Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour explication de vote.
M. Didier Mandelli. Je rappelle que le Sénat a mis en place voilà quelques années, à la demande du groupe communiste, une commission d’enquête sur le CIR. Il en était notamment ressorti que le dispositif bénéficiait aux plus grandes entreprises, celles dont les dépenses étaient proches du plafond de 100 millions d’euros.
L’adoption de cet amendement, qui vise à relever ce plafond de dépenses, aurait donc pour conséquence de conforter ces grandes entreprises et, de fait, d’exclure du dispositif les entreprises de taille moins importante. Cela me pose un problème ! Je préférerais, pour améliorer l’accompagnement des entreprises qui souhaitent bénéficier du CIR, que l’on augmente le taux à 45 %, tout en conservant le plafond de 100 millions d’euros.
Mme la présidente. L’amendement n° 1247 rectifié, présenté par M. Babary, Mme Berthet, MM. Artano, Bouchet et Canévet, Mme Chain-Larché, MM. Chatillon, Capus et Chasseing, Mmes Deromedi et Puissat, MM. Moga, Lévrier, D. Laurent, Klinger et Cuypers, Mme Thomas, MM. Rietmann, Le Nay, Karoutchi et de Nicolaÿ, Mme Chauvin, MM. Bonnecarrère, Brisson, Chaize et Laménie, Mme Raimond-Pavero, MM. Sido, B. Fournier et Bouloux, Mmes Garriaud-Maylam, Billon et Lassarade, MM. Gremillet, Somon et Houpert, Mme Jacques, M. H. Leroy, Mme Renaud-Garabedian et MM. Pointereau et Genet, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’ordonnance n° 2009-79 du 22 janvier 2009 créant l’Autorité des normes comptables est ainsi modifiée :
1° L’article 1er est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° Elle émet, de sa propre initiative ou à la demande du ministre chargé de l’économie, des avis et prises de position dans le cadre de la procédure d’élaboration des normes européennes et internationales relatives à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises. » ;
2° Le I de l’article 2 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « Autorité », sont insérés les mots : « définies aux 1° à 4° de l’article 1er » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La mission de l’Autorité définie au 5° du même article 1er est exercée par le comité consultatif, sous le contrôle du collège. » ;
3° L’article 8 est abrogé.
La parole est à M. Serge Babary.
M. Serge Babary. La transition climatique ne pourra se faire sans les entreprises. Afin de piloter cette transition, celles-ci ont besoin de normes portant sur leur durabilité ; il s’agit d’échapper aux normes anglo-saxonnes.
Ces normes qu’il convient de prévoir sont en voie d’élaboration et d’harmonisation à l’échelon européen. Le projet de directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises a été présenté par la Commission européenne le 21 avril dernier.
L’élaboration au sein de l’Union européenne des normes en matière de durabilité doit être articulée de manière cohérente avec la normalisation de l’information financière. Cette cohérence nécessite que les normalisateurs comptables nationaux, comme l’Autorité des normes comptables (ANC) en France, soient en mesure de contribuer à la réflexion européenne en cette matière.
Afin de traduire cet objectif, cet amendement vise à modifier l’ordonnance n° 2009-79 du 22 janvier 2009 créant l’Autorité des normes comptables pour confier à son comité consultatif, dont la composition et les modalités de fonctionnement sont précisées par le décret n° 2010-56 du 15 janvier 2010, une compétence dans le domaine de l’information en matière de durabilité des entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Cet amendement fait suite aux travaux de la délégation aux entreprises, présidée par M. Babary.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet de modifier avec clarté l’ordonnance qui crée l’ANC, pour confier à son comité consultatif la mission de produire des avis et des prises de position dans le cadre de la procédure d’élaboration des normes européennes et internationales relatives à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises.
La directive sur le reporting de l’information en matière de durabilité des entreprises ou en matière de performance extrafinancière, dite directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), devrait être adoptée – le Gouvernement fait tout pour que tel soit le cas et j’y contribue modestement, mais avec détermination – au premier semestre 2022, moment qui sera en quelque sorte l’acmé pour la France puisqu’elle présidera alors le Conseil de l’Union européenne.
Cette directive devrait prévoir que le groupe consultatif européen sur l’information financière (Efrag) élabore des normes techniques en la matière. Ces normes devront être étroitement articulées avec les normes comptables existantes relatives à l’information financière.
Dans ce contexte, le fait que l’ANC se dote d’une structure de réflexion fait véritablement sens. Son président, Patrick de Cambourg, connaît fort bien ce sujet et œuvre au sein de l’Efrag pour faire avancer les choses.
