M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement va dans le sens d’un renforcement de la protection de la zone des cinquante pas géométriques, qui revêt de forts enjeux en termes de protection de l’environnement, de la biodiversité et des paysages, mais aussi d’accès du public au littoral, et de protection face aux risques naturels, puisqu’ils constituent des zones tampons entre terre et mer fortement soumises aux aléas climatiques.
Toutefois, ma chère collègue, je m’interroge sur le caractère opérant de la rédaction retenue. Je pense notamment au périmètre d’application qui mentionne les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, alors que les agences des cinquante pas géométriques concernent la Guadeloupe et la Martinique. Je m’interroge également sur l’articulation des pouvoirs de police confiés à ces agences avec ceux du Conservatoire du littoral.
Sans être opposée sur le fond à cet amendement, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, ministre. Comme cela a déjà été mentionné, un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable a été rendu au Gouvernement le 7 février 2020 en vue de tracer le devenir de la zone des cinquante pas géométriques aux Antilles. Les recommandations de ce rapport ont été formulées à la suite de nombreuses auditions des acteurs locaux et elles constituent une solution globale à la gestion de ces espaces littoraux. Les collectivités territoriales antillaises ont déjà été rendues destinataires des préconisations de ce rapport et ont pu émettre un avis. En outre, le 10 mai 2020, le rapport a été communiqué aux parlementaires de la Guadeloupe et de la Martinique par la ministre des outre-mer.
Ces recommandations ont notamment été traduites à l’article 76 du projet de loi 4D ou 3DS – je ne sais plus comment il faut appeler ce texte ! (Sourires) –, qui a fait l’objet d’un avis du Conseil d’État. L’attribution d’un pouvoir de police domaniale aux agences des cinquante pas géométriques est bien prévue et a été reprise dans l’amendement n° 956.
Néanmoins, ces structures sont des établissements publics chargés d’une mission de régularisation foncière et non de protection de l’environnement. La mission de répression des atteintes à l’environnement est exercée, comme l’a indiqué M. le rapporteur, par le Conservatoire du littoral et l’Office national des forêts. Il faut donc veiller à ce que chaque structure n’outrepasse pas ses fonctions et ses responsabilités.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 1640, présenté par M. Marie, Mme M. Filleul, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 58 I
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 562-1 du code de l’environnement, après les mots : « les mouvements de terrain, », sont insérés les mots : « les menaces d’effondrements de cavités souterraines et marnières, ».
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Cet amendement de Didier Marie a trait aux menaces d’effondrement de cavités souterraines et marnières. Dans certaines régions à vocation agricole, par exemple la Normandie, de multiples exploitations souterraines ont été ouvertes. Ces exploitations artisanales abandonnées, appelées marnières, peuvent, par dégradation naturelle sous l’effet des eaux d’infiltration, provoquer des effondrements de surface.
Cet amendement vise à anticiper ce risque naturel important, complexe et difficile à traiter tant techniquement qu’administrativement. Le risque lié aux cavités souterraines reste, dans la plupart des cas, insoupçonnable jusqu’à ce que l’effondrement survienne.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Martin, rapporteur. Cet amendement est satisfait par la rédaction actuelle du code de l’environnement, qui a été modifié par l’article 224 de la loi de finances pour 2021. La suppression de la référence explicite aux marnières à l’article L. 561-1 du code de l’environnement constitue uniquement une simplification rédactionnelle et non une diminution du périmètre d’intervention du Fonds, ainsi que nous l’avions clarifié lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021.
Les effondrements de cavités souterraines et des marnières – il est vrai qu’en Normandie ces phénomènes sont particulièrement présents – sont une forme de mouvement de terrain.
Cet amendement est donc pleinement satisfait. Au contraire, cet ajout pourrait avoir des effets indésirables sur d’autres textes. Indiquer que les effondrements de marnières ne constituent pas des mouvements de terrain conduirait à les exclure de la prise en charge par d’autres dispositifs.
C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Filleul, l’amendement n° 1640 est-il maintenu ?
Mme Martine Filleul. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1640 est retiré.
