M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. S’agissant du certificat vert, notre objectif, c’est que le cadre juridique européen soit complètement mis en place d’ici au début de l’été. Ce point ayant également été évoqué par M. Leconte, je veux y insister.

Il s’agit de faciliter la réouverture. Contrairement à ce qui se passe dans l’Union européenne, des mesures de quarantaine sont exigées par un certain nombre de pays. Un test PCR récent négatif est exigé par l’ensemble des États.

Avec ce certificat, il s’agit de donner une liberté supplémentaire, tout en conservant une protection sanitaire, dans la mesure où nous serons encore, pendant quelque temps, dans une phase difficile.

Ce document simple et harmonisé apportera la preuve soit d’une sérologie négative, soit d’un test récent négatif, soit d’une vaccination.

S’agissant de la protection des données personnelles, notamment médicales, les autorités sanitaires ou les forces de l’ordre qui vérifieront le certificat n’auront évidemment pas accès aux données. Elles sauront simplement que vous remplissez, ou non, les conditions d’accès.

Si des États veulent assouplir les mesures – j’espère que nous irons progressivement dans cette direction – pour les voyages internes en l’Europe, ils feront comme ils l’entendent. Toutefois, je crois qu’il faut regarder la réalité pratique. Aujourd’hui, tout le monde exige au moins un test PCR pour voyager au sein de l’Europe. Cet été, nous aurons la possibilité de voyager plus facilement, grâce à ce cadre harmonisé, en ayant la possibilité de prouver notre vaccination.

En ce qui concerne le coût des vaccins, je resterai prudent, tout n’étant pas encore public, même si certains contrats ont été mis à la disposition des parlementaires.

Il n’existe pas de coût moyen. Par exemple, le vaccin Oxford-AstraZeneca, le moins cher, est à prix coûtant. Il s’agit d’une condition exigée par l’université d’Oxford dans le cadre de son partenariat avec AstraZeneca.

Le vaccin Pfizer-BioNTech est plus coûteux, en raison d’un investissement supplémentaire, notamment par une start-up qui n’avait pas encore amorti ses investissements. Le prix unitaire, d’une dizaine d’euros par dose, est donc plus élevé.

Ces deux vaccins ne sont donc pas tout à fait comparables en termes de coût.

M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour la réplique.

M. Bernard Bonne. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Les vaccins ne peuvent avoir un prix définitif, dans la mesure où d’autres commandes seront effectuées.

Néanmoins, d’autres questions se posent encore. Comment pourrons-nous vérifier la durabilité de l’immunité apportée par la vaccination ?

Non seulement certaines personnes vaccinées ne possèdent pas une immunité suffisante, mais on ne sait pas combien de temps durera cette immunité. Aujourd’hui, seul le test PCR permet de valider une éventuelle contagiosité. Les vaccins n’offriront peut-être pas une durée de protection aussi longue que ce l’on pouvait espérer.

M. le président. Merci de nous rassurer, mon cher collègue ! (Sourires.)

La parole est à Mme Béatrice Gosselin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Béatrice Gosselin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question portera également sur le futur « passeport sanitaire » européen, destiné à faciliter les voyages.

Nous le savons tous, depuis le début de la vaccination dans les États membres, la question d’un passeport sanitaire permettant aux Européens de circuler sur le territoire de l’Union se fait très pressante. La Commission a donc proposé de créer un document unifié, baptisé « certificat vert numérique ».

L’élaboration de ce certificat pose néanmoins des questions juridiques en matière de protection des données et de non-discrimination entre citoyens européens.

Malgré des problèmes d’approvisionnement, les campagnes de vaccination suscitent l’espoir d’une possible immunité collective dans les mois à venir. En attendant, la question de la création d’un passeport sanitaire européen par la Commission européenne se pose donc.

C’est un sujet qui divise au sein des Vingt-Sept. En janvier dernier, la France avançait ainsi plusieurs arguments pour repousser la mise en place d’un passeport sanitaire. Alors qu’une faible part de la population avait reçu au moins une première dose de vaccin, l’heure était encore à la vaccination et non à la réflexion sur ses conséquences en termes de circulation des personnes.

L’Association internationale du transport aérien – l’IATA, selon son sigle anglais –, a, de son côté, élaboré un travel pass, plateforme centralisant les informations de santé des voyageurs. Air France a ensuite lancé son propre pass sanitaire le 11 mars dernier.

