M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, le décret paru ce matin confirme l’état du droit, c’est-à-dire que les plages, les parcs et les jardins restent ouverts, sur la décision de l’autorité compétente. Je vous précise que les forêts n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque interdiction. En revanche, les activités nautiques, je le réitère, ne sont pas autorisées.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Les plages restent ouvertes !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Les plages restent ouvertes !
J’aurais effectivement d’ores et déjà pu formuler une demande de retrait lors de ma précédente intervention ; sinon, l’avis est défavorable.
M. le président. Madame de La Gontrie, l’amendement n° 82 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 82 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 11 n’est pas soutenu.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Chacune et chacun d’entre vous l’aura compris, notre groupe votera contre ce projet de loi, pour plusieurs raisons que ma collègue Cécile Cukierman a eu l’occasion de rappeler lors de la discussion générale.
Bien évidemment, nous ne méconnaissons pas les efforts qui ont été réalisés par la commission des lois, notamment par son rapporteur. Il n’en demeure pas moins que ce texte donne toujours trop de pouvoirs à l’exécutif, et pendant beaucoup trop longtemps, en abaissant le rôle du Parlement. Je pense sincèrement qu’il s’agit d’une démission démocratique. Or nos propositions pour redonner au Parlement la place et le rôle qui doivent être les siens, particulièrement dans une situation de crise, ont été rejetées. Nous en prenons acte.
Quant aux ordonnances, malgré l’effort de la commission pour en réduire le nombre, elles demeurent trop nombreuses, notamment dans le domaine du droit du travail. Nous rappelons une nouvelle fois que c’est une façon de mettre à l’écart le Parlement, d’autant que la Constitution n’est pas respectée, celle-ci exigeant une ratification expresse des ordonnances, ce qui est, vous l’avouerez, loin d’être le cas.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, je confirme, à l’issue de ce débat, que le groupe CRCE votera contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Dans mon intervention au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain en discussion générale, j’indiquais le regard à la fois vigilant et inquiet que nous portions sur ce projet de loi, en raison de la négation du rôle du Parlement, mais aussi de l’absence de tout un pan de nécessaires dispositions dans le domaine social dans cette période.
Incontestablement, et nous avions déposé des amendements en commission, nos regards ont convergé avec la majorité de la commission, puis avec celle du Sénat. Le texte a été considérablement amélioré, de notre point de vue, puisque le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire prévu dans le texte initial a disparu, les habilitations pour les ordonnances ont été réduites de près de moitié et la durée de l’état d’urgence sanitaire a été cantonnée. Des progrès très importants ont donc été réalisés et nous en sommes satisfaits.
Pour autant, le Sénat a systématiquement refusé toutes nos propositions destinées à mieux accompagner les populations qui vont se trouver en grande difficulté dans cette période, et qui le sont d’ailleurs déjà depuis plusieurs mois. Évidemment, cela nous préoccupe et rend le projet de loi un peu bancal.
Nous l’avions indiqué, ce texte devait selon nous marcher sur deux jambes : d’une part, en respectant le Parlement, ce qui est désormais le cas – c’est une bonne chose –, d’autre part, en traitant aussi les questions sociales – et cet aspect fait défaut. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour explication de vote.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, je ne vais pas répéter ce que nous avons dit hier lors du débat avec le Premier ministre, mais, nous le savons, il est impératif d’agir pour endiguer au plus vite la propagation du virus dans notre pays et de tout faire pour ne pas revivre un épisode aussi dramatique que celui du printemps dernier. Il faut agir rapidement et avec force. C’est dans ces circonstances que la prorogation de l’état d’urgence sanitaire paraît indispensable, tout comme il paraît nécessaire d’habiliter le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance durant cette période, mais toujours avec le sens de l’urgence et de l’intérêt général.
Comme je le disais lors du débat sur la déclaration du Gouvernement, un vote favorable ne signifie ni une unanimité irréfléchie ni un blanc-seing. En cela, mes collègues du groupe RDSE et moi-même nous réjouissons du travail effectué en vue de la réduction du nombre des habilitations accordées au Gouvernement. Le Parlement ne doit pas être écarté de toute décision durant cette crise et nous demandons à être associés aux orientations que le Gouvernement souhaite impulser.
La gravité de la période ne saurait suffire à justifier une atteinte si excessive aux principes régissant le fonctionnement démocratique de notre nation. Car la démocratie doit pouvoir se poursuivre, au niveau national comme au niveau local.
