M. Ronan Dantec. Cet amendement vise à mettre en cohérence la stratégie nationale de la recherche avec celle de la stratégie nationale bas-carbone. Des sommes très importantes sont concernées par le crédit d’impôt recherche, le CIR – on parle de 6 milliards d’euros.
Nous l’avons réaffirmé au début de notre discussion, notre priorité est de tenir l’objectif de réduction de 55 % d’émissions de gaz à effet de serre en 2030.
Régulièrement dénoncée pour son opacité et son rôle dans les stratégies d’optimisation fiscale des grandes entreprises, la fiscalité avantageuse en faveur de la recherche est loin de concourir au développement de la recherche environnementale. Il apparaît donc nécessaire de mettre la stratégie nationale de soutien à la recherche française au service des mutations économiques et écologiques de demain.
Nous allons examiner des amendements assez importants, qui visent tous à poser la même question : allons-nous mettre la totalité de l’appareil économique français, y compris la recherche publique et privée, au service de nos grands objectifs environnementaux, en cohérence avec nos objectifs sur l’emploi, la cohésion sociale et l’aménagement du territoire ?
Sans être totalement nostalgique de la période pompidolienne – d’autres le sont davantage que moi –, il me semble que la France n’arrive plus à mobiliser ses capacités financières et de recherche par rapport aux grands enjeux industriels. Comme nous avons eu l’occasion de le rappeler, la mutation du secteur automobile français vers la mutation électrique, par exemple, nécessite des financements importants et de gros efforts de recherche. Est-ce une priorité pour nous ?
Idem pour ce qui concerne le développement des nouvelles énergies marines, mais je pourrais citer bien d’autres exemples.
Il importe donc à présent de disposer de stratégies beaucoup plus cohérentes, ce qui n’est toujours pas le cas pour l’instant. Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Cet alignement des financements publics de la recherche à la stratégie nationale bas-carbone, la SNBC, ainsi qu’avec la stratégie nationale de la santé et la stratégie nationale pour la biodiversité pourrait poser des problèmes en matière d’indépendance de la recherche.
Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Vous faites clairement principalement référence ici, monsieur le sénateur, au crédit d’impôt recherche, mesure générale qui contribue très directement à la compétitivité du territoire français pour les activités de recherche, mais aussi d’innovation. Il concerne, vous le savez, toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité et quelle que soit leur taille.
J’ajoute que le cadre européen ne permet pas de discriminer en fonction des secteurs d’activité ou des thématiques de recherche. Le crédit d’impôt recherche ne découle pas de la stratégie nationale de recherche, la SNR ; il n’y a d’ailleurs aucun lien direct entre la SNR et le crédit d’impôt recherche.
La stratégie nationale fixe des orientations ; le crédit d’impôt est bien plus large : il sert toute la recherche et pas uniquement celle qui relève de la SNR, ce qui est plutôt une bonne chose pour notre tissu économique en matière de recherche et d’innovation.
Sur le fond, le Gouvernement partage l’objectif que le financement de la recherche et développement, la R&D, soit plus fléché vers l’enjeu de transition écologique – nous avons d’ailleurs pris des engagements forts en ce sens –, mais je rappelle qu’un tiers des dépenses du programme d’investissements d’avenir, le PIA 4, est consacré à des projets contribuant à la transition écologique. Aucune dépense du PIA n’a d’impact défavorable sur l’environnement.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 1461, présenté par MM. Houllegatte, J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La première phrase du troisième alinéa de l’article L. 111-6 du code de la recherche est complétée par les mots : « et de leur impact environnemental ».
La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. Cet amendement pourrait être un amendement de compromis ou de repli par rapport à l’amendement précédent.
Chacun s’accorde à le dire, un pays qui a confiance en son avenir investit dans la recherche.
La recherche publique et privée est sans nul doute un levier déterminant dans la transition écologique, même si la réponse à la lutte contre le changement climatique n’est pas exclusivement scientifique et technologique : elle est aussi du domaine comportemental, voire sociétal, puisqu’elle doit également nous conduire à nous interroger sur notre projet de société.
Il est néanmoins urgent d’imaginer des produits de demain qui soient écoconçus et plus vertueux. Il convient également de revoir des process industriels moins consommateurs de matières premières et moins énergivores.