Devoir attester de son état immunitaire est déjà exigé par de nombreux États. Je pense notamment aux certificats de vaccination contre la fièvre jaune.

En France, le Gouvernement a lancé le 19 avril un pass sanitaire, système de certification électronique des preuves de dépistage. L’initiative, pour l’instant limitée aux vols vers la Corse ou l’outremer, est adossée à l’application TousAntiCovid.

Il me paraît essentiel que la France, au regard de sa situation géographique en Europe, mais aussi de l’importance du tourisme dans notre économie, soit motrice sur ce sujet.

J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, connaître la position de votre gouvernement quant au futur certificat vert numérique et aux modalités de sa déclinaison sur notre territoire.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Pour le redire très clairement, au cas où cela n’aurait pas transparu dans mes réponses précédentes, nous sommes favorables au certificat vert européen.

J’avais déclaré au mois de janvier, avec quelques autres membres du Gouvernement – j’assume ces propos, qui sont publics –, que nous jugions ce débat prématuré. Il s’agissait non pas d’exclure tout certificat ou pass sanitaire, mais d’en définir les bonnes conditions, au bon moment. Nous étions alors et nous sommes encore dans une phase où la priorité absolue est la vaccination et l’accélération de la campagne de vaccination. Nous devrons ensuite répondre à un certain nombre de questions, notamment sur la durée de la protection qu’offre le vaccin, ou sur l’harmonisation à l’échelle européenne des conditions du certificat vert afin de ne pas créer de barrières supplémentaires. Nous sommes favorables à un certificat commun.

Le bon moment pour le mettre en œuvre sera sans doute le début de l’été, quand la campagne de vaccination aura accéléré et que chacun aura légitimement envie de pouvoir circuler de nouveau en Europe.

Il est aussi dans l’intérêt de notre pays – vous avez raison de le rappeler, madame la sénatrice – de pouvoir accueillir des touristes, dans des conditions sanitaires parfaitement sûres. D’ailleurs, tous ceux qui nous répètent que la fermeture complète des frontières serait la panacée nous diront sans doute dans quelques semaines que la France a besoin du tourisme !

Nous essayons d’articuler ces deux impératifs ; le certificat sanitaire européen commun est l’un des outils pour ce faire. Comme je l’ai expliqué précédemment, il devrait être définitivement adopté par les législateurs européens au début du mois de juin ; il serait donc disponible à partir de l’été.

Quant à l’accueil de touristes internationaux, je pense qu’il se fera dans un second temps, en fonction de la situation sanitaire des pays concernés et de leurs progrès en matière de vaccination. C’est un débat que nous avons déjà engagé avec la Commission européenne, de manière à être prêts dans les semaines qui viennent.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, en remplacement de M. Cédric Perrin.

Mme Pascale Gruny. Mon collègue Cédric Perrin vous prie de bien vouloir l’excuser de ne pouvoir être présent dans l’hémicycle : il est retenu par l’audition de Mme la ministre des armées par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

L’Union européenne a les yeux rivés sur le déploiement de la vaccination. Elle met aussi toutes ses forces à réparer ses errements en attendant que les parlements nationaux autorisent la souscription de l’emprunt commun.

L’urgence et la gravité de la situation nous ont peut-être fait oublier une question qui n’est pas si anecdotique : à quoi attribuer l’origine du virus ?

Aucune preuve n’a été apportée qui vienne confirmer l’hypothèse d’une transmission du virus entre l’homme et l’animal, et le pangolin semble avoir été innocenté !

Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a pour sa part lancé un pavé dans la mare en reconnaissant, il y a quelques semaines, qu’une piste n’avait pas été « suffisamment approfondie » : celle d’un incident de laboratoire.

Cette remarque n’est évidemment pas passée inaperçue ; la communauté scientifique mondiale ne cesse de se mobiliser pour en savoir davantage. Une trentaine de scientifiques internationaux demandaient encore vendredi dernier une enquête indépendante afin d’éclaircir les zones d’ombre du rapport produit conjointement par l’OMS et la Chine.

Quatorze gouvernements, dont ceux des États-Unis, du Japon et du Canada, ont déploré, eux aussi, dans une déclaration commune, l’impossibilité pour l’équipe mandatée par l’OMS d’accéder « de manière exhaustive aux données et échantillons originaux ».

