Sraddet et les SRDEII, des responsabilités dans le domaine des aides directes aux entreprises et à leur environnement ; elles en décident souverainement. D’un autre côté, les aides qui sont d’origine européenne voient leurs conditions d’attribution décidées via un décret pris en Conseil d’État.
Tout cela n’est pas très cohérent ! Si l’on veut de la cohérence, il faut que les régions aient cette responsabilité. D’ailleurs, on la leur a bien donnée là où il s’agit de gérer les fonds européens.
Cet amendement a donc pour objet, en toute cohérence, de confier aux régions le soin de définir ces zones. Ainsi, cette définition ne relèverait-elle plus d’un décret pris en Conseil d’État.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il s’agit des zones d’aide à finalité régionale. Vous souhaitez que le champ d’intervention et de compétence des régions soit élargi.
J’entends bien la question que vous posez. Elle est en lien avec la compétence économique que les régions exercent.
Le dispositif proposé soulève toutefois deux interrogations. Premièrement, le classement dans cette catégorie emporte des conséquences fiscales définies à l’échelon national. Un risque d’inégalité devant l’impôt est donc à craindre ; ce n’est pas rien. Deuxièmement – peut-être serez-vous moins sensibles à cet argument, mais on ne saurait l’ignorer –, ces classements relèvent d’une politique européenne à propos de laquelle la France doit rendre des comptes.
Je demande donc aux auteurs de ces deux amendements identiques de bien vouloir les retirer ; cette demande est essentiellement motivée par la première raison que j’ai évoquée. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le dispositif des aides à finalité régionale (AFR) permet aux collectivités territoriales et à l’État d’octroyer, dans les territoires vulnérables, des aides aux entreprises en dérogeant au droit européen de la concurrence.
Il s’agit d’un instrument privilégié pour atteindre les objectifs fixés en matière de cohésion territoriale via la réduction des écarts de développement. Vous proposez que les régions soient les seules autorités à en définir la cartographie. Je suis évidemment convaincue du rôle des conseils régionaux, qui détiennent, comme vous l’avez rappelé, la compétence en matière de développement économique.
Toutefois, c’est bien l’État qui est le garant devant la Commission européenne du respect des lignes directrices que cette dernière a définies, comme vient de le rappeler Mme le rapporteur. C’est également lui qui conduit les négociations préalables à l’adoption définitive de la carte.
Cela fait plusieurs périodes de programmation que nous appliquons cette méthode, qui permet de concilier la défense d’une position claire et lisible par la France et la concertation avec les collectivités régionales. En effet, ces AFR sont depuis toujours discutées entre l’État, d’une part, et, d’autre part, les présidents des conseils régionaux et les assemblées régionales. C’est tout à fait logique ! Et ce sont les préfets de région qui seront bientôt chargés de négocier cette cartographie avec les conseils régionaux pour la programmation 2021-2027.
La cohérence avec le Sraddet et le SRDEII est évidemment absolument indispensable. C’est pourquoi je pense qu’il ne faut pas changer de méthode – aujourd’hui, cela marche bien ! –, d’autant que la responsabilité de l’État devant la Commission européenne est engagée.
Je demande donc le retrait de ces amendements.
Mme le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 865 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Oui, je le maintiens.
Mme la ministre trouve que tout marche très bien. Mais cela fait plusieurs années que nous demandons qu’une commune puisse intégrer une ZAFR parce qu’une PME d’une certaine importance est implantée sur son territoire, et nous restons sans réponse du Gouvernement !
Mme le président. Monsieur Blanc, l’amendement n° 940 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Étienne Blanc. Je regrette les avis qui viennent d’être émis. L’adoption de ces amendements aurait au moins le mérite de donner de la lisibilité au texte. L’économie, pour l’essentiel, c’est la région ! À ce titre, la définition du périmètre des ZAFR devrait lui revenir.
Par ailleurs, arguez-vous, la Commission européenne est très attentive au respect du règlement. Mais la question se pose exactement dans les mêmes termes avec la gestion du Fonds européen de développement régional (Feder) et Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) ! On opposerait alors aux régions qu’elles ne respecteraient pas un certain nombre de prescriptions européennes ? Pour ce qui est des ZAFR, il en ira exactement de même.
L’argument ne tient pas. C’est la raison pour laquelle je maintiens l’amendement.