Article 58 (priorité)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, au plus tard neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi, permettant :
1° à 4° (Supprimés)
4° bis De créer un nouveau régime de contrat de bail réel immobilier de longue durée, par lequel un bailleur consent à un preneur des droits réels en contrepartie d’une redevance foncière, en vue d’occuper ou de louer, d’exploiter, d’aménager, de construire ou de réhabiliter des installations, ouvrages et bâtiments situés dans des zones exposées au recul du trait de côte ou à des risques naturels aggravés par le changement climatique ;
4° ter De préciser l’articulation entre le nouveau régime de bail réel immobilier de longue durée créé sur le fondement du 4° bis du présent article et les obligations de démolition et de remise en état prévues à l’article L. 121-22-5 du code de l’urbanisme ;
5° De définir ou d’adapter les outils d’aménagement foncier et de maîtrise foncière nécessaires à l’adaptation des territoires exposés au recul du trait de côte, notamment en ajustant les missions des gestionnaires de foncier public et en définissant les modalités d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte, tout en prenant en compte l’état des ouvrages de protection et les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, ainsi que, le cas échéant, les modalités de calcul des indemnités d’expropriation et les mesures d’accompagnement ;
5° bis De prévoir des dérogations limitées et encadrées au chapitre Ier du titre II du livre Ier du même code, lorsqu’elles sont nécessaires à la mise en œuvre d’un projet de relocalisation durable des constructions situées dans les zones d’exposition au recul du trait de côte prévues au paragraphe 3 de la sous-section 3 de la section 1 du même chapitre Ier ;
6° (Supprimé)
7° De prévoir des mesures d’adaptation en outre-mer, en particulier pour la zone littorale dite « des cinquante pas géométriques ».
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement au plus tard trois mois à compter de la publication de l’ordonnance prévue au I.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2129 rectifié, présenté par MM. Patient et Buis, Mme Duranton, M. Hassani, Mme Havet, M. Haye, Mmes Phinera-Horth et Schillinger et M. Théophile, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Après les mots :
en outre-mer
insérer les mots :
en concertation avec les collectivités territoriales
La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Cet amendement a pour objet d’inclure les élus locaux dans la planification et le devenir de leurs territoires. La question de la concertation est capitale pour que les enjeux et objectifs soient partagés par tous.
J’en profite pour annoncer d’emblée que je retire l’amendement n° 2073, dans la mesure où l’amendement n° 956 a été adopté.
M. le président. L’amendement n° 531 rectifié, présenté par Mme Lienemann, M. Gay, Mmes Varaillas, Apourceau-Poly, Cukierman et Assassi, MM. Bacchi et Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Gréaume, MM. Lahellec, P. Laurent, Ouzoulias, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
en concertation avec les collectivités locales, sur le territoire des collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, et les parlementaires issus de ces territoires
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement est quasi identique. Il tend à prévoir la présence de parlementaires issus des territoires concernés dans la nécessaire concertation avec les collectivités territoriales.
M. le président. L’amendement n° 1641, présenté par M. Lurel, Mmes Conconne, Jasmin et M. Filleul, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
en concertation avec les collectivités territoriales concernées
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Cet amendement vise à associer les collectivités locales concernées à la prise en compte des spécificités des territoires d’outre-mer dans le cadre de l’ordonnance prévue à l’article 58.
Compte tenu des spécificités des territoires ultramarins dans le champ de la gestion des règles de la loi Littoral, il convient que les collectivités locales concernées soient consultées sur les mesures d’adaptation pour la zone dite des cinquante pas géométriques.
Madame la ministre, vous avez indiqué en séance publique à l’Assemblée nationale que le Gouvernement prévoyait naturellement une concertation avec les collectivités territoriales et les parlementaires directement concernés par le projet d’ordonnance. Cet amendement a pour objet d’acter dans la loi le principe de cette concertation et les avis et recommandations des collectivités et parlementaires concernés.
Cette consultation entre l’État et les collectivités concernées doit faire l’objet d’un rapport qui sera remis au Parlement dans un délai de trois mois après la promulgation de la présente loi.
Victorin Lurel, premier signataire de cet amendement, précise que sa rédaction a été travaillée avec la direction outre-mer de l’Union sociale pour l’habitat (USH).
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Martin, rapporteur. Le périmètre de la concertation que tend à instaurer l’amendement n° 2129 rectifié semble trop large : associer l’ensemble des collectivités à la concertation sur les mesures qui seront prévues par l’ordonnance en outre-mer me semble lourd et peu pertinent.
