M. Jean-Pierre Corbisez. Le rapport de la délégation sénatoriale à la prospective intitulé Adapter la France aux dérèglements climatiques à l’horizon 2050 : urgence déclarée a été présenté en mai 2019 par nos collègues Ronan Dantec et Jean-Yves Roux. Sa conclusion est sans appel : la France doit « se préparer à absorber un choc climatique inévitable ».
Ce dérèglement sera lourd de conséquences : aggravation des risques naturels, surmortalité liée aux vagues de chaleur ou à la pollution, propagation des maladies, stress hydrique, dangers pour l’agriculture et l’alimentation, etc.
Adopté à l’unanimité, ce rapport formule des propositions visant à amplifier l’effort d’adaptation de la France face aux défis sanitaires, économiques et écologiques que pose le changement climatique, par l’accompagnement des territoires, l’adaptation du bâti et de l’urbanisme, la réduction des tensions portant sur les ressources hydriques ou encore l’adaptation de notre modèle agricole.
Aussi, cet amendement vise à préciser dans la Constitution que, pour lutter contre le dérèglement climatique, il faut également combattre ses conséquences, qui menacent la vie quotidienne de nos concitoyens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cette précision ne nous paraît pas indispensable : en luttant contre la cause, on lutte de facto contre ses effets. De surcroît – nous l’avons indiqué en commission –, nous ne souhaitons pas introduire dans la Constitution des notions trop indéterminées.
Nous émettons, en conséquence, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 18, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
, dans le respect des limites planétaires
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Plus qu’une notion générale de non-régression, d’amélioration de l’environnement, il est nécessaire d’ajouter une dimension quantifiable aux objectifs environnementaux de notre pays. Ce concept a été proposé par une équipe internationale de vingt-six chercheurs, dans le cadre de travaux publiés en 2009, et est d’ores et déjà utilisé par de grands groupes industriels privés, qui cherchent à confronter leur impact sur l’environnement à la capacité de notre planète à l’absorber.
L’objectif de l’inscription de ce concept dans la Constitution est clair : notre société ne doit pas évoluer au détriment des capacités de notre planète, de ses ressources naturelles et de leur capacité éventuelle de renouvellement. Toute mesure environnementale quantifiée ne peut s’inscrire que dans un cadre fini, celui des limites planétaires.
Une limite d’émission ne trouvera donc son sens et ne sera acceptée par la population que si elle est mise en rapport avec un plafond évitant le dépassement des ressources de la planète.
Ainsi, cette inscription dans la Constitution solidifierait toute démarche d’inscription dans le droit de limites chiffrées d’émission de CO2, de destruction forestière, de limites de pêche, etc.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement nous paraît quelque peu superflu : nous voyons mal comment on pourrait préserver l’environnement sans respecter, par principe, les limites planétaires, quelle que soit la définition que l’on donne à cette notion. (Sourires ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 15, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Elle garantit aux générations présentes et à venir le droit de vivre dans un environnement sain et sûr.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Les liens entre santé, sécurité et environnement ne sont plus à démontrer. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires demande donc la consécration au rang constitutionnel du droit des générations actuelles et futures à vivre dans un environnement sain et sûr.
Les nombreuses atteintes à la biodiversité et à l’environnement pourraient à terme provoquer la destruction de l’humanité. Ainsi, la France doit mettre en œuvre toutes les politiques environnementales nécessaires pour limiter l’impact des activités humaines à un niveau permettant à l’humanité de disposer des fonctions essentielles de la biosphère.
Il s’agit pour nous d’une position intergénérationnelle : nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants.
Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a fait part, le 30 octobre 2018, de ses craintes : « La dégradation de l’environnement, le changement climatique et le développement non durable comptent parmi les menaces les plus imminentes et les plus graves qui pèsent sur le droit à la vie des générations actuelles et futures. »
Nous souhaitons ainsi rappeler l’impact de nos décisions actuelles et leurs conséquences sur les capacités des générations futures à vivre dans de bonnes conditions environnementales.
