Sommaire
Présidence de Mme Laurence Rossignol
Secrétaires :
Mme Esther Benbassa, M. Jacques Grosperrin.
2. Amélioration de la trésorerie des associations. – Adoption en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Texte élaboré par la commission
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.
3. Communication relative à une commission mixte paritaire
4. Engagement associatif. – Adoption en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Texte élaboré par la commission
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Suspension et reprise de la séance
5. Œuvres culturelles à l’ère numérique. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié et d’un projet de loi organique dans le texte de la commission
Discussion générale :
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 8 rectifié quinquies de Mme Toine Bourrat. – Adoption.
Amendement n° 39 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Amendement n° 40 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Amendement n° 42 de M. Jérémy Bacchi. – Retrait.
Amendement n° 93 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 10 de M. David Assouline. – Retrait.
Amendement n° 41 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Amendement n° 94 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 76 du Gouvernement. – Adoption.
Amendement n° 87 rectifié de Mme Laure Darcos. – Retrait.
Amendement n° 88 de M. Richard Yung. – Non soutenu.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 1er
Mme Roselyne Bachelot, ministre
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 2
Amendement n° 68 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 43 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Amendement n° 62 rectifié de M. Michel Savin. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 12 de M. David Assouline. – Devenu sans objet.
Article additionnel après l’article 7
Amendement n° 11 de M. David Assouline. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 95 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 44 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 8
Amendement n° 45 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Amendement n° 78 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 8 bis
Amendement n° 13 de M. David Assouline. – Rejet.
Articles additionnels après l’article 9
Amendement n° 49 rectifié de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Amendement n° 29 de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 14 de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 15 rectifié de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 2 rectifié bis de Mme Catherine Morin-Desailly. – Retrait.
Amendement n° 96 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 3 rectifié bis de Mme Catherine Morin-Desailly. – Retrait.
Amendement n° 4 rectifié ter de Mme Catherine Morin-Desailly. – Retrait.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 46 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 10
Amendement n° 30 de M. David Assouline. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Article 10 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 101 de la commission. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.
Amendement n° 97 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article 10 quinquies (nouveau)
Amendement n° 70 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 10 quinquies
Amendement n° 98 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Article 10 sexies (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 82 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Article 10 octies (nouveau) – Adoption.
Article additionnel après l’article 11
Amendement n° 18 de M. David Assouline. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 19 de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 59 de M. Julien Bargeton. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 33 rectifié de M. Hervé Marseille. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 13
Amendement n° 20 de M. David Assouline. – Rejet.
Article 13 bis (nouveau) – Adoption.
Adoption de l’article.
Amendement n° 61 de M. Julien Bargeton. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 60 de M. Julien Bargeton. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 24 de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 22 de M. David Assouline. – Rejet.
Amendement n° 34 rectifié de Mme Laure Darcos. – Adoption.
Amendement n° 9 rectifié bis de Mme Laure Darcos. – Rejet.
Amendement n° 23 rectifié bis de M. David Assouline. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 64 rectifié de Mme Maryse Carrère. – Retrait.
Adoption de l’article.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 17 ter
Amendement n° 102 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
Amendement n° 80 rectifié sexies de Mme Céline Boulay-Espéronnier. – Retrait.
Amendement n° 99 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 77 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 18
Amendement n° 53 de M. Jérémy Bacchi. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 48 de M. Jérémy Bacchi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 26 de M. David Assouline. – Rejet.
Adoption de l’article.
Mme Roselyne Bachelot, ministre
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Adoption, par scrutin public n° 124, de l’article unique du projet de loi organique dans le texte de la commission.
compte rendu intégral
Présidence de Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Esther Benbassa,
M. Jacques Grosperrin.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Amélioration de la trésorerie des associations
Adoption en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à améliorer la trésorerie des associations (proposition n° 160 [2019-2020], texte de la commission n° 580, rapport n° 579).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations
Article 1er
(Conforme)
Après le mot : « versement », la fin de la première phrase du quatrième alinéa de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est ainsi rédigée : « , les conditions d’utilisation et les modalités de contrôle et d’évaluation de la subvention attribuée ainsi que les conditions dans lesquelles l’organisme, s’il est à but non lucratif, peut conserver tout ou partie d’une subvention n’ayant pas été intégralement consommée. »
Article 1er bis
(Conforme)
Le quatrième alinéa de l’article 10 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 précitée est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le délai de paiement de la subvention est fixé à soixante jours à compter de la date de la notification de la décision portant attribution de la subvention à moins que l’autorité administrative, le cas échéant sous forme de convention, n’ait arrêté d’autres dates de versement ou n’ait subordonné le versement à la survenance d’un évènement déterminé. » ;
2° Au début de la seconde phrase, les mots : « Cette disposition ne s’applique » sont remplacés par les mots : « Ces dispositions ne s’appliquent ».
Articles 1er ter et 1er quater
(Suppressions conformes)
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Article 3
[Pour coordination]
(Conforme)
I et II. – (Non modifiés)
III. – Le 5 du I de l’article 150-0 A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième » ;
2° À la fin de la seconde phrase, les mots : « cinquième alinéa du I de l’article L. 312-20 du code monétaire et financier » sont remplacés par les mots : « même sixième alinéa ».
IV. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la première phrase du troisième alinéa du VI de l’article L. 312-20, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième » ;
2° À la vingt et unième ligne de la seconde colonne du tableau du second alinéa du I des articles L. 743-2, L. 753-2 et L. 763-2, les mots : « loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable à compter du 1er janvier 2020 » sont remplacés par la référence : « loi n° … du … visant à améliorer la trésorerie des associations ».
Article 3 bis A
L’avant-dernier alinéa de l’article L. 52-5 du code électoral est ainsi modifié :
1° Après la seconde occurrence du mot : « soit », la fin de la troisième phrase est ainsi rédigée : « une ou plusieurs associations déclarées depuis trois ans au moins et dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts ou inscrites au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, soit au fonds pour le développement de la vie associative. » ;
2° Après le mot : « prévus », la fin de l’avant-dernière phrase est ainsi rédigée : « au présent alinéa, l’actif net est versé au fonds pour le développement de la vie associative. »
Article 3 bis B
Le dernier alinéa de l’article L. 52-6 du code électoral est ainsi modifié :
1° Après la seconde occurrence du mot : « soit », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « une ou plusieurs associations déclarées depuis trois ans au moins et dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts ou inscrites au registre des associations en application du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, soit au fonds pour le développement de la vie associative. » ;
2° Après le mot : « prévus », la fin de l’avant-dernière phrase est ainsi rédigée : « au présent article, l’actif net est versé au fonds pour le développement de la vie associative. »
Article 3 bis
(Conforme)
I. – Le I de l’article 27 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Chaque collège départemental consultatif de la commission régionale du fonds ou, le cas échéant, chaque commission territoriale du fonds exerçant les mêmes compétences comprend l’ensemble des députés et sénateurs élus dans le département ou dans la collectivité de Corse ou dans les collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution lorsque le département ou la collectivité compte moins de cinq parlementaires.
« Lorsque cinq parlementaires ou plus sont élus dans le département ou dans la collectivité, le collège départemental ou, le cas échéant, la commission territoriale exerçant les mêmes compétences comprend deux députés et deux sénateurs ainsi qu’un suppléant ayant la même qualité de député ou de sénateur pour chacun d’eux, tant que le nombre de parlementaires élus dans le département le permet.
« Le représentant de l’État dans le département communique aux membres du collège, cinq jours francs avant toute réunion, une note explicative de synthèse sur les affaires inscrites à l’ordre du jour. Cette note est communiquée dans les mêmes délais aux parlementaires élus dans le département. »
II. – (Non modifié)
Article 4
[Pour coordination]
(Supprimé)
Article 4 bis
(Suppression conforme)
Article 5
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant, d’une part, à établir un état des lieux de la fiscalité liée aux dons et des autres voies et moyens de développement et de promotion de la philanthropie et, d’autre part, à déterminer les conséquences des mesures fiscales des cinq dernières années sur le montant des dons aux associations et aux fondations.
Article 5 bis
(Conforme)
I. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Au 4° de l’article L. 123-16-2, la première occurrence du mot : « publique » est remplacée par les mots : « du public » ;
2° À la première phrase du I de l’article L. 822-14, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité du public » ;
3° L’article L. 950-1 est ainsi modifié :
a) Au quatrième alinéa du 1° du I, la référence : « n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté » est remplacée par la référence : « n° … du … visant à améliorer la trésorerie des associations » ;
b) La vingt-quatrième ligne du tableau du second alinéa du 2° du II est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :
« |
L. 822-11-2 à L. 822-13 |
L’ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes |
|
L. 822-14 |
La loi n° … du … visant à améliorer la trésorerie des associations |
» |
II à IV. – (Non modifiés)
V. – La loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique est ainsi modifiée :
1° Les deux premiers alinéas de l’article 3 sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les organismes qui, afin de soutenir une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l’environnement, souhaitent faire appel à la générosité du public sont tenus d’en faire la déclaration auprès du représentant de l’État dans le département :
« 1° Préalablement à l’appel, lorsque le montant des ressources collectées par ce biais au cours de l’un des deux exercices précédents excède un seuil fixé par décret, qui ne peut être supérieur à 153 000 € ;
« 2° À défaut, pendant l’exercice en cours dès que le montant des ressources collectées dépasse ce même seuil.
« Cette déclaration précise les objectifs poursuivis par l’appel à la générosité du public. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 3 bis, le mot : « préalable » est supprimé ;
3° L’article 4 est ainsi modifié :
a) Aux premier et deuxième alinéas, les mots : « public à la générosité » sont remplacés par les mots : « à la générosité du public » et, au premier alinéa, le mot : « dons » est remplacé, deux fois, par les mots : « ressources collectées » ;
b) Après le mot : « organismes », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « doivent en outre établir des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe, l’annexe… (le reste sans changement). »
VI et VII. – (Non modifiés)
Article 5 ter A
(Suppression conforme)
Article 5 ter B
(Conforme)
L’article 4 de la loi n° 91-772 du 7 août 1991 relative au congé de représentation en faveur des associations et des mutuelles et au contrôle des comptes des organismes faisant appel à la générosité publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les comptes de ces organismes sont légalement soumis au contrôle d’un commissaire aux comptes, celui-ci contrôle également la publication sincère de ces comptes dans le cadre de ses vérifications spécifiques. »
Article 5 ter C
(Suppression conforme)
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Article 5 quater
(Conforme)
À l’article L. 213-7 du code de la route, après les mots : « d’association », sont insérés les mots : « ou les fondations au sens de l’article 18 de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat ».
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Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission, pendant sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec une certaine émotion, je dois vous l’avouer, que je me trouve aujourd’hui face à vous, pour prendre la parole sur un texte important – cette proposition de loi en faveur du monde associatif –, une certaine émotion, disais-je, parce qu’il s’agit d’une proposition de loi que j’ai eu l’honneur de déposer à l’Assemblée nationale et que je défends aujourd’hui, au Sénat, en dernière lecture, je l’espère.
J’ai toujours été un défenseur du monde associatif, parce que je crois fondamentalement qu’il permet à chacun de s’émanciper. Le Sénat accompagne – il l’a toujours fait – le développement de nos associations dans nos territoires. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez nos associations ; elles créent du lien dans nos villes et nos bourgs, dont elles sont le visage.
Dans cette période de crise, le monde associatif a permis de garder quelque chose de précieux et dont nous avons été privés : le lien social. Fil rouge de mes actions et de mes prises de parole, l’engagement est pour moi plus qu’un moteur : c’est une philosophie. Je pense à cette phrase qui a conduit mon engagement, depuis plusieurs années maintenant, dans mon territoire, en tant qu’élue, d’abord, puis comme membre du Gouvernement : le citoyen n’est pas un consommateur ; au contraire, c’est un producteur d’idées, de convictions, d’engagement et de solidarité.
Nous voyons l’illustration parfaite de cette continuité dans les actions du Sénat et de l’Assemblée nationale, mais aussi, plus largement, dans celles des élus.
Le Sénat porte une attention plus particulière aux associations, qu’il accompagne. Je tiens particulièrement à remercier, de façon chaleureuse, Mme la rapporteure, Mme Eustache-Brinio. Madame la rapporteure, nous avons beaucoup travaillé, échangé, sur ce texte, dont nous avons trouvé le point d’équilibre, de consensus, en prenant en considération tant les difficultés que cela pouvait engendrer pour les collectivités que les réponses dont les associations avaient besoin. Ce travail intense a permis d’atteindre cet équilibre : ainsi l’ensemble des travées se retrouve-t-il autour d’un consensus permettant d’accompagner le monde associatif.
Je remercie également tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à cet équilibre et qui ont permis que ce texte ne suscite pas d’amendement en séance.
Le monde associatif est présent partout, dans l’ensemble de nos territoires. Ainsi, il n’y a pas un besoin social ou environnemental qui ne soit couvert, au moins partiellement, par un engagement associatif. Il est le poumon et même le cœur battant de nos territoires.
Vous l’aurez compris, ce texte est utile, important et urgent, dans la période que nous traversons.
Les associations sont, par essence et par construction même, démocratiques et assurément républicaines. Ne l’oublions pas, le but même d’une association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme, pour reprendre les mots de 1789. En miroir, le but de toute association est de faire vivre le lien et la passion de ceux qui ont décidé de se retrouver pour avancer ensemble. Là où la solidarité peut parfois s’effacer, l’association prend la place ; là où la force publique faillit, l’association prend le relais. À ceux qui, à deux, ont décidé de faire trois, nous devons permettre de choisir cette voie et nous devons les y accompagner.
Avec ce texte, nous permettrons au monde associatif de disposer de moyens supplémentaires, pour se développer ; quels que soient notre appartenance politique et notre parcours, nous partageons cette ambition. Notre pays, la France, dispose d’un réseau associatif riche et dense, dont il est l’héritier et que nous avons le devoir d’accompagner et de protéger. Nous parlons de plus de 1,5 million d’associations, de plus de 70 000 créations par an, de 14 millions de bénévoles et de plus de 2 millions d’emplois. Voilà une partie du visage de notre Nation.
Ces associations et leurs adhérents font vivre nos territoires et rythment notre vie quotidienne ; c’est pour cela qu’ils nous ont manqué en cette période de crise. Ce sont nos clubs sportifs, les comités des fêtes, les associations culturelles et les organisations caritatives qui sont le ciment de notre société ; chaque fois qu’on les nomme, on voit le visage de ces hommes et de ces femmes, des bénévoles de ces associations, qui donnent de leur temps et qui accompagnent nos engagements, dans nos territoires respectifs.
Nous devons accompagner cet engagement de développement permanent.
Cette crise sanitaire a bousculé l’organisation de notre pays, mais elle a également révélé la grande solidarité des Français. Malgré elle, le monde associatif s’est adapté, organisé. Une partie de ce secteur a été plus que sollicité pour apporter des repas pour les personnes âgées ou pour accompagner les plus précaires.
Malheureusement, à ce jour, le nombre de créations d’association est en chute libre – il baisse de 40 % cette année – et les adhésions aux associations culturelles et sportives ont diminué de 25 % à 50 % ; en outre, 66 % des associations ont dû suspendre leurs activités.
Le monde associatif est – cette conviction est partagée sur l’ensemble des travées – un véritable trésor pour notre bien commun. Le texte que vous allez, je l’espère, adopter permettra de le redynamiser et de lui donner des moyens.
Évidemment, il hybride les ressources des associations, mais il permet de bénéficier de nouvelles ressources. C’est en ce sens qu’il y a non pas substitution mais apport supplémentaire, dans ce texte.
En cette matinée consacrée à deux beaux textes, lesquels soutiennent l’organisation et le financement du monde associatif et accompagnent les hommes et les femmes qui le font vivre – je pense aux responsables associatifs –, nous pouvons ressentir combien le bien commun, ce qui nous permet de faire société, nous fait frissonner.
Quelle est la genèse de ce texte ?
Proposition de loi élaborée en coconstruction, il est important de le rappeler, elle est le fruit des travaux du Mouvement associatif, qui avait remis un rapport au Premier ministre en 2017. Ce rapport contenait 59 propositions, dont 4 se retrouvent dans le texte. Celui-ci s’appuie également sur le rapport du Haut Conseil à la vie associative et sur des dispositions de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté qui avaient malheureusement été censurées par le Conseil constitutionnel, en tant que cavaliers législatifs.
Ce texte est donc bien issu des propositions remontées des territoires et des associations ; c’est pour cela qu’il est très attendu.
Vous l’aurez compris, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte permettra d’améliorer la trésorerie des associations, essentielle en ce moment. Encore une fois, je me réjouis d’être parmi vous ce matin pour examiner ces deux textes faisant vivre le monde associatif et les bénévoles qui donnent vie et un visage à celui-ci. (Mmes Patricia Schillinger et Catherine Belrhiti ainsi que M. Pierre-Antoine Levi applaudissent.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure. Merci, madame la secrétaire d’État.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 12 mai dernier, la commission des lois a examiné, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations. Cet examen a été conduit selon la procédure de législation en commission, prévue aux articles 47 ter à 47 quinquies du règlement du Sénat.
Vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État, ce texte a une histoire assez longue puisqu’il a été déposé par vous-même et certains de vos collègues députés sur le bureau de l’Assemblée nationale, en octobre 2018 ; le Sénat l’a adopté en première lecture en juillet 2019. C’est un long parcours, mais il ne faut jamais baisser les bras ; la preuve : nous sommes là aujourd’hui.
Ainsi que je l’ai indiqué en commission, le texte adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture répond au souhait que le Sénat avait exprimé de préserver l’équilibre entre collectivités territoriales et associations. Vous m’avez remerciée, madame la secrétaire d’État, et je souhaite vous remercier également, parce que nous avions échangé à ce sujet et que vous avez entendu nos inquiétudes à l’égard des collectivités territoriales. J’aimerais que tous les textes puissent être élaborés dans le même état d’esprit ; cela montre que, quand on s’écoute, quand on partage et quand on a un objectif commun, on peut y arriver. Je vous remercie donc, à titre personnel, de ce travail que nous avons mené en commun.
Si nous avons dû proposer des modifications, le 12 mai dernier, c’est pour des raisons de pure cohérence législative et, je pense pouvoir le dire, ce texte fait aujourd’hui l’objet d’un consensus.
Je souhaite rappeler quelle était la position du Sénat en première lecture. Nous partagions évidemment la volonté d’accompagner les associations, dont les financements ont tendanciellement baissé depuis quinze ans et qui agissent au quotidien dans les communes.
Nous avions donc adopté « conformes » quatre articles du texte et avions adopté les autres avec des modifications essentiellement techniques.
Toutefois, sur proposition de la commission, le Sénat avait refusé d’inscrire dans la loi la possibilité, pour les associations, de conserver un « excédent raisonnable » correspondant à tout ou partie d’une subvention non utilisée. C’est là-dessus que nous avons travaillé et que nous avons trouvé un point d’équilibre.
Dans la même logique, le Sénat avait supprimé l’article 1er bis, qui prévoyait une obligation de versement des subventions accordées en soixante jours, à partir de la notification de l’accord.
Enfin, le Sénat avait refusé d’exclure du droit de préemption les aliénations à titre gratuit au profit des organisations non lucratives et avait, en conséquence, supprimé l’article 4 bis.
Par ailleurs, nous avions enrichi le texte proposé de plusieurs articles additionnels, qui ont été conservés.
L’Assemblée nationale a maintenu la plupart des apports du Sénat et a pris en compte nos réserves sur plusieurs articles ; tel a été l’objet, je le répète, de nos discussions, qui ont pu aboutir à un accord.
L’Assemblée nationale a ainsi maintenu la suppression de l’article 4 bis empêchant les communes de faire usage du droit de préemption sur les biens cédés à titre gratuit aux associations ayant la capacité de recevoir des libéralités.
Elle a adopté une nouvelle rédaction de l’article 1er, afin de prévoir la possibilité, pour les associations, non plus de conserver un « excédent raisonnable » d’une subvention, mais de définir, dans le cadre d’une convention avec les collectivités, les conditions dans lesquelles elles peuvent conserver « tout ou partie d’une subvention n’ayant pas été intégralement consommée ». Cette rédaction, issue d’une coconstruction, donnera, je pense, satisfaction à tout le monde.
L’article 1er bis a également fait l’objet d’une nouvelle rédaction, afin de prévoir que le délai de versement d’une subvention à une association est fixé à un certain nombre de jours, par convention, en fonction du lien individuel et indépendant qu’entretient la collectivité avec l’association. Chacun tiendra compte de l’autre, par convention, et tout cela devrait fonctionner.
Tout en maintenant le souhait de permettre aux associations de bénéficier de facilités de trésorerie et d’une plus grande prévisibilité sur le versement des subventions qui leur ont été allouées, ces nouvelles rédactions préservent les compétences des collectivités. Elles reposent sur la compréhension des difficultés que peuvent avoir les associations. Nous avons trouvé le bon équilibre.
Plus directement incompatible avec le texte soumis à l’examen du Sénat, le contenu de l’article 4, relatif à la mise à disposition, auprès d’associations, de fondations ou d’organismes concourant aux objectifs de la politique d’aide au logement, de biens immobiliers saisis lors de procédures pénales, figure désormais à l’article 4 de la loi du 8 avril 2021 améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale. Il y a été introduit par le Sénat, sur proposition de notre collègue Alain Richard, qui ignorait quel serait le calendrier du texte dont nous discutons aujourd’hui. Cette disposition a donc « changé de texte » ; c’est aussi efficace et tout le monde s’y retrouve.
Aussi, bien que l’article 4 de la présente proposition de loi ait été adopté dans un texte conforme par les deux chambres et ne soit donc plus en navette, il a été nécessaire de le rappeler, conformément aux dispositions de l’article 44 bis du règlement du Sénat, afin d’assurer la coordination avec le texte de la loi du 8 avril dernier.
Enfin, la commission des lois a également adopté, le 12 mai dernier, deux amendements de coordination, ainsi qu’un amendement de notre collègue Cécile Cukierman, qui tendait à ajuster la période sur laquelle doit porter le rapport demandé à l’article 5, pour tenir compte du temps passé depuis la première lecture. On s’est adapté au temps que nous avons toutes les deux perdu, madame la secrétaire d’État…
Ne reste donc ouvert qu’un nombre très faible d’articles ; la fin de la navette en sera, je l’espère, facilitée d’autant.
Je conclus en soulignant que le contexte de 2021 n’est plus celui de 2019 et que le projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme aura un impact important sur les associations. Outre le fait que ce projet de loi donne satisfaction à un amendement adopté par le Sénat en première lecture sur l’alignement des obligations de transparence financières pour toutes les associations qui gèrent une activité cultuelle, il impose le contrat d’engagement républicain – un objectif que nous partagions – aux associations sollicitant des subventions publiques.
C’est une réforme que nous avons approuvée et qui permettra de lutter contre certaines dérives que l’on a pu constater dans une partie toute petite mais malheureusement très active du monde associatif.
Le Sénat se réjouit aujourd’hui d’avoir fait ce chemin avec vous, madame la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe Union Centriste.
M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cela a été rappelé, c’est au terme d’une procédure législative particulièrement longue que nous allons enfin pouvoir apporter une réponse aux plus de 1,3 million d’associations que compte notre pays ; ces structures attendent d’être soutenus, après la crise sanitaire qui a mis en berne la vie associative dans notre pays.
C’est tout l’intérêt de cette proposition de loi, enrichie tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, qui doit faciliter le fonctionnement et le développement des associations d’un point de vue financier. Cette nécessité se fait de plus en plus pressante à l’heure de la sortie progressive de l’état d’urgence sanitaire et alors que les associations font face, depuis plus de quinze ans, à une baisse tendancielle des financements publics.
Le groupe Union Centriste estime, au moment où nous venons de voter le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, que les associations doivent être soutenues. Ces dernières sont des actrices essentielles de la vie des Français et leurs efforts ne doivent pas avoir été faits en vain.
À cet égard, je tiens à saluer Mme la rapporteure pour la qualité de son travail depuis le début du parcours de cette proposition de loi. En outre, la qualité de la relation entre notre rapporteure et son homologue de l’Assemblée nationale a permis de protéger les intérêts que nous défendons au Sénat, démontrant la volonté de nos deux chambres d’aboutir à un texte ambitieux, au service des associations mais également des collectivités.
À ce titre, le groupe Union Centriste se réjouit que la plupart des dispositions introduites par la Haute Assemblée en première lecture aient pu être maintenues à l’issue de la deuxième lecture, à l’Assemblée nationale. Je pense tout particulièrement aux dispositions visant à préserver l’équilibre, que nous estimons nécessaire, entre collectivités territoriales et associations. En tant que partenaires privilégiées de la vie sociale, les communes ne doivent pas se voir imposer des contraintes disproportionnées, voire contreproductives, ayant pour conséquence d’alourdir inutilement leur travail de coopération avec les associations.
Bien que les subventions publiques soient en baisse depuis plusieurs années, 49 % des ressources des associations continuent de provenir de financements publics, ce qui constitue un coût non négligeable, pesant sur les collectivités locales.
Le groupe Union Centriste partage les dispositions introduites au cours de la navette et considère que cette proposition de loi va dans le bon sens, pour plusieurs raisons.
Premièrement, ce texte multiplie les sources de financement des associations, en autorisant les prêts entre associations d’un même réseau.
Deuxièmement, il simplifie les relations entre les autorités administratives et les associations ; nous savons à quel point les démarches administratives sont un frein à l’efficacité et à la rapidité des mesures. D’une part, une autorisation sera accordée aux associations de conserver une partie d’une subvention non dépensée ; d’autre part, le texte ouvrira aux fondations la possibilité d’être agréées pour enseigner la conduite.
Troisièmement, ce texte accompagne la montée en charge du Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), en intégrant les parlementaires à sa gouvernance et en reversant à ce fonds le solde des comptes inactifs d’association ou le solde des comptes de campagne n’ayant pas été attribués dans le délai prévu.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera ce texte. (M. Pierre-Antoine Levi applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en commission, le groupe SER s’est félicité, par la voix de son président Patrick Kanner, qui avait suivi ce texte et que je supplée aujourd’hui, de la poursuite de l’examen de ce texte, après une lecture au Sénat et deux lectures à l’Assemblée nationale. L’esprit de consensus, que vous venez d’illustrer, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, aura finalement animé les débats.
Plusieurs dispositions ont déjà fait l’objet d’une adoption conforme – les prêts entre associations, l’identification des comptes inactifs –, donc il est temps de conclure. C’est le souhait partagé par l’ensemble du Mouvement associatif et c’est la raison pour laquelle notre groupe n’a pas déposé d’amendements sur ce texte.
La crise sanitaire place les associations dans de grandes difficultés financières. Ces organismes connaissent une baisse sans précédent du nombre de leurs salariés et de leurs bénévoles. Notre volonté d’amplifier l’engagement, dans notre pays, de simplifier la vie des bénévoles et de faciliter l’accès aux financements n’est qu’un élément de réponse, qui ne suffira évidemment pas.
En 2020, selon le Mouvement associatif, 30 000 associations sont menacées de disparition, 55 000 ont déclaré ne pas pouvoir maintenir les salaires et l’on décompte 60 000 emplois en moins. Les déclarations d’embauche ont chuté de 45 % et les créations d’association de 40 %. Enfin, les adhésions ont décru de 25 % à 50 % dans les associations sportives, culturelles et de loisirs. C’est l’hécatombe, douloureux reflet des difficultés qui sont devant nous.
Les 16 millions de bénévoles et de salariés que comptent nos associations sont – vous l’avez vous-même rappelé, madame la secrétaire d’État – une richesse exceptionnelle pour notre démocratie. Cette proposition de loi qui vise à faciliter le fonctionnement et le développement de ces associations sur le plan financier doit désormais être adoptée.
Toutefois, l’esprit de consensus que j’évoquais ne constitue pas un blanc-seing donné au Gouvernement ; cette proposition de loi doit être vue pour ce qu’elle est : un petit pas visant à prendre en compte les attentes d’un secteur associatif en difficulté.
En reprenant des demandes du secteur ainsi que des mesures adoptées sous le précédent quinquennat, notamment dans le cadre de la loi Égalité et citoyenneté, chère au cœur de Patrick Kanner, mais censurées par le Conseil constitutionnel, la proposition de loi va dans le bon sens.
L’examen de ce texte intervient dans un contexte de crise, je ne l’oublie pas, mais également de désengagement complet de l’État par rapport au milieu associatif. La suppression de plus de 250 000 contrats aidés en deux ans, la réduction de la dotation globale de fonctionnement et, plus largement, la baisse générale de la collecte grand public ont entamé le processus de délitement du secteur associatif, privant les associations de leur capacité d’embauche et certaines personnes d’une réinsertion sociale par le biais de l’emploi.
Le secteur associatif, les réseaux de l’éducation populaire et les clubs sportifs, renforts du service public, notamment de l’école, doivent – mais je vous en vois déjà persuadée, madame la secrétaire d’État – être soutenus pour irriguer l’ensemble des territoires – nous en sommes évidemment, au Sénat, les premiers convaincus – et apporter, par leur présence, un cadre et des repères aux jeunes, notamment aux enfants et aux adolescents.
Nous espérions une grande loi pour le secteur associatif, mais nous n’oublions pas que celui-ci a grandement besoin de ces premières mesures, qui sont urgentes. Donc, ne ralentissons pas leur adoption.
Nous ne pouvions pas adopter sans modification le texte présenté au Sénat en deuxième lecture, mais les modifications proposées ont été réduites, pour que restent en navette le moins d’articles possible. Il appartient désormais au Gouvernement d’inscrire rapidement ce texte, que nous approuvons, à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, pour son adoption définitive.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes tous attachés au monde associatif : les associations jouent un rôle essentiel et irremplaçable. Dans nos villes, nos quartiers et nos villages, au plus près des habitants de toutes les générations, elles sont utiles au quotidien.
C’est encore plus vrai aujourd’hui, dans la période difficile que nous traversons ; je pense, bien sûr, aux associations du secteur sanitaire et social, mais également à celles qui facilitent la continuité pédagogique ou qui aident à lutter contre le décrochage scolaire. Dans cette situation inédite, les associations ont prouvé leur pertinence. Nous pouvons donc être fiers du dynamisme de notre secteur associatif.
On estime à 1,5 million le nombre d’associations en France. Dans le département dont je suis élu, le Nord, où l’on en compte près de 48 000, l’engagement citoyen est très actif. Le monde associatif, c’est aussi plus de 70 000 créations par an, 16 millions de bénévoles et 1,8 million d’emplois, à temps plein ou partiel. C’est enfin un budget total de 113 milliards d’euros, soit l’équivalent de 3 % du produit intérieur brut (PIB).
Ces derniers chiffres sont éloquents pour exprimer la place que les associations occupent dans la vie économique de notre pays. Néanmoins, leur rôle essentiel ne se résume pas à cet aspect, il va bien au-delà. Je veux parler ici des valeurs qu’elles portent : celles de l’engagement, des solidarités, de la philanthropie et de la générosité.
Aussi, soutenir les associations paraît indispensable, car elles sont au cœur de la cohésion sociale. La proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations, soumise à notre vote aujourd’hui, est en navette depuis plus de deux ans. Elle est issue d’une proposition de loi que vous aviez déposée en octobre 2018, madame la secrétaire d’État, lorsque vous étiez députée. Ce texte, composé initialement de six articles, a été réécrit et étoffé par nos deux chambres.
Je me félicite que le texte adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture ait tenu compte des enrichissements apportés par le Sénat afin de préserver l’équilibre entre associations et collectivités territoriales.
Ainsi, l’Assemblée nationale a adopté une nouvelle rédaction de l’article 1er définissant désormais les conditions dans lesquelles une association peut conserver « tout ou partie d’une subvention n’ayant pas été intégralement consommée », dans le cadre d’une convention signée entre une collectivité et une association. Je me réjouis qu’elle ait abandonné la notion trop imprécise d’« excédent raisonnable ».
La rédaction de l’article 1er bis a également été modifiée afin que le délai de versement d’une subvention à une association soit « fixé à soixante jours à compter de la date de la notification de la décision portant attribution de la subvention à moins que l’autorité administrative, le cas échéant sous forme de convention, n’ait arrêté d’autres dates de versement ou n’ait subordonné le versement à la survenance d’un évènement déterminé ».
Enfin, je suis satisfait du maintien de la suppression de l’article 4 bis privant les communes d’utiliser le droit de préemption urbain sur les biens immobiliers cédés à titre gratuit aux associations et fondations. En effet, ce droit, très encadré, est nécessaire à la cohérence des projets d’urbanisme des collectivités.
Avant de conclure, je tiens à rendre hommage, à cette tribune, aux millions de femmes et d’hommes, bénévoles associatifs, qui agissent avec l’élan du cœur et ne comptent pas leur temps.
Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, les associations font vivre le tissu économique local et dynamisent la vie de nos communes rurales et de nos quartiers urbains. Simplifier leur gestion et alléger la tâche de ceux qui s’y consacrent est un objectif que le groupe Les Indépendants partage pleinement. Il votera donc bien évidemment en faveur de cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le sort et la place du monde associatif ainsi que l’importance de la loi de 1901, récemment mises à mal lors de l’examen du projet de loi dit « Respect des principes de la République », figurent de nouveau à notre ordre du jour.
Cette proposition de loi que nous venons d’étudier en commission est la traduction législative du rapport Pour une politique de vie associative ambitieuse et le développement d’une société de l’engagement, publié en mai 2018. En navette depuis deux ans, cette proposition de loi a eu le rare honneur de ne pas subir une procédure accélérée et de croiser d’autres textes structurants, comme la loi de finances pour 2020 créant un Fonds pour le développement de la vie associative, le fameux FDVA.
Ce rapport, issu d’une large concertation entre les secteurs divers du monde associatif, tels que le sport, l’environnement, le social, la culture, et les acteurs institutionnels impliqués, a abouti à 59 propositions concrètes.
La France compte environ 1,3 million d’associations au sein desquelles sont engagés 16 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés.
Un point auquel je suis tout particulièrement attaché, ainsi que mon groupe, est la place primordiale des associations dans le monde de l’économie sociale et solidaire (ESS). Oui, la forme associative est celle qui est le plus souvent choisie – près de 90 %, d’après l’Atlas ESS de 2015 – pour encadrer l’exercice d’une activité qui s’inscrit dans le cadre ambitieux des solidarités.
Je ne rappellerai pas combien les écologistes encouragent et soutiennent un engagement citoyen fort, sur l’ensemble des territoires et dans l’ensemble des domaines. Nul besoin, non plus, de rappeler qu’avec la crise du covid-19 les associations ont encore plus montré qu’elles étaient précieuses pour les plus précaires, les plus isolés, les plus démunis et les plus abandonnés.
La sécurisation du financement des associations, en particulier dans leurs relations avec les collectivités territoriales, constitue le cadre le plus structurant pour assurer la pérennité de ces acteurs du quotidien.
Pourtant, ce gouvernement n’aura pas épargné les associations par sa politique fondée sur la théorie des premiers de cordée, dite aussi du ruissellement, par la baisse des subventions publiques, la fin des contrats aidés, sans oublier le tout récent contrat d’engagement républicain. Comment, alors, s’étonner des baisses de création et d’adhésion aux associations ?
Pour en revenir à l’étude des articles qui restaient en discussion après ce long processus législatif, nous avons pu nous pencher sur l’équilibre nécessaire entre, d’une part, les contraintes financières qui s’imposent aux associations, et, d’autre part, leurs contraintes administratives, tout particulièrement dans leurs relations avec les collectivités territoriales.
L’article 1er, qui reprenait la proposition 50 du rapport de 2018, a abandonné la notion « d’excédent raisonnable », pour définir les fonds issus de subventions publiques qu’une association pourra conserver d’une année sur l’autre.
Si j’entends que cette notion est trop vague, le fait d’indiquer qu’une association pourra conserver « tout ou partie » de ces fonds dans le cadre de conventions signées avec une collectivité s’éloigne des recommandations initiales du rapport. Ainsi, dans le cadre de ces conventions, cela laisse la place au dialogue pour définir les conditions dans lesquelles l’association peut conserver « tout ou partie » de ces montants. Il convient tout de même de poser la question des différences territorialisées de ces conditions de trésorerie, voire des différences qui pourraient être faites d’une association à l’autre.
À ce titre, j’ai déjà alerté cette assemblée de l’importance de permettre aux petites structures associatives de l’ESS, dont l’activité dépend parfois d’une tarification publique ou de subventions pour des délégations d’action, de mettre en réserve une partie de leur résultat d’exploitation. La souplesse et la visibilité de leur gestion sont au cœur de la pérennité de ces structures. Cette mesure serait tout à fait bienvenue pour les petites associations issues de l’ESS.
Nous saluons l’adoption d’un délai légal de versement des subventions de soixante jours, qui permet aussi une plus grande visibilité à la vie associative.
Les modifications apportées par les articles 3 bis A et 3 bis B sur la dévolution des excédents des comptes de campagne électorale se révèlent un signal fort : sans action du mandataire ou de l’association de financement électoral sur le devenir de l’excédent, ce dernier reviendra au FDVA. C’est la reconnaissance du rôle essentiel des associations dans la vie locale. L’article 3 bis intègre d’ailleurs les parlementaires dans le collège consultatif du FDVA.
Je salue la position de notre commission sur l’article 5, qui a adopté la modification portée par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ayant souhaité inscrire le rapport prévu dans cet article dans une temporalité plus longue. Cela permettra vraisemblablement d’avoir une réelle analyse de l’impact de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sur les dons.
Dans l’ensemble, ce texte, comme celui étudié en parallèle par la commission de la culture, va dans le bon sens, celui d’une reconnaissance des associations, de leur travail et d’une simplification de leur fonctionnement, y compris au niveau de leur trésorerie.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, conscient de l’importance de la place des associations dans notre société dans tous les domaines de la vie quotidienne, et malgré quelques réserves, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette deuxième lecture au Sénat marque l’aboutissement d’une navette de trois années, qui a permis, par des travaux constructifs, d’aboutir à un accord sur le fond.
Ce texte que vous portiez, madame la secrétaire d’État, comme auteure puis rapporteure lorsque vous siégiez à l’Assemblée nationale, est le fruit d’un long travail de concertation mené en lien avec le Mouvement associatif.
Il reprend notamment plusieurs dispositions qui n’avaient pas pu être intégrées, en 2017, dans le périmètre de la loi Égalité et citoyenneté. L’entrée en vigueur de ce texte, qui répond à la nécessité de permettre aux associations d’affermir leur stabilité par le recours à de nouvelles ressources, est donc très attendue par le monde associatif.
C’est justement pour répondre à cette impatience et parce que nous savions que certaines de ses dispositions étaient très attendues que, avec le groupe RDPI et sur l’initiative d’Alain Richard, nous avons fait le choix de reprendre, au sein de la loi améliorant la justice de proximité et de la réponse pénale, la possibilité pour l’État de mettre à disposition des associations, fondations ou organismes d’aide au logement des biens immobiliers saisis lors de procédures pénales. Grâce à cette initiative, ce dispositif est effectif depuis le mois dernier.
La deuxième lecture n’a donné lieu en commission des lois qu’à de simples ajustements de portée rédactionnelle ou de coordination, et n’a pas altéré sur le fond le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Et pour cause, l’Assemblée nationale s’est elle-même montrée bienveillante envers les réserves que le Sénat avait pu exprimer en première lecture et les a intégrées dans son travail. Elle a ainsi répondu à la nécessité de préciser la définition de l’« excédent raisonnable » de la subvention non utilisée pouvant être conservée et a clarifié la mise en œuvre du délai de versement des subventions.
Par ailleurs, les principaux apports du Sénat ont été conservés, tels que l’élargissement de la liste des associations pouvant bénéficier de l’excédent du compte de campagne ou le maintien de la possibilité, pour les communes, de faire usage du droit de préemption sur des biens cédés à titre gratuit aux associations. Ainsi, le texte que nous nous apprêtons à voter préserve utilement l’équilibre des liens établis entre collectivités territoriales et associations.
Comme les collectivités, les associations ont œuvré au soutien des populations les plus fragiles durant la crise sanitaire. Si le secteur associatif a été au cœur de la crise sanitaire, il a lui-même été gravement éprouvé par son contexte. Les chiffres sont saisissants : –40 % de création d’association et –25 % d’adhésions dans les associations culturelles et sportives.
Aussi, ce texte initialement conçu pour soutenir un secteur en pleine mutation est aujourd’hui rendu nécessaire pour soutenir son redémarrage et promouvoir le retour vers l’engagement.
Concrètement, la proposition de loi permettra aux associations de bénéficier de facilités de trésorerie et d’une plus grande prévisibilité sur le versement des subventions, grâce à la possibilité pour l’association de conserver tout ou partie de la subvention qui n’aurait pas été intégralement dépensée. Elle permettra également aux associations de s’accorder mutuellement des prêts de trésorerie, sans intérêt, pour une durée inférieure à deux ans.
Ces dispositions s’inscrivent dans le cadre d’une politique à plusieurs niveaux. Je pense ainsi aux moyens engagés pour soutenir le secteur dans le cadre du plan France Relance et, notamment, au plan exceptionnel de soutien de 100 millions d’euros pour les associations de prévention et de lutte contre la pauvreté.
Complétant utilement ces dispositifs, le présent texte a fait l’objet d’un large consensus sur nos travées, à l’issue d’un travail constructif dont nous espérons qu’il aboutira prochainement.
Dans cette perspective, le groupe RDPI votera la proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’elles soient sportives, culturelles ou caritatives, les associations sont le cœur battant de notre pays. Elles sont des lieux de mobilisation, de partage et d’éveil, qui permettent un brassage et des mélanges là où l’État, parfois, ne le fait plus.
Nous devons d’autant plus nous pencher sur leur sort que nombre d’entre elles n’ont pas été épargnées par la crise et ont vu leur activité ralentir ou s’interrompre complètement depuis maintenant un an. Précisons tout de même que certaines collectivités, malgré l’explosion des charges sociales, ont souhaité maintenir les niveaux d’aide et de subvention – c’est le cas du département des Hautes-Pyrénées.
Je pense également aux clubs de sport, très vite soumis à la suspension de nombreuses compétitions, et aux conséquences que ces décisions occasionnent. Il s’agit, tout d’abord, des conséquences morales pour de nombreux licenciés et bénévoles, lesquels se voient privés de leur activité hebdomadaire, de leur moment de détente et de convivialité qui caractérisent tant nos clubs. Il s’agit, ensuite, des conséquences financières sans commune mesure.
Aussi, comme je l’avais dit lors de la première lecture, nous ne pouvons que partager l’esprit et les objectifs de ce texte dans la simplification des relations entre les associations et les collectivités et l’amélioration de leur trésorerie.
Toutefois, nous ne pouvons occulter un problème de fond : le recul croissant du financement public des associations. Nous le savons tous sur ces travées, la baisse des ressources des collectivités a entraîné une baisse des financements pour les associations. On le doit d’abord à une baisse significative de la dotation globale de fonctionnement (DGF), mais aussi à une réforme fiscale venue limiter les marges de manœuvre de celles-ci.
Je ne reviendrai pas sur la réserve parlementaire qu’on a préféré supprimer plutôt que de venir limiter l’usage abusif qui pouvait en être fait par une minorité. Par conséquent, de plus en plus d’associations se tournent vers le privé. Si nos marges de manœuvre sur les financements de l’État sont faibles, nous devons accompagner et encadrer ce financement par les acteurs privés.
Pour en venir au texte, je rejoins l’avis de la commission : nous devons conserver l’équilibre entre les finances des associations et celles des collectivités.
À l’article 1er, la suppression de la notion d’excédent raisonnable est une bonne avancée. Son maintien aurait posé quelques difficultés, tout d’abord dans la définition de ce qu’est un excédent raisonnable, car cela aurait entraîné, en conséquence, une modification des pratiques des collectivités, qui auraient dû faire face à la difficulté de définir avec chacune des associations la hauteur de cet excédent raisonnable. Aussi, le choix de confier à l’association et à la collectivité le soin de prévoir, dans le cadre de la convention qu’elles auront conclue, la prévision de la part de subvention me paraît équilibré.
Ensuite, période électorale oblige, je saluerai les ajouts du Sénat concernant la liste des associations pouvant bénéficier de l’excédent du compte de campagne aux articles 3 bis A et 3 bis B.
S’agissant du Fonds de développement de la vie associative, je saluerai, comme lors de la première lecture, l’ouverture de la participation des parlementaires aux collèges départementaux de la commission régionale du FDVA. C’est une décision dont nous devrons nous saisir pour venir appuyer les projets locaux.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le travail mené de concert par les deux chambres aura pris du temps, mais il est à saluer. Il permettra de multiplier les sources de financement des associations, mais également d’accompagner la montée en charge du Fonds de développement de la vie associative que nous appelons de nos vœux.
Aussi, les élus du groupe RDSE voteront à l’unanimité ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous terminons aujourd’hui l’examen de deux propositions de loi sur la vie associative.
Permettez-moi de saluer l’ensemble des acteurs associatifs. Leur engagement nous est précieux, par tous les temps, davantage encore depuis un an. Eux aussi sont en première ligne face à la crise sanitaire et à ses répercussions économiques et sociales ; en première ligne pour lutter contre les inégalités et l’exclusion qui s’accroît ou pour maintenir ou recréer de la solidarité et du lien social, dont nous mesurons particulièrement en ce moment l’importance.
Le Sénat avait adopté cette proposition de loi en première lecture le 9 juillet 2019. Notre groupe s’était alors abstenu, le passage du texte en séance en ayant considérablement affaibli la portée. Je tiens donc à saluer le travail de conciliation qui a été fait entre les deux chambres.
Voilà des années maintenant que les associations voient leurs financements publics diminuer, alors que, paradoxalement, elles se voient déléguer de plus en plus de missions et de responsabilités.
La crise sanitaire a exacerbé cet effet ciseaux et les premières indications sur la baisse inquiétante du nombre d’adhésions dans les associations font craindre une amplification du phénomène. Cette proposition de loi apporte des avancées face à cela. La possibilité de conserver tout ou partie d’une subvention n’ayant pas été intégralement consommée en est une.
C’est une suite logique de nos travaux, dès le début de la crise sanitaire, permettant aux collectivités de maintenir leurs subventions, malgré l’annulation d’événements culturels ou associatifs. Saluons, d’ailleurs, l’engagement fort de ces collectivités, aux côtés des associations, dans ce contexte.
Concernant l’article 1er bis, nous sommes satisfaits, madame la rapporteure, que vous ayez obtenu une rédaction de compromis qui permet à la fois de sécuriser les associations et les collectivités en fixant un délai de versement des subventions, et d’introduire la souplesse nécessaire pour que ces collectivités puissent établir des échéanciers de règlement, via des conventions. Cela sera utile tant aux associations pour lancer leurs projets qu’aux collectivités pour les accompagner dans la durée.
Cette proposition de loi aura aussi été utile pour faire avancer la possibilité de récupérer les fonds dormant sur des comptes inactifs au bénéfice des associations, même si cela s’effectue par un autre véhicule législatif. Cette demande du Mouvement associatif, assez ancienne maintenant, semble encore plus légitime dans le contexte actuel.
Cela permettra de pallier les insuffisances notoires du FDVA : celui-ci satisfait moins de la moitié des demandes de soutien qui lui sont adressées et, je le rappelle, finance moins les réseaux associatifs que ne le faisait la réserve parlementaire, quoi qu’on puisse penser de celle-ci. Nous resterons vigilants à ce que cette bouffée d’oxygène pour les associations ne vienne pas justifier une nouvelle baisse de la contribution de l’État.
La rédaction de l’article 5 a été revue par un amendement de notre groupe. En prenant en compte le temps particulièrement long de l’élaboration de ce texte, nous avons cherché à rester dans son esprit initial et à permettre d’évaluer les conséquences, pour les associations, des réformes fiscales portées en début de ce quinquennat.
Je le rappelle également, ce début de quinquennat a été marqué par la suppression d’un nombre considérable d’emplois aidés, pourtant indispensables au tissu associatif qui s’est trouvé déstabilisé et fragilisé, alors qu’il n’avait vraiment pas besoin de cela.
Plus récemment, d’autres mesures sont venues inquiéter le Mouvement associatif, telles que certaines dispositions du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
Les associations estiment ainsi que, en s’engageant, lors de toute demande de subvention, à respecter les valeurs et principes de la charte des engagements réciproques, elles prennent une obligation contractuelle suffisamment forte pour qu’il ne soit pas besoin de confirmer cet engagement en signant le contrat d’engagement républicain créé par ce texte.
Certaines d’entre elles y voient même une suspicion dangereuse par rapport à leurs activités, alors que, bien évidemment, la très grande majorité des initiatives associatives, qu’elles soient sportives, culturelles ou autres, a précisément pour vocation de consolider la cohésion sociale et de lutter contre toutes formes de séparatisme.
Quoi qu’il en soit, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous soutiendrons cette proposition de loi, qui apporte quelques améliorations tout à fait concrètes et bienvenues pour tous les militants associatifs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Belrhiti, pour le groupe Les Républicains.
Mme Catherine Belrhiti. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme d’un processus législatif particulièrement long, qui a permis d’aboutir au meilleur compromis, afin d’adopter la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations.
Les enjeux soulevés par cette proposition sont nombreux et ont nécessité un travail approfondi. Le Sénat partage les préoccupations des auteurs du texte initial, qui actent la baisse continue des financements publics à destination des associations depuis une quinzaine d’années, et souhaitent pallier les difficultés rencontrées par le monde associatif.
Rappelons que notre pays compte 1,5 million d’associations et que ce nombre augmente de plus de 2 % par an, selon l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire.
Les associations sont connues pour les services qu’elles rendent, les causes qu’elles défendent, mais leurs impacts sur le territoire vont bien au-delà. Elles ont un rôle dans le développement des échanges et du lien social. Elles contribuent à l’animation et à l’attractivité du territoire ainsi qu’à l’information, l’éducation et la formation.
Ainsi, 76 % des maires considèrent que leur territoire est entré dans une dynamique de coconstruction pour répondre collectivement aux enjeux des territoires. Il y a une forte convergence entre les attentes des maires et les réponses que peuvent y apporter les associations. Ces dernières ont une forte capacité à être à l’écoute de leur territoire et à savoir répondre en cohérence avec les besoins qu’elles y captent.
Les associations savent apporter des réponses adaptées aux fragilités prioritaires de leur territoire : l’attractivité sur les territoires ruraux et la réduction des inégalités en territoire urbain. La capacité à la fois à réduire les fragilités et à faire émerger de nouveaux moteurs de croissance et d’emploi adaptés à la spécificité de leur territoire est l’une des grandes valeurs ajoutées des associations.
Malgré de faibles moyens, les petites associations, qui représentent 70 % de l’ensemble, jouent un rôle important dans de multiples domaines de la vie sociale.
Nous le savons : plus les associations disposent de moyens financiers, plus elles sont en capacité d’agir et de multiplier leurs efforts sur le territoire.
Afin de préserver cette richesse, il était nécessaire de garantir les sources de financement, de simplifier les relations avec les autorités administratives et d’accompagner la montée en puissance du Fonds de développement pour la vie associative.
Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteure de la commission des lois, a été particulièrement attentive à la question de la conciliation des intérêts des associations avec ceux des collectivités territoriales. Le Sénat a voulu, dès la première lecture, enrichir le texte afin de préserver cette relation de confiance.
Nous nous félicitons que l’Assemblée nationale ait respecté les modifications apportées par notre chambre, notamment le renforcement des obligations en matière de transparence des comptes, lorsque l’association conserve tout ou partie d’une subvention publique non consommée. Cette disposition assure que les relations conventionnelles avec les collectivités sont équilibrées.
Les articles 3 bis A et 3 bis B, inspirés par notre collègue Henri Leroy, ont été conservés. Ils permettent aux candidats ayant recours à une association de financement électorale ou à un mandataire physique de reverser l’excédent de leur compte de campagne à des associations d’intérêt général, et non plus seulement à une formation politique ou à une association particulière.
Enfin, le Sénat a obtenu la suppression de l’article qui visait à exclure du champ du droit de la préemption les donations de biens immobiliers effectuées au profit des associations et des fondations.
Je tiens à saluer l’excellent travail de Jacqueline Eustache-Brinio, qui a réalisé, en parallèle, le rapport sur le projet de loi relatif au respect des principes de la République. Ce dernier établit de nouvelles relations financières entre collectivités et associations, au travers du contrat d’engagement républicain. Je salue également les échanges constructifs qui ont eu lieu avec vous, madame la secrétaire d’État.
Les mesures tendant à faciliter la gestion de la trésorerie des associations, telles qu’elles figurent dans la présente proposition de loi, paraissent alors d’autant plus appropriées. Le souci des associations a été entendu. Il a pu être concilié avec l’intérêt des communes, qui doivent pouvoir s’assurer de la transparence financière de l’utilisation des subventions, à l’heure où les budgets sont de plus en plus contraints.
Cette proposition de loi arrive à point nommé au moment où, après une année de mise en sommeil en raison de la crise sanitaire et de forte réduction des aides des collectivités, l’activité de nombreuses associations pourra reprendre.
Le Sénat fait ici encore preuve de son pragmatisme, de sa connaissance du terrain et des préoccupations des collectivités.
Pour l’ensemble de ces raisons, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera en faveur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions. – M. Pierre-Antoine Levi applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations.
(La proposition de loi est adoptée.)
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
4
Engagement associatif
Adoption en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, en faveur de l’engagement associatif (proposition n° 486 [2018-2019], texte de la commission n° 578, rapport n° 577).
La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.
Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.
proposition de loi en faveur de l’engagement associatif
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Article 1er bis
I. – (Non modifié) Après le 2° du I de l’article L. 312-20 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il dépose les dépôts et avoirs mentionnés au premier alinéa du présent I à la Caisse des dépôts et consignations, l’établissement lui communique les informations qu’il détient permettant de distinguer les personnes physiques et les personnes morales et, pour ces dernières, leur statut juridique. Les conditions d’application du présent alinéa sont déterminées par décret. »
II. – (Non modifié) L’article 15 de la loi n° 2014-617 du 13 juin 2014 relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance vie en déshérence est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce rapport précise le montant des sommes acquises à l’État qui sont reversées au bénéfice du développement de la vie associative. »
III (nouveau). – Le 5 du I de l’article 150-0 A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième » ;
2° À la fin de la seconde phrase, la référence : « cinquième alinéa du I de l’article L. 312-20 du code monétaire et financier » est remplacée par la référence : « même sixième alinéa ».
IV (nouveau). – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la première phrase du troisième alinéa du VI de l’article L. 312-20, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « sixième » ;
2° La vingt et unième ligne du tableau constituant le second alinéa du I des articles L. 743-2, L. 753-2 et L. 763-2 est ainsi rédigée :
« |
L. 312-20 |
Résultant de la loi n° … du … visant à améliorer la trésorerie des associations |
» |
Articles 1er ter et 1er quater
(Suppressions conformes)
Article 2
(Conforme)
Le livre III du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° L’article L. 312-15 est ainsi modifié :
a) Au cinquième alinéa, après le mot : « lycée », sont insérés les mots : « à la vie associative et » ;
b) Après le même cinquième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Une information destinée à la communauté éducative, pour se familiariser avec le milieu associatif local et national et les liens qui peuvent être créés entre associations et établissements scolaires, est éditée par le ministère chargé de l’éducation nationale. » ;
2° L’article L. 371-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « L. 312-15, » est supprimée ;
b) Le début du second alinéa est ainsi rédigé :
« L’article L. 332-5 est applicable dans sa rédaction… (le reste sans changement). » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 312-15 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … en faveur de l’engagement associatif. » ;
3° L’article L. 373-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « L. 312-15, » est supprimée ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 312-15 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … en faveur de l’engagement associatif. » ;
4° L’article L. 374-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « L. 312-15, » est supprimée ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 312-15 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … en faveur de l’engagement associatif. »
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Articles 4 et 5
(Suppressions conformes)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission, pendant sept minutes, et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a trois ans, mes anciens collègues du groupe MoDem de l’Assemblée nationale auquel j’appartenais, dont l’un d’entre eux, Sylvain Waserman, est aujourd’hui en tribune, ont déposé cette proposition de loi. Ce texte voit enfin la ligne d’arrivée de son long et persévérant parcours, qui signe notre engagement vis-à-vis du monde associatif.
Je porte naturellement un grand intérêt à cette proposition de loi en faveur de l’engagement associatif et pour laquelle j’ai le privilège de porter la voix du Gouvernement. Cette mobilisation est également le reflet de l’attachement des sénateurs au développement de la vie associative partout sur nos territoires.
Essentielles au bon fonctionnement de notre société, les associations jouent, depuis 1901, un rôle primordial dans notre pays. Comme vous l’avez dit à plusieurs reprises, mesdames, messieurs les sénateurs, elles sont le cœur battant de notre pays et permettent de contribuer aux liens sociaux sur nos territoires.
J’aimerais profiter de la tribune qui m’est offerte aujourd’hui pour saluer votre engagement ainsi que celui des collectivités territoriales, qui sont souvent leurs premiers interlocuteurs. Il me semble à ce titre nécessaire de rappeler à haute voix que leur soutien est quotidien. Dans la période que nous traversons, notre rôle est plus que jamais de soutenir et d’accompagner la mise en œuvre des projets des structures associatives, dans leur diversité.
Il est de notre devoir de ne pas laisser les associations seules face à ce risque d’effacement et de délitement de l’engagement des dirigeants et aux conséquences que cela entraînerait, que ce soit sur l’emploi ou sur les solidarités locales. Pour cette raison, le Gouvernement a accompagné les associations tout au long de la crise sanitaire, par des mesures économiques, par leur intégration dans le plan de relance, par des mesures spécifiques aux secteurs les plus touchés et par des mesures sectorielles.
Ces mesures d’accompagnement conjoncturelles doivent toutefois être accompagnées par des mesures structurelles, en continuant à travailler sur les conséquences de cette crise sanitaire. Nous estimons que reconnaître les valeurs et compétences des associations est une façon de les protéger. Parce que les associations sont spécifiques dans leur fonctionnement, il serait injuste de ne pas adapter le droit à ces spécificités. Je souhaite donc saluer la qualité des travaux du rapporteur aujourd’hui au banc – ainsi que du promoteur et de la rapporteure du texte à l’Assemblée nationale – et les liens que nous avons entretenus.
Ce texte a ainsi permis de rappeler qu’il est indispensable de revoir la responsabilité juridique des présidents bénévoles d’association, pour que s’installe à leur égard non pas un sentiment d’injustice, mais plutôt un véritable soutien, une reconnaissance et un accompagnement concret et malléable. De la même manière, il est absolument essentiel de mettre en œuvre un cadre bienveillant à leur égard, afin que la responsabilité financière des dirigeants bénévoles susceptible d’être engagée avec de lourdes conséquences personnelles, même en cas de « simple négligence », ne le soit plus.
Une fois la crise sanitaire passée, ces mesures devront redonner aux citoyens le goût de s’investir, du monde associatif et des responsabilités associatives, sans qu’ils aient à craindre des conséquences sur leur patrimoine personnel.
Cette proposition de loi a également pour ambition de faciliter le renouvellement des dirigeants dont la moyenne d’âge avance. Ce renouvellement ne peut fonctionner que s’il y a transmission et protection. Seule cette garantie permet la pérennité de leurs actions.
Une fois adoptée, la proposition de loi permettra d’envoyer un signal fort aux associations, à celles qui œuvrent au quotidien dans nos territoires, tout particulièrement toutes celles qui ont été très éprouvées ces deux dernières années. Il permettra également de redonner de l’élan, un second souffle à l’engagement des citoyens et des bénévoles, véritable trésor que nous devons protéger, accompagner et reconnaître.
Or donner le goût de l’engagement et de la philanthropie commence dès le plus jeune âge et constitue une priorité. Si des initiatives locales existent déjà dans de nombreux territoires, le Gouvernement soutient vivement la sensibilisation à la vie associative dès le collège. J’avais, par ailleurs, déjà soutenu cette proposition dans mon rapport, remis au Premier ministre de l’époque, sur la philanthropie à la française, étant persuadée que celle-ci est nécessaire au développement de l’engagement citoyen.
Valoriser le bénévolat et les associations en inscrivant la sensibilisation à la vie associative dans le cadre de l’enseignement moral et civique des élèves de collège et lycée, au même titre que le service civique, est donc plus qu’une nécessité. C’est avec elles que nous construisons un projet de société et que nous dessinons le monde de demain.
Poumon de nos territoires, trésor de notre République, les associations font vivre chaque jour des projets et des actions d’intérêt général, avec des visages variés qui se complètent. Elles participent à une économie plus humaine, contribuent à l’éducation des enfants de la République, favorisent l’accès à la culture, aux soins, au droit et font vivre la démocratie au quotidien.
Cette proposition de loi, j’en suis certaine et il est utile de le rappeler, est la démonstration que le Parlement souhaite davantage accompagner, faciliter et encourager le bon fonctionnement de notre vivre ensemble. Elle va en effet permettre de mieux accompagner l’engagement de tous en faveur des projets de ceux qui sont aussi des maillons essentiels du bon fonctionnement de notre pays.
Ce texte est l’illustration parfaite de ce dont notre société a réellement besoin, à savoir un renouveau de l’engagement citoyen, car il représente un espoir pour notre société et notre jeunesse qui doit et peut le porter.
En votant ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, vous adresserez un message extrêmement positif, d’ambition et de passion, à toutes les générations qui composent notre société. La proposition de loi doit contribuer à ce que chacun – jeunes et moins jeunes, dirigeants, bénévoles – trouve sa place au sein du monde associatif et puisse jouer son rôle dans notre société, sans crainte excessive.
Vous l’aurez compris, ses dispositions ont pour objectif de reconnaître et d’accompagner l’apport des bénévoles dans notre société. Plus qu’un signal, c’est une étape, en cette année où nous fêterons les cent vingt ans de la loi de 1901.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, « plus encore qu’une liberté, l’association est une réalité qui a puissamment contribué à façonner la société française tout au long de ce siècle, à y renforcer la tolérance, la solidarité, l’innovation. Une réalité qui s’affirme […] reflétant, dans toute leur diversité, l’engagement des Français, leur sens de l’action collective, leur souci de solidarité comme d’ailleurs leur volonté d’épanouissement personnel ». Ces mots de Jacques Chirac, prononcés à l’occasion du centenaire de la loi de 1901, sont plus que jamais d’actualité.
Je tiens ici à rendre hommage à l’ensemble des bénévoles, des cadres et des dirigeants associatifs, qui, souvent, ne comptent pas leur temps pour faire vivre leurs associations, tisser, maintenir le lien social, animer les territoires.