En revanche, dans la mesure où la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 1641, qui a pour objet la consultation des collectivités d’outre-mer concernées, elle demande le retrait de cet amendement ainsi que de l’amendement n° 531 rectifié à son profit ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Barbara Pompili, ministre. Le Gouvernement considère les amendements nos 2129 rectifié, 531 rectifié et 1641 satisfaits par l’adoption de l’amendement n° 956, qui a permis de transcrire ces recommandations « en dur » dans la loi afin de les rendre plus rapidement opérationnelles. C’est pourquoi il en demande le retrait.
M. le président. Madame Havet, l’amendement n° 2129 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nadège Havet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 2129 rectifié est retiré.
Monsieur Bocquet, l’amendement n° 531 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 531 rectifié est retiré.
Madame Filleul, l’amendement n° 1641 est-il maintenu ?
Mme Martine Filleul. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 2073, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Théophile et Marchand, Mmes Havet, Schillinger et Evrard, M. Dennemont, Mme Phinera-Horth et MM. Hassani, Kulimoetoke, Patient et Rohfritsch, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer les mots :
, en particulier pour la zone littorale dite des « cinquante pas géométriques »
Cet amendement a été retiré.
Je mets aux voix l’article 58, modifié.
(L’article 58 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 58 (priorité)
M. le président. L’amendement n° 2195, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 58
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 5° du I de l’article L. 211-7 du code de l’environnement est complété par les mots : « ainsi que l’adaptation des territoires au recul du trait de côte ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Barbara Pompili, ministre. Cet amendement vise à inclure la mission d’adaptation des territoires au recul du trait de côte au sein de la compétence Gemapi.
Pour favoriser la bonne coordination des actions en faveur de la prévention des inondations de la gestion des milieux aquatiques et de gestion du trait de côte, cette mission est élargie aux actions d’adaptation des territoires au recul du trait de côte. Dans cette perspective – c’est le point le plus important que je tiens ici à souligner –, les collectivités qui le souhaitent auront la possibilité d’utiliser la taxe Gemapi pour financer les opérations de recomposition spatiale. Ainsi, les collectivités disposeront d’une ressource fiscale dédiée pour engager leurs projets de recomposition des territoires, en plus des financements que j’ai déjà eu l’occasion de rappeler.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pascal Martin, rapporteur. Madame la ministre, vous ne serez pas surprise si je vous dis que cet amendement pose de multiples questions.
Tout d’abord, cet amendement a pour objet d’étendre le champ de la compétence Gemapi pour y intégrer l’adaptation face au recul du trait de côte. Je rappelle que la Gemapi est une compétence obligatoire pour les communes ou les EPCI à fiscalité propre, selon les cas. Sous couvert de créer une nouvelle possibilité de financement, le Gouvernement propose en fait d’étendre le champ des compétences obligatoires du bloc communal.
Il me semble que cette proposition conduit à acter le fait que la gestion du recul du trait de côte sera bel et bien, dans l’esprit du Gouvernement, une compétence locale et non une compétence partagée entre l’État et les collectivités. Cela revient clairement à opérer un transfert de responsabilité de l’État vers l’échelon local pour une compétence qui, je le rappelle, engendrera des coûts très élevés et difficiles à évaluer. Cela n’est pas souhaitable. J’ai d’ailleurs eu vent de vives oppositions de la part d’élus locaux, notamment par l’intermédiaire de l’ANEL.
Par ailleurs, je suis plus que dubitatif sur l’idée même de financer cette réforme, ne serait-ce que partiellement, grâce à la taxe Gemapi, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, en raison de sa petite taille, l’échelle de l’EPCI ne paraît pas la plus adaptée pour organiser une solidarité fiscale sur la question du recul du trait de côte.
Deuxièmement, comme je l’ai déjà rappelé, la taxe Gemapi peine déjà à couvrir les dépenses qui lui incombent en termes de gestion des milieux aquatiques. Le rendement de la taxe Gemapi a atteint environ 200 millions d’euros en 2019. Plafonné à 40 euros par habitant, le rendement maximal de cette taxe pourrait atteindre 2,5 milliards d’euros à l’échelle nationale ; pour les seules communes littorales, ce chiffre ne dépasserait pas 250 millions d’euros. Or ce montant n’est jamais atteint et l’acceptabilité de telles hausses par le contribuable local est plus qu’incertaine, d’autant que cela ne permettrait pas de couvrir les dépenses liées au recul du trait de côte.
