M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 77 |
Contre | 263 |
Le Sénat n’a pas adopté.
6
Candidatures à un office parlementaire et à cinq délégations parlementaires
M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-huit sénateurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, des trente-six membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, des trente-six membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, des trente-six membres de la délégation sénatoriale à la prospective, des vingt et un membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer autres que les vingt et un sénateurs membres de droit et des quarante-deux membres de la délégation sénatoriale aux entreprises.
En application des articles 6 ter, 6 septies et 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, du chapitre 17 bis de l’instruction générale du bureau, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
7
Plein exercice des libertés locales
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi constitutionnelle et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission modifiés
proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales (suite)
Articles additionnels après l’article 4 (suite)
M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article 72-1 de la Constitution, après les mots : « à son initiative », sont insérés les mots : « ou à celle d’un groupe de citoyens résidents ».
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Les mobilisations citoyennes, les marches pour le climat, les manifestations lycéennes, les appels d’organisations syndicales ont exprimé haut et fort, à plusieurs occasions, la revendication d’une participation accrue à la décision publique. Ces mouvements témoignent du rejet de notre modèle libéral et de la crise de confiance des citoyens à l’égard des élus.
Ce constat nécessite une évolution urgente des modes de participation des citoyens pour les associer aux décisions qui les concernent et les impactent dans leur quotidien, tout particulièrement celles des collectivités territoriales. Nous ne pourrons sortir de cette crise démocratique sans replacer nos concitoyens au cœur de l’action publique.
Redonner de la confiance dans l’exercice démocratique doit être notre priorité. Nous devons engager une réforme profonde de nos institutions avec une implication beaucoup plus forte au niveau local. Le référendum d’initiative locale permettrait ainsi à un nombre de citoyens résidents d’interpeller les élus locaux soit par référendum, soit par le vote de l’assemblée délibérative.
Cette demande de citoyenneté active doit aujourd’hui s’inscrire dans notre Constitution, et le référendum d’initiative citoyenne doit trouver une traduction locale. Il conviendra ensuite d’en préciser les modalités dans une loi organique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Mon cher collègue, à travers cet amendement, vous soulignez l’importance de la démocratie participative à laquelle tout le monde ici accorde beaucoup d’intérêt et dont nous reconnaissons la pertinence. Faire nation, c’est aussi permettre que l’ensemble de nos concitoyens participe aux décisions. Il serait d’ailleurs également bon que le taux d’abstention aux élections diminue : le premier acte de démocratie participative n’est-il pas de voter ?
Je souscris à l’objectif extrêmement louable et très sain que vous recherchez, mais, si votre amendement était adopté, c’est l’initiative citoyenne qui engagerait – voire qui contraindrait, en quelque sorte – le conseil municipal à organiser le référendum. Or nous pensons que la démocratie représentative a toute sa valeur associée à la démocratie participative. Inverser les rôles risquerait parfois de mettre les exécutifs locaux en difficulté et, dans certains cas, de ralentir le processus de décision.
Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
En outre, l’adoption de votre amendement permettrait à des résidents de soumettre un projet à référendum local, alors même qu’ils ne feraient pas forcément partie des électeurs amenés à se prononcer – comme vous le savez, tout résident n’est pas forcément électeur. Or le deuxième alinéa de l’article 72-1 de la Constitution limite bien la participation aux référendums locaux aux seuls électeurs de la collectivité concernée. Les Bretons en savent quelque chose…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 5
L’article 72-2 de la Constitution est ainsi modifié :
1° La première phrase du troisième alinéa est ainsi modifiée :
a) Les mots : « recettes fiscales et les autres » sont supprimés ;
b) Le mot : « déterminante » est remplacé par le mot : « significative » ;
2° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « ou entre collectivités territoriales » ;
b) La seconde phrase est ainsi rédigée : « Toute création ou extension de compétences ou toute modification des conditions d’exercice des compétences des collectivités territoriales résultant d’une décision de l’État et ayant pour effet d’augmenter les dépenses de celles-ci est accompagnée de ressources équivalentes au montant estimé de cette augmentation. » ;
c) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Les ressources ainsi attribuées pour la compensation des transferts, créations, extensions ou modifications de compétences font l’objet d’un réexamen régulier. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles les dispositions du présent alinéa sont mises en œuvre. »
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, sur l’article.