La commission de la culture en a la conviction : la crise de la covid-19 a montré le rôle essentiel joué par les associations. Cependant, la pandémie ne les a pas épargnées : les informations que j’ai pu recueillir à l’occasion de mes auditions témoignent d’une forte incertitude pesant sur le secteur associatif.
Certes, ce secteur a fait preuve d’une très forte résilience après le premier confinement. Même si les événements n’ont pas pu avoir lieu, la plupart des subventions ont été maintenues par l’État et par les collectivités locales, ce que je salue. En mai et juin 2020, les bénévoles sont revenus, les activités ont repris, l’emploi dans le secteur associatif est reparti à la hausse, alors que le reste du secteur privé continuait à peiner. Mais le deuxième confinement a marqué un nouvel arrêt brutal pour un grand nombre d’associations. Les remontées du terrain témoignent des doutes existants : les conseils d’administration ont du mal à se tenir, il n’est pas sûr que les bénévoles reviennent. La motivation a chuté. En outre, de nombreuses associations employeuses sont menacées de disparition. Or le secteur associatif est un acteur économique important de notre pays : un salarié du secteur privé sur dix y est employé.
Ce tableau sombre ne doit toutefois pas masquer certains points de satisfaction et des lueurs d’espoir.
Tout d’abord, un fonds d’urgence doté de 30 millions d’euros pour le secteur de l’économie sociale et solidaire, accessible aux associations, a été instauré par le quatrième collectif budgétaire. Il est opérationnel depuis la fin du mois de janvier 2021. J’y vois la reprise d’une recommandation effectuée par la commission de la culture dans ses travaux sur la pandémie de la covid. L’enjeu est désormais de faire connaître ce fonds aux associations concernées.
Ensuite, l’élargissement progressif de la vaccination fait émerger de nouvelles questions relatives au mélange de bénévoles et d’un public de vaccinés et de non-vaccinés. Cela témoigne d’une volonté de relance des activités et de la vie associative.
Enfin, cette pandémie a montré l’envie de s’engager d’une partie importante de la population, notamment de la jeunesse, ainsi que la nécessité d’accompagner les associations, pour les aider à se développer et répondre aux attentes des nouveaux bénévoles.
La proposition de loi en faveur de l’engagement associatif répond à un certain nombre de ces préoccupations et à plusieurs demandes du monde associatif : elle atténue la responsabilité financière des dirigeants des associations en cas de faute de gestion ; elle s’adresse à la jeunesse, afin de mieux lui faire connaître le monde associatif ; elle complète le dispositif d’abondement par les comptes en déshérence du FDVA, qui finance notamment la formation des bénévoles. Je rappelle que 2021 est la première année de mise en œuvre d’un abondement de ce fonds par un pourcentage des comptes en déshérence. Lors de mes auditions, il m’a été indiqué que cette mesure représenterait 19 millions d’euros supplémentaires pour 2021. La commission de la culture ne manquera pas de faire un bilan de cette première année d’application, des difficultés rencontrées comme des améliorations possibles.
La proposition de loi traduit l’émergence d’un consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Sans doute ce texte aurait-il pu aller plus loin. La commission a fait le choix d’une adoption rapide pour soutenir un secteur associatif fortement malmené par la pandémie. Aussi, alors que nous allons prochainement commémorer les cent vingt ans de la loi de 1901, j’espère, madame la secrétaire d’État, que cette proposition de loi et celle visant à améliorer la trésorerie des associations, que nous venons de voter, constituent une étape, et non l’aboutissement de l’action du Gouvernement en faveur des associations. Je tiens d’ailleurs à souligner que, si un très large consensus s’est dégagé au sein de notre commission pour une adoption rapide de ce texte, nous sommes également nombreux à noter les bouleversements qui ont ballotté, voire percuté les associations ces dernières années, y compris indépendamment de la pandémie.
Les associations font partie de notre quotidien et maillent l’ensemble du territoire français. Leur existence, leurs actions semblent aller de soi à chacun. Leurs problèmes et leurs besoins demeurent toutefois trop souvent invisibles.
En première lecture, le Sénat avait souhaité faciliter la reconnaissance de leur rôle d’intérêt général au niveau local, mais la disposition proposée posait de nombreuses questions, raison pour laquelle la commission de la culture n’a pas proposé son rétablissement.
Toutefois, madame la secrétaire d’État, le monde associatif a besoin de soutien de la part de la Nation. Ces dernières années, le Haut Conseil à la vie associative a fait plusieurs propositions pour améliorer cette reconnaissance. J’espère que vous y serez sensible, tout comme à l’ensemble des interventions des différents groupes politiques sur ce sujet.
Le cœur de l’association, c’est l’humain, l’engagement d’un individu en faveur des autres. Sans bénévoles, il n’y a pas d’association. La transmission de la volonté de s’engager d’une génération à l’autre représente donc un défi. Le texte prévoit une découverte et une sensibilisation dès le plus jeune âge au rôle des associations et au bénévolat.
L’encouragement et la reconnaissance du bénévolat étaient également l’objet de plusieurs amendements adoptés par le Sénat en première lecture. Nous n’avons pas souhaité les rétablir en commission, parce qu’ils suscitaient un certain nombre d’interrogations. La situation économique des entreprises a également fortement évolué depuis 2019.
En revanche, les représentants d’associations que j’ai pu rencontrer, qu’il s’agisse de têtes de réseau ou d’associations locales, m’ont indiqué la nécessité d’encourager le bénévolat et ont souligné l’investissement en temps des bénévoles. Ces derniers y passent des soirées et, souvent, tous leurs week-ends – je pense aux dirigeants et encadrants des associations sportives, par exemple – ou encore une partie de leurs vacances. D’ailleurs, l’une des inquiétudes des associations porte sur le retour des bénévoles qui auront redécouvert les week-ends et soirées libres de tâches associatives…
Comme l’a rappelé notre collègue Michel Savin en commission, le statut de bénévole doit être mieux reconnu et valorisé, notamment par des actes. On ne peut en rester là, sans faire de proposition pour l’avenir. Aussi, permettez-moi de conclure mon propos par une proposition, madame la secrétaire d’État : prendre en compte l’engagement associatif dans le calcul de la retraite. Dans notre système de retraite universelle, ce serait une reconnaissance par la Nation d’un don de temps et d’énergie au service de la collectivité fait plus tôt dans sa vie. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lucien Stanzione, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
M. Lucien Stanzione. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, le tissu associatif qui maille notre territoire et l’ensemble des associations qui le composent sont au cœur des enjeux pour notre pays. Mobilisant des millions de personnes, les associations font partie du quotidien de nos concitoyens et répondent à leurs besoins sociaux, notamment en entretenant un lien social, d’autant plus important dans les périodes difficiles que nous traversons.
Les associations font face à de nombreuses difficultés depuis plusieurs années. Le rapport de la commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif en faisait déjà le constat en 2014. L’année 2020 a toutefois été particulièrement ardue pour nombre d’entre elles. Le Mouvement associatif a ainsi indiqué que 66 % des associations avaient dû suspendre leurs activités ou revoir leur mode de fonctionnement au printemps 2020 et que près de 30 000 risquaient le dépôt de bilan dès l’automne.
Outre l’aspect financier, la crise sanitaire a également touché les associations sur le plan de l’emploi : 55 000 associations indiquaient, en septembre 2020, ne pas pouvoir maintenir leurs effectifs salariés en l’état. N’oublions pas que ces difficultés s’inscrivent dans un contexte déjà en peine, la baisse drastique des contrats aidés – 36 % en 2017 et 50 % en 2018 – ayant fortement affaibli le secteur.
La création des associations a connu une baisse de 40 % en 2020 et, dans les secteurs du sport, du loisir et de la culture, les adhésions sont en recul de 25 % à 40 %, sans parler du bénévolat des seniors, particulièrement vulnérables à la covid-19.
Tous ces chiffres représentent autant d’impacts sur le lien social de notre pays.
La vie en société place tout être humain, dès sa naissance, dans une relation d’interdépendance avec les autres, et la solidarité constitue, à tous les stades de la socialisation, le socle de la liaison de l’homme aux autres et à la société. Nos associations sont les instruments et les vecteurs de cette socialisation, en particulier de la solidarité nationale. S’associer correspond à s’unir, à faire participer, à former un ensemble, cet ensemble dont nous avons tellement besoin aujourd’hui.
La présente proposition de loi ne permet malheureusement que quelques avancées, relatives à l’atténuation de la responsabilité financière des cadres associatifs en cas de faute de gestion ou à l’éligibilité au service civique des ressortissants algériens ou encore permettant de relever de dix à vingt le plafond de salariés pour pouvoir bénéficier de l’offre de service « impact emploi ». Ces dispositions ont fait l’objet d’un consensus entre l’Assemblée nationale et le Sénat dès la première lecture.
Le travail réalisé en commission à l’occasion de la deuxième lecture permet également de voir émerger un consensus concernant les dispositifs de sensibilisation à l’engagement associatif dans le temps scolaire et relatifs aux comptes associatifs en déshérence. À ce propos, je tiens à saluer le travail de mon collègue Jacques-Bernard Magner, qui avait déposé un amendement lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019 tendant à la remise d’un rapport pour étudier les possibilités d’affecter les montants des comptes inactifs des associations au Fonds pour le développement de la vie associative. Cette mesure a depuis été intégrée à la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations, qui vient d’être examinée par notre assemblée.
Quelques réserves peuvent être émises.
On peut ainsi s’interroger sur la façon dont la question de l’engagement associatif sera traitée dans les faits, notamment au vu de l’inflation des programmes scolaires. Cela soulève également une interrogation quant à la pertinence, pour le Parlement, de légiférer sur le contenu des programmes quand existe un organisme, le Conseil supérieur des programmes, dont la mission principale consiste justement à élaborer les programmes.
Une autre réserve concerne la suppression, à l’Assemblée nationale, de la possibilité de dérogation à la limitation du nombre de stagiaires dans les structures associatives. Si cette disposition est protectrice pour l’emploi, en ce qu’elle limite le recours aux stages précaires et mal rémunérés, on peut s’interroger sur le bien-fondé de cette suppression, notamment dans le contexte de difficultés actuelles du secteur, dont j’ai parlé précédemment, et ce pour une durée limitée, le temps de sortir de la crise sanitaire.
Pour autant, on ne peut que se féliciter des petites avancées que ce texte permet. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain l’a d’ailleurs toujours soutenu et le soutiendra encore aujourd’hui. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Vial. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous devons nous prononcer ce matin sur une proposition de loi en faveur de l’engagement associatif. Quel important sujet !
Nous vivons dans une société qui a une tendance naturelle au repli sur soi et dans laquelle l’individualisme est un comportement de plus en plus partagé. Les interactions avec les autres de nos concitoyens se développent au travers du filtre des écrans et des réseaux dits « sociaux ». Ces relations numériques favorisent bien souvent une forme d’agressivité individuelle et permettent à tout un chacun de se bercer de l’illusion qu’il n’a pas besoin de collectif pour s’exprimer ou pour faire.
Nous vivons dans une société où la violence et même l’hyperviolence se développent à une vitesse inimaginable. Cette violence prend de court notre entendement, mais aussi nos autorités, incapables de réactions adaptées. L’issue vers laquelle ce glissement violent de notre société nous entraîne semble tellement irréelle qu’il est plus facile de la nier que d’essayer de l’éviter ou de se préparer à y faire face.
Nous vivons dans une société où les inégalités sociales et économiques se creusent. Les divisions entre les gagnants de la mondialisation, de l’ubérisation ou de la nouvelle économie et ceux qui s’en estiment les victimes ou qui en paient réellement les conséquences n’ont jamais été aussi grandes.
Nous vivons dans une société dans laquelle de nouvelles fractures territoriales apparaissent : entre le monde urbain et le monde rural, entre les villes et leurs périphéries… Tout le monde se sent oublié. En réalité, beaucoup vivent leur situation comme le résultat d’un mauvais traitement, d’une politique qui sépare les territoires et voudrait leur imposer des modes de vie différents des leurs. Bref, ils se sentent injustement considérés.
Nous vivons dans une société qui ne distingue bientôt plus les valeurs des principes, qui ne considère plus l’autorité et n’a que trop peu recours au respect de l’autre, qui pose les croyances individuelles au-dessus des règles de la vie collective.
Derrière ce diagnostic, pessimiste – je vous l’accorde, mes chers collègues – et pas assez nuancé – je vous l’accorde également –, il existe tout de même des points positifs auxquels se raccrocher, des comportements à encourager, des valeurs humaines et humanistes, qui laissent à penser que la seule solution n’est pas le déclin si nous savons nous appuyer sur ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous. Le fait est que l’engagement pour l’intérêt général et l’altruisme sont encore des notions vivantes, qu’il convient de soutenir et de développer. L’avenir de notre monde – ce que certains appellent « le monde d’après » – dépendra pour beaucoup de la générosité dont nous saurons faire preuve dans le monde actuel et face à ses réalités.
La vie associative est l’une des principales richesses de notre pays. On estime à 13 millions le nombre de bénévoles présents dans au moins une des quelque 1,3 million d’associations aujourd’hui actives en France. Chaque année, 70 000 associations sont créées, et le nombre de bénévoles était en augmentation ces dernières années. Ces quelques éléments éclairent d’un espoir nouveau le tableau de notre société que j’ai dressé de manière un peu sombre.
Pourtant, depuis un an, une partie de ce monde associatif est pratiquement à l’arrêt. La crise sanitaire que nous traversons a révélé à la fois un aspect peu glorieux de notre humanité, mais aussi une capacité à la solidarité, à l’innovation sociale et à la bienveillance sans précédent. Il est de notre devoir d’élus et de citoyens d’encourager ces comportements civiques et solidaires, qui se retrouvent le plus souvent sous la forme d’un engagement associatif.
Retrouver, à la prochaine rentrée, un niveau d’engagement bénévole au moins équivalent à ce qu’il était avant la crise, faire retrouver le chemin des clubs aux jeunes licenciés du monde sportif ou culturel : voilà des enjeux majeurs. Il est à notre portée d’y répondre.
S’appuyer sur les expériences et les nouvelles solidarités qui se sont également exprimées durant cette période, pour construire un monde meilleur et tourné vers les autres, est un autre des enjeux auxquels nous nous devons de répondre.
Cette proposition de loi a pour objectif de faciliter et d’encourager l’exercice de fonctions associatives, en atténuant la responsabilité financière des dirigeants associatifs bénévoles en cas de faute de gestion, en sensibilisant les élèves de l’enseignement secondaire à la vie associative ou en relevant de dix à vingt le seuil à partir duquel une association peut bénéficier du dispositif « impact emploi ». Ce programme semble bien maigre par rapport aux enjeux de la vie associative, mais toute avancée doit être prise en considération.
L’engagement désintéressé de millions de bénévoles contribue à donner du sens à notre vie collective. Donner de son temps, de son expérience ou de ses compétences au profit d’une cause, qu’elle soit sociale, caritative, sportive, culturelle ou civique, c’est faire don aux autres d’une partie de soi, et c’est justement cela « faire société ».
Il est aisé de réunir un consensus autour de ces valeurs d’engagement, pour favoriser le bénévolat ou le volontariat, pour reconnaître l’engagement associatif ou bénévole, au sein des sapeurs-pompiers par exemple, bien que la proposition de loi n’aborde pas les engagements de ce type, qui auraient probablement eux aussi mérité que l’on s’y attarde. Nous partageons donc la motivation et les intentions de ce texte, tout en regrettant l’extrême modestie de son contenu. Même s’il est raisonnable de penser que la situation de l’engagement associatif ne sera guère différente après son adoption, l’intention est bonne : toute avancée, aussi minime soit-elle, mérite d’être engrangée ; tout signe de reconnaissance envers l’engagement associatif, aussi minime soit-il, mérite d’être considéré. C’est si peu, mais c’est déjà quelque chose !
Pour ces raisons, malgré quelques réserves et les regrets que le texte lui a inspirés à l’issue de la première navette parlementaire, notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le président de la commission de la culture applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire fait vaciller le monde associatif. La plupart des associations culturelles et sportives ont été contraintes de fermer leurs portes et de suspendre leurs activités durant les confinements successifs. Des milliers d’entre elles risquent une cessation d’activité, car leur fonctionnement repose souvent sur l’obtention de subventions, sur la perception de cotisations, sur le bénévolat et sur l’organisation de manifestations. Tout leur modèle économique est mis à mal. La dernière enquête réalisée par Recherches et solidarités indique que la plupart des associations ont dû revoir leur fonctionnement, notamment à travers la mise en place d’outils numériques, pour développer le « télébénévolat ».
Pourtant, la crise sanitaire et l’isolement contraint de beaucoup de nos concitoyens ont démontré la pertinence des actions du secteur associatif pour animer la vie locale et favoriser le lien social. Dans nos villes et nos villages, une association locale est souvent le dernier rempart contre la solitude et la première école de la démocratie.
Cette proposition de loi, déposée par Sylvain Waserman, a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Je souhaite remercier l’auteur de cette initiative, dans laquelle je retrouve l’esprit de certaines propositions du rapport intitulé Des associations, en général… Vers une éthique sociétale, que Jean-Pierre Raffarin m’avait commandé et que je lui avais remis en mai 2005.
Ce rapport préconisait, entre autres dispositifs, de renforcer l’accès à la formation des dirigeants associatifs et la sensibilisation du public au bénévolat. Plus de quinze ans après sa publication et l’extension du chèque emploi associatif, nous restons dans l’expectative d’une réforme globale du secteur associatif, afin de favoriser son développement au service de la société.
Le texte que nous examinons en deuxième lecture contient des mesures visant à encourager la prise de responsabilité associative et l’engagement de la jeunesse. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires soutient cette initiative.
Le réseau associatif français compte près de 13 millions de bénévoles et 1,8 million de salariés, dont l’action est organisée par les dirigeants d’association. Ces derniers manquent trop souvent d’accompagnement technique et de connaissances en matière de gestion comptable et administrative. L’article 1er de la proposition de loi, en étendant l’exception de négligence applicable aux dirigeants d’entreprise en cas de faute de gestion conduisant à une insuffisance d’actifs aux dirigeants d’association, permettra de rendre plus attractif l’exercice de responsabilités à titre bénévole.
J’ai soutenu les propositions de Michel Savin visant à valoriser l’engagement associatif des salariés à travers la compensation par l’employeur d’une journée de bénévolat par an ainsi que le dispositif tendant à créer un crédit d’impôt pour responsabilité associative. Je regrette que ces dispositions ne soient plus présentes dans le texte que nous examinons, bien que je comprenne les motifs de leur retrait.
L’article 2 porte sur la sensibilisation des jeunes au bénévolat, du CM2 au lycée. Je pense que nous devons aller plus loin et étendre les mesures de reconnaissance de l’engagement associatif des étudiants aux lycéens.
Enfin, l’article 3 ouvre à bon escient l’accès au service civique aux ressortissants algériens résidant en France.
Cette proposition de loi, aux contours modestes, apportera de nouvelles garanties afin de favoriser le renouvellement des dirigeants bénévoles et l’engagement de la jeunesse. Pour aller plus loin, il nous faudrait améliorer la lisibilité fiscale des dispositions applicables aux associations, dont la complexité est souvent un obstacle à leur appropriation.
« Un sourire coûte moins cher que l’électricité, mais donne autant de lumière », disait l’abbé Pierre. Le monde associatif est ce sourire adressé à la société, loin de toutes considérations mercantiles, un lieu particulier dans lequel s’exerce la première de nos libertés : celle d’agir pour aider son prochain et s’inscrire dans une aventure humaine.
À l’heure de la montée des tensions communautaires, l’engagement est un art de vivre. C’est l’« arche d’alliance » décrite par Albert Camus, dont la tâche consiste à éviter que « le monde ne se défasse ».
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
M. Thomas Dossus. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le parcours parlementaire de cette proposition de loi a démarré voilà maintenant trois ans. Avec cette deuxième lecture, le voici désormais quasiment parvenu à son terme.
Le secteur associatif attend que cette proposition de loi aboutisse rapidement, et, après les mois extrêmement durs que nous venons de traverser, nous espérons son entrée en vigueur le plus tôt possible. En effet, comme la proposition de loi visant à améliorer leur trésorerie, que nous venons de voter, ce texte comporte des avancées très attendues par les associations.
Tout d’abord, l’élargissement de l’exception de négligence aux dirigeants associatifs est de nature à rassurer les bénévoles qui s’engagent dans la gestion quotidienne d’une structure. Cela favorisera la prise de responsabilités, parfois lourdes, qu’impliquent les fonctions de président ou de trésorier, quand plus de la moitié des associations indiquent qu’elles ont du mal à renouveler leurs instances dirigeantes – vous en avez parlé, madame la secrétaire d’État.
Ensuite, l’extension du dispositif « impact emploi » à toutes les associations de moins de vingt salariés, contre dix actuellement, facilitera les démarches administratives en matière sociale et fiscale pour les petites structures. Rappelons que l’ensemble du secteur associatif représente 1,8 million d’emplois en France.
Enfin, l’article 1er bis permettra d’allouer les avoirs des comptes inactifs des associations au FDVA. Ce soutien financier pour accompagner la formation des bénévoles est essentiel.
Au cours de son examen en commission, nous avons pu constater que les mesures de ce texte faisaient l’unanimité sur toutes les travées. Nous nous en réjouissons, et c’est logiquement que le groupe écologiste votera en sa faveur.
Pour autant, l’avenir est loin d’être rose pour les associations. Bien au contraire, il s’assombrit.
La pandémie a tout d’abord mis de nombreuses associations culturelles et sportives totalement à l’arrêt. Alors que les contraintes se desserrent tout juste depuis hier, une question se pose : comment faire revenir les adhérents, éloignés depuis parfois un an ? Comment faire revivre les clubs de foot, de chant, de danse ?
Ajoutons à cela l’inquiétude au sujet des subventions. Si, en 2020, les collectivités ont été au rendez-vous pour maintenir leur soutien aux associations – il faut le saluer –, les premières remontées pour 2021 sont inquiétantes : les associations craignent parfois de faire office de variable d’ajustement face à la pression qui pèse sur les budgets locaux.
Surtout, un coup terrible et cynique a été porté dans cet hémicycle voilà quelques semaines. Ici même, lors de l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme, la majorité sénatoriale et le Gouvernement ont, main dans la main, durci les règles pour les associations et installé une mécanique administrative qui fait peser sur tout le secteur et ses millions de bénévoles une forme de suspicion généralisée : contrat d’engagement républicain obligatoire pour toucher une subvention, contrat d’engagement républicain obligatoire pour recevoir un agrément, contrat d’engagement républicain obligatoire ne serait-ce que pour avoir une salle à disposition !
Des millions de bénévoles sont désormais suspects. Ce sont 1,3 million d’associations que vous avez regardées globalement comme des niches de l’islamisme radical. Ces associations font pourtant vivre tous les jours la promesse républicaine dans notre pays ! Certaines assurent le travail de lien social dans les quartiers où l’État a fait reculer les services publics.
Les mesures proposées dans le texte que nous examinons aujourd’hui sont nécessaires, mais on ne peut pas, d’un côté, louer le rôle primordial et la place des associations dans notre République et, de l’autre, instaurer un carcan qui fait peser une incertitude permanente sur les associations et leurs bénévoles. Le mois dernier, le Défenseur des droits, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le Mouvement associatif ainsi que des ONG demandaient l’abandon du contrat d’engagement républicain, véritable menace sur la liberté d’association. Aujourd’hui, vous ignorez ces alertes.
Mes chers collègues, le monde associatif est un acteur essentiel de notre société, y compris quand, par certaines de leurs méthodes d’engagement, certaines associations nous bousculent, nous alertent, remettent en cause nos certitudes et font avancer la société. Ne les affaiblissons pas. Gardons ce dynamisme associatif qui fait notre grandeur et notre richesse démocratique.
J’espère retrouver la même unanimité, lors de la nouvelle lecture du projet de loi Séparatisme, pour refuser le contrat d’engagement républicain et tant d’autres artifices qui vont corseter le monde associatif. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Mme Nadège Havet. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, faciliter le fonctionnement de nos associations, de même que leur développement, en agissant sur le plan de la trésorerie, tel était l’objectif du texte que nous venons d’examiner. Il est désormais adopté.
Faciliter l’engagement associatif, tel est l’objet de la présente proposition de loi, examinée elle aussi selon la procédure de législation en commission. Là encore, l’issue devrait être positive. Tant mieux !
De quoi parlons-nous ? De l’essentiel. Nous nous adressons, depuis le début de la matinée, à plus de 1,3 million de structures, à un Français sur quatre qui est engagé bénévolement, à près de 2 millions de salariés. Nous parlons de plus de 22 milliards d’actifs et d’un budget annuel de 170 milliards d’euros.
Ce tissu associatif remarquable a été soumis, ces derniers mois, à rude épreuve. Il a été en première ligne et mobilisé à chaque instant – je pense aux entités sociales ou sanitaires. Il a aussi été mis à l’arrêt, parfois du jour au lendemain, comme, nous le savons, dans les domaines culturels et touristiques. Je pense notamment aux centres de séjours scolaires, aux auberges de jeunesse, aux théâtres…
Finalement, plus d’une association sur deux a perdu des revenus, et probablement des bénévoles, depuis le début de la crise. Deux impératifs s’imposent par conséquent aux responsables politiques que nous sommes : répondre présent et simplifier la continuité ou la reprise des activités ; soutenir l’engagement, et ce dès le plus jeune âge.
Les députés auteurs du texte – je pense notamment à M. Erwan Balanant, mon collègue finistérien – ont rappelé à juste titre, lors de son dépôt en 2018, que les associations répondent pleinement « aux besoins sociaux et sociétaux » et participent au maintien des liens entre les personnes. Je le disais, nous parlons de l’essentiel.
Cette proposition de loi, comme la précédente, fait écho à plusieurs objectifs défendus dans un rapport remis par le Mouvement associatif au Premier ministre, toujours en 2018. Ce rapport préconisait une soixantaine de mesures pour développer une stratégie globale pour la vie associative. Le président du Mouvement associatif avait alors déclaré : « Il est temps que nous ayons en France une politique publique digne de ce nom, ambitieuse et moderne, pour soutenir la création, la vitalité et la croissance de la vie associative. » Il ajoutait : « Il y a un enjeu crucial à retrouver de la cohésion sociale, d’une part, et à investir dans les transitions vers une économie plus juste et plus soutenable, d’autre part. »
Il faut encore ajouter à cela la fragilisation occasionnée par la crise sanitaire. C’est pourquoi nous saluons la position de la commission de permettre une adoption rapide du texte pour soutenir le monde associatif fortement malmené.
En première lecture, la Haute Assemblée a intégré plusieurs dispositions qui ont été votées conformes par l’Assemblée nationale ou qui ont fait l’objet de simples modifications rédactionnelles. Ce dispositif vise, finalement, un seul objectif : encourager la prise de responsabilité associative et tenir compte de la réalité du monde associatif et de ses fortes contraintes.
Les auteurs de cette proposition de loi ont également souhaité valoriser le bénévolat en inscrivant la sensibilisation à la vie associative dans le cadre de l’enseignement moral et civique des élèves du secondaire, au même titre que le service civique.
Madame la secrétaire d’État, ces mesures viennent en complément du texte discuté à l’instant, que vous aviez déposé, en tant que députée, à la suite des annonces faites à destination du monde associatif.
Favoriser le bénévolat, l’engagement, c’est préserver la richesse du tissu associatif français. C’est aussi maintenir ou créer des activités, des services de la vie dans nos territoires ruraux. Je veux profiter de mon temps de parole pour rendre hommage aux bénévoles, qui donnent de leur temps, de leur savoir et qui vont parfois jusqu’à mettre leur vie en danger pour les autres – je pense aux bénévoles du sauvetage et, en tant que Finistérienne, plus particulièrement à ceux de la SNSM.
Ne laisser aucune association de côté pour qu’aucune personne qui les sollicite ne soit à son tour laissée de côté, tel est l’objectif noble qui nous rassemble ce matin.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Bernard Fialaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à quelques jours des cent vingt ans de la fameuse loi fondatrice du droit à la liberté d’association, c’est un honneur pour un radical de porter la voix du groupe du RDSE. Cette loi consacre encore aujourd’hui le tissu associatif français, animé par plus de 13 millions de bénévoles. C’est une richesse exceptionnelle, qui a encore prouvé sa force, sa vitalité et son utilité au cours de la crise sanitaire et économique que nous traversons.
Le monde associatif est au cœur du quotidien de nos concitoyens, qu’ils soient bénévoles ou bénéficiaires. Il a démontré son rôle d’amortisseur social. Nous savons tous ici combien ces 1,3 million de structures contribuent à l’équilibre de nos territoires, en œuvrant largement à leur attractivité. Le besoin d’engagement que nous voyons chaque jour en est la preuve vivante.
Bien souvent, les associations jouent un rôle de cohésion ou d’assistance sociale, de médiation ou de production culturelle, ou encore de veille pour la protection de l’environnement. Ces missions primordiales doivent pouvoir se déployer le plus librement possible. Tous les bénévoles qui se dévouent généreusement méritent bien notre respect. Pourtant, les associations ont souffert de la réduction du nombre d’emplois aidés, de la diminution des dotations aux collectivités ou encore de plusieurs réformes fiscales, qui ont affecté le niveau des dons.
La conjoncture difficile dans laquelle évolue aujourd’hui le monde associatif doit retenir toute notre attention. Cela apparaît même crucial au regard de son utilité sociale et économique. Les pouvoirs publics doivent donc agir de façon à valoriser et à encourager le dévouement d’une grande partie de la société civile. Le Gouvernement et les collectivités territoriales l’ont bien compris cette année en apportant le soutien nécessaire à la survie d’un grand nombre d’associations. Il faut aussi souligner la générosité accrue de nos concitoyens.
La portée de cette proposition de loi est certes modeste, mais elle apporte une aide non négligeable à l’essor de la vie associative.
Parmi les obstacles rencontrés figure notamment la trop lourde responsabilité financière des dirigeants des associations en cas de faute de gestion. Les auteurs de ce texte y ont répondu à l’article 1er. Cette insécurité juridique est source de préoccupations dans le milieu associatif et freine le renouvellement des instances dirigeantes. Je ne parle pas de la nécessaire vigilance à apporter aux activités lucratives qui, sous couvert d’associations de circonstances, ne rémunèrent que le seul promoteur ou les proches du responsable d’association.
L’article 2 permet la mise en place d’un module théorique et d’un support méthodologique destinés à aider les enseignants dans la présentation de la vie associative. Il est crucial de mieux sensibiliser les élèves de collège et de lycée dans le cadre de l’enseignement moral et civique et, ainsi, de les inciter à s’engager afin de former le vivier du milieu associatif et de citoyens de demain.
C’est l’occasion également de relever l’esprit de coopération qui a animé nos deux assemblées parlementaires pour la construction de ce texte. Ainsi, le Sénat a relevé à vingt le nombre de salariés permettant à une association de bénéficier de l’offre de service « impact emploi » de l’Urssaf, qui assouplit les formalités de gestion salariale. Cette disposition, reprise à l’Assemblée nationale, va dans le bon sens en faveur d’un accompagnement plus fort de la part de l’administration.
Pour toutes ces raisons, nous nous associons pleinement aux propositions contenues dans ce texte. Cependant, il faut aller au-delà, car, sans le soutien de l’État et des collectivités territoriales, le secteur non lucratif, auquel sont confiées de plus en plus de missions de service public, ne peut agir de manière efficace. Pour donner un nouveau souffle au bénévolat et au tissu associatif, peut-être serait-il temps de mieux les accompagner en supprimant les trop nombreux formulaires bureaucratiques et en valorisant davantage le service civique ?
Ce texte nous permet d’envoyer un signal fort aux associations et de reconnaître qu’elles constituent un vecteur essentiel de l’engagement citoyen et un moyen d’action à la portée de tous au sein de la société civile. Et puis, n’oublions pas que la vie associative permet aussi aux retraités de continuer à être des citoyens « actifs ». Leur disponibilité et leurs compétences sont une richesse. Nous savons aussi mesurer les bienfaits de leur épanouissement au sein des associations sur la qualité de leur vieillissement et, par conséquent, sur les économies à en attendre en termes de dépenses de santé.
« C’est proprement ne valoir rien que de n’être utile à personne », disait Descartes. L’engagement associatif en est une belle illustration.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Céline Brulin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons à la fin d’un processus législatif long de trois ans. Il serait souhaitable que la commission mixte paritaire soit conclusive, car le mouvement associatif attend les mesures dont nous débattons aujourd’hui.
Ce texte permettra notamment d’atténuer la responsabilité financière des dirigeants associatifs en cas de faute de gestion en leur étendant l’exception de négligence. Ce dispositif existe déjà pour les dirigeants d’entreprise ; on comprendrait mal que les dirigeants associatifs, bénévoles pour l’essentiel, n’en bénéficient pas également.
L’application de ce principe de négligence et la prise en compte, en cas de condamnation, des conditions matérielles de soutien administratif constituent de véritables avancées. Souhaitons que cette protection permette à davantage de bénévoles de prendre des responsabilités, car, chacun le sait, il est de plus en plus difficile de trouver des bénévoles qui acceptent de siéger au bureau des associations ou de les présider.
L’élargissement des conditions pour prétendre au dispositif « impact emploi » de l’Urssaf est aussi une avancée. Établir les formalités administratives d’embauche ou des fiches de salaire demande des compétences particulières. Même si l’on peut saluer la montée en compétence des militants associatifs, leur offrir de tels services nous semble tout à fait utile.
Je salue également l’ouverture du service civique aux jeunes ressortissants algériens. Ce dispositif fait partie de ceux qui peuvent participer à la construction de la citoyenneté.
Chacun voit bien également l’intérêt de donner aux jeunes une meilleure connaissance du rôle des associations et du tissu associatif local afin de les éveiller à l’engagement et, à terme, souhaitons-le, d’apporter du sang neuf aux diverses associations. Attention cependant à ne pas surcharger le programme de l’enseignement moral et civique, qui ne bénéficie, je vous le rappelle, que d’une demi-heure hebdomadaire.
En revanche, il est regrettable que la disposition permettant de rémunérer le congé associatif, adoptée en première lecture au Sénat, ait été supprimée au cours de la navette. Il faut relativiser la charge que cela représenterait pour les entreprises : il ne s’agit que d’une journée par an et par bénévole. Cette rémunération permettrait sans doute à davantage de salariés de devenir responsables associatifs.
On le sait bien, prendre la direction d’une association implique différentes missions – rencontres, échanges, actes de gestion… – qui ont souvent lieu lors des horaires de travail. Ce n’est pas sans raison que nombre de nos associations sont dirigées et animées par des retraités. Ils y ont évidemment toute leur place, mais favoriser l’implication des actifs amènerait, là encore, du sang neuf.
Le congé associatif existe bien, mais il est aujourd’hui synonyme de perte de revenu pour des salariés, ce qui en limite l’utilisation par la plupart des responsables associatifs.
Cette proposition de loi ne suffira malheureusement pas à résoudre la crise de l’engagement, qu’on ne peut mettre sur le seul compte du développement de l’individualisme et du repli sur soi que les confinements successifs auront sans doute amplifié. La précarisation croissante, le développement de formes brèves de travail, la multiplication des horaires décalés, les temps de transports allongés laissent peu de place à l’engagement citoyen, quel qu’il soit.
Si vous me permettez une petite digression, je dirai que le peu de considération à l’égard des corps intermédiaires, un mode de gouvernance de plus en plus solitaire au plus haut niveau du pouvoir, le dos tourné aux propositions citoyennes pourtant sollicitées, les entorses de plus en plus fréquentes à nos libertés fondamentales ne contribuent pas à donner goût à l’engagement – au contraire !
M. Pierre Ouzoulias. Eh oui !
Mme Céline Brulin. Pourtant, dans ce contexte peu réjouissant, la crise semble avoir accéléré l’engagement des jeunes, avec un fort besoin de se sentir utile et, quelque part, de trouver sa place dans la société. Maintenant, il faut transformer l’essai.
La crise sanitaire a aussi accentué la crise des associations : alors que, depuis vingt ans, 70 000 associations étaient créées en moyenne chaque année, on annonce une baisse de 40 % en 2020. Les adhésions sont également en nette diminution selon les secteurs, avec toutes les conséquences que cela implique, y compris financières, pour les associations.
Dans ces circonstances, les apports de ce texte sont à saluer. Nous voterons cette proposition de loi, tout en continuant à travailler, avec tous ceux qui le souhaitent – je sais qu’ils sont nombreux ici –, sur le statut de bénévole, qui doit être mieux reconnu et valorisé, pas seulement dans les discours, mais aussi dans les actes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Claude Kern. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon propos en saluant cette proposition de loi et son auteur, Sylvain Waserman, présent en tribune. Ce texte permet de poser et d’examiner des mesures concrètes au bénéfice du monde associatif, largement malmené, qui connaît aujourd’hui une réelle carence d’engagement. Je remercie également notre rapporteur, Pierre-Antoine Levi, de son excellent travail.
Pour la commission d’enquête de l’Assemblée nationale chargée, en 2014, d’étudier les difficultés du monde associatif, le renouvellement des dirigeants bénévoles est la première difficulté recensée par les associations : 53 % d’entre elles indiquent avoir du mal à renouveler leurs instances dirigeantes. Rappelons que les ressorts principaux de l’engagement sont avant tout la volonté d’être utile à autrui et à la société, de lutter contre les injustices. Les valeurs essentielles en sont la fraternité et la solidarité. Mais les bénévoles d’aujourd’hui, sur qui repose largement le fonctionnement des associations, souhaitent aussi que leur engagement leur apporte un épanouissement personnel et qu’il donne un sens à leur vie.
Pour ces raisons, le mode de fonctionnement des associations et l’appétence à s’engager se devaient d’être interrogés.
En ce qu’elles jouent un large rôle de vecteurs de lien social, synonymes de cohésion territoriale et sociétale, il était important que les associations, qui pallient aussi parfois les manquements de l’État en jouant un rôle de service public, et le monde associatif en général soient l’objet du texte qui nous préoccupe aujourd’hui afin de corriger ce biais carentiel d’engagement.
Nous le savons, le fonctionnement des associations repose largement sur le bénévolat, qui en est la véritable « matière première », gage de leur pérennisation. L’un des maillons essentiels en est d’ailleurs le dirigeant bénévole, qui, outre un engagement sans faille en termes de disponibilité, doit notamment disposer de compétences solides en matière fiscale et juridique, eu égard aux responsabilités dont il est débiteur. Il était donc primordial de lutter contre une insécurité juridique délétère et de lui offrir un cadre stable en atténuant sa responsabilité financière en cas de faute de gestion due à de simples négligences.
Je salue l’abondement du FDVA, qui va dans le bon sens. Je rappelle que le Haut Conseil à la vie associative estime à 100 millions d’euros les sommes qui pourraient ainsi être mobilisées.
Par ailleurs, et de manière plus large, cette proposition de loi vise à favoriser l’engagement associatif auprès des plus jeunes en permettant la mise en place d’un module théorique et d’un support méthodologique pour aider les enseignants dans la présentation de la vie associative et aider ainsi les élèves de collège et de lycée à s’engager et à développer une fibre d’engagement citoyen. En effet, c’est bien d’éveil dont il est question : il faut que nos jeunes aient une réelle connaissance et soient largement sensibilisés à ce type d’organisation, en leur permettant de s’engager pour une cause et de faire vivre une passion.
Malgré les engagements positifs de cette proposition de loi, la fatalité de l’existant est réelle et de nombreux points restent en suspens et doivent nous interroger en termes de viabilité, d’efficacité et de pérennisation de la vie associative.
Le secteur associatif a été rudement éprouvé par les mesures prises depuis le début du quinquennat avec le retrait des contrats aidés, la diminution des moyens publics, l’impact sur la générosité de la suppression de l’ISF et les conséquences de la crise sanitaire. À cela s’ajoutent, de façon plus structurelle, des complexités et tracasseries administratives associées à une valorisation timorée de l’engagement associatif.
Tous ces aspects continueront de peser négativement sur l’engagement associatif et de grever les actions mêmes des associations. Or il faut justement répondre aux besoins spécifiques de toutes les associations : celles qui emploient plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de salariés, mais aussi les plus petites, qui jouent souvent un rôle décisif dans la vie économique et sociale au niveau local. Lors de l’examen de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » du projet de budget pour 2021, j’ai largement pointé le manque, à la fois, de signal positif et d’une ligne politique claire de la part du Gouvernement en direction du milieu associatif.
Il est d’une impérieuse nécessité de développer une reconnaissance de l’engagement associatif au-delà de ce qu’il est aujourd’hui possible de faire et qui, je le précise, est très largement méconnu. À ce titre, je regrette la suppression, en deuxième lecture, à l’Assemblée nationale, de deux ajouts du Sénat, à savoir l’allégement des contraintes des associations quant au nombre de stagiaires qu’elles peuvent accueillir et la reconnaissance du caractère d’intérêt général des associations par le préfet.
Malgré cela, et dans un souci de pérenniser rapidement les avancées qu’offre cette proposition de loi, le groupe Union Centriste, au nom duquel j’interviens aujourd’hui, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi en faveur de l’engagement associatif.
(La proposition de loi est adoptée.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux un bref instant.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures dix-neuf, est reprise à douze heures vingt et une.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
œuvres culturelles à l’ère numérique
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié et d’un projet de loi organique dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique (projet n° 523, texte de la commission n° 558 rectifié, rapport n° 557) et du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (projet n° 522, texte de la commission n° 559, rapport n° 557).
La procédure accélérée a été engagée sur ces textes.
Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, soumis à votre examen aujourd’hui, poursuit trois objectifs clairs : la protection des œuvres et des retransmissions sportives, à travers le renforcement de la lutte contre le piratage ; la modernisation de la régulation des contenus ; la préservation de l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises. Il s’inscrit dans une démarche globale de réforme du secteur audiovisuel, lancée par le Président de la République depuis 2017.
Vous le savez, cette réforme devait initialement prendre forme à travers le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, porté par mon prédécesseur Franck Riester et présenté en conseil des ministres en décembre 2019. La crise sanitaire et le bouleversement du calendrier parlementaire n’ont pas permis de poursuivre le processus législatif de ce texte. Je sais qu’il est très attendu par le Sénat, qui compte beaucoup d’experts des enjeux audiovisuels.
Malgré la suspension de l’examen de ce texte, l’ambition du Gouvernement est restée intacte.
Tout d’abord, grâce à la promulgation de la loi portant diverses dispositions d’adaptation du droit de l’Union européenne, dite « Ddadue », le Gouvernement est habilité à transposer plusieurs directives européennes importantes par voie d’ordonnances. Très attendues par les professionnels, les ordonnances permettent d’accélérer leur mise en œuvre.
L’ordonnance relative aux services de médias audiovisuels a été promulguée le 21 décembre dernier. Son décret d’application, dit « décret SMAD », sera publié très prochainement. Conformément à l’engagement du Président de la République, les plateformes étrangères qui ciblent notre territoire contribueront au financement de la création cinématographique et audiovisuelle française dès 2021.
Les ordonnances permettant de transposer la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique et la directive dite « Câble et satellite » sont en cours. J’ai ainsi présenté en conseil des ministres, la semaine dernière, une première ordonnance permettant de transposer les articles 17 à 23 de la directive Droit d’auteur. Deux autres suivront très prochainement.
Ensuite, la transformation de l’audiovisuel public, si elle ne se fait plus par voie législative, se poursuit : les objectifs de renforcement des coopérations entre les différentes entreprises ont été confirmés dans les contrats d’objectifs et de moyens de ces sociétés, que j’ai signés voilà quelques semaines.
Enfin, il restait un certain nombre de dispositions urgentes et consensuelles qui nécessitaient un véhicule législatif. Or, vous le savez, ce n’était pas gagné d’avance : dans un calendrier parlementaire particulièrement encombré, j’ai réussi à obtenir le temps nécessaire pour présenter ce projet de loi devant le Parlement – nous y sommes ! Il s’agit donc du projet de loi, resserré et recentré, relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Trois enjeux forts structurent ce texte.
Le premier est le renforcement de la lutte contre le piratage. Ces dispositions trouvent une acuité renforcée en raison des pratiques culturelles actuelles, mais aussi dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons. L’offre numérique culturelle a été fortement sollicitée pendant cette période, confirmant la tendance qui se dégage depuis une dizaine d’années. Mais cette forte augmentation de la consommation de biens culturels dématérialisés s’est accompagnée d’une hausse des pratiques illicites, ce qui justifie d’autant plus les dispositions prévues par ce projet de loi.
La lutte contre le piratage se voit renforcée par plusieurs dispositions qui ciblent, non pas les internautes, mais les sites internet qui tirent un profit commercial de la mise en ligne d’œuvres, en violation des droits des créateurs. Le projet de loi prévoit ainsi que soit dressée une « liste noire » des sites internet dont le modèle économique repose sur l’exploitation massive de la contrefaçon. Il permet également de lutter plus efficacement contre les « sites miroirs », c’est-à-dire ceux qui reprennent en totalité ou de manière substantielle les contenus d’un site jugé illicite. C’est la philosophie de ce texte.
Parallèlement, le Gouvernement et les ayants droit s’attachent à tirer le meilleur parti des outils juridiques existants, notamment de « l’action en cessation », qui permet de faire bloquer ou déréférencer, par les fournisseurs d’accès ou les moteurs de recherche, les sites pirates. Cette collaboration est particulièrement fluide avec les moteurs de recherche. Elle l’est moins avec les fournisseurs d’accès, ce qui est à la fois regrettable et paradoxal de la part d’opérateurs nationaux, mais j’ai bon espoir qu’elle progresse rapidement.
Vous comprendrez donc l’opposition du Gouvernement à l’introduction d’un dispositif de transaction pénale. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’en débattre longuement, mais je veux appeler à la prudence sur ce sujet. Outre le fait que le succès de cette transaction n’est pas garanti, le niveau de sensibilité du grand public sur la question de la répression des pratiques des internautes reste élevé, et ce dispositif toucherait surtout notre jeunesse, qui connaît déjà de grandes difficultés en raison de la crise sanitaire.
Le projet de loi prévoit également un dispositif spécifique de référé pour lutter contre le piratage sportif : il exige la mise en place de mesures adaptées, qui tiennent particulièrement compte de l’urgence inhérente aux retransmissions audiovisuelles en direct de manifestations sportives. C’est pourquoi le projet de loi instaure un mécanisme ad hoc de référé, susceptible de produire des effets dans la durée.
Le deuxième enjeu est de moderniser la régulation des contenus audiovisuels et numériques. Pour mener à bien ces nouvelles missions en matière de lutte contre le piratage, mais aussi pour mieux accommoder la convergence progressive de l’audiovisuel et du numérique, le texte fusionne la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet et le Conseil supérieur de l’audiovisuel en une nouvelle autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, l’Arcom.
Ce nouveau régulateur sera compétent sur l’ensemble du champ de la régulation des contenus audiovisuels et numériques, qu’il s’agisse de lutter contre le piratage, de protéger les mineurs ou de défendre les publics contre la désinformation et la haine en ligne. Il sera aussi mieux armé et plus efficace avec des missions élargies et des pouvoirs de contrôle et d’enquête étendus.
La composition de son collège doit également être adaptée. Vous le savez, le Gouvernement est très attaché à la présence de deux magistrats, non pas par idéologie, mais parce qu’elle est indispensable au bon fonctionnement de la future autorité. Ces magistrats seront notamment chargés de mettre en œuvre la réponse graduée, qui est une procédure prépénale, aujourd’hui confiée, d’ailleurs, à des magistrats.
Compte tenu de la sensibilité des atteintes à la vie privée et à la liberté de communication que peut impliquer la réponse graduée, cette présence paraît indispensable. Plus largement, le renforcement des missions du régulateur en matière de régulation des contenus en ligne, que ce soit en matière de fausses informations ou de contenus haineux, engagé par plusieurs textes nationaux et européens, justifie pleinement que le collège de l’Arcom puisse bénéficier de l’expertise de deux membres magistrats.
Les préoccupations que vous avez exprimées en commission sur le nombre de désignations par le Parlement sont également légitimes. En tant qu’ancienne parlementaire, je ne peux qu’y être sensible. Nous aurons un débat sur cette composition, mais je crois vraiment que nous pouvons converger sur cette question, et des amendements ont été déposés en ce sens par certains d’entre vous.
Enfin, le troisième enjeu auquel répond ce texte est la protection de l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises.
Les catalogues de nos œuvres cinématographiques et audiovisuelles constituent notre patrimoine. Le public a aujourd’hui la garantie d’avoir accès aux œuvres françaises, car les producteurs, établis en France, qui les possèdent sont tenus à une obligation de « recherche d’exploitation suivie » : elle leur impose de conserver les supports des œuvres en bon état et de fournir leurs meilleurs efforts pour que l’œuvre puisse être exploitée et, donc, vue par le public, en France et à l’étranger.
Or il existe aujourd’hui le risque que de grandes sociétés de production ou simplement leurs catalogues soient rachetés par des entreprises éloignées de tout objectif culturel et non soumises à l’obligation de recherche d’exploitation suivie, comme des fonds d’investissement, notamment étrangers. Ces acheteurs pourraient décider de retirer temporairement du marché certaines œuvres, pour en faire monter les prix, ou décider d’exploiter seulement les films les plus rentables d’un catalogue et laisser les autres en déshérence.
L’article 17 du projet de loi étend donc à toutes les personnes qui rachètent une ou plusieurs œuvres françaises l’obligation de recherche d’exploitation suivie, qui existe aujourd’hui uniquement pour les producteurs établis en France. Il prévoit également que tout projet de cession d’œuvre doit faire l’objet d’une notification préalable auprès des services du ministère de la culture, au moins six mois avant la date de l’opération envisagée. Ces six mois permettront de vérifier que l’acheteur présente bien toutes les garanties pour assurer la recherche d’exploitation suivie. Si ce n’est pas le cas, certaines obligations garantissant l’exploitation suivie des œuvres françaises de ces catalogues peuvent lui être imposées.
Cet article est vraiment important pour préserver notre souveraineté culturelle. Reste que j’ai entendu les craintes exprimées par certains producteurs. Le Gouvernement proposera donc d’apporter quelques précisions par voie d’amendement afin d’y répondre.
Ces trois chapitres sont donc étroitement liés entre eux. La lutte contre le piratage et la protection des catalogues participent d’un même objectif de défense de notre création culturelle. Elles visent à permettre au public d’accéder aux œuvres dans des conditions respectueuses des droits des créateurs. Or il faut un régulateur solide et puissant pour mettre en œuvre les nouveaux outils innovants et ambitieux de lutte contre le piratage. La création de l’Arcom marque la volonté, à la fois, de passer à la vitesse supérieure dans la lutte contre les sites pirates et d’inscrire cette action dans une politique plus large de régulation des contenus en ligne.
Vous avez souhaité en commission élargir le périmètre du projet de loi à différents enjeux, comme la distribution des chaînes, les procédures d’autorisations d’émettre ou les seuils anti-concentration. Vous soulevez des questions légitimes, et je suis tout à fait prête à en débattre avec chacune et chacun d’entre vous durant les prochaines heures.
En revanche, et je vous l’ai indiqué très clairement lors de mon audition le 13 avril dernier, il est indispensable de rester sur un projet de loi cohérent et resserré. Cohérent autour des trois objectifs énumérés : la lutte contre le piratage, la modernisation de la régulation et la protection des œuvres culturelles. Resserré, avec un nombre d’articles limité pour permettre la poursuite du processus législatif et l’adoption définitive du projet de loi dans le temps parlementaire imparti. J’aurai donc systématiquement, au cours de nos débats, une attention particulière au respect du périmètre initial du texte.
Je souhaite également évoquer France 4 et la décision prise par le Président de la République de son maintien.
Je veux saluer l’engagement de l’ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, à ce sujet. Vous avez été nombreux à exprimer vos inquiétudes et votre soutien au maintien d’une chaîne jeunesse, qui a su se réinventer et faire la preuve de son utilité.
Ce maintien est avant tout une excellente nouvelle pour les plus jeunes téléspectateurs et leurs parents, puisqu’ils pourront continuer à regarder une chaîne de service public proposant des programmes dédiés aux enfants, sans publicité. C’est aussi une excellente nouvelle pour l’animation et la création françaises, qui continueront ainsi d’être exposées quotidiennement sur France 4.
En outre, la nouvelle offre de France 4, depuis le 3 mai dernier, combine une programmation jeunesse et éducative en journée et une programmation culturelle en soirée. Cette nouvelle offre en soirée permet de capitaliser sur le succès de la chaîne éphémère Culturebox, qui a su toucher son public en donnant à la scène française une exposition inédite. Cela permettra de continuer à exposer le spectacle vivant sous toutes ses formes le soir, pour donner envie au public d’aller à la rencontre de nos artistes et de toutes nos esthétiques sur scène.
Avant de conclure, je voudrais revenir sur le travail mené avec M. le rapporteur au cours des dernières semaines. Ce n’est pas une surprise, nous avons et nous aurons encore, probablement, à l’issue de ces débats, des désaccords. Malgré ces divergences, je crois pouvoir dire que nous avons eu un dialogue de qualité, avec nos équipes respectives, permettant des échanges réguliers, nourris et francs. Je ne peux que m’en réjouir.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ce texte est très important. Il apporte des réponses concrètes à trois enjeux majeurs dans le domaine de la communication audiovisuelle : la protection des droits des auteurs, des artistes, des producteurs, des diffuseurs ou des fédérations sportives ; l’organisation de notre régulation, qui doit être rationalisée et modernisée ; enfin, la défense de l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises, dans un contexte où la demande d’œuvres n’a jamais été aussi forte. Il rassemble des dispositions consensuelles et attendues par les professionnels. J’espère donc qu’il recevra un large soutien dans cet hémicycle.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’oserai dire que nous revenons de loin. Il y a une semaine, notre commission examinait un projet de loi au contenu, certes, utile, mais très modeste compte tenu des enjeux auxquels est confronté le secteur des médias. La semaine écoulée a vu le groupe TF1 annoncer sa fusion avec le groupe M6, le géant Amazon rendre public le rachat du studio MGM et Warner se rapprocher de Discovery.
Ces grandes manœuvres confirment l’accélération des changements dans un secteur où les Américains sont en train de préempter l’offre de plateformes, tandis que les Européens peinent à s’organiser, empêtrés qu’ils sont dans des réglementations hors d’âge. Si le millésime 1986 est probablement très appréciable pour certains breuvages élevés en fûts de chêne, il en est très différemment en matière d’audiovisuel. En effet, il est des lois très opportunes lors de leur adoption, mais qui vieillissent mal.
Madame la ministre, le projet de loi déposé au Sénat était, à l’évidence, en retard de plusieurs guerres. Il comprenait, certes, des mesures utiles sur la régulation et la lutte contre le piratage, mais rien sur la gouvernance de l’audiovisuel public, malgré l’excellent travail de Franck Riester, votre prédécesseur, qui s’inspirait de nos propositions de 2015, rien sur la réforme de la contribution à l’audiovisuel public, rien sur la réglementation de la production. Vous pouvez certes évoquer la directive SMA, qui prévoit de mettre à contribution les plateformes pour les obliger à investir dans la production française, mais, si cette avancée devrait profiter aux producteurs, elle ne s’accompagne d’aucune modernisation réelle du cadre réglementaire qui s’impose aux chaînes de télévision, sauf à se satisfaire des ajustements modestes prévus par le décret TNT en cours de négociation.
Notre commission de la culture a fait de nombreuses propositions depuis une dizaine d’années pour permettre de moderniser le cadre juridique défini en 1986, quand il n’y avait que six chaînes, une myriade de producteurs fragiles, pas d’internet et encore moins de Netflix. Le cadre adopté à l’époque réservait les droits des programmes aux producteurs et les fréquences aux chaînes. Ce « Yalta » ne correspond évidemment plus du tout à la situation actuelle, dans laquelle les diffuseurs, pour survivre, doivent pouvoir transformer leurs investissements en patrimoine et maîtriser leurs catalogues pour les mettre en valeur sur tous les supports et à l’international.
Compte tenu des échéances électorales à venir en 2022, il ne sera pas possible de discuter d’une nouvelle loi audiovisuelle avant 2023, voire 2024. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui constitue donc la dernière opportunité pour permettre de redonner un peu d’air aux entreprises françaises de l’audiovisuel. Que contient ce projet de loi ?
La principale disposition du texte concerne le rapprochement entre le CSA et la Hadopi, pour créer l’Arcom, le grand régulateur des médias et du numérique. II s’agit d’une avancée, même si la composition du collège prévue par le texte ne peut nous satisfaire puisqu’elle minore le rôle du Parlement. Nous discuterons d’un amendement de compromis qui devrait permettre de résoudre ce problème.
Le deuxième apport de ce projet de loi concerne la lutte contre les différentes pratiques de piratage, qu’il s’agisse des contenus culturels ou sportifs. C’est sans doute là l’aspect le plus intéressant de ce texte et celui qui recueille notre assentiment le plus large, d’autant que notre commission a été pionnière pour accompagner la prise de conscience d’une nécessaire action législative en la matière.
Le troisième apport important du projet de loi aurait dû être constitué par l’article 17 relatif au contrôle de la cession des catalogues. La disposition envisagée dans l’avant-projet de loi laissait penser qu’un dispositif protecteur pour notre exception culturelle allait pouvoir être adopté. Malheureusement, l’examen par le Conseil d’État de cette disposition semble avoir eu raison de cette ambition, laquelle, il faut bien le reconnaître, mettait à mal les droits de propriété.
Au-delà de ces trois dispositions, que devons-nous faire de ce projet de loi ?
Vous souhaitiez, madame la ministre, que nous ne touchions pas au périmètre de ce projet de loi, qui, je le rappelle, a trait à la fois à la régulation du secteur de l’audiovisuel et à l’accès aux œuvres culturelles. Nous avons décidé de traiter ce périmètre, rien que ce périmètre, mais tout ce périmètre.
La régulation de l’audiovisuel ne se cantonne pas à définir les contours de l’Arcom. La régulation, c’est-à-dire l’organisation et le fonctionnement du secteur, renvoie aussi aux règles de concentration, à la réglementation de la production et aux normes techniques de diffusion.
L’accès aux œuvres culturelles ne peut, de la même manière, se limiter à une disposition sur les catalogues de programmes, surtout lorsqu’elle a été largement vidée de son contenu. Cet accès aux œuvres doit aussi concerner l’offre du service public, notamment en programmes de qualité à destination de la jeunesse, ainsi que la capacité des chaînes à maîtriser la diffusion des programmes qu’elles financent.
En somme, le projet de loi devait avoir pour ambition d’aider les acteurs français à répondre au défi que leur lancent les plateformes américaines.
La quinzaine d’articles additionnels adoptés par la commission donne du muscle à ce texte, qui en était fort dépourvu.
Pourrons-nous trouver un accord avec vous, madame la ministre, et avec nos collègues de l’Assemblée nationale ? Permettez-moi de donner mon avis personnel et de répondre par l’affirmative, puisque même le Président de la République semble maintenant être attentif à nos travaux, comme l’illustre son annonce de lundi dernier concernant le maintien de France 4, qui constituait une des mesures emblématiques du texte adopté en commission la semaine dernière.
Mme Catherine Morin-Desailly. Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Alors que le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, sur lequel nous avions émis, ici, au Sénat, un avis défavorable et que vous aviez signé au mois de février, prévoyait encore la suppression de cette chaîne, nous nous réjouissons que le chef de l’État se soit rallié à notre proposition de maintenir une chaîne dédiée à la jeunesse dans la journée et une programmation culturelle en soirée sur le modèle de Culturebox.
M. Max Brisson et Mme Catherine Morin-Desailly. Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Nous espérons maintenant que d’autres rapprochements seront possibles, en particulier concernant l’indispensable rééquilibrage des relations entre les éditeurs de programmes et les producteurs.
Prenons l’exemple du service public de l’audiovisuel. Les chiffres transmis par France Télévisions démontrent que la société publique ne retire quasiment rien des 500 millions d’euros qu’elle consacre chaque année au financement de la création audiovisuelle et du cinéma. Pour une part significative, la contribution à l’audiovisuel public est donc devenue une contribution à la production privée. Je ne suis pas certain que nos concitoyens, qui payent la redevance, soient conscients de financer ainsi des sociétés qui, pour les plus importantes, ne sont même plus détenues par des capitaux français.
Dans le nouveau monde des médias numériques, les chaînes ont besoin de pouvoir continuer à travailler avec les producteurs indépendants – il ne s’agit pas de revenir sur ce point –, mais elles doivent pouvoir conserver des droits à 360 degrés, soit pour développer de nouvelles offres numériques, comme Salto, soit pour se déployer à l’international, comme c’est le cas de Canal+. Le texte adopté en commission vise donc à rétablir l’équité de la concurrence entre les acteurs et à faire confiance à la négociation professionnelle entre ces mêmes acteurs.
Enfin, une troisième mesure très significative, qui figure à l’article 1er du texte, vise à mettre en place une transaction pénale pour les internautes contrevenants. Il s’agit d’une demande qui fait l’unanimité, des ayants droit aux producteurs, en passant par les chaînes. Cette disposition permettra enfin de responsabiliser l’internaute et de bien souligner que le piratage constitue une faute qui n’est pas dépourvue de sanction. J’ai le sentiment que l’adoption de cette mesure donnerait enfin de la densité à ce projet de loi.
Au-delà de ces trois apports majeurs, le texte adopté par notre commission comprend de nombreux ajustements de la loi de 1986 qui visent à rendre plus supportable le report d’une réforme de grande ampleur de cette loi, laquelle ne pourra pas avoir lieu avant 2023, voire 2024.
Plusieurs amendements déposés à l’occasion des échanges en séance publique permettront également d’ouvrir le débat sur des évolutions technologiques en lien avec la TNT.
Le projet de loi tel qu’il pourrait être enrichi à l’issue de nos travaux serait à la fois cohérent et raisonnable compte tenu des attentes des acteurs. Nos propositions constituent une chance pour un secteur qui a de fortes attentes vis-à-vis des pouvoirs publics.
Je forme le vœu que nous puissions faire converger nos analyses, afin de trouver un accord au terme de la procédure législative. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la réforme de l’audiovisuel public était très attendue. Depuis trente ans, les pratiques et les contenus culturels connaissent une forte mutation, sous l’effet de la diffusion du numérique dans nos sociétés. Ces mutations sont porteuses de nouvelles opportunités pour favoriser l’accès à la culture, mais présentent aussi un certain nombre de dérives, notamment la diffusion virale de contenus haineux, de fausses informations et le piratage des contenus.