M. Rémy Pointereau. Très bien !
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 865 rectifié bis et 940 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 866 rectifié bis est présenté par MM. Menonville, Guerriau, Médevielle et Lagourgue, Mme Mélot, MM. Chasseing, Capus, Wattebled, A. Marc et Verzelen, Mme Paoli-Gagin et MM. Malhuret et Decool.
L’amendement n° 941 rectifié bis est présenté par M. E. Blanc, Mmes Belrhiti et Chain-Larché, MM. Charon et Cuypers, Mmes Deromedi et Garriaud-Maylam, MM. Rojouan, Sautarel et Sido et Mme Goy-Chavent.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au dernier alinéa du III de l’article 1464 G du code général des impôts, les mots : « arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l’aménagement du territoire » sont remplacés par les mots : « délibération du conseil régional ».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 866 rectifié bis.
M. Daniel Chasseing. La loi NOTRe a consolidé le rôle des régions en matière de développement économique.
Les zones de revitalisation rurale (ZRR) visent à aider au développement des entreprises sur les territoires ruraux via des mesures fiscales et sociales.
Au regard des responsabilités dévolues aux régions en matière économique et d’égalité des territoires, il est proposé, en déclinaison des SRDEII et Sraddet, que la définition du périmètre des ZRR soit désormais établie par délibération du conseil régional et non plus par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l’aménagement du territoire.
Il s’agit de décentraliser les responsabilités, afin que le dispositif des ZRR cible bien les territoires fragiles.
Mme le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour présenter l’amendement n° 941 rectifié bis.
M. Étienne Blanc. L’essentiel a été dit. Là encore, il s’agit de cohérence ! Le périmètre des zones de revitalisation rurale devrait être arrêté en conformité et en concordance avec les Sraddet et les SRDEII. Ainsi assurerait-on la cohérence des aides économiques.
J’ajoute qu’en l’espèce, on ne peut pas dire qu’il y a un problème avec la Commission européenne.
M. Étienne Blanc. La cohérence commande l’adoption de ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Il s’agit de la même proposition que précédemment, mais appliquée aux zones de revitalisation rurale. L’avis de la commission sur ces amendements est donc cohérent avec celui que je viens d’émettre : demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je vous rappelle que nous avons prolongé les ZRR de deux ans, jusqu’à la fin de l’année 2022. Vous avez raison, monsieur le sénateur. En l’occurrence, il n’y a pas de problème avec la Commission européenne. Mais il y en a un d’une autre nature : les ZRR ouvrent droit à exonérations fiscales sur des impôts d’État.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Eh oui !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. On ne peut pas laisser aux régions la responsabilité de gérer des zonages qui ont des conséquences sur les impôts d’État.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. C’est un bon argument.
Mme le président. La parole est à M. Jean Marc Boyer, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Boyer. Ces amendements sont très importants. Aujourd’hui, on constate que les aides versées dans le cadre des ZRR donnent à des territoires ruraux la possibilité de se développer. Or les nouvelles modalités d’attribution du bénéfice du zonage ZRR font qu’aujourd’hui, certains territoires ont droit à des exonérations fiscales et d’autres non, selon l’intercommunalité.
Il me paraîtrait normal que la définition du périmètre des ZRR revienne désormais au conseil régional. La décision doit être prise non pas à l’échelon national, mais sur le terrain, c’est-à-dire à l’échelon régional. Un tel changement d’échelle serait gage de proximité et facteur de développement de nos territoires.
Mme le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 866 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Oui, je le maintiens, madame la présidente.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. J’irai dans le sens que Mme le rapporteur et Mme la ministre.
En principe, on ne peut pas adresser à l’État le reproche de la partialité. À l’inverse, certains conseils régionaux pourraient être tentés de faire des découpages sinon partisans, du moins « orientés ». Somme toute, comme l’ont indiqué Mme le rapporteur et Mme la ministre, il y aura indirectement des charges supplémentaires pour l’État. De ce point de vue, il faut que nous soyons prudents.
Je ne voterai donc pas ces amendements.
Mme le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.
M. Bernard Delcros. La principale dépense associée aux ZRR, ce sont des exonérations d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés, pour environ 300 millions d’euros par an, et ce, pour les entreprises qui en bénéficient, pendant huit ans. Autrement dit, c’est une perte de recettes pour l’État.