Il me semble très intéressant qu’une structure de réflexion puisse élaborer des avis et des recommandations. Il s’agit d’ailleurs de l’un de mes dossiers de prédilection, que j’ai le plaisir de suivre de très près en tant que secrétaire d’État chargée notamment de l’économie responsable.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 14.
Mme Sophie Primas. Excellent !
Article 15
I A (nouveau). – Après l’article L. 3 du code de la commande publique, il est inséré un article L. 3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3-1. – La commande publique participe à l’atteinte des objectifs de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale, dans les conditions définies par le présent code. »
I. – La deuxième partie du code de la commande publique est ainsi modifiée :
1° AA (nouveau) À l’article L. 2111-1, les mots : « en prenant en compte » sont remplacés par les mots : « en justifiant de la prise en compte » ;
1° A L’article L. 2111-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces spécifications techniques prennent en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. » ;
1° B L’article L. 2111-3 est ainsi modifié :
a) Le second alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « , rendu public, » sont supprimés ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il est rendu public notamment par une mise en ligne sur le site internet, lorsqu’il existe, des pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices mentionnés au premier alinéa. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Ce schéma comporte des indicateurs précis, exprimés en nombre de contrats ou en valeur, sur les taux réels d’achats publics relevant des catégories de l’achat socialement et écologiquement responsable parmi les achats publics réalisés par la collectivité ou l’acheteur concerné. Il précise les objectifs cibles à atteindre pour chacune de ces catégories. » ;
1° Le second alinéa de l’article L. 2112-2 est ainsi rédigé :
« Les conditions d’exécution prennent en compte des considérations relatives à l’environnement. Elles peuvent également prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations. » ;
1° bis (Supprimé)
1° ter (nouveau) Après l’article L. 2141-7, il est inséré un article L. 2141-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-7-1. – L’acheteur peut exclure de la procédure de passation d’un marché les personnes soumises à l’article L. 225-102-4 du code de commerce qui ne satisfont pas à l’obligation d’établir un plan de vigilance comportant les mesures prévues au même article L. 225-102-4, pour l’année qui précède l’année de publication du marché. » ;
2° La première phrase du premier alinéa de l’article L. 2152-7 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, sur la base d’un ou plusieurs critères dont l’un au moins prend en compte des caractéristiques environnementales ou sociales de l’offre. Ces critères sont objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. » ;
2° bis L’article L. 2311-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2311-1. – Les articles L. 2111-1 et L. 2111-3 sont applicables aux marchés régis par le présent livre. » ;
2° ter Le chapitre Ier du titre Ier du livre III est complété par un article L. 2311-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2311-2. – Les travaux, fournitures ou services à réaliser dans le cadre du marché public sont définis par référence à des spécifications techniques. » ;
3° L’article L. 2312-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2312-1. – Les articles L. 2112-1 et L. 2112-3 à L. 2112-6 sont applicables aux marchés régis par le présent livre. » ;
4° Après le même article L. 2312-1, il est inséré un article L. 2312-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2312-1-1. – Les clauses du marché précisent les conditions d’exécution des prestations, qui doivent être liées à son objet.
« Les conditions d’exécution peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social, à l’emploi ou à la lutte contre les discriminations. » ;
5° À l’article L. 2352-1, les références : « des articles L. 2152-7 et L. 2152-8 » sont remplacées par la référence : « de l’article L. 2152-8 » ;
6° Le chapitre II du titre V du livre III est complété par un article L. 2352-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2352-2. – Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, sur la base d’un ou de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution. Les modalités d’application du présent alinéa sont prévues par voie réglementaire.
« Les offres sont appréciées lot par lot.
« Le lien avec l’objet du marché ou avec ses conditions d’exécution s’apprécie selon les modalités prévues aux articles L. 2112-3, L. 2112-4 et L. 2312-1-1. »
I bis. – La troisième partie du code de la commande publique est ainsi modifiée :
1° L’article L. 3111-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les contrats de concession qui ne sont pas des contrats de concession de défense ou de sécurité, ces spécifications techniques et fonctionnelles prennent en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale. » ;
2° L’article L. 3114-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3114-2. – Les conditions d’exécution d’un contrat de concession doivent être liées à son objet.
« Pour les contrats de concession qui ne sont pas des contrats de concession de défense ou de sécurité, les conditions d’exécution du contrat prennent en compte des considérations relatives à l’environnement ou au domaine social ou à l’emploi. Elles peuvent également prendre en compte des considérations relatives à l’économie ou à l’innovation.