Le projet de loi présenté par votre prédécesseur, madame la ministre, avait pour ambition de réformer la loi dite « Léotard » du 30 septembre 1986, devenue inadaptée à l’ère numérique, afin d’accompagner la transformation des médias et de protéger les acteurs et les consommateurs des dérives constatées. Cette ambition a été contrariée par la crise sanitaire, ce que nous regrettons, car la préservation de notre souveraineté culturelle nécessite une refonte globale de la gouvernance, du financement et des missions de l’audiovisuel public.
Les transpositions en urgence par voie d’ordonnances de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins et la directive sur les services de médias audiovisuels, ou directive SMA, ont permis d’avancer tant bien que mal sur la voie de la protection de la propriété intellectuelle sur internet et du financement plus équilibré de la création française.
Le projet de loi que nous examinons possède un périmètre très restreint par rapport au texte initial. L’essentiel des mesures proposées porte sur la fusion du CSA et de la Hadopi au sein de l’Arcom, nouvelle autorité publique indépendante aux compétences renforcées. L’autorité sera dotée de deux nouvelles missions : d’une part, créer une liste noire des sites ne respectant pas le droit d’auteur et les droits voisins, afin d’assécher leurs ressources financières, sur la base du modèle américain ; d’autre part, mettre en place un nouveau mécanisme pour lutter contre les sites miroirs, en lien avec les dispositions de la loi Avia. Le régulateur pourra ainsi être saisi pour étendre une décision judiciaire aux sites miroirs et pourra agir sur leur référencement par l’intermédiaire des moteurs de recherche. Le texte dote les futurs agents du régulateur de capacités d’action renforcées pour caractériser les sites contrevenants.
La commission de la culture a significativement renforcé la portée de l’action de lutte contre le piratage de l’Arcom, ajoutant une transaction pénale au mécanisme de réponse graduée. Actuellement, le mécanisme de lutte contre le piratage repose essentiellement sur des mesures pédagogiques, en raison, notamment, de l’encombrement des tribunaux. L’instauration d’une pénalité de 350 euros viendrait mettre un terme au sentiment d’impunité des récidivistes. Cette mesure est très attendue de la part des créateurs de contenus.
Je souhaite également appeler votre attention sur la nécessité de maintenir une chaîne dédiée à la jeunesse. C’est la raison pour laquelle je me réjouis de la décision récente en la matière. France 4 a montré son utilité sociale lors des confinements.
J’évoquerai également le problème de l’augmentation artificielle du nombre d’écoutes sur les plateformes. Cette pratique, loin d’être un phénomène anecdotique, fausse la visibilité des artistes, tout en captant de façon indue les rémunérations. Pour lutter contre ce phénomène de fraude dommageable à l’ensemble de la chaîne de valeur, l’Arcom pourrait se voir confier une nouvelle mission. Tel est le sens des amendements que je vous présenterai.
Je défendrai également un ensemble d’amendements en faveur des radios indépendantes. Les transformations profondes au sein du secteur audiovisuel, accentuées par la crise liée au covid, imposent une réflexion sur la protection des droits des radios et de leur valorisation, afin de sortir d’un modèle tout publicitaire pour les radios commerciales privées.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte, tel qu’il est proposé par la commission de la culture du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le numérique bouleverse nos vies. Le monde de la culture ne fait pas exception.
Ce projet de loi présente quelques évolutions, dont certaines sont bienvenues. Toutefois, je ne peux que souligner son manque d’ambition. Il est difficile de se saisir d’un sujet aussi majeur sur la base d’un texte comme celui-ci, qui laisse de côté des questions cruciales, comme l’évolution de l’audiovisuel public et son financement, mais aussi le partage de la valeur ajoutée entre les acteurs du secteur culturel, ainsi que la juste rémunération des artistes et des auteurs.
Ce débat aurait pu être l’occasion de réfléchir à de nouveaux modèles économiques et de soutenir la production culturelle, afin de favoriser l’accès de tous et de toutes à la culture, dans un monde aux usages numériques grandissants. Dix ans après la création de la Hadopi, il aurait été bienvenu de rouvrir le débat sur la licence globale, à l’aune de ce que nous avons appris pendant cette décennie. Malheureusement, nous ne débattrons pas ici d’une grande loi audiovisuelle. C’est une petite loi, qui introduit essentiellement des ajustements au modèle existant, sans vision politique ambitieuse.
La fusion du CSA et de la Hadopi au sein de l’Arcom a du sens. Mais la loi manque d’une véritable réflexion sur l’évolution des missions et des moyens attribués à cette nouvelle agence de régulation.
S’agissant de ses missions, je regrette que la future Arcom reprenne intégralement celles de la Hadopi. L’ambition du texte est de prioriser et de renforcer la lutte contre les sites contrevenants, ceux qui tirent profit du piratage. C’est plus efficace et plus juste que le ciblage d’internautes individuels.
Les nouveaux moyens prévus dans ce texte pour améliorer la réactivité concernant le blocage des sites sont tout à fait bienvenus. Dès lors, pourquoi conserver le système de la réponse graduée et les « avertissements de la Hadopi » au sein de la nouvelle Arcom ? Ce système est contraire à la philosophie du texte et coûtera plusieurs millions d’euros par an. Surtout, il est inefficace : le nombre de téléchargements en peer to peer détecté par la Hadopi a diminué. Pourquoi ? Parce qu’il est contourné par les internautes avertis et largement compensé par le boom d’autres méthodes de piratage. Nous pourrions être honnêtes, mes chers collègues, et admettre que la réponse graduée de la Hadopi était déjà dépassée au moment de sa création. C’est un système qui prend le problème par le mauvais bout et dont les effets réels sur les revenus du secteur culturel sont, au mieux, très incertains.
Ce projet de loi ne s’attaque pas au problème de la concentration des médias et risque au contraire de le renforcer. Un amendement déposé en commission a relevé le seuil de diffusion des chaînes locales à 30 millions d’habitants, ce qui permettra à certaines chaînes d’information en continu de s’imposer sur la majorité du territoire. Peut-on encore parler de chaînes locales à ce niveau ?
Alors que nous assistons aujourd’hui au projet de fusion entre TF1 et M6, alors que la majorité des médias sont possédés par une poignée de milliardaires, alors que la diversité et l’indépendance sont essentielles pour la démocratie, ce texte n’offre aucune réponse. C’est une occasion manquée.
J’espère que nous en retirerons pourtant quelques évolutions positives, notamment au travers des amendements portant sur l’audiovisuel public, telles que le renforcement de la visibilité des chaînes publiques et, surtout, la pérennisation de la seule chaîne de l’audiovisuel public consacrée à la jeunesse, à savoir France 4, dont la disparition aurait été dommageable pour notre service public.
Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin d’une chaîne publique dédiée à la jeunesse. L’idée de pérenniser le programme Culturebox sur le même canal en soirée est également un geste fort à l’égard des acteurs culturels, particulièrement sinistrés par la crise sanitaire.
Je remercie M. le président de la commission de la culture, Laurent Lafon, ainsi que M. le rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, d’avoir été à l’initiative d’une tribune transpartisane demandant le maintien de France 4. Il semble que cet appel ait été entendu par le Président de la République. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir confirmé aujourd’hui son maintien.
Quoi qu’il en soit, en l’état actuel du texte, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oriente vers une abstention sur ce texte.
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, certes, le texte que nous examinons aujourd’hui ne réforme pas la gouvernance ou le financement de l’audiovisuel public, mais imputer ce fait à un manque de volonté politique du Gouvernement me paraît relever d’une injustice. Au départ, le texte comprenait bel et bien une telle réforme. La crise sanitaire a chamboulé l’agenda parlementaire, nous contraignant à le repenser.
La crise sanitaire a eu pour conséquence d’amplifier certaines tendances et certaines pratiques. Elle a notamment engendré une augmentation inédite des usages du numérique, qu’il s’agisse de l’utilisation de services de streaming, d’achats en ligne ou de recours au télétravail.
Parallèlement, on a observé une hausse sans précédent du piratage audiovisuel. Le 6 mai dernier, une étude de la Hadopi révélait que 12,7 millions d’internautes avaient visité, en 2020, chaque mois, des sites proposant des contenus manifestement contrefaisants. Cela représente, mes chers collègues, près d’un quart des internautes. Le pic a été atteint en mars, lors du premier confinement, avec 14,2 millions d’internautes, soit 27 % du total.
Ces chiffres éloquents témoignent malheureusement de l’incapacité de la Hadopi à lutter contre les nouveaux vecteurs du piratage des contenus audiovisuels.
En d’autres termes, la crise sanitaire nous a conduits à reconsidérer l’ordre des priorités, pour sauver le secteur de l’audiovisuel, dans le cadre d’un calendrier parlementaire fortement contraint.
C’est là précisément l’objet de ce projet de loi, qui fait de la lutte contre le piratage audiovisuel une priorité. Ce texte est donc à la fois un texte d’urgence et un texte pragmatique, qui apporte des solutions innovantes et concrètes. Je pense au dispositif des listes noires que pourra dresser l’Arcom ou à la possibilité pour cette autorité de demander le blocage ou le déréférencement d’un site miroir sur saisine d’un ayant droit lorsqu’il existe une décision passée en force de chose jugée. Vous le savez, les sites miroirs, c’est-à-dire la reproduction exacte d’un autre site pour contourner une décision judiciaire, sont aujourd’hui un fléau contre lequel nous ne parvenons pas à lutter, faute d’instrument législatif adéquat.
Je citerai également, sans prétention à l’exhaustivité, le dispositif spécifique du référé que crée ce projet de loi pour lutter contre le piratage sportif, ainsi que les dispositions sur les droits voisins et sur la protection de nos catalogues : une série de dispositions à la fois efficaces, utiles et attendues par le secteur.
La commission de la culture a enrichi ce texte ; certains ajouts nous paraissent bienvenus. C’est le cas, par exemple, des dispositions qui maintiennent l’attractivité de la TNT. D’autres ajouts nous semblent au contraire inopportuns, comme l’instauration d’une transaction pénale. Nous aurons certainement un débat tout à l’heure sur ce point : notre volonté est de sanctionner, d’empêcher, de prévenir l’existence des sites contrevenants, les sites miroirs notamment, mais pas de nous en prendre aux internautes eux-mêmes.
De la même manière, l’éviction des deux magistrats initialement prévus par le projet de loi dans le collège de l’Arcom ne nous paraît pas pertinente. J’ai proposé à ce titre un amendement de compromis. Monsieur le rapporteur, vous avez bien voulu le mentionner, affirmant qu’un chemin existait ; proposer une solution, pour la Haute Assemblée, cela me paraît bénéfique. Certes, nous en sommes à la première lecture, mais cela n’empêche pas le Sénat d’avancer de manière équilibrée sur ce sujet en proposant dès maintenant une solution qui pourra être reprise par l’Assemblée nationale. Je souhaite que nous y parvenions, et j’en accepte l’augure.
J’aimerais rappeler enfin que ce texte s’adresse évidemment d’abord et avant tout aux créateurs, aux artistes, à la production intellectuelle et artistique, qu’il faut protéger. Coco Chanel disait, d’une formule fameuse : « Volez mes idées, j’en aurai d’autres. » Mais, en l’espèce, il ne s’agit pas d’idées : il s’agit d’œuvres. Une idée, on la lance, elle peut être reprise. Là où il s’agit d’œuvres et de création, en revanche, à défaut d’une protection renforcée, il existe, dans un monde qui fait la part belle au piratage audiovisuel, un risque d’appauvrissement : appauvrissement de la qualité artistique, de la diversité et du rayonnement audiovisuel, artistique et même intellectuel de la France.
Pour lutter contre un tel risque d’appauvrissement, ce texte, en ce qu’il renforce la lutte contre le piratage, est extrêmement utile ; il est en outre extrêmement attendu par tous les créateurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication demeure la grande référence du cadre régissant la défense des libertés de communication, le pluralisme de l’information ou encore la qualité des contenus audiovisuels. Entre-temps, cependant, la révolution numérique est passée par là, avec ses incroyables possibilités mais aussi ses dangers. En effet, d’un côté, le monde numérique a ouvert un potentiel immense en matière de diffusion et d’accès à l’information. De l’autre, il a ouvert la porte à de nouveaux acteurs dont il faut réguler l’activité, ainsi qu’au développement d’usages malveillants qu’il faut contrer.
Dans ce nouveau monde, l’équilibre des industries culturelles est bouleversé. Je pense en particulier à la question du droit de la propriété intellectuelle, qu’il faut régulièrement adapter et protéger face aux évolutions technologiques. Ce droit est essentiel : son respect est une condition tant de la viabilité économique de certains médias que de la survie de la création française.
Nos collègues rapporteurs l’ont rappelé : le Parlement attendait un grand projet de loi concernant l’ensemble du secteur audiovisuel. Las, le premier confinement est venu stopper cette ambition. Dans ces conditions, on pourrait regretter la modestie du texte qui nous est soumis aujourd’hui. Considérons néanmoins qu’il constitue une étape, d’autant plus que le numérique a la particularité de générer des mutations en permanence et d’attirer chaque jour un peu plus son public. Près d’un Français sur six pratique déjà le « tout numérique » en matière culturelle. Netflix compte aujourd’hui plus d’abonnés que Canal+, et ce n’est sans doute qu’un début…
Par ailleurs, cela a été dit, je rappellerai que la directive du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins et celle du 14 novembre 2018 sur les services de médias audiovisuels, dont nous avons approuvé la transposition en droit français, offrent des avancées notables, parmi lesquelles la contribution des plateformes en ligne à la production d’œuvres européennes.
Aussi, mes chers collègues, le RDSE se réjouit-il des différents dispositifs proposés dans le cadre du présent projet de loi, qui renforceront l’arsenal existant. Nous accueillons notamment de manière favorable la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, qui va donner naissance à l’Arcom ; pourvu que cette nouvelle autorité dispose des moyens nécessaires de sa politique. À cet égard, je relève que la commission est allée dans le bon sens en prévoyant l’élargissement des pouvoirs d’enquête des agents de l’Arcom. Un tel élargissement est nécessaire au regard de modes de piratage toujours plus astucieux, tels que les sites miroirs.
Si l’on observe globalement une baisse du piratage grâce à la mobilisation des pouvoirs publics, on sait que les pratiques illicites concernant le sport sont en revanche en hausse. Je salue à ce titre le travail effectué par la commission dans le domaine du sport, la consolidation de l’article 3 visant à lutter contre le piratage des retransmissions en direct. Nous savons combien le sport a souffert des conséquences de la pandémie, entre la disparition des recettes de billetterie et la baisse du nombre d’adhésions – et je ne parle pas de la crise des droits TV, qui affecte particulièrement le football français.
Le dispositif de protection de l’accès du public aux œuvres audiovisuelles et cinématographiques est également une bonne chose. Le nécessaire équilibre entre droit de propriété et conservation du patrimoine français semble trouvé.
Il est en revanche regrettable que la question de l’audiovisuel public soit absente du texte, malgré les quelques apports de la commission. Il faudra s’attaquer au problème de la place du service public, de son organisation, de son contenu et de son financement, si l’on souhaite que celui-ci survive dans un paysage audiovisuel de plus en plus pléthorique.
Mes chers collègues, en attendant d’autres réformes qui seront inévitables, ce projet de loi apportera quelques outils qui permettront de mieux garantir la souveraineté et l’exception culturelle de notre pays. Le groupe du RDSE votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, du projet de loi déposé par le Gouvernement à la fin de l’année 2019 et discuté à l’Assemblée nationale l’an dernier, il ne reste plus grand-chose. Je sais que la majorité sénatoriale – elle a commencé à le faire en commission – va intégrer certaines dispositions du projet de loi présenté par le précédent ministre de la culture. Il reste donc principalement trois éléments.
Premièrement, la fusion du CSA et de la Hadopi au sein de l’Arcom est logique à bien des égards, puisque le CSA se voit confier une mission de régulation d’internet.
Toutefois, trois doutes persistent.
Tout d’abord – c’est une rumeur persistante –, cette fusion pourrait n’être qu’une étape avant la création d’un super-régulateur médiatique, l’Arcep ayant déjà été enrichie voilà deux ans. Une telle usine à gaz poserait des problèmes pratiques et logistiques, mais aussi philosophiques.
Ensuite, il me semble dangereux de transférer au CSA un outil qui fait toujours l’objet de recours devant le Conseil d’État et la Cour de justice de l’Union européenne.
Enfin, la régulation d’internet par le CSA n’est pas sans poser question, le CSA ne délivrant pas d’autorisation préalable de diffusion.
Deuxièmement, concernant la création d’un mécanisme de protection des œuvres culturelles françaises, la directive européenne SMA va obliger les plateformes comme Netflix à participer à la création ; c’est une bonne chose. Cela ne doit pas pour autant leur servir d’excuse pour multiplier les droits exclusifs sur les contenus sans en assurer l’exposition. Si le dispositif prévu va dans le bon sens, il pèche selon moi à deux égards.
Tout d’abord, je regrette que le Conseil d’État ait dissuadé le Gouvernement d’aller plus loin en l’autorisant à bloquer une vente par un mécanisme d’autorisation préalable. Ensuite, me semble-t-il, il faudra bien que l’on pose, à un moment, la question de l’accessibilité des contenus.
Troisièmement, concernant la lutte contre le piratage, plus que celui du piratage en tant que tel, c’est bien le problème du manque à gagner financier qui doit être traité. J’avais évoqué ce sujet en commission en prenant l’exemple de la NBA, qui a décidé d’arrêter sa lutte contre le piratage, faisant le calcul que cette pratique lui rapportait en définitive de l’argent.
Nous avons conscience d’être à la croisée des chemins. La télévision connaît aujourd’hui ce qu’ont connu jadis, en leur temps, le théâtre et, dans une moindre mesure, le cinéma : l’arrivée de concurrents féroces et le détournement d’une partie de son audience.
Le service public de l’audiovisuel, victime de coupes budgétaires de plus en plus importantes, se retrouve en grande difficulté face à ces nouveaux acteurs, mais aussi face à un secteur privé bien mieux armé. Tout communiste que je suis, je ne peux d’ailleurs que regretter que le secteur privé de l’audiovisuel soit lui aussi aux abois devant les coups de boutoir qu’il subit.
On le voit bien, les choses avancent, et pas dans le bon sens. Certains pensent qu’en se réunissant ils constitueront des empires à même de concurrencer les nouveaux acteurs de l’audiovisuel. Ainsi, Vincent Bolloré veut se rapprocher d’Europe 1 ; la fusion entre TF1 et M6, ces derniers jours, va dans le même sens.
Cette stratégie est perdante sur tous les tableaux, et ce d’autant plus que des initiatives de coopération pourraient tout à fait exister. Salto, bien que largement perfectible, en est un parfait exemple.
Elle est perdante face aux géants Netflix, Discovery ou Disney+, qui auront toujours la puissance financière pour écraser ces empires. En 2021, Netflix va investir 19 milliards de dollars dans ses productions, soit cinq fois plus que le chiffre d’affaires cumulé des groupes TF1 et M6…
Elle est perdante face aux nouveaux acteurs comme YouTube et Twitch, qui, par ailleurs, appartiennent aux géants financiers Google et Amazon, et elle l’est pour deux raisons. Ces acteurs attirent une nouvelle audience, la jeunesse, et ont su se renouveler. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si toutes les chaînes de télévision possèdent aujourd’hui une chaîne YouTube. Surtout, ces plateformes sont venues combler pour partie le vide qu’on ne peut que regretter dans l’audiovisuel traditionnel, ou y apporter un coup de frais. Arte et France Télévisions ont été en la matière précurseurs en intégrant tout récemment à leur grille de programmes des vulgarisateurs et vulgarisatrices scientifiques et historiques reconnus et en leur laissant une liberté de ton.
La volonté acharnée d’aseptiser l’audiovisuel en créant des empires unis par une seule ligne éditoriale va totalement à contre-courant de ce que recherche aujourd’hui la majorité de nos concitoyens, sans donner pour autant aux intéressés les moyens de lutter économiquement.
Au vu de tous ces éléments, et sous réserve du sort qui sera réservé à nos amendements, notre groupe s’abstiendra en retenant notamment, parmi les dispositions du texte, la protection des catalogues. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il était attendu depuis longtemps ! C’était un engagement du Président de la République, et, après bien des difficultés, Franck Riester avait fini par convaincre de le faire inscrire à l’ordre du jour. Pourtant, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, à même d’armer notre audiovisuel, public comme privé, pour lui permettre de relever les défis générés par le nouveau monde, numérique a été abandonné au milieu du gué, en pleine procédure parlementaire. Bien sûr, on peut arguer de la crise sanitaire ; mais, précisément, les conséquences de celle-ci sur les usages et l’accélération observée des mutations en cours dans le secteur audiovisuel n’ont fait que renforcer le besoin de se remettre à jour par rapport à la loi du 30 septembre 1986, texte conçu pour le monde hertzien.
Lors du colloque que notre commission avait organisé en juillet 2018, intitulé « Comment réenchanter l’audiovisuel public à l’heure du numérique ? », alors que la réforme, celle de la redevance notamment, avait déjà été menée dans leurs pays respectifs, les représentants des audiovisuels publics européens, peinant à comprendre le retard pris chez nous, nous avaient dit attendre beaucoup de la France, jugée comme une référence dans son combat pour l’exception culturelle. Quelle déception !
Si, par esprit de responsabilité devant l’urgence à laquelle était confronté le secteur, madame la ministre, nous avons accepté l’été dernier, avec l’ensemble de mes collègues, la transposition des directives européennes SMA et sur le droit d’auteur et les droits voisins, c’était bien dans la perspective d’un vrai débat, que nous estimons nécessaire, sur l’avenir de l’audiovisuel et de la création. Je salue à cet égard l’implication forte des sociétés d’auteurs, qui a permis la mobilisation organisée à Bruxelles aux côtés des parlementaires pour faire adopter ces directives.
Avec l’abandon de la réforme de la gouvernance, le groupe Union Centriste regrette le retard qui va continuer à être pris alors que la concurrence s’intensifie, que les nouveaux formats et offres se multiplient, que partout le paysage se recompose pour mieux aborder les défis du siècle. L’actualité récente, marquée par le rapprochement de TF1 et de M6, nous le rappelle encore, si besoin était !
Plus encore, nous réprouvons l’abandon de la réforme de la contribution à l’audiovisuel public que Franck Riester avait pourtant promise pour 2021 au plus tard. Cette réforme différée est non seulement nécessaire pour faire évoluer l’assiette d’une redevance devenue injuste, les supports de diffusion ayant considérablement évolué, mais aussi pour prévenir la chute attendue de son rendement. Tout cela, je le disais déjà en 2011 dans un rapport sur l’avenir du financement de France Télévisions, et mes collègues Jean-Pierre Leleux et André Gattolin ne disaient pas autrement en 2015.
Pour couronner le tout, avec la suppression de la taxe d’habitation, nous n’avons plus aucune visibilité sur une ressource pérenne qui constitue par ailleurs la principale garantie d’indépendance, nécessaire pour développer des projets dans la durée. Franchement, il aurait été raisonnable d’assurer le modèle économique de notre audiovisuel public, qui concerne cinq entreprises et des milliers d’emplois directs et indirects, avant les échéances électorales de l’année prochaine.
Vous comprendrez donc que je ne puisse que joindre ma voix à celle de notre rapporteur, dont le constat est alarmant.
Bien entendu, nous souscrivons aux dispositions du texte portant création de l’Arcom. Ce projet de loi contient en effet des dispositions fondamentales et attendues afin de mieux lutter contre le piratage et pour la protection des auteurs. Je fais partie des parlementaires qui ont vécu, ici même, les balbutiements d’une législation visant à protéger les auteurs et la création à l’ère du numérique, à savoir la loi Dadvsi et les lois Hadopi 1 et Hadopi 2, qui semblent presque, aujourd’hui, relever de la préhistoire.
Alors que la technologie continue à déployer sa puissance transformatrice et que l’ingéniosité des contrevenants n’a pas de limites, il paraît naturel d’améliorer notre législation et de faire évoluer nos autorités de régulation, promises à de plus larges missions. Nous entretenons d’ailleurs des échanges réguliers avec les présidents de ces autorités, qui sont souvent auditionnés, ne serait-ce qu’à l’occasion de leur bilan annuel. À plusieurs reprises, les présidents de la Hadopi et du CSA, mais également de l’Arcep et de la CNIL ont été entendus ensemble afin que nous puissions mesurer les convergences et rapprochements souhaitables pour plus d’efficacité. Je profite de cet instant pour saluer le remarquable travail de l’ancien président de la Hadopi, Denis Rapone, dont le mandat parvenait à échéance en janvier dernier.
Compte tenu de l’évidence de certaines synergies, je regrette, comme notre rapporteur, que le lien avec l’Arcep ne soit pas sanctuarisé dans ce texte.
Notre groupe aura contribué à plusieurs améliorations visant à rendre l’Arcom plus efficace en matière de lutte contre le piratage. Celui-ci demeure en effet un fléau eu égard au manque à gagner pour la création, mais également à la perte afférente d’investissements dans le sport ; sur ce sujet, rappelons que la commission a été précurseur en organisant très tôt des tables rondes sur le piratage sportif et en émettant des propositions fortes. C’est ainsi qu’en commission, avec mes collègues Pierre-Antoine Levi, Michel Laugier et Claude Kern, nous avons souhaité, par nos amendements, compléter utilement le texte initial.
S’il y aura, bien sûr, quelques points de divergence entre nos groupes sur certains sujets, je me réjouis que nous nous soyons retrouvés sur un certain nombre de propositions importantes, notamment pour renforcer l’effectivité des droits d’auteur et des droits voisins ; pour faciliter l’accès aux œuvres et aux catalogues ; pour préserver l’attractivité de la TNT. Sur ce sujet, je vous proposerai d’aller plus loin aujourd’hui en donnant pouvoir à l’Arcom d’autoriser l’utilisation de formats d’images améliorés, permettant ainsi l’usage de l’ultra haute définition ; il y a en effet, j’y insiste, des échéances à ne pas manquer !
Je me félicite également que nous nous soyons accordés pour assurer le maintien de France 4. L’ensemble de notre commission s’était mobilisé sitôt l’annonce de sa suppression, entendant défendre la filière du cinéma d’animation, mais surtout une offre publique exempte de toute publicité, s’agissant de la chaîne de l’éducation, de la culture et de la citoyenneté, véritable alternative, pour nos jeunes, aux plateformes commerciales. Alors que, ces dernières années, conseil d’administration après conseil d’administration de France Télévisions, je n’ai cessé de redire l’importance de France 4, je suis heureuse que le Président de la République ait opportunément tranché en faveur de son maintien, donnant quitus à la proposition du Sénat impulsée par notre collègue Jean-Raymond Hugonet.
Je voudrais dire quelques mots sur Culturebox, louable initiative en une période où les lieux de culture étaient contraints à la fermeture. Proposer une forme de pérennisation en soirée me paraît une très bonne chose.
Partageant avec vous, madame la ministre, et avec notre rapporteur le goût pour la musique, je ne saurais trop insister sur la part qui doit lui être faite sur nos chaînes. J’en profite pour inviter à la réflexion sur ce qui pourrait être fait en région dans le cadre des contrats d’objectifs et de moyens passés entre les collectivités régionales et les antennes de France 3. Encore une fois, les initiatives prises pendant le confinement méritent d’être pérennisées et développées. Elles permettent notamment de toucher des publics empêchés de se rendre dans les salles de spectacle. C’est cela aussi, la mission de l’audiovisuel public : assurer le respect des droits culturels de chacun.
Nous ne saurions trop insister sur les moyens alloués à l’Arcom ; l’examen du prochain projet loi de finances sera une nouvelle fois l’occasion de souligner, à l’ère du « presque tout numérique », la nécessité de renforcer les missions des autorités de régulation. Pour ma part, j’étais déjà intervenue en ce sens pour le CSA à la suite du vote de la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, mais également à plusieurs reprises en faveur de la CNIL et de l’Anssi, faiblement dotées. Il est vrai que, pour assurer le nécessaire financement de celles-ci, il est fondamental de recouvrer le juste impôt dû par ces plateformes, qui justement favorisent les problèmes que nous devons nous attacher à résoudre, mais qui pratiquent, comme chacun le sait, l’évasion fiscale.
Je conclurai en félicitant notre rapporteur pour la qualité de son travail. Ce débat sera d’autant plus important que, comme Jean-Raymond Hugonet l’a rappelé, compte tenu du calendrier électoral, aucune nouvelle loi consacrée aux médias ne pourra être examinée avant au mieux 2023. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. David Assouline. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quatre ans pour faire une loi qui devait réformer en profondeur l’audiovisuel français – certains parlaient même de « révolution » –, l’audiovisuel public en particulier. Je vous épargne les citations qui allaient dans ce sens, du Président de la République et des différents ministres… Et nous voilà saisis d’un projet de loi au titre ronflant, qui vise essentiellement à ce que nous entérinions ce qui est déjà largement engagé, à savoir la fusion du CSA et de la Hadopi.
Comme souvent quand il s’agit d’audiovisuel, on commence par parler de grande loi et on finit par du petit. En l’occurrence, pour du petit, c’est vraiment du petit ! Merci à M. le rapporteur et à M. le président de la commission d’avoir encouragé une lecture plus large de l’objet de ce texte pour nous permettre d’avoir quelques débats nécessaires.
Chacun sait que le paysage audiovisuel a été totalement bouleversé depuis 1986. La TNT a élargi l’offre accessible à toutes et à tous à quatorze, puis à dix-huit chaînes – aujourd’hui, vingt-sept chaînes. Les offres par câble et par satellite et, parallèlement, la révolution numérique et l’accès de tous à un débit toujours plus important ont permis la disponibilité courante de centaines de chaînes du monde entier.
Les nouvelles technologies ont bouleversé les conditions mêmes de la création et de la production audiovisuelles et ont révolutionné les usages, ce phénomène étant amplifié par l’arrivée dans notre paysage de grandes plateformes américaines qui, échappant aux régulations essentielles voulues par les législateurs de 1986, ont contourné les obligations de financement et de fiscalité imposées aux acteurs traditionnels. Elles se sont imposées en chamboulant notre système de financement de la création, la chronologie des médias, mais également les accords existants entre les chaînes de télévision et les producteurs.
Cette situation nécessitait au moins que nous en débattions globalement, que nous y répondions tout aussi globalement et que nous cessions de nous contenter de boucher les trous dans la raquette, pour enfin imaginer ensemble le paysage audiovisuel que nous voulons et réfléchir au sens que nous voulons donner à notre action législative. Or l’occasion est encore manquée de discuter de tous les enjeux actuels selon une vision éclairée !
Le paradoxe est que notre discussion a lieu deux jours après l’annonce d’une fusion entre les groupes TF1 et M6, qui pèseraient 44 % des audiences et 70 % du marché publicitaire. Cette fusion, elle, va bel et bien révolutionner notre paysage médiatique en le concentrant comme jamais, lui qui l’est déjà tant et trop, face à un audiovisuel public privé de recettes publicitaires mais démuni également du côté de sa ressource publique, qui est en baisse : l’État ne se décide pas à lui permettre d’en vivre.
Je sais bien que les chaînes de télévision privées sont elles aussi affaiblies par la baisse de leurs recettes publicitaires due à une captation croissante du marché par les GAFA : 36 % en 2017, 49 % à l’horizon de 2022. Mais la réponse ne viendra pas d’une concentration encore plus grande des grands groupes privés, achevant les autres chaînes privées, mettant en danger la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias consacrés à l’article 34 de notre Constitution.
La première conclusion que nous devons vite en tirer, c’est de renforcer notre audiovisuel public. Face à ce nouveau géant du privé, celui-ci devra avoir les moyens de faire rayonner toutes ses missions d’intérêt général : l’information libre, l’exception culturelle, l’éducation et le financement à un haut niveau de la création.
Cela passe par la réforme tant attendue et repoussée de la redevance, qui doit devenir universelle, mais aussi par l’arrêt des baisses budgétaires que ce gouvernement s’est entêté à renouveler année après année, et ce malgré les efforts inouïs que les sociétés de l’audiovisuel public et leurs personnels ont consentis depuis de nombreuses années.
D’ailleurs, je ne peux que me réjouir que le Président de la République ait enfin renoncé à supprimer France 4,…
M. Patrick Kanner. Très bien !
M. David Assouline. … même si, au regard de la nécessaire indépendance des médias, je trouve tout aussi curieux que ce soit lui qui annonce ce revirement, comme je trouvais inadmissible qu’il nous impose cette suppression.
Ainsi que chacun le sait, j’ai mis beaucoup d’énergie à essayer de convaincre de la nécessité du maintien de cette chaîne de la jeunesse en proposant d’y revenir à chaque débat, comme lors du dernier budget. J’étais seul au début avec mes collègues socialistes, puis nous avons été utilement rejoints par la commission dans son ensemble. Jusqu’à hier, on nous opposait une logique comptable.
C’est une victoire, qui doit nous encourager à ne jamais rien lâcher quand la cause est juste, même lorsqu’on nous dit qu’il n’y a plus rien à faire.
Une autre conclusion, c’est qu’il est urgent d’avoir un vrai débat et de voter un texte s’opposant à la concentration excessive des médias entre les mains d’une poignée de milliardaires. Il y va maintenant de notre démocratie.
Pendant que nous tergiversons, les grands acteurs avancent et nous imposent leurs cadres derrière lesquels nous courons ensuite pour réguler, avec de petites lois, des ordonnances pour transposer des directives – je pense aux ordonnances tout à fait bienvenues sur les SMAD et les droits d’auteur – ou des décrets. Voilà quel est le scénario depuis de nombreuses années !
Bref, il aurait été souhaitable de proposer une nouvelle loi aussi fondatrice que celle de 1986 pour moderniser la réglementation à l’heure du numérique, sans pour autant remettre en cause les principes de cette loi de 1986, à savoir la nécessaire régulation et l’aide à la création, essentielle pour maintenir notre exception culturelle.
Cela étant, il y a cette petite loi dont je ne peux que saluer l’intention : créer l’Arcom, fusionnant ainsi le CSA et la Hadopi, ce que j’appelle de mes vœux depuis 2013 puisque j’avais tenté de faire adopter une telle mesure. À l’heure de la révolution numérique, cantonner le CSA au contrôle et à la régulation de la télévision ainsi que de la radio, en laissant la diffusion audiovisuelle sur internet sans réelle instance de contrôle et de régulation, était un contresens.
Cependant, nous, sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, n’étions pas d’accord avec la volonté du Gouvernement d’affaiblir une fois encore le Parlement en lui supprimant deux nominations dans la composition de la future Arcom – nous y reviendrons au cours du débat, puisque des compromis semblent se dégager.
Par ailleurs, cette loi cherche à s’attaquer au piratage. Sur ce point, nous étions d’accord avec le texte initial du Gouvernement, qui tendait à se consacrer à la lutte contre les sites pirates et les sites miroirs, qui tirent profit d’œuvres proposées illégalement en streaming. En revanche, nous sommes opposés à la modification introduite par la droite sénatoriale, qui a intégré une transaction pénale en remplacement du dispositif actuel de réponse graduée.
En tout état de cause, le piratage du sport est symptomatique du problème. Si cette pratique n’est pas justifiable et si les sites pirates doivent être poursuivis, l’ampleur de cet usage par les jeunes peut néanmoins s’expliquer par le scandale que constituent des offres toujours payantes et plus chères de sports populaires, dont est maintenant privée la grande majorité de nos concitoyens, qui n’a pas les moyens de s’offrir les abonnements. C’est pourquoi je me suis permis d’en profiter pour poser plus globalement la question de la diffusion du sport à la télévision en vous proposant plusieurs des préconisations du rapport que j’ai remis au Gouvernement il y a quatre ans, car il semblait faire consensus.
M. Patrick Kanner. Excellent rapport !
M. David Assouline. Elles concernent la diffusion gratuite d’événements majeurs, la diffusion du sport féminin et du handisport.
Le Gouvernement a aussi décidé d’aborder dans ce texte de loi le sujet des reventes de catalogues. Cette mesure est nécessaire, et nous la soutiendrons en lui conservant sa force initiale. Il est important de protéger les œuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises. Le risque existe surtout pour les ventes à des acteurs étrangers qui n’ont pas la même exigence que nous quant à notre patrimoine.
Nous regrettons que la stratégie choisie finalement, à la suite de la décision du Conseil d’État, soit si molle. Nous tenons à une version plus contraignante. C’est pourquoi nous avons amendé le texte en ce sens.
Enfin, à l’heure où les négociations entre Google et les éditeurs et agences de presse bloquent sur l’application de la loi que j’ai initiée concernant les droits voisins de la presse, et dans l’attente également d’une décision de l’Autorité de la concurrence, j’ai souhaité, avec le soutien unanime de la commission, dont je remercie tous les acteurs, muscler la loi pour obliger les plateformes à négocier et à rémunérer les contenus de presse que d’autres produisent et qu’elles utilisent gratuitement, tout en bénéficiant des revenus générés par la publicité.
J’espère que ces améliorations bénéfiques pour le secteur que nous défendons seront adoptées et maintenues jusqu’au vote définitif du texte et qu’elles ne seront pas détricotées par la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne suis pas le premier à le dire cet après-midi, l’examen de ce projet de loi suscite en moi des sentiments partagés. Mais c’est la déception qui prédomine. Comment un texte annoncé, attendu, peut-il passer sous silence l’essentiel, c’est-à-dire les enjeux liés aux affrontements concurrentiels dans le paysage audiovisuel ?
Le Gouvernement justifie son inaction par la crise sanitaire. Pourtant, l’engouement suscité durant cette période par les plateformes américaines a bien montré l’urgence de défendre l’ensemble de la chaîne de création audiovisuelle française. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le cadre fixé par la loi de 1986 n’est plus adapté au contexte actuel. Certes, on l’a compris, tout cela obéit à la volonté politique de ne pas ouvrir un dossier sensible à un an de l’élection présidentielle. C’est infiniment regrettable !
Je m’alarme plus particulièrement pour l’audiovisuel public, dont il faudra bien un jour moderniser l’offre, revoir les moyens et repenser l’organisation ainsi que la gouvernance. Nous prônons depuis plusieurs années, au Sénat, la création d’une société mère unique, à même de définir une stratégie globale et d’affirmer une identité spécifique. L’audiovisuel public doit plus que jamais se concentrer sur ses missions et marquer sa différence.
C’est ce modèle d’une « BBC à la française » qu’envisageait le rapport de nos collègues Leleux et Gattolin en 2015. Le premier projet de loi, malheureusement avorté, en reprenait les conclusions essentielles. Il n’en est, hélas ! aujourd’hui plus question.
Il est donc bien clair que le Gouvernement a renoncé à traduire dans la loi l’engagement de campagne du candidat Emmanuel Macron pour l’audiovisuel public. Il ne souhaite pas davantage s’impliquer sur des projets susceptibles de faire débat dans le paysage audiovisuel privé.
Bref, le projet de loi gouvernemental est maigrelet : création de l’Arcom, adaptation de la lutte contre le piratage, contrôle de la cession de catalogues d’œuvres françaises. Certes, ce sont là quelques mesures utiles, mais bien limitées dans leur ampleur.
Fort heureusement, figurent désormais dans ce texte des propositions ambitieuses de notre rapporteur Jean-Raymond Hugonet, qui y a introduit plusieurs marqueurs essentiels.
Concernant l’audiovisuel public, notre rapporteur a proposé qu’une des chaînes du groupe France Télévisions soit consacrée à des programmes dédiés à la jeunesse. Le Sénat est ainsi fidèle à sa volonté de pérenniser France 4, que le Gouvernement voulait fermer en août.
Nous pouvons nous féliciter, cher Jean-Raymond Hugonet, que le Président de la République se soit finalement rallié à notre position il y a trois jours, en retenant précisément notre formule de programmation jeunesse en journée et culturelle en soirée.
Nos autres propositions, en revanche, ne rencontrent guère l’enthousiasme du Gouvernement. Je le regrette.
Parmi celles-ci, nous proposons au sujet du piratage d’élargir les pouvoirs de l’Arcom en instituant la possibilité d’une transaction pénale. Plusieurs années de pratique de « réponse graduée » nous montrent combien il est nécessaire de responsabiliser davantage les internautes.
Notre commission a également veillé à la protection des droits d’auteur dans le contexte d’utilisation des contenus par les plateformes. Je pense, notamment, aux accords que nous souhaitons voir conclure avec le secteur de la presse. Nous écouterons attentivement vos remarques sur ce sujet, madame la ministre.
Enfin, notre rapporteur propose de rééquilibrer les rapports entre distributeurs et producteurs. C’est nécessaire, car les chaînes françaises sont aujourd’hui contraintes de financer des programmes dont elles ne maîtrisent pas les droits par la suite, et elles ne peuvent ni contrôler leur revente à des concurrents ni en attendre de recettes. Or le contrôle de l’exploitation des œuvres dans un environnement désormais mondial devient déterminant pour les ressources des chaînes et, donc, pour leur capacité à rester des opérateurs forts du financement de la création.
Nous espérons que les propositions de notre rapporteur seront finalement entendues et marqueront l’architecture définitive du texte, sachant, par ailleurs, que nous avons toute confiance dans la négociation professionnelle entre les acteurs.
À la suite des travaux de notre commission et des propositions de notre rapporteur, ce projet de loi, largement amendé, a donc pris une nouvelle dimension. Aussi le groupe Les Républicains lui apportera-t-il tout son soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Toine Bourrat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Toine Bourrat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ces derniers mois, plusieurs big-bangs annoncés par le Gouvernement se sont transformés en mesurettes.
Concernant l’audiovisuel, ce sont les aléas épidémiques et calendaires qui ont eu raison du projet de loi structurel que notre assemblée aurait dû examiner. À défaut, c’est un texte à l’épure plus limitée qui nous est présenté. Pourtant, la covid n’a pas eu raison du piratage et n’a pas fait disparaître les attentes d’un secteur audiovisuel constitutif de notre patrimoine commun.
À rebours de ce qui se fait habituellement à cette tribune, je tiens à souligner ce que ce projet de loi ne dit pas, ne crée pas et ne prévoit pas, en dépit des bouleversements induits par la société de l’écran. Les enjeux du numérique impliquent, en effet, de faire évoluer un cadre législatif et normatif par trop dépassé. Nous pensons aux lois de 1986 et 2009, mais également aux instruments qui assurent actuellement la régularisation qu’une grande nation culturelle doit à ses créateurs.
Cette déception sur le cadre restreint de la loi se double d’une inquiétude légitime, car les crédits de l’Arcom dépendront d’un budget dont nous ne savons rien et qui, cette année, revêtira deux caractéristiques particulières. Il s’agira de la dernière loi de finances de ce quinquennat et celle-ci s’inscrira dans un contexte de crise dont nous savons la rudesse pour le monde culturel.
J’insisterai sur trois éléments du projet de loi originel que notre rapporteur et plusieurs de mes collègues ont eu à cœur de gommer.
Le texte initial ne traitait pas, hélas ! des disparités réglementaires qui obèrent les capacités d’investissement des acteurs historiques. Je pense au dispositif anti-concentration mentionné à l’article 41 de la loi Léotard, dont le CSA estime lui-même qu’il est obsolète face aux évolutions démographiques, économiques et technologiques du secteur. Je pense aussi aux limites imposées aux groupes en matière de rachat des chaînes de la TNT et au manque d’incitations à l’intégration verticale indispensable au financement de programmes de flux, qui contribuent également au dynamisme de la création française.
Le texte initial ne traitait pas non plus, hélas ! des difficultés d’un secteur radiophonique en crise structurelle, alors que nous célébrons les cent ans de ce média et les quarante ans de la libération de la bande FM. Nous aurions pu intégrer à nos discussions la question du régime des mentions légales ou des quotas. En effet, le développement des plateformes de streaming audio, qui échappent à cette régulation, devra nous conduire tôt ou tard à répondre à un dilemme fondamental : étendre ces quotas au service de musique à la demande ou réviser les trois régimes existants. Nous savons que l’enchevêtrement des critères bride parfois la liberté éditoriale des professionnels.
Le texte initial ne traitait pas non plus, hélas ! de la modernisation d’une TNT que nous savons économique, écologique et surtout vectrice d’un maillage territorial indispensable à l’égalité devant l’offre audiovisuelle.
En somme, nous débattons principalement d’une loi antipiratage, dont la mesure phare demeure la création de l’Arcom. Sur ce point aussi, pourquoi ne pas être allée plus loin, madame la ministre, en vous inspirant du modèle britannique et de son puissant office des communications ? Je rappelle que, chez nos voisins, qui ont eu plus de dix ans d’avance sur la directive SMA, ce sont cinq entités fusionnées et des capacités d’enquête qui garantissent l’effectivité des missions de cette super-autorité de contrôle.
Madame la ministre, c’est avec la saine exigence qui caractérise cette assemblée, son esprit d’ouverture et sa technicité que nous saluons les intuitions d’un texte dont le cadre nous apparaît toutefois trop restreint. Permettez-moi de citer l’un de vos illustres prédécesseurs pour vous dire notre bienveillante déception et l’esprit constructif qui nous guide, sous l’impulsion du rapporteur Hugonet. Ainsi que l’écrivait Maurice Druon, « la critique nous est profitable, quand elle nous aide à travailler dans le sens de l’amélioration ». (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. Max Brisson. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Savin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer la capacité d’écoute, la capacité de dialogue et la qualité des travaux de notre rapporteur.
J’ai souhaité, madame la ministre, chers collègues, cibler mon intervention sur l’article 3 de ce projet de loi, qui traite de la lutte contre le piratage des contenus sportifs en direct.
Le piratage des compétitions sportives est un véritable fléau et une réelle menace pour l’écosystème sportif français. Les pertes s’élèvent à plusieurs centaines de millions d’euros pour les diffuseurs et les ayants droit, et le phénomène est en pleine croissance. Cette menace est également directe pour le sport amateur, qui bénéficie – je le rappelle – des retombées de la taxe Buffet, mécanisme de solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur.
Les récents déboires relatifs aux droits TV du football ont un peu plus fragilisé l’écosystème. C’est pourquoi il est important de renforcer le soutien à ce secteur.
Aujourd’hui, il est plus que jamais indispensable d’adapter le cadre juridique existant aux spécificités et aux nouveaux défis que pose le piratage sportif. Je tiens à rappeler ici l’engagement de longue date, comme l’a souligné notre collègue Catherine Morin-Desailly, du Sénat sur ce sujet.
Une première étape a été franchie à l’occasion de l’adoption de la loi du 1er mars 2017 visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs. L’article 24 de cette loi, adopté ici au Sénat, encourage les acteurs du sport et du numérique à négocier la conclusion d’accords de bonnes pratiques de lutte contre le piratage.
C’est dans ce cadre que s’est créée l’Association pour la protection des programmes sportifs, qui regroupe ayants droit et diffuseurs. Toutefois, ce dispositif s’avère à ce jour insuffisant. Après plusieurs mois de dialogue entre professionnels, il est désormais nécessaire que des mesures législatives viennent renforcer les dispositifs protégeant les ayants droit et diffuseurs et assurent une lutte enfin effective contre le piratage de contenus sportifs en direct.
Le dispositif proposé par le Gouvernement au travers de ce texte a pu faire naître quelques inquiétudes, notamment à l’alinéa 12. Il est regrettable qu’après l’examen de deux dispositifs un troisième mécanisme ait été présenté, avec une rédaction différente.
Lors de l’examen en commission, plusieurs amendements sont venus renforcer le dispositif initial, notamment en centralisant le contentieux du piratage des retransmissions sportives en direct auprès du tribunal judiciaire de Paris. En prévoyant que la durée de l’ordonnance dynamique portera sur douze mois au maximum, la notion de saison sportive n’apparaît pas très précise. Par ailleurs, l’expérience de la crise sanitaire a montré que la durée des saisons pouvait évoluer en fonction des circonstances.
Une période de douze mois au maximum devrait permettre au juge d’ajuster la durée de son ordonnance en tenant compte des spécificités de chaque discipline. Lors de nos débats, je proposerai également un nouvel amendement visant à préciser la rédaction de l’alinéa 12 de cet article 3. J’espère que ces avancées, largement travaillées avec les ayants droit et les diffuseurs, qui sont les victimes de ce piratage, seront retenues par la majorité à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, je souhaite que ce texte soit rapidement adopté pour entrer en action au plus vite. Après plus d’un an de crise sanitaire, ce soutien apporté aux acteurs est largement attendu.
C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit que nous avons adopté en commission un article permettant à la Hadopi de mettre en œuvre dès la promulgation de cette loi les dispositifs relatifs à la lutte contre le piratage des retransmissions sportives, sans attendre la création de l’Arcom, qui devrait intervenir trois mois après la promulgation du texte. Là encore, nous espérons pouvoir compter sur votre soutien, madame la ministre, afin de permettre à ce dispositif d’être effectif dès la saison sportive prochaine, à la rentrée de 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale commune est close.
Nous passons à la discussion, dans le texte de la commission, du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique.
projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique
Chapitre Ier
Dispositions visant à fusionner le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet au sein de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et à renforcer la lutte contre la contrefaçon sur internet
Section 1
Dispositions modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code du sport
Article 1er
I. – Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Au quatrième alinéa de l’article L. 331-5, la référence : « L. 331-31 » est remplacée par la référence : « L. 331-27 » et, à la fin, la référence : « L. 331-32 » est remplacée par la référence : « L. 331-28 » ;
2° À l’article L. 331-6, la référence : « L. 331-31 » est remplacée par la référence : « L. 331-27 » et, à la fin, les références : « L. 331-33 à L. 331-35 et L. 331-37 » sont remplacées par les références : « L. 331-29 à L. 331-31 et L. 331-33 » ;
3° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 331-7, la référence : « L. 331-31 » est remplacée par la référence : « L. 331-27 » ;
4° L’intitulé de la section 3 du chapitre Ier du titre III est ainsi rédigé : « Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » ;
5° L’intitulé de la sous-section 1 de la même section 3 est ainsi rédigé : « Compétences et organisation en matière de protection du droit d’auteur et des droits voisins » ;
6° La même sous-section 1 comprend les articles L. 331-12 à L. 331-16, tels qu’ils résultent des 7°, 8° et 10° à 12° du présent I ;
7° L’article L. 331-12 est ainsi rédigé :
« Art. L. 331-12. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure :
« 1° Une mission de protection des œuvres et des objets auxquels sont attachés un droit d’auteur ou un droit voisin et des droits d’exploitation audiovisuelle mentionnés à l’article L. 333-10 du code du sport, à l’égard des atteintes à ces droits commises sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne.
« Elle mène en outre des actions de sensibilisation, notamment auprès des publics scolaires ;
« 2° Une mission d’encouragement au développement de l’offre légale et d’observation de l’utilisation licite et illicite des œuvres et des objets protégés par un droit d’auteur, un droit voisin ou des droits d’exploitation audiovisuelle mentionnés au même article L. 333-10 sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne ;
« 3° Une mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d’identification des œuvres et des objets protégés par un droit d’auteur ou par un droit voisin.
« Au titre de ces missions, l’autorité prend toute mesure, notamment par l’adoption de recommandations, de guides de bonnes pratiques, de modèles et clauses types ainsi que de codes de conduite, visant à favoriser, d’une part, l’information du public sur l’existence des moyens de sécurisation mentionnés à l’article L. 331-19 du présent code et, d’autre part, la signature d’accords volontaires susceptibles de contribuer à remédier aux atteintes au droit d’auteur et aux droits voisins ou aux droits d’exploitation audiovisuelle mentionnés à l’article L. 333-10 du code du sport sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne.
« L’Autorité évalue l’efficacité des accords qui ont été conclus. À cette fin, elle peut solliciter des parties prenantes à ces accords toutes informations utiles relatives à leur mise en œuvre. Elle peut formuler des recommandations pour promouvoir la conclusion de tels accords et des propositions pour pallier les éventuelles difficultés rencontrées dans leur exécution ou au stade de leur conclusion. » ;
8° L’article L. 331-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 331-13. – Le membre désigné à cet effet à l’article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est chargé d’exercer la mission prévue au paragraphe 1 de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du code de la propriété intellectuelle. » ;
9° Les articles L. 331-14 à L. 331-20 sont abrogés ;
10° L’article L. 331-21, qui devient l’article L. 331-14, est ainsi rédigé :
« Art. L. 331-14. – I. – Pour l’exercice des missions mentionnées à l’article L. 331-12, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dispose d’agents publics assermentés devant l’autorité judiciaire et habilités par son président dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Cette habilitation ne dispense pas de l’application des dispositions définissant les procédures autorisant l’accès aux secrets protégés par la loi.
« II. – Pour l’exercice de la mission prévue au paragraphe 1 de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre III, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et les agents mentionnés au I du présent article reçoivent les saisines adressées à l’autorité dans les conditions prévues à l’article L. 331-18.
« Ils peuvent obtenir des opérateurs de communications électroniques l’identité, l’adresse postale, la ou les adresses électroniques dont ils disposent ainsi que les coordonnées téléphoniques de l’abonné dont l’accès à des services de communication au public en ligne a été utilisé à des fins de reproduction, de représentation, de mise à disposition ou de communication au public d’œuvres ou d’objets protégés sans l’autorisation des titulaires des droits prévus aux livres Ier et II lorsqu’elle est requise.
« III. – Pour l’exercice des missions prévues aux articles L. 331-25 et L. 331-26, les agents habilités et assermentés de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peuvent constater les faits susceptibles de constituer des infractions prévues aux articles L. 335-3 et L. 335-4, lorsqu’elles sont commises sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne.
« Dans ce cadre, les agents habilités et assermentés de l’autorité peuvent, sans en être tenus pénalement responsables :
« 1° Participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques susceptibles de se rapporter à ces infractions ;
« 2° Reproduire des œuvres ou objets protégés sur les services de communication au public en ligne ;
« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen des éléments de preuve sur ces services aux fins de leur caractérisation ;
« 4° Acquérir et étudier les matériels et logiciels propres à faciliter la commission d’actes de contrefaçon.
« À peine de nullité, ces actes ne peuvent avoir pour effet d’inciter autrui à commettre une infraction.
« Les agents mentionnés au premier alinéa du présent III consignent les informations ainsi recueillies dans un procès-verbal qui rend compte des conditions dans lesquelles les facultés reconnues aux 1° à 4° ont été employées. » ;
11° L’article L. 331-21-1 devient l’article L. 331-15 et son premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le membre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique chargé d’exercer la mission de protection des œuvres et des objets protégés ainsi que les agents habilités et assermentés mentionnés à l’article L. 331-14 peuvent constater les faits susceptibles de constituer des infractions prévues aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4, lorsqu’elles sont commises sur les réseaux de communications électroniques utilisés pour la fourniture de services de communication au public en ligne. » ;
12° L’article L. 331-22, qui devient l’article L. 331-16, est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est supprimé ;
b) Au second alinéa, la référence : « L. 331-21 » est remplacée par la référence : « L. 331-14 » ;
13° La sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre III comprend l’article L. 331-23, qui devient l’article L. 331-17, et est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « voisin », sont insérés les mots : « ou par des droits d’exploitation audiovisuelle mentionnés à l’article L. 333-10 du code du sport » et les mots : « la Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique développe des outils visant à renforcer la visibilité et le référencement de l’offre légale auprès du public et » ;
b) À la fin de la seconde phrase du même premier alinéa, la référence : « L. 331-14 » est remplacée par la référence : « 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication » ;
c) Les deuxième à avant-dernier alinéas sont supprimés ;
d) À la seconde phrase du dernier alinéa, après le mot : « voisin », sont insérés les mots : « ou par des droits d’exploitation audiovisuelle mentionnés à l’article L. 333-10 du code du sport » et les mots : « à l’article L. 331-14 » sont remplacés par les mots : « au même article 18 » ;
14° Au début de la sous-section 3 de la même section 3, il est ajouté un paragraphe 1 intitulé : « Envoi des recommandations aux abonnés », qui comprend les articles L. 331-18 à L. 331-23, tels qu’ils résultent des 15°, 16° et 18° à 21° du présent I ;
15° L’article L. 331-24, qui devient l’article L. 331-18, est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « La commission de protection des droits » sont remplacés par les mots : « L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » ;
b) Au début de l’avant-dernier alinéa, les mots : « La commission de protection des droits » sont remplacés par les mots : « L’autorité » et, à la fin, sont ajoutés les mots : « ou sur la base d’un constat d’huissier établi à la demande d’un ayant droit » ;
c) Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce délai est de douze mois s’agissant des informations transmises par le procureur de la République. » ;
16° L’article L. 331-25, qui devient l’article L. 331-19, est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la commission de protection des droits » sont remplacés par les mots : « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » et, après la seconde occurrence du mot : « abonné », sont insérés les mots : « , ou par lettre simple » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « la commission » sont remplacés par les mots : « l’autorité » ;
c) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– au début de la deuxième phrase, les mots : « En revanche, elles ne divulguent pas » sont remplacés par les mots : « Elles précisent » ;
– la dernière phrase est ainsi rédigée : « Elles indiquent les coordonnées postales et électroniques où leur destinataire peut adresser, s’il le souhaite, des observations à l’autorité. » ;
d) (Supprimé)
« 16° bis (nouveau) Après l’article L. 331-19, il est inséré un article L. 331-19-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 331-19-1. – I. – Le membre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique chargé d’exercer la mission prévue au présent paragraphe de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’il constate des faits constitutifs d’une négligence caractérisée prévue à l’article L. 335-7-1, peut, si ces faits n’ont pas déjà donné lieu à la mise en mouvement de l’action publique, proposer à leur auteur une transaction consistant dans le versement d’une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 350 € s’il s’agit d’une personne physique et 1 050 € s’il s’agit d’une personne morale. Le montant de l’amende est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de l’auteur des faits. La transaction proposée par le membre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique chargé d’exercer la mission prévue au présent paragraphe de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du code de la propriété intellectuelle et acceptée par l’auteur des faits doit être homologuée par le procureur de la République. La personne à qui est proposée une transaction est informée qu’elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition.
« II. – Les actes tendant à la mise en œuvre ou à l’exécution de la transaction mentionnée au I sont interruptifs de la prescription de l’action publique. L’exécution de la transaction constitue une cause d’extinction de l’action publique. Elle ne fait cependant pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal de police. Le tribunal, composé d’un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, ne statue alors que sur les seuls intérêts civils.
« III. – En cas de refus de la proposition de transaction ou d’inexécution d’une transaction acceptée et homologuée par le procureur de la République, le membre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique chargé d’exercer la mission de protection des œuvres et des objets protégés, conformément à l’article 1er du code de procédure pénale, peut mettre en mouvement l’action publique par voie de citation directe. » ;
17° L’article L. 331-26 est abrogé ;
18° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 321-27, qui devient l’article L. 331-20, les mots : « la commission de protection des droits » sont remplacés par les mots : « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » ;
19° L’article L. 331-28, qui devient l’article L. 331-21, est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « La commission de protection des droits » sont remplacés par les mots : « L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » et, à la fin, les mots : « à la présente sous-section » sont remplacés par les mots : « au présent paragraphe » ;
b) Au second alinéa, les mots : « la commission de protection des droits » sont remplacés par les mots : « l’autorité » et la seconde occurrence des mots : « la commission » est remplacée par les mots : « l’autorité » ;
20° L’article L. 331-29, qui devient l’article L. 331-22, est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « la Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » et, à la fin, les mots : « de la présente sous-section » sont remplacés par les mots : « du présent paragraphe » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « la commission de protection des droits, des mesures prévues à la présente sous-section » sont remplacés par les mots : « l’autorité, des mesures prévues au présent paragraphe » ;
c) Au dernier alinéa, les mots : « la Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « l’autorité » ;
21° L’article L. 331-30, qui devient l’article L. 331-23, est ainsi rédigé :
« Art. L. 331-23. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent paragraphe. » ;
22° La sous-section 3 du chapitre Ier du titre III, tel qu’il résulte du 14° du I du présent article est complétée par des paragraphes 2 et 3 ainsi rédigés :
« Paragraphe 2
« Caractérisation des atteintes aux droits
« Art. L. 331-24. – I. – Au titre de sa mission, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut rendre publique l’inscription sur une liste du nom et des agissements de ceux des services de communication au public en ligne ayant fait l’objet d’une délibération dans le cadre de laquelle il a été constaté que ces services portaient atteinte, de manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins.
« II. – L’engagement de la procédure d’instruction préalable à l’inscription sur la liste mentionnée au I du présent article est assuré par le rapporteur mentionné à l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ou ses adjoints.
« Sont qualifiés pour procéder, sur demande du rapporteur, à la recherche et à la constatation d’une atteinte aux droits d’auteur ou aux droits voisins les agents habilités et assermentés mentionnés au III de l’article L. 331-14 du présent code.
« Ces agents, qui disposent des pouvoirs d’enquête reconnus à l’autorité à l’article 19 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, peuvent prendre en compte tout élément utile et solliciter des titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins toute information relative :
« 1° Aux autorisations d’exploitation qu’ils ont consenties à des services de communication au public en ligne ;
« 2° Aux notifications qu’ils ont adressées aux services de communication au public en ligne ou aux autres éléments permettant de constater l’exploitation illicite sur ces services d’œuvres et d’objets protégés ;
« 3° Aux constats effectués par les agents agréés et assermentés mentionnés à l’article L. 331-2 du présent code.
« Les constats des agents habilités et assermentés mentionnés au III de l’article L. 331-14 font l’objet de procès-verbaux qui sont communiqués au rapporteur, qui, s’il estime que les éléments recueillis justifient l’inscription sur la liste mentionnée au I du présent article, transmet le dossier à cette fin au président de l’autorité.
« III. – L’autorité convoque alors le service de communication au public en ligne en cause à une séance publique pour le mettre en mesure de faire valoir ses observations et de produire tout élément justificatif. Cette convocation est effectuée par voie électronique sur la base des informations mentionnées au 2° de l’article 19 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ; lorsque ces informations ne sont pas disponibles, l’autorité informe le service concerné par l’intermédiaire de son site internet. Dans tous les cas, la convocation est adressée au moins quinze jours avant la date de la séance publique.
« À la date fixée pour cette séance publique, le service en cause comparaît en personne ou par l’intermédiaire de ses représentants. Le défaut de comparution personnelle ou de représentation ne fait pas obstacle à la poursuite de la procédure.
« IV. – À l’issue de la séance publique mentionnée au III, l’autorité délibère sur l’inscription du service de communication au public en ligne sur la liste mentionnée au I. L’autorité délibère hors la présence du rapporteur.
« La délibération, prise après procédure contradictoire, par laquelle l’autorité estime qu’un service de communication au public en ligne a porté atteinte, de manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins et par laquelle elle décide, en conséquence, de son inscription sur la liste mentionnée au même I est motivée. L’autorité fixe la durée de l’inscription sur la liste mentionnée audit I, qui ne peut excéder douze mois.
« La délibération est notifiée au service en cause par voie électronique et publiée sur le site internet de l’autorité, dans les conditions prévues au premier alinéa du III.