L’article 14 de ce projet de loi manque d’ambition et se limite à une mise en cohérence de la stratégie nationale de recherche avec la stratégie bas-carbone, ainsi qu’avec la stratégie nationale pour la biodiversité et la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Le crédit d’impôt recherche mobilise 6,5 milliards de dépenses fiscales. Il joue un rôle essentiel en matière de soutien à la recherche privée et il est souvent perçu comme une forme d’aide économique pour de nombreuses entreprises.
Il s’agit non pas, au travers de cet amendement, de conditionner l’octroi du crédit d’impôt recherche à des critères d’écoconditionnalité, mais d’utiliser le fait que la stratégie nationale de recherche et les conditions de sa mise en œuvre font l’objet d’un rapport biennal de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’Opecst, qui inclut l’analyse de l’efficacité des aides publiques à la recherche privée, pour compléter dans un premier temps cette analyse, en y incluant également l’impact environnemental des mesures d’aides accordées aux entreprises.
Je le rappelle, le récent rapport de la Cour des comptes, qui propose une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise, formule notamment deux recommandations.
Premièrement, il faut accorder la priorité aux dépenses publiques et aux incitations fiscales susceptibles de contribuer à soutenir la croissance potentielle, en particulier dans l’innovation, la recherche, l’industrie et le développement des compétences.
Deuxièmement, toujours selon la Cour des comptes, il faut accélérer la transition écologique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Cher collègue, c’est là manifestement un amendement auquel vous tenez beaucoup…
Sur le fond, il est intéressant, comme nous l’avions dit en commission. Il doit permettre d’évaluer tous les deux ans l’impact environnemental du crédit d’impôt recherche. Toutefois, mon interrogation reste pleine et entière. Je m’interroge sur la capacité de l’Opecst à mener à bien cette mission.
C’est pourquoi j’émets un avis de sagesse sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Je partage totalement les remarques de Mme la rapporteure. Je m’interroge, et attire par là même votre attention, sur la complexité du travail d’évaluation demandé au regard du manque d’informations disponibles sur l’ensemble des projets de recherche des entreprises.
Pour autant, le Gouvernement partage l’attention que vous portez à l’impact environnemental de la recherche, notamment privée.
Enfin, cet amendement vise à compléter le rapport biennal de l’Opecst. C’est un travail qui dépend du Parlement et qui n’est pas nécessairement du ressort du Gouvernement, ni de la loi.
C’est pourquoi j’émettrai également un avis de sagesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Ayant la responsabilité, en cet instant, de représenter le Sénat à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, je ne suis pas certain que nous soyons à même, tous les deux ans, de dresser un bilan d’ensemble sur l’impact de la recherche et des activités industrielles fonctionnant au travers du CIR.
Je comprends très bien la démarche de notre collègue ; c’est un hommage rendu au travail de l’Opecst. Mais, en le chargeant d’une mission qu’il ne pourrait pas assumer, on risquerait de le décrédibiliser.
C’est la raison pour laquelle, tout en étant très sensible à l’honneur que nous vous faites, nous ne voterons pas cet amendement, pour ne pas vous décevoir.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 14
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 788, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 244 quater B du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :
« I. – Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d’après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 septdecies peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des dépenses de recherche qu’elles exposent au cours de l’année si leur activité économique contribue à la recherche médico-sociale ou, au moins, à l’un des six objectifs environnementaux présentés par la taxonomie verte européenne, et ne portent pas atteinte aux autres objectifs :
« 1° Atténuation du changement climatique : l’impact d’une organisation sur l’environnement ;
« 2° Adaptation au changement climatique : l’impact de l’environnement sur une organisation ;
« 3° Utilisation durable et protection de l’eau et des ressources marines ;
« 4° Transition vers une économie circulaire, prévention et recyclage des déchets ;
« 5° Prévention et réduction de la pollution ;
« 6° Protection des écosystèmes sains.