Ce droit à un environnement sain, dans lequel on peut inclure le droit à l’eau, à un air non pollué, aux bénéfices de la biodiversité, a été reconnu en France et est inscrit dans la Charte de l’environnement de 2004. Il convient cependant d’en renforcer la portée juridique en l’érigeant en principe constitutionnel inscrit à l’article 1er de la Constitution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le souhait de notre collègue me semble satisfait : il suffit de lire le dernier alinéa du préambule de la Charte de l’environnement de 2004, qui dispose que, « afin d’assurer un développement durable, les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ».
Les choses sont claires, l’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Elle assure un haut niveau de protection de l’environnement selon le principe de non-régression.
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Après « superflu » et « satisfait », j’attends le troisième « s » ! (Sourires.)
Il s’agit ici du principe de non-régression. La gestion d’un avenir durable doit permettre de garantir que les acquis environnementaux ne sont pas remis en question. Le principe de non-régression protège les droits des générations futures en renforçant les exigences écologiques dans la prise de décision.
L’effectivité d’un droit humain à l’environnement ne devient réalité qu’à la condition de l’établissement d’une garantie juridique assurant que chaque avancée pour la préservation de l’environnement ne peut être remise en cause. Ce principe n’implique pas une impossibilité d’action de la part des autorités, mais crée une obligation positive, notamment pour le législateur, de ne pas dégrader les avancées écologiques.
En dépit de l’urgence climatique, certaines décisions législatives ou réglementaires sont en effet moins-disantes au niveau environnemental ; ce retour sur la protection de l’environnement et de la biodiversité nous semble insupportable.
Au vu des dernières décisions qui ont permis, par exemple, au juge de valider un retour en arrière sur la limitation des néonicotinoïdes, il est essentiel d’inscrire dans la Constitution que, à défaut de faire plus, on ne peut plus se permettre de faire moins. (Mme Esther Benbassa applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit du même argumentaire que celui qui a été avancé à l’appui de l’amendement n° 9 de Mme Assassi et nous confirmons l’avis défavorable que nous avions alors exprimé. Je le rappelle, l’article 2 de la Charte est parfaitement clair sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je n’ai pas non plus changé d’avis depuis l’amendement n° 9 : défavorable.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié bis, présenté par MM. Guiol, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Guérini, Mme Pantel, MM. Requier, Roux, Lozach et Mizzon, Mme Varaillas et M. Iacovelli, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le premier alinéa du même article 1er est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle reconnaît la diversité de ses territoires et assure leur cohésion par un développement social, économique et environnemental équilibré. »
La parole est à M. André Guiol.
M. André Guiol. La proposition du Président de la République d’inscrire à l’article 1er de la Constitution l’engagement du pays en faveur de l’environnement et dans la lutte contre le dérèglement climatique nécessite, pour avoir quelque chance de succès, d’associer à cette démarche vertueuse l’ensemble de nos concitoyens et de nos institutions.
Les Françaises et les Français se sont largement exprimés sur ce sujet, notamment lors du grand débat ou par l’intermédiaire de la Convention citoyenne pour le climat, souhaitant recourir à un référendum. Du fait de l’organisation décentralisée de la France, il convient d’associer également à cette démarche tous les territoires dans leur force et leur diversité, au regard du défi que l’humanité devra relever.
La France doit, pour cela, veiller à la santé et au bon équilibre de ses territoires afin que tous apportent leur contribution, qu’ils soient urbains, périurbains ou ruraux, recelant des zones destinées à recevoir tout type d’habitat correspondant aux attentes de nos concitoyens, des espaces de production agricoles indispensables à notre survie ou, tout simplement, des espaces naturels contribuant aux objectifs de maintien de la diversité biologique, porteurs de services écosystémiques rendus par la nature.