« À tout moment, le service de communication au public en ligne peut demander à l’autorité d’être retiré de la liste mentionnée au I dès lors qu’il justifie du respect des droits d’auteur et des droits voisins. L’autorité statue sur cette demande par une décision motivée rendue après une séance publique organisée selon les modalités définies au III.
« V. – La liste mentionnée au I peut être utilisée par les signataires des accords volontaires prévus à l’article L. 331-12. Pendant toute la durée de l’inscription sur la liste mentionnée au I du présent article, les annonceurs, leurs mandataires, les services mentionnés au 2° du II de l’article 299 du code général des impôts et toute autre personne, en relation commerciale avec les services mentionnés au I du présent article, notamment pour pratiquer des insertions publicitaires ou procurer des moyens de paiement, rendent publique au moins une fois par an, dans des conditions précisées par l’autorité, l’existence de ces relations et les mentionnent, le cas échéant, dans le rapport de gestion prévu au II de l’article L. 232-1 du code de commerce.
« VI. – L’inscription par l’autorité, telle que prévue au I du présent article, ne constitue pas une étape préalable nécessaire à toute sanction ou voie de droit que les titulaires de droits peuvent directement solliciter auprès du juge.
« Art. L. 331-25. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent paragraphe.
« Paragraphe 3
« Lutte contre les sites miroirs
« Art. L. 331-26. – I. – Lorsqu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée a ordonné toute mesure propre à empêcher l’accès à un service de communication au public en ligne en application de l’article L. 336-2, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, saisie par un titulaire de droits partie à la décision judiciaire, peut demander à toute personne visée par cette décision pour la confiance dans l’économie numérique ainsi qu’à tout fournisseur de noms de domaine, pour une durée ne pouvant excéder celle restant à courir pour les mesures ordonnées par le juge, d’empêcher l’accès à tout service de communication au public en ligne reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu du service mentionné par ladite décision.
« Pour faciliter l’exécution des décisions judiciaires mentionnées au même article L. 336-2, l’autorité adopte des modèles d’accords qu’elle invite les ayants droit et toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes aux droits d’auteurs et droits voisins en ligne à conclure. L’accord détermine notamment les conditions d’information réciproque des parties sur le constat par les titulaires de droits ou leurs représentants parties à la décision judiciaire de violations de ladite décision. Il engage toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes aux droits d’auteurs et droits voisins en ligne à prendre les mesures prévues par la décision judiciaire.
« II. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut demander aux services de se justifier lorsqu’il n’est pas donné suite à sa saisine dans les conditions prévues au I. Sans préjudice d’une telle demande, l’autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès à ces services. Cette saisine s’effectue sans préjudice de la saisine prévue à l’article L. 336-2. » ;
23° L’article L. 331-31, qui devient l’article L. 331-27, est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « la Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » ;
b) Aux deuxième et troisième alinéas du 2°, les mots : « à compter du 1er janvier 2009 » sont supprimés ;
c) Au quatrième alinéa du même 2°, les mots : « , à compter du 1er janvier 2009, » sont supprimés ;
d) Au dernier alinéa, les mots : « la Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « l’autorité » et les références : « L. 331-33 à L. 331-35 et L. 331-37 » sont remplacées par les références : « L. 331-29 à L. 331-31 et L. 331-33 » ;
24° L’article L. 331-32, qui devient l’article L. 331-28, est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » ;
b) À la seconde phrase du même premier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « quatre » ;
c) Au début de la première phrase des quatrième et cinquième alinéas, les mots : « La Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « L’autorité » ;
d) À la seconde phrase du premier alinéa, à la dernière phrase du quatrième alinéa, à la première phrase de l’avant-dernier alinéa et aux première, troisième et dernière phrases du dernier alinéa, les mots : « la Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « l’autorité » ;
25° À l’article L. 331-33, qui devient l’article L. 331-29, la référence : « L. 331-31 » est remplacée par la référence : « L. 331-27 » et les mots : « la Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » ;
26° L’article L. 331-34, qui devient l’article L. 331-30, est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « I. – » et les mots : « la Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » ;
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Au titre de sa participation à la mission de facilitation de l’accès des personnes en situation de handicap aux œuvres protégées par un droit d’auteur ou un droit voisin, l’autorité peut recueillir auprès des éditeurs, de la Bibliothèque nationale de France et des personnes morales et établissements mentionnés au 7° de l’article L. 122-5 tous documents et informations utiles. Elle peut, à ce titre, mettre en demeure les éditeurs de respecter les obligations prévues au 2° de l’article L. 122-5-1.
« L’autorité peut rendre publiques ces mises en demeure, qui ne peuvent conduire à des sanctions. » ;
27° L’article L. 331-35, qui devient l’article L. 331-31, est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » ;
b) Aux première et seconde phrases du deuxième alinéa, les mots : « la Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « l’autorité » ;
c) Le même deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « À compter de sa saisine, l’autorité dispose d’un délai de quatre mois, qui peut être prolongé une fois pour un délai de deux mois, pour rendre sa décision. » ;
28° L’article L. 331-36, qui devient l’article L. 331-32, est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– au début, les mots : « La Haute Autorité » sont remplacés par les mots : « L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » ;
– la référence : « L. 331-32 » est remplacée par la référence : « L. 331-28 » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « L’autorité peut déterminer, dans le cadre de ses avis, les éléments constitutifs de la documentation technique prévue à l’article L. 331-28. » ;
b) Au second alinéa, la référence : « L. 331-31 » est remplacée par la référence : « L. 331-27 » ;
29° L’article L. 331-37 devient l’article L. 331-33 ;
30° L’article L. 342-3-1 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, la référence : « L. 331-31 » est remplacée par la référence : « L. 331-27 » et, à la fin, les références : « L. 331-33 à L. 331-35 et L. 331-37 » sont remplacées par les références : « L. 331-29 à L. 331-31 et L. 331-33 » ;
b) À la fin du dernier alinéa, les mots : « la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet prévue à l’article L. 331-12 » sont remplacés par les mots : « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ».
II. – Après le mot : « intellectuelle », la fin du second alinéa du 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est supprimée.
III. – À la première phrase du III de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, les mots : « ou de la haute autorité mentionnée à l’article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle » sont remplacés par les mots : « , de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ».
IV. – Le code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :
1° Au 15° de l’article L. 111-3, la référence : « L. 331-24 » est remplacée par la référence : « L. 331-18 » ;
2° Le 2° de l’article L. 411-2 est ainsi rédigé :
« 2° Saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, conformément à l’article L. 331-18 du code de la propriété intellectuelle. »
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié quinquies, présenté par Mme Bourrat, M. Karoutchi, Mmes L. Darcos et Canayer, MM. Laugier, Rietmann, Perrin, Maurey, Moga, Kern, Somon et Daubresse, Mmes Gosselin et Gruny, M. Burgoa, Mme Di Folco, MM. Lefèvre, Chatillon, Hingray, Louault et Saury, Mme Belrhiti, MM. P. Martin, Charon et Mouiller, Mme Deromedi, M. Chauvet, Mme Dumont, MM. B. Fournier et Klinger, Mmes Deroche et Borchio Fontimp et M. Genet, est ainsi libellé :
Alinéa 11
1° Supprimer les mots :
en outre
et le mot :
, notamment
2° Compléter cet alinéa par les mots :
et universitaires
La parole est à Mme Toine Bourrat.
Mme Toine Bourrat. Le présent amendement vise à élargir la portée de la mission pédagogique attribuée à l’Arcom en matière de protection des œuvres et des objets auxquels sont attachés un droit d’auteur, un droit voisin ou des droits d’exploitation audiovisuelle.
Le projet de loi tel qu’il est présenté ne cible aujourd’hui que les publics scolaires. Pour que cet objectif soit adressé au bon public et que la nouvelle autorité remplisse avec efficacité son objectif de sensibilisation à la diffusion de l’offre légale, il apparaît utile d’étendre expressément cette mission aux élèves de l’enseignement supérieur, eu égard à leur intense usage tant professionnel que personnel des contenus à protéger.
La création de l’Arcom, qui pérennise une réponse graduée saluée pour son caractère pédagogique, offre l’occasion de gagner en efficacité quant au ciblage des publics directement concernés par le piratage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement part du constat, tout à fait juste, d’un manque de connaissances par les étudiants des grands axes de la propriété intellectuelle. C’est d’autant plus vrai que les étudiants actuels sont issus d’une génération confrontée très tôt à l’univers du numérique, et qui a dû en faire un usage massif dans les conditions de la pandémie. Il s’agit d’une extension bienvenue des missions de l’Arcom.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je suis bien sûr favorable sur le fond à l’extension des actions de sensibilisation en direction des étudiants, mais le texte le permet déjà expressément puisque la rédaction actuelle du projet de loi n’est pas limitative. Tous les publics sont bien entendu visés.
En outre, l’amendement proposé pourrait avoir un effet contreproductif, puisque sa rédaction peut laisser croire que cette sensibilisation serait réservée aux seuls élèves et étudiants. Or il doit être possible de pouvoir informer les internautes adultes sur les risques encourus en cas de téléchargement illicite et les sensibiliser à l’existence d’une offre légale.
Je suis défavorable à cet amendement, non sur le fond, mais en raison des effets contreproductifs qu’il pourrait avoir.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je ne veux pas faire de peine à l’auteur de l’amendement, mais je peste déjà suffisamment contre les injonctions de notre assemblée sur les programmes scolaires pour ne pas souhaiter en plus voter des injonctions sur les programmes universitaires. Je rappelle que l’autonomie des universités les conduit à définir elles-mêmes leurs programmes et leurs enseignements.
Je suis donc au regret de ne pouvoir voter un tel amendement.
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Après le mot :
légale
insérer les mots :
, facilement accessible
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Le législateur s’est dit jusqu’à présent qu’il suffisait que le CSA encourage le développement d’une offre légale pour que le piratage cesse d’un seul coup, ou plutôt pour que seuls les pirates convaincus poursuivent leurs activités et que l’on puisse les réprimer.
C’est quand même oublier un élément central : on peut créer autant de plateformes légales que l’on veut, encore faut-il qu’elles soient accessibles, notamment d’un point de vue financier. J’irai même plus loin, plus il y aura de plateformes, plus les contenus seront éclatés et plus les coûts seront élevés : 10 euros pour OCS, 8 euros pour Netflix, 6 euros pour Amazon Prime, 7 euros pour Disney+ et Salto, sans parler des 22 euros nécessaires pour accéder au contenu de Canal+. La facture monte très vite pour accéder à ces films et séries.
En ce qui concerne la musique, même si YouTube dispose d’une bibliothèque importante pour les chaînes officielles d’artistes, le constat est malheureusement le même.
Il me semble donc qu’il y a un travail à mener en ce sens, et ce pour deux raisons. Premièrement, parce que, comme je l’ai sous-entendu à l’instant, c’est le meilleur outil contre le piratage et, deuxièmement, parce que le fonctionnement actuel et la difficulté croissante d’accéder au contenu culturel tendent à éloigner les personnes les plus fragiles économiquement de la culture. Or, comme le rappelait l’Unesco au début de cette crise sanitaire, la culture est un bien commun essentiel et source de résilience.
Au moment où la santé psychique des Françaises et des Français est durement éprouvée par la crise et la diminution des interactions sociales, la culture prend une importance encore plus grande. C’est pourquoi il nous semble nécessaire de confier à l’Arcom une mission sur l’accessibilité, notamment financière, et le développement de l’offre légale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Les auteurs de cet amendement veulent attirer l’attention sur un aspect essentiel des offres numériques pour les œuvres audiovisuelles, qui est leur caractère fragmenté. En effet, si l’on veut aujourd’hui bénéficier de l’ensemble des œuvres, il faut multiplier les abonnements, ce qui s’avère excessivement onéreux. Par comparaison, l’offre de streaming musical légale est parvenue, sur quelques plateformes, à concentrer toute l’offre, ce qui n’est pas étonnant de la part des musiciens. (Sourires.)
Il n’est pas certain que l’Arcom ait réellement les moyens ou la vocation de lutter contre ce qui est une conséquence de l’explosion des coûts de production dans une industrie largement mondialisée, ni que son rôle en la matière puisse être utile. La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Même avis, pour les excellentes raisons exposées par M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je suivrai l’avis de la commission et du Gouvernement.
Je veux dire à notre collègue que le Parlement à un rôle à jouer dans l’appréciation de l’accessibilité des œuvres pour les plus jeunes.
Par ailleurs, notre mission est aussi de défendre les moyens pour un audiovisuel public de qualité – le maintien de la chaîne de la jeunesse, par exemple – et la diffusion de contenus attractifs et en quantité suffisante pour nourrir le besoin de confrontation avec les œuvres, les documentaires et l’information. C’est un travail dont nous pouvons nous saisir.
M. le président. L’amendement n° 40, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … Une mission de protection des droits des consommateurs. À ce titre, elle mène notamment une action de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques afin d’assurer la pleine jouissance des contenus acquis par les publics.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Au moment des débats sur la création de la Hadopi, notre regretté collègue Jack Ralite mettait la Haute Assemblée en garde : la création d’un système répressif en matière de piratage ne pourrait être efficace qu’en faisant respecter par les producteurs leur engagement en matière de blocage technique.
Vous achetez un DVD et vous souhaitez en faire une copie numérique pour votre usage personnel ? Dans la majorité des cas, vous ne pourrez pas extraire le DVD malgré votre droit à la copie privée du fait du blocage technique.
Vous pensez acheter un jeu vidéo sur une plateforme de type Steam ? Vous n’achetez en fait que le droit d’y jouer.
Les utilisateurs des plateformes Sony peuvent témoigner du stress de voir une vidéothèque disparaître après l’annonce des fermetures des boutiques PS3 et PS Vita.
Enfin, si vous achetez de la musique sur une plateforme de type iTunes, je vous souhaite bien du courage pour trouver le fichier dans votre ordinateur…
Cet amendement vise donc à confier à l’Arcom une mission de protection des droits des acheteurs de contenus. La lutte contre le piratage ne pourra passer que par une relation de confiance entre les acteurs culturels et les consommateurs, mais cela implique que ces derniers puissent jouir pleinement de leurs droits, une fois qu’ils ont acheté un contenu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à élargir encore le champ des missions de l’Arcom, qui rencontre, il faut le relever, un beau succès !
Les auteurs de l’amendement font état de difficultés qui, pour les citer, transforment un « droit de propriété » en un « droit d’usage ».
Très humblement, j’avoue ne pas avoir eu connaissance récemment de telles difficultés. Je ne suis donc pas en mesure de m’assurer de la portée de cet amendement.
C’est pourquoi je sollicite l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je formulerai les mêmes remarques de fond que celles que j’ai émises sur les précédents amendements.
Le code de la propriété intellectuelle confie d’ores et déjà à la Hadopi une mission de régulation des mesures techniques de protection visant à s’assurer que celles-ci n’entravent pas les usages légitimes des œuvres par le public. Vos préoccupations sont donc prises en compte par les missions qui seront confiées à l’Arcom. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. L’amendement n° 42, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … Une mission de régulation de l’accessibilité des œuvres. À cette fin, elle veille à ce que l’ensemble des contenus diffusés bénéficie de mesures d’accessibilité, notamment des dispositifs de sous-titrage, d’audiodescription et d’adaptations chromatiques.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. La grande loi de 2005 sur le handicap a confié au CSA la mission d’aller vers une inclusivité des œuvres culturelles. Cet impératif a été largement enrichi depuis, notamment grâce à la déclaration de Fribourg de 2007. En particulier, l’article 3 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine fixe pour objectif de « favoriser une politique de mise en accessibilité des œuvres […] et promouvoir les initiatives professionnelles, associatives et indépendantes visant à favoriser l’accès à la culture et aux arts pour les personnes en situation de handicap ainsi que leur contribution à la création artistique et culturelle ».
En l’état, la France a pris un retard dommageable, même si tous les secteurs ne sont pas concernés de la même manière. Pour ne prendre que l’exemple de la télévision, la proportion de programmes qui doit comprendre un sous-titrage dépend directement de l’audience de chaque chaîne. Les chaînes dont la part d’audience est inférieure à 2,5 % de l’audience totale des services de télévision doivent sous-titrer l’ensemble de leurs programmes, tandis que pour les chaînes hertziennes dont l’audience est inférieure à 2,5 % de l’audience totale des services de télévision une convention conclue avec le CSA fixe les proportions des programmes accessibles.
S’il ne faut pas omettre les difficultés techniques réelles pour les éditeurs, nous devons passer un nouveau cap en matière d’accessibilité et d’inclusivité. Comme l’a montré cette crise sanitaire, les œuvres culturelles sont essentielles. On en était déjà persuadé, mais nous avons eu devant les yeux les conséquences néfastes d’une disparition de la culture dans notre quotidien.
D’ailleurs, si le dernier rapport du CSA sur la représentation du handicap à l’antenne et l’accessibilité des programmes de télévision aux personnes handicapées montre des progrès, ces derniers sont largement insuffisants et surtout inégalement répartis selon les éditeurs. Il est donc essentiel de renforcer cette mission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement s’adresse en réalité moins à l’Arcom qu’aux éditeurs, qui devraient rendre l’ensemble des contenus accessibles, c’est-à-dire leur appliquer le sous-titrage, l’audiodescription et l’adaptation chromatique.
On ne peut que saluer cette idée, tant elle traduit la volonté de donner toute leur place aux publics handicapés. Je rappelle d’ailleurs que le 26° du paragraphe I de l’article 1er confie déjà au régulateur la responsabilité de veiller au respect par les éditeurs de livres de l’exception « handicap », en lien avec la Bibliothèque nationale de France.
Cependant, il me semble que cette idée, appliquée à l’audiovisuel, pourrait se heurter à des considérations de coût, si l’ensemble des œuvres devait bénéficier des mesures d’accessibilité. Il n’est pas certain qu’une approche aussi radicale soit économiquement viable. En tout cas, elle n’est pas évaluée en l’état.
C’est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable sur cet amendement, tout en attendant la position du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je ne peux que constater avec vous que l’accessibilité aux programmes pour les publics handicapés mérite de progresser – les excellents rapports du CSA le montrent abondamment.
Toutefois, je note qu’il s’agit d’un problème plus opérationnel que législatif, puisque la Hadopi est aujourd’hui chargée d’assurer la garantie effective de l’exception au droit d’auteur prévue par la loi au profit des personnes en situation de handicap, et le projet de loi prévoit de renforcer les pouvoirs de l’Arcom sur ce sujet à travers la possibilité qui lui sera reconnue de mettre en demeure les éditeurs de respecter leurs obligations légales. L’un de vos arguments est donc d’ores et déjà satisfait.
Par ailleurs, la loi confie au CSA le soin de veiller à l’accessibilité des programmes télévisés aux personnes handicapées par le sous-titrage, la langue française des signes ou l’audiodescription. Le CSA s’assure annuellement que les chaînes remplissent leurs obligations en matière d’accessibilité des programmes et rend compte de ce contrôle dans un rapport public. En réunissant les pouvoirs de la Hadopi et du CSA sur ce sujet, l’Arcom sera en mesure d’agir en faveur d’une plus grande accessibilité des œuvres.
Ainsi, l’objectif que vous portez est d’ores et déjà satisfait, car il est de fait exprimé dans le texte. Je vous propose donc de retirer votre amendement ; sinon j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Bacchi, l’amendement n° 42 est-il maintenu ?
M. Jérémy Bacchi. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 42 est retiré.
L’amendement n° 93, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer la référence :
L. 331-25
par la référence :
L. 331-24
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le présent amendement vise à corriger une erreur de renvoi concernant la contribution des agents habilités et assermentés de l’Arcom à la mission d’établissement de la liste noire des sites pirates.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 31 est présenté par Mme de Marco, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
L’amendement n° 57 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 67 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 53 à 56
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l’amendement n° 31.
Mme Monique de Marco. L’amende transactionnelle contribuerait à renforcer une injustice déjà présente dans le système de réponse graduée : ce dispositif ne concerne qu’une partie des pirates, à savoir ceux qui utilisent le peer to peer et ne masquent pas leur adresse IP. Il existe des moyens de contournement relativement simples pour les personnes initiées à l’informatique. L’amende punirait donc davantage, en réalité, le fait d’être novice en informatique et de ne pas savoir échapper aux contrôles.
L’amende transactionnelle risque de surcroît de pénaliser les internautes les moins renseignés : ceux-ci paieront par crainte d’un procès, alors que ceux qui sont le plus au fait des choses estimeront plus facilement que le risque d’être condamné est faible.
Enfin, elle ne permet aucune distinction en fonction du volume de téléchargement ou d’éléments qui pourraient être considérés comme des circonstances atténuantes par la justice.
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 57.
M. Jérémy Bacchi. La transaction pénale en cas de piratage est un serpent de mer pour la majorité. Le groupe CRCE s’y opposera pour deux raisons.
Premièrement, l’optique de taper individuellement au portefeuille des pirates nous semble problématique. Au vu des flux et des sanctions, on peut estimer qu’une extrême minorité d’entre eux sera en réalité verbalisée. Autant dire que la majorité continuera à jouer la chance, comme elle le fait depuis dix ans.
Deuxièmement, c’est une réelle source d’inégalités.
Tout d’abord, je reprendrai les mots de notre regretté camarade Jack Ralite, prononcés lors de la création de la Hadopi : « Dans la vie réelle, la loi dite Hadopi ne s’attaquera, de fait, qu’aux plus novices, ceux qui ne savent pas masquer leur adresse IP. Les véritables délinquants seront épargnés, car ils connaissent les moyens technologiques d’échapper à la surveillance. » Dix ans plus tard, avec l’émergence des VPN, c’est encore plus vrai.
Ensuite, vous créez en réalité un droit au piratage : dès que l’on parle d’une amende avec un montant fixe, celles et ceux qui ont les moyens de payer achètent finalement un droit d’enfreindre la loi. C’est exactement ce qui est prévu ici.
On renforce la lutte contre le piratage et les moyens des services audiovisuels contre les nouveaux entrants sur le marché, mais rien n’est fait pour améliorer concrètement l’accès aux contenus culturels, ce qui, pourtant, a longtemps fait la fierté et la spécificité de la France dans le cadre de l’exception culturelle, vue comme un outil au service de la Nation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 67
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je partage les objectifs des orateurs qui m’ont précédée. Dans ce projet de loi, le Gouvernement propose de renforcer la lutte contre le piratage en donnant des pouvoirs importants à l’Arcom, comme je l’ai déjà dit. Nous nous focalisons sur les sites contrefaisants, qui captent des revenus considérables avec leurs pratiques illégales au détriment des créateurs et titulaires de droits sportifs.
Nous ne souhaitons pas, en revanche, modifier l’équilibre de la réponse graduée, qui se veut un outil au service de la prévention et de la pédagogie. Lorsque la pédagogie ne suffit pas, la réponse graduée peut conduire à des sanctions judiciaires, sous l’autorité d’un juge, mais nous ne voulons pas aller plus loin dans la sanction des internautes, y compris d’un point de vue financier.
La transaction pénale paraît d’autant moins justifiée qu’aujourd’hui la réponse graduée touche moins de 20 % des pratiques de piratage. Ce dispositif se trompe donc de cible, en se focalisant sur la réponse graduée.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement souhaite s’en tenir à la philosophie du projet de loi initial, qui privilégie la lutte contre les sites pirates.
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 54, première phrase
Remplacer les mots :
une transaction consistant dans le versement d’une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 350 € s’il s’agit d’une personne physique et 1 050 € s’il s’agit d’une personne morale
par les mots :
s’il s’agit d’une personne morale, une transaction dont le montant ne peut excéder 1 050 €
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous sommes globalement d’accord avec le Gouvernement pour revenir à la vision initiale du texte, qui consiste à se polariser sur les sites pirates et les sites miroirs, sans pénaliser les internautes eux-mêmes et les échanges de pair à pair, qui représentent une toute petite partie du piratage. Nous avons déjà eu ces débats.
Pour autant, il me semble que la transaction pénale peut être envisagée, lorsque nous avons affaire avec des personnes morales. Tel est l’objet de cet amendement qui, sans être un compromis entre les positions de la commission et du Gouvernement, vise à maintenir ce dispositif pour les personnes morales et les sociétés, mais pas pour les internautes eux-mêmes – je pense notamment aux jeunes.
Je me reconnais dans l’état d’esprit du Gouvernement sur cette question et je crois qu’on s’illusionne, si l’on pense que la transaction pénale aboutira à tout coup à un résultat. En effet, une personne peut toujours refuser in fine la proposition qui lui est faite et on en revient alors à la procédure actuelle, qui continuera d’exister : l’Arcom pourra saisir la justice – c’est d’ailleurs probablement ce qui se passera le plus souvent.
Cette mesure est donc absolument inutile. En général, quand on montre ses muscles ou que l’on brandit un bâton, il faut être certain de les utiliser effectivement en cas de besoin… Sinon, la loi risque d’être discréditée.
C’est pourquoi je préfère en rester à la situation actuelle, tout en autorisant la transaction pénale pour les seules personnes morales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Nous abordons maintenant la question de la transaction pénale – ce n’est pas la première fois que nous en débattons.
Ces quatre amendements reviennent sur une position de principe de la commission : la responsabilité des auteurs de faits délictueux. J’entends les arguments qui ont été avancés : il ne faut pas pénaliser les internautes les moins renseignés ; cette amende s’apparente à un droit de pirater ; la philosophie de la loi est de sanctionner plutôt les sites pirates, etc.
Je veux simplement dire que nous parlons ici non pas d’une piraterie occasionnelle, mais d’internautes déjà prévenus trois fois, donc relativement avancés dans leur comportement délictueux. Il est absolument anormal, quel que soit le domaine, qu’une violation de la loi ne soit jamais sanctionnée ! (Mme Laure Darcos et de M. Michel Savin acquiescent.)
Il me semble que la transaction pénale, un mécanisme équilibré très attendu par les ayants droit, s’inscrit très logiquement comme la dernière étape d’une réponse pédagogique. Elle est tout à fait complémentaire des actions prévues dans le présent article pour sanctionner les sites eux-mêmes, qui ne vivent d’ailleurs qu’en raison de l’appétit de certains pour le piratage.
Notre collègue Assouline fait une distinction, ce qui est déjà un premier pas, mais j’estime qu’il faut viser à la fois les internautes et les personnes morales. C’est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 10 ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Monsieur Assouline, je vous remercie de ne pas vous rallier au principe de la transaction pénale.
Je comprends ce qui vous a amené à cet amendement de repli, mais je me demande si, en réservant la transaction pénale aux personnes morales, il ne pourrait pas produire des effets négatifs. En effet, les collectivités locales, les administrations, les entreprises pourraient être incitées à limiter au maximum la mise à disposition d’un accès internet au profit de leurs agents ou de leurs usagers par peur d’une sanction financière en cas de mauvaise utilisation de cet accès.
En raison de ces effets contreproductifs potentiels, je demande le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Assouline, l’amendement n° 10 est-il maintenu ?
M. David Assouline. Madame la ministre, vous m’avez convaincu.
Il est vrai que le piratage se fait parfois à l’insu de la personne qui est pourtant identifiée comme pirate. C’est d’ailleurs bien pour cette raison que le renforcement de la répression des internautes est malvenu : cela demande des investigations poussées et une débauche de moyens pour être sûr que l’on touche la bonne personne. Des associations, des administrations ou des personnes morales à but non lucratif, craignant d’être sanctionnées, pourraient être tentées de limiter l’accès à des services qu’elles proposent aujourd’hui, alors que ceux-ci sont tout à fait essentiels.
Par conséquent, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 31, 57 et 67.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 41, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 88 à 92
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Nous avons déjà eu l’occasion de débattre à plusieurs reprises de la question des sites miroirs. Je peux entendre et comprendre la volonté du Gouvernement : il n’y a rien de plus frustrant que de voir un site bloqué réapparaître quelques heures plus tard à la faveur d’un simple changement d’extension.
Pour autant, il existe un véritable problème de définition. Dans le texte visant à lutter contre les contenus haineux sur internet – la loi dite Avia –, censuré par le Conseil constitutionnel, on parlait de « service […] reprenant le contenu […] en totalité ou de manière substantielle ». C’est aussi la rédaction retenue par le Sénat dans l’article 19 du projet de loi confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme. L’Assemblée nationale préfère quant à elle la formulation « service […] dont le contenu est identique ou équivalent à tout ou partie du contenu » du service original.
Le présent projet de loi revient à la rédaction de la loi Avia. Mais de quoi parle-t-on ?
En informatique, on considère le miroir comme une copie exacte d’un ensemble de données. À la lumière de cette précision, un site miroir est une reprise intégrale et identique du site originel. C’est ce que l’on peut retrouver dans les sites strictement identiques qui réapparaissent grâce à un simple changement d’extension.
En l’espèce, le projet de loi va bien plus loin et, surtout, laisse à l’autorité administrative le soin de placer le curseur. Est-ce qu’un site qui changerait la colorimétrie d’un film piraté, son rythme ou son montage serait considéré comme le site miroir de n’importe quel site de piratage bloqué par décision judiciaire ? Une personne qui s’amuserait à reproduire l’exercice de Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette dans La Classe américaine serait-elle un pirate ou un créateur ? Pourrait-il voir son œuvre être censurée par l’autorité administrative ?
Nous faisons alors face à deux difficultés. Tout d’abord, le champ extrêmement large laissé à l’interprétation de la loi par l’autorité administrative. Ensuite, le manque de moyens humains dédiés à la lutte contre les sites miroirs – il risque de conduire à une surcensure.
M. le président. L’amendement n° 94, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 90
Supprimer les mots :
pour la confiance dans l’économie numérique ainsi qu’à tout fournisseur de noms de domaine
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 76, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 90
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les mêmes conditions, l’autorité peut également demander à tout exploitant de moteur de recherche, annuaire ou autre service de référencement de faire cesser le référencement des adresses électroniques donnant accès à ces services de communication au public en ligne.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Le projet de loi prévoit que l’Arcom pourra demander aux intermédiaires techniques d’empêcher l’accès aux sites miroirs. Il ne fait pas de doute que cette rédaction vise notamment les fournisseurs d’accès à internet.
En revanche, il n’est pas certain que les moteurs de recherche soient visés, dès lors que ceux-ci ont pour mission non pas de donner accès à des sites, mais seulement de les référencer. Or il me paraît absolument indispensable que l’Arcom puisse également s’adresser à ces acteurs.
L’amendement du Gouvernement vise donc à ne laisser aucun doute quant à la possibilité pour cette autorité de demander aux moteurs de recherche de déréférencer les sites miroirs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 41 et 76 ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je ne comprends pas bien la volonté des auteurs de l’amendement n° 41 de mettre à bas une telle avancée, qui est très précieuse. Le mécanisme de lutte contre les sites miroirs, d’ailleurs enrichi en commission par les amendements de nos collègues Michel Laugier et Pierre-Antoine Levi, me paraît au contraire fondamental, compte tenu de l’évolution des formes de piratage.
En ce qui concerne la caractérisation de ces sites, jugée par les auteurs de l’amendement imprécise, j’avoue avoir eu la même préoccupation au début de mes travaux, mais je me suis rallié aux avantages d’une formulation suffisamment large : elle permet notamment de prévenir tout risque de contournement. Je rappelle d’ailleurs que les sites qui s’estimeraient injustement fermés auront toute latitude pour contester cette décision devant les tribunaux.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 41.
En ce qui concerne l’amendement n° 76 qui vise spécifiquement le référencement, je partage pleinement son objectif. Il m’apparaît complémentaire de celui de Michel Laugier sur le blocage des sites, qui a été adopté en commission. L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 41 et 94 ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je suis du même avis que le rapporteur, pour les excellentes raisons qu’il a développées, sur l’amendement n° 41. Et je suis favorable à l’amendement n° 94.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 87 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, MM. Cadec, Panunzi, Bonnecarrère et D. Laurent, Mme Canayer, M. P. Martin, Mme Deromedi, M. Lefèvre, Mmes Joseph et Dumont, M. Wattebled, Mme Gruny, MM. Savin, Bouchet et Rapin, Mme Di Folco, MM. Savary et Vogel, Mme Garriaud-Maylam, M. Brisson, Mmes Imbert et Billon, MM. Laménie, Levi, Longuet et Genet, Mmes Bourrat et Bonfanti-Dossat et MM. Saury, Decool, Grosperrin, Moga, C. Vial et Klinger, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 119
Insérer sept alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 336-2 est complété par six alinéas ainsi rédigés :
« La décision judiciaire rendue en application du présent article précise les conditions dans lesquelles elle autorise l’actualisation des mesures qu’elle ordonne en cas de réitération, dans le cadre d’un même service autrement accessible ou autrement localisé, de l’atteinte aux droits d’auteurs ou aux droits voisins à laquelle elles tendent à remédier.
« La mise en œuvre de l’actualisation prend la forme d’une notification sous la responsabilité du demandeur aux personnes destinataires des mesures ordonnées aux fins de prévenir ou de faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin.
« La notification comporte la justification des conditions requises au premier alinéa.
« Le destinataire d’une telle notification ne peut voir sa responsabilité engagée en raison de la mise en œuvre d’une mesure d’actualisation conforme à la demande reçue par lui qui s’avèrerait non fondée.
« Il peut saisir le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond lorsque la mise en œuvre de la mesure d’actualisation fait apparaître une difficulté.
« Le fait, pour toute personne de notifier à une personne ayant mis en place une mesure judiciaire ordonnée en application du présent article une demande d’actualisation de cette mesure fondée sur la réitération de l’atteinte dans le cadre d’un même service autrement accessible ou autrement localisé à laquelle elle tendait à remédier alors qu’elle sait cette information inexacte, est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. » ;
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Le présent amendement vise à instaurer un mécanisme d’injonction dynamique permettant aux titulaires de droits sur les œuvres protégées et à leurs ayants droit bénéficiaires d’une décision judiciaire de saisir directement toute personne susceptible de contribuer à faire cesser une atteinte au droit d’auteur ou à un droit voisin, en cas de réitération de l’infraction dans le cadre d’un même service autrement accessible ou localisé.
Ce mécanisme serait complémentaire de l’action de l’Arcom et permettrait d’assurer l’effectivité de la décision judiciaire en cas de réitération de l’infraction.
Force est en effet de constater que le dispositif prévu par le projet de loi, qui nécessite le passage par l’autorité administrative et dont il n’est pas avéré qu’il sera le plus souvent suivi d’effet compte tenu de la possible localisation du contrefacteur en dehors de l’Union européenne, ne peut constituer le seul moyen d’assurer l’efficacité des mesures judiciaires prononcées. Il importe que les bénéficiaires d’une décision judiciaire ordonnant des mesures ayant pour objet de faire cesser une atteinte au droit d’auteur ou à un droit voisin soient également en situation de répliquer dans un temps numérique aussi rapide que celui des contrefacteurs.
J’ai ouï dire que certains avaient été surpris que je dépose cet amendement qui aurait soi-disant pour objet de contourner l’Arcom, mais ce mécanisme permet en réalité de ne pas faire peser sur cette autorité des procédures simples, mais impliquant une mobilisation importante de ses ressources. En revanche, s’agissant des cas plus complexes de lutte contre les sites miroirs, son expertise technique et sa légitimité pourraient contribuer au traitement des difficultés rencontrées.
La mesure proposée par le présent amendement est attendue par l’ensemble du secteur culturel, que ce soit le cinéma, l’audiovisuel, le livre ou la musique. C’est la raison pour laquelle, malgré un avis défavorable du rapporteur en commission, j’ai souhaité déposer cet amendement en séance pour que Mme la ministre puisse s’exprimer sur ce sujet.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Nous avons déjà débattu en commission de l’intérêt de mettre en place un mécanisme supplémentaire de lutte contre le piratage, dit « injonction dynamique ».
Un tel dispositif aurait l’immense avantage, en théorie, de rendre la procédure de blocage des sites plus rapide, en établissant un lien direct entre l’ayant droit et le fournisseur d’accès. Il concernerait les mêmes services autrement accessibles ou localisés, selon ses propres termes. Le juge autoriserait, dans la décision initiale, l’actualisation de sa mesure. Si un site identique apparaissait, les ayants droit saisiraient directement le prestataire, qui aurait l’obligation de bloquer le site ; sa responsabilité serait alors dégagée.
Comme je le soulignais en commission, l’injonction dynamique serait en réalité une procédure concurrente de celle mise en place par le présent article pour lutter contre les sites miroirs, avec cependant deux différences.
D’une part, la procédure « sites miroirs » est plus large, puisqu’elle ne concerne pas uniquement les sites identiques, mais également les sites qui reprennent les contenus de manière substantielle. Dans le cas de l’injonction dynamique, le site doit être rigoureusement identique, seule l’adresse étant changée.
D’autre part, l’injonction dynamique fait l’économie du passage par le filtre de l’Arcom, en mettant en relation directe les ayants droit et les fournisseurs d’accès. Cela présenterait le mérite de la rapidité, selon les auteurs de cet amendement. J’y vois surtout l’inconvénient de priver le futur régulateur d’une extension de ses compétences, alors que l’objet même du projet de loi est de le renforcer et de le conforter. Compte tenu du nombre de personnes potentiellement concernées parmi les ayants droit, le filtre de l’Arcom est utile pour éviter que les prestataires soient submergés de demandes faites sans concertation. D’ailleurs, j’observe que, même dans le cadre du piratage sportif, il revient à l’Arcom, selon l’article 3 du projet de loi, de jouer le rôle de filtre.
Pour résumer, je crois qu’il serait regrettable de vider, dès l’origine, une nouvelle et importante compétence de l’Arcom d’une partie de sa cohérence, sous le prétexte, qui n’est pas avéré, d’un manque de rapidité. Les procédures de blocage seront d’autant mieux appliquées et exécutées qu’elles paraîtront légitimes et fondées. L’Arcom me paraît être le bon outil à cet égard.
Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Madame la sénatrice, je partage tout à fait l’argumentation qui vient d’être développée par votre rapporteur. La différence d’approche entre votre proposition et celle du projet de loi tient à votre souhait de faire l’économie du passage par le filtre de l’Arcom, en mettant en relation directe les ayants droit et les intermédiaires techniques pour une meilleure efficacité. C’est ce que vous appelez l’injonction dynamique.
Le Gouvernement est extrêmement attaché à la garantie que représente l’intervention de l’Arcom dans la lutte contre les sites miroirs : elle permet, d’une part, d’apprécier le fait qu’un site signalé constitue bien le miroir d’un site bloqué, d’autre part, de notifier la demande de blocage de ce site miroir aux intermédiaires concernés, notamment les fournisseurs d’accès.
C’est un point d’équilibre important et il me semble peu opportun, en termes de sécurité juridique, que les mêmes sites relèvent de deux procédures distinctes.
C’est pourquoi je propose à Mme Darcos de retirer son amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° 87 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 87 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 35 rectifié est présenté par MM. Decool et Malhuret.
L’amendement n° 37 rectifié septies est présenté par Mme Boulay-Espéronnier, M. Burgoa, Mme M. Mercier, M. Houpert, Mme Joseph, M. Mouiller, Mme Deromedi, MM. B. Fournier et Lefèvre, Mme Dumont, MM. Bonhomme, Karoutchi et Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Gosselin et M. Genet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le phénomène de la « manipulation de streams » et sur les moyens de le combattre, notamment en évaluant, d’une part, l’opportunité de confier à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique une mission de tiers de confiance et d’enquête pour caractériser les faits de fraudes et, d’autre part, les conditions permettant aux éditeurs de services de communication au public par voie électronique et aux plateformes de partage de vidéos mettant à disposition des œuvres musicales d’y remédier.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 35 rectifié.
M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement porte sur la lutte contre le phénomène des faux streams, apparu sur les plateformes de streaming musical voilà quelques années, et se présente sous la forme d’une demande de rapport pour contourner le couperet de l’article 40.
Ces fausses connexions sont réalisées soit par des robots ou des logiciels, soit par des « fermes à clics » employant à l’étranger des personnes physiques. Elles se font soit à partir d’un nombre démultiplié de faux comptes temporaires, soit via le hacking de comptes existants peu utilisés par leur titulaire.
En augmentant artificiellement les écoutes et les vues sur les plateformes de streaming, la manipulation de streams a pour effet de capter indûment des rémunérations revenant à d’autres ayants droit et de fausser la visibilité des œuvres comme l’appréciation du public.
Ces comportements frauduleux relèvent donc de l’infraction d’escroquerie et sont susceptibles de porter préjudice à l’ensemble de la chaîne de valeur : créateurs, producteurs, plateformes et utilisateurs. Si rien n’est fait, ils risquent d’affaiblir à terme le modèle du streaming, qui porte en lui la renaissance économique du secteur.
La particularité de la manipulation de streams est sa capacité d’adaptation permanente aux pare-feux des plateformes et à la veille des ayants droit par le biais de leur distributeur. L’action de ces derniers est par ailleurs limitée, puisqu’ils n’ont de vision que sur leur propre catalogue.
C’est pourquoi le rapport envisagé dans le présent amendement pourrait avoir pour triple objectif de dresser le constat de ces pratiques, d’évaluer la possibilité de confier à l’Arcom un rôle de tiers de confiance et d’enquêteur recueillant toutes les données utiles, notamment de la part des plateformes de streaming musical audio et vidéo, et enfin d’évaluer les conditions dans lesquelles les plateformes pourront tirer toutes les conséquences du constat préalablement dressé par l’Arcom en vue de remédier aux comportements frauduleux.
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour présenter l’amendement n° 37 rectifié septies.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement concerne les faux streams, c’est-à-dire la capacité de certains à influencer le nombre d’écoutes qui sert de base à la rémunération des artistes. Comme vous le savez, la musique est chère à mon cœur. Aussi, ce sujet me préoccupe, car il remet en cause l’équité entre acteurs.
Il existe plusieurs solutions à ce problème. L’une d’entre elles serait de mettre en place ce que l’on peut appeler un modèle centré sur l’utilisateur – en bon français user centric –, où chacun ne rémunérerait que les artistes qu’il écoute réellement, par opposition à la répartition au nombre d’écoutes. Je sais que les principales plateformes étudient actuellement cette question et je milite pour une solution rapide.
En ce qui concerne l’amendement, je suis à ce stade sceptique sur la capacité de l’Arcom à jouer un rôle en la matière : il s’agit d’un sujet très spécifique qui nécessite des compétences pointues et une expertise rare.
Pour cette raison, et parce qu’il s’agit d’une demande de rapport, je donne un avis défavorable, mais je serai heureux d’entendre l’avis de Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je suis absolument d’accord avec le diagnostic que posent Jean-Pierre Decool et Céline Boulay-Espéronnier : les audiences sur les plateformes de streaming et de partage de vidéos sont fréquemment manipulées. Ce sujet n’a pas été véritablement documenté, alors même que son impact sur la répartition des revenus est potentiellement important.
Pour autant, ces amendements me paraissent très éloignés du champ du projet de loi dont le Gouvernement a saisi votre assemblée.
En outre, je ne suis pas convaincue par l’orientation du rapport que vous demandez au Gouvernement d’élaborer. Vous souhaitez qu’il étudie l’opportunité de confier à l’Arcom une mission de contrôle et de tiers de confiance en matière de lutte contre les manipulations d’audience. C’est une mission qui me paraît extrêmement éloignée des compétences que nous voulons confier à l’Arcom, qui ne concernent en rien les plateformes de streaming musical. Par ailleurs, la question des manipulations d’audience renvoie à un enjeu de répartition des revenus qui ne relève pas non plus des missions de l’Arcom – financement de la création, lutte contre le piratage, promotion de la diversité culturelle…
La première étape consiste à documenter précisément ce phénomène encore mal connu. Pour cela, nous avons un outil, le Centre national de la musique (CNM). Cet établissement public doté par la loi d’une mission d’observation de l’économie de la filière musicale me semble être l’instance adaptée pour discuter de ces questions qui intéressent tous les acteurs de la musique. Je m’engage solennellement devant vous à demander au CNM d’établir un diagnostic approfondi sur ce problème.
Au bénéfice de cet engagement, je demande le retrait de ces amendements ; sinon, j’y serai défavorable.
M. le président. Monsieur Decool, l’amendement n° 35 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Decool. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 35 rectifié est retiré.
Madame Boulay-Espéronnier, l’amendement n° 37 rectifié septies est-il maintenu ?
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié septies est retiré.
Article 2 A (nouveau)
Le chapitre VI du titre III du livre Ier de la première partie du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° À l’article L. 136-1, les mots : « reproduites et mises à la disposition du » sont remplacés par les mots : « techniquement reproduites et communiquées au » ;
2° Les articles L. 136-2 à L. 136-5 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 136-2. – En ce qu’ils accomplissent un acte de reproduction ou un acte de communication au public d’œuvres mentionnées à l’article L. 136-1, les services automatisés de référencement d’images sont soumis à l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit.
« La rémunération due au titre de ces actes de reproduction et de communication au public est assise sur les recettes et revenus de toute nature issus directement et indirectement du service automatisé de référencement d’images. À défaut, elle peut être fixée forfaitairement, conformément à l’article L. 131-4.
« L’autorisation d’exploitation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu peuvent être gérées par un ou plusieurs organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III.
« Lorsqu’il conclut un accord de licence pour l’exploitation d’œuvres, conformément aux mandats donnés par ses membres, un organisme de gestion collective peut, en ce qui concerne l’utilisation sur son territoire et sous réserve des garanties prévues au présent chapitre, étendre, par l’effet d’une licence collective étendue, le contenu de cet accord pour qu’il s’applique aux titulaires de droits non membres de cet organisme.
« Art. L. 136-3. – L’extension de l’accord conclu par l’organisme de gestion collective pour ses membres emporte représentation, pour les œuvres du même type, des titulaires de droits non membres de l’organisme de gestion collective agréé ayant conclu l’accord.
« L’extension est subordonnée :
« 1° Au fait pour l’organisme concerné d’avoir été agréé pour cette fonction par le ministre en charge de la culture ;
« 2° À la mise en œuvre de mesures de publicité appropriées, dans un délai raisonnable précédant l’utilisation sous licence des œuvres, destinées à informer les titulaires de droits quant à la capacité de l’organisme de gestion collective à octroyer des licences pour des œuvres, quant à l’octroi de licences conformément au présent chapitre et quant aux possibilités offertes à ces titulaires de droits inclus dans le champ de l’accord par l’extension de manifester leur volonté de ne pas être concernés par pareil accord ;
« 3° À l’absence de manifestation contraire de volonté de la part des titulaires de droits concernés mais non désireux de bénéficier de l’accord conclu.
« Les mesures de publicité sont prises par l’organisme agréé. Elles sont effectives sans qu’il soit nécessaire d’informer chaque titulaire de droits individuellement.
« Les modalités de manifestation contraire, qui peut être prise à tout moment, sont prévues par un décret.
« Art. L. 136-4. – Un ou plusieurs organismes de gestion collective peuvent être agréés par le ministre chargé de la culture pour octroyer des licences collectives étendues au titre des actes d’exploitation mentionnés aux articles L. 136-2 et L. 136-3.
« L’agrément est délivré en considération :
« 1° De l’importance du répertoire de l’organisme et de la diversité de ses associés ;
« 2° De la qualification professionnelle des dirigeants ;
« 3° Des moyens humains et matériels que l’organisme propose de mettre en œuvre pour assurer la gestion des droits de reproduction et de représentation des œuvres d’art plastiques, graphiques ou photographiques par des services automatisés de référencement d’images.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de la délivrance et du retrait de cet agrément.
« Art. L. 136-5. – Tout organisme de gestion collective ayant conclu un accord ayant fait l’objet d’une extension est tenu d’assurer une égalité de traitement à l’ensemble des titulaires de droits représentés.
« Les règles de répartition sont établies de manière à garantir aux titulaires de droits représentés une rémunération appropriée, tenant compte de l’importance de l’utilisation de leurs œuvres dans le cadre du service.
« Le fournisseur du service est tenu de communiquer à l’organisme de gestion collective l’ensemble des informations pertinentes relatives à l’exploitation des œuvres permettant d’assurer la juste répartition des revenus entre les titulaires de droits. »
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, sur l’article.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à dire quelques mots sur cet article, car il fait écho, pour celles et ceux qui s’en souviennent, au débat qui s’est tenu lors de l’examen de l’article 30 de la loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, dite loi LCAP, sur la juste rémunération des artistes auteurs d’arts visuels, graphiques et photographiques pour l’exploitation de leur œuvre par les plateformes numériques.
Pour la première fois en 2016, le Sénat avait posé le principe d’une rémunération équitable. Malheureusement, du fait de sa complexité, le système s’est révélé inopérant et, donc, inefficace pour permettre aux artistes auteurs de bénéficier du fruit de leur œuvre.
C’est pourquoi, en commission, j’ai proposé un nouveau dispositif qui s’inspire des recommandations du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, émises dans le cadre de sa mission sur les services automatisés de référencement d’images. Plus précisément, il prévoit un régime de gestion collective des droits d’auteur étendu, conforme aux exigences européennes et adapté à la situation des auteurs concernés.
Je me réjouis que la commission – je tiens à remercier tout particulièrement notre rapporteur pour son soutien – ait adopté cet amendement et ainsi contribué à introduire cette disposition dans le texte, car la question de la rémunération des artistes auteurs d’arts visuels, graphiques et photographiques dérivant de l’exploitation de leur œuvre par les services de référencement constitue un enjeu non seulement concret, mais aussi éthique et politique.
C’est un enjeu concret dans la mesure où la situation économique et sociale de ces artistes est périlleuse. Leur précarisation et leur paupérisation, que le rapport de 2017 sur la situation des arts visuels a clairement mises en avant, se sont accentuées pendant la crise. De récentes études confirment ce constat. Je sais, madame la ministre, que vous portez une très grande attention à la situation de ces artistes auteurs.
Par ailleurs, il ne s’agit ni plus ni moins que d’obliger les plateformes numériques à respecter pleinement le droit d’auteur.
L’article 2 A s’inscrit dans le prolongement de ce combat éthique et politique plus global qui vise à faire entrer l’économie numérique dans le droit commun. Il constitue un autre versant de la lutte que nous menons collectivement, à tous les niveaux, pour faire en sorte qu’aucun des acteurs du numérique ne puisse se dispenser de rémunérer celles et ceux qui créent et qui sont au fondement même de toute valeur. Je pense singulièrement à la loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, dont notre collègue David Assouline est à l’origine et qui vise le même objectif.
Pour conclure, je sais que nous pouvons compter sur le soutien plein et entier du ministère de la culture en la matière. C’est pourquoi je me réjouis, madame la ministre – je tenais à vous le dire –, que nous puissions collectivement entériner cette avancée qui est attendue par tous les artistes auteurs.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. À la suite de Mme la sénatrice Sylvie Robert, je souhaite m’exprimer sur ce sujet particulièrement important.
Les moteurs de recherche d’images présentent aux utilisateurs un nombre considérable d’images indexées par leurs soins sur les réseaux numériques. Le partage de la valeur liée à l’utilisation en ligne de ces images couvertes par le droit d’auteur suscite des débats depuis plusieurs années.
Les tentatives de négociation avec les services de référencement n’ont pas abouti, à ce jour, à un accord qui garantirait une juste rémunération des auteurs.
La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine prévoyait de répondre à cette difficulté, en instaurant un système de gestion collective obligatoire des droits. Toutefois, le dispositif, que le Parlement a voté à la quasi-unanimité, n’a pas pu être mis en œuvre en raison des doutes qu’il suscite au regard du droit européen.
Depuis lors, un rapport du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique de 2019 a permis d’établir que la mise en œuvre effective de ce dispositif pouvait être assurée par l’intermédiaire d’une licence collective étendue, ce que prévoit désormais l’article 12 de la directive sur le droit d’auteur. Tel est le sens de l’article 2 A, qui a été introduit dans le projet de loi par la commission de la culture.
Au-delà du mécanisme juridique créé par cet article, c’est le message politique envoyé qui est primordial. Ce message est aussi celui du Gouvernement : des solutions contractuelles garantissant une juste rémunération de l’ensemble des créateurs concernés doivent être trouvées, et ce rapidement. Chacun est appelé à prendre ses responsabilités pour mettre au point des solutions concrètes et ambitieuses.
C’est pourquoi je me félicite du signal que vous adresserez aux acteurs concernés, si vous adoptez l’article 2 A. Le Gouvernement qui fait sien cet engagement en faveur de la juste rémunération des créateurs continuera de suivre attentivement l’évolution de la situation au cours des prochaines semaines et des prochains mois.
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 A.
(L’article 2 A est adopté.)
Article 2
Au premier alinéa de l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, le mot : « télédiffusion » est remplacé par les mots : « radiodiffusion ou télédiffusion, leur mise à disposition du public en ligne ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 5 rectifié bis est présenté par MM. Decool, Malhuret, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin, M. Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Dumont, MM. Lefèvre, Pellevat, Cigolotti, Moga, Bouchet et Daubresse, Mme Saint-Pé et MM. Laménie et Guiol.
L’amendement n° 84 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin et M. Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « autorisation », il est inséré le mot : « préalable » ;
b) Après le mot : « programmes », sont insérés les mots : « sur tout type de support » ;
c) Les mots : « , leur télédiffusion » sont supprimés ;
d) Les mots : « dans un lieu accessible à celui-ci moyennant paiement d’un droit d’entrée » sont remplacés par les mots : « , notamment par tout procédé de télécommunication, autre que celle mentionnée au 4° de l’article L. 214-1 »
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorisation accordée par l’entreprise de communication audiovisuelle pour la reproduction ou la communication au public de ses programmes fixe les conditions de l’exploitation de ceux-ci sur les plans technique et financier. »
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 84 rectifié bis.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement vise à renforcer les droits voisins des éditeurs audiovisuels, afin que les radios et les télévisions conservent le bénéfice de la valeur de leurs programmes.
L’article 2 améliore la réglementation relative aux créations disponibles sur internet, mais nous pourrions aller plus loin : la révolution numérique à laquelle nous assistons a fait émerger des pratiques qui s’appuient sur les failles de notre droit de la propriété intellectuelle pour se développer et qui conduisent à capter de la valeur, en l’occurrence les contenus des éditeurs, sans que ces derniers en soient informés.
Cet amendement tend à ce que l’autorisation accordée au titre du droit de reproduction soit requise au préalable et pour tous types de supports.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’article 2 vise à clarifier un certain flou juridique sur l’agrégation par des plateformes de programmes d’entreprises de communication audiovisuelle. Je pense notamment aux programmes des radios qui sont conservés sous la forme de podcasts et rendus disponibles, non seulement sur le site ou l’application du média, mais également sur d’autres, comme Apple Podcast.
Cet article précise que l’autorisation de l’éditeur est requise pour l’utilisation de ces programmes, en direct comme en différé. Cette disposition constitue un progrès incontestable.
La combinaison des amendements nos 5 rectifié bis et 84 rectifié bis, ainsi que des amendements nos 6 rectifié ter, 85 rectifié ter, 7 rectifié ter et 86 rectifié ter, nous conduit à aller beaucoup plus loin que ce progrès déjà notable.
Ces amendements visent en effet à ce que les entreprises de communication audiovisuelle puissent négocier, selon des modalités légales et financières nouvelles, l’exploitation de la reprise de leurs programmes, ce qui reviendrait en pratique à créer une très forte complexité pour l’ensemble des usagers et à détruire les agrégateurs de contenus.
Plus important, leur adoption aurait pour effet de conditionner au paiement d’une redevance la diffusion du programme d’une radio ou d’une télévision dans un lieu ouvert au public, comme un salon de coiffure ou un événement retransmis par une collectivité.
Concrètement, la redevance perçue par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem), déjà acquittée, serait partagée avec les auteurs, ce qui implique soit son augmentation, si l’on veut maintenir le pouvoir d’achat des artistes, soit la diminution de la part qui revient à ces derniers, si le montant de cette redevance devait rester stable.
On comprend bien l’intérêt de ces mesures pour les entreprises de communication audiovisuelle, mais elles me paraissent un peu dangereuses, car elles transfèrent in fine la charge sur les commerces ou les collectivités.
Dès lors, et sous le bénéfice des explications de Mme la ministre, j’émets un avis défavorable sur les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 84 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Votre argumentation avait la pureté du cristal, monsieur le rapporteur. (Rires sur des travées du groupe Les Républicains.) J’y souscris : avis défavorable ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié bis et 84 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 2
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 6 rectifié ter est présenté par MM. Decool, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin, M. Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Dumont, MM. Lefèvre, Pellevat, Cigolotti, Moga, Bouchet et Daubresse, Mme Saint-Pé et MM. Laménie et Guiol.
L’amendement n° 85 rectifié ter est présenté par Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Artano, Bilhac, Cabanel, Gold et Guérini, Mme Guillotin et M. Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Après le 3° de l’article L. 214-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Pour l’application du 1° du présent article, est également concernée la communication directe dans un lieu public, sans paiement d’un droit d’entrée, des programmes des entreprises de communication audiovisuelle mentionnés à l’article L. 216-1 du présent code. Pour ce type d’exploitation de leurs programmes, les entreprises de communication audiovisuelle bénéficient, à parts égales avec les producteurs et les artistes-interprètes, de la rémunération mentionnée au présent article, et dans les conditions fixées aux articles L. 214-2 à L. 214-5. » ;
2° L’article L. 214-2 est complété par les mots : « et, lorsqu’il y a lieu, les entreprises de communication audiovisuelle » ;
3° L’article L. 214-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « des producteurs de phonogrammes », sont insérés les mots : « et des entreprises de communication audiovisuelle » et après les mots : « et les personnes utilisant les phonogrammes », sont insérés les mots : « ou les programmes » ;
b) Au deuxième alinéa, après les mots : « les personnes utilisant les phonogrammes », sont insérés les mots : « ou les programmes » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 214-4, après le mot : « phonogrammes » sont insérés les mots : « ou les programmes » et les mots : « et 3° » sont remplacés par les mots : « 3° et 4° ».
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié ter.
M. Jean-Pierre Decool. Le présent amendement vise à inclure dans le champ de la licence légale, qui couvre d’ores et déjà la diffusion des phonogrammes dans les lieux publics et qui profite aux artistes interprètes et aux producteurs de phonogrammes, la diffusion dans les mêmes lieux des programmes des entreprises de communication audiovisuelle.
Le dispositif serait néanmoins limité aux lieux publics qui sont accessibles sans paiement d’un droit d’entrée, car la diffusion des programmes dans les lieux accessibles au public dont l’accès est conditionné au paiement d’un droit d’entrée relève du droit exclusif des entreprises de communication audiovisuelle selon la directive 2006/115/CE du 12 décembre 2006.
Ce mécanisme de licence légale appliqué aux programmes des entreprises de communication audiovisuelle garantira une rémunération effective des radios et des télévisions en cas de diffusion de leurs contenus dans les lieux publics accessibles sans paiement d’un droit d’entrée. Aujourd’hui, ces éditeurs en sont privés, contrairement aux artistes interprètes et aux producteurs de phonogrammes.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 85 rectifié ter.
Mme Véronique Guillotin. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je vous ferai grâce de nouvelles explications, mes chers collègues : avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié ter et 85 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 7 rectifié ter est présenté par MM. Decool, Malhuret, Chasseing, Guerriau, Lagourgue, A. Marc et Médevielle, Mmes Mélot et Paoli-Gagin, M. Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Dumont et MM. Lefèvre, Pellevat, Cigolotti, Moga, Bouchet, Daubresse, Laménie et Guiol.
L’amendement n° 86 rectifié ter est présenté par Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin et M. Requier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 311-1 du code de la propriété intellectuelle, après les mots : « les producteurs de ces phonogrammes ou vidéogrammes », sont insérés les mots : « en ce compris les entreprises de communication audiovisuelle en cette qualité ».
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié ter.
M. Jean-Pierre Decool. En raison de l’évolution technologique, les entreprises de communication audiovisuelle, comme les éditeurs de services de radio et de télévision, effectuent aujourd’hui, de manière quasi systématique, la première fixation sonore ou audiovisuelle de leurs programmes propres avant diffusion et sont, à ce titre, des producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes au sens des articles L. 213-1 et L. 215-1 du code de la propriété intellectuelle.
Par ailleurs, du fait de la même évolution des technologies et des supports d’enregistrement, on constate une hausse des copies de contenus. De plus en plus, en effet, les utilisateurs consomment, téléchargent et enregistrent les programmes sur leur smartphone, leur tablette ou leur ordinateur.
Afin de compenser la perte subie par les titulaires de droits voisins que sont les éditeurs de radio et de télévision par suite de ces reproductions, le présent amendement vise à confirmer expressément qu’ils bénéficient du dispositif de rémunération pour copie privée, au même titre que les actuels bénéficiaires du système.
Cette modification est conforme à la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 qui permet, voire impose, cette extension de rémunération pour copie privée aux entreprises de communication audiovisuelle.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 86 rectifié ter.
Mme Véronique Guillotin. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je vous ferai une nouvelle fois grâce de mes explications. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié ter et 86 rectifié ter.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Article 2 bis (nouveau)
L’article L. 218-4 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, les mots : « de fournir aux éditeurs de presse et aux agences de presse » sont remplacés par les mots : « d’entamer et de conclure des négociations globales avec les éditeurs de presse et les agences de presse réunis ensemble en vue de fixer le montant de la rémunération prévue au deuxième alinéa et de leur fournir préalablement » ;
2° Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Tout refus de négociation ou de conclusion de l’accord mentionné au troisième alinéa, par un service de communication au public en ligne reproduisant ou exploitant directement ou indirectement le contenu d’une publication de presse, est porté à la connaissance du ministre chargé de la communication qui mandate un représentant pour conclure l’accord. En cas de refus du service concerné de conclure l’accord, dans un délai et selon des modalités fixés par décret, le ministre ou toute partie y ayant intérêt peut saisir le juge judiciaire qui prononce une sanction pécuniaire qui ne peut excéder 20 millions d’euros ou 6 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent du service concerné. »
M. le président. L’amendement n° 68, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je vais bien sûr m’adresser à l’ensemble de la Haute Assemblée, mais aussi, plus précisément, s’il me le permet, à M. Assouline.
Monsieur le sénateur, je tiens à saisir l’occasion qui m’est donnée pour saluer votre engagement depuis plusieurs années en faveur de la consécration d’un droit voisin au profit des éditeurs et des agences de presse et, plus largement, en faveur de la défense des créateurs. Il fallait que cela soit dit.
La loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse témoigne de ce que la presse n’est pas un secteur économique comme les autres. Les plateformes numériques qui captent la valeur créée par les journalistes, les éditeurs et les agences doivent contribuer au financement de ce secteur.
Nous savons tous que la mise en œuvre de ce droit se heurte malheureusement à des difficultés qui résultent pour l’essentiel de la position de l’un des acteurs dominants, qui refuse de négocier de bonne foi avec l’ensemble des acteurs concernés.