« Le taux du crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. Le premier de ces deux taux est porté à 50 % pour les dépenses de recherche exposées dans des exploitations situées dans un département d’outre-mer. Pour les dépenses mentionnées au k du II, le taux du crédit d’impôt est de 20 %. Ce taux est porté à 40 % pour les dépenses mentionnées au même k exposées dans des exploitations situées dans un département d’outre-mer. Ce même taux est porté respectivement à 35 % pour les moyennes entreprises et à 40 % pour les petites entreprises pour les dépenses mentionnées audit k exposées dans des exploitations situées sur le territoire de la collectivité de Corse. » ;
2° Au début du II bis, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« … Le bénéfice du crédit d’impôt pour dépenses de recherche effectuées par les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles est conditionné au maintien a minima constant de leur effectif salarié consacré à la recherche et développement au cours de l’exercice précédent. »
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Je regrette le vote précédent, car le problème est bien réel. L’adoption de l’amendement n° 1461 nous aurait permis d’avancer, d’autant que le CIR représente 6 milliards d’euros d’aides publiques.
A contrario, cet amendement vise à conditionner le crédit d’impôt recherche aux activités économiques qui contribuent à des objectifs environnementaux de développement durable.
En effet, les montants versés aux entreprises au titre du CIR ont dépassé les 6,34 milliards d’euros, soit dix fois plus qu’en 2006.
Depuis sa mise en place, le dispositif couvert par le secret fiscal – cela fait écho au débat précédent – manque de transparence. Les TPE et PME ne touchent que 20 % du budget alloué aux crédits d’impôt, bien qu’elles constituent 90 % des bénéficiaires.
L’industrie est donc le secteur qui capte en premier le CIR – plus des deux tiers –, en particulier les secteurs de l’informatique et de la pharmacie, bien que cette dernière – je pense notamment à Sanofi – soit l’un des secteurs qui détruit des emplois de R&D en France. Il y a là une contradiction qui ne nous échappe pas.
Les entreprises du secteur financier, qui ne portent pas toujours véritablement une ambition environnementale répondant au défi climatique, profitent aussi des aides du CIR, y compris pour développer de nouveaux algorithmes qui permettront davantage de trading à haute fréquence !
Nous sommes donc ici face à un véritable outil d’optimisation fiscale, au cœur des stratégies de conseil de nombreux cabinets financiers, qui n’empêche pas certaines entreprises bénéficiaires, comme Sanofi, de mettre en place des plans sociaux.
Il s’agit donc, dans une logique différente de l’amendement précédent, de mettre en place une taxonomie verte, portée aujourd’hui au niveau européen par des ONG, afin de s’assurer que le CIR a bien un impact positif sur l’environnement et sur les grands défis qui sont devant nous.
Nous ne pouvons pas accepter l’opacité qui entoure un tel flux d’argent public, car elle est de nature à remettre en cause le crédit d’impôt recherche.
Mme la présidente. L’amendement n° 811 rectifié bis, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 244 quater B du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Sont exclues de la possibilité de bénéficier du crédit d’impôt, les dépenses de recherche liées à la prospection, l’exploitation, le transport, la distribution et la consommation d’énergies fossiles. Un décret fixe les conditions d’application du présent article. »
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Nous souhaitons exclure du bénéfice du crédit d’impôt recherche le financement des dépenses de recherche liées aux énergies fossiles.
Les chiffres du crédit d’impôt recherche font tourner la tête. Le CIR est le dispositif le plus généreux des aides fiscales des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE : 54 milliards d’euros dépensés sur les douze dernières années ; la première dépense fiscale de France, soit 6 à 8 milliards d’euros pour l’année 2018.
On ne peut pas nier l’engouement pour ce dispositif on ne peut plus avantageux, puisque les 26 360 entreprises bénéficiaires ont presque triplé depuis 2007, pour une absence de résultats.
Un dernier avis de la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation, la Cnepi, publié en juin dernier, finit d’étayer la nécessité de supprimer le dispositif : pas d’impact significatif sur la probabilité de déposer un brevet, pas d’impact sur la valeur ajoutée des entreprises bénéficiaires, pas d’effet causal sur le taux d’investissement global des entreprises, pas d’effet significatif établi en ce qui concerne les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, et les grandes entreprises.