Il faut être cohérent. C’est l’État qui finance la quasi-totalité, voire la totalité des dispositifs financiers d’accompagnement des entreprises et des collectivités,…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Bien !
M. Bernard Delcros. … à travers des majorations de dotation globale de fonctionnement (DGF) au titre de la fraction bourg-centre de la dotation de solidarité rurale notamment. Il paraît tout de même logique que celui qui finance les dispositifs en fixe le périmètre !
En revanche, ce qui serait bel et bien intéressant, c’est que le travail sur les périmètres soit mené en concertation avec l’ensemble des collectivités compétentes dans ces domaines.
Mme le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour explication de vote.
M. Étienne Blanc. Je souhaite vous faire part de ma surprise. En général, les amendements que nous déposons subissent un contrôle très strict au titre de l’article 40 de la Constitution. Or je constate qu’aujourd’hui, nos amendements y ont visiblement échappé…
Mme Cécile Cukierman. Quelle chance !
M. Étienne Blanc. On nous explique en effet que leur adoption reviendrait à augmenter les charges et à diminuer les recettes de l’État. Voilà un manque certain de cohérence ! Nos amendements, eux, sont parfaitement cohérents.
Mme le président. Les amendements sont gagés, mon cher collègue.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 866 rectifié bis et 941 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 942 rectifié bis est présenté par M. E. Blanc, Mmes Belrhiti et Chain-Larché, MM. Charon et Cuypers, Mmes Deromedi, Garriaud-Maylam et Joseph, MM. Sautarel, Sido et Rojouan et Mme Goy-Chavent.
L’amendement n° 1386 rectifié bis est présenté par Mme Ventalon, MM. Brisson et D. Laurent, Mme Dumas, MM. Tabarot, Bascher et Gremillet, Mme Estrosi Sassone, MM. Savary, Perrin, Rietmann, Anglars et J.B. Blanc, Mme Gruny, MM. Lefèvre, Genet, B. Fournier, Bouchet, Rapin et Segouin, Mme Schalck et M. Belin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article L. 1272-5 du code des transports est ainsi modifié :
1° Au début de la troisième phrase, sont ajoutés les mots : « Sauf pour les services d’intérêt régional définis aux articles L. 2121-3 et L. 1241-1, » ;
2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Pour les services d’intérêt régional, une délibération du conseil régional ou, pour la région Île-de-France, du conseil d’administration de l’établissement public mentionné à l’article L. 1241 du présent code, définit le nombre minimal d’emplacements à prévoir en fonction des matériels concernés. Elle précise les exceptions dérogeant à cette obligation générale ainsi que les conditions de sa mise en œuvre. »
La parole est à M. Étienne Blanc, pour présenter l’amendement n° 942 rectifié bis.
M. Étienne Blanc. Cet amendement vise à faire en sorte que le nombre minimal de places réservées aux vélos dans les TER soit désormais arrêté par la région.
Aujourd’hui, le nombre de places destinées au transport de vélos dans les TGV ou les trains d’équilibre du territoire (TET) est arrêté par l’État. Nous proposons qu’il le soit par la région compte tenu des compétences de ces dernières en matière de transports,
Mme le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, pour présenter l’amendement n° 1386 rectifié bis.
Mme Anne Ventalon. Cet amendement tend à renforcer le pouvoir réglementaire des conseils régionaux. Comme vient de le préciser mon collègue, actuellement, le nombre minimal d’emplacements pour vélos à bord des trains gérés par les régions, c’est-à-dire les TER, est fixé par décret. Il serait préférable et logique de confier cette responsabilité aux régions.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Permettre aux régions de définir le nombre minimal de places de vélos dans les TER me semble une excellente idée. La commission émet donc un avis favorable sur ces amendements identiques.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je le précise, le nombre fixé dans la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM) est un nombre minimal. Vous pouvez faire tout ce que vous voulez au-delà : si vous voulez le porter à cinquante, rien ne vous en empêche.
Cela dit, est-il vraiment indispensable de délibérer sur tout cela ? Et pourquoi pas sur le nombre de trottinettes ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Madame la ministre, vous êtes contre les vélos ? (Sourires.)
Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour explication de vote.
M. Jacques Fernique. Permettre aux régions d’abaisser le seuil serait une régression.
M. Jacques Fernique. La fixation par décret national d’un nombre minimal d’emplacements vélos par train était un progrès important de la LOM. Aux termes d’un récent décret datant du mois de janvier, ce nombre serait de quatre à huit par train.