Si les experts ont pu accéder au marché de Wuhan et au laboratoire, ils n’ont pas eu accès à ses bases de données, qui contiennent pourtant des milliers de séquences de virus collectées sur la faune sauvage ; surtout, ils n’ont jamais pu mener leurs propres investigations.

L’objectif est non pas de dire qu’un incident de laboratoire s’est produit, mais de démontrer rigoureusement que cela n’a pas été le cas et de balayer scientifiquement, le cas échéant, une thèse appréciée des complotistes.

Alors que l’Assemblée mondiale de la santé doit se réunir prochainement, M. Perrin souhaiterait savoir, monsieur le secrétaire d’État, quel message sera porté par l’Union européenne auprès de l’OMS pour imposer à la Chine des investigations sans entrave.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, je tiens à vous dire, ainsi qu’à M. le sénateur Perrin, que nous partageons cette exigence de transparence.

Je reviendrai vers vous pour vous préciser la position de l’Union européenne.

Pour l’heure, certains pays, vous l’avez dit, ont publié une déclaration commune. Pour notre part, nous avons réagi à l’échelle européenne et adressé un message à l’OMS. Nous partageons évidemment votre exigence de transparence et souhaitons la poursuite des investigations.

Je préfère d’ailleurs que l’OMS se préoccupe d’approfondir les investigations en Chine sur l’origine du virus plutôt qu’elle rappelle à l’Union européenne qu’elle doit accélérer sa campagne de vaccination, ce qui ne lui avait pas totalement échappé…

Il faudra donc poursuivre cet effort de transparence et d’investigation. Pas plus que vous ou que M. le sénateur Perrin, je ne suis en mesure de dire s’il convient d’innocenter le pangolin ou de privilégier telle ou telle autre hypothèse ; j’estime en revanche que cet effort de transparence accrue est absolument nécessaire, au vu des conséquences de cette pandémie. Cela est nécessaire pour en tirer les leçons le cas échéant en matière de gouvernance mondiale de la santé et pour établir les responsabilités des uns et des autres. C’est surtout crucial pour éviter, dans la mesure du possible, d’être confronté à ces mêmes menaces dans les années à venir.

Je ferai connaître à M. le sénateur Perrin la position collective définitive de l’Union européenne sur ce sujet, mais, je le redis : nous partageons son exigence.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.

Mme Pascale Gruny. M. Perrin sera content de savoir que l’Union européenne et, bien entendu, la France ne restent pas passives sur ce sujet important, sur lequel on lit un peu tout et n’importe quoi et qui relève de la recherche. Nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour pousser les investigations.

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, vous pouvez être rassuré : je serai bref ! Merci à tous d’avoir participé activement à ce débat. La plupart des questions ont porté sur l’aspect sanitaire de la crise. J’espère que l’hypocondrie anxiogène et historique de notre président de séance ne s’en est pas trouvée aggravée ! (Sourires.)

M. le président. Je ne suis pas rassuré !

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, on a pu entendre dans vos réponses aux questions que vous ont posées mes collègues beaucoup de points positifs : l’action concertée de l’Europe ou encore la solidarité entre les États membres ont été bien mises en avant.

Cela dit, permettez-moi d’occulter quelque peu l’aspect sanitaire des choses et d’aborder des éléments plus négatifs, en particulier certains freins internes à l’Union européenne.

Le premier de ces freins tient à certains aspects financiers du plan de relance, directement liés à la crise du covid-19. La commission que je préside suit ce sujet de très près depuis le début de la crise. Plusieurs échéances avaient été successivement évoquées pour les premiers versements qui doivent être faits aux États membres et particulièrement à la France. Ces échéances ont été repoussées à plusieurs reprises. Il est question aujourd’hui que les premiers versements soient effectués en septembre prochain. C’est assez surprenant, alors que cela fait plus d’un an que l’on parle de ce plan de relance. Tel est, monsieur le secrétaire d’État, le premier point négatif que je tenais à porter à votre attention, même si vous en êtes déjà conscient. Il nous faudra quelques explications sur ce retard, qui est probablement dû à une certaine bureaucratie.

Les réticences dogmatiques qui persistent au sein de la Commission, particulièrement en matière agricole, sont un deuxième point négatif. Le débat que nous avons eu hier sur la politique agricole commune nous a donné une idée de l’état d’esprit de la Commission et de la façon dont elle peut réagir sur les questions agricoles, de manière tardive et parfois insuffisante. Malgré les demandes du Sénat, en particulier de notre commission, la Commission européenne n’a pas usé de ses pouvoirs spéciaux pour réguler directement les marchés agricoles, qui étaient défaillants sur certains produits. Il est évident aujourd’hui qu’il aurait fallu soutenir les prix.

Ces déceptions soulèvent des interrogations fondamentales sur l’avenir de l’Union européenne.

Jusqu’où est-elle prête à assouplir ses règles, notamment budgétaires, pour éviter un décrochage avec ses concurrents, alors que le plan de relance américain est beaucoup plus ample que le sien ? Certes, comparer ces deux plans est délicat, mais la différence est sensible, même si l’on ajoute à celui de la Commission les dépenses nationales de chaque État membre et que l’on tient compte des amortisseurs sociaux qui existent en Europe.

Dans quelle mesure l’Union est-elle déterminée à se donner les moyens d’assurer sa souveraineté industrielle, mais aussi alimentaire ?

Enfin, peut-on rendre l’Union aussi réactive qu’un État fédéral comme les États-Unis sans aller vers une intégration supplémentaire ?

La pandémie exige que nous ayons tous ces débats de fond, parce que nous vivrons peut-être d’autres pandémies et que celle-ci n’est en tout cas pas terminée. La conférence sur l’avenir de l’Europe, qui s’ouvrira le 9 mai, nous permettra peut-être de nous engager pleinement dans ces débats. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. – MM. Jacques Fernique et Daniel Salmon applaudissent également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la réponse européenne à la pandémie de covid-19.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures neuf, est reprise à dix-huit heures onze.)

M. le président. La séance est reprise.

7

Contrat de relance et de transition écologique (CRTE), ne pas confondre vitesse et précipitation

Débat organisé à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, sur le thème : « Contrat de relance et de transition écologique (CRTE), ne pas confondre vitesse et précipitation. »

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe auteur de la demande.

M. Ronan Dantec, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il m’est arrivé d’être critique sur les dispositifs proposés par l’État pour mobiliser les territoires sur la voie d’une réelle transition écologique.

J’ai ainsi pu avoir la dent dure sur cette manie qu’ont les ministres et les gouvernements d’inventer en permanence de nouveaux dispositifs.

Au cours des cinq dernières années, nous avons ainsi d’abord connu les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), mis en place par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, lesquels ont aussitôt été occultés par les appels à projets des TEPCV, les territoires à énergie positive pour la croissance verte promus par Ségolène Royal. Quelques mois plus tard arrivaient les CTE, les contrats de transition écologique, chers à Sébastien Lecornu, qui devaient se transformer, avant même d’être généralisés, en CRTE, les nouveaux contrats de relance et de transition écologique, défendus par le trio que forment Jean Castex, Jacqueline Gourault et Barbara Pompili. Reconnaissons que cet empilement ne facilite guère l’action territoriale, qui a besoin de cadres clairs, lisibles et stables pour se déployer !

Ce préambule étant fait, cette insécurité entretenue de l’action territoriale ayant été dénoncée, je me permettrai de brouiller quelque peu mon image de grognon en déclarant – devant témoins, madame la ministre ! – que parmi les dispositifs que j’ai énumérés, le CRTE, réellement complémentaire du PCAET, est sans nul doute le plus prometteur et le plus cohérent.

Madame la ministre, l’objet de notre débat cet après-midi est donc non pas de clouer au pilori le CRTE, mais au contraire de lui permettre de répondre au défi central de la déclinaison territoriale de la transition écologique, sans laquelle nous ne pouvons tenir aucun de nos grands objectifs environnementaux.

Il faut en effet rappeler une nouvelle fois que ces enjeux, notamment climatiques, sont tous liés à notre vie quotidienne, à notre manière de nous déplacer, de nous loger et de manger. Or ce sont d’abord les décisions des élus locaux qui permettent de modifier la vie quotidienne de nos concitoyens.

En cherchant à construire un contrat unique avec les territoires, à l’échelle des EPCI, l’État s’engage à plus de clarté sur les financements qu’il leur apporte et propose de les adosser à un réel projet de territoire intégrant explicitement la transition écologique. C’est l’occasion pour les élus de construire, avec les acteurs de leurs territoires, de véritables projets partagés à l’échelle de l’intercommunalité, échelle qui souffre encore bien souvent d’un réel déficit de fonctionnement démocratique. Il n’y a rien à ajouter au courrier que j’ai récemment reçu de Barbara Pompili, qui évoque « un contrat unique ayant vocation à mobiliser les acteurs d’un territoire autour d’un projet de relance écologique à court, moyen et long termes, dans une approche intégrée de l’ensemble des politiques publiques ».

Mais – évidemment, il y a un « mais » ! – une telle ambition nécessite un projet de territoire robuste et partagé. Or l’État, dans sa volonté de relancer rapidement l’économie, a fixé un délai bien trop court pour la conclusion des CRTE. C’est en effet au 30 juin prochain que doivent être signés ces contrats par toutes les intercommunalités de France, c’est-à-dire moins d’un an après l’entrée en fonctions des nouvelles équipes communautaires, qui ont bien souvent appris à se connaître par visioconférence.

Il est donc impossible dans un délai aussi court de totalement assimiler les plans précédents et a fortiori d’actualiser ou de redéfinir avec les acteurs du territoire, eux aussi derrière leurs écrans, un nouveau projet correspondant au programme des nouvelles majorités municipales.

Les élus des territoires sont donc très nombreux à nous alerter sur l’impossibilité dans laquelle ils se trouvent de proposer à l’État des projets finançables entrant dans cette belle logique intégratrice que vantent les circulaires du Gouvernement. Au mieux, ils définiront en urgence de nouveaux projets correspondant peu ou prou aux attentes de l’État, mais nous savons bien qu’ils recycleront en général des projets plus anciens, des dossiers sans lien avec une quelconque transition, mais déjà ficelés dans les tiroirs.

Nous sommes très nombreux à être aujourd’hui interpellés par des élus qui ne comprennent pas cette précipitation : ils sont intéressés par la démarche, mais incapables de répondre à son ambition.

Pour préparer ce débat, j’ai envoyé un questionnaire aux communes et aux présidents d’EPCI de Loire-Atlantique, mon département. Ils ont été plusieurs dizaines à y répondre. Plus des deux tiers d’entre eux nous ont indiqué que, en avril, à deux mois de la conclusion des CRTE, ils n’avaient pas encore engagé de réflexion sur le sujet. Un nombre très important de ces maires nous a même écrit n’avoir découvert que grâce à ce questionnaire l’existence d’un comité de pilotage chargé de l’élaboration du CRTE, voire celle du CRTE et des opportunités qu’il offre.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a donc voulu à travers ce débat, madame la ministre, vous alerter sur ce calendrier intenable et vous proposer de décaler clairement les signatures des CRTE d’au moins six mois, ce qui permettrait de les rendre plus robustes et pertinents.

Selon nous, le risque est en effet de perdre par précipitation l’intérêt même du CRTE. Certes, nous savons qu’il sera évolutif, mais si le cadre de départ est mauvais et qu’il apparaît plus comme un passage administratif obligé que comme une ambition nouvelle, le pli sera pris et il sera bien difficile de revenir dessus. C’est déjà le cas dans certains EPCI, qui s’affranchissent de tout débat avec l’ensemble des maires de leur territoire et discutent directement avec les préfectures.

Si j’étais taquin, ce que je ne suis pas toujours, je rappellerais aussi que, dans sa circulaire du 20 novembre dernier, le Premier ministre indiquait que le CRTE devrait prendre en compte la loi Climat et résilience. Or il n’aura échappé à personne qu’elle n’aura pas encore été adoptée le 30 juin prochain.

Il faut que l’État, par les signaux qu’il envoie, montre son attachement à la mobilisation des territoires sur l’enjeu climatique. Cela passe par la valorisation des démarches de PCAET aujourd’hui engagées – c’est un succès ! – dans la quasi-totalité des EPCI.

Le Sénat garde en mémoire, de façon un peu douloureuse, le refus du Gouvernement de le suivre, malgré un vote quasi unanime dans cet hémicycle lors de l’examen des derniers projets de loi de finances, sur l’affectation d’une part de la contribution climat-énergie à la mise en œuvre des PCAET ; nous en avons souvent discuté ici. Le CRTE et ses financements peuvent contribuer à remédier à cette difficulté, à la condition de se placer dans ce cadre cohérent.

Parmi les inquiétudes qui me sont remontées par le biais du questionnaire très succinct que j’ai adressé aux maires de Loire-Atlantique, la question de l’appui technique au montage de projets revient très régulièrement, un tiers des communes nous rappelant qu’elles n’ont pas répondu aux multiples appels à projets lancés dernièrement par l’État, faute de moyens d’ingénierie.

Nous disposons bien sûr aujourd’hui de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), mais il nous faut encore expliquer aux élus de quelle manière l’Agence va les aider à préparer un CRTE, lequel a vocation à intégrer les anciens appels à projets et les contrats déjà conclus.

J’en viens enfin au dernier point d’inquiétude des élus, l’après-plan de relance. Dans le cadre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), des enveloppes fortes ont été annoncées, de l’ordre de 2,5 milliards d’euros, au lieu des 570 millions d’euros « habituels », si je puis dire. C’est beaucoup d’argent, 1 milliard d’euros étant dévolus à la rénovation thermique. Mais quid de 2022 ? Reviendra-t-on d’un coup à 570 millions ? Dans ce cas, seuls les plus agiles et, souvent, les plus dotés en ingénierie auront été servis en 2021, ce qui pourrait se révéler assez désastreux en matière de mobilisation pour la suite. Là aussi, ne serait-il plus raisonnable de lisser les crédits du plan de relance sur un temps plus long ?

Vous le voyez, madame la ministre, les interrogations sont nombreuses ; mes collègues auront l’occasion d’en formuler d’autres encore dans leurs questions.

Je le redis, le CRTE peut être un bon dispositif ; alors, n’en gâchons pas les potentialités par une précipitation liée à un plan de relance qui ne lui est pas intrinsèquement lié ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de m’avoir invité à débattre avec vous cet après-midi des contrats de relance et de transition écologique. Je remercie tout particulièrement Ronan Dantec et le groupe Écologiste – Solidarités et Territoires de cette initiative bienvenue.

Vous le savez, les CRTE ont été annoncés dans la circulaire évoquée par Ronan Dantec à l’instant, signée le 20 novembre dernier par le Premier ministre. Ils marquent un changement d’ambition dans la relation entre l’État et les collectivités du bloc local.

Les CRTE marquent tout d’abord la volonté de l’État d’approfondir la méthode contractuelle avec les collectivités territoriales. Cette démarche est indissociable de celle que porte actuellement le Gouvernement autour du projet de loi dit 4D, que le Sénat va bientôt examiner.

En effet, si beaucoup de compétences sont décentralisées, certaines depuis quarante ans déjà, nous savons que l’État conserve des moyens d’action qui intéressent les collectivités. Le contrat est une manière de mieux articuler les interventions des uns et des autres sur le territoire. De ce point de vue, le CRTE introduit entre l’État et les collectivités une nouvelle forme de coopération, que nous voulons rendre plus étroite et plus efficace.

Ce contrat permet aussi de passer aux travaux pratiques en matière de déconcentration et de différenciation, en agissant de façon mieux coordonnée et dans la durée. Le fait de proposer aux collectivités un contrat n’est pas en soi une nouveauté. Jusqu’à présent, tout le monde contractualisait un peu à sa manière, comme l’a rappelé Ronan Dantec : beaucoup nous demandaient de simplifier et de mettre en cohérence ces multiples contrats. Le CRTE est ce qu’on appelle un contrat intégrateur, il regroupe l’ensemble des contrats qui existent sur le territoire.

Le nouveau cadre contractuel est pensé en cohérence avec les dispositifs qui existent déjà, tels que le programme Action cœur de ville, les contrats de transition écologique, ou encore les PCAET, que vous connaissez très bien. Il remplace aussi certains contrats qui existaient jusqu’à présent et étaient arrivés à terme. Je pense aux contrats de ruralité et aux pactes État-métropoles. Tous ces contrats et dispositifs sont mis au service de la stratégie définie et portée par les acteurs locaux.

En ce sens, le CRTE est bien plus qu’un contrat : c’est un cadre contractuel. On prend en compte les spécificités du territoire à l’échelle de son bassin de vie ; c’est tout l’enjeu du projet de territoire, un projet stratégique global défini par les accords locaux pour six ans et qui est au fondement de la contractualisation.

Le CRTE consacre également une nouvelle relation de travail entre l’État et les collectivités. Des réunions régulières sur la mise en œuvre de ce projet de territoire seront organisées non pas seulement pendant les deux années de la relance, 2021 et 2022, mais bien durant les six années du mandat municipal et intercommunal.

Ensuite, le CRTE est un contrat de relance, car nous souhaitons que toutes les collectivités puissent pleinement bénéficier du plan de relance décidé par le Gouvernement. C’est le cas des régions, avec lesquelles nous avons signé des contrats de plan qui courent jusqu’en 2027 et comprennent un volet « plan de relance » pour leurs deux premières années. C’est aussi le cas de nombre de départements, qui signent actuellement des accords de relance.

Avec les CRTE, les intercommunalités et les communes pourront pleinement profiter des crédits de la relance, car ces nouveaux contrats s’intéressent non pas seulement aux projets portés par un EPCI, mais aux projets de territoire. Tous les projets, qu’ils soient portés en maîtrise d’ouvrage par une commune, par un EPCI, ou par d’autres encore, devront trouver leur place dans les CRTE.

Je note que cette nouvelle approche a rapidement suscité l’intérêt des collectivités puisque 100 % des EPCI et des communes qui les composent, à l’exception d’une seule intercommunalité, ont répondu à notre invitation à élaborer avec l’État un contrat de relance et de transition écologique.

Précisons au passage que plusieurs intercommunalités se sont parfois associées, quand un pays ou un pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) existait déjà, mais la base reste toujours l’intercommunalité. Je relève d’ailleurs, monsieur le sénateur Dantec, que c’est à Nantes, dans un territoire qui vous est particulièrement cher, que le Premier ministre a signé le 22 janvier dernier le premier protocole d’engagement d’un CRTE en France, lequel fixe les premières orientations et met en place la gouvernance de ce nouveau cadre contractuel.

Au fond, pour l’État, le CRTE est le moyen de traduire concrètement et efficacement à l’échelle locale les orientations et les moyens définis à l’échelle nationale. Je n’évoquerai qu’un seul exemple : la transition écologique est une priorité transversale des CRTE. Nous avons d’ailleurs organisé la semaine dernière, avec ma collègue Barbara Pompili, le premier comité de pilotage, en présence des associations de collectivités et des grandes fédérations d’associations environnementales.

Avec les CRTE, nous voulons créer un continuum entre les orientations et les moyens nationaux, les choix stratégiques définis par les collectivités dans leurs projets de territoire et les opérations concrètes qui en découlent.

Vous l’aurez compris, au-delà de la simplification qu’induit le CRTE, nous recherchons surtout une grande efficacité de l’action publique. À terme, nous allons y gagner, pour les élus comme pour les citoyens.

Nous avons conçu le CRTE comme une démarche partenariale et évolutive. Ce contrat, dont la transition écologique est un axe transversal, a aussi vocation à permettre d’aborder tous les thèmes qui intéressent à la fois l’État et les collectivités. En d’autres termes, nous souhaitons que le périmètre thématique de tels contrats soit le plus large possible : il couvrirait les sujets d’aménagement et de transition écologique, mais aussi l’éducation, la santé, la culture, ou encore la sécurité. Ce faisant, un maximum de ministères serait amené à y contribuer.

De même, les CRTE ont vocation à associer tous les acteurs qui participent à la réalisation du projet de territoire. De nombreux départements et régions s’y sont d’ailleurs intéressés et nous disent vouloir soutenir ces contrats.

J’ai conscience de l’effort d’explication et du temps que cette démarche nécessite ; je sais qu’elle exige une forme d’accompagnement. J’aurai l’occasion d’y revenir ultérieurement au sujet de l’ingénierie.

Je veux vous rassurer : le CRTE est une démarche évolutive, graduelle et progressive. Aussi, monsieur le sénateur, vous ai-je entendu s’agissant des délais : je peux vous l’affirmer, le 30 juin n’est pas une date couperet. Nous voulons toutefois que les discussions sur le CRTE soient partout engagées à cette date, qu’un protocole d’engagement ait été au minimum signé et qu’une méthode de gouvernance ait été mise en place.