M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Joël Labbé. L’adoption de cet amendement serait une grande satisfaction.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 1082 rectifié quater est présenté par MM. P. Joly et Bourgi, Mmes Bonnefoy, Conway-Mouret et Jasmin, MM. Lurel et Pla, Mme Artigalas, MM. Michau, Redon-Sarrazy et Jomier, Mme Rossignol, MM. Tissot et Durain, Mmes Meunier et Poumirol, MM. Jeansannetas, Lozach et Kerrouche, Mme Féret et M. Cozic.
L’amendement n° 1298 rectifié bis est présenté par Mme Lienemann, M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 19 bis D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre IV du titre II du code forestier est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Autorisations de coupes dans les zones de montagne, dans les parcs nationaux et dans les parcs naturels régionaux
« Art. L. 124-7. – Dans les zones de montagne, les coupes rases ou récoltant plus de la moitié du volume des arbres de futaie, d’une surface supérieure à 0,5 hectare, sont soumises à autorisation.
« L’autorisation de coupe est délivrée, en fonction de critères sylvicoles, environnementaux et sanitaires, après avis du Centre national de la propriété forestière pour les bois et forêts des particuliers, ou de l’Office national des forêts pour les forêts publiques par :
« Le parc, dans les parcs nationaux et parcs naturels régionaux qui souhaitent exercer cette compétence.
« Le représentant de l’État dans le département, en dehors des parcs nationaux et parcs naturels régionaux qui souhaitent exercer cette compétence.
« Art. L. 124-8. – Dans les parcs nationaux et parcs naturels régionaux, hors zone de montagne, les coupes rases ou récoltant plus de la moitié du volume des arbres de futaie, d’une surface supérieure à un seuil fixé par le parc, sont soumises à autorisation.
« Le seuil de surface est fixé, et l’autorisation de coupe est délivrée, en fonction de critères sylvicoles, environnementaux et sanitaires après avis du Centre national de la propriété forestière pour les bois et forêts des particuliers, ou de l’Office national des forêts pour les forêts publiques par :
« Le parc, dans les parcs nationaux et parcs naturels régionaux qui souhaitent exercer cette compétence.
« Le représentant de l’État dans le département, en dehors des parcs nationaux et parcs naturels régionaux qui souhaitent exercer cette compétence. »
La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour présenter l’amendement n° 1082 rectifié quater.
M. Christian Redon-Sarrazy. Je vais aller dans le même sens que M. Labbé, peut-être pas avec la même fougue, mais avec la même détermination.
Les coupes rases de forêts peuvent avoir des impacts très négatifs sur l’environnement : paysage, sols, biodiversité, cycle du carbone, cycle de l’eau… Malheureusement insuffisamment encadrée par le législateur, cette pratique est aujourd’hui trop fréquente, ce qui conduit à de nombreux abus. Vous avez d’ailleurs souligné, madame la secrétaire d’État, que beaucoup de nos concitoyens exprimaient leur émotion devant ces coupes rases.
Ces risques sont encore plus élevés dans les zones de montagne, car l’impact paysager est plus fort qu’en plaine, avec un risque accru d’érosion des sols.
Dans les aires censées être protégées que sont les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux, on constate aujourd’hui un manque d’outils juridiques pour réguler ces coupes.
Cet amendement vise donc à mieux réguler cette pratique, en particulier dans les zones de montagne et les parcs.
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 1298 rectifié bis.
M. Jérémy Bacchi. Depuis plusieurs années, citoyens, élus, associations de protection de l’environnement s’élèvent contre les coupes rases dans les forêts publiques et privées. Aussi appelées coupe à blanc, elles se définissent par un abattage de la totalité des arbres ou d’une parcelle d’une forêt.
Cette pratique est malheureusement croissante, car nos forêts françaises sont en voie d’industrialisation : plantations, monocultures, coupes rases… Cette pratique est pourtant contraire aux principes écologiques définis dans la Charte de l’environnement et en préambule du code forestier : « Sont reconnus d’intérêt général […] la conservation des ressources génétiques et de la biodiversité forestières ; […] la fixation du dioxyde de carbone par les bois et forêts et le stockage de carbone dans les bois et forêts, […], contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique. »
En outre, plus de la moitié du carbone stocké en forêt l’est dans les sols. Or la coupe rase en libère une partie dans l’atmosphère. L’arrachage des souches, la mise en andains et le travail du sol qui s’ensuivent amplifient encore la libération du carbone, et ce pendant plusieurs décennies.