Les impacts positifs ne se transforment de manière significative que sur certains indicateurs de performance économique – chiffre d’affaires, masse salariale et investissements incorporels –, mais rien de tel n’apparaît sur d’autres valeurs ajoutées – emploi ou exportation.
Bref, nous souhaitons plus que jamais la suppression de cette niche fiscale, qui coûte beaucoup d’argent aux finances publiques.
Le présent amendement est plus modeste. Il vise à reprendre une proposition de la Convention citoyenne pour le climat qui tend à interdire la perception de l’argent public au titre du CIR pour des activités liées à des énergies fossiles. Les dépenses de recherche visées par l’interdiction sont relatives tant à la prospection qu’à l’exploitation, au transport, à la distribution et à la consommation d’énergies fossiles.
Comment concevoir, dans la situation de détresse climatique qui menace l’humanité dans toutes ses composantes, que l’argent des contribuables finance des activités de recherche qui nous mènent à notre perte ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. En ce qui concerne l’amendement n° 788, la conditionnalité du crédit d’impôt recherche aux activités économiques contribuant à des objectifs environnementaux conduirait à une restriction importante du crédit d’impôt et pourrait conduire à un affaiblissement de la recherche française.
L’avis de la commission est donc défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 811 rectifié bis, je comprends l’intention qui le sous-tend, mais je note que la rédaction est beaucoup trop large et pourrait être contre-productive. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable également sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Je répéterai ce que j’ai dit rapidement à propos de l’amendement précédent. Le CIR est une mesure générale, qui concerne toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité ou leur taille.
Je rappelle aussi que le cadre européen ne permet pas de discriminer en fonction de secteurs ou de thématiques de recherche. Ces observations valent à la fois pour l’amendement n° 788 et pour l’amendement n° 811 rectifié bis.
Cela dit, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage évidemment votre objectif : le financement de la R&D doit être bien plus fléché vers l’enjeu de transition écologique. Nous avons ainsi pris des engagements forts en ce sens, notamment au sein du PIA.
Je souligne que le PIA évolue et qu’il devra désormais prendre en compte, ce qui est plutôt une bonne nouvelle – nous aurons l’occasion d’en reparler tout à l’heure –, des critères extrafinanciers, c’est-à-dire des critères environnementaux, sociaux, mais aussi de gouvernance, dans le déploiement des choix d’investissement. Ce n’est pas rien !
Je note qu’il y a enfin dans le PIA une doctrine d’investissement, qui intègre pour la première fois la nécessité d’une forte dimension d’investissement écologique : c’est écrit noir sur blanc dans la loi.
J’ajouterai, par tendresse pour la commission des finances, dont j’étais membre à l’Assemblée nationale, que ce qui relève du CIR – vous le savez mieux que moi – a largement un impact fiscal. Par conséquent, toute velléité de le faire évoluer dépend plutôt du projet de loi de finances.
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.
M. Michel Canévet. Je ne partage pas l’esprit de ces amendements, car notre pays a besoin d’accroître son effort de recherche. Nous ne sommes pas au niveau des objectifs que nous nous étions fixés ; je pense notamment à la stratégie de Lisbonne qui visait à ce que 3 % du PIB soit dédié à la recherche.
On le sait bien, nous n’arriverons pas à des objectifs plus ambitieux en la matière par le seul effet public. Il faut donc que nous puissions associer l’effort de la recherche privée à l’action publique.
Il est bien évident, alors que nous venons de connaître une crise économique assez dure, que nous n’irons pas très loin si nous n’investissons pas dans la recherche, afin d’apporter des solutions aux problèmes futurs et d’assurer des emplois pour l’avenir dans notre pays.
Il convient, selon moi, d’accentuer l’effort en direction de la recherche et d’inciter le maximum d’acteurs à investir dans ce domaine. C’est par des incitations, notamment fiscales, que l’on arrivera à mobiliser tout le monde et à faire en sorte que notre pays soit attractif pour tous ceux qui veulent entreprendre, rechercher et trouver.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 811 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 795 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le d ter de l’article 244 quater B du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dépenses liées à la transition énergétique et permettant que l’activité de l’entreprise soit plus respectueuse de l’environnement. Le plafond pour ces dépenses est relevé à 150 millions d’euros pour un crédit d’impôt de 30 % ; ».