Enfin, la suppression de la taxe d’habitation pour les résidences principales a pour effet de réduire fortement l’assiette de la taxe Gemapi et de la concentrer sur les propriétaires via la taxe foncière, ainsi que sur les résidences secondaires et les entreprises.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je rejoins l’analyse du rapporteur.
Comment peut-on mettre de but en blanc un tel amendement sur la table ? Une telle mesure nécessiterait des semaines et des semaines de discussions avec les élus et les réseaux d’élus ! Qui plus est, présenter un tel amendement signifierait surtout que l’on s’est mis d’accord sur une doctrine.
Sur la question de la responsabilisation les collectivités territoriales, notre assemblée a toujours des positions à géométrie variable, on le constate assez souvent. Pour ma part, sur cet enjeu, je n’y suis pas défavorable : à partir du moment où le risque relatif à l’érosion et à la montée des eaux est maintenant clairement identifié, les collectivités territoriales doivent assumer leurs choix d’urbanisme. Toujours est-il que l’on ne peut pas le faire de manière rétroactive !
Nous sommes en pleine mutation. Madame la ministre, je suis d’accord avec vous pour considérer que, demain, les collectivités devront avoir intégré ces enjeux dans leurs plans locaux d’urbanisme et leurs choix de développement et qu’il leur faudra assumer leurs erreurs si elles ne le font pas.
Il nous faut trouver une recette qui ne peut être la taxe Gemapi – je pense que cela fait consensus au sein de cette assemblée – et qui, à partir d’une doctrine commune que nous n’avons pas encore définie, financera les nécessaires investissements soit pour protéger des territoires menacés trop urbanisés pour être si facilement abandonnés, soit pour permettre que, dans d’autres territoires, la nature et l’eau retrouvent leur place.
On a vraiment besoin que l’État trouve une recette mutualisée à l’échelle nationale. Je n’ai pas déposé d’amendement, car ce ne sont pas des dispositifs que l’on peut voter sans concertation préalable. Pourquoi, par exemple, ne pas prévoir une taxe sur les résidences secondaires, puisque celles-ci deviennent un véritable problème dans de nombreux territoires et ont un coût ? (Mme Sophie Primas s’exclame.) Ce peut être la solution. En effet, une partie du coût sera également liée aux résidences secondaires.
Je sais qu’une telle proposition suscite débats et polémiques. Il s’agit d’une hypothèse parmi d’autres. Il nous faudra discuter de cette recette, qui sera nécessairement nationale et mutualisée.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour explication de vote.
Mme Marie-Claude Varaillas. Je partage aussi l’avis de M. le rapporteur.
Cet amendement vise à instaurer une extension des compétences obligatoires des collectivités et une hausse de la fiscalité locale, ce que nous ne pouvons accepter. Son adoption provoquerait une extension de la compétence Gemapi. L’adaptation des territoires au recul du trait de côte, défini dans le projet de loi comme résultant soit de l’érosion côtière, soit de l’élévation permanente du niveau de la mer, devient donc une compétence des communes à l’échelon des EPCI.
En creux, ainsi que le soulignent les associations, cette rédaction permet à l’État d’écarter l’idée d’une compétence partagée avec les collectivités.
Il convient d’abord de rappeler que la taxe Gemapi est déjà insuffisante pour répondre à son périmètre initial. Le financement local de l’adaptation au recul du trait de côte par la taxe Gemapi pose donc des difficultés évidentes : l’échelle de solidarité fiscale est celle de l’EPCI, c’est-à-dire une échelle relativement petite.
La taxe Gemapi peine déjà à couvrir les dépenses qui lui incombent en termes de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, notamment l’entretien des digues sur le littoral. Ces besoins sont estimés à plusieurs milliards d’euros.
Comme l’a indiqué le rapporteur, la réforme de la taxe d’habitation est venue réduire de façon significative le nombre de redevables, puisque le périmètre ne comprend plus les foyers qui s’acquittaient auparavant de cette taxe.