La mise à nu des sols amplifie leur dégradation. Pour lutter contre le dérèglement climatique, nous devons renforcer le rôle des forêts comme puits de carbone. C’est le sens de notre amendement, qui tend à encadrer les coupes rases dans les zones de montagne, dans les parcs nationaux et dans les parcs naturels régionaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. La commission a clairement affirmé son souhait de lutter contre les pratiques abusives. C’est en ce sens que nous avons cranté la protection de la biodiversité, la protection des sols dans le code, de manière à donner des outils juridiques aux préfets et au CNPF, qui instruisent les plans de gestion et donc les coupes. Ils pourront en faire usage dans leur dialogue avec les propriétaires installés dans le périmètre des parcs naturels régionaux.
Ces derniers disposent également d’outils : chartes forestières, plans de développement de massif, plans de zones sensibles, plans relatifs au cône paysager… Beaucoup d’outils qui doivent peut-être être davantage mis au service de la biodiversité, de l’acceptabilité dans ces territoires et davantage pris en compte par les préfets, qui pourront se référer à ce que nous avons inscrit dans le code forestier.
Je souligne enfin que des expérimentations sont menées en ce sens dans le parc naturel régional du Morvan, dont j’ai été la vice-présidente durant une quinzaine d’années. Il s’agit d’assurer une concertation et un dialogue grandissant avec les préfets, garants de ces équilibres territoriaux.
Pour ces raisons, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Le travail mené dans le cadre de la charte du PNR du Morvan montre que ces décisions peuvent tout à fait s’appliquer, dès lors que les débats ont lieu en concertation.
Par ailleurs, ces éléments ne contreviennent pas forcément au cadre administratif actuel de contrôle des coupes d’un seul tenant.
J’entends le message et l’appel à faire en sorte que les parcs naturels régionaux et les parcs nationaux soient le lieu de ces débats et des premières limitations des coupes. Toutefois, une inscription dans la loi ne me semble pas nécessaire, raison pour laquelle je suis défavorable à ces trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1082 rectifié quater et 1298 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1883, présenté par MM. Labbé, Dantec, Salmon, Fernique et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 124-6 du code forestier est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ces mesures de renouvellement respectent une diversité et un mélange d’essences, en privilégiant les essences locales, dans un objectif d’adaptation des forêts au changement climatique. Les schémas régionaux de gestion sylvicole définissent les modalités d’application de cette obligation. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Je passe à une nouvelle contre-attaque… (Sourires)
Une fois de plus, cet amendement vise à promouvoir la diversité des essences, notion déjà incluse dans l’article 19 bis D. Comme je l’ai déjà souligné, le mélange des essences est un levier essentiel de la résilience des forêts françaises, fortement impactées par le changement climatique et les diverses crises sanitaires. Les monocultures, plus sensibles au changement climatique, aux tempêtes, aux invasions d’insectes, ont montré leurs limites dans de nombreux cas.
Si de nombreuses incertitudes demeurent toujours sur l’adaptation des forêts au changement climatique, les scientifiques et les acteurs de terrain s’accordent sur un point : pour améliorer la résilience des forêts au risque climatique et leur adaptation à des variations écologiques locales difficilement prévisibles, le maintien d’une diversité maximale en structure et en essences locales est la solution à même de minimiser les risques.
Cet amendement vise donc à prévoir que les mesures prises après une coupe rase pour assurer, en l’absence d’une régénération ou reconstitution naturelle satisfaisante, le renouvellement des peuplements forestiers respectent une diversité d’essences, en privilégiant les essences locales. Les schémas régionaux de gestion sylvicoles pourront définir les modalités de mise en œuvre de cette disposition pour préserver une certaine souplesse et une bonne prise en compte des spécificités locales.
M. le président. L’amendement n° 817, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 124-6 du code forestier est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Ces mesures de renouvellement respectent une diversité des essences, en privilégiant les essences locales, dans un objectif d’adaptation des forêts au changement climatique. Les schémas régionaux de gestion sylvicole définissent les modalités d’application de cette obligation. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise également à assurer le renouvellement des peuplements forestiers après une coupe rase.