« Pour les contrats de concession de défense ou de sécurité, les conditions d’exécution peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi. » ;
3° Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 3124-5, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour les contrats de concession qui ne sont pas des contrats de concession de défense ou de sécurité, au moins un de ces critères prend en compte les caractéristiques environnementales ou sociales de l’offre. » ;
4° Le premier alinéa de l’article L. 3131-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce rapport décrit également les mesures mises en œuvre par le concessionnaire pour garantir la protection de l’environnement et l’insertion par l’activité économique dans le cadre de l’exécution du contrat. » ;
5° (nouveau) Après l’article L. 3123-7, il est inséré un article L. 3123-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3123-7-1. – L’autorité concédante peut exclure de la procédure de passation d’un contrat de concession les personnes qui, soumises à l’article L. 225-102-4 du code de commerce en vertu du nombre de salariés qu’elles emploient, ne sont pas en mesure de présenter un plan de vigilance dûment réalisé pour l’année considérée. »
II. – Les 1° A et 1° à 6° du I entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard à l’issue d’un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la présente loi.
Ils s’appliquent aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter de leur entrée en vigueur.
Le 1° B du même I entre en vigueur le 1er janvier 2023.
II bis. – Le I bis entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard à l’issue d’un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.
Il s’applique aux concessions pour lesquelles une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter de cette entrée en vigueur.
III. – (Non modifié) Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant la prise en compte des considérations environnementales et sociales dans les marchés publics par les acheteurs ayant adopté le schéma mentionné au premier alinéa de l’article L. 2111-3 du code de la commande publique. Ce rapport propose également un modèle de rédaction de ce schéma.
IV (nouveau). – Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement engage une concertation avec les organisations représentatives des entreprises de service afin d’améliorer la prise en compte des spécificités sectorielles, notamment sociales et environnementales, dans les achats publics de prestations de services. Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui fait état des mesures retenues dans le cadre de cette concertation et du calendrier de leur mise en œuvre.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, sur l’article.
M. Jean-Michel Houllegatte. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce stade de la discussion, je tiens à souligner l’importance de la commande publique comme levier de la transition écologique.
La commande publique, c’est chaque année environ 200 milliards d’euros, soit 8 % du PIB. Chacun sait également que les collectivités locales représentent, à elles seules, 70 % de l’investissement public.
Inscrire 100 % de la commande publique dans les principes du développement durable, certes, c’est s’assurer de la durabilité des produits et de leur impact environnemental, mais c’est aussi renforcer la prise en compte de critères sociaux au service d’une société inclusive. Je pense tout particulièrement à une meilleure prise en compte dans les critères d’attribution de la part exécutée par les entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS). À ce titre, on ne peut que regretter la suppression, lors de l’examen du texte en commission, de la disposition prévoyant un seuil minimum de 5 % ; nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen d’un prochain amendement.
Enfin, j’insiste sur la nécessité de mieux accompagner les acheteurs publics au travers des plans nationaux d’action sur les achats publics durables (PNAAPD) successifs et des schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser).
Je conclus en souhaitant – c’est une invitation que je lance à Mme Nadège Havet – que la mission temporaire consacrée aux achats publics durables, qui intégrera un volet social, rendra rapidement ses conclusions et que, par anticipation, celles-ci puissent être intégrées à ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly, sur l’article.
M. Stéphane Demilly. Madame la secrétaire d’État, sur le fond, je comprends l’objectif de l’article 15 : il est positif. Il est en effet réellement important de prendre en considération les aspects environnementaux dans la commande publique ; ce n’est pas un membre de la commission du développement durable qui dira le contraire… (Sourires.)
Cependant, cela sera mis en place par des décrets d’application qui, eux, échapperont à l’analyse parlementaire. Or il est crucial de connaître les critères qui permettront de décider quelle entreprise est plus méritante qu’une autre d’un point de vue environnemental.
La mise en pratique de cet article soulève de nombreuses incertitudes. Pour la commission d’appel d’offres, pour celui qui écrit le marché public ou celui qui va l’attribuer et le juger, il est relativement facile de démontrer, face à un critère de prix, quelle entreprise est la moins chère. En revanche, il est beaucoup plus difficile de juger et, surtout, de vérifier quelle entreprise a le plus faible impact environnemental.
Les acheteurs publics attribuant les marchés – un montant de 200 milliards d’euros a été évoqué – ont besoin d’outils spécifiques, clairs, précis, pour être en mesure d’appliquer cet article.
Quel sera le garde-fou pour que le bon sens de cet article ne se heurte pas aux barrières du droit de la concurrence et au nombre de contestations qui risquent de se faire jour ? J’espère que les discussions qui s’ouvrent sur cet article éclaireront ma lanterne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, sur l’article.