Les amendements dont nous sommes saisis visent à donner à chaque région la possibilité de s’affranchir du respect de ce nombre minimal national d’emplacements vélos dans les TER. Leur adoption reviendrait à confier au pouvoir réglementaire régional la faculté de fixer lui-même ce nombre minimal pour les TER relevant de son périmètre.
S’il est certes bon, comme Mme la ministre vient de le souligner, de laisser aux régions la possibilité d’aller plus loin que le décret, donc de fixer un nombre minimal plus élevé – le droit en vigueur le permet –, ce serait une régression de leur permettre d’abaisser le seuil, d’autant que le décret prévoit déjà suffisamment de dérogations, lorsqu’une impossibilité technique est avérée, lorsque la viabilité économique du projet de rénovation est compromise ou lorsqu’il s’agit de services de transport particuliers à vocation touristique ou historique.
Le décret permet à notre pays de « coller » à la norme européenne, qui se situe plutôt entre six et huit. L’adoption des présents amendements donnerait aux régions la possibilité de faire moins bien. Encore une fois, ce serait une régression !
Bien entendu, il n’est pas toujours facile ni pratique de mêler dans les mêmes trains beaucoup de voyageurs et de nombreux vélos. Mais le seuil minimal du droit en vigueur, quatre à huit emplacements vélos par train, a principalement pour objet non pas de permettre l’accueil massif de vélos, mais de ménager un minimum nécessaire avant tout destiné aux touristes et aux excursionnistes à vélo, ce qui relève d’une forme de standard national de service public.
Il est donc normal que le seuil minimal reste fixé par le règlement national en vigueur. C’est pourquoi, en tant que coprésident du club des élus nationaux pour le vélo, et pour avoir échangé sur cette question avec la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB), je suis, au nom de mon groupe, défavorable à ces amendements.
Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Ce dont il est question, avec ces amendements, ce n’est pas le pouvoir réglementaire ; les transports en commun fonctionnent désormais la plupart du temps sous le régime de l’intermodalité et de la succession des moyens de transport. Ce dont il est question, c’est la suppression des vélos dans les TER. Point.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Mais non !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ce n’est pas cela du tout !
M. Éric Kerrouche. Et c’est une mesure ridicule !
Mme le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. La vision que certains expriment est totalement théorique. Qui ici prend le TER pour venir travailler à Paris ? (L’orateur et plusieurs sénateurs lèvent la main.) Qui le prend depuis plus de dix ans ? (L’orateur et seuls quelques sénateurs gardent la main levée.)
Si vous étiez dans les trains aux heures de pointe, vous verriez dans quelles conditions voyagent ceux qui, comme moi, n’ont qu’une carte de transport pour se déplacer. Ainsi, à Paris, à Lyon et, dorénavant, dans toutes les grandes métropoles, dans les trains, les vélos prennent de plus en plus de place ! (Exclamations sur les travées du groupe GEST.) Prenez le RER et descendez à la station Luxembourg.
Mme Cécile Cukierman. Elle est fermée en ce moment !
M. Jérôme Bascher. Elle est fermée depuis le 1er juillet. Je présume que beaucoup ici ne le savent pas. Dans le RER, vous êtes complètement les uns sur les autres et vous ne pouvez plus passer à cause des vélos ! Quand on n’est pas cycliste, on est écrasé !
Je sais bien que le vélo, c’est extrêmement important. Je suis très à l’aise sur le sujet. Mais tenons simplement compte des horaires. Dans les trains du week-end, il n’y a aucun problème pour mettre des vélos et promouvoir le cyclotourisme. Au contraire, c’est une bonne idée. Mais ceux qui se rendent tous les jours au travail munis d’un abonnement de transport et doivent rester debout, écrasés par les vélos, sont-ils satisfaits ? Non ! Il faut savoir moduler !
Lorsqu’on fait des lois théoriques depuis des hémicycles où personne ne prend le train, le résultat ne peut être qu’absurde ! Je suis évidemment favorable à ces amendements.