La feuille de route pour l’adaptation de la forêt au changement climatique est assez claire : si la forêt a bénéficié pendant plus d’un siècle de conditions favorables à son développement, le changement climatique et son cortège de phénomènes extrêmes affectent désormais sa vitalité.
Pour assurer la vitalité et la résilience de la forêt, notamment son adaptation à des variations écologiques locales difficiles à prévoir, il faut maintenir une diversité maximale en structure et en essences locales, ce dont nous avons beaucoup débattu lors de l’examen de l’article 19 bis D. Les forêts composées d’une diversité d’essences sont en effet mieux armées pour faire face aux manifestations actuelles et futures du changement climatique que les forêts plus homogènes. Les ravageurs, en particulier les insectes, progressent moins vite dans les peuplements mélangés. Les épicéas, par exemple, accompagnés d’autres essences, résistent bien mieux aux scolytes. Avec un plus grand nombre d’essences, la lumière est plus diffuse, ce qui favorise la flore et donc le développement de la faune.
En outre, sur le plan économique, si l’espace boisé est plus important, le capital de bois sur pied progresse, ce qui devrait rassurer mon collègue Savary.
M. René-Paul Savary. Merci !
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise donc à prévoir que les mesures prises après une coupe rase pour assurer le renouvellement des peuplements forestiers respectent une diversité des essences, en privilégiant les essences locales, afin d’adapter les forêts au changement climatique. Les schémas régionaux de gestion sylvicole définiront les modalités de mise en œuvre de cette disposition pour préserver une certaine souplesse et une bonne prise en compte des spécificités locales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. Les auteurs de ces amendements veulent rendre obligatoire la diversification des essences replantées après une coupe d’un seul tenant.
La commission est tout à fait favorable à la diversification des essences. À cet égard, madame la secrétaire d’État, l’ajout de quelques outils fiscaux et incitatifs dans le prochain projet de loi de finances pourrait constituer un levier intéressant. Par contre, privilégier les essences locales ne nous semble pas opportun. Avec le changement climatique, les essences dites aujourd’hui locales ne sont pas forcément les plus adaptées dans la durée. C’est la raison pour laquelle l’article 19 bis D invoque d’autres techniques comme la migration des essences, par exemple, qui consiste à reprendre les essences quelques centaines de kilomètres plus bas pour les adapter. Ces outils nous semblent vraiment essentiels.
Parce qu’il faut aborder les stations avec beaucoup de pragmatisme, comme pour tout ce qui concerne la gestion du naturel, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir retirer vos amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. La diversification des essences est une préoccupation totalement partagée, mais je tique sur la volonté de privilégier les essences locales. Nous savons que le changement climatique et la nécessité d’un renouvellement des forêts ne nous permettent malheureusement pas de camper sur une telle position : nous ne saurions nous enfermer avec des espèces qui peuvent s’avérer beaucoup plus vulnérables qu’en d’autres temps.
Si le souci de préserver les essences locales et a fortiori de se prémunir contre des essences exotiques à caractère invasif est évidemment partagé, nous devons néanmoins nous réserver la possibilité de recourir à des essences exotiques si leur introduction se révèle judicieuse pour le renouvellement des forêts dans le contexte du changement climatique.
Je demande donc aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je n’ai pas vraiment l’habitude de recourir à cette procédure, mais pourquoi ne pas rectifier l’amendement en remplaçant les mots « essences locales » par les mots « essences adaptées aux conditions locales » ?
M. le président. L’avis de la commission des affaires économiques s’en trouverait-il modifié ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. Cette précision pourrait être intéressante, mais l’obligation qui est prévue me pose problème.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. La proposition de notre collègue, me semble-t-il, ouvre la porte à une solution. On l’a bien vu, la réponse de Mme la secrétaire d’État était embarrassée : elle trouvait nos deux amendements intéressants, mais ce n’était pas tout à fait ça…
En la matière, il y a un vide. Il nous incombe de le combler. Faisons toutes et tous un effort : acceptons cette rectification. Tout le monde y trouvera satisfaction, en premier lieu l’environnement !
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Il ne s’agit pas de petits aménagements : aux termes de la dernière phrase du dispositif proposé par ces amendements, « les schémas régionaux de gestion sylvicole définissent les modalités d’application de cette obligation ». Or notre rapporteure pour avis ne veut pas d’une obligation. Ce n’est donc pas seulement une question de mots.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. J’ai un petit peu de mal à comprendre les avis émis sur ces amendements.