Il existe donc un lien intime et subtil qui relie environnement et territoires, un lien pressenti par l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), laquelle a indiqué sa volonté de faire de la transition écologique un moteur de la cohésion des territoires.
Il s’agit donc, par cet amendement, de faire en sorte que la cohésion des territoires soit le moteur de la transition écologique, en prenant en compte dans la Constitution l’indispensable dimension spatiale et territoriale de notre pays.
Dans cette approche environnementale nous devons mettre toutes les chances de notre côté et corriger le modèle de société qui est le nôtre en nous souvenant de ce que disait Hubert Reeves : « Actuellement, l’homme mène une guerre contre la nature. S’il gagne, il est perdu. » (M. Jean-Pierre Corbisez applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement est complexe dans sa rédaction ; il vise d’abord à inscrire à l’article 1er de notre Constitution que la France reconnaît la diversité de ses territoires. Quels effets juridiques peut-on attendre de cet acte de reconnaissance pris en lui-même ?
La seule référence récente dans les travaux du Sénat serait la proposition de loi constitutionnelle présentée par le président Larcher et notre collègue Philippe Bas, adoptée le 3 février 2015. Ce texte faisait clairement référence à cette notion, mais pour permettre une meilleure représentation de ces territoires au sein de notre assemblée, ce qui n’est pas tout à fait la même chose.
Ensuite, cet amendement tend à prévoir que la France assure la cohésion de ses territoires « par un développement social, économique et environnemental équilibré ». Or il s’agit, ni plus ni moins, des dispositions de l’article 6 de la Charte de l’environnement, laquelle, nous l’avons dit, fait partie de notre bloc constitutionnel, c’est aujourd’hui complètement admis. C’est précisément parce qu’il faut concilier ces trois éléments que nous avons préféré inscrire « préserver » plutôt que « garantir ».
Quant à l’objectif de cohésion des territoires, il ne nous paraît pas suffisamment bien défini pour se voir conférer un rang constitutionnel. La solidarité entre les citoyens français, quel que soit leur lieu d’habitation, est d’ores et déjà protégée par de nombreux principes constitutionnels.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. L’avis est similaire à celui que vient de développer M. le rapporteur, pour les mêmes raisons.
M. le président. Monsieur Guiol, l’amendement n° 6 rectifié bis est-il maintenu ?
M. André Guiol. Oui, monsieur le président : il est soutenu par de nombreux maires de petites communes et je ne souhaite donc pas le retirer.
Il est nécessaire de reconnaître la diversité des territoires afin de tendre vers l’équité, qui est loin d’être effective aujourd’hui.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique, modifié.
(L’article unique est adopté.)
Articles additionnels après l’article unique
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par M. Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Kerrouche, J. Bigot, Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Préville, MM. Bourgi et Durain, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Leconte, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, M. Assouline, Mme Blatrix Contat, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mme Poumirol, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 34 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le quinzième alinéa est complété par les mots : « , de la protection du sol et de la garantie de la sécurité et de l’autonomie alimentaires » ;
2° Après le dix-septième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La loi détermine les mesures garantissant le respect des biens communs par l’encadrement du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre. »
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Cet amendement prenait sens dès lors que la notion de bien commun était inscrite dans la Constitution ; ce n’est pas le cas, je le retire donc.
M. le président. L’amendement n° 12 est retiré.
L’amendement n° 14, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article 39 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les projets et propositions de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat sont accompagnés d’une évaluation de leur impact climatique, dont les modalités sont définies par une loi organique. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Je suis persuadé que cet amendement va faire l’unanimité sur ces travées !
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires appelle à une transformation majeure du processus législatif en adoptant, pour l’ensemble des textes de loi susceptibles d’emporter des conséquences sur l’environnement, l’obligation de la publication d’une étude d’impact climatique avant leur examen parlementaire.
La France ne dispose pas de moyens permettant de piloter et de mesurer l’impact des lois au regard de l’objectif carbone fixé pour 2050. Il est donc indispensable d’intégrer une évaluation des impacts climatiques dans le processus de conception des politiques publiques.