Je comprends donc parfaitement et partage le souhait de la commission de la culture du Sénat, inquiète de cette situation de blocage, de trouver une solution pour que ce droit voisin soit pleinement mis en œuvre. La situation actuelle est néanmoins complexe et invite à la prudence.
J’attire tout d’abord votre attention sur la nécessité d’agir avec précaution sur un plan juridique, compte tenu des risques de fragilisation qu’une telle action pourrait faire peser sur le dispositif au regard du cadre fixé par la directive européenne, qui ne laisse qu’une marge de manœuvre très limitée.
À cet égard, le Sénat s’est attaché à ce que la loi du 24 juillet 2019 soit aussi précise que possible, mais dans le strict respect du droit européen. En revanche, je ne suis pas convaincue que l’article 2 bis présente les mêmes garanties. Le vote d’une telle disposition pourrait susciter de nouveaux recours dilatoires de la part des plateformes et retarder encore la mise en œuvre de ce droit voisin, auquel nous sommes très attachés.
Par ailleurs, toutes les familles de presse, rejointes par l’Agence France Presse, ont déposé plainte contre Google – c’est de cette société qu’il s’agit… – auprès de l’Autorité de la concurrence pour abus de position dominante. La décision rendue par cette autorité le 9 avril 2020 conforte le bien-fondé de la demande des acteurs de la presse.
L’Autorité de la concurrence devrait se prononcer très prochainement sur le respect par la société Google de l’injonction de négocier de bonne foi que l’Autorité lui avait adressée. Une nouvelle condamnation aurait nécessairement un effet décisif sur les négociations avec les éditeurs et les agences de presse.
L’article 2 bis me paraît prématuré, dès lors que toutes ces voies de droit ne sont pas épuisées. Compte tenu du contexte que je viens d’exposer, mon amendement vise donc à supprimer l’article 2 bis. Je veux cependant vous assurer, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, de l’engagement sans faille du Gouvernement à prendre toutes ses responsabilités dans les combats qu’il reste à mener sur ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement revient sur un dispositif adopté par la commission à l’unanimité.
Depuis bientôt deux ans, après le vote également à l’unanimité de la loi du 24 juillet 2019, dont l’auteur et rapporteur était notre collègue David Assouline, les droits voisins n’ont donné lieu à aucun versement de la part des grandes plateformes. Pire, les négociations qui traînent en longueur ont contribué à fissurer le front des éditeurs et des agences, comme en a témoigné la table ronde édifiante organisée ici même par la commission le 14 avril dernier.
Dans ce contexte, j’entends les réserves juridiques exprimées par Mme la ministre sur le dispositif de l’article 2 bis. J’observe cependant que d’autres pays, comme l’Australie, ont obtenu des résultats prometteurs sous la pression des pouvoirs publics.
Dès lors, il me semble qu’il convient de bien marquer notre volonté de contraindre les grandes plateformes, non pas à recourir à des tactiques dilatoires, mais à négocier en toute bonne foi et avec la conscience aiguë qu’elles doivent respecter la volonté clairement exprimée des législateurs européens et nationaux.
Nous attendons également, dans peu de temps, une décision de l’Autorité de la concurrence. La commission a entendu sa présidente, Mme de Silva, le 7 avril dernier : nous pensons qu’une prise de position ferme de sa part serait susceptible de faire bouger les lignes.
Cependant, dans l’attente d’avancées très significatives, je crois qu’il est primordial de maintenir cet article. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à l’amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je partage la volonté du rapporteur de maintenir un dispositif voté à l’unanimité par la commission de la culture, sur l’initiative de notre collègue David Assouline.
J’ai entendu les arguments juridiques que vous avez présentés, madame la ministre, et vous avez eu raison de nous rappeler ce que doit être la procédure. Cependant, durant toutes ces années, nous avons appris que, face aux plateformes, seuls le rapport de force et l’e-réputation – si je puis dire – fonctionnent, si l’on veut faire avancer les choses.
Souvenez-vous, mes chers collègues, que, lorsque nous avons défendu la nécessité d’un alignement du taux de TVA pour le livre numérique sur celui du livre papier, on nous a expliqué que nous tentions de légiférer avant que l’Europe ne se soit prononcée. Finalement, bien nous en a pris, puisque nous avons contribué à faire avancer les choses.
Il nous faut marteler la nécessité que les plateformes rentrent dans le rang, si je puis m’exprimer ainsi, et montrer constamment notre détermination de faire avancer la cause de la régulation du numérique.
Aujourd’hui, les plateformes contestent même le contenu du Digital Services Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA). J’ai auditionné plusieurs de leurs représentants dans le cadre des travaux de la commission des affaires européennes : je n’ai rien pu en tirer, ils se refusent d’ores et déjà à appliquer le futur droit européen !
C’est pourquoi je soutiens l’amendement de notre collègue David Assouline, devenu l’article 2 bis du présent texte.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Madame la ministre, tout d’abord, je vous remercie pour vos propos.
Ensuite, je ne doute absolument pas que nous soyons d’accord sur ce sujet. Simplement, étant donné nos fonctions respectives, nous ne sommes pas d’accord sur la manière de faire avancer rapidement le dossier.
Cet article est une sorte d’appel au Gouvernement pour qu’il s’engage à prendre la main, une fois la décision de l’Autorité de la concurrence connue, s’il constate que la situation est bloquée.
La France n’est pas n’importe quel pays : si, à un moment donné, la France ne dit pas – car c’est de cela qu’il s’agit – qu’elle n’accepte pas qu’un géant de l’internet contourne et empêche l’application de la loi française sur son territoire, alors qui le fera ?
Chacun contribue à faire avancer ce combat comme il le peut. Pour ma part, j’ai veillé à ce que le dispositif de mon amendement ne fragilise pas la portée de la décision que rendra l’Autorité de la concurrence. Cet article est d’abord un message politique envoyé aux plateformes, qui se réfugient actuellement derrière des pratiques inacceptables, pour les contraindre à respecter notre droit.
Je pense d’ailleurs que ces plateformes sont en train d’évoluer. Il y a peu, notre commission a auditionné, à leur demande, des représentants de Google : ils nous ont dit avoir évolué grâce à notre loi et à nos efforts, tout en avançant certaines difficultés d’application.
À l’origine, souvenez-vous, ils considéraient que les droits voisins n’existaient pas, que la seule chose qu’ils pouvaient faire était de verser à la presse, de manière volontaire, de quoi vivre, parce que ce sont de grands mécènes ! C’est tout juste s’ils ne demandaient pas à être payés pour référencer les titres… Ils ont changé : désormais, ils reconnaissent l’existence des droits voisins, même s’ils insistent sur les difficultés pour répartir ces droits.
Nos combats font bouger les choses : il faut avoir conscience du poids que nous avons. Nos efforts sont suivis avec intérêt partout en Europe – nous étions les premiers à légiférer sur le sujet –,…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. … mais aussi ailleurs dans le monde, puisque l’Australie s’est également référée à nos travaux.
M. le président. Merci, mon cher collègue !
M. David Assouline. J’espère que les travaux de l’Assemblée nationale…
M. Arnaud Bazin. C’est fini !
M. David Assouline. … nous permettront d’aller encore plus loin.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Ce sujet est, de longue date, important pour notre commission (Mme Catherine Morin-Desailly acquiesce.) ; je pense notamment au travail mené par notre collègue David Assouline, en rappelant que sa proposition de loi, ainsi que l’amendement qui est devenu l’article 2 bis de ce projet de loi ont été votés à l’unanimité.
Je ferai deux remarques.
Première remarque, je ne crois pas, madame la ministre, que nous nous opposions sur le fond. Nous avons peut-être une vision différente sur la manière de parvenir à un même résultat. Si l’on en reste au texte en vigueur, je pense que la presse, dans son organisation actuelle, ne s’en sortira pas et, compte tenu du rapport de force, perdra son combat contre Google – je cite le nom de cette entreprise, puisque vous l’avez fait vous-même, madame la ministre. On le voit au travers de l’accord conclu avec l’Alliance de la presse d’information générale : le résultat obtenu n’est pas totalement satisfaisant.
C’est la raison pour laquelle – c’est ma seconde remarque – il va falloir rééquilibrer ce rapport de force. Deux moyens sont envisageables pour y parvenir.
On peut simplement attendre que l’Autorité de la concurrence rende son avis. Je dois avouer que cela nous aurait simplifié la tâche si cette décision avait été publiée avant l’examen de ce texte.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mais c’est ainsi : l’agenda de l’Autorité n’est pas celui du Parlement. Dont acte !
On peut aussi renforcer le dispositif législatif. Or le projet de loi que nous examinons aujourd’hui constitue un véhicule législatif adéquat et nous n’en aurons sans doute pas d’autre avant un moment. De surcroît, le parcours de ce texte va durer plusieurs semaines et la rédaction de cet article pourra être revue soit lors de son examen par l’Assemblée nationale, soit lors de la réunion de la commission mixte paritaire. C’est pourquoi il nous semble primordial d’y introduire, dès l’examen du texte en première lecture au Sénat, un dispositif qui diffère de l’état actuel du droit.
En réalité, sauf à ce que l’avis de l’Autorité de la concurrence soit suffisamment solide et argumenté, et montre à la société Google qu’il faut aller bien au-delà de ce qu’elle a mis en place dans le cadre de la première convention, nous pensons qu’il est nécessaire de renforcer le dispositif législatif actuel.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. À ce point de notre discussion, sur un sujet aussi fondamental, je veux réaffirmer que, sans nul doute, la question de la propriété intellectuelle et des droits voisins est cruciale pour l’évolution de notre société. Si nous voulons défendre notre patrimoine à la fois culturel et économique, nous devons avancer sur ce dossier.
Je m’étonne d’ailleurs de voir que l’on défend souvent – à juste titre – les filières automobile ou aéronautique, que l’on demande des politiques vigoureuses de réindustrialisation, mais que l’on oublie de se saisir de la question de la propriété intellectuelle qui représente souvent, pour ce qui est de la création de valeur, un enjeu beaucoup plus important que celui des filières industrielles classiques.
Si je suis défavorable aujourd’hui à l’introduction de cet article dans le projet de loi, ce n’est donc pas sur le fond, mais pour une simple question de temporalité. J’admets parfaitement votre argumentation, monsieur le président Lafon, et je peux vous dire que nous prendrons toutes nos responsabilités avant la fin de la discussion de ce texte. C’est absolument indispensable !
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis.
(L’article 2 bis est adopté.)
Article 3
Le chapitre III du titre III du livre III du code du sport est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Lutte contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives
« Art. L. 333-10. – I. – Lorsqu’ont été constatées des atteintes graves et répétées au droit d’exploitation audiovisuelle prévu à l’article L. 333-1, au droit voisin d’une entreprise de communication audiovisuelle prévu à l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que le programme concerné est constitué d’une manifestation ou d’une compétition sportive, ou à un droit acquis à titre exclusif par contrat ou accord d’exploitation audiovisuelle d’une compétition ou manifestation sportive, occasionnées par le contenu d’un service de communication au public en ligne dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions ou manifestations sportives, et afin de prévenir ou de remédier à une nouvelle atteinte grave et irrémédiable à ces mêmes droits, le titulaire de ce droit peut saisir le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant selon la procédure accélérée au fond ou en référé, aux fins d’obtenir toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser cette atteinte, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier, et notamment aux personnes mentionnées aux 1 et 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ainsi qu’à tout fournisseur de noms de domaine, tout exploitant de moteur de recherche, annuaire ou autre service de référencement.
« Peuvent également à ce titre saisir le président du tribunal judiciaire dans les conditions prévues au premier alinéa du présent I :
« 1° Une ligue sportive professionnelle, dans le cas où elle est concessionnaire de la commercialisation des droits d’exploitation audiovisuelle de compétitions sportives professionnelles, susceptibles de faire l’objet ou faisant l’objet de l’atteinte mentionnée au même premier alinéa ;
« 2° L’entreprise de communication audiovisuelle, dans le cas où elle a acquis un droit à titre exclusif, par contrat ou accord d’exploitation audiovisuelle, d’une compétition ou manifestation sportive, que cette compétition ou manifestation sportive soit organisée sur le territoire français ou à l’étranger, dès lors que ce droit est susceptible de faire l’objet ou fait l’objet de l’atteinte mentionnée audit premier alinéa.
« II. – Le président du tribunal judiciaire peut notamment ordonner, au besoin sous astreinte, la mise en œuvre, pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition ou de la manifestation sportive, dans la limite d’une durée de douze mois, de toutes mesures proportionnées, telles que des mesures de blocage ou de retrait ou de déréférencement, propres à empêcher l’accès à partir du territoire français, à tout service de communication au public en ligne identifié ou qui n’a pas été identifié à la date de ladite ordonnance diffusant illicitement la compétition ou manifestation sportive, ou dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de la compétition ou manifestation sportive. Les mesures ordonnées par le président du tribunal judiciaire de Paris prennent fin, pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition ou de la manifestation sportive, à l’issue de la diffusion autorisée par le titulaire du droit d’exploitation de cette compétition ou de cette manifestation.
« Le président du tribunal judiciaire de Paris peut ordonner toute mesure de publicité de la décision, notamment son affichage, sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’il désigne, selon les modalités qu’il précise.
« III. – Pour la mise en œuvre des mesures ordonnées sur le fondement du II portant sur un service de communication au public en ligne non encore identifié à la date de ladite ordonnance, et pendant toute la durée de ces mesures restant à courir, le titulaire de droit concerné communique à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique les données d’identification du service en cause, selon les modalités définies par l’autorité.
« Lorsque les agents habilités et assermentés de l’autorité mentionnés à l’article L. 331-14 du code de la propriété intellectuelle constatent que le service mentionné au premier alinéa du présent III diffuse illicitement la compétition ou la manifestation sportive ou a pour objectif principal ou un des objectifs principaux une telle diffusion, l’autorité notifie les données d’identification de ce service aux personnes mentionnées par l’ordonnance prévue au II afin qu’elles prennent les mesures ordonnées à l’égard de ce service pendant toute la durée de ces mesures restant à courir.
« Lorsqu’il n’est pas donné suite à la notification de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent III, elle peut demander au service concerné de se justifier et l’autorité judiciaire peut être saisie, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure destinée à faire cesser l’accès à ces services.
« IV. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique adopte des modèles d’accord que les titulaires de droits mentionnés au I, la ligue professionnelle, l’entreprise de communication audiovisuelle ayant acquis un droit à titre exclusif et les personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ainsi que toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes mentionnées au I du présent article sont invités à conclure. L’accord conclu entre les parties précise les mesures qu’elles s’engagent à prendre pour faire cesser d’éventuelles violations de l’exclusivité du droit d’exploitation audiovisuelle de la manifestation ou de la compétition sportive et la répartition du coût des mesures ordonnées sur le fondement du II.
« Art. L. 333-11. – Afin de faciliter les actions qui peuvent être engagées sur le fondement de l’article L. 333-10 et l’exécution des décisions judiciaires qui en découlent, les agents habilités et assermentés de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peuvent constater les faits susceptibles de constituer les atteintes aux droits mentionnées au même article L. 333-10.
« Dans ce cadre, les agents habilités et assermentés de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peuvent, sans en être tenus pénalement responsables :
« 1° Participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques susceptibles de se rapporter aux atteintes aux droits mentionnées audit article L. 333-10 ;
« 2° Reproduire des manifestations ou des compétitions sportives diffusées sur les services de communication au public en ligne ;
« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen des éléments de preuve sur ces services aux fins de leur caractérisation ;
« 4° Acquérir et étudier les matériels et logiciels propres à faciliter la commission des atteintes aux droits mentionnées au même article L. 333-10.
« À peine de nullité, ces actes ne peuvent avoir pour effet d’inciter autrui à commettre une infraction.
« Les agents habilités et assermentés de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique consignent les informations ainsi recueillies dans un procès-verbal qui rend compte des conditions dans lesquelles les facultés reconnues aux 1° à 4° du présent article ont été employées. »
M. le président. L’amendement n° 43, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. On le sait, les droits télévisés sont aujourd’hui une manne financière primordiale pour les clubs professionnels, mais j’ai une nouvelle fois l’impression que l’on prend le problème à l’envers.
La dépendance croissante de notre pays par rapport aux droits télévisés, au moins pour ce qui concerne le football, a conduit à une surenchère permanente et à une explosion des coûts pour les ménages : 22 euros pour l’abonnement à Canal+, 20 euros pour feu Téléfoot, 15 euros pour BeIN Sports, 10 euros pour Eurosport, 20 euros pour RMC Sport, etc. La facture mensuelle pour vivre sa passion est inatteignable pour la plupart des ménages.
Reste l’option d’aller au stade qui, hélas, n’évite pas les écueils. Le premier écueil est économique, puisque la modernisation et la rénovation des stades ont entraîné une hausse du prix des abonnements. Le second est technique, et ce pour plusieurs raisons : sans parler de la multiplication des interdictions de déplacement pour assister aux matchs à l’extérieur de son équipe ou des interdictions de stade, les supporters sont confrontés à la décentralisation d’une partie des enceintes sportives en dehors des centres urbains.
Enfin, il faut se poser la question des horaires des matchs, dont les diffuseurs sont pour partie responsables. Au gré des desiderata de ces diffuseurs, mus par la volonté de capter le maximum d’audience en France, mais aussi de viser de nouvelles cibles marketing, par exemple en Chine, on a organisé de plus en plus de manifestations sportives à des horaires totalement inadaptés, d’autant que les horaires de travail ont eux-mêmes changé.
Nous sommes donc confrontés à tout un écosystème qui, par la force des choses, éloigne les supporters des stades, mais aussi des écrans de télévision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La lutte contre le piratage sportif est d’autant plus importante que les plateformes qui en profitent aujourd’hui ne sont pas situées en France et se rémunèrent en faisant payer les bénéficiaires. Il s’agit d’un système industrialisé, qui n’a rien à voir avec des démarches individuelles, ce que nous pourrions davantage comprendre. La commission est donc défavorable à cet amendement.
J’ajoute, puisque notre collègue a parlé des supporters, que l’on peut aussi voir, pour cinq euros, de très beaux matchs de football dans les stades de National 2 où s’affrontent des joueurs qui évolueront ensuite, pour certains, en Ligue 1.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. J’ajoute à l’excellente démonstration du rapporteur un autre argument : la taxe adoptée sur l’initiative de Marie-George Buffet en 2000 garantit qu’une partie des droits de diffusion des manifestations sportives finance le sport amateur.
M. Michel Savin. Très juste !
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je suis donc assez étonnée, monsieur le sénateur, que vous présentiez cet amendement. Lutter contre le piratage des événements sportifs revient à conserver du sens à ce dispositif. Je suis donc défavorable à l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Savin, Kern, Brisson, Piednoir, Menonville et Levi, Mme Berthet, MM. Laugier et Delahaye, Mme Guidez, MM. Laménie, D. Laurent, Burgoa, Pellevat, Chasseing, Lefèvre et P. Martin, Mme Deromedi, M. B. Fournier, Mme Canayer, MM. Duffourg et Folliot, Mmes Di Folco et N. Delattre, MM. Bouchet, Wattebled, Savary, A. Marc et Bonhomme, Mmes Deroche, Raimond-Pavero, Dumont et Micouleau, M. Longeot, Mme M. Mercier, M. Chauvet, Mme Gatel, M. Klinger, Mme Borchio Fontimp, MM. Milon et Sido, Mmes Schalck et Imbert, MM. Chatillon et Babary, Mme Lopez, M. Duplomb, Mmes Gosselin et Garriaud-Maylam, MM. Le Gleut, Genet, Moga et Bouloux, Mmes Bourrat et Bonfanti-Dossat et M. Decool, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En cas de difficulté relative à l’application du deuxième alinéa du présent III, le président du tribunal judiciaire de Paris peut être saisi, en référé ou sur requête, pour ordonner toute mesure propre à faire cesser l’accès à ces services.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Le présent amendement a été élaboré avec le concours de notre rapporteur, mais aussi avec celui de l’ensemble des acteurs concernés par le sujet – les ayants droit, les diffuseurs, les ministères, le Comité national olympique et sportif français, les fédérations, les ligues, bref, tous ceux qui sont de près ou de loin intéressés par la question du piratage des événements sportifs.
Il vise à mieux organiser un éventuel recours devant le juge en cas de difficulté d’application du mécanisme de notifications adressées par l’Arcom, sans pour autant laisser penser que sa mise en œuvre pourrait avoir un quelconque caractère facultatif.
Il est dans l’intérêt de tous de bien sécuriser ce dispositif. C’est pourquoi j’espère que cet amendement recevra un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’alinéa 12 de cet article a suscité de nombreuses interrogations de la part des parties concernées. Il apparaît nécessaire juridiquement pour sécuriser le dispositif, mais sa rédaction pourrait laisser penser que les notifications émises par l’Arcom ont un caractère facultatif.
La rédaction proposée par nos collègues Michel Savin et Claude Kern – je profite de cet instant pour saluer leur engagement sur ce texte – lève l’ambiguïté et devrait conforter le dispositif de l’article 3, qui est attendu avec grande impatience par les ayants droit.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je ne suis pas certaine, monsieur le rapporteur, que cette nouvelle rédaction lève toute ambiguïté, mais le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Section 2
Dispositions modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication
Article 4
Après l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 3-2 ainsi rédigé :
« Art. 3-2. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure les missions prévues à l’article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle et veille au respect de la propriété littéraire et artistique. » – (Adopté.)
Article 5
L’article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Le septième alinéa est supprimé ;
2° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique désigne parmi ses membres ayant une compétence juridique celui qui exerce la mission prévue au paragraphe 1 de la sous-section 3 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du code de la propriété intellectuelle. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 58 est présenté par M. Bargeton.
L’amendement n° 92 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi rédigé :
« Art. 4. – I. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique comprend neuf membres nommés par décret en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication, notamment dans le secteur audiovisuel, ou des communications électroniques.
« Le président est nommé par le Président de la République pour la durée de ses fonctions de membre de l’autorité. En cas d’empêchement du président, pour quelque cause que ce soit, la présidence est assurée par le membre de l’autorité le plus âgé.
« Trois membres sont désignés par le Président de l’Assemblée nationale et trois membres par le Président du Sénat. Dans chaque assemblée parlementaire, ils sont désignés après avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles statuant à bulletin secret à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
« Un membre en activité du Conseil d’État et un membre en activité de la Cour de cassation sont désignés respectivement par le vice-président du Conseil d’État et le premier président de la Cour de cassation.
« II. – Le mandat des membres de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est de six ans. Il n’est pas renouvelable. Il n’est pas interrompu par les règles concernant la limite d’âge éventuellement applicables aux intéressés.
« III. – À l’occasion de chaque renouvellement, les présidents des assemblées parlementaires désignent une femme et un homme. Sauf accord contraire, chacun désigne un membre du sexe opposé à celui qu’il a désigné lors du précédent renouvellement biennal. Le présent alinéa s’applique sous réserve du deuxième alinéa du présent III.
« Lors de la désignation d’un nouveau membre appelé à remplacer un membre dont le mandat a pris fin avant le terme normal, le nouveau membre est de même sexe que celui qu’il remplace. Dans le cas où le mandat de ce membre peut être renouvelé, le président de l’autre assemblée parlementaire désigne un membre de l’autre sexe.
« Les membres désignés en application du dernier alinéa du I sont de sexe opposé.
« IV. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique désigne, en dehors de leur présence, parmi les deux membres nommés en application du dernier alinéa du I celui qui exerce pendant la première moitié de son mandat la mission mentionnée aux articles L. 331-18, L. 331-19, L. 331-21 et L. 331-22 du code de la propriété intellectuelle. L’autre membre, qui le supplée dans l’exercice de cette mission, lui succède pour l’exercer pendant la deuxième partie de son mandat.
« V. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ne peut délibérer que si six au moins de ses membres sont présents. Elle délibère à la majorité des membres présents. Le président a voix prépondérante en cas de partage égal des voix. »
La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 58.
M. Julien Bargeton. Nous en venons à la question de la composition de l’Arcom. Comme cela a été évoqué lors de la discussion générale, je crois qu’il est important, à ce sujet, de parvenir à une solution de compromis.
Je propose d’ajouter deux magistrats aux sept membres qui composent le collège, tel qu’issu du CSA. Le président du CSA, lorsque nous l’avons entendu, plaidait plutôt pour limiter l’instance à sept membres. Pour autant, il me semble qu’ajouter deux magistrats répondrait in fine à l’ensemble des contraintes.
Premièrement, je crois que le Parlement a intérêt à ce que deux magistrats intègrent l’Arcom dans la mesure où celle-ci reprend des compétences juridiques importantes, notamment celles qui sont aujourd’hui dévolues à la commission de protection des droits de la Hadopi. Intégrer deux magistrats, comme le Gouvernement le souhaite, paraît donc une bonne chose. En procédant de la sorte, nous ne retirons rien aux nominations du Parlement, puisque chacune des deux assemblées continuerait de désigner trois membres.
Deuxièmement, ma proposition permet que soit respectée l’indépendance des nominations, car celles-ci sont effectuées, d’une part, par la Cour de cassation, d’autre part, par le Conseil d’État. Or la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel garantit l’indépendance de l’autorité judiciaire comme celle de la juridiction administrative.
On pourrait m’objecter le coût inhérent à l’inclusion de deux personnalités supplémentaires au sein de l’Arcom, mais cela ne représente pas beaucoup dans un collège qui compte aujourd’hui sept membres. L’augmentation des coûts sera donc très limitée.
Nous devons surtout prendre en considération le fait que l’Arcom sera un super-régulateur qui aura davantage de missions, de compétences et de pouvoirs que le CSA. Dès lors, le fait que son collège comporte neuf membres paraît justifié.
Pour toutes ces raisons, il me semble qu’ajouter deux magistrats aux sept membres actuellement prévus, tout en garantissant l’indépendance des nominations, est de nature à permettre un compromis au sein de notre Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 92.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. J’avais exprimé à M. le rapporteur ma volonté d’ouverture et de dialogue dans le cadre de l’examen de ce texte. C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement qui est identique à celui que Julien Bargeton vient de défendre.
Comme vous le savez, je suis particulièrement attachée à la désignation, au sein du collègue de l’Arcom, de membres ayant le statut de magistrat. Il me paraît absolument indispensable de confier à un magistrat l’exercice de la réponse graduée. Cela permet d’apporter toutes les garanties d’expertise et d’impartialité nécessaires à la mise en œuvre de cette procédure de nature prépénale, d’autant que celle-ci présente une certaine sensibilité au regard de la protection de la vie privée et de la liberté de communication. D’ailleurs, la commission de protection des droits de la Hadopi est aujourd’hui composée de trois magistrats.
Plus largement, la régulation des contenus en ligne, des fausses informations et des contenus haineux a été récemment renforcée par plusieurs textes nationaux. Elle est appelée à s’étendre davantage avec l’adoption future du Digital Services Act. Cela justifie pleinement que le collège de l’Arcom puisse bénéficier de l’expertise de deux membres magistrats.
Certes, la commission a souhaité entourer la mise en œuvre de la réponse graduée de garanties particulières, en la confiant à un membre de l’Arcom « ayant une compétence juridique ». Cependant, la composition actuelle du collège ne garantit en rien la présence d’un membre ayant une telle compétence. A fortiori, rien dans le texte de la commission n’assure la présence de magistrats.
J’ai donc une préférence pour le schéma proposé conjointement par M. Bargeton et le Gouvernement. Il permet de concilier deux objectifs : d’une part, la préservation du pouvoir de nomination des assemblées parlementaires, à laquelle vous êtes tous attachés – les assemblées continueraient, tous les deux ans, de désigner deux membres du collège de l’Arcom – ; d’autre part, la présence de deux magistrats au sein de ce collègue, l’un issu de l’ordre administratif, l’autre de l’ordre judiciaire.
Voilà les raisons qui m’ont amenée à déposer cet amendement qui me semble constituer une solution de compromis élégante et efficace.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Ces amendements sont importants : ils visent à réaliser une synthèse entre la rédaction initiale du projet de loi, qui prévoyait d’inclure deux magistrats au sein du collège de l’Arcom, au détriment des membres nommés par le Parlement, et la position de la commission, qui souhaite préserver l’influence du Parlement.
Le compromis proposé prévoit de porter le nombre de membres du collège de l’Arcom de sept à neuf, en maintenant les six nominations effectuées par le Parlement et en permettant l’introduction de deux postes réservés à des magistrats. Ces amendements tendent d’une certaine façon à résoudre la quadrature du cercle…
Je rappelle aussi que le Conseil d’État n’a pas estimé que la présence de magistrats est une obligation constitutionnelle. En outre, ni le CSA ni la Hadopi n’y étaient favorables.
Pour autant, les arguments invoqués à l’instant peuvent être entendus, puisque les futures compétences de l’Arcom auront mécaniquement pour effet d’accroître la dimension juridique de son action par rapport à la situation actuelle du CSA – c’est notamment le cas en ce qui concerne la lutte contre le piratage des programmes audiovisuels et sportifs.
La rédaction de compromis proposée par notre collègue Julien Bargeton et par le Gouvernement permet de satisfaire ces préoccupations complémentaires. La commission émet donc un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ces volontés de compromis sont intéressantes, mais l’amendement n° 12 que j’ai déposé et qui sera examiné ensuite, si ces deux amendements ne sont pas adoptés, vise justement à répondre à toutes les objections que j’ai entendues. Le compromis que je propose est donc encore plus acceptable !
Nous ne souhaitons pas que le pouvoir de nomination du Parlement soit affaibli, comme le proposait initialement le Gouvernement. Or les amendements dits de compromis de M. Bargeton et du Gouvernement placent le Parlement dans cette position, puisqu’il nommerait six membres sur neuf, et non six membres sur sept, ce qui constitue évidemment un affaiblissement.
Ces amendements permettent la présence de magistrats au sein du collègue de l’Arcom, ce qui me semble pertinent au regard des futures compétences de cette autorité – je pense notamment à la réponse graduée.
Le rapporteur, en proposant une désignation de six membres par le Parlement et un collège total de sept membres, répondait à la problématique de l’affaiblissement du rôle du Parlement, mais pas à celle de la présence de magistrats.
De leur côté, M. Bargeton et le Gouvernement proposent d’augmenter de deux le nombre de membres composant le collège pour y intégrer des magistrats, mais cela contribue à affaiblir le Parlement.
Pour ma part, je propose de maintenir sept membres au sein du collège, le Parlement devant désigner deux magistrats parmi les six qu’il doit nommer. Cela répondrait aux deux objectifs que nous poursuivons – la présence de magistrats et le non-affaiblissement du rôle du Parlement –, ainsi qu’à la bonne gestion des finances publiques… Pas la peine qu’il y ait neuf membres, quand il peut y en avoir sept !
C’est donc ma proposition qui apporte un véritable compromis et qui répond à l’ensemble des préoccupations.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 58 et 92.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 5 est ainsi rédigé, et l’amendement n° 12 n’a plus d’objet.
Article 6
Après le mot : « du », la fin de la dernière phrase du cinquième alinéa de l’article 5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigée : « dernier alinéa de 1’article 9 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. » – (Adopté.)
Article 7
Après le 11° de l’article 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, sont insérés des 12° à 16° ainsi rédigés :
« 12° Un bilan de la mise en œuvre des missions prévues à l’article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle ;
« 13° Un compte rendu du développement de l’offre légale sur les réseaux de communications électroniques, tel que mentionné à l’article L. 331-17 du même code ;
« 14° Les réponses que l’autorité préconise, le cas échéant, aux modalités techniques permettant l’usage illicite des œuvres et objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin, tels que mentionnées au même article L. 331-17 ;
« 15° Des indicateurs synthétiques relatifs aux saisines reçues et aux recommandations adressées en application de l’article L. 331-19 du même code ;
« 16° (Supprimé) ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 7
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le deuxième alinéa de l’article 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’un des services de la société mentionnée au I et la société mentionnée au III de l’article 44 constituent les services référents en matière de sport et diffusent des images, des captures sonores et des commentaires des compétitions, des manifestations et des pratiques sportives et physiques qui se déroulent dans les différentes régions. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement reprend une proposition que j’avais formulée dans mon rapport relatif à la place du sport à la télévision en France, remis au Gouvernement en septembre 2016. À cette occasion, j’avais émis le souhait de conforter le rôle du service public dans la mise en valeur du sport à la télévision. J’avais envisagé plusieurs pistes pour atteindre cet objectif, notamment celle de distinguer, au sein du groupe France Télévisions, une chaîne référente en la matière.
Les chiffres présentés dans ce rapport sont éloquents : en 2015, France Télévisions a diffusé un peu plus de 1 000 heures de sport. C’est la seule société capable d’offrir au public une telle quantité d’émissions et de retransmission et c’est sans équivalent dans le paysage en clair, à l’exception de la chaîne L’Équipe qui est uniquement dédiée à cela. En outre, sa couverture multichaînes de grands événements sportifs – Tour de France, Roland-Garros, jeux Olympiques, etc. – est très convaincante.
Compte tenu des contraintes et des spécificités des différentes chaînes du groupe, j’avais évoqué à l’époque plusieurs pistes.
À mes yeux, un positionnement spécifique ne remet pas en cause la stratégie globale et transversale de diffusion de contenus sportifs mise en place par France Télévisions et n’aurait pas pour effet de désinvestir France 2 et France 3 de la couverture des grands événements. En outre, cela serait complémentaire avec le développement de France TV Sport, désormais hébergé sur France Info.
Dès lors, monsieur le rapporteur, l’argument que vous avez opposé en commission, selon lequel ma proposition revenait à priver les autres sociétés de procéder à des retransmissions sportives, n’est pas recevable. Telle n’était pas mon intention.
J’espère simplement que le Sénat aura à cœur d’assurer une meilleure exposition du sport dans les médias accessibles en clair et gratuits. Il conforterait ainsi le rôle du service public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cette proposition reprend un amendement précédemment déposé en commission, qui visait à dédier l’une des chaînes de France Télévisions à la diffusion de programmes sportifs.
Grâce à un travail itératif, sa rédaction a été améliorée afin de ne pas oublier Radio France, qui joue également un rôle important dans la diffusion de programmes sportifs. La place du sport sur le service public audiovisuel constitue un véritable enjeu, car son exposition est en baisse du fait de la hausse des droits de diffusion.
Cet amendement a le mérite de poser la question de l’exposition du sport, même s’il ne règle pas la question des moyens. Le texte de la commission apporte déjà une réponse, puisque le maintien de France 4, dont les programmes seront destinés à la jeunesse en journée, ouvre la possibilité de consacrer les soirées alternativement à des programmes culturels et sportifs.
Le présent amendement n’est aucunement contradictoire avec les objectifs de la commission : celle-ci partage le souci de réaffirmer la place du sport sur le service public. Par ailleurs, la notion de « services référents » présente l’avantage de n’empiéter ni sur le cahier des charges ni sur la liberté éditoriale des chaînes publiques, tout en réaffirmant un principe.
Fallait-il prévoir cette disposition à l’article 43-11 ou à l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 ? Lors des travaux en commission, l’article 44 me semblait déjà plus adapté, mais je laisse le choix à l’auteur de l’amendement.
La commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Monsieur le sénateur Assouline, vous proposez de faire de l’une des chaînes de France Télévisions et de l’une des antennes de Radio France des « référentes » en matière de sport.
Le Gouvernement n’y est pas favorable, d’abord pour une raison de principe tenant au périmètre du projet de loi : la redéfinition des missions de l’organisation du service public n’est pas l’objet du présent texte.
Surtout, il ne me semble pas opportun de réserver l’exposition de programmes sportifs à une seule chaîne du service public. France Télévisions et Radio France jouent sur la complémentarité des chaînes qu’elles éditent pour offrir la meilleure exposition aux programmes qu’elles proposent. Elles déploient cette stratégie notamment en matière de diffusion du sport, qui est une composante essentielle de la mission de renforcement de la cohésion sociale qui leur est assignée.
Enfin, un problème demeure sur la notion de « service référent » : elle n’a aucune définition juridique et ce flou est de nature à contrarier la mise en œuvre effective de la nouvelle mission que vous proposez d’assigner à l’audiovisuel public.
Pour ces raisons de forme et de fond, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 7.
Chapitre II
Dispositions relatives aux pouvoirs et compétences de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique
Article 8
L’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « audiovisuelle par tout procédé de communication » sont remplacés par les mots : « au public par voie » ;
2° Avant la dernière phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle attribue aux services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre un numéro logique en veillant à l’intérêt du public, au respect du pluralisme de l’information et à l’équité entre les éditeurs et peut, à cette fin, organiser la numérotation par blocs définis selon la programmation des services qui les composent. » ;
3° L’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« En cas de litige, s’il n’est pas fait usage des compétences mentionnées à l’article 17-1, ou en cas de litige ne faisant pas l’objet d’une procédure de sanction régie par les articles 42-1, 42-3, 42-4, 42-6, 42-15, 48-1 ou 48-2, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure une mission de conciliation entre éditeurs de services, distributeurs de services, opérateurs de réseaux satellitaires, opérateurs de plateformes en ligne, prestataires techniques auxquels ces personnes recourent, personnes mentionnées à l’article 95, auteurs, producteurs et distributeurs de programmes audiovisuels, ou les organisations professionnelles qui les représentent. »
M. le président. L’amendement n° 95, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
organiser la numérotation par
par les mots :
constituer des
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement tend à donner la possibilité à l’Arcom de créer un ou plusieurs blocs thématiques. La rédaction actuelle du texte peut laisser penser que l’organisation par blocs ne laisse pas de marges d’appréciation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cette précision ne semble pas forcément utile, mais elle peut être bienvenue… Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 44, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le sixième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille notamment au respect, par les services de plateforme de partage de contenus, des dispositions législatives et réglementaires protégeant les utilisateurs diffusant du contenu. Elle mène un travail de conciliation en vue d’aboutir à un accord assurant un partage de la valeur des contenus. » ;
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Une clarification serait la bienvenue en matière de régulation sur internet. La directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins, adoptée en 2019 et transposée l’année dernière, confie une mission de régulation aux plateformes elles-mêmes. Une telle mission n’est pas sans poser de problèmes pour les créateurs et les créatrices de contenus. YouTube, qui est soumis à deux régulations, en est l’illustration la plus marquante.
La première régulation est celle des annonceurs qui dictent de fait leurs conditions, dans la mesure où ils ont une place prépondérante dans le modèle économique de la plateforme. C’est tout particulièrement le cas avec les vulgarisateurs et les vulgarisatrices historiques, qui éprouvent de grandes difficultés à traiter les sujets sensibles. On assiste donc à une forme d’autocensure par le revenu.
La seconde régulation est celle de la plateforme elle-même. Certains l’appellent le « robot YouTube » : forcément, avec 720 000 heures de vidéos ajoutées sur la plateforme chaque jour, on se doute bien qu’une intervention humaine ne peut pas tout contrôler. Cependant, l’algorithme pratique assez largement la « surcensure ». Une nouvelle fois, les vulgarisateurs en sont les premières victimes et il est de plus en plus difficile de traiter de sujets comme la Seconde Guerre mondiale ou le complotisme, sans qu’une vidéo soit bloquée ou démonétisée.
Avec l’Arcom s’ajoute une troisième couche de régulation. Mais comment s’inscrira-t-elle dans l’écosystème général des plateformes ? Pourquoi ne pas tout simplement se substituer aux plateformes ? La question se pose d’autant plus que certaines plateformes, en particulier YouTube, appliquent le droit états-unien pour l’ensemble de leurs contenus. Le principe du fair use, notamment, n’y a pas cours, ce qui conduit à des blocages indus de contenus.
Un dialogue renforcé est donc nécessaire entre les créateurs et les plateformes, sous la médiation de l’Arcom.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je partage l’objectif de cet amendement : protéger davantage les auteurs de contenus sur les plateformes.
Pour autant, le dispositif proposé semble difficile à mettre en œuvre, car il ne prévoit aucune sanction à l’encontre des plateformes qui ne joueraient pas le jeu du partage de la valeur.
Par ailleurs, il est probable que le CSA n’ait ni les moyens ni la vocation de mener une telle concertation entre les acteurs concernés.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je partage l’avis défavorable émis par la commission.
Le 12 mai dernier, j’ai présenté en conseil des ministres une ordonnance transposant certaines dispositions de la directive sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique. Cette ordonnance comporte des dispositions qui permettront aux créateurs soit d’être rémunérés par les plateformes de partage qui diffusent leurs œuvres, soit d’obtenir l’application de mesures préventives efficaces garantissant l’indisponibilité des contenus non autorisés. Ce faisant, l’ordonnance contribuera au partage de la valeur que vous appelez de vos vœux.
Par ailleurs, elle apporte une plus grande sécurité juridique et de nouveaux droits au profit des utilisateurs. Les plateformes devront ainsi mettre en place un dispositif permettant aux utilisateurs de contester une situation de blocage ou de retrait d’une œuvre mise en ligne ; si le litige persiste, ces derniers pourront introduire un recours devant l’Arcom.
Par conséquent, l’amendement me paraît d’ores et déjà satisfait par l’ordonnance du 12 mai dernier.
M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Article additionnel après l’article 8
M. le président. L’amendement n° 45, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les vingt-quatre mois suivant la promulgation de la présente loi, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique rend public un rapport présentant le rôle éditorial des plateformes de partage de contenus et notamment la nature des algorithmes permettant à ces plateformes de favoriser l’émergence de contenus mis en avant.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. La question du rôle éditorial des plateformes revient régulièrement dans nos débats. Pendant longtemps, elles se sont gardées de jouer un quelconque rôle éditorial, se limitant en quelque sorte à être de simples espaces de mise à disposition de contenus et de mise en relation entre créateurs et spectateurs, notamment via l’espace réservé aux commentaires. Mais les choses sont en réalité plus complexes, à plusieurs titres.
Premièrement, dès lors qu’une plateforme possède un espace consacré aux commentaires, ne devrions-nous pas l’assimiler à un mini-réseau social ? C’est d’autant plus vrai, lorsque les interactions entre créateurs et spectateurs se renforcent ; ainsi, certaines plateformes offrent des possibilités de chat – c’est d’ailleurs l’activité principale de Twitch.
Deuxièmement, les plateformes proposent du contenu aux nouveaux utilisateurs : cela se produit dès la page d’accueil ou dans les onglets spécifiques qui mettent en avant les tendances – c’est par exemple le cas sur YouTube. Mais, à bien y regarder, il s’agit souvent de contenus cycliques qui participent à créer des dynamiques de vidéos, ainsi qu’une certaine uniformisation des contenus.
Bien évidemment, les vidéastes ont leur responsabilité en la matière, car ce sont bien eux qui suivent la mode, mais on ne peut pas résumer la situation à ce seul exemple.
Suivre les tendances, c’est être quasiment assuré d’être mis en avant, ce qui permet, outre la reconnaissance, d’engranger des vues et des interactions, donc des revenus. Il peut s’agir de revenus directs provenant de la plateforme en fonction du nombre de vues, mais aussi de revenus liés à des placements d’annonces avant, pendant et après les vidéos ou à des placements de produits au sein des vidéos, lorsque l’auteur acquiert une certaine visibilité.
Aussi, au vu de la place que prennent les algorithmes de mise en avant des plateformes, il semble normal qu’une certaine transparence soit appliquée. Nous aurions tort de laisser les plateformes s’autoréguler et surtout de les laisser réguler les vidéastes, alors même qu’une nouvelle génération de créateurs et de créatrices émerge et attire de l’audience.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. S’agissant d’une demande de rapport, l’avis de la commission ne peut qu’être défavorable.
Cependant, je note que le sujet du classement algorithmique des contenus mis en avant par les plateformes revient très régulièrement dans nos débats : je pense notamment à la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information et à celle visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.
Lors de l’examen de ces textes, notre collègue Catherine Morin-Desailly avait appelé notre attention sur les « bulles de filtres » qui enferment littéralement l’internaute dans des contenus qui peuvent être de plus en plus négatifs. Il s’agit donc d’un sujet réel et important sur lequel j’espère que le futur régulateur aura à cœur de proposer une analyse globale.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Nous pouvons bien sûr espérer que l’Arcom se saisira de ce sujet et je pense qu’elle le fera, mais pour les mêmes raisons que le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8 bis (nouveau)
La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifiée :
1° Avant le dernier alinéa de l’article 3-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille à ce que les distributeurs de services donnent aux éditeurs de services un accès aux données relatives à la consommation des programmes issus des services qu’ils distribuent. » ;
2° Après l’article 34-5, il est inséré un article 34-6 ainsi rédigé :
« Art. 34-6. – Sans préjudice de l’application des dispositions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données), et la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, tout distributeur de services fait gratuitement droit aux demandes des éditeurs de services de communication audiovisuelle visant à assurer l’accès de ces derniers aux données relatives à la consommation de leurs services. »
M. le président. L’amendement n° 78, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 5
Rédiger ainsi ces alinéas :
1° La première phrase du deuxième alinéa de l’article 3-1 est ainsi modifiée :
a) Les mots : « et l’établissement » sont remplacés par les mots : « , l’établissement » ;
b) Après le mot : « technologique », sont insérés les mots : « ainsi qu’au caractère équitable des conditions d’accès par les éditeurs aux données relatives à la consommation de leurs programmes » ;
2° À la première phrase du premier alinéa de l’article 17-1, après les mots : « de ce service », sont insérés les mots : « et à l’accès par l’éditeur aux données relatives à la consommation de ses programmes ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. La commission a souhaité garantir aux éditeurs un accès aux données relatives à la consommation de leurs programmes détenus par ceux qui les distribuent.
Le Gouvernement partage l’objectif de favoriser l’accès des éditeurs à ces données, qui sont devenues indispensables à la connaissance des audiences et donc à la construction d’une grille de programmes correspondant aux attentes du public.
Cependant, le principe d’un accès gratuit à ces données, dont la collecte suppose de la part des distributeurs des investissements conséquents, constitue à mes yeux une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle. Cela me paraît d’autant moins justifiable que la liberté contractuelle est aujourd’hui la règle s’agissant de la reprise des services par les distributeurs, qui fait parfois l’objet, d’ailleurs, d’une rémunération prévue dans le contrat.
Je vous propose donc plutôt de confier la mission à l’Arcom de veiller à l’accès à ces données dans des conditions « équitables », sans imposer un principe de gratuité qui irait trop loin. En outre, je suggère de donner à l’Arcom, dans le cadre de sa compétence de règlement des différends, le pouvoir de trancher les litiges qui pourraient survenir dans la mise en œuvre de ce principe d’accès équitable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement est important ; il vise à remplacer l’accès gratuit aux données d’usage des box par un accès dans des conditions « équitables ».
Le sujet des data est essentiel ; nous le constatons dans nos communes dans le cadre des relations que celles-ci entretiennent avec leurs délégataires – la communication n’est pas forcément un réflexe…
Aujourd’hui, les chaînes n’ont quasiment pas accès à ces données, il est donc nécessaire de clarifier les choses. La mention de conditions « équitables » pourrait constituer un compromis qui permettrait de progresser sur ce sujet.
La commission émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 8 bis, modifié.
(L’article 8 bis est adopté.)
Article additionnel après l’article 8 bis
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° Après la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article 3-1, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il veille à ce que les éditeurs et distributeurs de services n’entretiennent pas de relations économiques avec la puissance publique de nature à remettre en cause l’indépendance et le pluralisme de l’information. » ;
2° Après l’article 40, il est inséré un article 40-… ainsi rédigé :
« Art. 40-…. – Afin de prévenir les atteintes au pluralisme, aucune autorisation relative à un service de radio ou de télévision ne peut être délivrée à une personne appartenant à l’une des catégories suivantes :
« 1° Les sociétés, entreprises ou établissements jouissant, sous forme de garanties d’intérêts, de subventions ou, sous forme équivalente, d’avantages assurés par l’État ou par une collectivité publique sauf dans le cas où ces avantages découlent de l’application automatique d’une législation générale ou d’une réglementation générale ;
« 2° Les sociétés ou entreprises dont l’activité est significativement assurée par l’exécution de travaux, la prestation de fournitures ou de services pour le compte ou sous le contrôle de l’État, d’une collectivité ou d’un établissement public ou d’une entreprise nationale ou d’un État étranger ;
« 3° Les sociétés dont plus d’un pour cent du capital est constitué par des participations de sociétés, entreprises ou établissements mentionnés aux 1° et 2°.
« De même, est interdite, à peine de nullité, l’acquisition, la prise de contrôle ou la prise en location-gérance d’une personne titulaire d’une autorisation relative à un service de radio ou de télévision par les sociétés, entreprises ou établissements mentionnés aux 1° , 2° et 3°.
« La prise de contrôle mentionnée à l’avant-dernier alinéa du présent article s’apprécie au regard des critères figurant à l’article L. 233-3 du code de commerce ou s’entend de toute situation dans laquelle une personne physique ou morale ou un groupement de personnes physiques ou morales aurait placé un service de radio ou de télévision sous son autorité ou sa dépendance. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement d’appel, qui vise à ouvrir un débat, me donne l’occasion de poser de nouveau une question que je formule depuis longtemps. J’ignorais, lorsque je l’ai déposé, que serait annoncée la fusion entre TF1 et M6.
Je voudrais évoquer un aspect tout à fait spécifique de la situation dans notre pays et cet aspect doit éclairer le débat que nous devons avoir, à mon sens, sur la question des concentrations. En France, de grands groupes industriels, comme Vivendi ou Bouygues, qui ont un objet social qui n’a rien à voir avec le domaine des médias, de l’information, de la diffusion de la culture, du cinéma ou de la musique, possèdent une puissance inouïe dans la presse écrite et l’audiovisuel.
En Allemagne par exemple, il existe aussi de grands groupes, mais ils ne vivent pas de la commande publique et les médias constituent bien l’objet premier de leur activité. Ils ne cherchent pas, en détenant des médias, à acquérir ou à exercer une puissance d’influence en matière politique ni à valoriser leurs activités industrielles autres que celles qui sont liées aux médias.
Le lien qui existe en France entre des industries qui vivent de la commande publique et les médias est très malsain ! Je relance donc ce débat sur la concentration – je le repose régulièrement depuis une dizaine d’années –, ainsi que sur les limites que l’on doit poser à la détention des médias, en pourcentage de capital, par des grands groupes industriels qui vivent de la commande publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement tend à rouvrir un débat sur l’actionnariat des médias, qui dépasse très largement l’objet du présent projet de loi. Le Gouvernement n’a pas souhaité mettre en chantier une refonte globale de la loi de 1986. C’est pourquoi la commission s’est limitée à proposer des ajustements dans le champ des dispositions anti-concentration.
Concernant l’indépendance des médias, la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias avait précisément pour objectif de renforcer cette indépendance, via la création des comités de déontologie et en partant du principe qu’il n’était plus possible d’exercer un contrôle sur l’actionnariat.
La commission, qui partage le constat fait par le gouvernement en 2016, émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je n’ouvrirai pas le débat sur les règles de concentration, quand bien même il est fort intéressant.
Le groupe M6 est à vendre et il ne revient pas au Gouvernement d’intervenir dans une opération entre opérateurs privés. Pour autant, je serai extrêmement attentive à ce que soient rigoureusement observées les règles de la concurrence et celles du pluralisme, dont je rappelle qu’elles sont confiées à des autorités administratives indépendantes : d’un côté, l’Autorité de la concurrence, de l’autre, le CSA, appelé à devenir l’Arcom. Cette dernière structure disposera de nombreux instruments pour garantir le respect du principe de pluralisme des médias.
Par cet amendement, il est proposé d’aller plus loin et d’interdire purement et simplement à des groupes opérant dans certains secteurs d’activité, au demeurant définis de manière très large, de détenir un service hertzien de télévision ou de radio. Cela me semble excessif, voire disproportionné, et de nature à priver le secteur audiovisuel des investissements dont il a besoin pour assurer son développement.
N’oublions pas quels étaient les groupes sur les rangs pour racheter le groupe M6 : Bouygues a tout de même une expérience, lui qui est le plus grand groupe audiovisuel européen, notamment avec TF1, Vivendi, qui possède Canal+, et le groupe de Xavier Niel ! Réjouissons-nous que les deux candidats étrangers n’aient pas été retenus. En tout cas, on ne peut franchement pas dire qu’il s’agit de groupes dépourvus d’expertise dans le domaine audiovisuel !
Même si le débat que vous soulevez est extrêmement intéressant, monsieur le sénateur, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Assouline, l’amendement n° 13 est-il maintenu ?
M. David Assouline. J’ai précisé qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. On ne réglera pas le problème de la concentration des médias par le biais de ce texte dont le champ est très limité.
Je voulais surtout lancer le débat sur la question, toute particulière en France, de l’implication de grands groupes industriels dans le secteur audiovisuel, alors qu’ils vivent de la commande publique et ont des activités importantes qui n’ont rien à voir avec les médias. C’est une situation très française, vous le savez, madame la ministre, et vous n’y répondez pas, alors que ce n’est pas sain pour la démocratie.
Le groupe Bouygues œuvre dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, dans l’immobilier, dans l’énergie, tout en détenant, directement ou indirectement, plus de 50 % de TF1. On pourrait considérer que les seuils de détention du capital pourraient être modulés.
Le groupe Vivendi de Bolloré, qui contrôle Canal+, est quant à lui titulaire de contrats publics dans les secteurs des transports, des chemins de fer, de la logistique pétrolière, du stockage d’énergie, etc. Je crois qu’il n’est nul besoin de poursuivre plus avant dans la liste…
L’examen de cet amendement permet de mettre l’éclairage sur un autre sujet, qui vient d’éclater, celui de la concentration qui est aujourd’hui à l’œuvre : c’est Bouygues, le secteur du BTP en somme, qui aspire d’une certaine façon l’une des rares grandes entreprises exclusivement de médias, le groupe RTL-M6.
On continue donc dans la même logique et il nous faudra bien à un moment donné nous pencher sur cet écosystème très français, qui crée un concubinage malsain entre la sphère publique, c’est-à-dire l’État, et les médias d’information.
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président, pour qu’un vote de principe ait lieu.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Sans remettre une pièce dans la machine, car il n’est pas question de passer des heures sur ce sujet qui a déjà donné lieu à un grand débat avec Frédéric Mitterrand, votre prédécesseur, madame la ministre, je souligne que le débat sur la concentration des médias reste à venir.
À l’ère du numérique, de la mondialisation et des nouveaux défis, qui font que nos médias sont confrontés à des géants, voire à des mastodontes, il est assez naturel que certaines entreprises cherchent à se rapprocher pour survivre, devenir plus fortes et défendre finalement une certaine idée de ce que peut être la télévision européenne.
Sur cette question qui constitue un véritable enjeu, je partage tout à fait la position de Mme la ministre. Des autorités de régulation existent. L’Autorité de la concurrence et le CSA auront pour mission, dans les deux années à venir – ne nous leurrons pas, ce rapprochement assez complexe prendra bien tout ce temps –, de veiller à la garantie des conditions de concurrence et de pluralisme. La question de la masse publicitaire captée par le rapprochement de ces deux groupes se posera également, elle est devant nous et l’Autorité de régulation y sera certainement très attentive.
Nous ne pourrons pas empêcher les acteurs de chercher à s’organiser afin de constituer une masse critique suffisante pour relever les défis qui sont aujourd’hui devant eux.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je formulerai deux remarques.
Madame la sénatrice, vous avez eu raison de souligner que nous sommes au début du processus de rachat du groupe M6 par TF1, c’est-à-dire le groupe Bouygues. Ce processus se prolongera jusqu’à la fin de l’année 2022, le temps que soient franchis tous les obstacles permettant la concrétisation de cette vente ou de cet achat, selon le point de vue que l’on adopte.
Monsieur le sénateur Assouline, je comprends votre désir et votre volonté d’empêcher que des opérations de concentration n’aboutissent à une sorte d’hégémonie qui serait contraire au pluralisme et à l’indépendance. Le danger que vous soulignez pourrait également émaner de grands groupes audiovisuels qui n’auraient pas d’actifs dans d’autres secteurs et qui acquerraient une nouvelle entreprise dans les médias. Si un groupe allemand ou américain purement audiovisuel achetait le groupe M6, le danger serait exactement le même !
M. David Assouline. Bien sûr !
Mme Roselyne Bachelot, ministre. La législation en vigueur qui garantit le respect du pluralisme, de l’indépendance et des règles anti-concentration constitue déjà une armature juridique extrêmement solide.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 9
Le I de l’article 19 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa du 1°, après le mot : « avis », il est inséré le mot : « , études » ;
2° Le troisième alinéa du même 1° est ainsi rédigé :
« – auprès des administrations, des producteurs d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques, des personnes mentionnées à l’article 95 de la présente loi, des éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et des sociétés assurant la diffusion de services de communication audiovisuelle ainsi que des plateformes de partage de vidéos, toutes les informations nécessaires pour s’assurer du respect des obligations qui sont imposées aux personnes soumises aux dispositions de la présente loi, et plus généralement toutes les informations nécessaires à l’élaboration de ses avis et décisions ; »
3° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° Procéder, auprès des éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle, des opérateurs de réseaux satellitaires, des sociétés assurant la diffusion de services de communication audiovisuelle ainsi que des plateformes de partage de vidéos, aux enquêtes nécessaires pour s’assurer du respect de leurs obligations, de manière proportionnée aux besoins liés à l’accomplissement de ses missions et sur la base d’une décision motivée de sa part.
« Ces enquêtes sont menées par des agents de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique spécialement habilités à cet effet par celle-ci et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Les agents mentionnés au deuxième alinéa du présent 2° peuvent, sans que le secret des affaires puisse leur être opposé :
« – obtenir des personnes morales mentionnées au premier alinéa du présent 2° la communication de tous documents professionnels ou support d’information nécessaires à l’enquête ;
« – procéder à des auditions qui donnent lieu à procès-verbal établi de façon contradictoire. Si l’intéressé refuse de signer, mention en est faite dans le procès-verbal. Un double en est transmis dans les cinq jours aux personnes concernées ;
« – recueillir auprès de ces mêmes personnes morales les renseignements et justifications nécessaires à l’enquête.
« Dans le cadre de ces enquêtes, les agents habilités et assermentés de l’autorité peuvent, sans en être tenus pénalement responsables :
« a) Participer sous un pseudonyme à des échanges électroniques susceptibles de se rapporter à des infractions aux dispositions régissant les activités soumises à l’enquête ;
« b) Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen des éléments de preuve sur ces services aux fins de leur caractérisation.
« À peine de nullité, ces actes ne peuvent avoir pour effet d’inciter autrui à commettre une infraction. » ;
4° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les renseignements recueillis par l’autorité en application du présent I ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par la présente loi. Leur divulgation est interdite. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 9
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 49 rectifié, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi rédigé :
« Art. 20-2. – Les événements d’importance majeure ne peuvent être retransmis en exclusivité d’une manière qui aboutit à priver une partie importante du public de la possibilité de les suivre en direct sur un service de télévision à accès libre.
« La liste des événements d’importance majeure est fixée par décret en Conseil d’État. Elle veille notamment à assurer la mise à disposition du public des événements internationaux impliquant des représentants de la France ou de groupements français, des événements internationaux ayant lieu en France. Dans le cas d’événements sportifs, elle veille par ailleurs à assurer la mise à disposition du public des dénouements finaux des compétitions à laquelle auraient pris part des sportifs ou des groupements sportifs français.
« Les services de télévision ne peuvent exercer les droits exclusifs qu’ils ont acquis, après le 23 août 1997 d’une manière telle qu’ils privent une partie importante du public d’un autre État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen de la possibilité de suivre, sur un service de télévision à accès libre, les événements déclarés d’importance majeure par cet État.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille au respect par les services de télévision des dispositions du présent article. »
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Il nous semble essentiel aujourd’hui de revoir notre copie. L’introduction dans la loi de 1986 dite Léotard d’un dispositif assurant la retransmission en clair de certains événements qualifiés d’importance majeure était une bonne idée. Malheureusement, il a aujourd’hui atteint ses limites, non qu’il ne soit plus pertinent sur le fond, mais il se révèle insuffisant.
À cet égard, les jeux Olympiques et Paralympiques sont révélateurs du problème. Lors des JO de Rio de Janeiro, en 2016, France Télévisions a diffusé 700 heures d’antenne sur quatre de ses chaînes et 2 400 heures de compétition sur son offre numérique. France 2 et France 3 ont retransmis en continu, vingt et une heures sur vingt-quatre, les épreuves du plus grand événement sportif de la planète.
Qu’en sera-t-il en 2024 ? À l’heure actuelle, le groupe Discovery a racheté les droits auprès du Comité international olympique (CIO), puis signé un accord avec le service public de l’audiovisuel. Quelle couverture ? Pour quel montant ?
Il faut d’ailleurs se rappeler que cette opération a été une bouffée d’air, car, entre l’obtention des droits par le géant états-unien en 2015 et l’accord conclu en 2019, a plané le risque que seules les 400 heures fixées par le CIO soient retransmises en clair.
Je prendrai un autre exemple marquant, celui de la Ligue des champions de football. Il y a un peu moins de vingt ans, nous avons pu suivre sur TF1 l’épopée monégasque malheureusement achevée en finale contre Porto. Qu’en serait-il aujourd’hui ? Au vu de l’évolution du marché, alors que même la Coupe du monde n’est diffusée qu’à peine pour moitié en clair, on peut sérieusement craindre que ces événements de joie collective ne soient enlevés à tous les amateurs de sport.
Pourtant, le football est particulièrement présent dans la liste des vingt et un événements majeurs sportifs. En effet, il occupe le tiers de cette liste, alors que seuls quatre événements sont réservés au rugby, deux au basket, au cyclisme, au handball et au tennis et un à la Formule 1 et à l’athlétisme, avec une forte prédominance pour le sport masculin. De la même manière, le handisport est totalement absent de la liste, les jeux Paralympiques n’étant même pas inscrits.
Or, comme le rappelait le rapport de David Assouline, la visibilité crée de l’engouement, lequel favorise l’émergence de générations « dorées » et de performances sportives, qui renforcent encore la visibilité, etc. Tout cela forme un cercle vertueux.
C’est pourquoi il importe de faire franchir un nouveau cap aux événements majeurs internationaux.
M. le président. L’amendement n° 29, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les ligues professionnelles, lors de la constitution des lots prévus à l’article L. 333-2 du code du sport, attribuent aux services autorisés ne faisant pas appel à une rémunération de la part du public, un droit de diffusion d’extraits significatifs de leurs manifestations et de leurs compétitions, accompagnés de commentaires. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. La réglementation actuelle sur les retransmissions des brefs extraits permet aux services de diffuser, dans des conditions précisées par le CSA, de brefs extraits des compétitions et manifestations dont les droits télévisés ont été acquis par d’autres services.