Madame la rapporteure pour avis, madame la secrétaire d’État, vous dites être parfaitement d’accord et reconnaissez la nécessité, après une coupe rase, de respecter une diversité des essences. La difficulté soulevée concerne le caractère strictement local des essences privilégiées. La rectification proposée par Joël Labbé me paraît y répondre. On nous dit maintenant que c’est l’obligation qui pose problème. Mais à quoi peut donc bien servir une disposition législative sans obligation ? Il me semble plutôt que cette proposition va clairement dans le bon sens.
Surtout, je ne comprends plus ce que vous venez de nous dire sur les coupes rases, à savoir qu’on pouvait les autoriser dans certaines circonstances, en vue de replanter. Bien sûr qu’il faut replanter ! Or si l’on veut replanter en adaptant les essences au changement climatique, la diversité est indispensable. Notre proposition va donc totalement dans le sens de la logique que vous avez vous-mêmes posée.
Je demande donc plus d’explications, car j’avoue ne pas comprendre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. La forêt, comme je le disais précédemment, a de nombreux usages, et les aménités forestières, notamment, doivent être valorisées. On ne saurait gérer une forêt comme on gère un champ de maïs : l’uniformité nuit à la résilience de la forêt – on le sait très bien. Quand les sujets sont tous identiques, dès qu’un ravageur arrive, c’est toute la forêt qui disparaît. La diversification des plantations au sein d’une parcelle est indispensable si l’objectif est la résilience de la forêt.
Puisque notre proposition de rectification ne suffit pas, essayons autre chose : supprimons l’obligation et écrivons « en privilégiant la diversité sur une parcelle » au lieu d’écrire « en privilégiant les essences locales ». Là, nous serons allés au bout du bout ; cela vous conviendrait-il ?
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Pour le coup, cette dernière proposition est satisfaite par les amendements que nous avons adoptés à l’article 19 bis D. Nous avons dit et redit que nous souhaitions privilégier les mélanges d’essences.
Nous sommes d’accord sur le principe de la diversification, mais soyons conscients que la diversification engendre un certain nombre de contraintes d’entretien. C’est pourquoi j’ai parlé précédemment de dispositifs d’accompagnement.
Vous vous souvenez que la mise en place du plan de relance forestier a occasionné un tas de débats sur l’opportunité de conditionner les aides au respect de certaines exigences en matière de mélange des essences. Ce débat va revenir, et je vous invite tous à le remettre sur la table lorsque nous examinerons le prochain projet de loi de finances : si l’on choisit d’aider, aidons davantage les pratiques identifiées comme vertueuses. Le cas échéant, nous disposerons d’un vrai levier.
Un autre élément me gêne dans l’obligation – je l’ai déjà évoqué – : on obligerait les exploitants de toutes petites parcelles de quelques ares à diversifier, alors que la diversification n’y est pas forcément opportune. C’est donc le principe même de l’obligation qui, d’une manière générale, pose problème.
Je vous rejoins sur les enjeux et sur les objectifs, mais je pense que nous avons d’autres outils pour y parvenir. Nous pourrons y travailler dans les prochains mois dans le cadre du groupe d’études Forêt et filière bois du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 1827, présenté par Mme Loisier, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 131-10 du code forestier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Dans les territoires qui ne sont pas réputés particulièrement exposés aux risques d’incendie au sens de l’article L. 133-1, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale peut arrêter les modalités de mise en œuvre du débroussaillement selon la nature des risques, après avis conforme du représentant de l’État dans le département. »
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Il s’agit de donner aux maires ou aux présidents d’intercommunalité la possibilité d’édicter des obligations légales de débroussaillement (OLD) dans les territoires où il existe des risques émergents d’incendie.
Vous le constatez tous, mes chers collègues, notamment ceux qui sont issus de territoires situés dans la partie nord de l’Hexagone, le risque d’incendie monte avec les températures – je pense aux parcelles sinistrées ou dépérissantes, qui sont totalement sèches, parfois situées en bord de route, aux abords des habitations. Le risque est grandissant, mais il peut être épars ; les préfets des départements concernés n’ont donc pas forcément pris d’arrêtés permettant la mise en œuvre d’OLD.