Le Haut Conseil pour le climat, dans un rapport publié le 18 décembre 2019, recommandait de mettre en place une telle évaluation climatique des projets et propositions de loi. Élisabeth Borne, alors ministre de la transition écologique et solidaire, s’était également montrée favorable à cette initiative, après avoir été interpellée par quarante-six parlementaires de tous bords politiques. C’est la raison pour laquelle je suis optimiste quant au sort de cet amendement.
Ainsi, son but est de cheminer vers un principe d’irrecevabilité climatique, un mécanisme contraignant permettant de rejeter des textes, d’origine parlementaire ou gouvernementale, ainsi que des investissements publics, jugés incompatibles avec l’accord de Paris et avec la stratégie nationale bas-carbone, fixant la neutralité carbone de la France à 2050.
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires est pleinement favorable à ce nouveau cadre d’évaluation, qui placerait la France en cohérence avec ses ambitions de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nos collègues proposent d’inscrire à l’article 39 de la Constitution que les projets et propositions de loi déposés devant le Parlement, soient accompagnés d’une évaluation de leur impact climatique dont le contenu serait défini par une loi organique.
Le principe même d’une telle étude d’impact existe déjà dans notre Constitution, singulièrement pour les projets de loi. Il est vrai, en revanche, que cela ne concerne pas les propositions de loi.
Disposons-nous, toutefois, de la capacité nécessaire pour réaliser ces études, à l’occasion de textes d’origine parlementaire ? C’est un exercice extrêmement difficile et sans doute peu adapté.
Même si nous considérons, évidemment, que l’enjeu climatique est important, puisque nous venons de l’ajouter à l’article 1er de notre Constitution, il n’en demeure pas moins que celle-ci établit un principe général : l’ensemble des textes doit faire l’objet d’une étude d’impact, quelle que soit la nature de celle-ci. Cela devrait suffire à satisfaire votre intérêt pour cette question.
Avis défavorable.
M. Guy Benarroche. Je suis déçu !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le titre XI bis de la Constitution, il est inséré un titre ainsi rédigé :
« Titre …
« Le Défenseur de l’environnement
« Art. 71 - …. - Le Défenseur de l’environnement veille à la préservation de l’environnement par l’État, ses collectivités territoriales, ses établissements publics, ses organismes investis d’une mission de service public ainsi que par toute autre personne.
« Il veille au respect de cette préservation et du principe de non-régression associé.
« Il veille à ce que les politiques publiques respectent les limites qui conditionnent l’habitabilité de la terre pour les générations actuelles et futures.
« Il rend public, à ce titre et lorsqu’il l’estime nécessaire, des avis sur les projets et les propositions de loi ainsi que sur les évaluations qui les accompagnent avant leur discussion au Parlement.
« Il peut être saisi, dans les conditions prévues par la loi organique, par toute personne estimant que la préservation de l’environnement est menacée. Il peut se saisir d’office.
« La loi organique définit les attributions et les modalités d’intervention du Défenseur de l’environnement. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions.
« Le Défenseur de l’environnement est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement. Les autres incompatibilités sont fixées par la loi organique.
« Le Défenseur de l’environnement rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Cet amendement répond à la demande de plusieurs associations et a déjà été présenté devant l’Assemblée nationale. Afin de s’assurer de l’effectivité du principe constitutionnel de préservation de l’environnement, il vise à créer, ce qui serait un apport majeur, sur le même modèle que le Défenseur des droits, un Défenseur de l’environnement. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, est-ce l’évocation du Défenseur des droits ou celle du Défenseur de l’environnement qui vous fait ainsi réagir ?
Cette autorité constitutionnelle indépendante veillerait au respect par l’État et par ses administrations, ainsi que par l’ensemble des personnes morales, de cet engagement écologique essentiel. Le contenu de la loi organique s’y rapportant, comprenant notamment la procédure de nomination, se calquerait sur celui qui s’attache au Défenseur des droits.