Néanmoins, on peut légitimement estimer que, entre la diffusion de ces brefs extraits et la diffusion exclusive des événements sur la base des droits attribués, il existe un créneau qui permettrait l’accès à un large public d’une information plus substantielle par la diffusion d’extraits un peu plus significatifs par des chaînes gratuites.
À ce titre, cet amendement a pour objet la réservation à des chaînes gratuites par les ligues professionnelles, dans le cadre de la mise en vente de leurs droits audiovisuels, de lots consistant en un droit de diffusion d’extraits significatifs, et non brefs, de leurs manifestations et de leurs compétitions, accompagnés de commentaires qui pourraient prendre la forme de magazines d’actualité. Ces supports permettraient d’assurer auprès du plus grand nombre la promotion de la pratique professionnelle de ces disciplines en France.
Dans de nombreux pays, les ligues professionnelles réservent ainsi à des chaînes gratuites un lot de magazines liés à leurs compétitions. C’est le cas de la première ligue anglaise, qui cède à la BBC les droits du magazine Match of the day, institution de la télévision britannique diffusée depuis 1964.
Cette proposition figurait dans le rapport que j’ai remis au gouvernement en 2016, mais aussi dans le rapport d’information de l’Assemblée nationale du 3 juillet 2013 sur le fair-play financier européen et son application au modèle économique des clubs de football professionnel français. Dans leur recommandation n° 16, les députés Thierry Braillard, Marie-George Buffet et alii incitaient à prévoir que, dans le cadre des droits du football, « au moins un lot soit réservé à des diffuseurs gratuits dans les appels d’offres de la Ligue de football professionnel visant à céder les droits de retransmission télévisée des compétitions, plus particulièrement pour un magazine dominical contenant des extraits longs de matchs de Ligue 1 et de Ligue 2 ».
Cette préconisation me paraît d’autant plus à l’ordre du jour que nous ignorons toujours aujourd’hui comment sera diffusée la Ligue 1, et encore moins la Ligue 2 ! Nous sommes dans une situation où le public français n’aura peut-être aucune possibilité de voir des images de ce qui se passe dans les stades français le mercredi ou le week-end.
Cette mesure de promotion du sport serait par conséquent tout à fait salutaire.
M. le président. L’amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle comprend des manifestations et compétitions de sports collectifs mais aussi de disciplines individuelles remportant une forte adhésion auprès du public. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Là encore, il s’agit de la mise en œuvre législative de l’une des propositions que j’ai formulées dans mon rapport, à savoir la refonte de la liste des événements d’importance majeure qui date de 2004, pour laquelle une consultation a été lancée par le gouvernement au mois d’avril 2019, qui est, pour l’heure, restée lettre morte.
Madame la ministre, ce n’est pas de votre fait, mais je vous alerte, ainsi que vos collaborateurs. En 2016, j’ai remis au gouvernement un rapport qui devait lui permettre d’établir une nouvelle liste d’événements d’importance majeure, car il fallait à l’époque réactualiser la précédente en urgence. On m’a alors signifié que seuls quelques ajustements étaient nécessaires sur un ou deux points, mais qu’il n’y avait pas de divergences fondamentales.
Je précise, car c’est important, qu’il était impossible d’allonger cette liste qui comprenait très peu de sports féminins. J’avais donc préconisé que tous les événements sportifs, dont il est question, s’entendent au féminin et au masculin. C’était assez révolutionnaire et cela permettrait la retransmission gratuite d’événements importants de compétitions sportives féminines, quand elles existent.
Puis, le gouvernement a changé : une nouvelle ministre a été nommée qui m’a indiqué que tout cela suivait son cours. Un autre ministre lui a succédé, qui m’a indiqué que le dossier avançait, qu’une consultation publique serait organisée, mais qu’il n’y avait aucun point de désaccord. Cela fait quatre ans et le décret n’a toujours pas été publié !
Madame la ministre, pouvez-vous m’indiquer où en est ce dossier ? En avez-vous au moins été informée à votre arrivée au ministère pour que l’on ne reparte pas de zéro, comme c’est le cas chaque fois qu’un nouveau ministre arrive ? J’espère que l’on ne me rétorquera pas que c’est au ministère des sports que cela bloque, car, à chacune de mes sollicitations, celui-ci renvoie la faute sur le ministère de la culture !
Par les amendements que je présenterai dans un instant, je propose que soient inscrits dans la loi les événements dont j’ai proposé la liste au gouvernement et qui n’ont jamais posé problème à ce jour.
M. le président. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article 20-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, est insérée une phrase ainsi rédigée : « La liste permet une représentation équilibrée de l’ensemble des disciplines olympiques et paralympiques et entre le sport féminin et le sport masculin. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement a le même objet, à savoir l’établissement de la liste dont je viens de parler, en ciblant spécifiquement la diffusion des jeux Olympiques et Paralympiques, car il est très important que ceux-ci figurent au rang des événements d’importance majeure.
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article 20-2 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « et peut adresser une mise en demeure aux services contrevenant à l’obligation prévue au premier alinéa. Si le service ne se conforme pas à la mise en demeure et procède à la diffusion illicite d’un deuxième événement d’importance majeure, le Conseil peut soumettre le service concerné à une sanction pécuniaire dont le montant est fixé proportionnellement au montant du droit d’exploitation de la manifestation ou de la compétition, dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement vise à permettre au CSA de s’impliquer dans l’application de l’obligation de diffuser en clair des événements d’importance majeure. En effet, des blocages peuvent survenir, comme ce fut le cas lors d’un championnat du monde de handball. Le CSA pourrait avoir un rôle de médiation, mais aussi d’impulsion et de régulation pour que cette obligation soit respectée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’amendement n° 49 rectifié vise à étendre de manière considérable les événements sportifs majeurs faisant l’objet d’une diffusion en clair, sans toutefois donner une liste précise ni évaluer le manque à gagner pour les fédérations, les ligues et les sociétés concernées. Si la situation actuelle n’est sans doute pas satisfaisante, il paraît judicieux de faire preuve de grande prudence en ce domaine, à un moment où le modèle économique des clubs, des ligues et des fédérations se trouve très fragilisé.
C’est d’ailleurs pour cela qu’il m’a paru préférable de donner un avis de sagesse à plusieurs amendements de David Assouline portant sur le même thème plutôt que de procéder à un big-bang dont on ne maîtriserait pas les conséquences.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 49 rectifié.
Si l’amendement n° 29 s’inscrit dans la même philosophie que les amendements nos 27 rectifié et 28 rectifié, celle de permettre une meilleure visibilité du sport sur les chaînes en clair, il pose une difficulté supplémentaire, puisqu’il tend à créer une obligation pour les ligues professionnelles, alors que celles-ci rencontrent aujourd’hui des difficultés importantes pour vendre leurs droits.
Une remise à plat du modèle économique des ligues professionnelles est sans doute nécessaire, mais il ne paraît pas opportun de créer aujourd’hui une contrainte supplémentaire, alors que, par exemple, la Ligue de football professionnel rencontre de sérieuses difficultés dans la vente de ses droits sportifs.
Monsieur Assouline, je vous propose d’ouvrir ce débat lors de l’examen de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, qui comprend déjà une disposition sur les sociétés commerciales. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 27 rectifié vise à élargir la liste des événements sportifs d’importance majeure aux disciplines individuelles « remportant une forte adhésion auprès du public ». Je partage cet objectif, même si la question des moyens nécessaires demeure une difficulté pour y parvenir. La commission s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
Comme pour l’amendement précédent, on ne peut bien sûr que partager l’objectif visé par l’amendement n° 28 rectifié de mieux représenter les disciplines olympiques dans la liste des événements d’importance majeure. Cependant, la même objection concernant les moyens peut être soulevée. C’est pourquoi, là encore, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Enfin, en commission, j’ai émis un avis défavorable sur l’amendement n° 14, au motif que le CSA a déjà le pouvoir d’adresser des mises en demeure, même s’il n’a jamais eu l’occasion de le faire en cette matière. Le régulateur, que j’ai de nouveau contacté sur cette question, maintient que cet amendement est satisfait. Pour autant, dans la mesure où la rédaction proposée n’entre pas en conflit avec les prérogatives du régulateur, mais apporte peut-être une précision utile, je propose de demander l’avis du Gouvernement afin de mesurer l’impact exact de cette disposition.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Monsieur le sénateur Assouline, au mois de novembre 2016, vous avez remis un rapport d’une très grande qualité, à la suite d’une mission qui vous avait été confiée conjointement par la ministre de la culture, le ministre de la ville et le secrétaire d’État chargé des sports d’alors.
Vos propositions étaient tout à fait intéressantes et tendaient à garantir non seulement l’accès du plus large public à la diffusion des événements sportifs à la télévision, mais aussi l’exposition de la diversité des disciplines et des pratiques sportives.
Si tous vos amendements, ainsi que l’amendement n° 49 rectifié présenté par M. Bacchi, visent ces mêmes objectifs, leur objet ne présente toutefois pas de lien direct avec le texte soumis à votre examen.
Ainsi, l’amendement n° 29 a pour objet les modalités d’allotissement des droits de diffusion des manifestations sportives, dont les principes relèvent du code du sport et non de la loi du 30 septembre 1986. Plus généralement, cette problématique s’inscrit dans un contexte très particulier, marqué non seulement par la crise sanitaire, mais aussi par la défaillance récente du groupe Mediapro, dont les effets cumulés ont entraîné un véritable bouleversement du marché des droits audiovisuels sportifs, notamment ceux du football professionnel.
Vous l’avouerez, ce contexte est peu propice à une réforme, sans que celle-ci soit précédée d’une nouvelle phase de concertations. Ces concertations ont commencé. Ainsi, deux réunions se sont tenues, sous l’égide de la direction générale des médias et des industries culturelles, avec l’ensemble des acteurs concernés des secteurs audiovisuel et sportif, en tenant compte de ce nouveau contexte. Pour l’instant, ces concertations se sont révélées infructueuses, mais il faut qu’elles soient menées à leur terme.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces cinq amendements en discussion commune.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Les amendements de David Assouline me paraissent intéressants, dans la mesure où ils visent à donner la possibilité au plus grand nombre de suivre des extraits de compétitions sportives. Cela part d’un bon sentiment et on ne peut qu’y être sensible.
Toutefois, comme l’ont rappelé M. le rapporteur et Mme la ministre, il nous faut faire attention à ne pas mettre en péril un système déjà en grande difficulté. On l’a vu avec l’épisode Mediapro ; on voit qu’aujourd’hui de nombreuses incertitudes pèsent sur les retransmissions du sport professionnel. Or je rappelle que c’est lui qui finance le sport amateur ! Par conséquent, mettre en péril les droits audiovisuels du sport professionnel revient à mettre en difficulté le sport amateur.
Par ailleurs, ce système est en pleine évolution. Ainsi, la Ligue de football professionnel serait elle-même en train de réfléchir à la possibilité de créer sa propre chaîne de télévision. Là encore, les incertitudes sont nombreuses.
Enfin, il me paraît important de retravailler à la liste d’événements d’importance majeure. C’est ce qui explique la position de sagesse de la commission : on comprend bien qu’il faut faire évoluer cette liste qui date de plusieurs années, mais on ne peut pas le faire aussi rapidement, par le biais d’amendements, sans accomplir un travail de fond.
C’est pourquoi je ne voterai pas les amendements de David Assouline, que je considère comme des amendements d’appel dont on aura l’occasion d’approfondir la problématique dans les semaines à venir, lorsque la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, qui a été votée à l’Assemblée nationale, sera discutée par le Sénat. À cette occasion, les travaux menés par David Assouline à l’époque pourront sans doute être retravaillés et soumis à notre examen.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Je partage entièrement et la position de David Assouline et celle de Michel Savin. J’ajoute que ce qu’essaie de faire aujourd’hui la Ligue de football professionnel existe déjà pour le basket : LNB TV est une chaîne entièrement gratuite qui permet à tout le monde de suivre en direct les matchs tant de Jeep Élite que de Pro B.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9.
La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je n’ai pas obtenu de réponse sur l’amendement n° 28 rectifié et je souhaite apporter quelques éclaircissements supplémentaires.
Il existe déjà une liste d’événements d’importance majeure qui doivent faire l’objet d’une diffusion en clair, peu importent les moyens pour y parvenir. Et c’est heureux ! Imaginez que l’équipe de France participe à la finale de la Coupe du monde de football et que la retransmission du match soit réservée à ceux qui ont payé un abonnement : cela provoquerait sans doute une petite révolution dans le pays ! C’est donc pour des événements de cette nature que cette liste a été créée.
Il s’agit en fait d’une décision très politique ! En effet, il ne faut pas que ces événements soient trop nombreux – l’Europe nous l’interdirait –, mais il convient de trouver un équilibre.
Il m’a été demandé de réformer cette liste à laquelle il n’avait pas été touché depuis 2003, alors même que, depuis cette date, le monde du sport et de la télévision a été totalement bouleversé : certains événements n’existent plus, d’autres ont surgi ; surtout, des préoccupations nouvelles sont apparues. Je pense en particulier au sport féminin, qui ne figure pas dans cette liste, ce qui n’est évidemment pas normal.
Sans l’appui du décret, mais grâce à France Télévisions qui a été très offensive et à d’autres chaînes qui, aujourd’hui, diffusent des compétitions féminines de football ou de basket par exemple, le sport féminin est retransmis – les audiences sont d’ailleurs surprenantes.
Les Britanniques ont agi de cette manière que je trouve très positive : on n’augmente pas la liste, qui est déjà importante, mais on dit que tout s’entend au masculin et au féminin quand la compétition en question existe au féminin. Cela permet une égalité entre le sport féminin et le sport masculin.
Cet amendement vise à promouvoir les événements sportifs féminins, ainsi que la diffusion en clair des jeux Paralympiques. Cela répond à une exigence d’égalité.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9.
Je mets aux voix l’amendement n° 14.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 20-4 de la loi n° 86–1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 20-… ainsi rédigé :
« Art. 20-…. – Pour l’exercice des missions prévues aux articles 20-2, 20-3 et 20-4, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique réunit une commission de concertation composée de représentants des fédérations mentionnées aux articles L. 131-8 et L. 131-14 du code du sport, de représentants de leurs ligues mentionnées à l’article L. 132-1 du même code, d’un représentant de l’instance mentionnée à l’article L. 141-1 dudit code, de représentants des acteurs publics et privés de la filière et de représentants des sociétés nationales de programmes mentionnées à l’article 44 de la présente loi et des éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions de désignation des différents représentants siégeant au sein de la commission ainsi que ses modalités de fonctionnement. »
La parole est à M. David Assouline.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement a pour objet une disposition qui a déjà été présentée en commission, mais dont la rédaction a été améliorée.
Néanmoins, je dois maintenir une objection de fond à l’idée de créer une nouvelle commission auprès du CSA. Je confirme que le régulateur n’est absolument pas demandeur d’un tel dispositif.
Par ailleurs, je peine à comprendre comment cette instance fonctionnerait : les diffuseurs sont en concurrence pour l’achat de droits sportifs et ne souhaitent pas nécessairement se coordonner, comme l’a montré l’achat des droits des jeux Olympiques de 2024 par France Télévisions au prix fort, alors que TF1 et M6 étaient prêtes à partager le fardeau. Le CSA ne pourra donc pas coordonner des stratégies d’entreprise qui divergent, ce n’est pas son rôle.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. J’ai déjà exprimé ma position sur le sujet, notamment lors de l’examen de l’amendement n° 29. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je pense que vous vous méprenez sur la finalité de la commission de concertation dont je propose la mise en place. Celle-ci n’aurait pas vocation à regrouper, sous l’égide de l’Arcom, la totalité des fédérations et des ligues pour les faire s’accorder sur leurs transactions ou leurs rapports contractuels avec les chaînes.
Ce serait une instance de remise à plat, de discussion avec les grands médias télévisés et les chaînes chargées de diffuser les événements sportifs, de collaboration, ainsi que de partage d’informations et d’enjeux communs.
Par exemple, dans la perspective des jeux Olympiques, il serait pertinent d’avoir des stratégies de communication à la télévision, afin de mobiliser nos concitoyens sur cet événement, de les encourager à remplir les stades et de les inciter à faire du sport.
En préparant mon rapport – j’ai procédé à plus d’une cinquantaine d’auditions –, j’ai été frappé de constater qu’un tel cadre d’échanges n’existait pas. Pourtant, tous mes interlocuteurs mentionnaient les mêmes enjeux, abordaient les mêmes problématiques, formulaient les mêmes récriminations et exprimaient les mêmes désirs.
Je suis ainsi parvenu à la conclusion qu’il serait utile d’avoir une sorte de forum du sport où ces acteurs pourraient discuter entre eux et avec les diffuseurs. Ma proposition ne va pas plus loin que cela. Mais elle est visiblement mal comprise par M. le rapporteur. Je continuerai donc de l’expliciter.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2 rectifié bis, présenté par Mmes Morin-Desailly et Canayer, MM. Bonnecarrère, Regnard, Laugier et Brisson, Mme Loisier, MM. Levi, Henno, de Belenet et Canévet, Mmes Joseph et de La Provôté, MM. Kern, Capo-Canellas et Mizzon, Mme Gatel, MM. Saury, Le Nay et Détraigne, Mmes Doineau et Garriaud-Maylam, MM. J.M. Arnaud, Genet et Chauvet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. P. Martin et Delcros, Mme Férat, MM. Chaize et Bonhomme, Mme Jacquemet, M. Gremillet, Mme Vérien et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 20-5 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« La signalisation d’un service interactif conforme aux spécifications mentionnées au III de l’article 25-1, associé à un service de communication audiovisuelle autorisé en vertu des articles 30-1 ou 30-5 ne peut être ni modifiée ni supprimée.
« L’interdiction de suppression ou de modification mentionnée ci-dessus s’applique en particulier :
« - à un distributeur de services tel que défini à l’article 2-1 lorsque le service audiovisuel autorisé est intégré à l’offre de ce distributeur ;
« - à l’opérateur du réseau de distribution de télévision interne à un immeuble collectif, à une copropriété ou à un ensemble locatif, lorsque ce réseau assure la retransmission des services autorisés pour la diffusion hertzienne terrestre en vertu des articles 30-1 ou 30-5.
« Il ne peut être fait obstacle à la réception ou à l’exploitation d’une telle signalisation ou d’un tel service tels que prévus par son éditeur sur un appareil de réception des signaux numériques de télévision par voir numérique hertzienne. »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement, de même que les amendements nos 3 rectifié bis et 4 rectifié ter – nous les examinerons dans quelques instants –, a pour objet d’établir l’équité entre les services interactifs proposés par nos éditeurs nationaux autorisés par le CSA et les grandes plateformes américaines de vidéo à la demande.
À l’heure actuelle, nos éditeurs nationaux sont désavantagés dans l’accès des téléspectateurs à leurs services. En effet, compte tenu d’accords mondiaux avec les constructeurs, les plateformes bénéficient d’une préinstallation sur les téléviseurs compatibles, ce qui n’est pas le cas des services interactifs, dont la compatibilité est très imparfaite.
Les plateformes extraeuropéennes sont donc une fois de plus considérablement avantagées en termes de visibilité et de diffusion. Certaines télécommandes disposent même d’un bouton spécifique Netflix, au détriment des autres plateformes.
Il faut corriger cet état de fait. La récente introduction dans la loi, par l’ordonnance de transposition de la directive SMA, du principe d’intégrité du signal le permet.
Il me semble très important d’adopter ces amendements pour que nos concitoyens, mais également nos éditeurs nationaux ne soient pas pénalisés. C’est également un moyen de veiller à notre souveraineté culturelle.
M. le président. L’amendement n° 96, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° Après le premier alinéa de l’article 20-5, il est inséré un alinéa ainsi modifié :
« La signalisation des services interactifs associés aux services de communication audiovisuelle autorisés ou conventionnés par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ne peut être ni modifiée ni supprimée sans l’accord explicite de leurs éditeurs. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 34-4 est ainsi modifié :
a) Les mots : « de télévision » sont remplacés par les mots : « de communication audiovisuelle » ;
b) Les mots : « aux articles 30 ou 30-1 » sont remplacés par les mots : « aux articles 30, 30-1 ou 30-5 » ;
3° Après l’article 96-1, il est inséré un article 96-… ainsi rédigé :
« Art. 96-…. – Les téléviseurs et les récepteurs de télévision numérique terrestre exploités en France doivent restituer directement, dans des conditions fixées par décret, les services interactifs associés aux services de communication audiovisuelle autorisés ou conventionnés par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise, dans son 3°, à garantir que tous les Français puissent accéder directement aux services interactifs proposés par les éditeurs nationaux autorisés par le CSA, et ce de manière homogène sur tous les téléviseurs, indépendamment des modalités de diffusion ou de réception.
Ce n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui en France, où la compatibilité des téléviseurs avec ces services interactifs est très imparfaite. À l’inverse, on constate que les téléviseurs sont systématiquement compatibles avec les grandes plateformes américaines de vidéo à la demande ; celles-ci y sont préinstallées dans le cadre d’accords mondiaux avec les constructeurs, ce qui leur donne un avantage considérable de visibilité et de diffusion. Il faut remédier, par une obligation de compatibilité des téléviseurs, à cette situation qui pénalise les Français et les éditeurs nationaux et compromet lourdement notre souveraineté culturelle.
Le 1° a pour objet d’assurer que les services interactifs des éditeurs soient toujours accessibles à l’ensemble des Français, en interdisant de supprimer la signalisation qui les rend détectables et accessibles.
Le 2° tend enfin à garantir l’accès et la présentation des nouveaux services interactifs dans les offres des distributeurs, ainsi que cela est prévu à l’article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Ces nouveaux services sont progressivement ajoutés, sur autorisation du CSA, au bouquet des programmes de la TNT : guide des programmes de la TNT, portail permettant d’accéder à des contenus à la demande, etc. Cela est indispensable pour maintenir l’homogénéité et la continuité de l’offre entre la TNT et les autres réseaux.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mmes Morin-Desailly et Canayer, MM. Bonnecarrère, Regnard, Laugier et Brisson, Mme Loisier, MM. Levi, Henno, de Belenet et Canévet, Mmes Joseph et de La Provôté, MM. Kern, Capo-Canellas et Mizzon, Mme Gatel, MM. Saury, Le Nay et Détraigne, Mmes Doineau et Garriaud-Maylam, MM. J.M. Arnaud, Genet et Chauvet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. P. Martin et Delcros, Mme Férat, MM. Chaize et Bonhomme, Mme Jacquemet, M. Gremillet, Mme Vérien et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 25 la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 25-1 ainsi rédigé :
« Art. 25-1. – I. – Le Gouvernement, après consultation de l’Autorité de régulation des communications électroniques, intègre à l’arrêté interministériel fixant les spécifications obligatoires applicables aux appareils de réception des signaux numériques de télévision des spécifications techniques permettant la réception des services interactifs de télévision. Ces spécifications seront fixées par référence à des spécifications techniques européennes ouvertes et publiées.
« Les fonctions techniques de l’appareil qui assurent sa compatibilité avec les spécifications mentionnées au premier alinéa du présent I doivent être actives dès la mise en service de l’appareil et ne peuvent être désactivées sans l’accord explicite de son utilisateur, sauf pour motif d’urgence technique ou d’ordre public, ni désactivées de manière définitive.
« II. – Un appareil de réception mis en service avant l’entrée en vigueur de l’arrêté mentionné au I doit être configuré pour assurer à tout moment quand il est connecté à l’Internet la réception et la restitution, à concurrence de ses capacités techniques, des services interactifs conformes aux spécifications mentionnées au même I.
« III. – Le Gouvernement, après consultation de l’Autorité de régulation des communications électroniques, intègre à l’arrêté interministériel prévu au second alinéa de l’article 12, et en cohérence avec l’arrêté ministériel mentionné au I du présent article, les spécifications techniques devant être obligatoirement respectées pour les services interactifs associés à un service de communication audiovisuelle diffusé par voie hertzienne en mode numérique terrestre autorisé en application des articles 30-1 ou 30-5. Ces spécifications sont fixées par référence à des normes techniques européennes ouvertes et publiées.
« IV. – La restitution d’un service interactif tel que mentionné au III peut également être assurée par interopérabilité entre sa signalisation conforme aux normes prévues à l’arrêté mentionné au même III et une application, substitutive audit service interactif, qui serait référencée au sein du magasin d’application de l’appareil si celui-ci en est équipé. »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Il a été défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié ter, présenté par Mmes Morin-Desailly et Canayer, MM. Bonnecarrère, Regnard, Laugier et Brisson, Mme Loisier, MM. Levi, Henno, de Belenet et Canévet, Mmes Joseph et de La Provôté, MM. Kern, Capo-Canellas et Mizzon, Mme Gatel, MM. Saury, Le Nay et Détraigne, Mmes Doineau et Garriaud-Maylam, MM. J.M. Arnaud, Genet et Chauvet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. P. Martin et Delcros, Mme Férat, MM. Chaize et Bonhomme, Mme Jacquemet, M. Gremillet, Mme Vérien et M. Duffourg, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 34-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le présent alinéa s’applique également à tout service de communication audiovisuelle diffusé par voie hertzienne en mode numérique terrestre autorisé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel en vertu des articles 30-1 ou 30-5 dont la fonction principale est de référencer les services de communication audiovisuelle disponibles en mode numérique terrestre hertzien. »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Il a également été défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’amendement n° 2 rectifié bis vise à étendre aux services interactifs émis par un éditeur de la TNT le principe de l’intégrité du signal récemment ajouté à la loi par l’ordonnance de transposition de la directive SMA. Il est satisfait par le 1° de l’amendement n° 96 que j’ai déposé et qui pose le principe de la nécessité d’un accord des éditeurs pour modifier la signalisation des services interactifs associés aux services de communication audiovisuelle. Le sujet est extrêmement important ; il s’agit de renforcer l’attractivité de la plateforme TNT.
L’amendement étant ainsi satisfait, la commission en sollicite le retrait. À défaut, l’avis serait défavorable.
La commission a la même position, pour les mêmes raisons, sur l’amendement n° 3 rectifié bis.
L’amendement n° 4 rectifié ter est satisfait par le 2° de l’amendement n° 96, qui tend également à garantir l’accès à la présentation des nouveaux services interactifs dans les offres des distributeurs, comme cela est prévu par l’article 34-4 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. J’en demande donc également le retrait, faute de quoi l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Les auteurs de l’amendement n° 2 rectifié bis souhaitent faire obligation aux distributeurs de reprendre les fonctionnalités Hybrid broadcast broadband TV (Hbb TV) offertes par les diffuseurs. Je pense que cela va trop loin. Surtout, l’objectif visé est déjà satisfait par les pouvoirs confiés au CSA, appelé à devenir l’Arcom, par l’ordonnance du 21 décembre 2020 en matière de protection de l’intégrité du signal.
Idem s’agissant de la visibilité des services nationaux sur les téléviseurs : là encore, l’objectif est légitime, mais le nouvel article 20-7 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, introduit par la même ordonnance, répond déjà à cette préoccupation. Il garantit aux services d’intérêt général une visibilité appropriée et laisse au CSA le soin d’étendre la liste des services concernés, au-delà du service public.
Je suis défavorable à l’amendement n° 96 pour les mêmes raisons. Certes, j’en partage très largement l’objectif : promouvoir la technologie Hbb TV, qui offre des perspectives intéressantes. Mais, comme je l’ai indiqué, le droit actuel offre déjà les outils nécessaires pour cela.
L’amendement n° 3 rectifié bis concerne les obligations de compatibilité des téléviseurs. Le dispositif envisagé me semble aller trop loin au regard des contraintes juridiques et des réalités économiques.
D’une part, de telles obligations de compatibilité des téléviseurs à l’interactivité sont difficilement conciliables avec le droit communautaire en matière de libre circulation des marchandises. Ce cadre ne permet d’imposer aux téléviseurs que des exigences dites essentielles. Il s’agit par exemple d’obligations permettant une utilisation plus efficace des ressources en fréquence, ce qui est notamment le cas des obligations de compatibilité proposées à l’amendement n° 1 rectifié. Une obligation de compatibilité des téléviseurs à la technologie Hbb TV est d’autant plus discutable que les fabricants lui dénient à ce jour son statut de norme européenne.
D’autre part, il serait prématuré d’imposer de telles obligations, car l’offre de services interactifs Hbb TV aujourd’hui disponibles sur la TNT est encore limitée.
Je suis sensible à votre demande, mais attendons que le bilan des expérimentations en cours ait confirmé les espoirs que nous plaçons en cette technologie. Je m’engage à conforter la place du Hbb TV dans l’écosystème de la TNT, en préparant une modification de l’arrêté dit signal en lien étroit avec les éditeurs et les fabricants.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
L’avis est identique sur l’amendement n° 4 rectifié ter, pour les raisons que j’ai déjà exprimées. Au demeurant, le guide électronique de programmes permet d’informer le téléspectateur des programmes en cours et à venir dans le cadre du bouquet de chaînes correspondant à son mode de réception. Le guide de programmes de la TNT doit ainsi rester dans l’environnement TNT, au risque d’apporter une information erronée aux téléspectateurs ou de faire doublon avec les guides électroniques de programmes proposés par les distributeurs. Par ailleurs, ces guides sont alimentés, notamment, par les chaînes de la TNT, qui mettent à disposition des distributeurs des informations relatives à leurs programmes.
M. le président. Madame Morin-Desailly, les amendements nos 2 rectifié bis, 3 rectifié bis et 4 rectifié ter sont-ils maintenus ?
Mme Catherine Morin-Desailly. J’accède bien volontiers à la requête de M. le rapporteur, qui souhaite le retrait de mes amendements – nous avons eu l’occasion d’en débattre en commission. Tous trois sont synthétisés dans l’amendement n° 96, qui est certainement mieux rédigé d’un point de vue légistique.
À mes yeux, l’objectif est atteint. Je remercie M. le rapporteur d’avoir approfondi le travail pour atteindre ce que les signataires de ces amendements visaient : l’équité de traitement et la garantie de la souveraineté culturelle, à laquelle je suis attachée.
M. le président. Les amendements nos 2 rectifié bis, 3 rectifié bis et 4 rectifié ter sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 96.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 10
Le titre Ier de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un article 20-8 ainsi rédigé :
« Art. 20-8. – Les conditions de la lutte contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives sont définies à l’article L. 333-10 du code du sport. »
M. le président. L’amendement n° 46, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. En préambule, je tiens à exprimer mon scepticisme s’agissant de la mise en parallèle du piratage des contenus culturels et de celui des contenus sportifs.
D’abord, il y a une différence liée à l’instantanéité. On peut regarder un film ou une série bien après sa sortie. Vous me direz que l’on peut aussi regarder un événement sportif en différé. Certes, mais il risque alors de ne plus avoir la même valeur…
Ensuite, les droits télévisés sportifs, en particulier ceux du football, sont aujourd’hui une machine spéculative. Le scandale Mediapro n’est que la conclusion inéluctable d’années, voire de décennies, d’errance : une minorité d’acteurs a tenté de se tailler une grosse part du gâteau, quitte à faire prendre des risques à tous les autres.
D’ailleurs, les mêmes qui invitaient la ministre, avant la crise sanitaire, à ne pas se mêler de leurs affaires appellent depuis un an l’État à la rescousse ! À l’époque, ce dernier ne devait surtout pas se positionner sur la bulle des droits télévisés, des transferts et des salaires, le sport étant un marché concurrentiel. Aujourd’hui, son soutien serait nécessaire. La dérégulation engagée depuis des décennies n’aurait-elle donc pas que des vertus ?
Mes chers collègues, comme l’a souligné Jérémy Bacchi, l’émergence du piratage sportif n’est qu’une conséquence de la volonté d’autonomiser le sport vis-à-vis non seulement des pouvoirs publics, mais également de celles et ceux qui le font vivre, au premier rang desquels les supporters. Car certains dirigeants font preuve de la même hypocrisie à l’égard de l’État que des supporters. Après une année passée avec des stades vides, les déclarations invitant les supporters à « rester à leur place » paraissent bien loin…
Or la grande majorité des pirates sont justement des supporters qui n’ont plus forcément les moyens financiers, pratiques, voire légaux, d’aller au stade ou de prendre des abonnements télévisés pour suivre leur équipe. Finalement, c’est tout l’écosystème du sport professionnel mis en place au cours de ces dernières années qui devra être revu pour lutter contre le piratage.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. L’article 10 est un article de coordination avec l’article 3, qui a été maintenu.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 10.
(L’article 10 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 10
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Lafon et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Bonneau, Canévet et Chauvet, Mme de La Provôté, M. Détraigne, Mme Doineau, M. Duffourg, Mme Férat, M. Folliot, Mme Gatel, MM. L. Hervé, Kern, Laugier, Le Nay, Levi, Longeot, Mizzon et Vanlerenberghe, Mme Vérien, M. Delcros, Mme Canayer, MM. Bonnecarrère, D. Laurent, Regnard et Brisson, Mme Loisier, MM. Henno et de Belenet, Mme Joseph, M. Saury, Mme Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes Bonfanti-Dossat et Saint-Pé, M. P. Martin, Mme Schalck, MM. Chaize et Bonhomme, Mme Jacquemet et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° Après l’article 30-1, il est inséré un article additionnel 30-1-… ainsi rédigé :
« Art. 30-1-…. – L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut, sans être tenue de recourir à l’appel aux candidatures prévu à l’article 30-1, autoriser l’usage de ressources radioélectriques par voie hertzienne terrestre pour la diffusion dans des formats d’images améliorés de programmes de services de télévision préalablement autorisés par voie hertzienne terrestre.
« Les autorisations sont accordées au regard de l’intérêt général qui s’attache au développement de formats de diffusion améliorés et dans le respect des critères mentionnés au deuxième alinéa du III du même article 30-1 et de l’article 26.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique modifie en conséquence les conventions préalablement conclues avec les titulaires d’autorisations délivrées en application de l’article 30-1.
« Les dispositions de l’article 28-1 et celles se rapportant à la diffusion aux heures de grande écoute ou à une obligation calculée sur une journée entière de programmation ne leur sont pas applicables. Les autorisations ainsi délivrées ne sont pas prises en compte pour l’application des articles 41 à 41-2-1.
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assigne la ressource radioélectrique correspondante dans les conditions de l’article 30-2.
« Les autorisations prévues au présent article peuvent être délivrées pendant une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° … du … relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Leur durée ne peut pas être supérieure à cinq ans. » ;
2° Au cinquième alinéa du III de l’article 30-1, les mots : « haute définition » sont remplacés, quatre fois, par les mots : « haute ou ultra haute définition » ;
3° Le troisième alinéa du I de l’article 34-2 est ainsi modifié :
a) Les mots : « haute définition » sont remplacés, deux fois, par les mots : « haute ou ultra haute définition » ;
b) Après le mot : « diffusés », il est inséré le mot : « respectivement ».
II. – Après le I de l’article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Au terme d’une durée de douze mois à compter de la diffusion de programmes de télévision en ultra haute définition par voie hertzienne terrestre auprès d’au moins 20 % de la population française, les téléviseurs de plus de 110 centimètres de diagonale d’écran mis sur le marché à compter de cette date à des fins de vente ou de location au sens de l’article L. 43 du code des postes et des communications électroniques et destinés aux particuliers permettant la réception de services de télévision numérique terrestre, doivent permettre la réception de l’ensemble des programmes gratuits de télévision numérique terrestre en ultra haute définition.
« Au terme d’une durée de dix-huit mois à compter de la diffusion de programmes de télévision en ultra haute définition par voie hertzienne terrestre auprès d’au moins 20 % de la population française, les téléviseurs et les adaptateurs individuels mis sur le marché à compter de cette date à des fins de vente ou de location au sens de l’article L. 43 du code des postes et des communications électroniques et destinés aux particuliers permettant la réception de services de télévision numérique terrestre, doivent permettre la réception de l’ensemble des programmes gratuits de télévision numérique terrestre en ultra haute définition.
« Lorsque la diffusion de programmes de télévision en ultra haute définition par voie hertzienne terrestre atteint un niveau de couverture correspondant à 20 % de la population française, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique rend publique cette information.
« Seuls les terminaux permettant la réception des services en ultra haute définition, selon les caractéristiques techniques précisées par application de l’article 12 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, peuvent se voir accorder le label “Prêt pour la TNT en ultra haute définition”. »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement reprend les termes d’une proposition de loi que j’ai déposée au mois de février dernier et qui a été cosignée par de très nombreux collègues, que je remercie.
Il s’agit de moderniser la TNT, qui est la chaîne des territoires au sens large. Je le rappelle, nous en avons activement accompagné la naissance et le lancement en 2005. Quinze ans plus tard, l’heure est venue de franchir une nouvelle étape, en lançant les services TNT en ultra haute définition (UHD) pour une meilleure qualité et un meilleur rendu. Cela implique évidemment de nouvelles obligations en matière de compatibilité des récepteurs de télévision.
Je ne saurais trop insister sur les nombreux atouts de la TNT. D’abord, la couverture est large : plus de 97 % de la population à l’échelle nationale, et de manière homogène sur tout le territoire. L’offre est riche et diverse ; elle est établie via l’autorisation des chaînes par le CSA. Le service est gratuit et simple d’accès, à l’inverse des box d’opérateurs. L’utilisation est anonyme, à l’heure où la protection de la vie privée et des données personnelles est un enjeu majeur. La TNT est adaptable : elle offre une solution pour tous les téléviseurs du foyer. Enfin, elle joue un rôle dans l’écosystème culturel, en contribuant de manière centrale au financement de la production cinématographique et audiovisuelle, ainsi qu’à son exposition.
Par ailleurs, la TNT est l’unique mode de réception de la télévision pour 22 % des foyers français et elle reste utilisée par un foyer sur deux.
Il est important de légiférer pour apporter de nouveaux outils au régulateur afin de réaliser une transition qui conciliera l’intérêt de l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel et de répondre aux attentes des téléspectateurs en matière d’amélioration de la qualité de la diffusion hertzienne terrestre.
Il s’agit évidemment d’une expérimentation. Elle devra être évaluée et suivie de près par le CSA, qui a déjà réfléchi à un programme de travail précis et à des étapes successives à franchir.
Il me semble important de ne pas laisser passer le train de la modernité, surtout au regard des défis que nous devrons relever. Ainsi, dans la perspective des jeux Olympiques de 2024, il faudra réorganiser les multiplex pour en dégager un avec l’ensemble des services UHD.
M. le président. Le sous-amendement n° 100, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 1 rectifié, après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le 11° de l’article 18, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Un bilan de l’expérimentation de la diffusion de programmes de télévision en ultra haute définition par voie hertzienne terrestre, de l’évolution du parc de téléviseurs compatibles avec cette technologie et de la production de programmes adaptés à ce standard. Ce bilan présente également les perspectives d’évolution de cette technologie d’ici 2030 et, en particulier, les conséquences pour les éditeurs de services autorisés à diffuser des programmes en haute définition par voie hertzienne terrestre. » ;
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 1 rectifié.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Si les avantages de l’ultra haute définition sont connus, notamment l’amélioration de la qualité de l’image et le maintien de l’attractivité de la plateforme TNT, il existe peu d’informations sur les perspectives après la phase d’expérimentation, qui devrait s’achever en 2024 ou 2025.
L’ensemble des chaînes de la TNT pourront-elles alors basculer en UHD ? Faudra-t-il se résoudre à faire coexister des chaînes en haute définition et d’autres en ultra haute définition ? Quel sera le coût de cette technologie pour les foyers français, pour les chaînes et pour les producteurs de programmes ? Existe-t-il un risque que certaines « petites » chaînes se retrouvent exclues de la plateforme TNT pour permettre aux grandes chaînes d’émettre à la fois en HD et en UHD, ce qui pourrait porter une atteinte grave au pluralisme ?
Afin de mieux appréhender l’ensemble de ces questions, ce sous-amendement vise à inclure dans le rapport annuel du CSA, appelé à devenir l’Arcom, un bilan de l’expérimentation de l’UHD et la présentation des perspectives attachées à cette technologie.
Sous réserve de son adoption, la commission émettra un avis favorable sur l’amendement n° 1 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Madame la sénatrice, vous proposez un large éventail de dispositions qui ouvrent une nouvelle étape dans la modernisation de la TNT. Elles figuraient dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique, dont l’examen a été interrompu au mois de mars 2020.
Pour des raisons tenant aux contraintes du calendrier parlementaire, j’ai fait le choix, difficile, de renoncer à ce volet dans le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui. Mais je partage votre attachement constant à la TNT, qui demeure le seul moyen d’accès à la télévision de plus d’un foyer sur cinq dans notre pays et qui reste utilisée par un foyer sur deux.
Si vos propositions me paraissent excéder le périmètre du présent projet de loi, je n’en conteste ni la pertinence ni l’utilité. C’est pourquoi je m’en remets, comme pour le sous-amendement de M. le rapporteur, à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je souscris au sous-amendement de M. le rapporteur. Je sais que le CSA, après consultation publique, a établi un programme et fixé des perspectives. Il est bien naturel de lui demander d’évaluer l’expérimentation pour pouvoir se projeter utilement. D’ailleurs, le président du CSA doit présenter chaque année un rapport devant notre commission. Cela fera partie des chapitres à traiter et à suivre de près.
Madame la ministre, je reconnais bien volontiers que ma proposition reprend des dispositions du texte déposé en décembre 2019 par Franck Riester, auquel j’aimerais d’ailleurs rendre hommage. En 2005, alors qu’il était député et que j’étais jeune sénatrice, nous avons participé ensemble au lancement de la TNT et je connais son attachement à sa modernisation. Je vous remercie de soutenir une mesure souhaitée par de très nombreux collègues, sur toutes les travées.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 30, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 9° de l’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le temps consacré à la diffusion de programmes sportifs rendant compte de la diversité des pratiques, des disciplines et des compétitions et manifestations organisées ; ».
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Là encore, il s’agit de permettre la plus large diffusion du sport à la télévision, notamment en clair.
En étudiant les conventions que le CSA passe avec les chaînes au moment de les autoriser à émettre, j’ai remarqué combien, pour les diffusions sportives, les termes étaient généraux, peu incitatifs et susceptibles parfois d’être interprétés de manière très limitative.
C’est pourquoi je propose de mentionner le « temps consacré à la diffusion de programmes sportifs rendant compte de la diversité des pratiques, des disciplines et des compétitions et manifestations organisées » à l’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, qui fixe les points sur lesquels la convention peut porter.
C’est une manière d’encourager la diffusion du sport dans toute sa diversité, afin de faire connaître davantage de compétitions et de manifestations. Cela permettra, me semble-t-il, d’encourager les sports peu diffusés, moins connus, qui ont pourtant, parfois, beaucoup d’adeptes et de pratiquants. Et je pense évidemment aussi au sport féminin.
Je propose donc une petite modification qui peut inciter les chaînes à diffuser une plus grande diversité lors des retransmissions sportives.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le contenu de la convention signée entre les chaînes et le CSA, en mentionnant le « temps consacré à la diffusion de programmes sportifs rendant compte de la diversité des pratiques, des disciplines et des compétitions et manifestations organisées ». L’article 28 de la loi du 30 septembre 1986 ne prévoit effectivement pas de dispositions relatives à l’exposition du sport.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Article 10 bis (nouveau)
L’avant-dernier alinéa de l’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée : « À compter de la publication de cette étude d’impact, le demandeur et les tiers adressent leurs contributions à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique dans le délai qu’elle a imparti. Si elle l’estime utile, l’autorité peut entendre le demandeur et les tiers qui le demandent. » – (Adopté.)
Article 10 ter (nouveau)
Le dernier alinéa du I de l’article 28-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est supprimé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 16 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 69 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 16.
M. David Assouline. Honnêtement, je ne comprends pas ce que ce nouvel article vient faire dans le projet de loi.
Dans le contexte du rapprochement entre TF1 et M6, qui va aboutir à la formation d’un groupe avec sept chaînes – excusez du peu ! –, une telle mesure va nécessairement soulever des interrogations.
En prévoyant la reconduction quasi tacite pour cinq ans, sans appel d’offres, des autorisations d’émettre, vous allez faciliter les processus de fusion-acquisition. Cela va, à juste titre, susciter des inquiétudes.
Souvenez-vous : c’est grâce à des dispositions comme celle dont vous proposez la suppression que nous avons pu empêcher ou, du moins, remettre en question une opération dont la visée était clairement spéculative. Ce n’est sans doute pas le cas de la fusion entre M6 et TF1, mais l’existence d’une procédure d’appel d’offres permet de limiter les arrangements abusifs, ainsi que les opérations de concentrations mises en œuvre sans régulation approfondie.
Mme la ministre avancera sans doute d’autres arguments et je ne veux pas en dire beaucoup plus à ce stade. En tout cas, le rapporteur ne m’a pas expliqué de façon étayée pourquoi le législateur devrait supprimer une telle disposition contre l’avis même du Gouvernement.
Le seul argument avancé tient à la nécessité d’amortir dans la durée les investissements importants consentis pour l’UHD. Il me semble faible ! Nous ne devons pas restreindre les procédures d’appel d’offres et de mise en concurrence, car elles permettent d’assurer une certaine régulation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 69.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. La commission a introduit la possibilité pour l’Arcom de reconduire une seconde fois, hors appel à candidatures, les autorisations délivrées aux chaînes de la TNT, pour une période de cinq ans.
Le fort risque d’incompatibilité de cette disposition avec le droit de l’Union européenne est un premier argument en faveur de sa suppression. Rappelons en effet que le principe des autorisations d’utilisation, qui n’a pas été remis en cause depuis trente ans, a été consacré par la directive relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, dite directive Autorisation, du 7 mars 2002, laquelle prévoit le recours à des procédures « ouvertes ».
Certes, le législateur a déjà dérogé aux durées initiales d’autorisation, mais les prorogations exceptionnelles, sans mise en concurrence, qu’il a autorisées depuis vingt ans étaient toutes justifiées par un objectif d’intérêt général clairement défini, conformément aux exigences du droit de l’Union européenne. Il ne s’agissait donc pas d’une procédure générale.
La prorogation introduite par l’article 10 ter n’étant pas fondée sur un tel motif d’intérêt général, elle exposerait les éditeurs qui bénéficieraient d’un second renouvellement hors appel à candidatures à un risque élevé de contentieux et de remise en cause de leur autorisation. Elle serait donc source d’une profonde insécurité juridique, à rebours même de votre objectif. Les éditeurs lésés pourraient ensuite se retourner contre l’État, en engageant sa responsabilité pour faute.
Ensuite, outre ces problèmes juridiques, je ne partage pas la vision pessimiste de l’avenir de la TNT que sous-tend la proposition de la commission. Si les acteurs partageaient cette vision, les chaînes historiques devraient logiquement être les seules candidates au renouvellement de leur fréquence et ne devraient donc pas avoir besoin d’une garantie de reconduction de leur autorisation.
Je suis certaine, pour ma part, que la TNT a encore un très bel avenir devant elle. Au vu des amendements sur sa modernisation que nous avons examinés, cet avis me semble d’ailleurs largement partagé sur ces travées, ce dont je me réjouis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je m’étonne de l’étonnement de David Assouline (Sourires.) et je ne partage pas l’interprétation juridique de Mme la ministre.
Je rappelle d’abord que le régime de la double reconduction a déjà existé pour les chaînes de télévision entre 1986 et 2002 et existe toujours pour les services de radio. Il est donc bien conforme aux règles de protection du domaine public. Le motif d’intérêt général qui légitime la réintroduction d’un second renouvellement est par ailleurs constitué par la nécessité de préserver l’attractivité de la plateforme TNT, sur laquelle pèsent, qu’on le veuille ou non, des menaces réelles de disparition à l’horizon 2030.
J’ai entendu, à l’occasion de nos débats en commission, les arguments en faveur d’une meilleure justification du motif d’intérêt général. C’est pourquoi je propose, à travers l’amendement n° 101 que nous examinerons ensuite, une nouvelle rédaction de cet article 10 ter : la reconduction serait soumise à des contreparties et n’aurait rien d’automatique.
S’agissant du droit de l’Union européenne, madame la ministre, j’ajoute que les délais de reconduction français sont les plus drastiques d’Europe, les autres pays ayant généralement opté pour des durées plus longues.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. David Assouline a raison d’engager le débat sur ce point important.
Ce n’est pas le rapprochement entre TF1 et M6 qui a justifié l’amendement du rapporteur en commission, mais plutôt une réflexion globale sur la nécessité de toiletter la loi de 1986 sur un certain nombre de points, compte tenu de l’évolution du paysage audiovisuel.
Je m’interroge très franchement sur la pertinence du maintien de ces renouvellements et de la mise en concurrence. Je comprends bien les réserves juridiques fondées sur le droit européen. Mais imaginez-vous l’Arcom ne pas renouveler en 2023 l’autorisation d’émettre de TF1 ou de M6 ? Des offres concurrentes seraient-elles même présentées ? Il n’y en a d’ailleurs pas eu, à ma connaissance, lors du précédent renouvellement.
Nous devons nous interroger sur la pertinence des mécanismes de mise en concurrence. C’est le sens de la proposition du rapporteur.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Cet article tendant à modifier la loi de 1986 mérite qu’on s’y arrête.
Je note tout d’abord qu’il est arrivé de façon très impromptue. Alors même que nous discutons beaucoup d’audiovisuel ces derniers temps au sein de la commission de la culture, je n’ai pas entendu beaucoup de débats à son sujet… Je n’arrive pas à comprendre pourquoi vous voulez subrepticement changer une règle aussi fondamentale et aussi éloignée de l’objet du présent projet de loi.
Il est bon que les chaînes soient confrontées à une possible concurrence à chaque renouvellement d’autorisation. Si elles sont seules sur le marché, elles se croient indispensables, comme Google ! Le contrôle ne remplace pas la concurrence, qui est aussi un élément de la régulation.
Je souscris par ailleurs aux propos de Mme la ministre sur le droit européen et sur l’attractivité de la TNT. Si celle-ci était à ce point en déclin, le maintien de cette règle ne poserait pas de problème. D’ailleurs, TF1, dont j’ai interrogé les responsables, ne demande pas une telle modification. Je ne sais vraiment pas qui est demandeur d’une telle réforme. Peut-être M. de Tavernost ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 69.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 101, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le dernier alinéa du I de l’article 28-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi rédigé :
« À compter de la promulgation de la loi n° …. du …. relative à la régulation et à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles à l’ère numérique, les autorisations prévues à l’article 30-1 de la présente loi qui sont reconduites une seconde fois, hors appel aux candidatures, sauf dans les cas mentionnés aux 1° à 6° du présent I, le sont sous réserve d’engagements de nature à améliorer la diffusion hertzienne en mode numérique ou à en renforcer la couverture du territoire. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement a été défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l’article 10 ter est ainsi rédigé.
Article 10 quater (nouveau)
La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa du I de l’article 34-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sur les réseaux autres que satellitaires, lorsque l’un de ces services comporte des décrochages régionaux et locaux, cette mise à disposition porte sur le programme normalement reçu par voie hertzienne terrestre dans la zone de service. » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 34-4, après le mot : « audiovisuel », sont insérés les mots : « y compris s’agissant des décrochages régionaux et locaux normalement reçus dans la zone de service par voie hertzienne terrestre des services visés au I de l’article 44 » ;
3° À l’article 34-5, après le mot : « services », sont insérés les mots : « sur les réseaux satellitaires ».
M. le président. L’amendement n° 97, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
porte
insérer les mots :
, sous réserve des contraintes techniques,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le présent amendement de précision a pour objet de tenir compte des contraintes techniques afin de ne pas imposer aux distributeurs de services un renouvellement prématuré de leur parc de décodeurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 10 quater, modifié.
(L’article 10 quater est adopté.)
Article 10 quinquies (nouveau)
La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifiée :
1° L’article 34-2 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Préalablement à la mise à disposition des services susvisés, les distributeurs de services concluent avec chacune de ces sociétés, dans le respect des dispositions prévues à l’article L 216-1 du code de propriété intellectuelle, un contrat portant sur les conditions de reprise, d’acheminement et de mise à disposition du signal de ces services. » ;
b) Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les services mis gratuitement à la disposition des abonnés par les distributeurs en application des alinéas précédents sont repris de manière simultanée, en intégralité et sans altération. » ;
2° Le premier alinéa de l’article 17-1 est complété par les mots : « ou en cas de refus d’établir les relations contractuelles prévues au I de l’article 34-2 ».
M. le président. L’amendement n° 70, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 à 6
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
1° L’article 34-2 est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV – Préalablement à la mise à disposition des services mentionnés aux I et II, les distributeurs de services concluent avec chacune des sociétés qui les éditent, dans le respect de l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, un contrat portant sur les conditions de reprise, d’acheminement et de mise à disposition du signal de ces services. » ;
II. – Alinéa 7
Remplacer la référence :
I
par la référence :
IV
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cet amendement concerne les obligations de reprise des chaînes de service public. Le Gouvernement est favorable aux modifications apportées par la commission au régime obligeant les distributeurs de services à reprendre les chaînes de service public.
Je souhaite toutefois y apporter deux précisions.
Je propose, d’une part, d’étendre ces garanties nouvelles aux chaînes publiques locales. Ces services d’initiative publique locale consacrés aux informations sur la vie locale bénéficient aussi de cette obligation de reprise, et il m’apparaît donc normal de leur appliquer la garantie de conclusion d’un contrat que vous avez introduite.
Je propose, d’autre part, de supprimer la garantie de reprise des programmes de service public de manière simultanée, en intégralité et sans altération, cette garantie étant déjà assurée pour tous les services par l’ordonnance portant transposition de la directive SMA. Elle figure dorénavant à l’article 20–5 de la loi du 30 septembre 1986, qui dispose que « les services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande ne peuvent pas être modifiés […] sans l’accord explicite de leurs éditeurs ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement apporte plusieurs précisions intéressantes à l’article 10 quinquies, inséré en commission, qui concerne un sujet important : la préservation de l’intégralité du signal.
En conséquence, l’avis est favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 10 quinquies, modifié.
(L’article 10 quinquies est adopté.)
Article additionnel après l’article 10 quinquies
M. le président. L’amendement n° 98, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 10 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 34-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi rétabli :
« Art. 34-3. – Sur le territoire métropolitain, tout distributeur de services sur un réseau n’utilisant pas de fréquences terrestres assignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui propose une offre de services en mode numérique comprenant des services de télévision en haute définition et des services de télévision à vocation locale diffusés par voie hertzienne terrestre et en haute définition, distribue ces services dans ce même format.
« Sur le territoire métropolitain, tout distributeur de services sur un réseau n’utilisant pas de fréquences terrestres assignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui propose une offre de services en mode numérique comprenant des services de télévision en haute définition et des services à vocation nationale diffusés en haute définition par voie hertzienne terrestre et ne faisant pas appel à une rémunération de la part des usagers, distribue ces services dans ce même format. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Il résulte de l’observation de la pratique des distributeurs que, lorsque ces derniers reprennent au sein de leur offre de services des chaînes de la TNT à vocation locale diffusées en haute définition sur la TNT, ils n’adoptent pas systématiquement ce format.
Cela peut conduire à des pratiques discriminatoires, certains services étant diffusés en haute définition, d’autres non. Une telle dégradation du signal est également susceptible de porter atteinte à la visibilité des chaînes de la TNT à vocation locale et au confort d’utilisation du téléspectateur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je partage les intentions du rapporteur.
Cet amendement dépasse toutefois le périmètre du texte et il pourrait soulever des difficultés pratiques. Il ne faudrait pas qu’il ait pour effet paradoxal d’empêcher les fournisseurs d’accès de proposer, en accord avec les éditeurs, des formats de diffusion encore meilleurs que la HD – je pense notamment à la 4K pour les abonnés raccordés à la fibre optique.
En outre, s’agissant de la distribution satellitaire, les coûts de diffusion sont assumés par les chaînes, la HD étant deux fois plus coûteuse que la SD. Cet amendement pourrait donc avoir pour effet collatéral de conduire certaines chaînes – je pense aux chaînes locales les plus fragiles, qui n’ont pas toujours les moyens de financer une diffusion en haute définition – à se retirer de la distribution satellitaire.
En conclusion, et malgré ces effets de bord, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10 quinquies.
Article 10 sexies (nouveau)
Le premier alinéa de l’article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Le nombre : « 150 » est remplacé par le nombre : « 160 » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « À compter de la publication de la loi n° … du … relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique, ce nombre est indexé tous les cinq ans sur l’évolution de la population par décret en Conseil d’État et arrondi au nombre entier le plus proche. » – (Adopté.)
Article 10 septies (nouveau)
Au sixième alinéa de l’article 41 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « trente ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 54 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 65 rectifié bis est présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Menonville, Guerriau, A. Marc, Wattebled, Chasseing, Decool et Lagourgue et Mme Mélot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 54.
Mme Éliane Assassi. Nous nous opposons à la dérégulation massive prévue à cet article qui rehausse fortement le seuil prévu par la loi Léotard pour éviter les phénomènes de concentration.
Alors que le secteur des médias et de l’audiovisuel a déjà fait l’objet d’opérations de rachat et de concentration, il n’apparaît pas opportun d’élargir encore de telles possibilités. Au moment où les discours médiatiques sont de plus en plus remis en cause et où la lutte contre les fausses informations doit être une priorité, il est contradictoire de favoriser le rassemblement de groupes audiovisuels et l’uniformisation des lignes éditoriales.
Si l’arrivée des plateformes numériques inquiète légitimement, il est vain de penser que le simple regroupement des entreprises audiovisuelles leur donnera la puissance économique de venir rivaliser avec elles. Cela ne pourra qu’entraîner une nouvelle vague d’uniformisation des programmes et des lignes éditoriales.
Enfin, l’existence de dispositifs poussés de coopération comme Salto démontre la capacité des acteurs de l’audiovisuel de s’allier.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 65 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Sans surprise, l’avis de la commission est défavorable. Ces deux amendements visent en effet à supprimer l’article 10 septies, inséré par la commission, qui tend à assouplir le seuil de concentration des réseaux de chaînes locales.
Deux autres amendements, que nous examinerons ensuite, proposent, dans le cadre du travail itératif que je mettais en avant tout à l’heure, un niveau de compromis, ce qui me semble être une démarche plus constructive. Il me semble en effet utile de permettre le développement des réseaux de chaînes locales.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Personne ne conteste l’utilité du dispositif anti-concentration de la loi du 30 septembre 1986. Toutefois, et même s’il a été régulièrement modifié en trente-cinq ans, il est devenu obsolète. Il faut à mon sens mener une réflexion globale et approfondie, à travers une étude d’impact qui permette au législateur de disposer des informations utiles afin de choisir entre les options qui s’offrent à lui.
Le relèvement du plafond de couverture applicable aux télévisions locales de 12 à 30 millions d’habitants, comme le prévoit l’amendement adopté en commission, devenu l’article 10 septies, me paraît excessif au regard des évolutions démographiques de la population française.
M. Assouline a évoqué le problème des concentrations. La rédaction actuelle de cet article pourrait ouvrir la voie à une concentration excessive dans le secteur. Un relèvement du seuil à 30 millions permettrait en effet au même groupe de couvrir, par les chaînes locales qu’il détient, une population avoisinant les deux tiers de la population française.
Je note aussi que des amendements à venir prévoient de ramener ce seuil à 20 millions d’habitants.
Pour ces raisons, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je suis d’accord avec Mme la ministre. J’aimerais qu’une étude faisant autorité nous fournisse une information précise sur la pertinence de ces seuils au regard des évolutions démographiques.
Il semblerait que le seuil des 12 millions d’habitants soit déjà dépassé, et que la loi ne s’applique donc pas en pratique. Cela a poussé la commission à voter un relèvement de ce seuil à 30 millions, sans que nous prenions vraiment le temps d’approfondir la question. Le seuil de 30 millions est à présent remis en cause par l’auteure même de l’amendement initial, Mme Boulay-Espéronnier, qui nous propose en guise de compromis le seuil de 20 millions…
J’avoue m’être laissé entraîner, en proposant moi-même un seuil de 20 millions, sans disposer d’études sur la question. Je me suis simplement dit qu’entre 12 millions et 30 millions, le seuil de 20 millions serait sans doute acceptable… (Sourires.) Je crois que nous devons arrêter cette surenchère et je soutiens la suppression pure et simple de l’article 10 septies, dont nos échanges montrent qu’il est « sorti du chapeau ».
Restons-en aux seuils existants et prenons le temps d’établir un véritable état des lieux. Il ne faudrait pas que de grands groupes développent des télés locales sur l’ensemble du territoire et tuent les chaînes locales, qui ont déjà du mal à exister. Cette crainte est présente dans tous les territoires.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 54 et 65 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 17 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 63 rectifié octies est présenté par Mme Boulay-Espéronnier, M. Burgoa, Mme M. Mercier, M. Houpert, Mmes Joseph et Dumont, MM. Lefèvre et B. Fournier, Mme Deromedi, MM. Mouiller, Bonhomme, Karoutchi et Babary, Mme F. Gerbaud, M. Regnard, Mme Garriaud-Maylam, M. Pellevat, Mmes Bourrat et Gosselin et MM. Brisson, Genet et C. Vial.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Remplacer le mot :
trente
par le mot :
vingt
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 17.
M. David Assouline. Je retire cet amendement, monsieur le président. Je viens de m’en expliquer.
M. le président. L’amendement n° 17 est retiré.
La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié octies.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Je regrette les propos de M. Assouline, car je me réjouissais d’avoir, pour une fois, une convergence de vue et d’esprit avec lui. (Sourires.)
Je maintiens cet amendement qui vise à fixer le seuil à 20 millions d’habitants, mais je souscris à la volonté de Mme la ministre de disposer d’une étude d’impact pour l’avenir. C’est très important pour savoir exactement où nous allons. Le seuil de 20 millions me semble toutefois acceptable pour l’instant, dans l’attente de cette étude d’impact.
M. le président. Le sous-amendement n° 105 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Piednoir, est ainsi libellé :
Amendement n° 63 rectifié octies, alinéas 3 et 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
par le nombre :
13,3
La parole est à M. Stéphane Piednoir.
M. Stéphane Piednoir. L’article 10 septies, adopté en commission, modifie le sixième alinéa de l’article 41 de la loi du 30 septembre 1986, afin de porter de 12 millions à 30 millions d’habitants le seuil anti-concentration pour les réseaux de télévision locale. Il porte le risque d’une déstabilisation du secteur.
Aussi, en l’absence d’étude d’impact, il apparaît souhaitable de revoir le seuil adopté en commission, 30 millions, à la baisse.
Ce sous-amendement proposé par Daniel Gremillet vise à porter ce seuil de 12 millions dans le droit actuel à 13,3 millions. Ce chiffre est basé sur une estimation territoriale, il est donc quasi scientifique… (Sourires.) En tout cas, il me semble pertinent d’adopter cette évolution dans l’attente de l’étude d’impact annoncée par Mme la ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je croyais notre collègue David Assouline touché par la grâce ; je constate malheureusement qu’il rechute… (Sourires.)