Mme le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. En tant que parlementaires, nous avons tous notre mot à dire, y compris sur des sujets dont on peut se demander s’ils sont du ressort de la loi. J’entends ce que vous venez de dire, mon cher collègue. Néanmoins, voyez-vous, mes parents se sont toujours battus pour que je puisse manger trois fois par jour ; cela ne m’empêche pas de combattre la faim dans le monde ! Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui prennent le train et qui peuvent parler et, de l’autre, ceux qui ne le prennent pas et devraient se taire.
Le nombre d’emplacements de vélo par train est une vraie question. Je ne suis pas certaine qu’on puisse se contenter d’une telle rédaction en guise de réponse. La LOM prévoit un nombre minimal de places destinées aux vélos dans les nouvelles rames acquises à partir de 2021. Cependant, quel que soit le progrès associé à ces nouvelles rames, on le sait, dans toutes les régions, il existe des lignes plus fréquentées que les autres. Chacun pourra citer sa région. Dans la mienne, c’est la ligne Saint-Étienne-Lyon qui est la plus utilisée. Et même en changeant les rames, le nombre de places n’est de toute manière pas extensible à l’infini.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Eh oui !
Mme Cécile Cukierman. Mais la question de la mobilité ne se résume pas à un nombre de places dans les trains. Elle se règle aussi par la possibilité de laisser son vélo dans les gares. Élue d’une région qui s’apprête à surinvestir la problématique de la sécurité, je ne doute pas de la disparition prochaine de tous les problèmes de vols de vélo dans les gares. En la matière, je fais confiance à la nouvelle majorité régionale. (M. Jérôme Bascher s’esclaffe.)
Ces amendements illustrent la difficulté que le projet de loi soulève. Quels moyens sont réellement donnés aux collectivités pour répondre aux exigences en la matière ? Si l’on veut réussir le pari de l’intermodalité vélo-train, avec tout ce que cela implique, il y aura besoin, demain, de davantage de moyens pour passer des commandes de nouveaux matériaux et satisfaire le besoin de créer de nouvelles infrastructures.
Je m’abstiendrai sur ces amendements, car la réponse qui est proposée ne me semble pas la bonne. Il reste que le problème est bien réel, même s’il se pose différemment d’une ligne à l’autre. Indépendamment du nombre de places, encore faut-il pouvoir monter le vélo dans le train !
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Absolument !
Mme le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour explication de vote.
M. Olivier Jacquin. L’excellent Didier Mandelli, qui était rapporteur du projet de loi d’orientation des mobilités, a proposé cette solution très équilibrée consistant à fixer un seuil minimal national et à permettre, comme l’a rappelé Mme la ministre, une adaptation par les régions. Cette proposition avait donné lieu à des discussions nourries et abondantes, et les auteurs du décret – je l’indiquerai au ministre des transports – ont réussi à transposer l’équilibre trouvé.
Monsieur Bascher, c’est dans ces termes que la disposition avait été débattue à l’époque. Quand on voyage en RER B, on ne peut pas tolérer quinze places de vélo. C’est pourquoi le seuil fixé est un seuil minimal ; à charge pour les régions de prévoir des adaptations.
Spectateur attentif de la campagne électorale de Mme Pécresse en Île-de-France, je ne l’ai pas entendue, tant s’en faut, prôner une réduction du nombre de places destinées aux vélos dans les trains. Il ne faut pas rater la révolution du vélo, qui a eu lieu ces dernières années et qui est plébiscitée par nos concitoyens. Votre proposition est régressive !
Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je m’associe aux signataires de ces amendements.
Je suis un grand défenseur du ferroviaire. Mes collègues ont évoqué les TGV, que nous sommes beaucoup à emprunter, les TER et les trains d’équilibre du territoire. On y trouve beaucoup d’usagers de deux-roues. Les deux modes de transport, train et vélo, sont complémentaires.
Cela dit, je conçois tout à fait les inquiétudes de certains collègues. Reconnaissons-le, certains trains sont bondés. Il faut donc trouver un compromis, un juste milieu. Je soutiendrai ces amendements.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. (L’orateur brandit son casque de cycliste.) Tout à l’heure, je quitterai le Sénat à vélo. Ne l’oublions pas, l’objectif, avec un vélo, n’est pas de prendre un train ; c’est de rouler sur une route ou une piste cyclable. La présence des vélos dans les trains est donc tout à fait marginale même s’il peut être intéressant pour des cyclistes de pouvoir ponctuellement monter avec leur vélo dans un train, dans le cadre de la continuité de déplacement.