Nous avons pu observer combien, ces dernières années, le travail du Défenseur des droits a permis d’alerter les responsables sur un certain nombre de conséquences et d’éviter des violations des droits des citoyens. Considérant qu’un principe constitutionnel n’a de sens que s’il bénéficie aux citoyens, nous souhaiterions voir l’émergence de ce Défenseur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’idée en elle-même est intéressante, mais je voudrais préalablement indiquer que le Gouvernement a confié à une de nos collègues députés, Mme Cécile Muschotti, une mission temporaire pour réfléchir à ce sujet.
Par ailleurs, il pourrait être utile, en particulier, de créer un dispositif de médiation chargé de régler à l’amiable les litiges qui peuvent naître entre l’administration et les citoyens en matière de protection de l’environnement. En effet, le droit de l’environnement est extrêmement complexe et il est toujours utile de disposer d’une telle instance pour éviter des contentieux. Pourquoi ne pas réfléchir à ce sujet ?
En revanche, la commission est moins convaincue par la nécessité de créer une nouvelle entité consultative appelée à se prononcer, par exemple, sur les projets de loi relatifs à l’environnement. Je rappelle qu’il existe un Conseil économique, social et environnemental dont c’est le rôle et que nous venons de réformer.
Enfin, je note que la protection du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, consacré par notre Charte de l’environnement, entre dans les missions du Défenseur des droits, même si celui-ci ne s’est pas encore beaucoup investi sur cette matière.
Dans ces conditions, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Monsieur le sénateur Benarroche, le Premier ministre a confié la mission qu’évoquait à l’instant M. le rapporteur à Mme Cécile Muschotti. Il s’agit de définir le contour d’un futur Défenseur de l’environnement. Il convient donc d’attendre que nous disposions des résultats de cette mission, Mme Muschotti devant rendre son rapport cet été.
Je demande donc, à mon tour, le retrait de cet amendement.
J’ajoute que nul n’est besoin, si nous allions vers la création d’un Défenseur de l’environnement, d’inscrire cela dans la Constitution.
M. le président. Monsieur Benarroche, l’amendement n° 17 est-il maintenu ?
M. Guy Benarroche. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Intitulé du projet de loi constitutionnelle
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par Mme V. Boyer, est ainsi libellé :
Compléter cet intitulé par les mots :
, de la biodiversité, du climat et de nos paysages naturels
La parole est à Mme Valérie Boyer.
Mme Valérie Boyer. Cet amendement devrait emporter les suffrages sur l’ensemble de nos travées, puisqu’il vise à ajouter à l’intitulé du projet de loi constitutionnelle les notions de « biodiversité », de « climat » et de « paysages naturels », à des fins de lisibilité et de cohérence avec les modifications qu’il porte.
À cet égard, l’utilisation du terme « biodiversité » a le mérite de faire preuve de clarté, au contraire de celui de « diversité biologique ». La biodiversité est définie par la Convention sur la diversité biologique comme « la variabilité des êtres vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie : cela comprend la diversité au sein des espèces, ainsi que celle des écosystèmes ».
En sus, préserver l’environnement n’est pas antithétique de l’ambition de ménager nos paysages, qui sont une grande richesse de nos territoires, constituent notre patrimoine et contribuent à notre identité géographique. On ne peut donc accepter que nos parcs naturels soient dénaturés par l’installation de structures, comme les éoliennes ou des antennes relais, qui peuvent parfois menacer la biodiversité en artificialisant les milieux naturels.
Face aux écologistes hors sol qui opposent, in fine, « écologie » et « écosystèmes », défendons nos paysages, notre patrimoine, notre identité géographique, défendons une écologie du bon sens, dans le respect de notre territoire, de son identité et de ses spécificités.
C’est la raison pour laquelle je propose de compléter l’intitulé de ce texte.