En ce sens, le groupe RDSE se félicite de l’adoption de l’amendement déposé par notre président, Jean-Claude Requier, assouplissant les règles de quorum applicables aux organes délibérants des collectivités territoriales. Il paraissait impératif d’accompagner nos collectivités territoriales dans leur action quotidienne.
Nous pensons aussi à nos compatriotes d’outre-mer, qui subissent cette crise dans des conditions particulières. Il faudra donc veiller à ce qu’ils reçoivent notre soutien tout au long de cet épisode, comme nous avons souhaité le faire en particulier pour nos concitoyens de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nous nous félicitons également de l’adoption hier de l’amendement portant sur les adaptations facilitées pour les commerces de proximité, témoignant que le Sénat est toujours au chevet de ses territoires.
Au regard de tous ces éléments, le groupe RDSE votera en faveur de ce texte. Comme j’ai déjà pu le souligner, notre position est commandée par l’intérêt général. Elle est une position de raison, un soutien de responsabilité face aux événements.
Toutefois, ce vote ne nous empêchera pas de rester vigilants. Le Parlement devra toujours demeurer en mesure d’assumer l’une de ses principales fonctions : celle de contrôler l’action du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je voudrais à mon tour saluer le travail de la commission des lois, du rapporteur Philippe Bas et de son président, ainsi que des collègues qui se sont exprimés avec efficacité et réactivité sur un texte complexe, dans la lignée de ceux qui ont été examinés dès le mois de mars dernier.
Dans ce contexte particulièrement compliqué, nous espérons trouver des solutions. Beaucoup d’amendements ont été débattus, dans l’optique générale de soutenir ceux qui sont en première ligne, et ils sont nombreux : les personnels de santé, bien entendu, mais aussi tous les services de l’État, des collectivités locales. Le soutien au monde économique est également une priorité, avec la fermeture des petits commerces de proximité, la réduction drastique de certaines activités, dont les conséquences risquent d’être dramatiques. Nous devons y rester vigilants.
Je me réjouis, en tant que modeste membre de la délégation aux droits des femmes, de l’adoption de l’amendement sur les violences intrafamiliales, auxquelles il convient d’être particulièrement vigilant.
En termes de soutien au monde économique, social, associatif et de la santé, je salue les dispositions prises au niveau des services de l’État et des collectivités locales. À cet égard, je souligne l’importance de la concertation et de la confiance. Le groupe Les Républicains votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Au moment d’achever l’examen de ce projet de loi, j’évoquerai une problématique qui ne l’a pas été suffisamment, à mon sens, tant par le Premier ministre hier que lors de nos débats. Avant cela, je voudrais acter que la feuille de route et les marges de manœuvre dont vous disposiez, monsieur le secrétaire d’État, comme votre collègue Brigitte Bourguignon, ont rendu votre mission intéressante, mais ardue. En tout cas, elles ont permis de tester la bienveillance des sénatrices et des sénateurs.
Le Sénat s’est efforcé, fort de l’expérience du premier confinement, d’apporter des solutions ou de limiter les effets collatéraux des décisions qui doivent être prises. Ce fut le cas en matière économique, sociale, s’agissant des commerces, et à l’égard des collectivités.
Une thématique n’a pas été assez évoquée – et même pas du tout –, celle du handicap. Au moment où le port du masque devient obligatoire dans les écoles pour les enfants âgés de 6 à 11 ans, permettez-moi de « zoomer » sur ce sujet. Les masques transparents ont fait l’objet de certifications très rapides grâce à la mobilisation du secrétariat d’État chargé du dossier, mais nous constatons une pénurie. Les entreprises peinent à produire ces masques, qui sont pourtant absolument essentiels à tous ceux, victimes d’un handicap, ayant besoin d’une lecture faciale et labiale.
Ces masques sont par ailleurs indispensables, que l’on soit handicapé ou non, en cours préparatoire (CP).
Je voulais donc vous alerter, monsieur le secrétaire d’État, sur cette problématique très concrète, afin que vous la relayiez auprès de vos collègues. C’est un vrai sujet de vigilance pour le Gouvernement, qu’il s’agisse de l’aide à la fabrication de ces masques ou de la priorisation de leur affectation aux enseignants et aux enfants de CP, d’unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS-école) ou bénéficiant d’un accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH, ex-AVS) en cursus normal.
Ce petit zoom sur le handicap illustre une problématique que nous ne perdons pas de vue, collectivement, même si elle a été assez peu évoquée lors de nos débats.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.
Mme Nadège Havet. Je n’allongerai pas les débats outre mesure, mes chers collègues. Plusieurs points n’apparaissaient pas irréconciliables au commencement. Je pense à la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, à laquelle nous avons en majorité consenti dans cette assemblée. Je pense également aux mesures d’urgence économique et sociale. Si un désaccord a pu se poser quant à la méthode, si une certaine méfiance, que nous ne partageons pas, a pu s’exprimer sur ces bancs, nous nous accordons tous, je le crois, sur le caractère indispensable de ces mesures. Un certain nombre d’amendements, y compris du Gouvernement, sont d’ailleurs venus depuis hier soir renforcer les dispositifs proposés pour tirer les conséquences, très difficiles, de cette crise.
Certaines réserves importantes demeurent dans les modalités de gestion de la crise : je pense à la faculté de mettre en œuvre, à l’issue de l’état d’urgence sanitaire, un régime transitoire conférant une certaine agilité et de nature à favoriser une sortie anticipée de celui-ci. Je pense également à l’allongement très modeste que prévoit ce texte pour la mise en œuvre des systèmes d’information, et ce alors même qu’ils sont indispensables à la stratégie « tester-tracer-isoler » et que l’on a constaté une montée en charge de ces systèmes sur les dernières semaines.
Pour toutes ces raisons, et dans l’espoir que les positions puissent être rapprochées en commission mixte paritaire cet après-midi, le groupe RDSE s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en quarante-huit heures, nous sommes amenés à exprimer deux votes très différents : si le vote proposé hier était binaire, celui d’aujourd’hui ne l’est pas.
Le vote d’hier était binaire, puisqu’il nous conduisait à dire « oui » ou « non » à une déclaration générale, en application de l’article 50-1 de la Constitution. Il soulevait la question de savoir s’il était raisonnable ou pas de voter après les décisions, si la gestion de la crise sanitaire était pertinente ou non et si finalement la société française était suffisamment résiliente pour résister aux conséquences des mesures qui étaient prises. C’était oui ou non, blanc ou noir.
En cette fin de matinée, nous avons à nous positionner sur un texte qui a été modifié sur un point essentiel, la mesure la plus restrictive des libertés, celle qui a le plus grand impact économique et social : le reconfinement. Notre assemblée a demandé que le Parlement soit en situation d’être saisi, au plus tard le 8 décembre, et qu’il se prononce sur une mesure de prorogation du reconfinement. Cela change tout ! Sur cette base, le groupe Union Centriste est clairement favorable au projet de loi.
Si, à l’issue de la CMP et de l’examen par l’Assemblée nationale qui en résultera, la version finalement retenue devait être celle du Gouvernement, à savoir une situation d’état d’urgence sanitaire pendant cinq mois et demi – j’intègre bien sûr la période en organisant la sortie –, nous glisserions alors vers une situation totalement anormale.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne ferai pas le reproche au Président de la République de vouloir faire une mauvaise utilisation des cinq mois et demi d’état d’urgence, mais nous nous mettons à accepter une situation d’affaissement de notre démocratie qui, dans un autre contexte politique, nous placerait dans une situation impossible. Ne créons pas ce genre de précédent.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur le secrétaire d’État, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires n’est pas du tout convaincu que le régime d’exception qu’est l’état d’urgence sanitaire soit la solution adéquate. Ce régime est en effet bien trop attentatoire aux libertés individuelles et publiques. Des mesures doivent évidemment être prises, mais elles se doivent d’être raisonnées et proportionnées, et le Gouvernement ne peut exclure de facto la participation du Parlement dans le processus décisionnel.
Bien entendu, nous saluons le travail de la commission des lois, de son rapporteur et des sénateurs ici présents pour améliorer considérablement le projet de loi qui était présenté par le Gouvernement et pour en faire un objet, non pas désirable, mais acceptable.
Toutefois, je me permets de mentionner, pour ceux qui pourraient avoir besoin d’un petit rappel, que les dispositions relatives à l’état d’urgence sanitaire, malgré les modifications qui ont été apportées, permettent de réglementer ou d’interdire la circulation des personnes et des véhicules, de réglementer l’accès aux moyens de transport, d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile, d’ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine de personnes susceptibles d’être infectées, d’ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, d’ordonner la fermeture provisoire et de réglementer l’ouverture de plusieurs catégories d’établissements et de commerces recevant du public, de limiter ou d’interdire les rassemblements, d’ordonner la réquisition de toute personne nécessaire à la lutte contre les catastrophes sanitaires, de prendre des mesures temporaires de contrôle des prix, etc.
La liste de ce que permet cet état d’exception reste donc tout de même considérable, malgré toutes les améliorations apportées par nos amis et collègues de la commission des lois.
Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que nous pensons, en tant qu’élus, que les citoyens de ce pays sont tout à fait à même de comprendre la complexité du monde, des situations et d’être associés aux décisions qui sont prises, nous voterons contre le projet de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
3
Programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur (projet n° 722 [2019-2020], texte de la commission n° 52, rapport n° 51, avis nos 32 et 40).
Dans la discussion du texte de la commission, nous sommes parvenus à l’examen du titre IV.
TITRE IV
RENFORCER LES RELATIONS DE LA RECHERCHE AVEC L’ÉCONOMIE ET LA SOCIÉTÉ
Articles additionnels avant l’article 13
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 110, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 411-4 du code de la recherche, il est inséré un article L. 411-… ainsi rédigé :
« Art. L. 411-…. – I. – Les personnes morales de droit privé sont tenues de rendre publique l’existence des conventions qu’elles concluent avec les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs, ainsi qu’avec les établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche. Elles précisent, en particulier, si des rémunérations sont versées dans ce cadre.
« II. – La même obligation s’applique, au-delà d’un seuil fixé par décret, à tous les avantages en nature ou en espèces autres que les rémunérations mentionnées au I, que les personnes morales de droit privé procurent, directement ou indirectement, aux enseignants-chercheurs, aux enseignants et aux chercheurs, ainsi qu’aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, la nature des informations qui doivent être rendues publiques, notamment l’objet et la date des conventions mentionnées au I, ainsi que les délais et modalités de publication et d’actualisation de ces informations. Il précise également les modalités suivant lesquelles le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche délibérant en matière consultative est associé à cette publication. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement tend à apporter un peu de clarté face aux potentiels conflits d’intérêts. Je présenterai dans quelques instants l’amendement n° 109, qui s’inscrit dans le même esprit, mais avec une organisation et une procédure très différentes.
Alors que l’amendement n° 110 tend à faire obligation aux personnes morales de droit privé de déclarer les potentiels conflits, il est envisagé de mettre cette déclaration à la charge des chercheurs à l’amendement n° 109, ce que je ne souhaiterais pas. Je pense que les chercheurs ont déjà suffisamment de paperasserie administrative ; inutile de leur en ajouter.
Notre dispositif permet de répondre aux exigences fixées dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : tout fonctionnaire est tenu de signaler une situation de conflit d’intérêts le concernant. D’ailleurs, mes chers collègues, en tant que parlementaires, vous êtes soumis à des règles de déport et de signalement de vos potentiels conflits d’intérêts beaucoup plus sévères que celles qui s’appliquent aux agents de la fonction publique.
Les relations entre les fonctionnaires et les entreprises étant encouragées dans le projet de loi, je trouve tout à fait normal de tenir quelque part un registre permettant d’en vérifier la nature…
Je le rappelle, un certain nombre d’agences, dont l’Autorité européenne de sécurité des aliments, sont actuellement dans l’incapacité de faire appel à des fonctionnaires des États membres en raison de doutes sur les potentiels conflits d’intérêts. Les pouvoirs publics ont besoin de restaurer toute la validité de l’expertise des scientifiques. Pour cela, il faut un système clair et transparent qui permette de déclarer les conflits d’intérêts.
M. le président. L’amendement n° 181 rectifié bis, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le titre Ier du livre V du code de la recherche, il est ajouté un titre préliminaire ainsi rédigé :
« Titre préliminaire
« Chapitre unique
« Art. L. 501-1. - I. - Les personnes morales de droit privé sont tenues de rendre publique l’existence des conventions qu’elles concluent avec les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs, ainsi qu’avec les établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche. Elles précisent, en particulier, si des rémunérations sont versées dans ce cadre.
« II.- La même obligation s’applique, au-delà d’un seuil fixé par décret, à tous les avantages en nature ou en espèces autres, que les rémunérations mentionnées au I, que les personnes morales de droit privé procurent, directement ou indirectement, aux enseignants-chercheurs, aux enseignants et aux chercheurs, ainsi qu’aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
« III.- Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, la nature des informations qui doivent être rendues publiques, notamment l’objet et la date des conventions mentionnées au I, ainsi que les délais et modalités de publication et d’actualisation de ces informations. Il précise également les modalités suivant lesquelles le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche délibérant en matière consultative est associé à cette publication. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. L’indépendance de la recherche passe également par la transparence des liens d’intérêt avec des entreprises et autres personnes morales de droit privé. Par cet amendement, nous proposons d’étendre à tous les domaines de recherche une disposition en faveur de la transparence des liens d’intérêts qui existe déjà pour la santé publique en application de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Les potentiels conflits d’intérêts constituent une préoccupation très importante. Nous aimerions avoir l’éclairage de Mme la ministre. C’est pourquoi je sollicite l’avis du Gouvernement – je ferai de même s’agissant des deux autres amendements à venir portant articles additionnels avant l’article 13 – sur cette question d’importance et ô combien délicate.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Le sujet est effectivement très important. Toutefois, je ne suis pas certaine que nous puissions nous prononcer avant d’avoir mené une concertation avec l’ensemble des acteurs.
Ainsi que Mme de Marco l’a rappelé, un tel dispositif existe déjà pour la santé publique. Il a été le fruit d’un long travail.
S’il faut pouvoir préciser ou donner à connaître les liens d’intérêts, veillons à ne pas tout mélanger. Un lien d’intérêts n’est pas systématiquement un conflit d’intérêts. Il ne le devient que s’il n’est pas déclaré, s’il est caché ou s’il pose problème.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements. En revanche, nous prenons l’engagement de travailler sur le sujet, d’autant qu’il est très important si nous voulons rétablir la confiance de nos concitoyens vis-à-vis du monde de la science.
La rédaction de l’amendement n° 109, qui – M. Ouzoulias l’a rappelé – sera présenté dans quelques instants, me semble plus appropriée. Il me paraît souhaitable que la démarche puisse s’effectuer dans les deux sens. Je proposerai donc que cet amendement puisse être retravaillé dans le cadre de la navette.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Laure Darcos, rapporteure. Compte tenu de la position du Gouvernement, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 181 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 109, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Avant l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 411-4 du code de la recherche, il est inséré un article L. 411-4-… ainsi rédigé :
« Art. L. 411-4-…. – L’agent qui participe directement au service public de la recherche publique défini à l’article L. 112-2 signale, lorsqu’il exerce une mission d’expertise auprès des pouvoirs publics et du Parlement, tout lien d’intérêt prenant la forme d’avantages en nature ou en espèces qu’il a, ou qu’il a eus pendant les cinq années précédant cette mission, avec des personnes privées dont les activités, les techniques ou les produits entrent dans le champ de l’expertise à propos de laquelle il est sollicité.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment la nature et le destinataire des informations qui doivent être signalées, ainsi que les modalités de ce signalement. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, selon vous, l’amendement n° 110 n’a pas fait l’objet d’une concertation suffisante avec les acteurs concernés ? J’aurais aimé que l’amendement adopté hier soir par le Sénat – je parle de celui qui avait pour objet de modifier totalement l’architecture du Conseil national des universités (CNU) – bénéficie du même intérêt de votre part pour les travaux préparatoires. Ne m’opposez donc pas un tel argument !
L’amendement n° 109 correspond au même projet politique que l’amendement n° 110, à une différence près. La charge de la preuve appartiendrait non pas aux entreprises, mais aux chercheurs, ce qui, comme je l’ai indiqué, me pose problème, car je n’ai pas envie de leur imposer une paperasserie trop contraignante.
Les pouvoirs publics ont aujourd’hui du mal – pour ma part, je l’ai vécu au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) – à demander à des chercheurs d’intervenir dans le débat public s’ils ne sont pas informés préalablement des potentiels conflits d’intérêts. C’est le sens du système déclaratif que nous réclamons.
L’objectif n’est pas de considérer que l’avis d’un chercheur travaillant avec une entreprise serait par nature susceptible d’être entaché d’irrégularités ; il s’agit simplement de faire en sorte que les pouvoirs publics soient informés des éventuels conflits d’intérêts pour pouvoir choisir l’expertise en toute connaissance de cause.
La rédaction de mon amendement, dites-vous, pourrait être retravaillée en commission mixte paritaire ? J’espère que la rédaction d’autres amendements, dont celui sur le CNU, auquel je faisais référence, pourra l’être également. (Sourires.)