L’idée est donc de créer un dispositif dont pourraient se saisir des maires lanceurs d’alerte. Ceux-ci, identifiant un risque émergent sur leur territoire, pourront, après avis conforme du préfet, engager des actions de débroussaillement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Vous proposez d’accorder aux maires ou aux présidents d’EPCI la possibilité de définir eux-mêmes les modalités de débroussaillement. Or, en matière de feux de forêt, les actions sont définies à l’échelle du massif forestier, condition nécessaire de leur efficacité et de leur lisibilité.
Si la commune devait devenir l’échelle de référence, on aurait des règles variables d’une commune à l’autre, ce qui rendrait la réglementation sur les OLD, qui est déjà complexe, très difficilement compréhensible. Cette mesure ne me semble donc pas souhaitable. L’avis est défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19 bis D.
L’amendement n° 1888 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec, Salmon, Fernique et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 141-1 du code forestier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’action des pouvoirs publics tend à ce que, au plus tard au 1er janvier 2030, tous les bois et forêts, hors forêts de production, situés à la périphérie des grandes agglomérations soient classés en forêts de protection. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Il arrive qu’on en ait un peu marre : on irait bien faire un petit tour… « Hé, j’crois qu’j’ai besoin d’un peu d’air frais, d’une balade en forêt. » Ces paroles sont de circonstance ; elles sont de mon ami Guizmo – c’est pour vous, madame la secrétaire d’État. (Sourires.)
Les forêts et les bois qui bordent nos villes jouent un rôle de poumon vert utile pour la lutte contre les îlots de chaleur et pour le stockage du carbone. Ils rendent à nos concitoyens qui vivent dans de grandes agglomérations un nombre important de services écosystémiques – cycle de l’eau, biodiversité, paysages – et récréatifs.
Ces massifs périurbains sont trop souvent menacés par l’artificialisation des sols. Les services qu’ils rendent justifieraient pourtant leur classement en « forêt de protection », statut qui permet de protéger durablement les boisements et forêts.
Une forêt est éligible à ce statut protecteur lorsqu’est reconnu son rôle pour la préservation de la sécurité des riverains contre certains risques naturels ou pour la santé et la qualité de vie des habitants de zones urbanisées, ou encore lorsqu’elle abrite des écosystèmes particulièrement sensibles. Cette reconnaissance permet de la protéger, de la gérer ou de la restaurer en garantissant ses propriétés protectrices.
Dès 1979, une circulaire du ministre de l’agriculture adressée aux préfets indique que les principaux massifs forestiers proches des grandes agglomérations ont vocation à être classés en forêt de protection. Ce même objectif est explicitement mentionné dans une circulaire de 1992 du ministère de l’agriculture et de la forêt, sur la mise en œuvre de la politique relative aux forêts périurbaines, qui précise que l’action des préfets doit viser, pour ces forêts, « le classement progressif en forêt de protection des massifs les plus exposés ».
Depuis, les pouvoirs publics ont régulièrement continué d’affirmer que le statut de forêt de protection était le plus adapté aux forêts périurbaines et à la lutte contre les pressions d’artificialisation qu’elles subissent. Pourtant, les forêts périurbaines ne bénéficiant pas de ce statut sont encore trop nombreuses. Dès lors, ce principe de classement des forêts périurbaines en forêt de protection mérite d’être porté au niveau législatif afin de rendre enfin effectif l’objectif fixé dans les textes auxquels j’ai fait référence.
Il est donc proposé de préciser que les pouvoirs publics veillent à ce que, d’ici au 1er janvier 2030, tous les bois et forêts situés à la périphérie des grandes agglomérations soient classés en forêt de protection.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires économiques ?
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. Le classement en forêt de protection est effectivement un outil intéressant du code forestier, qui est de plus en plus utilisé. La commission n’est toutefois pas favorable – vous le savez, mon cher collègue – à un objectif de classement systématique. Elle souhaite demeurer dans le régime actuel, qui fonctionne au cas par cas, selon les souhaits exprimés par les collectivités.
J’ajoute que la stratégie nationale pour les aires protégées va entraîner le classement de près de 70 000 hectares de forêt métropolitaine sous protection forte. Votre souhait et vos attentes seront donc en partie satisfaits. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?