Plus sérieusement, l’amendement présenté en commission par notre collègue Céline Boulay-Espéronnier, devenu l’article 10 septies, a permis de mettre en évidence le caractère inadapté du seuil de 12 millions d’habitants imposé aux réseaux de chaînes locales.
Les échanges et le travail menés depuis une semaine – rien ne sort du chapeau, monsieur Assouline – ont permis de considérer que le seuil de 20 millions d’habitants était sans doute plus adapté pour concilier le développement nécessaire de certains réseaux et la nécessité de préserver les chaînes locales existantes.
C’est la raison pour laquelle je donne un avis favorable sur l’amendement n° 63 rectifié octies.
Quant au sous-amendement n° 105 rectifié, nous sommes dans l’hémicycle de la Haute Assemblée, et non au Carreau du Temple… Ne négocions pas et restons-en aux 20 millions ! Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Le débat montre que cette histoire de seuils n’est guère étayée… Je maintiens mon avis de sagesse, car le travail doit être approfondi.
En tout cas, je confie derechef au directeur général des médias et des industries culturelles, ici présent, une étude approfondie sur cette question et j’en transmettrai bien évidemment les résultats à votre commission.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Au milieu de cette confusion généralisée, je voudrais remettre les pendules à l’heure… Mme Boulay-Espéronnier a proposé en commission un amendement fixant un seuil de 30 millions ; je me suis insurgé contre cette proposition exagérée, mais l’amendement a néanmoins été voté.
J’ai alors proposé de fixer le seuil à 20 millions pour nous permettre d’atténuer les effets de la décision de la commission, mais, je le redis, sans disposer d’éléments objectifs d’appréciation.
Et voilà maintenant que l’auteure de l’amendement à 30 millions se range derrière ma proposition ! Sur quel fondement a-t-elle supprimé 10 millions d’habitants ?
Un sénateur du même groupe que Mme Boulay-Espéronnier, qui a probablement travaillé avec des responsables de réseaux locaux, propose pour sa part un seuil de 13,3 millions – c’est d’ailleurs le chiffre qui m’a également été communiqué et qui semble assez « scientifique », dans le sens où il paraît correspondre à la pratique… En effet, le seuil de 12 millions aurait été dépassé dans les faits, sans aucune sanction, et nous serions plutôt au-delà de 13 millions – malgré le masque, je vois que le directeur général des médias et des industries culturelles manifeste son désaccord avec cette appréciation… (Sourires.)
Bref, je préfère pour l’instant en rester au statu quo, en attendant les résultats de l’étude annoncée par Mme la ministre.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. De confusion, aucune, mon cher collègue ! Il est assez simple de comprendre qu’entre 1986 et 2021, la réalité a changé. Le curseur est déjà passé de 6 millions dans la loi de 1986 à 12 millions. Aujourd’hui, notre collègue propose de passer à 20 millions.
On peut sortir le trébuchet, effectivement, mais je ne vois aucune confusion dans notre démarche. Nous nous contentons de suivre l’évolution démographique de notre pays. (M. David Assouline proteste.)
Je réitère mon avis favorable sur l’amendement n° 63 rectifié octies.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Nous avons besoin d’être éclairés sur cette question. La population française n’a pas doublé dans cette période, me semble-t-il. Je m’en remets à l’avis de la ministre et à l’étude annoncée. Par conséquent, je m’abstiendrai, car l’on ne peut pas voter, pardonnez-moi l’expression, au doigt mouillé !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Je veux répondre au souci de clarification de David Assouline et à l’interpellation de Céline Boulay-Espéronnier.
Je vous ai un peu taquiné, en disant que ce chiffre de 13,3 millions résultait d’une évaluation scientifique. En réalité, il est fourni par les télévisions locales. Il n’est le fruit d’aucune négociation, mais il émane de plusieurs sources.
Je n’ai pas l’impression, monsieur le rapporteur, que l’évolution de la population française entre 1986 et 2021 soit comparable au ratio entre 12 et 20 millions.
Ces amendements ont surtout le mérite de lancer le débat. Le texte suivra son parcours législatif et nous pourrons affiner ce seuil avant son adoption définitive.
Dans l’immédiat, je retire le sous-amendement déposé par M. Gremillet.
M. le président. Le sous-amendement n° 105 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 63 rectifié octies.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 82 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol et Requier, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le même sixième alinéa est complété par les mots : « afin de ne pas reconstituer un réseau national, la grille de programmation de chaque service détenu par une même personne doit être composée de 80 % de programmes originaux dédiés à la zone de diffusion dudit service ».
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement de Nathalie Delattre vise à compléter l’article 10 septies, en prévoyant que l’objectif du titulaire des autorisations n’est pas de reconstituer un réseau national. Pour cela, il est proposé d’ajouter un critère de différenciation à hauteur de 80 % des programmes originaux et locaux sur chaque chaîne du réseau détenu par un même groupe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement tend à reprendre une disposition qui figurait déjà dans un précédent amendement déposé par son auteur, en commission.
Votre rapporteur ne peut donc que réitérer la présentation des inconvénients de l’ajout proposé : si l’obligation de diffuser 80 % de programmes originaux et locaux peut éventuellement être satisfaite par un réseau de chaînes d’information, elle pourrait en revanche ne pas être tenable pour un réseau de chaînes généralistes ou culturelles.
On peut comprendre l’objectif de cet amendement, qui est de renforcer la dimension locale des chaînes faisant partie d’un réseau, mais il serait contreproductif de faire obstacle à l’émergence de réseaux de chaînes locales ayant besoin, par exemple, de faire l’acquisition de programmes.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Véronique Guillotin. Je retire l’amendement !
M. le président. L’amendement n° 82 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 10 septies, modifié.
(L’article 10 septies est adopté.)
Article 10 octies (nouveau)
L’article 34-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Dans les départements d’outre-mer, les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, les distributeurs de services dont l’offre de programmes comprend des services de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre dans le département ou la collectivité ou en Nouvelle-Calédonie assurent la reprise de ces services en respectant la numérotation logique définie par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique respectivement pour le département ou la collectivité considérée ou la Nouvelle-Calédonie. » ;
2° La dernière phrase est ainsi rédigée : « Dans le cas prévu à la première phrase du présent alinéa, ces distributeurs doivent, sur le territoire métropolitain, également assurer la reprise des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre en respectant l’ordre de la numérotation logique, à partir d’un nombre entier suivant immédiatement un multiple de cent et, dans les départements d’outre-mer, les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, également assurer la reprise des services de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre dans les mêmes conditions. » – (Adopté.)
Article 11
L’article 41-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sans que le secret des affaires puisse y faire obstacle, les informations dont disposent l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et l’Autorité de la concurrence sont librement communicables entre ces deux autorités pour l’application du présent article. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 11
M. le président. L’amendement n° 18, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l’article 42 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, après les mots : « la communication audiovisuelle, », sont insérés les mots : « les organismes de gestion collective mentionnés à l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle ».
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement tend à donner la possibilité légale aux organismes de gestion collective de saisir l’Arcom du non-respect, par les éditeurs et distributeurs de services, de leurs obligations légales et réglementaires, au même titre que les organisations représentatives du secteur ou les associations y ayant intérêt.
Monsieur le rapporteur, lors de l’examen du texte en commission, vous avez opposé à l’adoption de cet amendement une décision du Conseil d’État du 7 février 2017. Cette décision précise que, « indépendamment des organisations et associations mentionnées au dernier alinéa de l’article 48-1 de la loi du 30 septembre 1986, s’agissant des sociétés du secteur public de la radio et de la télévision, et au dernier alinéa de l’article 42 de la même loi, s’agissant des éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle et des opérateurs de réseaux satellitaires, toute personne qui dénonce un comportement d’un opérateur portant atteinte à ses intérêts a qualité pour demander au CSA de faire usage de son pouvoir de mise en demeure ».
Néanmoins, l’ajout dans la loi des organismes de gestion collective reste une nécessité, pour au moins deux raisons. D’une part, garantir un droit sur le fondement d’une seule décision jurisprudentielle est fragile, car rien ne dit que cette décision du Conseil d’État ne sera pas remise en cause ultérieurement, à partir d’une lecture stricto sensu de la loi. D’autre part, il appartient au législateur de s’assurer que la loi est claire et explicite ; il lui revient donc d’y inscrire la possibilité pour ces organisations de gestion de saisir l’instance de régulation.
Cet objectif ne semble remis en cause par personne, en tout cas pas par le Conseil d’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Nous avons débattu de cet amendement en commission et j’avais proposé à son auteur de le déposer en séance, ce qu’il fait aujourd’hui, afin d’obtenir des garanties de Mme la ministre.
Mon analyse est la suivante.
L’article 42 de la loi de 1986 prévoit déjà une large gamme de parties habilitées à saisir le CSA et, selon moi, les organismes de gestion collective peuvent d’ores et déjà saisir le CSA et, demain, l’Arcom.
En effet, d’une part, parmi les organismes en cause, figurent les « organisations professionnelles et syndicales représentatives du secteur de la communication audiovisuelle » – c’est à ce titre qu’un organisme de gestion collective comme la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) a déjà fait jouer cet article, ainsi qu’a pu le confirmer le Conseil d’État dans une décision du 23 avril 1997.
D’autre part, une autre décision, plus récente, du Conseil d’État – elle date du 7 février 2017 – a relativisé la portée de la liste établie à l’article 42 de cette loi : dorénavant, toute personne dénonçant un comportement d’un opérateur qui porte atteinte à ses intérêts a qualité pour demander au CSA de faire usage de son pouvoir de mise en demeure.
En conséquence, il semble assuré que les organismes de gestion collective ont dorénavant toute faculté pour saisir le CSA et, demain, l’Arcom.
Cela dit, je partage pleinement la préoccupation exprimée par l’auteur de l’amendement, qui reflète certainement des problèmes rencontrés par ces organismes.
J’émets donc un avis favorable sur cet amendement, ce qui sera susceptible de rassurer complètement les parties prenantes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cet ajout n’est pas utile sur le fond, monsieur le sénateur. Comme l’a excellemment dit votre rapporteur, les organismes mentionnés à l’article 42 de la loi de 1986 incluent bien ces organisations. J’observe d’ailleurs que la SACD a déjà mis en œuvre cette faculté, comme l’a rappelé M. le rapporteur.
La jurisprudence du Conseil d’État est encore plus large, puisque, selon elle, toute personne peut dénoncer le comportement d’un opérateur portant atteinte à ses intérêts et demander au CSA de faire usage de son pouvoir de mise en demeure.
Il n’est donc pas nécessaire d’être inscrit sur la liste de l’article 42 pour pouvoir demander au CSA de prononcer une mise en demeure ; il suffit de justifier d’un intérêt à agir et tel est, naturellement, le cas des organismes de gestion collective.
Nous n’avons donc pas de désaccord sur le fond, mais votre amendement me semble satisfait. Je vous propose donc, monsieur le sénateur, de le retirer.
M. le président. Monsieur Assouline, l’amendement n° 18 est-il maintenu ?
M. David Assouline. Je vais achever l’explication que j’ai entamée en défense de l’amendement, afin d’essayer de convaincre Mme la ministre, car il y a d’autres arguments encore que ceux que j’ai développés.
Il s’agit de rendre cohérente la réglementation audiovisuelle. L’article 42 de la loi de 1986 cite, parmi les organisations aptes à saisir le CSA, les « organisations professionnelles et syndicales représentatives du secteur de la communication audiovisuelle », mais non les organismes de gestion collective.
Face à ce vide, la jurisprudence a acté, je le sais, le fait que ces organisations de gestion pouvaient faire cette saisine. Néanmoins, au travers de ma proposition, nous avons l’occasion d’asseoir cette interprétation et de l’inscrire dans la loi de 1986, pour qu’il n’y ait pas de contentieux ni de difficultés à l’avenir, ce qu’on avait oublié de faire à l’époque.
En outre, depuis lors, l’ordonnance du 21 décembre 2020 portant transposition de la directive SMA a modifié l’article 28 de la loi de 1986 pour prévoir l’association des auteurs aux négociations professionnelles, en jugeant utile de préciser qu’il s’agit « des organisations professionnelles et organismes de gestion collective représentant les auteurs ». Ainsi, dans les nouveaux textes, les choses sont clairement précisées.
Par ailleurs, l’ordonnance portant transposition de la directive sur le droit d’auteur, adoptée en conseil des ministres le 12 mai dernier, voilà quelques jours, a précisé les contours de la négociation collective entre auteurs et producteurs, en disposant que les accords doivent être conclus « entre les organismes professionnels d’auteurs, les organismes de gestion collective mentionnés au titre II du livre III de la présente partie [et] les organisations professionnelles représentatives des producteurs ».
Cet amendement a donc simplement pour objet de mettre à jour une législation qui avait omis, au moment où elle a été adoptée, de mentionner les organisations de gestion collective ; aujourd’hui, on ne les omet plus. Il s’agit donc de se mettre à la page, afin d’éviter des contentieux ou des interprétations divergentes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Puisque M. Assouline ne retire pas son amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11.
Article 12
L’article 42-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À titre complémentaire, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut décider, sous réserve des secrets protégés par la loi, de publier, soit au Journal officiel, soit sur un service de communication au public par voie électronique édité par ses soins, soit par ces deux moyens, la sanction qu’elle a prononcée. Elle détermine dans sa décision les modalités de cette publication, qui sont proportionnées à la gravité du manquement.
« En cas de manquement aux obligations résultant du 3° de l’article 27, du 6° de l’article 33, du 3° de l’article 33-2 ou du II à IV de l’article 43-7, la sanction peut reposer sur les mêmes faits ou couvrir la même période que ceux ayant fait l’objet de la mise en demeure. La mise en demeure est alors décidée par une formation restreinte, composée de trois membres de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, à l’exception de son président. Elle ne délibère que si au moins deux membres sont présents. La sanction est prononcée par une formation composée des quatre autres membres de l’autorité et qui ne délibère que si au moins trois de ses membres sont présents. »
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de diffusion d’un programme présentant des propos incitant à la haine, l’une des sanctions prévues au 4° est appliquée. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement tend à permettre à l’autorité de régulation d’appliquer, sans que sa décision et le fondement de celle-ci puissent être contestés, le retrait ou la résiliation de l’autorisation d’un service, lorsque l’opérateur aura diffusé un programme contenant des propos d’incitation à la haine.
Je ne reviendrai pas sur ce qui m’incite, au travers de cet amendement, à provoquer un débat sur ce sujet, mais il y a quand même un problème : une de nos chaînes diffuse régulièrement une émission dont le protagoniste principal a été condamné par la justice pour incitation à la haine raciale en raison de certains propos et continue de tenir régulièrement de tels propos. La dernière fois, le CSA a répondu avec force, en infligeant une amende de 200 000 euros – fait sans précédent, je crois –, afin que la chaîne réagisse. Pourtant, celle-ci continue…
Aussi, quand d’aucuns contreviennent aux conventions, il faut faire en sorte que le CSA dispose de souplesse et ait la possibilité de retirer rapidement un agrément, puisque la convention liant la chaîne est remise en question.
La convention qui lie cette chaîne au CSA – je l’ai lue – stipule exactement l’inverse de ce que celle-ci pratique : selon ce document, la chaîne doit concourir à la lutte contre les discriminations, à la vie commune et fraternelle des citoyens, et cætera… Or c’est l’inverse qui est fait et, on le voit, c’est lourd et difficile à gérer pour le CSA.
Cet amendement vise donc à faciliter la possibilité, pour le CSA, d’aller jusqu’au retrait de l’agrément, si une chaîne contrevient aux conventions passées avec lui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. On ne peut dénier à David Assouline le fait d’avoir de la suite dans les idées… Lorsqu’il a présenté cet amendement à la commission, j’ai indiqué qu’il était inenvisageable d’interdire à une chaîne d’émettre pour des propos tenus à l’antenne et qui n’auraient pas fait l’objet d’une condamnation judiciaire définitive.
J’ajoute que le CSA ne demande pas de disposer d’un tel pouvoir ; je remarque en outre que le renouvellement des autorisations peut également permettre de renforcer, au besoin, les engagements des chaînes dans la lutte contre les propos haineux.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Dans l’hypothèse où le retrait de l’autorisation d’émettre serait la seule action possible, la sanction me paraît disproportionnée.
On a vu, dans certaines émissions de « talk-show », pour le dire en bon français, un dérapage en direct à l’antenne, pendant quelques secondes, de la part d’un téléspectateur. Ce manquement appelle évidemment une sanction forte, mais il ne saurait justifier un retrait définitif de l’autorisation.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je suis tout de même obligé de défendre un certain nombre de principes auxquels je suis attaché et je ne veux pas que l’on caricature mes propos.
En aucun cas, je ne dis que ce serait la seule sanction et qu’elle devrait être infligée pour des propos inopinés. Disons les choses très concrètement. Si l’on invite, dans un magazine d’information ou une émission de débat, quelqu’un qui tient à l’antenne des propos punis par la loi, on ne peut pas en rendre l’éditeur responsable ; c’est le propre d’une certaine liberté de la télévision et de la radio et je ne demande pas que les choses changent de ce point de vue.
Je parle d’une émission dont l’éditeur connaît le contenu avant sa diffusion, puisqu’elle est enregistrée une demi-heure avant. Dans cette émission, ce n’est pas un invité qui dérape, c’est quelqu’un qui est payé pour déraper ; il est payé pour cela, tous les jours. Et cette personne a été condamnée par la justice pour avoir tenu de tels propos !
Si l’on me dit qu’on est impuissant contre de tels agissements, j’estime que l’on se dirige vers de graves dangers – or on les a connus avec certains médias aux États-Unis et cela a conduit à des événements très graves pour la démocratie.
Je veux donc vous mettre en garde et vous prévenir que ce type de processus est à l’œuvre en France, qu’il concerne un grand groupe et que, si l’on n’y fait pas attention, si l’on considère que ce n’est rien, il va bientôt nous tomber sur la tête de graves désagréments.
J’aurai au moins posé le débat et je prends date.
M. le président. L’amendement n° 59, présenté par M. Bargeton, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Deuxième phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
quatre
2° Troisième phrase
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
trois
3° Dernière phrase
Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
cinq
et le mot :
trois
par le mot :
quatre
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Cet amendement a pour objet de tirer les conséquences de l’amendement n° 58, relatif à la composition du collège de l’Arcom, notamment pour les formations restreintes de cette instance, qui fixent par exemple les sanctions. Dès lors que l’on a augmenté le nombre de membres du collège de cette autorité, on doit le faire en cascade pour ses différentes instances intermédiaires, afin de garantir la cohérence de l’ensemble.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Avis favorable, par cohérence avec l’avis favorable émis par la commission sur l’amendement n° 58.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L’article 12 est adopté.)
Article 13
Après le premier alinéa de l’article 42-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de manquement à l’obligation de contribution au développement de la production mentionnée au 3° de l’article 27, au 6° de l’article 33, au 3° de l’article 33-2 ou aux II à IV de l’article 43-7 et par dérogation au premier alinéa du présent article, le montant maximal de cette sanction ne peut excéder deux fois le montant de l’obligation qui doit être annuellement consacrée à la production et trois fois en cas de récidive. »
M. le président. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Marseille et Bonnecarrère, Mmes Loisier, Vérien, Dindar, Saint-Pé et Billon, M. Kern, Mme Gatel, MM. Canévet, Hingray, Longeot et Le Nay, Mmes Herzog et Doineau, MM. Levi, J.M. Arnaud, P. Martin, Chauvet et Duffourg, Mmes Morin-Desailly et Jacquemet et MM. Moga et Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
de l’obligation
par les mots :
du manquement à l’obligation
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Le présent amendement vise à rééquilibrer l’article 13, qui relève le plafond des sanctions pécuniaires susceptibles d’être infligées par la future autorité de régulation et applicables dans le cas spécifique des manquements relatifs aux obligations de financement, par les éditeurs, de la production audiovisuelle et cinématographique.
L’ampleur de la modification envisagée dans cet article aboutirait, par rapport au plafond en vigueur, à des montants de sanction totalement déconnectés, d’une part, des bénéfices éventuels résultant du manquement – la sanction serait désormais calculée non plus sur la part non réalisée des obligations, mais sur leur assiette totale – et, d’autre part, des niveaux de sanction maximale auxquels peuvent recourir les autres autorités administratives indépendantes comparables au CSA, fondés sur un pourcentage de chiffre d’affaires.
Il en ressort un caractère manifestement disproportionné des sanctions au regard de la nature du manquement, ce qui rend cette disposition potentiellement confiscatoire pour des éditeurs nationaux dont la situation financière est sans commune mesure avec celle d’acteurs mondialisés, certes soumis au même cadre depuis l’ordonnance du 21 décembre 2020, mais pour lesquels l’impact économique de ce nouveau régime de sanction serait infiniment moindre.
Afin de préserver la logique d’équité et de proportionnalité revendiquée dans le projet de loi, il est proposé d’aménager la rédaction de ce nouveau régime, en renvoyant explicitement la sanction pécuniaire qui lui est rattachée, ainsi que le relèvement du plafond y afférent, au manquement constaté par rapport aux obligations visées, et non au montant total de ces mêmes obligations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement permet de souligner un élément important de l’article 13 : le montant potentiellement très significatif de l’amende pouvant être infligée à l’éditeur. Il met en avant la différence de l’impact d’une telle sanction pour un éditeur national et pour les grandes plateformes mondialisées, qui pourraient beaucoup plus facilement l’absorber.
Il est évident que le schéma proposé au travers de cet amendement affaiblit quelque peu le mécanisme de sanction, en limitant l’assiette de l’amende ; je le reconnais. Toutefois, il apporte un élément de justice, en tenant compte de la proportion des investissements réalisés en France par les éditeurs français et par les plateformes.
L’avis est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Le CSA peut appliquer un coefficient multiplicateur de dissuasion pour que la pénalité soit supérieure à l’avantage tiré du manquement par la chaîne ; le Conseil d’État a ainsi admis un quadruplement du barème du tarif publicitaire.
La disposition prévue par cet amendement constituerait un recul par rapport à cette jurisprudence, en limitant le plafond de la sanction au double du montant du manquement.
Par ailleurs, je ne partage pas votre jugement sur le caractère disproportionné de la sanction proposée à l’article 13 du projet de loi. Je le rappelle, cette sanction, fixée au double du montant de l’obligation, est un plafond que le CSA ne peut dépasser ; il peut donc évidemment fixer un montant moins élevé. Ainsi, le CSA adaptera la sanction pécuniaire à la gravité du manquement, sous le contrôle du juge. Si les investissements de l’éditeur dans la production sont légèrement inférieurs à son obligation de contribution, la sanction sera évidemment plus faible que si l’éditeur a totalement méconnu son obligation, en ne procédant à aucun investissement dans la production.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 13, modifié.
(L’article 13 est adopté.)
Article additionnel après l’article 13
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille au respect par les éditeurs et les distributeurs de services de radio et de télévision, ainsi que par les services de médias audiovisuels à la demande, de la propriété intellectuelle des tiers dont les œuvres sont diffusées ou distribuées par ces services. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Le présent amendement a pour objet d’inscrire explicitement dans la loi la mission de l’Arcom consistant à veiller au respect, par les services de télévision et les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), du versement effectif des droits d’auteur aux créateurs. En reprenant les missions de la Hadopi, l’Arcom devra certes veiller au respect de la propriété intellectuelle, mais uniquement pour les services en ligne.
D’ores et déjà, un certain nombre de conventions conclues entre les opérateurs de l’audiovisuel et le CSA prévoient expressément le respect des droits d’auteur. De la même manière, l’autorité de régulation a eu l’occasion d’intervenir dans des conflits récents autour des manquements de certains éditeurs à l’égard des droits d’auteur.
Il convient néanmoins de consolider juridiquement l’intervention de l’autorité de régulation, en réaffirmant l’importance, parmi les missions de l’Arcom, du respect du droit d’auteur, non seulement par les services en ligne, mais également par les services de communication audiovisuelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. En réalité, le CSA exerce déjà une mission de surveillance du respect des droits d’auteur, auxquels je suis, vous le savez, particulièrement attaché – cette mission a d’ailleurs été renforcée par l’ordonnance du 21 décembre 2020. L’article 42 de la loi de 1986, évoqué précédemment par les auteurs de cet amendement en défense de l’amendement n° 18, en constitue d’ailleurs la preuve.
Aussi, il ne me paraît pas utile de compléter les tâches du futur régulateur avec une mission définie de manière aussi large et dont on peine à mesurer les conséquences en matière d’organisation.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Le CSA, demain l’Arcom, peut sanctionner un éditeur qui méconnaîtrait la législation relative à la propriété intellectuelle, sans attendre que le juge judiciaire ait, le cas échéant, tranché le litige.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 13 bis (nouveau)
L’article 42-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut, par décision motivée, autoriser une modification des obligations liées à la programmation, y compris s’agissant d’obligations quantifiées, dès lors que la modification envisagée ne remet pas en cause l’orientation générale du service concerné et qu’elle est compatible avec l’intérêt du public. » – (Adopté.)
Article 13 ter (nouveau)
La dernière phrase du premier alinéa de l’article 42-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complétée par les mots : « ou en cas de détention par cette société d’une précédente autorisation délivrée pour le même service ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 21 est présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L’amendement n° 55 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 71 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 21.
M. David Assouline. L’article 13 ter, dont je propose la suppression au travers de cet amendement, a été introduit par la commission, sur proposition de son rapporteur. Il prévoit un nouveau cas dans lequel l’Arcom peut agréer une modification de capital d’un service autorisé : celui qui est lié à la détention d’une autorisation antérieure sur la TNT pour le même service.
À l’heure actuelle, aux termes de l’article de la loi de 1986 que l’article 13 ter modifie, seules des difficultés économiques menaçant la viabilité du service permettent au CSA d’agréer une telle modification de capital intervenant dans les cinq ans suivant l’autorisation.
Mon interrogation porte sur la motivation exacte de cette modification introduite par la commission ; le rapporteur ne m’a pas convaincu ou ne m’a pas suffisamment éclairé.
La possibilité de modifier le capital en cours d’autorisation, lorsque la chaîne dispose d’une autorisation antérieure d’exploiter un même type de service, suscite des interrogations : serait-ce du sur-mesure visant une opération en cours ? J’essaie de voir à quelle situation cette disposition pourrait s’appliquer aujourd’hui. Est-ce que cela concerne M6 ? TF1 ? Peut-on m’éclairer à ce sujet ? Cette disposition est-elle destinée à faciliter quelque chose ou cette nécessité est-elle devenue impérative, d’un coup, lors du débat ?
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 55.
M. Jérémy Bacchi. Nous proposons également de supprimer cet article. On sent, dans la volonté de contraindre la concurrence, la peur des plateformes et des nouveaux médias.
Toutefois, disons-le, à côté de la perte de la guerre culturelle, il y a également la perte de la bataille économique, ainsi que la perte de la bataille de l’audience. En effet, si l’on y regarde de plus près, le désamour d’une partie du public pour la télévision tient au sentiment d’un manque d’audace des programmes. Ce n’est donc pas en uniformisant un peu plus encore les contenus et les discours qu’on luttera contre ce phénomène.
Il ne nous paraît donc pas opportun de faciliter ce genre d’opération.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 71.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cet amendement a également pour objet de supprimer l’article 13 ter, introduit par votre commission.
À plusieurs reprises, au cours des dernières années, le législateur et le Gouvernement ont pris des mesures pour lutter contre les pratiques spéculatives en matière d’attribution et de cession d’autorisations d’occupation du domaine public hertzien. Les fréquences sont un bien rare du domaine public de l’État ; elles sont attribuées, depuis 1986, après une procédure d’appel à candidatures.
Nous avons tous été choqués de la pratique de certains opérateurs, qui ont revendu leur société peu de temps après avoir été autorisés à émettre, alors qu’ils nous avaient promis monts et merveilles en matière de programmation pour obtenir leur autorisation. Ainsi, depuis une modification apportée en 2016, l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986 prohibe le changement de contrôle des services de télévision de la TNT pendant un délai de cinq ans à compter de la délivrance de l’autorisation, sauf en cas de difficultés économiques qui menaceraient la viabilité de la société.
Votre commission a proposé de déroger à ce principe pour les services qui ont bénéficié d’une première autorisation et qui en obtiendraient une nouvelle. Le Gouvernement n’est pas favorable à une telle dérogation ; une chaîne qui postule à l’obtention d’une autorisation, qu’il s’agisse d’une première autorisation ou d’un renouvellement, doit s’engager à exploiter la fréquence à laquelle elle prétend pendant une durée minimale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Il s’agit là du distinguo entre la spéculation et la décision économique.
Le premier alinéa de l’article 42–3 a été complété en 2016 – c’était la loi du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias – pour prévoir que le CSA ne peut agréer une modification du contrôle direct ou indirect de la société titulaire d’une autorisation dans un délai de cinq ans à compter de cette délivrance, sauf en cas de difficultés économiques. Cette disposition visait à lutter contre la spéculation sur les reventes de fréquences – Mme la ministre vient de le dire.
Dans son rapport législatif sur cette loi de 2016, fait au nom de la commission de la culture, notre collègue Catherine Morin-Desailly s’interrogeait déjà « sur la nécessité d’adopter une disposition générale qui pourrait avoir pour conséquence de bloquer les décisions économiques qui ne relèvent pas de démarches spéculatives ». Ce risque semble aujourd’hui réel, dans un contexte marqué par une restructuration du secteur des médias provoquée par la montée en puissance irrésistible des plateformes numériques américaines.
Dans ces conditions, l’article adopté par la commission corrige la rédaction de l’article 42–3 de la loi de 1986, en excluant explicitement du dispositif les sociétés qui auraient déjà exploité des autorisations d’émettre, en application de l’article 30-1 de la même loi, pour un même service que celui qui a été nouvellement autorisé. Cette distinction paraît utile, afin de ne pas geler les évolutions industrielles.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21, 55 et 71.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 13 ter.
(L’article 13 ter est adopté.)
Article 14
L’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le rapporteur peut demander à être assisté par un ou plusieurs adjoints nommés dans les mêmes conditions ; »
2° Le premier alinéa du 3° est ainsi rédigé :
« 3° Le rapporteur décide si les faits dont il a connaissance justifient l’engagement d’une procédure de sanction. Une mise en demeure qui n’a donné lieu à aucune sanction prononcée dans les conditions décrites au présent article durant un délai de cinq ans à compter de son adoption est réputée caduque. La notification des griefs suspend ce délai jusqu’à la date à laquelle l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique statue sur les faits en cause. » ;
3° Le premier alinéa du 5° est complété par les mots : « ou à la formation du collège composée de quatre membres mentionnée au dernier alinéa de l’article 42-1 » ;
4° Le 6° est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, après le mot : « audiovisuel », sont insérés les mots : « ou devant la formation du collège composée de quatre membres mentionnée au même dernier alinéa » ;
– à la deuxième phrase, après le mot : « conseil », sont insérés les mots : « ou à la formation du collège composée de quatre membres mentionnée audit dernier alinéa » ;
– à la troisième phrase, après le mot : « conseil », sont insérés les mots : « ou la formation du collège composée de quatre membres mentionnée au dernier alinéa de l’article 42-1 » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
– à la première phrase, après le mot : « conseil », sont insérés les mots : « ou de la formation du collège composée de quatre membres mentionnée au même dernier alinéa » ;
– la seconde phrase est supprimée.
M. le président. L’amendement n° 61, présenté par M. Bargeton, est ainsi libellé :
Alinéas 5, 8, 9, 10 et 12
Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
cinq
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. Il s’agit, à nouveau, de tirer les conséquences de l’amendement que nous avons adopté sur la composition de l’Arcom, pour ce qui concerne les instances qui fixent les mises en demeure et les sanctions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. En cohérence avec sa position sur l’amendement n° 58, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 14, modifié.
(L’article 14 est adopté.)
Article 15
La seconde phrase du V de l’article 43-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est supprimée. – (Adopté.)
Article 16
L’article 48-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À titre complémentaire, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut décider, sous réserve des secrets protégés par la loi, de publier, soit au Journal officiel, soit sur un service de communication au public par voie électronique édité par ses soins, soit par ces deux moyens, la sanction qu’elle a prononcée. Elle détermine dans sa décision les modalités de cette publication, qui sont proportionnées à la gravité du manquement.
« En cas de manquement aux obligations résultant du 3° de l’article 27, du 6° de l’article 33 ou du 3° de l’article 33-2, la sanction peut reposer sur les mêmes faits ou couvrir la même période que ceux ayant fait l’objet de la mise en demeure. La mise en demeure est alors décidée par une formation restreinte, composée de trois membres de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, à l’exception de son président. Elle ne délibère que si au moins deux membres sont présents. La sanction est prononcée par une formation composée des quatre autres membres de l’autorité et qui ne délibère que si au moins trois de ses membres sont présents. »
M. le président. L’amendement n° 60, présenté par M. Bargeton, est ainsi libellé :
Alinéa 3
1° Deuxième phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
quatre
2° Troisième phrase
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
trois
3° Dernière phrase
Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
cinq
et le mot :
trois
par le mot :
quatre
La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. C’est le même sujet que l’amendement n° 61. Défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 16, modifié.
(L’article 16 est adopté.)
Chapitre III
Dispositions relatives à la protection de l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles
Article 17
I. – Le livre II du code du cinéma et de l’image animée est complété par un titre VI ainsi rédigé :
« TITRE VI
« PROTECTION DE L’ACCÈS DU PUBLIC AUX ŒUVRES CINÉMATOGRAPHIQUES ET AUDIOVISUELLES
« CHAPITRE UNIQUE
« Section 1
« Notification
« Art. L. 261-1. – I. – Toute cession, par un producteur soumis à l’obligation de recherche d’exploitation suivie prévue à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle, d’une ou plusieurs œuvres cinématographiques ou audiovisuelles entrant dans le champ d’application de l’accord prévu au même article L. 132-27 à une personne n’étant pas soumise aux dispositions dudit article L. 132-27 et n’ayant pas la qualité de coproducteur de l’œuvre ou des œuvres concernées, ou toute autre opération d’effet équivalent à une cession quant au droit d’exploiter les œuvres, fait l’objet d’une notification au ministre chargé de la culture avant sa réalisation.
« L’opération mentionnée au premier alinéa du présent article s’entend de celle permettant de disposer des droits de propriété incorporelle et des droits de propriété sur les éléments techniques nécessaires à sa fixation, tels que définis par décret en Conseil d’État.
« II. – La notification est adressée par le producteur au moins six mois avant le terme prévu pour la réalisation de l’opération envisagée.
« Cette notification est accompagnée de tous documents et informations permettant au ministre chargé de la culture de s’assurer que le bénéficiaire de l’opération est en mesure, au regard des moyens humains, techniques, matériels et financiers dont il dispose, de rechercher l’exploitation suivie des œuvres cédées dans des conditions équivalentes à celles résultant de l’application de l’accord prévu à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle.
« L’opération est suspendue jusqu’à l’issue de la procédure prévue à la présente section.
« Art. L. 261-2. – I. – À l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la notification, si le ministre chargé de la culture estime que les documents et informations présentés ne lui permettent pas de s’assurer que le bénéficiaire de l’opération est en mesure de satisfaire à l’objectif mentionné au deuxième alinéa du II de l’article L. 261-1, il soumet l’opération à la commission de protection de l’accès aux œuvres, dont la composition et le fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d’État.
« Le ministre chargé de la culture informe le producteur de la saisine de la commission.
« II. – La commission de protection de l’accès aux œuvres se prononce, au terme d’une procédure d’instruction contradictoire, dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Elle entend les parties à l’opération.
« À l’issue de cette procédure, la commission rend un avis motivé au bénéficiaire sur les obligations qu’elle estime appropriées pour rechercher l’exploitation suivie de tout ou partie des œuvres cédées au regard des moyens humains, techniques, matériels et financiers dont il dispose, dans des conditions équivalentes à celles résultant de l’application de l’accord prévu à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle.
« La décision de la commission peut faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire.
« Section 2
« Sanctions et voies de recours
« Art. L. 261-3. – Une sanction pécuniaire peut être prononcée par le ministre chargé de la culture à l’encontre du producteur, en cas de manquement à l’obligation de notification prévue à l’article L. 261-1.
« La sanction pécuniaire est prononcée après qu’il a été mis en mesure de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés.
« Le montant de la sanction pécuniaire s’élève au maximum à 10 % de la valeur des œuvres objets de l’opération.
« Art. L. 261-4. – En cas de non-respect par le bénéficiaire de l’opération mentionnée à l’article L. 261-1 des obligations qui lui sont imposées par la commission de protection de l’accès aux œuvres, les ayants droit disposent des mêmes voies de recours et, le cas échéant, des mêmes procédures de règlement amiable des différends, dont ils peuvent se prévaloir en cas de non-respect de l’accord prévu à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle.
« Section 3
« Dispositions diverses
« Art. L. 261-5. – Un décret fixe les conditions d’application du présent chapitre. »
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements et quatre sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 24, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer trente-huit alinéas ainsi rédigés :
« Section …
« Autorisation préalable de cession d’un catalogue audiovisuel à une personne dont l’activité s’exerce dans un état non membre de l’Espace économique européen
« Art. L. 260-1. – À peine de nullité, toute cession directe ou indirecte par un producteur soumis à l’obligation de recherche d’exploitation suivie prévue à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle, d’une ou plusieurs œuvres cinématographiques ou audiovisuelles entrant dans le champ d’application de l’accord prévu par cet article à une personne dont l’activité s’exerce dans un État non membre de l’Espace économique européen et qui n’est pas soumise aux dispositions du même article, ou toute autre opération d’effet équivalent à une cession quant au droit d’exploiter les œuvres, quelles que soient ses modalités, est subordonnée à l’obtention d’une autorisation préalable délivrée par le ministre chargé de la culture.
« Toute nouvelle cession directe ou indirecte d’une ou plusieurs des œuvres mentionnées au premier alinéa est soumise aux dispositions de la présente section.
« Art. L. 260-2. – L’autorisation ne peut être accordée que si la personne bénéficiaire de la cession justifie qu’elle est en mesure de respecter les obligations suivantes :
« 1° Assurer de manière pérenne le dépôt et la conservation en France des éléments techniques relatifs aux œuvres ;
« 2° Assurer la valorisation et l’exploitation de ces œuvres, notamment par la recherche d’une exploitation suivie des œuvres dans les conditions prévues à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle ;
« 3° Prendre toute mesure technique pour participer à la lutte contre la contrefaçon des œuvres.
« Les obligations mentionnées au 2° et au 3° du présent article sont réputées remplies lorsque l’acquéreur des œuvres est déjà soumis aux obligations de l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle.
« Art. L. 260-3. – Le ministre chargé de la culture se prononce dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. À défaut de réponse dans ce délai, l’autorisation est réputée accordée.
« Art. L. 260-4. – Si la cession d’œuvres soumises à l’obligation d’exploitation suivie a été réalisée sans autorisation préalable, le ministre chargé de la culture peut enjoindre à la personne concernée de déposer une demande d’autorisation et, dans l’attente de sa décision, de rétablir à ses frais la situation antérieure. L’injonction peut être assortie d’une astreinte dont elle précise le montant et la date d’effet.
« Le ministre chargé de la culture peut également, si l’intégrité, la conservation ou la continuité de l’exploitation d’œuvres audiovisuelles sont compromises ou susceptibles de l’être, prendre les mesures conservatoires suivantes :
« 1° Suspendre, restreindre ou interdire temporairement la libre disposition de tout ou partie des œuvres ;
« 2° Désigner un mandataire chargé de veiller à la protection des œuvres. Ce mandataire peut faire obstacle à toute décision de nature à porter atteinte à ces œuvres.
« Art. L. 260-5. – Le ministre chargé de la culture peut, s’il estime qu’une ou plusieurs des obligations prévues à l’article L. 260-4 ont été méconnues :
« 1° Retirer l’autorisation ;
« 2° Enjoindre à la personne bénéficiaire de respecter la ou les obligations concernées dans un délai qu’il fixe. L’injonction peut être assortie d’une astreinte dont elle précise le montant et la date d’effet.
« Le ministre chargé de la culture peut également prendre les mesures conservatoires nécessaires, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 260-6.
« Art. L. 260-6. – Les décisions prises sur le fondement des articles L. 260-6 et L. 260-7 interviennent après que les personnes concernées ont été mises en demeure de présenter des observations dans un délai de quinze jours.
« Ces décisions sont susceptibles d’un recours de plein contentieux.
« Section …
« Autorisation préalable de sortie temporaire des éléments techniques
« Art. L. 260-7. – Le ministre chargé de la culture peut autoriser la sortie à titre temporaire des éléments techniques relatifs aux œuvres soumises à l’obligation de recherche d’exploitation suivie hors du territoire de l’Espace économique européen aux fins de restauration, d’expertise ou de présentation dans une manifestation culturelle.
« Il se prononce dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. À défaut de réponse dans ce délai, l’autorisation est réputée accordée.
« Section …
« Dispositions relatives aux sanctions
« Art. L. 260-8. – Une sanction pécuniaire peut être prononcée par le ministre chargé de la culture à l’encontre des acquéreurs d’œuvres dont l’activité se déroule en dehors de l’Espace économique européen, soumises à l’obligation de recherche d’exploitation suivie ou à l’encontre de leurs cessionnaires :
« 1° En cas de méconnaissance des obligations prévues à l’article L. 260-1 ;
« 2° En cas de méconnaissance des obligations prévues à l’article L. 260-2 ;
« 3° En cas d’inexécution totale ou partielle des décisions prises sur le fondement des articles L. 260-4 et L. 260-5 ;
« 4° En cas de sortie à titre temporaire des éléments techniques relatifs aux œuvres du catalogue audiovisuel sans autorisation ou à d’autres fins que celles mentionnées à l’article L. 260-7.
« Art. L. 260-9. – La sanction pécuniaire prévue à l’article L. 260-8 est prononcée après que la personne concernée a été mise en demeure de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés et la sanction envisagée dans un délai minimal de quinze jours.
« Art. L. 260-10. – Le montant de la sanction pécuniaire s’élève au maximum à la plus élevée des sommes suivantes :
« 1° Le double du montant du prix de cession du catalogue audiovisuel ou du montant de l’opération ;
« 2° Lorsque la personne concernée est une entreprise, 10 % de son chiffre d’affaires mondial annuel hors taxes ;
« 3° Un million d’euros pour les personnes morales et cinq cent mille euros pour les personnes physiques.
« Le montant de la sanction pécuniaire est proportionné à la gravité des manquements commis. Le montant de la sanction est recouvré comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.
« Art. L. 260-11. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent chapitre. »
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le livre IV du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I de l’article L. 411-1 est complété par les mots : « et du chapitre unique du titre VI du livre II » ;
2° Après le 2° de l’article L. 411-2, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Rechercher et constater les manquements mentionnés à l’article L. 2610-8. » ;
3° Après l’article L. 412-4, il est inséré un article L. 412-… ainsi rédigé :
« Art. L. 412-…. – Les agents mentionnés au 3° de l’article L. 411-2 ont libre accès aux locaux et installations à usage professionnel utilisés par les personnes qui détiennent des œuvres soumises à une obligation de recherche d’exploitation suivie prévue à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle, à l’exclusion des domiciles et de la partie des locaux servant de domicile aux intéressés. Ils peuvent accéder aux locaux et installations précités entre huit heures et vingt heures.
« Ces agents peuvent également demander communication de tous les documents ou pièces utiles, quel qu’en soit le support. Ils peuvent en prendre copie et recueillir sur place ou sur convocation les renseignements et justifications nécessaires.
« Les prérogatives et moyens prévus aux alinéas précédents peuvent être mis en œuvre auprès des personnes qui sont en relation d’affaires avec une personne qui détient un catalogue audiovisuel ou le cessionnaire d’un catalogue audiovisuel faisant l’objet d’un contrôle et que cette relation est susceptible d’avoir contribué à la commission de l’un des manquements mentionnés à l’article L. 260-8.
« Les personnes ainsi contrôlées sont informées du motif du contrôle et du motif pour lequel il leur est étendu. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Je défendrai en même temps les amendements nos 24 et 22.
Le dispositif de l’avant-projet de loi a été modifié de manière substantielle, après l’examen du texte par le Conseil d’État, lequel avait estimé que le dispositif initialement prévu d’autorisation préalable du ministère, lors de la cession d’un catalogue français, pouvait porter atteinte au droit de propriété et au principe de libre circulation des capitaux issu du droit européen et que les atteintes susceptibles d’être portées à l’intégrité, à la diffusion du patrimoine cinématographique et audiovisuel, élément constitutif de l’identité culturelle française, ne pouvaient être regardées comme un motif d’intérêt général justifiant ces atteintes.
Bref, le Gouvernement a voulu introduire dans la loi la défense de notre patrimoine cinématographique et de nos collections et il a eu raison ; on sait très bien le danger qui guette ces collections, notamment de la part d’acquéreurs étrangers qui peuvent très bien avoir intérêt à acheter un catalogue pour valoriser un titre et à laisser ensuite en déshérence, dans l’oubli et sans entretien, le reste du catalogue.
Ce que le Gouvernement avait imaginé à l’origine était musclé et permettait de protéger réellement notre patrimoine. Toutefois, après l’avis du Conseil d’État, le dispositif qui nous est effectivement proposé est devenu trop mou. C’est pourquoi ces amendements visent à revenir au dispositif initialement imaginé par le Gouvernement, qui permet de lutter de façon plus efficace pour la défense de notre patrimoine cinématographique.
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 6 à 25
Remplacer ces alinéas par quarante alinéas ainsi rédigés :
« Autorisation préalable de cession d’un catalogue audiovisuel
« Art. L. 261-1. – À peine de nullité, toute cession directe ou indirecte par un producteur soumis à l’obligation de recherche d’exploitation suivie prévue à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle, d’une ou plusieurs œuvres cinématographiques ou audiovisuelles entrant dans le champ d’application de l’accord prévu par cet article à une personne n’étant pas soumise aux dispositions du même article, ou toute autre opération d’effet équivalent à une cession quant au droit d’exploiter les œuvres, quelles que soient ses modalités, est subordonnée à l’obtention d’une autorisation préalable délivrée par le ministre chargé de la culture.
« Toute nouvelle cession directe ou indirecte d’une ou plusieurs des œuvres mentionnées au premier alinéa est soumise aux dispositions de la présente section.
« Art. L. 261-2. – L’autorisation ne peut être accordée que si la personne bénéficiaire de la cession justifie qu’elle est en mesure de respecter les obligations suivantes :
« 1° Assurer de manière pérenne le dépôt et la conservation en France des éléments techniques relatifs aux œuvres ;
« 2° Assurer la valorisation et l’exploitation de ces œuvres, notamment par la recherche d’une exploitation suivie des œuvres dans les conditions prévues à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle ;
« 3° Prendre toute mesure technique pour participer à la lutte contre la contrefaçon des œuvres.
« Les obligations mentionnées au 2° et au 3° sont réputées remplies lorsque le bénéficiaire de la cession est déjà soumis aux obligations de l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle.
« Art. L. 261-3. – Le ministre chargé de la culture se prononce dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. À défaut de réponse dans ce délai, l’autorisation est réputée accordée.
« Art. L. 261-4. – Si la cession d’œuvres soumises à l’obligation d’exploitation suivie a été réalisée sans autorisation préalable, le ministre chargé de la culture peut enjoindre à la personne concernée de déposer une demande d’autorisation et, dans l’attente de sa décision, de rétablir à ses frais la situation antérieure. L’injonction peut être assortie d’une astreinte dont elle précise le montant et la date d’effet.
« Le ministre chargé de la culture peut également, si l’intégrité, la conservation ou la continuité de l’exploitation d’œuvres audiovisuelles sont compromises ou susceptibles de l’être, prendre les mesures conservatoires suivantes :
« 1° Suspendre, restreindre ou interdire temporairement la libre disposition de tout ou partie des œuvres ;
« 2° Désigner un mandataire chargé de veiller à la protection des œuvres. Ce mandataire peut faire obstacle à toute décision de nature à porter atteinte à ces œuvres.
« Art. L. 261-5. – Le ministre chargé de la culture peut, s’il estime qu’une ou plusieurs des obligations prévues à l’article L. 261- 4 ont été méconnues :
« 1° Retirer l’autorisation ;
« 2° Enjoindre à la personne bénéficiaire de respecter la ou les obligations concernées dans un délai qu’il fixe. L’injonction peut être assortie d’une astreinte dont elle précise le montant et la date d’effet.
« Le ministre chargé de la culture peut également prendre les mesures conservatoires nécessaires, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 261-6.
« Art. L. 261-6. – Les décisions prises sur le fondement des articles L. 261-6 et L. 261-7 interviennent après que les personnes concernées ont été mises en demeure de présenter des observations dans un délai de quinze jours.
« Ces décisions sont susceptibles d’un recours de plein contentieux.
« Section 2
« Autorisation préalable de sortie temporaire des éléments techniques
« Art. L. 261-7. – Le ministre chargé de la culture peut autoriser la sortie à titre temporaire des éléments techniques relatifs aux œuvres soumises à l’obligation de recherche d’exploitation suivie hors du territoire français aux fins de restauration, d’expertise ou de présentation dans une manifestation culturelle.
« Il se prononce dans un délai fixé par décret en Conseil d’État. À défaut de réponse dans ce délai, l’autorisation est réputée accordée.
« Section 3
« Dispositions relatives aux sanctions
« Art. L. 261-8. – Une sanction pécuniaire peut être prononcée par le ministre chargé de la culture à l’encontre des acquéreurs d’œuvres soumises à l’obligation de recherche d’exploitation suivie ou à l’encontre de leurs cessionnaires :
« 1° En cas de méconnaissance des obligations prévues à l’article L. 261-1 ;
« 2° En cas de méconnaissance des obligations prévues à l’article L. 261-2 ;
« 3° En cas d’inexécution totale ou partielle des décisions prises sur le fondement des articles L. 261-4 et L. 261-5 ;
« 4° En cas de sortie à titre temporaire des éléments techniques relatifs aux œuvres du catalogue audiovisuel sans autorisation ou à d’autres fins que celles mentionnées à l’article L. 261-7.
« Art. L. 261-9. – La sanction pécuniaire prévue à l’article L. 261-8 est prononcée après que la personne concernée a été mise en demeure de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés et la sanction envisagée dans un délai minimal de quinze jours.
« Art. L. 261-10. – Le montant de la sanction pécuniaire s’élève au maximum à la plus élevée des sommes suivantes :
« 1° Le double du montant du prix de cession du catalogue audiovisuel ou du montant de l’opération ;
« 2° Lorsque la personne concernée est une entreprise, 10 % de son chiffre d’affaires mondial annuel hors taxes ;
« 3° Un million d’euros pour les personnes morales et cinq cent mille euros pour les personnes physiques.
« Le montant de la sanction pécuniaire est proportionné à la gravité des manquements commis. Le montant de la sanction est recouvré comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.
« Art. L. 261-11. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent chapitre.
« Section 4
« Dispositions diverses
« Art. L. 261-12. – Un décret fixe les conditions d’application du présent chapitre. »
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le livre IV du code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa du I de l’article L. 411-1 est complété par les mots : « et du chapitre unique du titre VI du livre II » ;
2° Après le 2° de l’article L. 411-2, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Rechercher et constater les manquements mentionnés à l’article L. 261-8. » ;
3° Après l’article L. 412-4, il est inséré un article L. 412-… ainsi rédigé :
« Art. L. 412-…. – Les agents mentionnés au 3° de l’article L. 411-2 ont libre accès aux locaux et installations à usage professionnel utilisés par les personnes qui détiennent des œuvres soumises à une obligation de recherche d’exploitation suivie prévue à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle, à l’exclusion des domiciles et de la partie des locaux servant de domicile aux intéressés. Ils peuvent accéder aux locaux et installations précités entre huit heures et vingt heures.
« Ces agents peuvent également demander communication de tous les documents ou pièces utiles, quel qu’en soit le support. Ils peuvent en prendre copie et recueillir sur place ou sur convocation les renseignements et justifications nécessaires.
« Les prérogatives et moyens prévus aux alinéas précédents peuvent être mis en œuvre auprès des personnes qui sont en relation d’affaires avec une personne qui détient un catalogue audiovisuel ou le cessionnaire d’un catalogue audiovisuel faisant l’objet d’un contrôle et que cette relation est susceptible d’avoir contribué à la commission de l’un des manquements mentionnés à l’article L. 261-8.
« Les personnes ainsi contrôlées sont informées du motif du contrôle et du motif pour lequel il leur est étendu. »
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Je considère qu’il a été défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, est ainsi libellé :
Alinéas 9, 13 et 19
Après le mot :
producteur
insérer le mot :
cédant
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Aux termes du dispositif prévu par l’article 17 du projet de loi, c’est bien au producteur cédant qu’incombe l’obligation de notifier au ministre chargé de la culture la cession de l’œuvre ou l’opération équivalant à une cession.
C’est également le producteur cédant que le ministre chargé de la culture informe de la saisine de la commission de protection de l’accès aux œuvres.
Enfin, c’est à son encontre que le même ministre peut prononcer une sanction pécuniaire en cas de manquement à l’obligation de notification de la cession.
Le présent amendement a pour objet de prévoir expressément que le cédant et non le cessionnaire est visé dans ces trois étapes du dispositif.
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié bis, présenté par Mme L. Darcos, M. D. Laurent, Mmes Garriaud-Maylam et Gosselin, MM. Burgoa, Bonnecarrère et Pellevat, Mme Joseph, M. P. Martin, Mme M. Mercier, MM. Gremillet, Sol, Savin, Mouiller, Lefèvre, E. Blanc et Rapin, Mmes Di Folco, Dumont et Deromedi, M. Chaize, Mmes Boulay-Espéronnier, Guidez et Garnier, MM. Wattebled, Longuet et Moga, Mme Berthet, M. Vogel, Mme Lassarade, MM. B. Fournier et Charon, Mmes Raimond-Pavero, Deroche et Micouleau, M. Brisson, Mme Gatel, MM. Milon, Sido et Somon, Mmes Imbert, Drexler et Billon, MM. Genet et Husson, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Decool, C. Vial et Klinger, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 9
Remplacer le mot :
six
par le mot :
trois
II. – Alinéa 12
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
deux
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. S’il est nécessaire de prévoir une procédure permettant d’assurer le respect de l’obligation de recherche d’exploitation suivie des œuvres cinématographiques et audiovisuelles prévue à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle en cas de cession à une personne non soumise à cette obligation, il importe que les délais de réalisation de l’opération ne soient pas allongés de manière excessive et demeurent conformes aux pratiques du monde des affaires.
Le présent amendement propose de ramener à trois mois au lieu de six le délai s’écoulant entre la notification au ministre chargé de la culture et la date prévue pour la réalisation de l’opération. Il réduit également à deux mois le délai durant lequel le ministre se prononce sur l’opération.
M. le président. L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 10, 12
Remplacer les mots :
le bénéficiaire de l’opération
par les mots :
l’acquéreur des œuvres
II. – Alinéa 22
Remplacer les mots :
le bénéficiaire de l’opération mentionnée à l’article L. 261-1
par les mots :
l’acquéreur des œuvres
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Il s’agit d’un amendement de précision terminologique, mais il a son importance. Les termes « bénéficiaire de l’opération » sont peu précis : en effet, les deux parties bénéficient d’une opération de cession d’œuvres, l’une par l’acquisition elle-même, l’autre par la rémunération de la vente. L’importance de cette terminologie est donc loin d’être anodine. Il semble préférable de désigner explicitement « l’acquéreur des œuvres », terme bien plus précis qui permet de lever toute confusion.
M. le président. L’amendement n° 47, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le ministre chargé de la culture apporte une attention toute particulière à l’accessibilité des œuvres, notamment en matière de politique tarifaire du bénéficiaire de l’opération.
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. S’agissant de cet article 17, nous aurions pu imaginer un droit de préemption qui se serait notamment appuyé sur la copie existante de chaque production au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) au titre du dépôt légal. Cela nous aurait permis de bénéficier d’un catalogue public de plus en plus riche, sans léser les producteurs.
Malheureusement, comme le mentionne l’étude d’impact du projet de loi, les moyens d’action du CNC demeurent limités. Doter l’établissement de prérogatives de nature à lui permettre de procéder à l’acquisition de catalogues très importants, soit en volume, soit en valeur, serait disproportionné sur le plan budgétaire et technique en raison des moyens requis pour une telle entreprise.
On aurait aussi pu instaurer un régime de déclaration préalable et d’autorisation, comme nos collègues socialistes l’ont proposé. Cela aurait été une protection supplémentaire des catalogues, mais aussi des spectateurs. Une nouvelle fois, cette idée, qui était celle du Gouvernement dans la première mouture du texte, a été repoussée par le Conseil d’État qui a considéré cette atteinte aux libertés contractuelle disproportionnée.
Toutefois, l’article 17 marque une avancée, même si l’absence totale de prise en compte de l’accessibilité des contenus nous semble problématique. Cet amendement vise à remédier à cette question : il prévoit que le ministère de la culture devra être attentif aux conditions tarifaires afin de permettre aux Français d’accéder à ces contenus.
M. le président. Le sous-amendement n° 103, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 47, alinéa 3
Remplacer les mots :
du bénéficiaire de l’opération
par les mots :
de l’acquéreur des œuvres
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Dans le même esprit que l’amendement n° 23 rectifié bis, ce sous-amendement substitue à l’expression « bénéficiaire » celle d’« acquéreur des œuvres », plus explicite.
M. le président. L’amendement n° 72, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les documents et informations présentés permettent au ministre chargé de la culture de s’assurer que le bénéficiaire de l’opération est en mesure de satisfaire à l’objectif mentionné au deuxième alinéa du II de l’article L. 261-1, il informe sans délai le producteur qu’il n’y a pas lieu de soumettre l’opération à la commission et que la procédure est close.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cet amendement vise à préciser que la réponse du ministère est donnée « sans délai », lorsque le dossier complet est satisfaisant. Le dispositif proposé par le Gouvernement ne vise pas à retarder les cessions dans le cas où l’ensemble des garanties sont apportées par un cédant et un cessionnaire de bonne foi.
M. le président. Le sous-amendement n° 104, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 72, alinéa 3
Remplacer les mots :
le bénéficiaire de l’opération
par les mots :
l’acquéreur des œuvres
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Coordination, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 79, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer les mots :
de trois mois
par les mots :
qui ne peut être supérieur à trois mois
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. L’amendement n° 79 précise que le délai d’instruction d’un dossier par la commission de protection de l’accès aux œuvres constitue un délai maximum et non impératif. Il va de soi que, lorsque les dossiers ne posent pas de problème, la commission n’a pas à être saisie.
M. le président. Le sous-amendement n° 90 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, M. D. Laurent, Mmes Garriaud-Maylam et Gosselin, MM. Burgoa, Bonnecarrère et Pellevat, Mme Joseph, M. P. Martin, Mme M. Mercier, MM. Gremillet, Sol, Savin, Mouiller, Lefèvre et E. Blanc, Mme Di Folco, M. Rapin, Mmes Dumont et Deromedi, M. Chaize, Mmes Boulay-Espéronnier, Guidez et Garnier, MM. Wattebled, Longuet et Moga, Mme Berthet, M. Vogel, Mme Lassarade, MM. B. Fournier et Charon, Mmes Raimond-Pavero, Deroche et Micouleau, M. Brisson, Mme Gatel, MM. Milon, Sido et Somon, Mmes Imbert, Drexler et Billon, MM. Genet et Husson, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Decool, C. Vial et Klinger, est ainsi libellé :
Amendement n° 79, alinéa 5
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
un
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. L’amendement présenté par le Gouvernement prévoit que la commission de protection de l’accès aux œuvres se prononce sur l’opération de cession dans un délai maximal de trois mois à compter de sa saisine par le ministre chargé de la culture.
Le présent sous-amendement réduit ce délai à un mois, ce qui me semble suffisant pour permettre à la commission d’organiser la procédure d’instruction contradictoire, d’entendre les parties à l’opération et de rendre son avis.
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer les mots :
rend un avis motivé au bénéficiaire sur
par les mots :
peut imposer au bénéficiaire, par une décision motivée,
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cet amendement a pour objet de remplacer la notion d’« avis » motivé de la commission par celle de « décision » motivée – ce mot me paraît plus approprié.
M. le président. Le sous-amendement n° 91, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Amendement n° 73, alinéa 5
Remplacer les mots :
au bénéficiaire
par les mots :
à l’acquéreur des œuvres
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Il s’agit également d’un sous-amendement de coordination avec l’amendement n° 23 rectifié bis. Il vise à substituer les termes « acquéreur des œuvres » à celui de « bénéficiaire », qui peut désigner les deux parties.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le dispositif de l’amendement n° 24 est ambitieux et doit se lire en complément de l’amendement n° 22.
J’ai peur, hélas, que les mesures très contraignantes proposées dans cet amendement ne se heurtent aux remarques du Conseil d’État sur l’avant-projet de loi et au respect des droits de propriété des producteurs. Il s’agit, dans le cas d’espèce, d’une réelle limitation de leurs droits patrimoniaux, qui ne me paraît pas conforme aux règles de droit.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 24.
S’agissant de l’amendement n° 22, le régime d’autorisation préalable envisagé pour les résidents de l’espace économique européen semble identique à celui des non-résidents. Ce système se heurte néanmoins à la même objection que celui prévu à l’amendement n° 24 : il va très loin dans la limitation des droits de propriété, et le Conseil d’État nous a alertés sur les risques qui pesaient à ce sujet.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 22.
L’amendement n° 34 rectifié apporte une précision très utile, en indiquant que l’obligation d’information repose sur le propriétaire « cédant ». La commission a émis un avis favorable sur cet amendement qui clarifie le dispositif.
Concernant l’amendement n° 9 rectifié bis, il paraît légitime de ne pas trop contrarier la vie des affaires avec des délais trop longs. Néanmoins, il faut aussi que la décision du ministre de la culture soit prise de manière éclairée. Aussi, je propose d’entendre l’avis du Gouvernement pour savoir si les conditions proposées par Laure Darcos sont réalistes pour les services du ministère.
L’amendement n° 23 rectifié bis apporte une précision utile qui vient en complément de celle proposée par Laure Darcos avec son amendement n° 34 rectifié. L’avis de la commission est donc favorable.
S’agissant de l’amendement n° 47, la formulation retenue par ses auteurs traduit le souci que les œuvres demeurent accessibles à des conditions tarifaires raisonnables. Nous ne pouvons que partager cet objectif s’agissant d’œuvres patrimoniales. La rédaction retenue est relativement peu contraignante – il serait, au demeurant, difficile d’aller au-delà, s’agissant de droits de propriété. Je souhaite, toutefois, en savoir plus sur les conséquences concrètes de cette proposition sur l’examen auquel devra se livrer le ministère. Dès lors, je sollicite l’avis du Gouvernement.