M. Laurent Burgoa. C’est avec plaisir que je prends la parole pour la première fois dans cet hémicycle, en tant que sénateur du Gard.
Nous devons absolument préserver les finances de nos collectivités, socle de leur liberté d’action.
Le Gouvernement nous promet une loi dite « 3D », voire « 4D ». J’espère, madame la ministre, que nous n’arriverons jamais au cinquième « D », celui de la disparition de certaines de nos collectivités territoriales, faute de moyens financiers.
Il faut donner une visibilité financière aux collectivités. Il s’agit de défendre leur autonomie : toute création ou extension de compétence résultant d’une décision de l’État doit être accompagnée des ressources nécessaires. Cela va sans dire, mais les ressources attribuées doivent faire régulièrement l’objet d’un réexamen.
Faisons confiance à nos élus locaux. Depuis toujours, lorsqu’ils décident, ils paient. De même, si l’État décide, il doit payer. Je donnerai deux exemples : lorsque le Premier ministre décide d’augmenter de 1 % le RSA, il en coûte 1,6 million d’euros au département du Gard ; quand le ministre de l’intérieur décide, fort justement, de revaloriser de 25 % la prime de feu, il en coûte 1,2 million d’euros par an au SDIS du Gard.
Madame la ministre, décider, c’est bien ; payer, c’est mieux ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Avant le premier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’autonomie financière des collectivités territoriales est garantie. »
La parole est à M. Guy Benarroche.
M. Guy Benarroche. Depuis les années 1980, les différents gouvernements se sont efforcés d’encourager les mouvements de décentralisation. À l’heure où les collectivités manifestent leur volonté d’agir en faveur de la transition écologique et où l’action publique doit porter ses efforts en matière de justice sociale et apporter des réponses fortes à la crise démocratique que nous traversons et que j’évoquais à l’instant, il est indispensable de renforcer l’action des collectivités territoriales par une plus grande liberté fiscale et de faire de l’autonomie financière un principe constitutionnel.
À mesure que nous progressons dans les mécanismes de décentralisation, nous entendons la même petite musique lancinante selon laquelle les collectivités seraient dépensières et qu’elles ne maîtriseraient pas leur budget. C’est une sorte de travail de sape de la décentralisation, engagé depuis plusieurs années avec les réformes successives des impôts locaux, de la taxe professionnelle, de la DGF et la suppression de la taxe d’habitation. Ces réformes ne reviennent ni plus ni moins qu’à mettre les collectivités sous tutelle.
Les débats qui se tiennent en ce moment même à l’Assemblée nationale, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, sur la recentralisation des impôts de production et sur la taxe sur la consommation finale d’électricité ne sont pas de nature à nous rassurer, bien au contraire.
L’adoption de cet amendement nous permettrait, mes chers collègues, d’affranchir les collectivités d’une sorte de diktat de Bercy et de protéger le principe de libre administration des collectivités en inscrivant dans la Constitution le principe d’autonomie financière, à charge ensuite au législateur d’en définir les modalités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, corapporteur. Je voudrais tout d’abord remercier notre collègue Burgoa d’apporter de l’eau à notre moulin en soutenant le principe « qui décide paie » que nous voulons inscrire dans la Constitution.
Monsieur Benarroche, nous partageons absolument votre objectif. Toutefois, je me permets d’appeler votre attention sur le fait que l’adoption de votre amendement supprimerait les dispositions de cette proposition de loi constitutionnelle relatives à une meilleure compensation financière de l’exercice des compétences transférées, notamment en cas de nouvelles charges.
Par ailleurs, vous voulez faire de l’autonomie financière un principe constitutionnel. Or c’est précisément l’objet de l’article 72-2 de la Constitution que de définir l’autonomie financière et les conditions dans lesquelles elle est garantie.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, qui est, à mon sens, déjà satisfait par le texte de la commission ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Tout cela est bien évidemment très important, mais il faudrait commencer par se mettre d’accord sur le sens des mots, de manière générale.
L’autonomie fiscale, l’autonomie financière, le principe « qui décide paie » ne sont, en réalité, pas aussi simples qu’il y paraît. Le débat mériterait d’être développé. J’en discute souvent avec les membres de la commission des finances du Sénat.
Dans la discussion générale – et vous avez réagi à mes propos –, j’ai souligné que les régions n’avaient plus de pouvoir fiscal, mais qu’elles disposaient de parts d’impôts nationaux comme la TVA, par exemple. Je vous rappelle que c’est le gouvernement précédent qui a transformé la DGF des régions en parts de TVA.
Lorsque nous avons proposé de baisser les impôts de production en raison de la crise économique que nous traversons, les régions nous ont demandé de leur donner de la TVA : elles ont vu l’intérêt qu’elles pouvaient tirer de la dynamique de cet impôt. Pour autant, cela ne signifie pas qu’elles n’ont plus d’autonomie financière. En France, nous avons cette culture de lier levée de l’impôt et autonomie fiscale ou financière, alors même que ces deux termes n’ont pas la même signification.
Permettez-moi d’aller au bout de ma pensée personnelle : pour les communes, qui sont en proximité avec les citoyens, la levée de l’impôt a sans doute un sens plus important que pour la région ou le département. Je vais très loin, je le sais. Nous devons tenir un débat sur le fond.
Par ailleurs, l’autonomie fiscale est souvent présentée comme ayant un lien très fort avec la décentralisation. Or, en Allemagne, par exemple, pays fédéral, les finances de chaque Land sont assises sur des dotations de l’État, ce qui ne remet pas en cause leur capacité à mener une politique décentralisée. Nous devons y réfléchir.
En écho au débat que nous venons d’avoir sur l’opportunité d’une loi de finances spécifique aux collectivités territoriales, je rappelle que le Bundesrat et le gouvernement allemand discutent chaque année des dotations allouées aux collectivités territoriales. C’est une autre méthode. Le monde évolue et tout cela mérite d’être discuté.
Madame Gatel, quand vous dites « qui décide paie », il faut tout de même faire attention : quand une collectivité territoriale a un projet, d’autres collectivités et l’État peuvent aussi apporter des subventions…
Mme Françoise Gatel, corapporteur. Ce n’est pas la même chose !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Opposer État et collectivités territoriales est à la mode. Je préfère inviter à la prudence.
Enfin, monsieur Benarroche, le plan de relance représente une opportunité formidable en ce qu’il prévoit de consacrer 32 milliards d’euros au financement de la transition écologique, dont une partie profitera bien évidemment aux collectivités territoriales.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je suis en accord total avec Mme la ministre et les corapporteurs.
L’adoption de cet amendement, qui vise à garantir l’autonomie financière des collectivités territoriales, se révélerait extrêmement dangereuse en ce que cette autonomie pourrait tout aussi bien être garantie a minima.
Les mots ont un sens, mon cher collègue, et les dispositions de votre amendement ne sont pas assez précises. Je ne voterai pas cet amendement, qui pourrait se retourner contre nos collectivités locales.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. L’objectif des auteurs de cet amendement est plutôt sain. Il s’agit de sécuriser les finances des collectivités territoriales, notamment pour permettre aux élus de projeter leurs investissements sur la durée de leur mandat. Toutefois, la rédaction retenue souffre des mêmes critiques que celles que nous adressions, voilà quelques instants, à un projet de loi de finances spécifique aux collectivités territoriales : qui garantit l’autonomie et à quel niveau sera-t-elle satisfaite ?
Le vrai débat, et peut-être ne serons-nous alors plus d’accord, madame la ministre, porte sur l’autonomie fiscale : c’est elle qui permet à une équipe élue de fixer ses priorités, de faire des choix financiers et fiscaux. Certains feront le choix d’augmenter des impôts pour développer davantage de services ou pour investir davantage, quand d’autres feront le choix de les baisser, parce que, disposant d’autres ressources, ils peuvent se le permettre, ou parce qu’ils décident de restrictions budgétaires. Quoi qu’il en soit, cette autonomie est indispensable pour faire de la politique au sens noble du terme.
Par ailleurs, puisque vous êtes revenue sur la question des régions, vous me permettrez d’y revenir également. Je le redis, l’accord du mois de juillet, que tout le monde a accepté, est un accord un peu contraint. Aujourd’hui, la plupart des collectivités régionales se réunissent pour faire leur débat d’orientation budgétaire ; et force est de constater que tous les conseils régionaux reconnaissent également, quelle que soit leur majorité et quelle que soit leur opposition, que la dynamique de compensation offerte par la fraction de TVA remplaçant l’impôt de production ne sera pas à la hauteur. (Mme la ministre manifeste son désaccord.) On s’inquiète, pour ne pas dire plus, d’un manque à gagner là où il s’agit de boucler les budgets des régions pour les années 2021 et suivantes.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5.
(L’article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 5
M. le président. L’amendement n° 17, présenté par M. Kerrouche, Mme Harribey, M. Lurel, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Constitution est ainsi modifiée :
1° Après l’article 72-4, il est inséré un article 72-… ainsi rédigé :
« Art. 72-…. – Le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. » ;
2° À la première phrase de l’article 88-3, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » et le mot : « seuls » est supprimé.
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Il s’agit, là encore, d’un amendement symbolique, qui vise à reprendre notre position collective habituelle : nous demandons que l’ensemble des étrangers résidant en France puissent voter aux élections locales, selon des modalités qui resteront, bien entendu, à définir dans la loi organique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, corapporteur. Mon cher collègue, vous allez trouver que je suis peu positive aujourd’hui. Je vous demande en effet de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Si les citoyens de l’Union européenne peuvent aujourd’hui voter aux élections locales, c’est dans le cadre d’accords de réciprocité. Votre amendement a pour objet d’étendre à tous les étrangers le droit de vote aux élections locales. À défaut d’accords de réciprocité et d’une définition précise d’un certain nombre de conditions, le débat que nous ouvrons ainsi me semble un peu large pour le cadre de cette proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Éliane Assassi. Le Sénat a adopté cette proposition il y a quelques années !
M. le président. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par M. Pointereau, Mme Deroche, MM. del Picchia, Cardoux, Karoutchi, Savin, Courtial et Lefèvre, Mme Berthet, M. Pellevat, Mme Belrhiti, M. D. Laurent, Mmes Raimond-Pavero et Noël, MM. Le Gleut et Cuypers, Mme L. Darcos, M. B. Fournier, Mme Deromedi, M. Paccaud, Mme Thomas, M. Pemezec, Mmes F. Gerbaud et Imbert, MM. Bascher, Savary et Brisson, Mme Richer, MM. Piednoir, Sido, Hugonet, Guené, Rietmann, Perrin, Anglars, de Legge, Calvet, Panunzi, Vogel et H. Leroy, Mme Micouleau, MM. Laménie, Bouchet, Mouiller, Sautarel et Gremillet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Chevrollier et Mme Gruny, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 88-7 de la Constitution, il est inséré un article 88-… ainsi rédigé :
« Art. 88-…. – Les projets ou propositions de loi tendant à la transposition d’un acte législatif européen ne peuvent contenir des dispositions excédant ce qui est nécessaire à cette transposition. Les amendements à ces projets ou propositions ne sont recevables que s’ils sont destinés à assurer cette stricte transposition. Lorsque le Sénat considère qu’un projet ou qu’une proposition de loi contient de telles dispositions, la procédure du dernier alinéa de l’article 45 n’est pas applicable. »
La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Le 12 janvier 2016, le Sénat examinait et votait une proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales, issue de travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, eux-mêmes menés dans le cadre de la mission dont j’étais chargé sur la simplification des normes.
Cette proposition de loi constitutionnelle visait à inscrire dans la Constitution différents principes pour inciter le législateur à accepter que lui soient fixés comme objectifs contraignants la simplification des normes et la stabilisation ou l’allégement des charges applicables aux collectivités territoriales, lesquelles sont souvent confrontées à une baisse importante de leurs ressources.
Trois principes clairs étaient posés.
Premier principe : celui qui édicte la norme doit la payer – autrement dit, celui qui décide paie –, principe repris à l’article 5 de la présente proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales.
Deuxième principe : la création d’un mécanisme de « gage normatif », applicable aux projets et propositions de loi comme aux amendements, obligeant à compenser toute nouvelle charge ou contrainte imposée aux collectivités territoriales par la suppression d’une charge ou contrainte d’importance équivalente – c’est le principe du « one in, one out ».
Mme Françoise Gatel, corapporteur. Je serais même pour un « one in, two out »…
M. Rémy Pointereau. Troisième principe : interdire la surtransposition de directives européennes par des textes se présentant comme des transpositions de celles-ci.
Le présent amendement vise à reprendre ce dernier principe. Il n’est en effet pas rare que les projets de loi assurant la transposition des directives européennes aillent au-delà des exigences définies par le législateur européen, introduisant ainsi de manière quasi subreptice des contraintes et charges nouvelles, notamment pour les collectivités territoriales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, corapporteur. Je salue, avec l’intervention de notre collègue Rémy Pointereau, celle d’un fin chasseur de la norme et du surcoût. Nous partageons tous, me semble-t-il, un certain agacement, une irritation, à l’égard des excès de normes. Il arrive effectivement qu’au Parlement français on surenchérisse sur la norme.
J’entends bien le propos. Je le partage très largement. Toutefois, en examinant attentivement votre amendement, mon cher collègue, on constate que ses effets collatéraux seraient loin d’être insignifiants. Son adoption reviendrait à rogner un peu l’initiative parlementaire et à donner au Sénat la possibilité de s’opposer à la procédure législative par laquelle l’Assemblée nationale a le dernier mot – ce n’est pas rien !
S’il s’agit d’éviter les surenchérissements sur des normes régissant un certain nombre d’obligations – je pense, par exemple, aux normes relatives aux équipements sportifs, sur lesquelles notre collègue Dominique de Legge avait fait un excellent rapport –, d’accord. Toutefois, l’adoption d’un tel amendement voudrait dire aussi que, dans d’autres domaines, comme ceux de la lutte contre le blanchiment d’argent ou de la lutte contre le financement du terrorisme, si notre pays voulait introduire des dispositions plus fortes, plus strictes, que celles de l’Union européenne, au sein de laquelle il faudrait convaincre des pays qui n’ont pas la même vision que nous, nous ne pourrions plus le faire.
Comme je l’ai dit, j’entends bien l’objectif et je le partage. Je suis malgré tout obligée de demander le retrait de l’amendement tel qu’il est formulé ou, à défaut, d’émettre un avis défavorable. J’ai néanmoins une proposition à vous faire, sur le modèle de la réponse qui avait été faite lorsque la question avait été traitée, déjà, en 2016 ; notre assemblée avait alors rejeté cette restriction, lui préférant la rédaction suivante : « Les mesures assurant la transposition d’un acte législatif européen n’excèdent pas les objectifs poursuivis par cet acte. »
Je le répète, il s’agit donc d’une demande de retrait ou, à défaut, d’un avis défavorable, sauf si vous acceptez de reprendre la formulation que je viens de proposer, qui est celle que nous avions votée en 2016.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je rappelle qu’il existe un Conseil national d’évaluation des normes qui, en principe, veille à ce que la transposition des directives européennes soit proportionnée et mesurée.
Puisqu’il est question de différenciation et de pouvoir de faire la norme – nous en reparlerons lors de l’examen du projet de loi 3D –, j’ajoute qu’il est certes loisible de transmettre un pouvoir normatif aux collectivités territoriales sur leurs compétences – je dis bien : « sur leurs compétences » –, mais qu’il faut aussi, parfois, laisser le pouvoir normatif libre de juger qu’il faut renforcer la norme – c’est envisageable.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. J’ai bien compris le sens de ces avis défavorables. Je ne fais pourtant que reprendre une proposition de loi constitutionnelle qui a été largement votée dans cet hémicycle, par 187 voix sur 336.