Mme Nadège Havet. Dans le contexte actuel, la commande publique a pris une importance particulière. Très tôt, elle a été identifiée comme un levier pour la reprise économique. Cela s’est traduit dans le plan de relance, qui prévoit un certain nombre de crédits pour inciter les collectivités à recourir massivement à l’investissement.
Les enjeux autour de la commande publique sont en effet considérables. Comme l’a rappelé Jean-Michel Houllegatte, elle représente 200 milliards d’euros : 80 milliards d’euros pour les marchés publics et 120 milliards d’euros pour les concessions.
Sur la période 2014-2020, 30 % des marchés publics ont intégré une disposition environnementale et 25 % une disposition sociale.
La commande publique, au sens large, a beaucoup évolué depuis une dizaine d’années. Elle s’adapte progressivement aux défis contemporains : dématérialisation, souplesse, intégration de critères sociaux et environnementaux…
Depuis 2017, des mesures ont été adoptées pour faciliter l’accès à la commande publique. De nouvelles dispositions législatives et réglementaires ont ainsi été introduites pour doter les acheteurs publics d’outils nouveaux et performants. Je pense notamment à la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, et à la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP, qui a permis le relèvement du seuil de passation des marchés publics de travaux à 100 000 euros, ou encore à la récente parution, le 1er avril dernier, des nouveaux cahiers des clauses administratives générales et techniques (CCAG).
Le texte que nous examinons poursuit, au travers de son article 15, cette volonté de faire des acheteurs publics des acteurs de la transition. Il est ainsi prévu d’imposer, dans les marchés publics et les concessions, les considérations liées aux aspects environnementaux des travaux, services ou fournitures achetés.
Parallèlement à ces débats, ma collègue députée Sophie Beaudouin-Hubiere et moi-même avons mené près d’une cinquantaine d’auditions dans le cadre de la mission temporaire qui nous a été confiée par le Premier ministre. Celle-ci doit permettre de définir de nouvelles méthodes et outils afin d’inciter les collectivités à mieux prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux dans le cadre de leurs appels d’offres.
Nous souhaitons développer la culture de l’évaluation au sein de la commande publique, en l’intégrant au baromètre de l’action publique et en développant des indicateurs clairs et lisibles par tous, ce qui permettra à chacun d’évaluer la politique d’achat de l’État et des collectivités locales.
En ce sens, l’article 15 rejoint les travaux menés et les objectifs fixés.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pascal Martin, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de commencer la discussion sur les nombreux amendements relatifs au volet verdissement de la commande publique, je salue le rapporteur pour avis de la commission des lois, Stéphane Le Rudulier, ainsi que les membres de notre commission, qui ont largement contribué à améliorer le texte.
Sur l’initiative de plusieurs groupes, nous avons assuré une meilleure prise en compte des objectifs du développement durable dans les achats publics.
Nous avons également souhaité que les dispositions relatives au contrat de concession fassent l’objet d’une entrée en vigueur anticipée, à deux ans, considérant la spécificité de ces achats publics.
Nous avons aussi contribué à renforcer la prise en compte des considérations relatives à l’insertion et à l’inclusion, dans le respect des limites posées par le droit européen de la commande publique.
Nous avons beaucoup avancé, mais j’aurais souhaité aller plus loin sur ce sujet qui me tient tout particulièrement à cœur. Nous sommes cependant résolus à ne pas introduire de dispositions contraires au droit de l’Union européenne, dans un esprit de responsabilité pour nos collectivités territoriales.
Je rappelle que, en matière de commande publique, l’insécurité juridique peut être lourde de conséquences. Des dispositions contraires au droit européen fragiliseraient l’ensemble des achats publics réalisés par nos collectivités territoriales. Le rapporteur de la commission des lois et moi-même n’avons pas voulu prendre ce risque.
Je souhaite que nous poursuivions l’examen de ces dispositions dans l’esprit constructif et responsable qui a été le nôtre en commission.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu de l’importance et de l’intérêt de ce sujet, qui me semble majeur, je tiens, en préambule à l’examen de l’article 15, à prendre le temps nécessaire pour vous exposer de la façon la plus claire la vision du Gouvernement.
Cela me semble nécessaire pour rappeler à la fois la portée de cet article et l’ensemble des actions menées conjointement pour faire progresser le droit et la pratique de la commande publique. S’il fallait les résumer en une phrase, je vous dirais : « Oui, trois fois oui, nous faisons – enfin ! oserais-je dire – de la commande publique un véritable levier de transition écologique et solidaire », et j’aurais à cœur de vous le démontrer.