II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Avec cet amendement de repli, je fais une dernière tentative sur le sujet.
Il s’agit d’être dans une logique de bonus pour les dépenses liées à la transition énergétique dédiées aux entreprises concernées plus respectueuses de l’environnement.
Nous proposons que le plafond pour ces dépenses soit relevé à 150 millions d’euros pour un crédit d’impôt de 30 %. Cette mesure va dans le sens des propos tenus à l’instant par Michel Canévet.
Nous devons donner un signal. J’ai bien entendu vos remarques, madame la secrétaire d’État, mais nous pourrions aller dans le bon sens avec le PIA, tout en aidant, avec le CIR, des entreprises qui iraient dans l’autre sens ! C’est tout l’enjeu des discussions que nous aurons dans les quinze prochains jours.
Le problème aujourd’hui – et c’est aussi le sens de notre débat –, c’est la cohérence. Pour l’instant, on ne la voit pas !
Vous affirmez que vous allez investir sur les questions environnementales. Je n’en doute pas : on trouve dans le plan de relance des signaux dans cette direction. Pour autant, comme cela a été souligné, on sait très bien que l’opacité du crédit d’impôt recherche (CIR) permet que tout n’aille pas dans ce sens.
Finalement, nous passons notre temps à annuler les efforts que nous faisons et cette absence de cohérence nous incite à souhaiter le retour de l’État stratège, tel qu’il existait auparavant dans notre pays.
Madame la secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu à nos questions sur cette nécessaire cohérence.
Quoi qu’il en soit, l’objet de cet amendement est beaucoup plus modeste que celui de nos amendements précédents : tout en respectant la législation européenne, il s’agit d’adresser un signal fort aux entreprises qui œuvrent dans le bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Je partage l’objectif de cet amendement, qui vise à encourager la recherche en matière de transition énergétique et environnementale.
Pour autant, la formulation proposée me semble particulièrement large. Elle ouvrirait le droit au CIR pour les dépenses qui sont liées à la transition énergétique et qui permettent que l’activité de l’entreprise soit plus respectueuse de l’environnement, sans que soient spécifiquement visées les dépenses de recherche.
C’est pourquoi la commission sollicite l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État. Au risque de me répéter, je rappelle que, au même titre qu’il n’est pas possible de réserver le CIR à certaines thématiques de recherche, il n’est pas davantage autorisé, au regard du droit européen, de prévoir un plafond différencié.
Par ailleurs, le relèvement du plafond de dépenses à 150 millions d’euros bénéficierait essentiellement aux grandes entreprises. Or les dernières études en date démontrent clairement que les effets positifs du CIR sont plus importants pour nos PME et nos entreprises de taille intermédiaire (ETI) que pour les très grandes entreprises.
Je le redis, le CIR est un crédit d’impôt, ainsi que l’indiquent le « C » et le « I » de son sigle.
Cette discussion est intéressante, mais il nous faut aborder de nombreux autres sujets importants, notamment l’article 15.
Je maintiens que la question soulevée par cet amendement, en plus d’avoir trait au droit européen, relève plutôt du projet de loi de finances.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Je ne voudrais pas être trop taquin en ce début de discussion, mais l’on sait que la majeure partie des fonds du CIR bénéficie aux grandes entreprises !
Selon vous, madame la secrétaire d’État, le relèvement du plafond de dépenses que nous demandons profiterait aux grandes entreprises. Or ce sont elles qui, d’ores et déjà, bénéficient à plein de ce dispositif !
Disant cela, vous reconnaissez l’impuissance de l’État face à ce crédit d’impôt – et c’est justement le fond de notre discussion. Il est temps que l’État rétablisse quelques règles stratégiques à cet égard, et vos propos le confirment. Il faut également examiner la compatibilité du dispositif avec la règle européenne.
Je note la volonté d’ouverture de Mme la rapporteure. C’est un signal très positif, et je l’en remercie.
Selon moi, nous pouvons voter cet amendement tel qu’il est rédigé ; la commission mixte paritaire le toilettera. J’ai bien entendu qu’il était trop large et contenait deux idées différentes : cela peut se corriger, mais nous n’allons pas le faire maintenant.