Il faut donc sortir des schémas théoriques et remettre les choses à leur place au regard de la situation telle qu’elle est ou devrait être, d’autant que le texte est équilibré.
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Les régions sont très conscientes et très engagées dans la multimodalité.
La situation parisienne décrite par notre ami Jérôme Bascher ne se retrouve pas dans mon département, l’Ille-et-Vilaine, où certaines lignes – Cécile Cukierman l’a bien dit – sont extrêmement utilisées par des gens qui habitent à l’extérieur de la ville, prennent leur vélo, viennent en ville, puis reprennent leur vélo.
Comme Mme la ministre l’a rappelé tout à l’heure, de nombreux touristes font du vélo le long de la Loire. Il faut donc prévoir de multiples possibilités d’accrochage.
Mes chers collègues, la région exerce la compétence mobilité et répond aux enjeux de la multimodalité. Aujourd’hui, elle maîtrise bien la situation.
Ces deux amendements identiques me paraissent être des amendements de bon sens. Encore une fois, arrêtons de nous méfier des élus locaux : le maire est au moins aussi sage que le sénateur !
Mme Cécile Cukierman. Il ne doit pas l’être beaucoup, alors… (Sourires.)
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 942 rectifié bis et 1386 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 639 rectifié, présenté par MM. Corbisez, Artano, Bilhac et Cabanel, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Fialaire, Gold, Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le premier alinéa de l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, dès lors qu’ils disposent d’un programme de l’habitat exécutoire, peuvent fixer par délibération sur leur ressort territorial un critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée plus exigeant que celui prévu par ce décret. »
La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. Le présent amendement s’inscrit dans la logique de différenciation territoriale du projet de loi du point de vue de la performance énergétique des logements.
En effet, le niveau minimum de performance énergétique est un élément essentiel pour apprécier la décence d’un logement.
Néanmoins, à niveau de performance énergétique égal, l’habitabilité d’un logement sera objectivement différente selon qu’il est situé en plaine ou en montagne.
Il convient donc de permettre aux élus locaux des zones du pays les plus froides d’adapter l’objectif fixé par le législateur aux besoins de leur territoire. Le législateur ayant fixé un seuil minimal et une date butoir, ce pouvoir réglementaire ne pourra s’exercer qu’en renforçant ces objectifs.
Ainsi, dans les territoires où la mauvaise performance énergétique a les conséquences les plus sévères, les élus pourront prendre la responsabilité d’accélérer la transition sur leur territoire.
Il s’agit d’un élément concret de renforcement du pouvoir réglementaire des collectivités et de leurs groupements au bénéfice de la transition écologique.
Mme le président. L’amendement n° 1489 rectifié bis, présenté par Mmes Préville et G. Jourda et MM. Pla, Stanzione et Tissot, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Après le premier alinéa de l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« À titre expérimental et pendant une durée de neuf mois à compter de la promulgation de la loi, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, dès lors qu’ils disposent d’un programme de l’habitat exécutoire, peuvent se porter volontaires pour fixer par délibération sur tout ou partie de leur ressort territorial, pour une durée de cinq ans, un critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée plus exigeant que celui prévu par ce décret.
« L’État dispose de deux mois, à compter de la réception de la demande de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, pour lui notifier sa décision.
« Une convention est conclue entre l’État et l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision mentionnée au précédent alinéa. Elle fixe, dans un délai qui ne peut excéder un mois, la date à partir de laquelle l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut fixer ses critères de performance. »
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Cet amendement est quasiment identique au précédent.
Il importe de tenir compte du fait que l’habitabilité d’un logement sera différente selon que la région dans laquelle il est situé est plus ou moins froide.
Nous souhaitons donc permettre aux élus locaux des zones concernées d’adapter, sous leur responsabilité, l’objectif fixé aux besoins de leur territoire, notamment dans les régions les plus froides, où l’impact de cet objectif est d’autant plus significatif. Ce pouvoir réglementaire ne pourra s’exercer qu’en renforçant cet objectif, c’est-à-dire uniquement en étant mieux disant.
Cette mesure sera mise en place à titre expérimental. Comme le disait Léonard de Vinci : « La sagesse est fille de l’expérience ». Il s’agit de permettre aux EPCI volontaires de donner de la force à la transition écologique, qui ne sera réussie que si elle devient l’affaire de tous et si on laisse les collectivités territoriales prendre leur part.