Commençons par le volet environnemental, qui, ne l’oublions pas, est l’objet initial de ce projet de loi.
Nous ajoutons un critère environnemental dans 100 % des marchés publics et des concessions.
Mme Sophie Primas. C’est déjà le cas !
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Non, ou alors vous le direz aux conventionnels, dont les propositions seraient caduques !
M. Gérard Longuet. On se fiche des conventionnels !
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Vous le leur direz ! Ce n’est en tout cas pas ma position.
Je le répète, nous ajoutons dans 100 % des marchés publics un critère environnemental, et ce dans les conditions tant d’attribution que d’exécution.
Il s’agit d’un objet politique concret, positif, qui a un impact réel sur l’économie, concessions incluses, comme cela a été rappelé. Nous parlons de près de 200 milliards d’euros par an.
Je rappelle que la Convention citoyenne pour le climat proposait une mesure qui visait uniquement les marchés publics et à un horizon, bien plus lointain, de dix ans. Nous avons, dès le projet de loi initial, souhaité abaisser ce délai à cinq ans.
M. le rapporteur l’a rappelé, pour la formation des acheteurs et la préparation des entreprises – notamment les TPE et PME, qui, le cas échéant, souffriront probablement d’un effet d’éviction de la commande publique –, mais aussi pour l’information et la mise en œuvre de ces mesures, le délai de cinq ans est raisonnable.
L’examen à l’Assemblée nationale a ouvert la discussion de l’article 15 sur le sujet de la place du critère social. Au cours des débats, auxquels j’ai eu le plaisir de participer, j’ai eu l’occasion d’expliquer en détail pourquoi, en l’état des rédactions, nous ne pouvions y souscrire.
Pascal Martin, avec l’appui de la commission des lois et de celle de l’aménagement du territoire et du développement durable, a souhaité revenir sur ces rédactions en prévoyant d’autres dispositions visant le même objectif.
Il est important de le dire ici, parce que nous partageons tous le même objectif : oui, la commande publique est un levier d’emploi et d’insertion et elle ne sera durable que si elle intègre une dimension à la fois écologique et sociale.
Nous partageons tous un autre objectif : le droit de la commande publique doit être un droit fiable et robuste, qui ne fragilise ni les acteurs ni les soumissionnaires et qui n’ouvre pas la voie à un risque de contentieux à l’issue desquels tous seraient perdants – nos entreprises, nos TPE et PME, mais aussi les acheteurs, les collectivités locales et, par construction, nos concitoyens.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à la rédaction proposée par la commission, qui pose le principe d’un lien entre commande publique et atteinte des objectifs de développement durable.
C’est aussi pourquoi le Gouvernement, comme les parlementaires, est attaché à faire des Spaser un réel outil pour appuyer cette transition écologique, mais aussi sociale, sur le territoire. Les députés ont souhaité renforcer l’obligation de publication de ces schémas.
Le Gouvernement évolue dans ses réflexions. Ainsi, les consultations qu’il a menées permettent de penser qu’une publication annuelle sera utile pour accroître la dynamique et mobiliser un effet d’entraînement.
Nous aurons sans doute l’occasion d’évoquer la meilleure prise en compte des ESUS dans les Spaser, et ce en parfaite cohérence avec l’objectif du Gouvernement de favoriser l’insertion par la commande publique.
Il y a la loi et il y a son application. Pour accompagner cette application et accroître cette ambition, le Gouvernement est pleinement attaché à ce que les outils qui servent chaque jour les acheteurs publics soient adaptés à leurs besoins et à leurs pratiques. À cette fin, le plan national d’action pour les achats publics durables (PNAAPD) est une véritable feuille de route nationale, opérationnelle, révisée régulièrement, qui porte des objectifs ambitieux et nombreux.
Le projet de PNAAPD est mis en consultation publique. Au moment où je vous parle, il est disponible en ligne.
Je vous invite à répondre à cette consultation en tant que parlementaires et à faire connaître ce plan aux acheteurs publics de vos territoires, car cet outil a pour objectif d’accompagner leurs pratiques.
Pour ne rien oublier de l’engagement des parlementaires sur ce sujet, je rappelle que Nadège Havet et la députée Sophie Beaudouin-Hubiere mènent en ce moment même un travail de fond au sein d’une mission gouvernementale sur la commande publique. Les conclusions de cette mission nous permettront de progresser encore davantage.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi cet exposé quelque peu exhaustif, mais je souhaitais vous présenter la position du Gouvernement sur ce sujet important.