Ainsi, une hausse de la fiscalité Gemapi aura un effet concentré sur les propriétaires, les résidences secondaires et l’économie locale, ce qui pose la question de l’acceptabilité locale. Le rendement de la taxe ne permet pas du tout de couvrir l’intégralité des besoins cumulés – gestion des milieux aquatiques, prévention des inondations et adaptation au recul du trait de côte.
En d’autres termes, cela revient à faire porter à l’échelon local la responsabilité politique et le poids financier de cette hausse de fiscalité sans pour autant répondre aux besoins qui concernent non seulement les logements, mais également les infrastructures, équipements et activités économiques liées.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Barbara Pompili, ministre. Nous touchons là à l’articulation entre les compétences d’urbanisme et les compétences de risque. Or il est nécessaire de financer ce risque.
L’État propose un cofinancement partagé avec les collectivités. La part de l’État a vocation à évoluer en fonction des projets des collectivités. Il est proposé que la part des collectivités soit prise sur la taxe Gemapi, qui n’est aujourd’hui quasiment nulle part collectée à son niveau maximal.
C’est la possibilité qu’avance le Gouvernement. Si vous la refusez, dont acte. Reste qu’il faudra bien trouver comment les collectivités participent à ce financement.
Pourquoi avoir pensé à la taxe Gemapi ? D’une part, je le répète, elle n’est pas utilisée à son maximum ; d’autre part, les calculs qui ont été faits et qu’il faudra bien sûr vérifier ont montré que cela permettrait de faire face aux besoins qui surgiront à la suite de l’évolution du trait de côte.
Quelle que soit votre décision sur la proposition du Gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs, il faudra bien trouver cette part locale.
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Si la taxe Gemapi n’est pas pleinement utilisée, c’est tout bêtement parce qu’elle n’est pas suffisante pour couvrir les investissements extrêmement lourds nécessaires à la prévention des inondations. C’est bien souvent, paradoxalement, le manque de financements qui nous empêche d’avancer en la matière. Ne confondons pas la cause et la conséquence !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2195.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 143 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 0 |
Contre | 306 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Marques d’ironie sur plusieurs travées.)
L’amendement n° 974, présenté par MM. Théophile et Marchand, Mmes Havet, Schillinger et Evrard, MM. Patriat, Mohamed Soilihi, Hassani et Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rohfritsch, Dennemont, Bargeton et Buis, Mme Duranton, MM. Gattolin, Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lévrier, Rambaud, Richard, Yung et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :
Après l’article 58
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’état de calamité naturelle exceptionnelle peut être déclaré par décret dans une collectivité d’outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie lorsqu’un aléa naturel d’une ampleur exceptionnelle a des conséquences de nature à gravement compromettre le fonctionnement des institutions et présentant un danger grave et imminent pour l’ordre public, la sécurité des populations, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la santé publique.
II. – Le décret mentionné au I détermine les parties de territoire auxquelles l’état de calamité naturelle exceptionnelle s’applique ainsi que sa durée qui ne peut excéder un mois.
Il peut être renouvelé dans les mêmes formes par périodes d’un mois au plus, si les conditions mentionnées au I continuent d’être réunies.
III. – La déclaration d’état de calamité naturelle exceptionnelle permet de présumer la condition de force majeure ou d’urgence pour l’application des réglementations mises en œuvre par les autorités publiques pour rétablir le fonctionnement normal des institutions, l’ordre public, la sécurité des populations, l’approvisionnement en biens de première nécessité, et pour mettre fin aux atteintes à la santé publique.
IV. – Sous réserve des obligations qui découlent d’un engagement international ou du droit de l’Union européenne, la déclaration d’état de calamité naturelle exceptionnelle a pour effet de suspendre, jusqu’au terme de celui-ci, les délais fixés par les lois et règlements nationaux à l’issue desquels une décision, un accord, un agrément ou un avis relevant de la compétence des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs ainsi que des organismes et personnes de droit public et privé charges d’une mission de service public, y compris les organismes de sécurité sociale, peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant la date d’entrée en vigueur du décret prévu au I.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période de l’état de calamité naturelle exceptionnelle est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.
V. – Les dispositions du présent article sont applicables à titre expérimental et pour une durée de cinq ans.
L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation au plus tard six mois avant son terme afin de déterminer, au vu de l’application des dispositions du présent article, les suites qu’il convient de lui donner.
La parole est à M. Martin Lévrier.