La commission n’a pas pu se prononcer sur le sous-amendement n° 103, mais j’y suis favorable à titre personnel, car il est une conséquence de l’avis positif de la commission sur l’amendement n° 23 rectifié bis.
L’amendement n° 72 prend en compte la préoccupation exprimée par les professionnels de ne pas subir de délais trop importants qui seraient préjudiciables à la vie des affaires. L’avis de la commission est donc favorable.
Le sous-amendement n° 104 est le pendant du sous-amendement n° 103. La commission n’a pas pu se prononcer, mais j’y suis favorable à titre personnel.
Je partage l’objectif de l’amendement n° 79 du Gouvernement qui apporte une précision utile. L’avis de la commission est favorable.
Je comprends l’inspiration du sous-amendement n° 90 rectifié, mais je m’interroge, comme pour l’amendement n° 9 rectifié bis, sur la capacité des services du ministère à respecter ce délai. C’est pourquoi je demande l’avis du Gouvernement.
La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 73, qui vise à apporter une précision.
Enfin, s’agissant du sous-amendement n° 91, numéro qui m’est cher en tant que sénateur de l’Essonne, c’est là encore un avis favorable à titre personnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 24, qui a pour objet de prévoir un régime différent selon le lieu d’établissement du bénéficiaire de la cession : un régime déclaratif, lorsque le cessionnaire exerce son activité à l’intérieur de l’espace économique européen, et un régime d’autorisation, lorsqu’il exerce son activité en dehors de cet espace. Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et le principe de liberté de circulation des capitaux, qui concerne aussi les États tiers, ne permettent pas d’appliquer un régime d’autorisation aux seuls acteurs extraeuropéens.
L’amendement n° 22 vise à remplacer, par un dispositif d’autorisation préalable, celui de simple notification préalable des transferts de propriété d’un catalogue aux personnes non soumises à l’obligation d’exploitation suivie. Le Conseil d’État a estimé qu’un dispositif d’autorisation, comme le Gouvernement l’avait initialement envisagé, était notamment incompatible avec l’interdiction du contrôle des investissements étrangers, formellement prévue par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Cette interdiction ne connaît à ce jour aucune exception liée aux biens culturels. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 34 rectifié, qui vise à compléter le mot producteur par le mot cédant. Cet amendement permet de lever toute ambiguïté sur l’application du dispositif.
L’amendement n° 9 rectifié bis vise à réduire les délais de notification préalable et de la procédure devant le ministre chargé de la culture, réduisant à trois mois le délai de notification préalable de l’opération et à un mois le délai dont dispose le ministre de la culture pour se prononcer. L’amendement n° 72 que j’ai présenté clarifie déjà le délai d’instruction d’un dossier par le ministère de la culture, en précisant que la décision est rendue « sans délai », lorsque les garanties de recherche d’exploitation suivie sont suffisantes. Les trois mois que l’amendement tend à imposer peuvent être insuffisants pour avoir un dialogue constructif et transparent, lorsque cela est rendu nécessaire par le dossier. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 9 rectifié bis.
S’agissant de l’amendement n° 23 rectifié bis, il vise à remplacer la notion de « bénéficiaire de l’opération » par celle d’« acquéreur des œuvres ».
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement qui crée une ambiguïté sur les opérations soumises au mécanisme de notification préalable. Je rappelle que l’article 17 vise les cessions et toutes les opérations d’effet équivalent. La notion de « bénéficiaire de l’opération » est donc plus large que la notion d’« acquéreurs des œuvres » qui s’applique aux seules cessions. Il faut la conserver pour prévenir les risques de contournement de la procédure par des montages financiers sophistiqués. Monsieur Assouline, vous devriez être sensible à mon argumentation.
L’amendement n° 47 de M. Bacchi et des membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste tend à ajouter que le ministre de la culture porte une attention particulière à l’accessibilité des œuvres en matière tarifaire.
Il est évident que l’accès du public aux œuvres est un objectif de politique publique essentiel ; toutefois, les conditions tarifaires dans lesquelles seront exploitées les œuvres cédées ne sont pas du tout déterminées lors de la cession de l’œuvre, qui ne porte pas sur son exploitation, mais sur sa propriété. L’obligation de recherche d’exploitation suivie ne prévoit, par ailleurs, aucun critère tarifaire. Il ne peut donc pas y avoir un critère tarifaire dans la notification au ministre de la cession par un producteur d’une ou plusieurs œuvres ou de toute autre opération assimilée. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 47.
Le sous-amendement n° 103 vise à remplacer la notion de « bénéficiaire de l’opération » par celle d’« acquéreur des œuvres ». J’émets un avis défavorable sur ce sous-amendement – je viens d’en expliquer les raisons. Il en va évidemment de même pour les sous-amendements nos 104 et 91.
S’agissant, enfin, du sous-amendement n° 90 rectifié de Mme Darcos, qui vise à réduire à un mois le délai maximum dans lequel se prononce la commission de protection de l’accès aux œuvres, je me suis déjà exprimée sur le sujet. L’amendement n° 79 du Gouvernement clarifie le délai d’instruction d’un dossier par la commission de protection de l’accès aux œuvres et permet déjà, en précisant que les trois mois de procédure sont un maximum, que la commission statue plus vite dans les cas les plus faciles. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ce sous-amendement.
M. le président. Madame Darcos, le sous-amendement n° 90 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laure Darcos. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 90 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 79.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 17, modifié.
(L’article 17 est adopté.)
Article 17 bis (nouveau)
La première phrase du deuxième alinéa du I de l’article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est complétée par les mots : « , un de ces services étant, entre six heures et vingt heures, exclusivement consacré à des programmes destinés à la jeunesse diffusés dans les conditions définies au VI bis de l’article 53 de la présente loi ».
M. le président. L’amendement n° 64 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol et Requier, est ainsi libellé :
Après le mot :
jeunesse
insérer les mots :
respectant les objectifs de qualité, de diversité et d’équilibre entre contenus éducatifs et contenus divertissants. Ces programmes sont
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Le présent amendement vise à compléter l’article 17 bis pour inscrire dans la loi que l’offre dédiée à la jeunesse respecte les objectifs de qualité, de diversité et d’équilibre entre contenus éducatifs et contenus divertissants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. On ne peut que partager l’objectif de cet amendement qui vise à rappeler que les programmes dédiés à la jeunesse sur la chaîne publique qui lui est consacrée doivent respecter les objectifs de qualité, de diversité et d’équilibre entre contenus éducatifs et contenus divertissants.
Toutefois, il paraît difficile d’ajouter ces précisions dans un alinéa qui est d’abord consacré au cahier des charges de France Télévisions, sauf à en changer l’équilibre.
Par ailleurs, l’amendement tend à insérer une nouvelle phrase pour évoquer l’absence de publicité au lieu de garder cette précision dans la même phrase, ce qui pourrait avoir pour effet de signifier que l’ensemble des chaînes visées par le cahier des charges de France Télévisions est dépourvu de publicité. Le rapporteur serait favorable à cette évolution, mais il est évident qu’elle dépasse l’objet de ce texte et sans doute même l’intention de l’auteur.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cette disposition n’est pas de nature législative, mais réglementaire ; elle relève du cahier des charges de France Télévisions.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, non pas sur le fond, mais sur la forme.
M. le président. Madame Guillotin, l’amendement n° 64 rectifié est-il maintenu ?
Mme Véronique Guillotin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 64 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 17 bis.
(L’article 17 bis est adopté.)
Article 17 ter (nouveau)
Les deuxième et troisième alinéas de l’article 71-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée sont supprimés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 74 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 89 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 74.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cet amendement vise à supprimer l’article 17 ter. Je comprends l’objectif de simplification du cadre législatif applicable au régime de contribution à la production cinématographique, recherché par la commission qui a inséré cet article. Je sais que c’est un point important pour M. le rapporteur. Pour autant, cette modification législative, introduite dans un projet de loi dont ce n’est pas l’objet, n’est pas opportune.
La réforme du régime de contribution à la production est, en effet, entamée depuis plusieurs mois. Elle doit se traduire par une modification des dispositions applicables aux services de médias audiovisuels à la demande (SMAD), ainsi qu’aux services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre (TNT) et sur les autres réseaux de communications électroniques, c’est-à-dire le câble et le satellite. Elle permettra de faire entrer dans ce régime les opérateurs établis dans d’autres États qui ciblent le marché français, conformément au principe consacré par la directive SMA, et de rééquilibrer les obligations des acteurs historiques et des nouveaux entrants selon une logique d’équité.
Cette réforme globale est en voie de finalisation. Le projet de décret relatif aux SMAD a fait l’objet d’un avis du CSA et a été examiné par le Conseil d’État. En ce qui concerne le décret TNT, les diffuseurs et les organisations professionnelles de l’audiovisuel et du cinéma ont négocié pendant quatre mois, jusqu’à fin avril, et le Gouvernement s’apprête à présenter sur cette base un projet de décret révisé.
Compte tenu de la cohérence d’ensemble qui unit ces différents volets, le Gouvernement souhaite que ces décrets soient stabilisés de manière simultanée, d’ici à la fin du mois de juin. Une modification du cadre législatif, en particulier de la définition de la production indépendante en matière audiovisuelle, risque de bouleverser ce calendrier, de perturber les discussions en cours et, finalement, de retarder l’entrée en vigueur de la réforme, très attendue par l’ensemble des professionnels.
En outre, la simplification proposée pourrait avoir pour effet d’interdire au pouvoir réglementaire d’encadrer, au sein de la part indépendante des chaînes hertziennes, les parts de coproduction et les mandats. Cela créerait une asymétrie entre le décret TNT et le décret SMAD, qui pourrait être contestée sur le terrain de l’équité et, ainsi, constituer une source d’insécurité juridique.
Par cet amendement, le Gouvernement propose donc la suppression de cet article et le maintien du cadre législatif actuel pour éviter de retarder ou, pire, de remettre en cause l’aboutissement imminent des discussions sur le décret TNT.
M. le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 89.
M. Jérémy Bacchi. L’éventail des relations entre les producteurs et les éditeurs de services va globalement de la courtoisie, au mieux, à la conflictualité dure, au pire. Dans ce cadre, et alors que les producteurs et les éditeurs audiovisuels sont en pleine concertation avec le ministère pour réviser le décret TNT, l’insertion de l’article 17 ter dans le projet de loi nous semble poser problème. Nous en demandons donc la suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le Gouvernement justifie la demande de suppression de l’article 17 ter par la nécessité de conduire à son terme la négociation sur le décret TNT. À notre connaissance, cette négociation est aujourd’hui dans l’impasse !
Le projet de décret présenté cette semaine aux parties concernées comprend une baisse très faible du taux d’indépendance, qui ne change pas la situation des chaînes gratuites, ainsi qu’une refonte du régime de Canal+ qui pourrait porter préjudice à ce groupe. L’accès aux parts de coproduction serait également assoupli à la marge, lorsque le producteur finance la moitié du devis, ce qui ne répond que partiellement au problème de France Télévisions, par exemple.
Face à ces ajustements mineurs, il nous revient que les autres critères de l’indépendance seraient renforcés, comme la durée des droits, ce qui ne saurait répondre aux besoins des diffuseurs qui doivent pouvoir exposer durablement leurs contenus sur plusieurs supports.
Le rapport de notre collègue Jean-Pierre Plancade avait mis en évidence, dès 2013, le fait que les règles qui définissent le régime de la production, fixées en 1986, n’étaient plus adaptées, ce que l’on peut aisément comprendre. Or, avec l’arrivée des plateformes, la position défavorable des chaînes n’a fait que s’accentuer dangereusement.
Concernant en particulier le service public de l’audiovisuel, il est devenu incompréhensible que France Télévisions, qui dépense près de 500 millions d’euros dans la création, ne puisse pas valoriser cet investissement ni sous la forme de mandats, lorsque les producteurs sont dépourvus de capacité de distribution, ni à travers des parts de coproduction sur l’animation et le documentaire, comme l’indiquent les données transmises par l’entreprise et publiées dans le rapport de la commission.
À maints égards, comme je l’ai déjà indiqué, la contribution à l’audiovisuel public est devenue une contribution à la production privée ! Le législateur est dans son rôle, en faisant évoluer un principe ; il conviendra aux parties prenantes de s’adapter en conséquence.
J’ajoute que, la commission mixte paritaire étant attendue pour le mois de juillet, il est tout à fait possible pour le Gouvernement de poursuivre les échanges avec les représentants professionnels, en les invitant à tenir compte de l’évolution législative proposée par le Sénat.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Absolument !
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je suis d’accord avec le Gouvernement et mes collègues communistes.
M. Pierre Ouzoulias. C’est la Sainte-Alliance ! (Sourires.)
M. David Assouline. Je ne pense pas qu’on puisse revenir de cette manière à une proposition contenue dans le rapport Plancade – j’étais déjà membre de la commission à l’époque. Depuis lors, le Parlement n’est pas resté inactif : nous avons essayé, à chaque occasion qui nous était donnée, de légiférer et d’ajuster les rapports entre producteurs et éditeurs, parce qu’en effet certaines choses devaient évoluer.
Dans le même temps, personne n’a remis en cause le fait que le pluralisme de la création a bénéficié de la présence de producteurs multiples. On peut rêver de revenir à un système intégré, comme au temps de l’ORTF, mais je ne pense pas que cela serait positif pour le pluralisme et la diversité.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur, de dire que certaines choses doivent encore être ajustées. Néanmoins, nous avons plutôt opté, jusqu’à maintenant, pour laisser la négociation entre les parties aboutir.
Je ne suis donc pas d’accord sur le fait d’insérer dans ce texte, dont ce n’est pas du tout l’objet, la mesure prévue à l’article 17 ter. Cela va mettre encore un peu plus le feu à un dossier qu’il nous incombe plutôt, à mon avis, d’apaiser. Je suis évidemment partisan du débat, mais celui-ci doit être approfondi et nous ne devons pas prendre ce dossier par le petit bout.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Un débat aurait évidemment dû avoir lieu, mon cher collègue, mais nous en avons été privés, puisque les directives qui permettaient justement de traiter cette question ont été transposées par ordonnance.
Il est important de reprendre l’historique des travaux de notre commission. Cette question se pose en effet de longue date et d’autres épisodes ont suivi le rapport Plancade qui a été cité. Je rappelle que, lors de l’examen du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, j’ai souhaité, avec Jean-Pierre Leleux, rééquilibrer, par voie d’amendement, le rapport entre éditeurs et producteurs dans le respect de chacun. Cela a fait bouger les choses. Je siégeais à l’époque au conseil d’administration de France Télévisions : le groupe a pu rouvrir la négociation avec les producteurs et obtenir des dispositions favorables pour sa plateforme Salto.
Pour autant, le sujet reste d’actualité. J’en veux pour preuve la question de la chronologie des médias qui faisait l’objet d’un blocage entre les professionnels, à tel point que notre commission – il est toujours important de rappeler les faits – avait dû produire une analyse et des propositions, dont j’étais le rapporteur. C’était il n’y a pas si longtemps. Le CNC avait eu beau essayer de mettre tout le monde autour de la table ; il n’y était pas parvenu.
Il faut donc bien, à un moment donné, que le législateur prenne ses responsabilités et aiguillonne le débat pour permettre de débloquer des situations au bénéfice de tous.
Nous avons d’ailleurs intérêt à avoir des éditeurs en bonne santé, car, dans le cas contraire, ils ne pourront plus investir dans la production et la création audiovisuelles.
Il importe donc de trouver le bon dosage, le bon équilibre, et, au stade où nous en sommes, de relancer la réflexion sur le sujet.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Je trouve qu’il y a une forme de paradoxe à reconnaître – je crois que nous sommes unanimes sur ce point – que le secteur de l’audiovisuel a totalement changé entre 1986 et 2021, pour les raisons que l’on connaît, et qu’il existe aujourd’hui de fortes asymétries entre les éditeurs français et les plateformes américaines et, dans le même temps, à ne rien faire…
M. David Assouline. Ce n’est pas la question !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Il faut bien que nous essayions de rééquilibrer les choses, quitte à provoquer des réactions, et de corriger ces asymétries, qui fragilisent aujourd’hui les éditeurs français.
Voilà pourquoi M. le rapporteur a proposé à la commission, qui l’a suivi, de revoir la loi de 1986 sur ce point, en restant fidèle à l’état d’esprit que vous avez décrit, madame la ministre : il appartient aux professionnels de trouver un accord. Nous considérons que, en prenant aujourd’hui une telle position – il se trouve que ce texte arrive maintenant devant nous –, nous ne pénalisons pas les discussions en cours, qui, du reste, n’ont pas l’air simples.
C’est peut-être également une façon d’orienter les discussions et d’affirmer que le législateur doit aussi, à un moment donné, prendre ses responsabilités – c’est ce que nous faisons !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, les négociateurs, qui nous écoutent, auront l’impression d’avoir un pistolet sur la tempe et se diront qu’il ne sert à rien d’essayer de rapprocher les positions, puisque le Gouvernement décidera. La concertation et le dialogue constructif en seraient complètement pénalisés. Vous connaissez comme moi les différents acteurs présents autour de la table : vous tirez vraiment une balle en plein milieu de la discussion !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 et 89.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 17 ter.
(L’article 17 ter est adopté.)
Articles additionnels après l’article 17 ter
M. le président. L’amendement n° 102, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’article 17 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le neuvième alinéa de l’article 45-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation à l’alinéa précédent, chaque société peut, à titre accessoire, percevoir des revenus liés à l’exploitation des programmes qu’elle produit et réalise. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. La loi du 30 septembre 1986 pose le principe d’un financement intégral de chacune des chaînes parlementaires par une dotation annuelle de l’assemblée à laquelle elle se rattache, en disposant que « chaque assemblée [dote] sa société directement de la totalité des sommes qu’elle estime nécessaires à l’accomplissement de ses missions ».
Afin de permettre à ces chaînes de disposer de ressources complémentaires, le présent amendement vise à les autoriser à percevoir, à titre accessoire, des revenus provenant de l’exploitation des programmes audiovisuels dont elles assurent la production et la réalisation.
Cette rédaction permet de préserver le principe d’un financement par les assemblées parlementaires, tout en conférant une petite marge de manœuvre financière à ces sociétés, confrontées à des charges croissantes de programmation et de diffusion.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 17 ter.
(Mme Pascale Gruny remplace M. Vincent Delahaye au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny
vice-président
Mme le président. L’amendement n° 80 rectifié sexies, présenté par Mmes Boulay-Espéronnier, Joseph, Berthet et Dumont, M. Karoutchi, Mme M. Mercier, MM. Lefèvre, B. Fournier et Saury, Mmes Deromedi et Lherbier, MM. Bouloux et Grosperrin, Mme Garriaud-Maylam, MM. Milon, Pellevat et Mouiller, Mmes Bourrat et Gosselin, MM. Bonhomme, Babary, Brisson, Genet, Panunzi et Darnaud et Mme Ventalon, est ainsi libellé :
Après l’article 17 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :
1° Après le 3° de l’article L. 132-20, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Par dérogation au 3°, l’autorisation de télédiffuser l’œuvre par voie hertzienne comprend, lorsqu’elle est accordée à un service de télévision visé à l’article 96-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la distribution de cette télédiffusion par un opérateur de satellite mettant à disposition du public ce service de télévision dans les conditions prévues à l’article 98-1 de la même loi. Dans ce cas, aucune rémunération n’est due par le distributeur de services par voie satellitaire ou l’opérateur de réseau satellitaire. » ;
2° L’article L. 216-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorisation de télédiffuser par voie hertzienne la prestation d’un artiste-interprète, un phonogramme, un vidéogramme ou les programmes d’une entreprise de communication audiovisuelle comprend, lorsqu’elle est accordée à un service de télévision visé à l’article 96-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la distribution de cette télédiffusion par un opérateur de satellite mettant à disposition du public ce service de télévision dans les conditions prévues à l’article 98-1 de la même loi. Dans ce cas, aucune rémunération n’est due par le distributeur de services par voie satellitaire ou l’opérateur de réseau satellitaire. »
La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Les chaînes de la TNT en clair sont un vecteur essentiel de diffusion des œuvres audiovisuelles, de façon gratuite. Il est important que la totalité de nos concitoyens y ait accès dans des conditions respectueuses du droit d’auteur et des droits voisins.
C’est pourquoi la loi de 1986, telle que modifiée par la loi du 14 octobre 2015, dispose que « les services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne en mode numérique sont diffusés ou distribués gratuitement auprès de 100 % de la population du territoire métropolitain » et que, « à cette fin, sans préjudice d’autres moyens, leur diffusion ou distribution emprunte la voie hertzienne terrestre, la voie satellitaire et les réseaux établis par les collectivités territoriales et leurs groupements. »
Néanmoins, force est de reconnaître que le code de la propriété intellectuelle n’a pas été modifié de façon à tirer explicitement les conséquences de modes particuliers de diffusion des chaînes de la TNT en clair.
Conformément à l’article 98–1 de la loi de 1986, il existe des offres de diffusion par satellite des chaînes de la TNT en clair, qui ne demandent aux téléspectateurs aucun abonnement. Elles ne touchent pas non plus de rémunération de la part des chaînes. Le modèle économique de ces offres, défini par la loi, ne permet pas à leurs prestataires de supporter des coûts au titre du droit d’auteur et des droits voisins.
Ces services offrent aux chaînes hertziennes en clair un complément significatif de couverture : jusqu’à 20 % de la population dans certains départements, pour un total de l’ordre de 4 millions de foyers en France métropolitaine. C’est par exemple le cas de la Corse, avec 20 %, ou de la Vendée, avec 16 %.
Cette diffusion satellitaire permet aux chaînes TNT, détentrices en amont des autorisations des sociétés d’auteurs, d’exécuter leur obligation de diffusion sur l’intégralité du territoire français. Il s’agit donc non pas d’une nouvelle communication, mais – ce point est important – d’une prestation technique assurant la réception du signal en tous points du territoire, sans comparaison avec un fournisseur d’accès à internet.
Pour toutes ces raisons, il convient de considérer que les opérateurs des offres satellitaires répondant aux conditions de l’article 98–1 de la loi de 1986 ne réalisent pas une représentation supplémentaire et ne sont pas redevables de rémunérations au titre du code de la propriété intellectuelle.
Faute d’une telle clarification, les offres de TNT gratuite par satellite pourraient disparaître, au détriment de nos concitoyens, en particulier les plus modestes, situés en zone blanche ou grise de la diffusion hertzienne terrestre.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Cet amendement vise à sécuriser juridiquement la diffusion de chaînes de la TNT sans abonnement par satellite. Cette diffusion ne créant pas de revenus pour le diffuseur satellitaire, il est difficile de considérer qu’elle puisse créer une charge au titre du droit d’auteur et des droits voisins. Cette précaution juridique est nécessaire pour maintenir la diffusion satellitaire, laquelle est précieuse pour certains foyers qui ne sont pas couverts par la TNT.
Contrairement à ce qui a pu être évoqué, une telle précaution ne me semble pas contrevenir au droit européen, puisque tant la directive établissant des règles sur l’exercice du droit d’auteur et des droits voisins applicables à certaines transmissions en ligne d’organismes de radiodiffusion et retransmissions de programmes de télévision et de radio, dite CabSat 2, que la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne prévoient que, lorsque les distributeurs de signaux se limitent à fournir des moyens techniques aux éditeurs, ils ne sont pas considérés comme participant à un acte de communication au public. Les opérateurs satellitaires répondent à cette condition, puisqu’ils fournissent uniquement un moyen technique permettant de garantir la réception de signaux.
Si les opérateurs satellitaires n’ont donc pas de raison d’être mis à contribution dans ce cadre, cela ne signifie pas pour autant que les éditeurs ne doivent pas être interrogés concernant cette forme de diffusion de leurs programmes. Peut-être convient-il d’apporter des précisions quant au paiement des redevances réclamées aux opérateurs satellitaires. La poursuite du débat parlementaire devra permettre de s’assurer que les droits des créateurs sont bien pris en compte.
L’avis de la commission est favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. L’amendement vise à exonérer de tout paiement de droits d’auteur les actes de diffusion par satellite des chaînes de la TNT en clair.
Je ne suis pas d’accord avec votre analyse juridique, monsieur le rapporteur : cette disposition constituerait une exception au droit d’auteur et n’est donc pas conforme aux textes européens applicables en la matière.
Pour autant, il me paraît essentiel que la diffusion des programmes des chaînes gratuites de la TNT puisse être assurée dans les zones dites blanches. Je vous annonce donc le lancement, dans les prochains jours, d’une mission de médiation entre les diffuseurs et les ayants droit concernés. Cette médiation devra s’efforcer de trouver une solution qui garantisse la rémunération légitime des auteurs, tout en tenant compte de l’objectif de couverture du territoire national.
Je sollicite donc le retrait de l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Je le regrette pour ma collègue Céline Boulay-Espéronnier, mais je suis entièrement d’accord avec Mme la ministre.
Je suis bien évidemment favorable aux activités des opérateurs satellitaires qui procèdent à la retransmission de tous les programmes de la TNT, mais le dispositif de l’amendement me paraît contraire au droit européen existant et à une directive en cours de transposition en droit français. Ce serait une exception supplémentaire au droit d’auteur et ce serait potentiellement dévastateur pour les ayants droit, qui n’ont pas besoin de cela en ce moment.
Je voterai donc contre l’amendement.
Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je ne comprends pas que l’on considère encore une fois qu’il est secondaire de défendre les auteurs et leurs ayants droit. C’est tout de même eux qui, dans la situation de crise que nous traversons, connaissent le plus de difficultés !
Le dispositif de l’amendement est contraire à la jurisprudence européenne – je pense notamment à l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 7 mars 2013 –, qui considère de manière constante que chaque transmission ou retransmission d’une œuvre qui utilise un mode technique spécifique doit être autorisée par l’auteur de cette œuvre.
Par conséquent, une mise à disposition des œuvres par le biais de la retransmission par satellite d’une radiodiffusion télévisuelle terrestre constitue une communication sujette à l’autorisation préalable des auteurs, au sens du paragraphe 1 de l’article 3 de la directive 2001/29/CE, même s’il s’agit de la même zone géographique.
L’adoption de cet amendement aboutirait donc à créer une nouvelle exception au droit d’auteur, non conforme à la directive sur ce sujet.
Par ailleurs, je sais que le Sénat a toujours été en pointe dans la défense des auteurs ; je suis donc surpris par la tonalité de nos débats : en effet, depuis le début de nos travaux, j’entends que l’on défend surtout les éditeurs et les grands groupes. Ce n’est pas illégitime, mais il faut aussi protéger les producteurs et les auteurs qui sont à la base de la création ! Ne faisons pas sauter tous les verrous qui leur permettent de vivre, alors que la situation est difficile.
Je partage donc l’avis du Gouvernement et de Mme Darcos et j’espère que cet amendement sera rejeté par le Sénat.
Mme le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement est très dangereux, parce que, comme l’ont dit Mme la ministre et mes collègues, son adoption introduirait une exception assez grave au droit d’auteur, dont nous avons défendu le respect tout au long de l’examen de ce texte.
Le danger viendrait aussi des effets de bord, puisque certains payeurs pourraient être incités à passer par une retransmission par satellite.
Je trouve que cet amendement va à contresens de tout ce que nous avons essayé de défendre jusqu’à maintenant en termes de propriété intellectuelle et de droits d’auteur.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je partage complètement ce point de vue.
Je rappelle que le législateur a voulu organiser les offres satellitaires de manière à ce qu’elles complètent une offre déficiente, notamment dans les zones blanches. Il n’y a pas lieu pour autant d’introduire une exception qui créerait un précédent extrêmement dangereux.
Nous sommes en train de construire un texte pour défendre la création et la propriété intellectuelle. Celles-ci demeurent extrêmement fragiles à l’heure du numérique et il nous faut rester sur une position cohérente et ferme.
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Mes chers collègues, vous le savez, s’il y a bien quelqu’un ici qui est attaché aux droits d’auteur, c’est votre serviteur ! Je n’oublie pas que je leur dois une partie de ma vie. Soyez donc bien certains que j’entends vos arguments.
Madame la ministre, nos avis juridiques divergent. En revanche, la médiation que vous proposez est un élément nouveau. Par conséquent, à titre personnel, et tout bien mesuré, j’engage ma collègue Céline Boulay-Espéronnier à retirer son amendement.
Mme le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour explication de vote.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le seul et unique objet de mon amendement était de concilier le principe de protection des œuvres et le principe d’universalité de la télévision, qui a été défendu par toutes les majorités depuis trente ans. Cependant, compte tenu des arguments qui ont été exposés, je le retire.
Mme le président. L’amendement n° 80 rectifié sexies est retiré.
Chapitre IV
Dispositions diverses, transitoires et finales
Section 1
Dispositions diverses
Article 18
I. – La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifiée :
1° Au début de la première phrase du dernier alinéa de l’article 3-1, du second alinéa de l’article 20-1 A, du neuvième alinéa de l’article 25, des sixième et seizième alinéas de l’article 29, du second alinéa de l’article 30-5, de la première phrase du 1 de l’article 30-6, de la seconde phrase du deuxième alinéa du II de l’article 33-1, de la seconde phrase du second alinéa du II de l’article 33-3, de l’avant-dernier alinéa du I de l’article 34 et de la deuxième phrase du premier alinéa et du dernier alinéa de l’article 70-1, les mots : « Le conseil » sont remplacés par les mots : « L’autorité » ;
2° À la première phrase du second alinéa de l’article 13, à la première phrase du troisième alinéa de l’article 15, au deuxième alinéa de l’article 16, à la deuxième phrase du quatrième alinéa et à la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 17-1, au premier alinéa de l’article 23, à la première phrase du deuxième alinéa et au cinquième alinéa de l’article 29, à la première phrase du deuxième alinéa et à la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 30, à la dernière phrase du premier alinéa du III de l’article 30-2, à la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 30-3, à la dernière phrase du 1 de l’article 30-6, à la fin du quatrième alinéa de l’article 31, au dernier alinéa du I de l’article 33-1, à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 33-1-1, à la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 42-3, à la seconde phrase de l’article 42-6, à la troisième phrase du premier alinéa du 6° de l’article 42-7 et à la première phrase du deuxième alinéa du III de l’article 78, les mots : « le conseil » sont remplacés par les mots : « l’autorité » ;
3° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 17-1, les mots : « le conseil » sont remplacés par les mots : « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » et les mots : « et des postes » sont remplacés par les mots : « , des postes et de la distribution de la presse » ;
4° Aux première et seconde phrases du deuxième alinéa et à la troisième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 5, aux premier et second alinéas de l’article 6, à l’article 8, à la première phrase du quatrième alinéa de l’article 17-1, à la troisième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 20-6, à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 29-3, à la seconde phrase du second alinéa de l’article 32, au dernier alinéa de l’article 33-1-1, à la fin du premier alinéa du I de l’article 34 ainsi qu’aux première et seconde phrases du dernier alinéa du 6° de l’article 42-7, les mots : « du conseil » sont remplacés par les mots : « de l’autorité » ;
5° Au premier alinéa de l’article 6, à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 20-1 A et à la deuxième phrase du premier alinéa du 6° de l’article 42-7, les mots : « au conseil » sont remplacés par les mots : « à l’autorité » ;
6° Au début des première, deuxième et dernière phrases du deuxième alinéa, des deux dernières phrases des troisième et quatrième alinéas ainsi que de la première phrase du cinquième alinéa de l’article 3-1, de la seconde phrase du premier alinéa de l’article 12, des deuxième, troisième et avant-dernière phrases du premier alinéa de l’article 14, de la première phrase du deuxième alinéa, de la seconde phrase du troisième alinéa, des cinquième, sixième et dernier alinéa de l’article 15, de la première phrase du second alinéa de l’article 15-1, de la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 17-1, de la seconde phrase du second alinéa de l’article 20-5, des deuxième et troisième alinéas de l’article 20-6, de la dernière phrase du deuxième alinéa du II de l’article 20-7, du deuxième alinéa de l’article 22, de la seconde phrase du neuvième alinéa et des deux derniers alinéas de l’article 25, de la seconde phrase du troisième alinéa du II de l’article 28-1, de la seconde phrase des premier et deuxième alinéas de l’article 28-4, de la seconde phrase du deuxième alinéa ainsi que des septième et avant-dernier alinéas de l’article 29, des deuxième et dernière phrases du premier alinéa et de la seconde phrase du dernier alinéa du I de l’article 29-1, de la seconde phrase du deuxième alinéa et du dernier alinéa de l’article 30, des première et seconde phrases du deuxième alinéa, du quatrième alinéa, de la seconde phrase du cinquième alinéa et de l’avant-dernier alinéa du III de l’article 30-1, de la première phrase du deuxième alinéa de l’article 30-3, des deuxième et dernière phrases du cinquième alinéa et de l’avant-dernier alinéa de l’article 30-6, du dernier alinéa des articles 30-7 et 41-4 ainsi que de la troisième phrase du quatrième alinéa de l’article 42-3, de la deuxième phrase du IV de l’article 43-7, de la seconde phrase du second alinéa de l’article 43-9, du deuxième alinéa et de la première phrase du dernier alinéa de l’article 58, de la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 59, de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 70-1, le mot : « Il » est remplacé par le mot : « Elle » ;
7° À la première phrase du deuxième alinéa, trois dernières occurrences, à la deuxième phrase du troisième alinéa et aux deux dernières phrases du cinquième alinéa de l’article 3-1, au deuxième alinéa de l’article 9, à la seconde phrase du second alinéa de l’article 15-1, à la seconde phrase du deuxième alinéa, à la première phrase, deux fois, et à la seconde phrase du troisième alinéa ainsi qu’à la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 17-1, au 8° de l’article 18, à la seconde phrase du premier alinéa, aux première et dernière phrases de l’avant-dernier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa de l’article 20-6, au premier alinéa du IV de l’article 20-7, aux première et seconde phrases du dernier alinéa du I de l’article 26, au cinquième alinéa de l’article 27, au deuxième alinéa du II de l’article 28-1, à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 29, à la première phrase du premier alinéa du I, à la seconde phrase du deuxième alinéa du II et, deux fois, à la deuxième phrase du deuxième alinéa du III de l’article 29-1, à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 30, au deuxième alinéa du I, au troisième alinéa, à la première phrase du cinquième alinéa et au sixième alinéa du III de l’article 30-1, au premier alinéa et à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 30-3, à la seconde phrase du second alinéa de l’article 30-4, à la troisième phrase du cinquième alinéa et au sixième alinéa de l’article 30-6, au premier alinéa de l’article 30-7, à la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 31, à la première phrase du troisième alinéa et au dernier alinéa de l’article 41-4, au troisième alinéa de l’article 42-2, à la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article 42-3, à la première phrase de l’article 42-4 et à la seconde phrase de l’article 42-6, à la deuxième phrase du IV de l’article 43-7, à la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 58, à la seconde phrase de l’article 61, deux fois, à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 70-1, le mot : « il » est remplacé par le mot : « elle » ;
8° Au début du dernier alinéa de l’article 28, de la première phrase du deuxième alinéa de l’article 33-1-1 et du dernier alinéa de l’article 42-3, les mots : « S’il » sont remplacés par les mots : « Si elle » ;
9° Le second alinéa de l’article 17 est ainsi rédigé :
« Elle est habilitée à saisir les autorités administratives ou judiciaires compétentes pour connaître des pratiques restrictives de la concurrence et des concentrations économiques. Ces mêmes autorités peuvent la saisir pour avis. » ;
10° À l’article 20, au troisième alinéa du V de l’article 30-2, à la première phrase du IV de l’article 43-7, le mot : « celui-ci » est remplacé par le mot : « celle-ci » ;
11° À la fin du premier alinéa de l’article 21, les mots : « au conseil ou à l’autorité » sont remplacés par les mots : « à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ou à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse » ;
12° Au dernier alinéa de l’article 22, le mot : « eux » est remplacé par le mot : « elles » ;
13° À la première phrase du dernier alinéa du II de l’article 26, les mots : « et des postes » sont remplacés par les mots : « , des postes et de la distribution de la presse » ;
14° Au dernier alinéa de l’article 28-4, au premier alinéa de l’article 33-1-1 et à l’avant-dernier alinéa du I de l’article 34, deux fois, les mots : « s’il » sont remplacés par les mots : « si elle » ;
15° Au premier alinéa de l’article 30, les références : « des articles 26 et 65 » sont remplacées par la référence : « de l’article 26 » ;
16° Le premier alinéa du I de l’article 30 est ainsi modifié :
a) Le début de la troisième phrase est ainsi rédigé : « Celle-ci fixe le délai… (le reste sans changement). » ;
b) Au début de la dernière phrase, le mot : « Celle-ci » est remplacé par les mots : « Cette liste » ;
17° À l’article 42-5 et à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 70-1, le mot : « saisi » est remplacée par le mot : « saisie » ;
18° Au premier alinéa de l’article 70, les références : « , 31 et 65 » sont remplacées par la référence : « et 31 » ;
19° Au deuxième alinéa du II de l’article 49, deux fois, après la référence : « 58 », sont insérés les mots : « , dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020 portant transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l’évolution des réalités du marché, et modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le code du cinéma et de l’image animée, ainsi que les délais relatifs à l’exploitation des œuvres cinématographiques, ».
II. – Dans la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et dans les autres textes de nature législative en vigueur, les mots : « Conseil supérieur de l’audiovisuel » sont remplacés par les mots : « Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique », les mots : « le Conseil supérieur de l’audiovisuel » sont remplacés par les mots : « l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique », les mots : « au Conseil supérieur de l’audiovisuel » sont remplacés par les mots : « à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » et les mots : « du Conseil supérieur de l’audiovisuel » sont remplacés par les mots : « de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique ».
III. – L’annexe à la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes est ainsi modifiée :
1° Le 5 est ainsi rétabli :
« 5. Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » ;
2° Les 19 et 24 sont abrogés.
IV. – La première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article 248 F, les mots : « , de titres mentionnés aux articles 60 et 61 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée » sont supprimés ;
2° Le second alinéa de l’article 1136 est supprimé.
Mme le président. L’amendement n° 99, présenté par M. Hugonet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer la référence :
30
par la référence :
30-1
La parole est à M. le rapporteur.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° 77, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Au premier alinéa de l’article 248 F, le mot : « modifiée » est remplacé par les mots : « dans sa rédaction applicable au 23 décembre 2020 » et le mot : « susvisée » est remplacé par les mots : « dans sa rédaction applicable au 23 décembre 2020 » ;
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cet amendement de coordination concerne des dispositions relatives à la privatisation de TF1.
Les articles 60 et 61 de la loi du 30 septembre 1986 avaient trait à l’acquisition des actions de la société nationale de programme TF1 lors de sa privatisation. L’article 22 de l’ordonnance du 21 décembre 2020, transposant la directive SMA, les a supprimés, mais ils demeurent toujours cités au sein du code général des impôts. C’est pourquoi l’article 18 du projet de loi tend à supprimer leur mention.
Toutefois, l’imposition prévue par cet article est toujours susceptible de s’appliquer lors d’une éventuelle cession de titres de la société TF1. Il convient donc de corriger le texte afin de maintenir inchangé le mode de calcul de la plus-value ou de la moins-value résultant d’une telle cession.
Je reconnais que cet amendement est particulièrement technocratique, mais il est absolument indispensable. Il tend à procéder à cette coordination, en faisant référence, à l’article 248 F du CGI, à la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction applicable avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
J’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous m’avez suivie ! (Sourires.)
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Favorable.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 18, modifié.
(L’article 18 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 18
Mme le président. L’amendement n° 53, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À ce titre, elles sont explicitement mentionnées sur tous les supports d’exploitation de l’œuvre. »
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Cet amendement vise à ce que chaque personne participant à la création d’une œuvre soit mentionnée à son générique.
L’enjeu est d’abord symbolique : avoir son nom affiché au générique est une reconnaissance du travail effectué et un motif de fierté pour tout professionnel.
Mais l’enjeu est également pratique. En effet, dans de tels corps de métier, où les books sont la norme, il est essentiel que celles et ceux qui ont contribué à la réalisation de l’œuvre soient reconnus comme tels. Comment prouver autrement sa participation, d’autant qu’en règle générale le contrat est signé non pas entre l’artiste et le producteur, mais entre ce dernier et l’entreprise de l’artiste ?
La difficulté est récurrente pour les orchestres dans le cinéma ou pour les développeurs dans les films contenant des effets spéciaux. Bien souvent, ce sont les sociétés pour lesquelles les personnes travaillent qui sont mentionnées au générique ; elles disparaissent donc totalement derrière la structure qui les emploie, ce qui pose des questions pour la reconnaissance de leurs droits.
Parmi ces droits figure la rémunération proportionnelle aux résultats. En l’état, comment justifier de la participation d’un artiste au projet ? De la même manière, au vu de la multiplication des formes de contrats très courts dans le secteur culturel, cette inscription fait office de justificatif de travail.
Il est donc proposé que l’ensemble des artistes soit mentionné au générique afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Il s’agit d’une reconnaissance tout à fait légitime du travail et de la contribution des auteurs.
La commission émet un avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Ce droit est déjà reconnu par le code de la propriété intellectuelle, y compris dans le secteur des œuvres audiovisuelles.
Au reste, la rédaction de l’amendement me pose problème, parce qu’elle n’impose la mention du nom des auteurs que sur les supports d’exploitation des œuvres. Or cette mention du nom s’impose également, lorsque les œuvres sont exploitées de manière dématérialisée, notamment à la télévision ou sur internet. L’adoption de l’amendement pourrait laisser entendre que le droit moral des auteurs ne s’appliquerait pas dans cette dernière hypothèse.
Outre qu’il est inutile, cet amendement est donc pernicieux. J’y suis défavorable.
Mme le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 18.
L’amendement n° 48, présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° Le deuxième alinéa de l’article 3-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il veille toutefois à ce que soit mise en œuvre une visibilité particulière, notamment par le biais de la numérotation, pour les services nationaux et locaux assurés par les opérateurs mentionnés au titre III de la présente loi. » ;
2° Après l’article 34-1-1, il est inséré un article 34-1-… ainsi rédigé :
« Art. 34-1-…. – Les conditions de référencement des applications des distributeurs de services, au sens de la présente loi, sur les interfaces des équipementiers sont équitables, raisonnables et non discriminatoires.
« Aucun équipementier qui référence l’application d’un distributeur de services, au sens de la présente loi, ne peut imposer au distributeur une solution de paiement pour la commercialisation de ses offres au public. En cas d’utilisation par le distributeur d’un service de paiement d’un équipementier, les conditions financières ou commerciales de ce service sont équitables, raisonnables et non discriminatoires. » ;
3° Aux premières et dernières phrases du second alinéa de l’article 34-4, après le mot : « nationaux », sont insérés les mots : « , ainsi que les services locaux assurés par les opérateurs mentionnés au titre III ».
La parole est à M. Jérémy Bacchi.
M. Jérémy Bacchi. Cet amendement concerne la question de la numérotation des chaînes. Le 12 janvier dernier, la présidente de France Télévisions et de l’Union européenne de radio-télévision, Delphine Ernotte-Cunci, était auditionnée par notre commission. Elle y a notamment dénoncé le manque de visibilité de France Info, reléguée au canal 27, donc derrière ses principales concurrentes – BFM TV, CNews et LCI, qui occupent respectivement les canaux 15, 16 et 26.
La question se pose dans la mesure où le premier projet de loi déposé par le Gouvernement visait, entre autres, à renforcer le service public audiovisuel. Cet objectif fait d’ailleurs sens, alors que le Gouvernement a fait de la lutte contre les fausses informations une priorité.
Il se trouve que le canal 19 va certainement se libérer. L’objet de notre amendement est de pouvoir faire remonter France Info en termes de canal.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Selon son objet, cet amendement vise à assurer un meilleur référencement des services édités par le service public.
Or la modification adoptée à l’article 8 du projet de loi dans le texte de la commission permettra au CSA, puis à l’Arcom, de constituer des blocs thématiques, ce qui répond à l’objectif des auteurs de cet amendement. Celui-ci est donc satisfait.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° 48.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Section 2
Dispositions transitoires
Article 19
I. – L’article 1er de la présente loi et le IV de l’article L. 333-10 du code du sport, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la présente loi, entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant celui de sa publication au Journal officiel.
II. – À l’issue du délai mentionné au I, la personne morale : « Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet » est dissoute et ses biens sont transférés à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Cette dernière est substituée à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet dans ses droits et obligations, y compris ceux issus des contrats de travail.
III. – Les procédures en cours devant le collège de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet à l’issue du délai mentionné au I sont poursuivies de plein droit devant l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Les procédures devant la commission de protection des droits de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet en cours à l’issue du délai mentionné au même I sont poursuivies de plein droit devant le membre de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique mentionné au IV de l’article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication chargé d’exercer la mission de protection des œuvres et des objets protégés.
IV. – La caducité prévue au premier alinéa du 3° de l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée ne s’applique pas aux procédures pour lesquelles le rapporteur a déjà notifié les griefs à la date de la publication de la présente loi. – (Adopté.)
Article 19 bis (nouveau)
Dès la promulgation de la présente loi et jusqu’à la création définitive de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet assure la mise en œuvre des dispositions prévues aux articles L. 331-10 et L. 331-11 du code du sport.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 56 est présenté par M. Bacchi, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 75 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour présenter l’amendement n° 56.
M. Jérémy Bacchi. Par cohérence avec les amendements que nous avons déposés sur la question du piratage sportif, nous proposons de supprimer l’article 19 bis.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 75.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. L’article 19 bis, qui confie la mission de lutte contre le piratage sportif à la Hadopi pour une durée de trois mois seulement, ne me paraît pas opportun.
En effet, la durée de trois mois ne sera pas suffisante pour permettre, d’une part, au Gouvernement de prendre les mesures réglementaires qu’impose la mise en œuvre de cette mission, et, d’autre part, à la Hadopi de mobiliser l’ensemble des moyens humains et matériels requis.
Je vous propose donc la suppression de cet article, tout en vous confirmant l’engagement du Gouvernement en faveur d’une mise en place rapide de l’Arcom.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Le Gouvernement propose de supprimer cet article, au motif que la Hadopi n’aurait pas le temps de mettre en œuvre la nouvelle compétence prévue à l’article 3.
Cet article peut néanmoins permettre aux ayants droit de saisir le juge afin qu’il puisse prendre une ordonnance dynamique. En outre, on ne peut pas exclure que le travail préparatoire mené par la Hadopi soit utile à l’Arcom pour que cette nouvelle autorité ne perde pas de temps au moment de sa constitution.
La commission émet un avis défavorable.
Mme le président. La parole est à M. Michel Savin, pour explication de vote.
M. Michel Savin. Je souhaite soutenir la position de M. le rapporteur. Madame la ministre, il y a urgence. Si le Sénat votait ces amendements, il n’enverrait pas un bon signal aux diffuseurs et aux acteurs du monde sportif qui attendent que nous prenions des mesures.
Je pense que nous ne devons pas voter ces amendements : le message que nous enverrions serait contreproductif.
Mme le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 et 75.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme le président. Je mets aux voix l’article 19 bis.
(L’article 19 bis est adopté.)
Article 20
I. – L’article 5 entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant celui de la publication de la présente loi au Journal officiel.
II. – Les mandats des membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel ne sont pas interrompus du fait de l’entrée en vigueur de la présente loi.
III à V. – (Supprimés)
Mme le président. L’amendement n° 26, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rétablir le III dans la rédaction suivante :
III. – Lors du premier renouvellement des membres de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, le président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat nomment, respectivement un membre issu du Conseil d’État et un membre issu de la Cour de cassation. Tous les six ans, ils procèdent à la nomination de deux membres issus de ces deux institutions, en procédant alternativement à la nomination de ceux-ci.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Cet amendement est le pendant de l’amendement n° 12 que je n’ai pas pu présenter tout à l’heure, parce qu’il est devenu sans objet. J’aimerais simplement entendre la réaction de Mme la ministre sur ma proposition visant à ce que le Parlement nomme deux magistrats au sein de l’Arcom, ce qui permettrait à la fois de nommer des magistrats et de maintenir le collège à sept membres. Elle n’a pas pu répondre tout à l’heure, puisque l’amendement est tombé.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec un amendement déposé par le même auteur sur l’article 5. Par cohérence – par coordination, pourrais-je dire… (Sourires.) –, la commission y est défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Cette disposition, de façon là encore pernicieuse, restreindrait le pouvoir de désignation du Parlement – vous en conviendrez, monsieur Assouline ! (Sourires.)
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 20.
(L’article 20 est adopté.)
Section 3
Dispositions finales
Article 21
I. – Après les mots : « résultant de », la fin du premier alinéa de l’article 108 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigée : « la loi n° … du … relative à la protection de l’accès du public aux œuvres culturelles. »
II. – Le 1° de l’article L. 811-1-1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« 1° Les livres Ier à III, à l’exception du quatrième alinéa de l’article L. 335-4 et des articles L. 133-1 et L. 133-4, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique ; ».
III. – Le sixième alinéa de l’article 11 et le troisième alinéa de l’article 12 de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 relative aux marques de produits ou de services sont supprimés.
Les articles L. 331-5, L. 331-6, L. 331-7, L. 331-12, L. 331-13, L. 331-14, L. 331-15, L. 331-16, L. 331-17, L. 331-18, L. 331-19, L. 331-20, L. 331-21, L. 331-22, L. 331-23, L. 331-24, L. 331-25, L. 331-26, L. 331-27, L. 331-28, L. 331-29, L. 331-30, L. 331-31, L. 331-32, L. 331-33 et L. 342-3-1 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur à la date mentionnée au I de l’article 19 de la présente loi. Le livre III du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeure applicable jusqu’à cette date.
IV. – L’article 19 et l’article 20 de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
V. – L’article 20 de la présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. – (Adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Le groupe RDPI remercie M. le rapporteur et M. le président de la commission pour la manière dont ils ont abordé ces débats.
Nous allons nous abstenir sur le vote de ce texte, mais dans une perspective bienveillante et dans l’espoir que, après l’examen du texte par l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire aboutisse à un accord entre les deux chambres.
Les débats ont été riches, fournis, intéressants. Nous avons d’ailleurs réfléchi, au regard des modifications apportées au texte, à la possibilité de le voter, mais nous ne pouvons pas le faire en raison, principalement, de l’ajout de la transaction pénale, mais aussi des dispositions introduites relatives aux règles de concentration et à la production indépendante.
Nous espérons que le débat pourra prospérer à l’Assemblée nationale dans le même esprit qu’au Sénat et que nous pourrons aboutir à un accord en commission mixte paritaire.
Mme le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Le groupe Union Centriste votera le texte modifié et salue l’excellent travail réalisé par notre commission. Nous pouvons, encore une fois, remercier et féliciter notre rapporteur.
Comme cela a été dit lors de la discussion générale, le projet de loi qui était aujourd’hui soumis à notre examen a constitué une déception pour tous ceux, en particulier au sein de notre commission, qui travaillent sur ces sujets depuis tant d’années. Il était en effet très amoindri par rapport au texte déposé en décembre 2019. Malgré tout, nous avons pu progresser, en le complétant utilement et en l’enrichissant sur un certain nombre de points.
Je me félicite par exemple du maintien de la chaîne France 4 – notre commission mène ce combat depuis plusieurs années.
Je me félicite aussi du maintien en soirée, sur l’initiative de notre rapporteur, de Culturebox. Cette novation va permettre au monde de la culture, qui a tant souffert ces derniers temps, de voir cet espace d’expression préservé. Je n’oublie pas que c’est à vous, madame la ministre, que nous devons la création de Culturebox.
Je me réjouis également de la possibilité de moderniser la TNT – la télévision des territoires. C’est un sujet qui tient à cœur au Sénat.
Je ne doute pas que les discussions se poursuivront au cours de la navette parlementaire, mais nous avons avancé de manière très positive sur plusieurs questions. Ainsi, nous avons progressé sur des combats aussi essentiels que la lutte contre le piratage, la protection des œuvres ou encore la propriété intellectuelle, le droit d’auteur et les droits voisins.
Je salue enfin la création de la nouvelle autorité de régulation, l’Arcom. Je souhaite d’ailleurs remercier les présidents du CSA et de la Hadopi qui ont travaillé durant des mois à ce chantier. Ce n’était pas évident au début, mais nous parvenons à un résultat très satisfaisant.
Mme le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Le groupe Les Républicains votera bien évidemment ce texte. Je tiens à remercier notre rapporteur. Le travail réalisé en commission a été formidable, tout comme celui effectué avec vos services et avec vous-même, madame la ministre.
Si j’étais un peu taquine, je dirais à mon collègue Bargeton que certains de ses amis députés s’étaient prononcés, avant le début de la crise sanitaire, en faveur de la transaction pénale lors de l’examen en commission du premier projet de loi déposé par le Gouvernement. Cette question aura peut-être mûri auprès de nos collègues députés (Mme la ministre fait signe que non.) et le texte que nous allons adopter sera alors quasiment parfait… Mais j’en demande peut-être beaucoup ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) Je souhaite en tout cas que l’on parvienne à un accord en commission mixte paritaire.
Nous avons étoffé ce texte. Je tiens à vous remercier, madame la ministre, à la fois pour votre compréhension et pour tout ce que vous faites en faveur de la culture. Le Sénat est avec vous et soutient les mesures que vous avez prises ces derniers mois en la matière.
Mme le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je ne pouvais que partager les deux objectifs fondamentaux de ce texte : la fusion entre le CSA et la Hadopi et la protection du patrimoine audiovisuel et cinématographique.
Nous avons voulu élargir le débat à tous les sujets qui nous tenaient à cœur et qui pouvaient être intégrés au texte ; je remercie notre commission de nous avoir permis de le faire.
Je voudrais souligner plusieurs points positifs. Nous avons pu envoyer un signal fort sur la question des droits voisins des éditeurs de presse. Je ne peux que me réjouir de l’adoption de ce dispositif.
Je pense également à la numérotation par blocs thématiques, qui va permettre à la télévision d’information du service public d’être un peu plus proche des chaînes concurrentes.
Le régime de gestion collective étendu pour l’exploitation des œuvres plastiques, graphiques et photographiques, défendu par ma collègue Sylvie Robert, a également pu être adopté.
D’autres éléments plus négatifs changent la donne de manière significative. Comme Julien Bargeton, je ne suis pas d’accord avec la transaction pénale : je préfère cibler les sites pirates et les sites miroirs, ainsi que les personnes qui bénéficient du piratage.
Je pense aussi à la reconduction pour cinq ans des autorisations d’émettre des chaînes de la TNT sans appel d’offres, et donc sans réelle mise en concurrence. Cette question mérite qu’on s’y arrête davantage.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra, mais il s’agit d’une abstention plutôt positive. J’espère que la commission mixte paritaire nous permettra de parvenir à un texte équilibré.
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. Je remercie le Sénat d’avoir adopté autant d’amendements sur la télévision et le sport. Ce sont autant de signaux importants.
Mme le président. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour explication de vote.
M. Jérémy Bacchi. Ces quelques heures de discussion nous auront permis de voir que nos divergences sont nombreuses, mais que le débat reste apaisé sur des sujets qui sont essentiels.
Je regrette qu’on ne soit pas allé plus loin sur l’arrivée des plateformes étrangères puissantes, sur les relations entre producteurs et éditeurs ou sur la lutte contre le piratage.
Mais j’ai surtout le sentiment qu’on a oublié les acteurs centraux de l’écosystème culturel : ceux qui écoutent et regardent les programmes.
J’entends et je partage les arguments du rapporteur sur le piratage industrialisé, mais voir du sport, des films ou des séries à la télévision est bien souvent inaccessible pour de nombreux foyers.
Quand nous débattons des seuils de concentration et de la constitution de grands groupes, c’est en fait du devenir des contenus, de leur richesse et de leur pluralité qu’il est question. Quand nous débattons des relations entre éditeurs et producteurs, c’est encore les contenus et la diversité culturelle que nous évoquons.
La grande majorité de nos amendements tendait à améliorer l’accès à la culture ; nous regrettons que la plupart d’entre eux aient été rejetés. Toutefois, nous nous abstiendrons, car nous voulons souligner certaines avancées, comme la protection des catalogues qui, bien que perfectible, devrait permettre d’accéder aux contenus.
Mme le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot, ministre. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, deux jours après mon arrivée en responsabilité au ministère de la culture, j’étais devant vous pour solliciter votre habilitation à transposer par ordonnances des textes importants. J’avais bien senti, lors de ce « bizutage », que j’étais face à des spécialistes de ces questions, et j’appréhendais de me retrouver à nouveau devant vous.
Cette appréhension a été levée par l’extrême qualité des débats, toujours empreints de bienveillance républicaine. Jamais notre discussion n’a été médiocre. L’échange des idées et des arguments a été particulièrement nourri. Loin de la polémique inutile, de la méchanceté gratuite, des attaques personnelles qui caractérisent trop souvent notre système politique, l’ambiance de ce débat m’a, d’une certaine façon, réconciliée avec la vie parlementaire. Soyez en profondément remerciés.
Ce texte n’est pas un petit texte ou un texte médiocre. Il s’agit de garantir la protection des droits des auteurs, d’organiser notre régulation, qui doit être rationalisée et modernisée, et de défendre l’accès du public aux œuvres cinématographiques et audiovisuelles françaises. Sur tous ces sujets, vous avez souhaité faire des ajouts, dont on peut encore discuter : le cheminement de ce texte va se poursuivre.
J’espère que nous trouverons des voies de convergence entre les deux assemblées et le Gouvernement. Mes services et moi-même avons été très ouverts dans cette discussion, qu’il s’agisse d’apporter des arguments ou des éléments techniques et d’expertise. Je souhaite que ce travail continue.
Merci encore de cette excellente ambiance. Nous avons tous fait des pas les uns vers les autres, c’est la façon dont la République doit fonctionner. (Applaudissements.)
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. Je l’ai dit dès le début de mon intervention, en discussion générale : nous revenons de loin.
Sans mauvais jeu de mots, madame la ministre, si nous revenons de loin, c’est d’abord parce que vous avez été frappée par le covid. Je garderai en mémoire votre invitation, rue de Valois, le jour même de votre retour au ministère : votre courage et votre caractère forcent le respect. (Applaudissements.)
Je voudrais également saluer les relations très fluides entre le Sénat, votre cabinet et les services de votre ministère, notamment la direction générale des médias et des industries culturelles.
Je remercie aussi le secrétariat de la commission et la direction de la séance : nous avons travaillé sur un tempo larghetto, nous avons su prendre le temps nécessaire, en particulier grâce au travail préparatoire et itératif réalisé en commission. À cet égard, je remercie le président Lafon pour l’esprit qu’il a su faire régner tout au long de nos travaux, ainsi que tous les représentants des groupes. Ainsi, certaines positions ont pu évoluer entre nos différentes réunions ; je tenais à la souligner.
Je suis certain d’une chose : ces sujets de la culture nous rapprochent. Nous pouvons avoir des sensibilités et des avis différents, mais l’intelligence collective qui règne ici, et que je suis fier et heureux de partager, nous permet d’atteindre nos objectifs communs.
La navette parlementaire commence ; nous avons encore du travail devant nous. La commission de la culture répondra toujours présente pour faire avancer ces sujets et parvenir à une réforme de grande ampleur, tant attendue, même s’il ne faut pas négliger les avancées qui sont contenues dans ce texte. Encore une fois, merci du travail accompli ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Je voudrais remercier notre rapporteur : nous sommes tous conscients de l’important travail qu’il a réalisé. Pour prendre une image qui lui est chère, je dirai qu’il a été un parfait chef d’orchestre des travaux de notre commission ! (Sourires.) Trouver des points d’équilibre n’est jamais facile, mais il y est parvenu avec beaucoup de brio. Discuter d’un texte dans ces conditions, quand un tel travail a été réalisé, est toujours très agréable.
Je remercie également chacun des membres de la commission. Nous nous inscrivons dans la droite ligne de travaux déjà anciens et nous avons eu le souci de la continuité, mais aussi celui de faire avancer les dossiers du secteur de l’audiovisuel, qui nous est cher.
Je voudrais aussi vous remercier, madame la ministre. Vous avez salué la qualité du débat de la Haute Assemblée ; nous y sommes très attachés. Sachez qu’avec vous, madame la ministre, même les désaccords sont agréables… (Sourires) Vous avez grandement participé à la bonne ambiance de nos débats.
Vous nous aviez invités, en commission, à ne pas procéder à trop d’ajouts et à rester dans l’esprit initial de ce texte, même si nous regrettions qu’il n’aborde pas certains sujets. Vous aurez noté que nous n’avons pas été excessifs dans nos ajouts – le fait d’achever l’examen de ce texte plus tôt que prévu en témoigne. En revanche, nous avons essayé d’être incisifs sur un certain nombre de points qui nous semblent extrêmement importants pour consolider le secteur de l’audiovisuel, auquel nous sommes très attachés, comme le soulignait à l’instant Jean-Raymond Hugonet.
Il ne s’agit bien sûr que d’une étape dans le processus législatif. Nos collègues députés vont maintenant se saisir de ce texte et nous nous retrouverons pour une commission mixte paritaire. Nous avons fait en sorte que ce projet de loi puisse avancer de manière intelligente entre nos deux assemblées, dans le dialogue avec vous-même, madame la ministre, et vos services. Quelques marqueurs, sur lesquels nous travaillons depuis longtemps, sont extrêmement importants pour nous : nous serons très attentifs au sort qui leur sera réservé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme le président. Nous passons à la discussion, dans le texte de la commission, du projet de loi organique.
projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la constitution
Article unique
Le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié :
1° La trente-cinquième ligne est supprimée ;
2° Après la quinzième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique |
Présidence |
». |
Mme le président. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 124 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 344 |
Le Sénat a adopté.
6
Ordre du jour
Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 25 mai 2021 :
À quatorze heures trente et le soir :
Explications de vote puis vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote (texte de la commission n° 600, 2020-2021) ;
Proposition de loi renforçant le suivi des condamnés terroristes sortant de détention, présentée par M. François-Noël Buffet et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 573, 2020-2021) ;
Examen conjoint de la proposition de loi tendant à revoir les conditions d’application de l’article 122-1 du code pénal sur la responsabilité pénale des auteurs de crimes et délits, présentée par Mme Nathalie Goulet et plusieurs de ses collègues et de la proposition de loi relative aux causes de l’irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l’expertise en matière pénale, présentée par MM. Jean Sol, Jean-Yves Roux, Mme Catherine Deroche, MM. François-Noël Buffet, Philippe Bas, Bruno Retailleau, Mme Nathalie Delattre et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 603, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER