Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Notre collègue Martine Filleul a qualifié cet article de « soft ».
Je rappelle simplement que, par rapport au texte initial de la proposition de loi, nous avons supprimé tout ce qui avait trait au pilotage maritime et au lamanage. Puisque vous avez évoqué les conditions du dialogue social, nous avons justement prévu un dispositif souple pour le favoriser et éviter d’en arriver à cette situation extrême que serait le blocage de toute activité portuaire. Je constate que tout cela n’a visiblement pas suffi à vous convaincre.
Dans cet article, nous avons également travaillé sur les agréments des entreprises de remorquage, en prenant en compte la durée d’amortissement des biens. La durée des agréments délivrés varie aujourd’hui entre cinq et quinze ans ; nous avions trouvé une voie médiane en ce qui concerne la durée de l’amortissement des investissements.
Notre objectif n’a jamais été d’agiter un chiffon rouge (Sourires sur des travées des groupes Les Républicains et CRCE.), mais simplement de prendre en compte une situation, telle qu’elle est vécue par l’ensemble des acteurs ; je pense notamment à celle de l’année dernière.
Les autorités portuaires fixent déjà des exigences de service public dans les agréments. Notre but est tout simplement de donner des outils aux ports pour mieux réguler ces services en fonction des besoins et de l’activité.
Je vous demande donc, mes chères collègues, de bien vouloir retirer vos amendements, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. J’ai déjà eu l’occasion de le dire dans mon propos liminaire, les dispositions de l’article 8 conduiraient à imposer un service minimum.
Elles me paraissent en outre poser deux types de difficultés : d’une part, des difficultés juridiques, car cela reviendrait à réquisitionner des personnels d’entreprises privées qui ne sont pas en charge de l’exécution d’un service public, ce qui porterait vraisemblablement une atteinte disproportionnée au droit de grève et à la liberté d’entreprendre ; d’autre part, des difficultés sociales, car une telle évolution nécessiterait évidemment une concertation approfondie avec les partenaires sociaux du secteur, concertation qui n’a pas eu lieu.
Cela étant, nous avons signé une charte portuaire ayant permis de poser les bases, que je pense durables, d’un climat social apaisé dans les ports français, lequel est, pour le coup, indispensable à la continuité de leur activité.
Pour ces raisons, le Gouvernement est favorable à la suppression de l’article 8.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 16.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Chapitre III
Renforcer l’information du Parlement sur la politique portuaire nationale
Articles 9 à 11
(Supprimés)
Article 12
Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la progression de la stratégie des nouvelles routes de la soie de la République populaire de Chine, qui précise notamment l’état des participations détenues par des entreprises publiques chinoises dans le secteur maritime et portuaire français, ainsi que les conséquences de ce programme sur l’organisation des chaînes logistiques. – (Adopté.)
Chapitre IV
Accroître les moyens de nos ports maritimes et soutenir le verdissement du transport de marchandises
Article 13
L’article 2 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités est ainsi modifié :
1° La seconde ligne du tableau constituant le deuxième alinéa est ainsi modifiée :
a) À la quatrième colonne, le nombre : « 2 687 » est remplacé par le nombre : « 2 975 » ;
b) À l’avant-dernière colonne, le nombre : « 2 580 » est remplacé par le nombre : « 2 868 » ;
c) À la dernière colonne, le nombre : « 2 780 » est remplacé par le nombre : « 3 068 » ;
2° Au dernier alinéa, le nombre : « 14,3 » est remplacé par le nombre : « 15,7 ». – (Adopté.)
Article 14
I. – Le rapport annexé à la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités est ainsi modifié :
1° Au quatrième alinéa du I, le nombre : « 13,7 » est remplacé par le nombre : « 14,6 » ;
2° La deuxième ligne du tableau constituant le cinquième alinéa du I est ainsi modifiée :
a) À la quatrième colonne, le nombre : « 2 687 » est remplacé par le nombre : « 2 975 » ;
b) À l’avant-dernière colonne, le nombre : « 2 580 » est remplacé par le nombre : « 2 868 » ;
c) À la dernière colonne, le nombre : « 2 780 » est remplacé par le nombre : « 3 068 » ;
3° Au sixième alinéa du I, le nombre : « 14,3 » est remplacé par le nombre : « 15,7 » ;
4° Le quarante-sixième alinéa du II est ainsi modifié :
a) Le chiffre : « 1 » est remplacé par le chiffre : « 2 » ;
b) Le nombre : « 2,3 » est remplacé par le nombre : « 4,6 ».
II. – Sont approuvés les moyens consacrés au renforcement de la compétitivité des ports français figurant dans le rapport annexé à la présente loi.
RAPPORT ANNEXÉ
Le présent rapport annexé à la loi relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes français s’inscrit dans le prolongement du rapport annexé à la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, et en particulier de son cinquième programme d’investissement qui vise à renforcer l’efficacité et le report modal dans le transport de marchandises. Il précise, pour la période 2021 à 2027, les priorités et les moyens à mettre en œuvre dans l’objectif de renforcer la compétitivité des ports maritimes français, en cohérence avec la programmation financière prévue au chapitre IV de la présente loi et il a vocation à compléter la stratégie nationale portuaire.
I. – Mettre en œuvre un plan de relance portuaire, améliorer le pilotage stratégique des grands ports maritimes et accompagner la transformation de leur modèle économique
1) Plan de relance
Dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, l’État engage un plan de relance et de soutien à destination des grands ports maritimes placés sous sa tutelle et des ports d’importance stratégique placés sous la tutelle des collectivités territoriales ou de leurs groupements, à hauteur de 150 millions d’euros par an pendant cinq ans. Par cette action pluriannuelle, l’État marque son soutien aux infrastructures portuaires, qui constituent les lieux privilégiés de réindustrialisation des territoires, capables de renforcer la présence de la France dans les réseaux économiques et logistiques mondiaux.
Ces fonds devront être utilisés selon trois objectifs complémentaires :
– soutenir la trésorerie des ports maritimes concernés, pour leur permettre d’améliorer leur attractivité notamment par le biais de réductions consenties sur les droits de port et les redevances domaniales ;
– permettre aux ports maritimes concernés d’investir massivement en faveur de la transition écologique et numérique pour créer les conditions favorables au verdissement de la flotte de commerce et de notre industrie, dans le cadre de programmes d’équipement et d’aménagement (branchements électriques à quai, conception de terminaux pour le stockage de gaz naturel liquéfié et de stations d’avitaillement et de soutage en gaz naturel liquéfié, collecte des déchets, économie circulaire, drones, applications informatiques de suivi du trafic, d’enregistrement des formalités administratives et participant à l’amélioration de la fluidité de la chaîne logistique nationale) ;
– accompagner des relocalisations industrielles sectorielles, en soutenant les porteurs de projet dans leurs implantations sur le domaine portuaire, notamment les infrastructures de production d’énergies renouvelables et les projets de développement d’énergies marines renouvelables.
2) Donner une visibilité pluriannuelle aux ports maritimes
La forte instabilité constatée dans la compensation, par l’État, des charges liées au dragage dans les grands ports maritimes placés sous sa tutelle, les a pénalisés. Afin de clarifier les orientations et la politique de l’État à l’égard de ses grands ports maritimes, un contrat pluriannuel d’objectifs et de performance sera mis en place. L’objectif est notamment d’assurer une visibilité pluriannuelle aux grands ports maritimes sur la politique de dividendes de l’État et de définir les voies et moyens permettant de maîtriser les dépenses non-commerciales de ces établissements publics, pour lesquelles l’État augmentera sa participation selon une trajectoire glissante sur dix ans. Le montant de cette prise en charge serait fixé à 170 millions d’euros en 2021 et baissera progressivement pour atteindre 140 millions d’euros en 2031. Parallèlement, l’État étudiera la piste d’un financement de certaines des dépenses non-commerciales des grands ports maritimes via un crédit d’impôt sur les sociétés.
3) Financement
En conséquence, la progression des crédits de paiement de l’action 43 du programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », en euros courants, entre 2021 et 2031, s’effectuera selon le calendrier suivant :
Programmation financière 2021 - 2031 (en €)
Programme 203 « Infrastructures et services de transport » – mission « Écologie, développement et mobilité durables »
Programme 203 / années |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
Dont Action 43 - ports |
321 961 836 |
318 961 836 |
315 961 836 |
312 961 836 |
309 961 836 |
Programme 203 / années |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
2031 |
Dont Action 43 - ports |
156 961 836 |
153 961 836 |
150 961 836 |
147 961 836 |
144 961 836 |
141 961 836 |
II. – Renforcer la compétitivité et la fluidité du transport de marchandises et de la chaîne logistique française
1) Infrastructures
Après des décennies de sous-investissement, un effort conséquent doit être consacré à la rénovation des réseaux de transports massifiés de marchandises permettant de soutenir les exportations françaises et de renforcer la compétitivité des ports français, en cohérence avec le premier programme d’investissement prioritaire défini par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 précitée. La priorité doit en particulier être donnée à la rénovation des capillaires ferroviaires fret, en particulier des lignes permettant d’acheminer les productions céréalières vers les ports maritimes pour l’export et dont le maintien est parfois menacé.
En complément de la réalisation de la liaison ferroviaire internationale Lyon-Turin, l’État soutient le contournement ferroviaire global de l’agglomération lyonnaise, par la réalisation concomitante du barreau nord-est et du barreau sud-est, afin de préserver les trafics des ports de l’axe Méditerranée-Rhône-Saône. La seule réalisation de la section Lyon-Turin serait susceptible de fragiliser les ports français dont une partie des trafics pourraient être détournés vers les ports italiens.
2) Augmenter le soutien au transport combiné
Un renforcement des aides à l’exploitation des services réguliers de transport combiné est nécessaire pour pallier le différentiel de compétitivité entre les transports massifiés et la route, généré par les coûts de transbordement. Les aides françaises sont en outre bien moindres que celles versées par d’autres pays européens.
Pour répondre à cette double problématique, les montants prévus à ce titre par la loi de finances pour 2020 sont triplés dès 2021 pour atteindre près de 80 millions d’euros annuels. Cette augmentation doit bénéficier en priorité aux trajets intérieurs.
3) Logistique
À la massification du transport de marchandises doit répondre une fluidification des chaînes logistiques françaises, notamment par la création de nouvelles plateformes logistiques proches des grands centres urbains. En particulier, la réalisation du canal Seine-Nord Europe suppose de se doter de capacités logistiques suffisantes, sauf à risquer de détourner certains trafics des ports normands.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 14 et du rapport annexé.
(L’article 14 et le rapport annexé sont adoptés.)
Article 15
À la fin des 1° et 2°, aux premier et dernier alinéas du 3° et au 4° du I et à la première phrase du premier alinéa du III de l’article 39 decies C du code général des impôts, l’année : « 2022 » est remplacée par l’année : « 2026 ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 15
Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par Mme M. Filleul, M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Préville, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 5312-14-1 du code des transports est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « peuvent prévoir » sont remplacés par le mot : « prévoient » ;
b) Les mots : « du trafic ou » sont supprimés ;
2° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les grands ports maritimes disposant d’un accès fluvial ou ferroviaire, elles fixent un objectif de part modale des modes massifiés d’au moins 20 % des trafics opérés par l’amodiataire du domaine public. »
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Afin de réellement favoriser et d’engager le report modal vers le transport ferroviaire et le transport fluvial, nous considérons qu’il convient de réguler les pratiques.
Cet amendement vise à aller au-delà de la simple possibilité de prévoir, dans les conventions de terminal, une part dégressive du montant de la redevance due en fonction de la performance environnementale de la chaîne de transport. Il prévoit ainsi l’obligation d’introduire des clauses financières liées à des critères environnementaux, afin que des objectifs contractualisés de part modale, conjugués à un signal prix tenant compte des externalités, soient mis en place par les ports.
Les modes alternatifs au transport routier seraient par conséquent privilégiés, tout comme le transport fluvial qui deviendrait plus compétitif grâce à cette mesure.
Cet amendement tend également à supprimer la modulation de la redevance en fonction du trafic pour ne garder que la modulation en fonction de la performance environnementale de la chaîne de transport, la première mesure pouvant entrer en contradiction avec la seconde, et réciproquement. Il s’agit ainsi de n’encourager que les pratiques vertueuses et respectueuses de l’environnement.
Enfin, nous proposons de fixer un objectif minimum de recours aux modes massifiés – d’au moins 20 % – pour les grands ports maritimes disposant d’un accès ferroviaire ou fluvial.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Comme chacun d’entre vous, je peux partager sur le fond les idées que je viens d’entendre ainsi que les objectifs visés, mais cet amendement présente une double difficulté.
D’une part, l’obligation qu’il prévoit ainsi que l’objectif de report modal seraient susceptibles d’entraîner une requalification des conventions de terminal en contrats de concession, puisqu’elles pourraient être assimilables, en raison de leur caractère contraignant, à un besoin spécifique de la personne publique.
D’autre part, comme nous l’ont signalé plusieurs acteurs du secteur, cet objectif d’au moins 20 % de part modale n’est pas toujours atteignable. Cela s’explique par l’état des réseaux ferroviaires ou fluviaux, dont les infrastructures ne permettent pas toujours d’assurer un trafic à ce niveau minimum.
Il me semble plus pertinent de favoriser la concertation entre les acteurs plutôt que de nous immiscer dans des relations commerciales. C’est dans cet esprit que nous avons introduit l’article 15 bis, qui prévoit la possibilité de mettre en place dans les grands ports volontaires une instance de concertation sur le sujet.
Je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Je comprends très bien la philosophie de l’amendement proposé, mais je partage les réserves techniques et juridiques formulées par M. le rapporteur.
Nous avons tenté de répondre à cette préoccupation légitime d’une autre façon, à la fois en investissant massivement, avec 400 millions d’euros sur le continuum maritime, portuaire et fluvial, et plus de 200 millions d’euros sur le fret ferroviaire, en lien avec les infrastructures portuaires, et en conduisant une stratégie nationale qui contribuera très largement à favoriser l’intermodalité.
Pour ces raisons pratiques et juridiques, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par Mme M. Filleul, M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Préville, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5343-1 du code des transports est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces travaux font l’objet d’une facturation directe par la société de manutention au donneur d’ordre. »
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Je reviens à la charge pour soutenir le développement du transport fluvial.
Les freins à une complète intégration du transport fluvial dans les chaînes logistiques sont nombreux et tiennent aux effets du système de tarification des prestations de manutention.
Depuis la réforme portuaire, les tarifs facturés par les entreprises de manutention aux opérateurs fluviaux augmentent considérablement. Or l’opérateur fluvial, qui ne maîtrise pas l’opération logistique de bout en bout, n’a ni le choix du terminal ni celui de l’opérateur de manutention, sur lequel il n’a aucun moyen de pression commercial.
S’agissant du transport routier et ferroviaire, la règle en vigueur est que l’ensemble des coûts de la manutention portuaire est facturé au donneur d’ordre. Cette situation discrimine le transport fluvial par rapport à une chaîne logistique faisant intervenir la route ou le rail.
Ces dernières années, nombreuses ont été les initiatives pour remédier à cet état de fait, en particulier dans le grand port maritime de Dunkerque, et ce à partir de septembre 2015. Le bilan de l’expérimentation réalisée a conclu à un succès indéniable de cette opération, fondée sur la prise en charge par les armateurs maritimes de ce coût, et non sur une mutualisation de tous les modes de transport. Il est attesté par la progression significative des trafics, qui ont été multipliés par deux en moins d’un an, et par l’adhésion de la totalité des acteurs de la place au dispositif.
Ces nouvelles modalités de facturation de la manutention sont la règle au grand port maritime de Dunkerque depuis le 1er janvier 2017. Or les rapports parlementaires sur l’attractivité des ports français, remis au secrétaire d’État chargé des transports en juillet 2016, fixent tous comme priorité le rééquilibrage des coûts de manutention des conteneurs pour le transport fluvial. Ils confirment qu’ils sont un déterminant important de la compétitivité du transport fluvial.
Le rapport sur le dispositif d’aide au transport combiné, remis à Mme Borne en 2017, recommande d’intégrer les coûts de manutention fluviale dans les frais de manutention – les Terminal Handling Charges. Enfin, le rapport de M. Duron aboutit à une conclusion similaire.
Compte tenu du retour positif de l’expérimentation de Dunkerque, nous proposons d’étendre ce dispositif à tous les grands ports maritimes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Je peux là encore partager les idées et les objectifs visés par notre collègue, mais l’expérimentation réalisée à Dunkerque, certes intéressante, semble difficile à généraliser, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les surcoûts de manutention pour le transport fluvial sont bien plus élevés dans les autres ports français, comme Marseille et Le Havre qui comptent plusieurs terminaux manutentionnaires et portuaires, ce qui rendrait l’exercice plus difficile qu’à Dunkerque.
Aujourd’hui, à Dunkerque, le coût par conteneur est de l’ordre de 1,47 euro. D’après l’étude de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), l’extension de l’expérimentation conduirait à un surcoût de l’ordre de 5 à 10 euros par conteneur à Marseille et au Havre, ce qui est difficilement intégrable par les opérateurs.
Ensuite, comme je l’ai indiqué précédemment, il me semble plus pertinent de favoriser la concertation entre les acteurs que de réguler les relations commerciales. C’est dans cet esprit que la commission a introduit l’article 15 bis dans le texte que nous examinons.
Même si nous pouvons comprendre votre démarche, je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 12.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 15 bis (nouveau)
La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III de la cinquième partie du code des transports est complétée par un article L. 5312-14-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 5312-14-2. – Dans les grands ports maritimes volontaires, il est créé, à titre expérimental et pour une durée de deux ans à compter de la publication du décret prévu au deuxième alinéa du présent article, une instance de concertation associant les représentants de la place portuaire et de l’ensemble de la chaîne logistique et de transport, chargée d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’optimisation des coûts de manutention dans un objectif de report modal vers les modes massifiés et, le cas échéant, de réduction des éventuels surcoûts de manutention fluviale avant le 1er janvier 2022.
« Un décret détermine les modalités de cette expérimentation.
« L’expérimentation fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement et au Conseil national portuaire et logistique mentionné à l’article L. 1212-2. »
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, sur l’article.
M. Michel Canevet. Cet article, comme l’alinéa 14 de l’article 7 examiné précédemment, prône la création d’une instance de concertation. Effectivement, il ne faudrait pas que ces grands ports maritimes vivent sans leur hinterland. La présence d’un écosystème extrêmement favorable est importante. Il est également primordial que nos ports occupent la place qu’ils devraient avoir dans le commerce maritime international.
Au-delà de cette question, je veux évoquer les grands échanges organisés par l’Europe. Je pense en particulier au corridor Atlantique que l’Europe veut mettre en place, c’est-à-dire un ensemble de ports qui permettraient d’assurer un acheminement correct des marchandises.
Parmi les candidats à ce corridor, on trouve notamment les ports de Brest et de Roscoff, qui se situent à la pointe de la Bretagne et qui voient passer la plupart des porte-conteneurs ou des vraquiers. Ils pourraient en accueillir une bonne partie, mais il faudrait, comme au Havre, à Dunkerque ou à Nantes, un réseau ferroviaire effectif qui assure une intermodalité.
Cela suppose notamment que le système européen de signalisation soit mis en œuvre un peu partout. Nous demandons donc que le système européen de gestion du trafic ferroviaire – European Rail Traffic Management System – soit opérationnel jusqu’aux ports de la pointe de la Bretagne, de façon à ce que l’intermodalité se développe là-bas et que l’on puisse faire fonctionner les ports en réseau.
Je souhaite que le Gouvernement puisse soutenir un projet de cet ordre, c’est-à-dire offrir la possibilité à ces ports de l’extrême ouest de se connecter à Haropa, à Bordeaux ou à Nantes, ainsi qu’à l’ensemble des réseaux ferroviaires. Il y a là un enjeu tout à fait considérable pour acheminer nos marchandises.
Je souhaitais attirer votre attention sur ce point et vous dire que tout cet écosystème est essentiel si l’on veut que, demain, nos ports puissent occuper la place qui leur revient légitimement.
Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par Mme M. Filleul, M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Préville, M. Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer le mot :
volontaires
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. L’article 15 bis prévoit un dispositif de concertation pour optimiser les coûts de la manutention, et ce en vue de développer le report modal. Nous trouvons cette instance de discussion tellement utile que nous proposons de ne pas en conditionner l’existence au volontariat des différents grands ports maritimes, ce qui permettrait d’apporter une contribution encore plus intéressante au report modal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Au dialogue et à la concertation, j’ajouterai la souplesse : le volontariat est pour nous essentiel. Il faut que les structures mises en place soient exemplaires, ce qui incitera les autres ports à mettre également en œuvre cette instance de dialogue, ce à quoi nous avons tous intérêt.
Je peux là encore partager les objectifs que vous souhaitez atteindre, ma chère collègue, mais je préfère qu’on y parvienne par le dialogue, la concertation, et dans le cadre d’une démarche volontaire. À chaque fois qu’on élabore un texte, on impose des obligations aux différents acteurs : je ne souhaite pas le faire dans le dernier article de cette proposition de loi.
Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. Nous avons mis en place un conseil ministériel pour développer les transports et favoriser l’intermodalité. Nous avons par ailleurs investi massivement sur le report modal en lien avec le mode ferroviaire.
Il existe déjà des enceintes qui, semble-t-il, remplissent cette fonction politique de soutien au report modal, avec des moyens qui sont importants, ceux du plan de relance notamment.
Pour ces raisons très pratiques et politiques, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.