Les élus locaux connaissent bien leur territoire, ses spécificités, ainsi que les acteurs sociaux et économiques. Leur donner la possibilité d’aller plus loin dans le progrès écologique est un levier puissant, porteur d’avancées significatives.
Cet amendement vise à permettre à l’intelligence collective de s’exprimer. Nous avons absolument besoin d’être plus allants, car l’urgence écologique est réelle. Nous devons être guidés par l’impératif de diminuer les gaz à effet de serre. Un tel amendement permettra de développer de la créativité dans la mise en œuvre des critères. Or nous avons autant besoin d’idées neuves que d’avancées significatives.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Ces dispositions visent à permettre la mise en place d’un pouvoir réglementaire local en matière de performance énergétique. Il s’agit, à nos yeux, d’une avancée intéressante et encadrée.
Toutefois, nous manquons de données sur le sujet, notamment pour choisir entre les deux rédactions proposées. Mme Préville prévoit une expérimentation.
Je serai très heureuse de connaître l’avis du Gouvernement sur ces amendements.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement a déjà fixé des objectifs ambitieux de rénovation énergétique impliquant différentes dispositions coercitives à l’égard des bailleurs au travers de la caractérisation de l’indécence d’un logement pour raisons énergétiques.
Celles-ci ont été fixées directement dans la loi de manière à la fois volontaire et mesurée, afin de ne pas déséquilibrer le marché immobilier et la location, tout en tenant compte des capacités de financement des maîtres d’ouvrage.
Nous avons eu un débat assez long sur le sujet au sein du Gouvernement. Il nous a semblé qu’aller plus loin, c’est-à-dire imposer des obligations en termes de performances énergétiques encore plus fortes à des propriétaires en fonction de la localisation des biens, n’était pas la solution. Certains propriétaires ou locataires ont peu de moyens. Une telle mesure pourrait donc contribuer à les paupériser davantage.
En revanche, le cadre réglementaire qui a été défini donne la possibilité aux intercommunalités ou à une commune de décliner à l’échelle du territoire des politiques encore plus ambitieuses de rénovation énergétique de l’habitat par des mesures incitatives et d’accompagnement, en complémentarité des dispositions mises en œuvre par le Gouvernement.
Personne n’empêche les collectivités d’en rajouter et d’engager des moyens. Mais il ne me semble pas socialement acceptable de durcir encore plus les critères de rénovation énergétique. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Dans ces conditions, l’avis de la commission est défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Il s’agit d’une expérimentation. On ne pourra bien avancer sur la transition écologique qu’en permettant aux collectivités territoriales d’adapter les objectifs.
Il ne s’agit pas du tout d’être plus coercitif. Au contraire : je fais confiance aux élus des collectivités territoriales, qui sauront prendre la juste mesure de chaque situation et mettre en place les aides adaptées pour aller plus loin et avancer plus rapidement. Nous en avons absolument besoin !
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1489 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 58 amendements ; il en reste 1 236.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 8 juillet 2021 :
À dix heures trente, quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, modifié par lettre rectificative, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (procédure accélérée ; texte de la commission n° 724, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 8 juillet 2021, à zéro heure cinquante-cinq.)
nomination de membres de deux éventuelles commissions mixtes paritaires
La liste des candidats désignés par la commission des finances pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2020 a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : MM. Claude Raynal, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Stéphane Sautarel, Vincent Delahaye, Rémi Féraud, et Didier Rambaud ;
Suppléants : MM. Vincent Segouin, Arnaud Bazin, Philippe Dallier, Jean-Michel Arnaud, Mme Isabelle Briquet, MM. Jean-Claude Requier et Pascal Savoldelli.
La liste des candidats désignés par la commission des affaires sociales pour faire partie de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail a été publiée conformément à l’article 8 quater du règlement.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :
Titulaires : Mmes Catherine Deroche, Pascale Gruny, M. Philippe Mouiller, Mmes Nadia Sollogoub, Émilienne Poumirol, Annie Le Houerou et M. Martin Lévrier ;
Suppléants : Mmes Marie-Pierre Richer, Frédérique Puissat, M. René-Paul Savary, Mme Jocelyne Guidez, MM. Bernard Jomier, Stéphane Artano et Mme Cathy Apourceau-Poly.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER