Sommaire

Présidence de M. Vincent Delahaye

Secrétaires :

Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.

1. Procès-verbal

2. Candidature à une commission

3. Modifications de l’ordre du jour

4. Rappel des règles sanitaires

5. Plein exercice des libertés locales. – Discussion d’une proposition de loi constitutionnelle et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Discussion générale commune :

M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi constitutionnelle et de la proposition de loi organique

Mme Françoise Gatel, corapporteur de la commission des lois

M. Mathieu Darnaud, corapporteur de la commission des lois

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

M. Éric Kerrouche

M. Stéphane Ravier

M. Dany Wattebled

M. Guy Benarroche

M. Alain Richard

Mme Guylène Pantel

Mme Cécile Cukierman

Mme Dominique Vérien

M. Jean-Marc Boyer

M. Victorin Lurel

M. Jean-Raymond Hugonet

Mme Micheline Jacques

Clôture de la discussion générale commune.

proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales

Article 1er

Amendement n° 13 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 2

M. Alain Richard

M. Philippe Bas

Adoption de l’article.

Article 3

Amendement n° 15 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.

Amendement n° 14 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 4

Mme Anne Ventalon

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 4

Amendement n° 7 rectifié de M. Arnaud Bazin. – Rejet.

Amendement n° 18 rectifié bis de M. Arnaud Bazin. – Rejet.

Amendement n° 16 de M. Éric Kerrouche. – Rejet par scrutin public n° 3.

6. Candidatures à un office parlementaire et à cinq délégations parlementaires

7. Plein exercice des libertés locales. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi constitutionnelle et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission modifiés

proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales (suite)

Articles additionnels après l’article 4 (suite)

Amendement n° 20 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Article 5

M. Laurent Burgoa

Amendement n° 19 rectifié de M. Guy Benarroche. – Rejet.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 5

Amendement n° 17 de M. Éric Kerrouche. – Rejet.

Amendement n° 21 rectifié bis de M. Rémy Pointereau. – Rectifié et réservé.

Article 6

Mme Micheline Jacques

M. Georges Patient

M. Victorin Lurel

M. Philippe Bonnecarrère

Amendements identiques nos 12 de M. Victorin Lurel et 31 de la commission. – Retrait de l’amendement n° 12 ; adoption de l’amendement n° 31 supprimant l’article.

Amendements n° 3 rectifié, 4 rectifié, 5 rectifié et 6 rectifié de Mme Lana Tetuanui. – Devenus sans objet.

Articles additionnels après l’article 5 (suite)

Amendement n° 21 rectifié ter de M. Rémy Pointereau. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Articles additionnels après l’article 6

Amendements identiques nos 9 rectifié bis de Mme Micheline Jacques, 22 de M. Victorin Lurel, 25 de M. Dominique Théophile et 28 rectifié bis de M. Georges Patient. – Rejet des quatre amendements.

Amendements identiques nos 10 rectifié bis de Mme Micheline Jacques, 24 de M. Victorin Lurel, 26 de M. Dominique Théophile et 29 rectifié de M. Georges Patient. – Rejet des amendements nos 10 rectifié bis, 24 et 26, l’amendement n° 29 rectifié n’étant pas soutenu.

Amendements identiques nos 11 rectifié bis de Mme Micheline Jacques, 23 de M. Victorin Lurel, 27 de M. Dominique Théophile et 30 rectifié de M. Georges Patient ; sous-amendement n° 32 de la commission. – Adoption du sous-amendement ; adoption des amendements nos 11 rectifié bis, 23 et 27 modifiés insérant un article additionnel, l’amendement n° 30 rectifié n’étant pas soutenu.

Vote sur l’ensemble

M. Éric Kerrouche

M. Philippe Bas

Adoption, par scrutin public n° 4, de la proposition de loi constitutionnelle dans le texte de la commission, modifié.

proposition de loi organique pour le plein exercice des libertés locales

Article 1er

Amendement n° 1 rectifié de M. Hervé Maurey. – Adoption.

Amendement n° 2 de M. Franck Montaugé. – Rejet.

Amendement n° 3 rectifié de M. Franck Montaugé. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2

Amendement n° 7 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 9 de la commission. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 3

Amendement n° 8 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 4 – Adoption.

Article 5

Amendements identiques nos 4 de M. Victorin Lurel et 10 de la commission. – Adoption des deux amendements supprimant l’article.

Vote sur l’ensemble

Mme Dominique Vérien

Adoption, par scrutin public n° 5, de la proposition de loi organique dans le texte de la commission, modifié.

8. Ordre du jour

Nomination d’un membre d’une commission

Nomination des membres d’un office parlementaire et de cinq délégations parlementaires

compte rendu intégral

Présidence de M. Vincent Delahaye

vice-président

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidature à une commission

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires européennes a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

3

Modifications de l’ordre du jour

M. le président. Mes chers collègues, en raison de l’hommage national en l’honneur de Samuel Paty, qui se tiendra mercredi 21 octobre en fin d’après-midi dans la cour de la Sorbonne, et en accord avec le groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, nous suspendrions nos travaux demain après-midi à l’issue de l’examen de la proposition de loi relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire, et au plus tard à dix-huit heures trente, et nous les reprendrions à vingt et une heures trente pour le débat à la suite du Conseil européen des 15 et 16 octobre.

Il reviendra à la conférence des présidents d’inscrire le débat sur l’alimentation durable et locale, initialement inscrit en second point de l’espace réservé au groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, à l’ordre du jour d’une séance ultérieure.

Y a-t-il des observations ?

M. Alain Richard. Je demande la parole !

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Il me semble que, lors de la réunion de notre groupe, le souhait d’inverser l’ordre de ces deux points avait été émis. Ainsi, le débat sur l’alimentation durable et locale aurait lieu demain avant la suspension de séance et l’examen de la proposition de loi relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire serait reporté à jeudi.

M. le président. Apparemment, cette demande n’a pas été confirmée par votre groupe.

M. Alain Richard. Je crois pouvoir le faire !

M. le président. Cher collègue, je prends acte de votre observation, mais aucun élément ne me permet de revenir sur la proposition qui m’a été communiquée. Je m’en tiens donc à ce que je viens d’annoncer.

En conséquence, il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription, sous réserve de son dépôt et de sa transmission, du projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses dispositions de gestion de la crise sanitaire à l’ordre du jour du mercredi 28 octobre, l’après-midi et le soir, et du jeudi 29 octobre au matin. Pour ce qui concerne ce texte, il demande également l’inscription, sous réserve de leur dépôt, de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, ou de la nouvelle lecture, à l’ordre du jour du jeudi 5 novembre, l’après-midi et le soir.

En conséquence, l’examen du projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur est reporté aux jeudi 29, l’après-midi et le soir, et vendredi 30 octobre, le matin, l’après-midi et, éventuellement, le soir.

Acte est donné de ces demandes.

Nous pourrions fixer le délai limite pour le dépôt des amendements de séance en première lecture sur le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire au mercredi 28 octobre à douze heures. En cas de nouvelle lecture, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance pourrait être fixé au jeudi 5 novembre à douze heures.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

4

Rappel des règles sanitaires

M. le président. Mes chers collègues, pour le respect des règles sanitaires, je vous rappelle que le port du masque est obligatoire dans l’ensemble du palais. Il vous est demandé de laisser un siège vide entre deux sièges occupés. L’hémicycle fait l’objet d’un nettoyage et d’une désinfection chaque semaine ; les micros sont régulièrement désinfectés.

J’invite chacune et chacun d’entre vous à veiller au respect des distances de sécurité. Je rappelle également que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.

Enfin, afin de limiter la circulation de documents, vous êtes invités à utiliser vos tablettes et la fonctionnalité « En séance » sur le site internet du Sénat pour prendre connaissance du dérouleur et des amendements.

5

Plein exercice des libertés locales

Discussion d’une proposition de loi constitutionnelle et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle et de la proposition de loi organique pour le plein exercice des libertés locales, présentées par MM. Philippe Bas et Jean-Marie Bockel et plusieurs de leurs collègues (propositions nos 682 et 683 [2019-2020], textes de la commission nos 49 et 50, rapport no 48, avis no 37).

Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi constitutionnelle et de la proposition de loi organique. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

 
 
 

M. Philippe Bas, auteur de la proposition de loi constitutionnelle et de la proposition de loi organique. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion de cette proposition de loi constitutionnelle et de cette proposition de loi organique constitue un moment important.

C’est un travail de longue haleine qui doit déboucher aujourd’hui. Il a été conduit conjointement par la commission des lois et par la délégation aux collectivités territoriales. Nous nous sommes également appuyés sur le travail accompli par nos deux corapporteurs dans le cadre du suivi des lois de décentralisation, qui leur incombait au sein de la commission des lois.

Au début de cette année, le président du Sénat, Gérard Larcher, a réuni un groupe de travail. J’en étais le rapporteur général ; Jean-Marie Bockel, que je salue – il a quitté le Sénat, mais son travail mérite d’être reconnu –, en était le corapporteur. Nous avons abouti à un document publié par le président du Sénat : Pour le plein exercice des libertés locales : 50 propositions du Sénat pour une nouvelle génération de la décentralisation.

Nous avons également élaboré une troisième proposition de loi, ordinaire celle-là, que le Sénat pourra examiner au cours d’une prochaine séance.

Madame la ministre, vous vous demandez peut-être pourquoi nous avons voulu commencer – ce n’est pas le cas de votre projet de réforme – par une réforme d’ordre constitutionnel.

Je me permets de le souligner : il n’y a pas d’étape de la décentralisation qui n’ait été ouverte par une réforme de la Constitution. Ce fut le cas des lois Defferre – ces dernières furent précédées d’une révision constitutionnelle, qui a notamment érigé la région en collectivité territoriale. Ce fut le cas en 2003, lors de l’étape franchie sur l’initiative du président Jacques Chirac et de son Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, pour le renforcement de la décentralisation. Ce devrait être le cas aujourd’hui, à condition que le Gouvernement soit, comme nous, animé d’une ambition forte pour les libertés locales !

Le premier point et, pour nous, le plus important, c’est de protéger la commune, pour qu’elle ne devienne pas une coquille vide. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Le deuxième point, c’est d’empêcher que l’État ne récupère les pouvoirs qu’il décentralise. C’est la pratique française : fort de l’atavisme centralisateur hérité de l’absolutisme royal,…

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Ah !

M. Philippe Bas. … du centralisme napoléonien et de l’étatisme de la IIIe République, l’État n’a cessé d’agir pour récupérer les pouvoirs qui étaient décentralisés.

Comment a-t-on procédé en France ? Très simplement : par la norme et par l’argent. Les normes se sont multipliées ; l’autonomie financière des collectivités locales n’a cessé d’être rognée, et c’est toujours le cas aujourd’hui.

Le troisième point, c’est de garantir l’indépendance financière des collectivités territoriales. Ces dernières sont de plus en plus sous la dépendance de l’État, pour l’attribution de leurs moyens. Nous voulons donner un coup d’arrêt à cette pratique ; c’est le fait de votre gouvernement, mais c’est aussi le fait de ceux qui l’ont précédé.

Mme Françoise Gatel, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Quand même !

M. Philippe Bas. Le quatrième point, c’est de permettre à chaque catégorie de collectivités territoriales d’avoir des compétences à géométrie variable, autour d’un tronc commun. Il faut mettre un terme à cette uniformité bien française qui stérilise les initiatives. Bien sûr, il ne s’agit en aucun cas d’opposer France urbaine et France rurale.

Le cinquième et dernier point, qui a lui aussi son importance, c’est de faire en sorte que les préfets de département retrouvent le pouvoir de s’engager auprès des collectivités. Depuis des années, on a centralisé les services de l’État à l’échelle régionale. Ce faisant, on a laissé les préfets de département en marge du pouvoir d’instruire et de prendre les décisions. Évidemment, cette évolution est préjudiciable aux collectivités de proximité, qui n’ont plus d’interlocuteur suffisamment capable de s’engager à l’échelon local.

Il arrive donc que l’exercice des libertés locales soit entravé par le centralisme régional, qui, à mes yeux, ne vaut guère mieux que le centralisme de l’État.

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Très bien !

M. Philippe Bas. Pour construire l’avenir sur des fondations solides, nous proposons plusieurs éléments d’ordre constitutionnel.

Tout d’abord, nous voulons renforcer le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales. Selon nous, l’intervention du décret dans la mise en œuvre des compétences que le législateur donne aux collectivités territoriales devrait être l’exception. La règle devrait être l’exercice, par les collectivités, de leur pouvoir réglementaire, le décret servant en quelque sorte de voiture-balai. (M. François Calvet opine.)

Ensuite, il nous paraît très important d’inscrire dans la Constitution – ce serait une première – le principe en vertu duquel « qui décide paie ».

Je l’ai dit il y a un instant, une partie du pouvoir délégué aux collectivités territoriales par le législateur est récupérée du fait des normes ; mais une autre l’est également du fait des financements. On a pris l’habitude de mettre à la charge des collectivités l’application de normes nationales fort coûteuses, et l’on procède ainsi de plus en plus souvent. Si l’État décide, il doit payer : la Constitution doit garantir aux collectivités et au contribuable local que tel sera bien le cas.

De surcroît, il me paraît extrêmement important de garantir une représentation équitable des territoires dans les assemblées locales, en particulier les intercommunalités. Ces dernières ne fonctionnent pas avec une majorité et une opposition politiques. Elles prennent pour base les attentes exprimées par les représentants de chaque territoire. Quand, au sein d’une intercommunalité, on s’entend pour répartir les sièges entre les communes, l’on ne saurait ériger des obstacles mesquins ou étriqués pour s’y opposer.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. Philippe Bas. À mon sens, la jurisprudence du Conseil constitutionnel est trop sévère (Mme le corapporteur opine.), même si le principe de représentativité démographique doit naturellement être pris en compte.

Il faut créer de la souplesse. D’ailleurs, nous avons déjà voté ce principe, au sein d’une proposition de loi de révision constitutionnelle que j’ai eu l’honneur de présenter avec Gérard Larcher, président du Sénat, en février 2015 : vous voyez que nous avons de la suite dans les idées.

Dans ce texte de révision constitutionnelle, nous inscrivons de nouveau le principe de la souplesse, pour que l’on soit à l’aise dans nos intercommunalités et pour que, dès lors qu’elle existe, l’entente soit respectée.

Nous voulons aussi consacrer dans la Constitution la clause générale de compétence des communes. Je le disais : prenons garde à ce que la commune ne devienne pas une coquille vidée dans l’intercommunalité.

Il est très important que les communes se considèrent comme les actionnaires de l’intercommunalité, et non pas comme ses sujets. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.) Pour ce faire, il nous paraît essentiel de préserver leur clause de compétence générale, quelle que soit la manière dont elles choisissent de l’exercer : elles peuvent bien sûr choisir de déléguer la compétence au niveau intercommunal.

Madame la ministre, nous voulons également instituer un droit à la différenciation. Vous ne pouvez vous opposer à cette idée, puisqu’elle est au cœur de vos propres réflexions. (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)

Par ailleurs, nous voulons assurer les expérimentations locales dans un cadre juridique beaucoup plus souple que le cadre constitutionnel actuel.

Mes chers collègues, cet ensemble de dispositions constitutionnelles est extrêmement important. Il est sans doute plus important encore que les deux précédentes révisions constitutionnelles, que j’ai citées, en matière de décentralisation.

Ces dispositions sont complétées par plusieurs propositions relevant de la loi organique. Ces dernières visent, d’une part, à circonscrire le périmètre des ressources propres aux impositions de toutes natures dont les collectivités territoriales fixent l’assiette, le taux ou le tarif et, d’autre part, à renforcer les études d’impact. Cette exigence constitutionnelle fondamentale a été vidée de sa substance par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Les études d’impact doivent être dignes de ce nom…

M. le président. Il faut conclure, cher collègue.

M. Philippe Bas. … et elles doivent être prolongées par une évaluation obligatoire a posteriori ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme le corapporteur.

Mme Françoise Gatel, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la décentralisation, les libertés locales seraient-elles une utopie dans notre pays aux gènes centralisateurs ?

La peur de rompre avec la République une et indivisible est manifeste et, en la matière, nous avons accompli une longue marche à deux temps.

Le premier a été un temps en avant, avec un pas audacieux. Il a été engagé il y a quarante ans, avec les premières lois de décentralisation, suivies par la révision de 2003 et la proclamation solennelle, dans la Constitution, de l’organisation décentralisée de la République.

Le second a été un temps en arrière, avec la reprise en main des collectivités par l’accumulation des normes et la mise sous dépendance des finances locales.

Pourtant, loin de détruire l’unité de la République, la décentralisation sert l’efficacité de l’action publique. Nous le voyons positivement, avec les dispositions spécifiques aux territoires d’outre-mer et, plus récemment, avec la création de la collectivité européenne d’Alsace, ou encore, dans ma chère Bretagne, avec la territorialisation du dispositif d’investissement locatif pour le logement.

Niez le réel, et il vous revient au visage comme un boomerang !

La crise sociale des « gilets jaunes » a révélé un besoin criant de proximité et de confiance.

La crise sanitaire a prouvé et prouve encore le sens des responsabilités, la réactivité et l’agilité des collectivités locales. Elle a également montré l’impuissance d’une gestion de crise centralisée, avec un État ankylosé par de trop grandes rigidités.

Le Sénat, représentant des collectivités territoriales, ne cesse d’affirmer que l’action publique ne peut trouver son efficacité qu’en inversant notre logiciel : il faut construire à partir du principe de subsidiarité, décider de faire au niveau pertinent.

C’est dans cet esprit que le président du Sénat a constitué, au premier semestre, un groupe de travail réunissant tous les groupes politiques.

Je salue le travail accompli par les deux corapporteurs, M. Philippe Bas, alors président de la commission des lois, et M. Jean-Marie Bockel, alors président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Ce groupe de travail a formulé cinquante propositions ; en ont découlé trois propositions de loi visant à donner un nouvel élan aux libertés locales et à consacrer la pleine reconnaissance des responsabilités locales.

Nous examinons aujourd’hui les volets constitutionnel et organique de ces textes, qui visent à permettre un rééquilibrage des pouvoirs entre l’État et les collectivités locales sans toutefois provoquer un nouveau « big-bang territorial ». Il s’agit de permettre et non plus de contraindre.

Avant de céder la parole à Mathieu Darnaud, je tiens à exposer quelques-uns des objectifs retenus.

Le premier objectif est de consacrer dans la Constitution la représentativité équitable des territoires. Il se traduit par deux apports : inscrire le terme « territoire » dans la Constitution et redéfinir la représentation proportionnelle pour les collectivités locales, avec un écart maximal de 30 %, et de 50 % dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Cette disposition permettra une conciliation plus équilibrée entre l’égalité devant le suffrage et la prise en compte des territoires.

Le deuxième objectif est d’adapter les compétences des collectivités à leurs réalités locales en renforçant le pouvoir réglementaire local et en inscrivant dans la Constitution le droit à la différenciation. Ainsi, nous ouvrons la possibilité de pérenniser les expérimentations locales sur une partie seulement du territoire et la possibilité, pour le législateur, d’attribuer des compétences distinctes à des collectivités territoriales de même catégorie.

Quant à la proposition de loi organique, elle vise, par son article 1er, à renforcer les études d’impact – je sais que certains de nos collègues sont très sensibles à cet enjeu – afin que le législateur puisse légiférer plus sûrement et en parfaite connaissance de cause.

Enfin, ces propositions de loi visent à sécuriser les compensations financières des transferts de compétences de l’État aux collectivités, selon le principe « qui décide paie ». Nous pensons tous, et ce n’est qu’un exemple, aux difficultés engendrées, pour les départements, par le revenu de solidarité active (RSA).

L’article 5 de la proposition de loi constitutionnelle précise que la création, l’extension ou la modification de compétences sur l’initiative de l’État s’accompagnera des ressources équivalentes et que la compensation financière fera l’objet d’un réexamen régulier.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’avez compris : avec ces deux propositions de loi, le Sénat affirme sa conception de l’action publique. Elle se fonde sur le principe de subsidiarité et, parallèlement, elle exige de la part de l’État l’affirmation d’un champ d’action recentré sur les compétences régaliennes.

Toute crise offre des occasions à saisir. Tirons ensemble les leçons de la mobilisation des collectivités territoriales, fortes et responsables. N’ayons pas peur. Osons emprunter le chemin de la confiance et des libertés locales : c’est celui de la réussite, pour sortir notre pays de ses lourdes difficultés ! (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le corapporteur.

M. Mathieu Darnaud, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ces deux textes prouvent la constance des travaux du Sénat depuis de nombreuses années, et ils nous permettent de réaffirmer nos convictions. En particulier, comme l’a dit Philippe Bas, il est absolument nécessaire de redire aujourd’hui tout l’attachement que nous portons à l’échelon communal – j’y reviendrai.

Ces propositions sont le fruit des très nombreuses auditions menées par les deux rapporteurs, Philippe Bas et Jean-Marie Bockel, dont je tiens à saluer le travail. Je salue également l’initiative du président du Sénat : dans le prolongement de la loi Engagement et proximité, que nous avons adoptée il y a moins d’un an, Gérard Larcher a souhaité mettre une nouvelle fois en lumière l’absolue nécessité de traiter la question des libertés locales.

Bien sûr, ces sujets ô combien essentiels que sont la décentralisation et la déconcentration doivent être mis en perspective ; mais il faut également les examiner sous l’angle des libertés locales.

J’ai évoqué la question communale. Il va sans dire qu’en élevant la clause de compétence générale des communes au rang constitutionnel nous tenons également à réaffirmer notre volonté : reconnaître la commune, non seulement comme le premier des échelons administratifs, mais plus encore comme un lieu où se tisse le lien social, comme le creuset de toutes les solidarités.

La crise sanitaire que nous vivons nous rappelle, jour après jour, la nécessité de défendre la commune. Forts de ce lien de proximité, les élus municipaux, au premier rang desquels les maires, œuvrent jour après jour face à l’urgence sanitaire. Ils s’efforcent d’y apporter des réponses très concrètes. Ils agissent au quotidien afin de pérenniser cette proximité que nos concitoyens ne cessent d’appeler de leurs vœux.

Philippe Bas le rappelait il y a quelques instants : cette proximité est essentielle pour nos concitoyens. En effet, le maire et, plus largement, la mairie sont leurs interlocuteurs privilégiés.

En proposant d’inscrire cette clause de compétence générale dans la Constitution, nous disons deux choses. Tout d’abord, il faut bel et bien permettre à la commune de garder cette agilité, qui conforte et consolide le lien de proximité. Ensuite, il faut reconnaître la commune comme la porte d’entrée du bloc communal.

Les maires, comme l’ensemble des élus municipaux, se sentent trop souvent oubliés. Ils sont convaincus que toutes les décisions se prennent à l’échelon intercommunal. Dans ce contexte, nous avons besoin de réaffirmer la place de la commune dans le bloc communal, ce qui passe notamment par la sanctuarisation de la commune, au travers de ce principe constitutionnel.

Toutefois, vous m’opposerez que, si nous n’y prenons garde, aucune commune ne pourra bientôt plus agir, faute d’autonomie financière. Il faut assurer les ressources communales et définir ce que sont les ressources propres. C’est également ce que nous avons souhaité faire.

À cet égard, je salue le travail de la commission des finances et de son rapporteur pour avis, Charles Guené. Il s’agit d’un sujet éminemment compliqué, nous le savons tous ; mais l’enjeu est essentiel pour que nos communes puissent continuer à servir l’intérêt général, à répondre, au quotidien, aux aspirations de nos concitoyens.

Enfin, ce texte traite de la question ultramarine ; à cet égard, il met en exergue les travaux menés par M. Magras lorsqu’il présidait la délégation sénatoriale aux outre-mer. En supprimant l’article 6, nous avons souhaité prolonger un peu le temps de la réflexion ; mais, nous en sommes convaincus, les libertés locales doivent s’affirmer dans l’ensemble de nos territoires. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats.

Mes chers collègues, ces textes nous offrent l’occasion de tracer un nouveau sillon et d’envoyer des signaux forts à l’ensemble de nos territoires ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui deux propositions de loi, l’une constitutionnelle, l’autre organique, pour le plein exercice des libertés locales. Ces textes ont été déposés, notamment, par nos collègues Philippe Bas et Jean-Marie Bockel et font suite aux conclusions du groupe de travail sur l’avenir de la décentralisation, présidé par Gérard Larcher.

Parmi l’ensemble des mesures que comportent ces propositions de loi, deux ont justifié que la commission des finances se saisisse : c’est sur ces dispositions que je m’exprimerai. La première est la révision des modalités de compensation des charges transférées aux collectivités territoriales, avec la consécration du principe « qui décide paie ». La seconde est la redéfinition du périmètre des ressources propres des collectivités territoriales.

S’agissant du premier point, la situation se résume simplement : dans de trop nombreux cas, les compensations sont éloignées des charges que l’État impose aux collectivités territoriales.

Je souscris entièrement au principe « qui décide paie ». Mais, comme la commission des lois, j’ai estimé que le dispositif de réévaluation proposé pouvait être amélioré.

À mon sens, ce qu’il faut chercher à construire, c’est une gouvernance nouvelle par laquelle l’adéquation des ressources et des charges des collectivités territoriales serait régulièrement réinterrogée. Tel est le sens de la rédaction adoptée par la commission des lois, instituant un réexamen régulier des compensations plutôt qu’une réévaluation.

Il ne s’agit pas de se livrer à un simple jeu sémantique, mais bien de proposer un autre modèle.

Dans le cadre des dispositions examinées aujourd’hui, il reviendra au législateur organique de préciser, voire d’inventer la nouvelle forme de gouvernance que j’évoquais. À mon sens, c’est une bonne chose de construire un espace de dialogue entre l’État et les collectivités locales. Celui-ci permettra de remettre à plat régulièrement les compétences et les compensations.

S’agissant des ressources propres, question dont notre commission s’est également saisie, j’estime moi aussi qu’il est désormais temps de faire le point sur le pouvoir fiscal des collectivités locales et de revoir les équilibres de l’article 72-2 de la Constitution.

En lien avec Mathieu Darnaud et François Gatel, des simulations ont été effectuées pour estimer l’impact qu’aurait la mise en œuvre d’une redéfinition des ressources propres excluant les recettes fiscales sur lesquelles les collectivités territoriales n’exercent aucun pouvoir de taux ou d’assiette.

Il va sans dire que les ratios d’autonomie financière baisseraient par rapport à leur niveau actuel. Le point qu’a relevé la commission des finances concerne les conséquences de cette contraction à droit constitutionnel et organique constant. Vous le savez, le fait que les ressources propres doivent obligatoirement représenter une part déterminante de l’ensemble des ressources des collectivités territoriales imposerait de prendre rapidement des mesures correctives.

Pour parler simplement, il faudrait « reterritorialiser » des impôts nationaux ou créer de nouveaux impôts locaux, pour un montant de l’ordre de 35 milliards d’euros, une fois achevées la réforme de la taxe d’habitation et une éventuelle réforme des impôts de production, si cette dernière s’arrêtait là. Cela semble difficile à envisager pour des raisons tant politiques que techniques.

L’expérience de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) nous a en effet montré la grande difficulté qu’il y a à territorialiser un impôt, de même que nous n’avons pas encore trouvé comment réduire efficacement les inégalités de répartition des bases fiscales entre nos territoires.

Est-ce à dire qu’il faut rejeter cette nouvelle définition des ressources propres et ne jamais envisager de renforcer le pouvoir fiscal des collectivités territoriales ? Non, bien sûr ! Cela nous appelle en revanche à nous interroger sur le bon niveau de ressources propres que nous souhaitons prescrire et à préparer la réforme de la péréquation.

Sur ce point, la commission des finances est satisfaite de la décision de la commission des lois de proposer que les ressources propres représentent une part significative, et non plus déterminante, de l’ensemble des ressources des collectivités territoriales. Cette part devrait-elle être de 50 % ou de 33 % ? Devrait-elle être la même pour les différentes catégories de collectivités ? Faut-il même, d’ailleurs, retenir un niveau plancher ou mettre en miroir des ressources et des charges ? La rédaction proposée ouvre le champ pour ce débat, lequel, ainsi que certains d’entre nous ont pu le vérifier ce matin, est vital pour la relation entre l’État et les collectivités territoriales. J’estime que c’est une bonne nouvelle.

Mes chers collègues, les textes qui nous sont proposés répondent pleinement, s’agissant de la question des compensations et des ressources propres, aux attentes de la commission des finances ; je vous invite, par conséquent, à adopter sans réserve l’article 5 de la proposition de loi constitutionnelle ainsi que l’article 4 de la proposition de loi organique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le président, madame la vice-présidente de la commission des lois, madame et monsieur les corapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis d’être avec vous aujourd’hui pour évoquer ces deux textes, intitulés « Pour le plein exercice des libertés locales », dont je vous remercie.

Ces derniers mois, au sein de la chambre des territoires, nous avons eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises sur la décentralisation, avec, chaque fois, de riches échanges qui nous permettent d’aller plus loin dans la nouvelle donne territoriale que nous mettons en œuvre pour le pays.

La décentralisation, vous le savez, est en effet au cœur des réflexions du Gouvernement, nous en avons encore parlé ce matin lors de la rencontre entre l’État et les collectivités locales présidée par le Premier ministre en présence du président du Sénat.

L’an dernier, à l’issue du grand débat national, le Président de la République m’avait chargée de proposer un nouveau texte sur le sujet, ou, pour être tout à fait précise, sur l’évolution du cadre de relations entre l’État et les collectivités territoriales. L’objectif était clair et nous n’en avons pas dévié depuis : répondre au double besoin, très clairement exprimé par les élus et nos concitoyens, de proximité et d’efficacité des politiques publiques.

C’est la raison pour laquelle j’ai lancé, le 6 janvier dernier, à Arras, une série de concertations régionales pour recueillir sentiments, réflexions et propositions de l’ensemble des acteurs de terrain, à commencer par les élus locaux.

Dans ce cadre, si la crise sanitaire a perturbé le calendrier prévu, elle a aussi confirmé notre volonté initiale de donner plus de liberté aux collectivités – je note déjà un point de convergence sémantique –, notamment au regard de la réelle capacité d’adaptation et d’action dont celles-ci ont su faire preuve ces derniers mois, et ce, d’autant plus que le plan de relance leur confère une place majeure.

M. Philippe Bas. Très bien !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Après ces mois de réflexions et de travaux, cette vision va se concrétiser prochainement au sein de deux textes dont vous avez déjà largement entendu parler. Le 29 juillet, après validation par le Conseil d’État, j’ai présenté un projet de loi organique au conseil des ministres pour assouplir les expérimentations territoriales prévues à l’article 72 de la Constitution.

S’agissant du projet de loi ordinaire, il viendra consacrer les trois principes de décentralisation, de différenciation et de déconcentration – je tiens à préciser que cette dernière ne relève pas toujours du domaine législatif, même si elle en revêt certains aspects.

Il est prévu que ce fameux projet de loi dit « 3D » soit présenté en conseil des ministres en janvier 2021 et qu’il soit examiné au cours du premier semestre. Je poursuis en ce sens les concertations régionales ainsi que les échanges avec les associations d’élus, notamment dans le cadre de la réunion entre l’État et les collectivités locales qui s’est tenue ce matin.

Signe de la vitalité et de l’importance capitale de ces sujets pour notre pays, nous examinons ce jour deux propositions de loi constitutionnelle et organique issues des recommandations formulées en juillet dernier par le groupe de travail sénatorial.

Avant toute autre considération, je tiens à dire que je constate de nombreuses convergences de vues sur l’avenir de la décentralisation,…

M. Philippe Bas. Tant mieux !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … en particulier pour ce qui est de donner davantage de liberté aux collectivités locales, lesquelles doivent naturellement avoir les moyens d’être encore plus dynamiques face aux nombreux défis qui les concernent, ainsi que d’exclure tout nouveau « big-bang territorial », source de plus de maux que de solutions.

Je relève des convergences, donc, mais aussi – c’est naturel – un certain nombre de différences, voire de divergences, sur lesquelles je tiens à formuler quelques précisions.

Pour ce qui est du projet de loi constitutionnelle, au-delà de quelques orientations, je souhaite vous faire part d’un certain nombre de réserves. Je crois d’abord, pour citer la célèbre formule de Montesquieu, que l’on ne touche à la loi, et a fortiori à la Constitution, que d’une main tremblante. Il ne s’agit pas d’une opposition de principe puisque, vous le savez, le Gouvernement avait déposé un projet de révision constitutionnelle dont je regrette – comme vous, je suppose ! – qu’il n’ait pas abouti.

M. Loïc Hervé. Pas encore !

M. Philippe Bas. Dommage !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Merci de cet aveu ! (Sourires.) J’observe cependant, non sans plaisir, que vous en avez repris certaines formulations. Je crois toutefois, si vous voulez bien pardonner mon aspect « ancienne école »…

M. Philippe Bas. Mais non !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. … qui s’explique sans doute par une longue expérience d’élue locale et de parlementaire, que la Constitution crée, pour y prendre appui, des équilibres complexes entre l’ensemble des parties prenantes d’une nation, de la même manière, d’ailleurs, que la décentralisation.

Or ces équilibres sont le fruit d’un long travail de stratification historique, de modification très lente des rapports de force, de mouvement d’ajustement plein de gravité et que, en ce domaine, la prudence, qui est, pour Aristote, la vertu qui permet de délibérer sur ce qu’il convient de faire en fonction de ce qui est bon ou mauvais, doit dominer notre conduite à tous.

Sur certaines de vos propositions, j’assume pleinement de vouloir faire preuve de prudence s’agissant d’un cadre qui garantit déjà, aujourd’hui, de réelles possibilités d’adaptation. Vous souhaitez inscrire dans la Constitution le principe de représentation équitable des territoires et ainsi accroître les possibilités de dérogation au principe de représentation sur un fondement essentiellement démographique ; vous cherchez donc à favoriser, par exemple, une représentation plus équilibrée de toutes les communes au sein de l’intercommunalité.

Cet objectif est louable et je voudrais rappeler l’historique de cette question, car, bien que je croie fortement à la force des accords locaux pour construire les intercommunalités, force est de constater que ces derniers doivent nécessairement être encadrés pour assurer une juste représentation de toutes les communes au sein de l’espace intercommunal, j’ai d’ailleurs entendu Philippe Bas le dire il y a quelques instants.

Le cas de la ville de Salbris, dans le Loir-et-Cher, que je connais bien, nous a malheureusement démontré qu’un accord entre communes pouvait jouer de manière disproportionnée contre la ville-centre, même si je sais bien que c’est la situation inverse qui vous préoccupe régulièrement.

J’ai souvenir des nombreux travaux conduits dans cette chambre pour définir un tunnel le plus large possible. C’est ce que nous avons réalisé, en partie, cher Jean-Pierre Sueur, sans que cela contrevienne aux principes constitutionnels. Le Gouvernement considère à ce stade qu’il est préférable de s’en tenir là. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. C’est dommage !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. En ce qui concerne la clause générale de compétence, je voudrais vous rassurer sur le fait que le nul n’envisage de la remettre en cause.

M. Philippe Bas. Pas vous, sans doute !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cependant, ce principe ne me semble tout simplement pas être de rang constitutionnel. En outre, personne n’en parle plus, mais je vous rappelle que nous avons voté en décembre une loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, qui a rappelé la présence fondamentale de la commune dans l’intercommunalité et a donné des moyens renforcés aux communes.

S’agissant du principe de compensation financière des transferts de compétences ainsi que du principe d’autonomie financière des collectivités territoriales, je rappelle que notre cadre constitutionnel actuel est déjà protecteur et équilibré. Quand l’État transfère des compétences, il accorde les ressources qu’il mobilisait à cette fin à la collectivité.

Bien entendu, personne ne s’attend à ce qu’il prenne à sa charge les choix ultérieurs de la collectivité ni pour compenser des décisions coûteuses ni pour lui reprendre les ressources qu’elle dégagerait par une gestion plus efficiente. Il me semble donc périlleux, voire contre-productif d’entrer dans une logique de réévaluation permanente qui serait contraire, de surcroît, au principe de responsabilité. Je rejoins en cela, en partie, la commission des finances.

Quant à votre demande d’autonomie fiscale, et non financière, je suis convaincue qu’il faut en débattre. Les régions ne disposent plus d’impôts locaux ni du pouvoir de fixer des taux, mais je vous pose la question : diriez-vous qu’elles manquent d’autonomie ? (Oui ! sur les travées des groupes CRCE, SER, UC et Les Républicains.) Je n’en suis pas certaine. (Protestations.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce n’est pas ce qu’elles disent ! (Exclamations.)

S’agissant de la proposition de fusion des articles 73 et 74 de la Constitution relatifs au régime constitutionnel des territoires ultramarins, vous savez qu’il s’agit d’un sujet extrêmement sensible et complexe. À mon sens, toute évolution devrait être précédée d’une étude et d’une concertation approfondie. Le Gouvernement entend le souhait des collectivités ultramarines de disposer de statuts sur mesure qui tiennent compte pleinement de leurs caractéristiques et des contraintes spécifiques qui s’imposent à elle.

Toutefois l’histoire institutionnelle de la Ve République, et particulièrement la révision constitutionnelle de 2003, a montré qu’il est possible de passer aisément d’une catégorie relevant de l’un de ces deux articles à l’autre, si tel est le souhait des élus et des populations concernées.

Pour ce qui est de la proposition de loi organique, je tiens à souligner la très grande proximité entre votre texte et celui que je présenterai le 3 novembre prochain, ce dont je me réjouis, tant cela nous simplifiera les choses. Il me semble que nous partons en effet du même principe : l’égalité devant la loi, nécessairement générale et abstraite, demande parfois à être contrebalancée par un principe d’équité, afin de permettre à l’État de prendre pleinement en compte la singularité de chacun des territoires et aux territoires d’exprimer cette singularité à travers des réflexions, des projets, des politiques qu’ils souhaitent mener.

Tel était d’ailleurs le sens du propos du Président de la République lorsque, dès la première conférence des territoires, ici même, en juillet 2017, il avait souligné que l’égalité qui crée de l’uniformité n’assure plus l’égalité des chances sur la totalité de notre territoire. C’est pour cela que nous allons consacrer le droit à l’expérimentation et à la différenciation au sein d’un projet de loi organique que nous examinerons ensemble dans deux semaines.

Concrètement, nous allons faciliter l’accès aux expérimentations pour les collectivités locales, afin d’ouvrir la voie à une différenciation durable, non pour rompre l’égalité des territoires devant la loi – les garde-fous sont nombreux et puissants –, mais pour adoucir certaines rigidités parfois stérilisantes.

Vous avez l’objectif de pérenniser les expérimentations sur une partie seulement du territoire ; j’y suis évidemment favorable, mais je crois que nous devons aller plus loin et faciliter aussi le processus d’entrée dans l’expérimentation. En effet, les collectivités ne sont souvent pas demandeuses de transferts généralisés de compétences, mais d’adaptations locales. Or l’expérimentation permet précisément de répondre à ce besoin ; il faut donc inciter les collectivités territoriales à y recourir en simplifiant les procédures, par exemple en supprimant le rapport annuel du Gouvernement, mais pas le reste.

L’expérimentation est, par nature, une phase de test à l’issue de laquelle il faut procéder à une évaluation afin de décider s’il convient de la pérenniser sur tout ou partie du territoire ou de l’abandonner. C’est pourquoi je propose de maintenir la borne de cinq ans prévue aujourd’hui par notre Constitution. Tel est l’objet du second amendement du Gouvernement, le premier concernant les procédures.

Vous le savez, cette nouvelle étape de la décentralisation sera concrétisée par le projet de loi 3D que je porte, au premier semestre de l’année prochaine, puisque ce dernier hébergera les premières expérimentations lancées sur la base du nouveau corpus que nous allons bâtir ensemble.

Depuis 2017, nous agissons pour, partout, débrider les initiatives et les projets des collectivités territoriales qui inventent, au quotidien, l’avenir de notre pays. C’est pour cela que nous déployons également plusieurs programmes d’aménagement du territoire : Action cœur de ville, Territoires d’industrie, Petites villes de demain, en liaison avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires créée au 1er janvier 2020, lesquels, par la dynamique qu’ils suscitent, démontrent toute leur pertinence, a fortiori dans le contexte actuel de crise sanitaire. Ils seront de très importants vecteurs pour la relance.

Il me semble désormais que nos deux textes constituent le point d’orgue de notre action pour les territoires, parce qu’ils reposent sur des principes clés qui guident notre action depuis plus de trois ans, c’est-à-dire la confiance et la liberté, et donnent de nouveaux moyens concrets pour imaginer et pour mettre en œuvre les milliers de projets et d’initiatives qui, sans cela, n’auraient peut-être pas vu le jour. (M. Alain Richard applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Éric Kerrouche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, oui, il faut faire « confiance aux territoires ». Oui, il faut « une nouvelle génération de la décentralisation ». Cette ambition, réaffirmée par le président Gérard Larcher, nous la partageons, ainsi qu’en a témoigné notre proposition de résolution pour une nouvelle ère de la décentralisation adoptée par le Sénat au mois de juin.

Il semble que le Premier ministre la partage également, au moins dans les discours.

Faisant preuve d’un jacobinisme absolu au service d’un libéralisme assumé, l’exécutif, à chaque crise, tend à se rendre progressivement compte du rôle des collectivités locales et de l’impasse de la verticalité : crise des « gilets jaunes », crise sanitaire et, désormais, menace terroriste.

Pointant hier cette double crise, le Premier ministre en appelait à « travailler de concert » pour combattre le terrorisme et engager une relance « ancrée dans les territoires ».

Alors, quelle décentralisation souhaitons-nous pour que la République tienne toutes ses promesses et ne perde aucun territoire ? Quelle décentralisation souhaitons-nous pour remettre le service public au cœur de nos politiques publiques locales et redonner confiance aux citoyens ? Quelle décentralisation souhaitons-nous pour une « République jusqu’au bout » ? C’est une des questions que pose une actualité sidérante à maints égards.

Si nous partageons une culture commune des territoires, nous avons cependant une différence d’appréciation globale : le texte fait le « pari de la liberté ». Nous ne nous opposons pas à ce principe : la loi de 1982, défendue par Gaston Defferre, était intitulée « droits et libertés ». En revanche, seul, le paradigme de la liberté ne nous semble pas suffire à appréhender la décentralisation. En d’autres termes, le territoire ne peut être le lieu de la guerre de tous contre tous. Notre groupe est plus attaché aux principes d’égalité – qui ne signifie pas uniformité – et de fraternité entre les territoires qui nous a sans doute collectivement fait défaut. C’est, en tout état de cause, la condition du juste équilibre de l’aménagement du territoire.

S’agissant des deux textes que nous examinons aujourd’hui, nous nous rejoignons sur plusieurs points : la constitutionnalisation de la clause de compétence générale des communes par une reprise de la loi de 1884, l’assouplissement des modalités de l’expérimentation, la différenciation des compétences – sur ce point, la rédaction issue de la commission nous semble plus opportune et plus conforme à l’avis du Conseil d’État –, la différenciation normative – l’amendement d’Alain Rousset adopté à l’Assemblée et supprimé par le Sénat après d’âpres débats pendant l’examen de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), a manifestement fait son chemin –, l’autonomie financière, enfin, tant il convient de contrecarrer le processus de recentralisation financière à l’œuvre depuis 2017 via la suppression de la taxe d’habitation et, désormais, d’une partie des impôts de production.

En revanche, nous divergeons sur certains points, et nous considérons que le texte souffre encore de certaines incomplétudes, singulièrement parce qu’il touche à la Constitution, justifiant certains de nos amendements que je vais rapidement énumérer.

Nous entendons supprimer la constitutionnalisation du principe d’une représentation équitable des territoires à l’article 1er, car une modification de l’article 72 suffirait. Certes, la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la représentativité est trop limitative ; toutefois, l’inscription d’un « tunnel » de 50 % pour les EPCI nous semble excessive. Il n’est pas possible que l’avis d’un élu puisse avoir le poids de celui de trois autres ; cela reviendrait à déséquilibrer complètement le fonctionnement des conseils communautaires. Je rappelle, pour ceux qui l’ont oublié, qu’il s’agit d’une jurisprudence du Conseil constitutionnel. Un écart maximal de représentation de 33 % nous semble suffisant, en cohérence avec nos positions précédentes.

Nous considérons également que la prise en compte de l’intérêt général est importante.

Nous proposons, pour le symbole, une loi de financement des collectivités territoriales, ainsi que le droit de vote des étrangers alors même que ceux-ci s’acquittent de la contribution publique.

Enfin, mes chers collègues, nous appelons de nos vœux l’intégration de nouveaux indicateurs dans les études d’impact, parce qu’il faut en finir avec le fétichisme du PIB.

L’ensemble de la discussion et le sort réservé à nos amendements détermineront notre vote final.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien que j’aie pu intervenir à plusieurs reprises depuis le début de mon nouveau mandat, qu’il me soit permis de remercier la soixantaine de maires qui m’ont reçu durant la campagne des élections sénatoriales du mois de septembre ainsi que les 205 grands électeurs, qui n’étaient pourtant pas de ma paroisse sur le papier, qui m’ont accordé leur soutien, me permettant aujourd’hui d’avoir le plaisir – partagé, j’en suis sûr ! – de m’exprimer ici ce jour pour rappeler que, si cette confiance m’a été accordée, c’est parce qu’elle repose essentiellement sur la ligne qui a été la mienne pendant les six dernières années au Sénat et les cinq années passées à la métropole d’Aix-Marseille-Provence : la défense des libertés communales. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Les communes sont, comme l’a rappelé le président de notre illustre assemblée, le socle de notre République. J’ajoute qu’elles constituent le quotidien de chaque citoyen. La proposition de loi qui vise à graver dans le marbre de la Constitution la clause générale de compétence et la libre autonomie des communes est frappée au coin du bon sens, car les communes ne fonctionnent que par et pour cela : le bon sens, l’efficacité au service quotidien des citoyens.

Elles reposent sur les réalités, aux antipodes de l’action du Gouvernement. S’il fallait s’en convaincre, durant la crise du covid du mois de mars, les conséquences de l’impréparation et de l’incompétence du Gouvernement ont été atténuées par les initiatives des maires. Heureusement que ceux-ci et leurs adjoints étaient sur le terrain pour protéger leur population.

Comme il ne suffit toujours pas au Gouvernement d’enfreindre la liberté communale, il porte aujourd’hui atteinte aux libertés économiques comme le montre le couvre-feu imposé à la métropole d’Aix-Marseille-Provence – pardonnez-moi d’y revenir, c’est celle que je connais le mieux. On traite ainsi Marseille et Aix-en-Provence comme Rognac, Mimet, Éguilles ou Simiane-Collongue, sans prendre en considération les maires de ces communes qui, pourtant, connaissent parfaitement la situation sanitaire et économique de leur ville, qui ne correspond pas nécessairement à celle de la ville-centre.

On est donc loin des libertés communales, comme en ce qui concerne la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), une loi idéologique imposée aux communes alors que les mairies n’en ont pas besoin, qu’elles ne disposent pas du foncier nécessaire, mais sont considérées comme délinquantes lorsque les logements sociaux ne sont pas construits et frappées de pénalités.

M. Stéphane Ravier. Où est donc la libre autonomie, en particulier quand l’État réduit ses dotations financières, réveillant un autre atavisme centralisateur, celui des métropoles ? Je vous mets en garde, mes chers collègues, contre ce nouveau jacobinisme incarné par les métropoles. Rendons la liberté aux mairies et aux communes, à condition de leur en donner les moyens financiers et les prérogatives pour fonctionner au service de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)

M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, la situation liée à la pandémie de covid-19 nous permet d’apprécier la réactivité et l’étendue des actions menées sur le terrain, au service des citoyens, par les collectivités locales.

Or depuis plusieurs années, force est de constater une tendance inacceptable à la recentralisation. Cette évolution s’observe d’abord au niveau financier, par un contrôle intrusif exercé sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, mais également par l’assèchement de leurs ressources, notamment la suppression de la taxe d’habitation.

Cette évolution se vérifie également au niveau normatif. La liberté des collectivités territoriales est mise à mal par un nombre excessif de normes réglementaires, l’initiative locale se traduisant par la seule mise en œuvre de politiques nationales. Depuis plusieurs années, on assiste à une recentralisation à marche forcée. En matière de décentralisation, au plus on en parle, au moins on le fait.

Les propositions de loi constitutionnelle et organique que nous examinons cet après-midi traduisent les conclusions du groupe de travail du Sénat sur la décentralisation présidé par le président Gérard Larcher. Elles visent à donner un nouvel élan aux libertés locales et à consacrer leur reconnaissance.

Ces deux textes visent ainsi quatre objectifs : la représentation équitable des territoires, l’adaptation des compétences des collectivités aux réalités locales, la garantie de l’autonomie financière des collectivités et la réforme du statut constitutionnel des territoires ultramarins.

Je m’attarderai sur trois points en particulier.

Le premier concerne la nécessité de protéger la clause de compétence générale des communes. La commission des lois a modifié la rédaction de l’article 4 de la proposition de loi constitutionnelle avant de l’adopter. J’approuve cette décision, et je me réjouis qu’à la formulation initialement proposée, qui visait à clarifier le contenu effectif de la clause de compétence générale, elle ait préféré la formulation traditionnelle de cette clause, selon laquelle le conseil municipal « règle par ses délibérations les affaires de la commune ». Cette rédaction apportera une plus grande sécurité juridique.

Le deuxième point que je souhaite relever concerne l’article 5 de la proposition de loi constitutionnelle, article qui vise à titre principal à garantir la pleine compensation financière des compétences dont l’exercice est attribué aux collectivités locales, selon le principe « qui décide paie ».

Je rejoins la position de la commission des lois, qui a apporté plusieurs modifications à cet article, tirant ainsi les conclusions du choix opéré sur la redéfinition des ressources propres en inscrivant la notion de « part significative des ressources totales » à l’article 72-2 de la Constitution.

Elle a également remplacé la notion de « réévaluation régulière » par celle de « réexamen régulier », afin que la mise en œuvre du dispositif permette d’envisager, à terme, une renégociation concertée et une révision de la gouvernance des finances locales.

Enfin, elle a précisé le dispositif de compensation financière pour qu’il ne s’applique qu’aux seules modifications des conditions d’exercice des compétences de ces collectivités territoriales résultant de décisions de l’État.

Le troisième et dernier point que je souhaite aborder porte sur la nécessité de rénover le régime constitutionnel des collectivités d’outre-mer. Afin que ces dernières disposent d’un cadre constitutionnel plus souple, qui permette d’adapter davantage leurs institutions aux réalités locales, l’article 6 de la proposition de loi constitutionnelle prévoit de fusionner les articles 73 et 74 de la Constitution. Je me félicite tout particulièrement de ce que la commission des lois ait considéré que le contenu de cet article était équilibré.

Madame la ministre, mes chers collègues, partageant pleinement les objectifs visés par ces deux propositions de loi, le groupe Les Indépendants, particulièrement attaché au maintien des libertés locales au cœur de notre organisation administrative, votera ces textes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis un peu candide, car nouveau parmi vous ; avec cette candeur qui caractérise les jeunes sénateurs, je m’attendais à trouver un triptyque – constitutionnel, organique, ordinaire – incluant le travail que vous avez accompli, désormais connu sous le titre « 50 propositions de Gérard Larcher ».

Je dois donc avouer une certaine déception, car il me paraît que ce texte a essentiellement une valeur déclarative. Les déclarations, en particulier les déclarations de bonnes intentions, sont toujours bonnes à prendre, me direz-vous.

Il est vrai que nous partageons les principes que vous posez et votre état des lieux. Les collectivités locales – trente ans de décentralisation en attestent – sont le bon levier pour agir en proximité. La crise sanitaire a d’ailleurs montré le rôle essentiel des collectivités pour agir dans l’urgence et apporter les réponses adaptées aux attentes et aux besoins de la population.

Les écologistes disent souvent : « agir local, penser global ». Nous devons le transcrire dans la loi et le vivre au jour le jour pour rendre la vie quotidienne de nos administrés – car je suis aussi élu d’une petite commune de 6 000 habitants des Bouches-du-Rhône – plus simple et plus facile à gérer.

Nous attendons effectivement, monsieur Bas, un certain nombre d’aménagements et de décisions.

Garantir l’indépendance financière ? C’est nécessaire ! Mais comment le faire sans passer par une loi de financement des collectivités territoriales ?

Donner une compétence variable à chaque collectivité ? Certes ! Mais pas sans un cadre parfaitement établi, car une telle différenciation ne doit pas déboucher sur une compétition entre les territoires.

Renouveler et encourager la démocratie locale ? Très bien ! Mais comment y parvenir tant que les représentants des intercommunalités et des métropoles ne sont pas élus au suffrage universel direct ? Les exemples récents de Marseille et de Grenoble nous ont montré que c’était compliqué.

Encourager une citoyenneté active ? Bien entendu ! Mais comment le faire sans libérer le recours aux outils de la démocratie participative, notamment aux lois référendaires ou « pétitionnaires » ?

J’arrête cette énumération, même si je pourrais continuer longuement. Nous pensons que le renouvellement de notre démocratie locale ne figure pas dans ce texte. Nous estimons que la coopération territoriale et le recours à la contractualisation pour renforcer la réciprocité entre territoires urbains et ruraux auraient dû faire l’objet d’un amendement : il est trop tard pour en déposer un sur ce texte ; nous le ferons ultérieurement. Nous devons sortir d’une logique de concurrence territoriale et encourager les pôles de coopération territoriale.

Enfin, nous craignons que ce texte ne participe quelque peu à l’affaiblissement des intercommunalités, qui sont pourtant aujourd’hui un maillon incontournable et un partenaire privilégié des régions. Chacun l’aura compris, on est toujours le centralisateur d’un autre : l’État est trop centralisateur, la région est trop centralisatrice, la métropole est trop centralisatrice… Mais si, d’échelon de gestion des services, ces organisations territoriales, par exemple les régions et les intercommunalités, devenaient de véritables instances d’organisation stratégique de politiques publiques de proximité, peut-être parviendraient-elles à accepter une centralisation très souvent abusive.

Malgré les réserves que je viens d’indiquer, nous estimons, chers collègues, que de nombreux points défendus sont positifs, comme la clause de compétence générale des communes. Toutefois, en l’état, nous ne pouvons voter ce texte. C’est pourquoi nous déciderons de notre position à la fin du débat, en fonction des amendements qui seront adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard.

M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous statuons, cet après-midi et ce soir, sur l’initiative de groupes politiques qui entendent apporter un accroissement, d’ailleurs plutôt volumineux, à la Constitution sur le champ des relations entre l’État et les collectivités territoriales, relations que ces groupes se donnent pour objectif de transformer en profondeur.

En prenant un peu de recul, j’observe qu’il y a dix-huit ans une majorité politique identique portait la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, qui, de manière beaucoup plus sobre, a établi deux principes qui ont leur place dans la Constitution : celui de la République décentralisée et celui de la garantie des ressources financières des collectivités territoriales.

J’ajoute, pour montrer que l’enthousiasme à élargir la Constitution produit parfois peu d’effet, que, pour compléter le principe selon lequel les collectivités s’administrent librement par des conseils élus, un article 72-1 avait alors été introduit dans la Constitution pour permettre l’organisation de votes directs des citoyens – votes indicatifs ou délibératifs suivant les cas. Or si l’on fait le bilan des dix-sept dernières années, il en a été fait dans nos collectivités un usage particulièrement parcimonieux.

J’estime que cette proposition est d’ordre non pas constitutionnel, mais législatif. Une telle démarche a pour effet de « délayer » la Constitution en la faisant statuer sur des domaines qui ne sont pas de son niveau et de rigidifier la loi : des textes que l’on devrait pouvoir faire évoluer dans le temps par des lois sont ainsi figés dans la Constitution, leur modification nécessitant une procédure beaucoup plus contraignante, au point qu’il est parfois impossible de les modifier, comme nous le voyons sur un certain nombre d’autres sujets.

Nous pensons donc nous positionner de façon défavorable à cette proposition de loi constitutionnelle, et cela en raison de deux objections majeures.

La première tient à l’inscription dans la Constitution d’une faculté de créer des écarts de représentation de 1 à 3 entre citoyens pour l’élection de représentants au sein d’une même assemblée.

Je rappelle d’ailleurs à ceux qui font reproche au Conseil constitutionnel d’avoir établi une relation chiffrée de 1 à 1,5, c’est-à-dire de 80 % de la moyenne à 120 % de la moyenne de population représentée, que cette disposition a été adoptée dans les deux assemblées lors de la révision des circonscriptions en 2009. Tout le monde a alors trouvé naturel de limiter à un écart de 1 à 1,5 le pouvoir de vote et le pouvoir de participation à la délibération générale entre deux citoyens.

Je ne crois pas qu’il soit heureux de porter cet écart de 1 à 2 pour l’élection des assemblées territoriales – dans les conseils départementaux, certains représentants de canton auraient le même pouvoir de vote que deux représentants des cantons voisins – et de 1 à 3 pour l’élection des assemblées intercommunales. Cela nous paraît revenir sur un des principes ancrés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

La deuxième objection sérieuse qui nous conduit à nous opposer à cette proposition est la volonté d’affaiblir, voire, en creux, d’abolir le pouvoir de l’État en matière de régulation des services publics lorsqu’ils donnent lieu à des transferts de compétences. L’idée de priver l’exécutif de son pouvoir réglementaire d’application de la loi lorsqu’il tend à régir des compétences qui ont été décentralisées, en oubliant que ces mêmes compétences consistent à exercer des services publics et à assurer des missions d’intérêt public au service des citoyens, cette idée de priver l’exécutif du pouvoir d’établir des normes générales qui sont des garanties d’égalité entre les citoyens nous paraît imprudente et insuffisamment délibérée.

J’ajoute qu’il existe un principe constitutionnel d’accessibilité du droit, en vertu duquel un citoyen doit pouvoir retrouver aisément quel est le droit applicable. Or, si certaines lois différaient dans leurs règles d’application entre nos 100 départements, cette accessibilité du droit deviendrait un défi.

Si ses auteurs ont sans doute des intentions louables, il me semble qu’il y a dans l’inspiration de cette proposition de loi constitutionnelle quelques préoccupations qui ne relèvent pas uniquement de la pensée éthérée et constitutionnelle, et que nous devons nous opposer à ces excès.

En revanche, comme l’a dit Mme la ministre, la proposition de loi organique, elle, établit un schéma de déroulement et de conclusion des expérimentations qui se rapproche du travail préparé par le Gouvernement après de longues concertations. Nous n’avons pas d’objection à cette proposition de loi organique et nous la soutiendrons. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vaste projet pour nous que de vouloir garantir le plein exercice des libertés locales ! Vaste projet, car les vagues de décentralisation se sont succédé, les transferts de compétences également, mais les moyens financiers, eux, se sont souvent réduits.

En parallèle, le rôle des élus a lui aussi évolué – je pense en particulier aux maires de petites ou très petites communes comme il en existe beaucoup chez moi, en Lozère.

D’abord, la montée de l’individualisme a profondément changé le rapport maire-administrés. Loin de la figure tutélaire, le maire est souvent désigné comme le premier responsable des dysfonctionnements face à des administrés toujours plus exigeants.

Ensuite, l’inflation législative a créé de nombreuses contraintes pour nos territoires : ils n’ont souvent ni les moyens financiers ni l’ingénierie nécessaires pour y faire face.

Dernière évolution, et non des moindres, l’intercommunalité, qui, si elle peut être un formidable catalyseur à l’échelon local, a aussi ses failles – nous les connaissons. La principale est la faible représentation des petites communes, qui fait que certaines d’entre elles, faute d’être considérées, se désintéressent du fait intercommunal, voire s’y opposent frontalement.

Si les objectifs de ces propositions de loi sont louables, le RDSE est partagé sur la mise en œuvre proposée – nous y reviendrons.

Concernant les dispositions visant à garantir une représentation équitable des territoires, notre groupe, comme en 2014, est pleinement favorable à la constitutionnalisation de ce principe. Sa mise en œuvre concrète, par la hausse des limites maximales d’écart de représentation, est une avancée appelée depuis de nombreuses années par les élus des petites communes et par le RDSE. Nous ne pouvons donc qu’y être favorables. Couplée à cette mesure, la clause générale de compétence vient rappeler l’importance de la commune dans l’édifice juridique français.

S’agissant de l’adaptation des compétences des collectivités aux réalités locales, nous sommes favorables aux dispositions de l’article 2 de la proposition de loi constitutionnelle, qui permet de clarifier l’exercice du pouvoir réglementaire local. Cet article s’inscrit dans la droite ligne du principe de libre administration des collectivités reconnu par l’article 72 de notre constitution. Cet ajout permettra la différenciation prévue à l’article 3.

L’octroi de compétences distinctes à des collectivités locales de même échelon, s’il peut parfois s’avérer nécessaire, doit rester calibré pour être efficace. Notre crainte est une différenciation sans borne qui conduirait à une disparition progressive des trois échelons que sont la région, le département et la commune. Or force est de constater que cette version ne nous satisfait pas : l’alinéa 8 de l’article 3 de la proposition de loi constitutionnelle renvoie à une future loi organique, mais ne donne pas de cap.

Plus globalement, la méthode employée nous dérange. Personne ici n’est sans savoir que le projet de loi 3D sera prochainement examiné. C’est pourquoi l’examen de ce texte, inscrit à l’ordre du jour il y a quelques semaines seulement, nous interroge. Non pas que le Sénat ne devrait plus prendre d’initiatives – loin de là –, mais, sur ces sujets de grande importance, tâchons de travailler en bonne intelligence pour établir un texte à la hauteur des attentes des élus locaux.

Pour en revenir aux textes que nous examinons, je rappelle que le RDSE a toujours été favorable à l’autonomie fiscale et financière des collectivités locales, mais l’autonomie proposée par la majorité sénatoriale suscite des inquiétudes sur nos travées. Si le RDSE est attaché à la liberté, nous estimons qu’elle ne doit pas s’apparenter à une concurrence organisée entre les territoires. Nous craignons que l’autonomie que vous proposez ne débouche sur une mise à mal de la péréquation, avec des communes riches qui vont devenir toujours plus riches et des communes pauvres qui vont l’être encore plus.

Élue d’un département hyper-rural, ces questions me touchent tout particulièrement ; c’est pour cela que j’en appelle à votre vigilance. On me répondra que les transferts de compétences sont compensés intégralement à date de ces transferts, mais il y a aussi des charges financières qui continuent d’augmenter. Par exemple, les départements ont la charge de l’aide sociale, qui – crise oblige – va continuer à augmenter.

Si nous sommes naturellement favorables aux mesures visant à consacrer une représentation équitable des territoires, nous avons des craintes quant à vos conceptions de la différenciation et de l’autonomie fiscale et financière des collectivités territoriales.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, mes chers collègues, dans la liberté qui le caractérise, le groupe RDSE sera partagé entre abstention et vote favorable sur ces deux propositions de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le titre des propositions de loi que nous examinons aujourd’hui, « pour le plein exercice des libertés locales », nous amène inévitablement à questionner ce périmètre.

Commençons par ce qui nous rassemble et par ce que nous partageons.

Nous partageons tout d’abord le constat des résultats désastreux des réformes qui se sont enchaînées, tant de l’organisation des collectivités que de la fiscalité locale. Au cours des dernières années, les principes de libre administration et d’autonomie financière des collectivités ont été méprisés par les gouvernements.

La réforme de la taxe d’habitation, puis la baisse de la fiscalité économique locale proposée dans le projet de loi de finances pour 2021 se situent malheureusement dans cette droite ligne.

Les élus locaux sont à bout face à l’érosion de leurs marges de manœuvre et face au comportement autoritaire du Gouvernement, qui leur impose cette austérité budgétaire. Aucune collectivité ne se satisfait de cette situation, madame la ministre. Chacune essaie pourtant de s’en sortir tant bien que mal, mais, au final – nous le savons –, ce sont nos concitoyens qui demain paieront plus pour avoir accès aux mêmes services publics locaux.

Puisque nous nous retrouvons sur ces constats, nous partageons aussi une partie des solutions. Tout d’abord, la reconnaissance dans la Constitution de la clause générale de compétence des communes est une bonne chose.

Depuis quelques années, cette clause est régulièrement mise à mal. Elle a d’ailleurs été supprimée pour les départements et les régions, ce qui est fort regrettable – nous le mesurons davantage encore à l’aune des interventions nécessaires pour faire face à la crise sanitaire. Réaffirmer cette clause pour les communes va dans le bon sens ; nous l’avons d’ailleurs toujours défendue.

Cette clause de compétence assure aux élus locaux de l’espace, de la liberté pour innover, adapter sur le terrain tout en restant dans le cadre républicain de l’égalité des citoyens devant la loi. Car oui, monsieur Ravier, la loi est la même pour tous et partout en République. Cela ne remet pas en cause la libre administration des collectivités territoriales, mais garantit à chacune et à chacun, quelle que soit sa condition sociale et territoriale, d’être un citoyen de la République. Je note d’ailleurs que M. Ravier, bien que passionné par les collectivités territoriales, nous a déjà quittés…

Indissociable de la liberté locale, l’autonomie financière est le levier d’action des élus : sans finances, il n’y a pas de compétences. Les coupes dans les ressources propres sont depuis trop longtemps dissimulées de manière artificielle par le remplacement d’impôts locaux avec un pouvoir de taux par des compensations et transferts de parts d’impôts nationaux.

Nous évoluons vers une fiscalité locale recentralisée, qui est non plus un outil budgétaire dans les mains des élus, mais un outil d’assujettissement du Gouvernement. Sans capacité d’action locale ni maîtrise des ressources financières, le lien entre citoyens et élus locaux s’étiole, et la démocratie locale, vidée de toute concrétisation, perd tout son sens.

Ne nous cachons pas derrière la crise sanitaire pour expliquer les faibles taux de participation aux élections municipales : ils s’expliquent par l’incapacité dans laquelle les élus locaux se trouvent aujourd’hui à répondre aux besoins de plus en plus urgents de leurs concitoyens.

Dans ce partage des constats et des solutions, il y a toutefois un « mais ». Prudents, il nous faut l’être sur le périmètre de ce que chacun nomme « libertés locales » et sur ce que nous sommes tentés d’y faire entrer : à chacun sa définition, certes, mais il nous faudra in fine en avoir une définition commune.

La crise actuelle a créé une tension inévitable et incontestable entre le local et le national. L’action et la communication gouvernementales ont beaucoup déçu. De nombreux élus et citoyens se sont retrouvés démunis, et encore aujourd’hui, madame la ministre, face à l’absence de concertation pour l’instauration du couvre-feu.

Des velléités d’indépendance accrue ont donc pu se développer dans ce climat prônant un pouvoir local plus apte que le national à réagir. C’est souvent vrai, mais de telles demandes peuvent aussi se trouver mêlées aux désirs et particularismes locaux qui menacent le cadre républicain d’unicité et d’indivisibilité de la France, d’où le besoin de plus de décentralisation, mais aussi de plus de République, de plus de déconcentration pour sécuriser l’action des élus locaux.

C’est dans ce contexte que vous proposez d’introduire les concepts de représentation équitable des territoires et de différenciation territoriale. Les débats à ces sujets sont légitimes et doivent nourrir notre réflexion.

La différenciation que vous proposez de développer par l’attribution de compétences différentes aux collectivités et la possibilité de déroger aux lois et règlements nationaux nous paraissent dangereuses en l’état. Comme l’indiquent les auteurs des propositions dans l’exposé des motifs, cela aboutira à moins de normes, à moins de contraintes,…

M. le président. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Cécile Cukierman. … mais aussi – j’en termine, monsieur le président – à moins de protection pour les citoyens. Il y a donc de réels risques de ne plus contrôler ce que la différenciation créera.

En cette période compliquée, la prudence nous semble donc être le maître mot. C’est pourquoi, en l’état, le groupe CRCE votera certains articles, mais il ne votera pas ces propositions de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

Mme Dominique Vérien. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur ces travées, depuis toujours, nous veillons à l’autonomie et au respect de nos collectivités. Nous veillons à ce que leurs dotations ne baissent pas et à ce que les élus soient reconnus. Pour autant, nous n’avons pas toujours été entendus, en particulier lors du débat sur la loi NOTRe, loi que beaucoup aujourd’hui considèrent comme funeste.

Aujourd’hui, si j’ai bien compris ce que nous a expliqué le Premier ministre, ici même, au Sénat, la commune n’est plus une entité grenouille à faire grossir en bœuf. Le département semble même retrouver ses lettres de noblesse. Il me paraît donc que le moment est à saisir pour repenser, adapter, voire alléger le fonctionnement de nos collectivités.

Tel était l’objectif de la délégation aux collectivités territoriales dont je salue, au nom du groupe Union Centriste, l’ancien président Jean-Marie Bockel, qui a su traduire la volonté des élus locaux dans les « 50 propositions pour le plein exercice des libertés locales ». Ces 50 propositions ont donné naissance à trois propositions de loi dont nous étudions aujourd’hui les volets constitutionnel et organique.

Au travers des présentes propositions de loi, quatre objectifs sont recherchés : assurer une représentation équitable des collectivités, adapter leurs compétences à leur réalité, garantir leur autonomie financière et, enfin, réviser le régime constitutionnel de nos collectivités ultramarines.

Une représentation équitable implique que l’écart entre le nombre d’élus représentant le territoire et le nombre d’élus censés le représenter en fonction de sa démographie puisse atteindre 50 %.

Combien de communautés de communes ou de communautés d’agglomération dysfonctionnent-elles, parce que les plus petites communes n’ont plus voix au chapitre et que la ville-centre, majoritaire à elle seule, gère l’agglomération comme si c’était chez elle, et uniquement chez elle ? Et je ne parle pas de la métropole de Lyon au sein de laquelle certaines communes ne sont plus représentées, niées, trop petites, alors que le confinement nous a prouvé la véritable utilité des petites communes.

Parlons des compétences, maintenant.

Ces textes permettront une adaptation des compétences en fonction de ce que les collectivités peuvent, veulent ou non réaliser. Il me semble que c’est le volet le plus difficile à mettre en œuvre. Il est clair que le fait de permettre à une collectivité d’exercer une mission qu’elle souhaite exercer alors que, dans la collectivité voisine, c’est à un autre échelon que l’affaire se traite, cela revient à créer de l’inégalité.

Mais doit-on empêcher une commune de réaliser une action qui relève du ressort communautaire si l’EPCI ne s’en saisit pas ? Les communes en question, me direz-vous, disposent peut-être de moyens que les autres n’ont pas. Mais peut-être veulent-elles justement mettre les moyens que d’autres ne souhaitent pas y consacrer. Et peut-être est-ce cela justement faire de la politique ?

C’est pourquoi il est bon de voir un texte limitant le pouvoir réglementaire national sur les collectivités, tout comme il est bon de constitutionnaliser la clause de compétence générale des communes.

Alors, c’est vrai, il n’y aura pas les mêmes avantages à vivre dans la collectivité X que dans la collectivité Y, mais c’est à cela que servent les élections : choisir ses élus et son cadre de vie.

J’aimerais également saluer la reconnaissance dans la proposition de loi organique des études d’impact et des avis du Conseil national d’évaluation des normes, ainsi que la possibilité introduite par nos collègues socialistes de faire appel à des organismes publics indépendants pour réaliser ces études d’impact.

Toujours parmi les sujets de satisfaction, j’ajoute l’allongement de la période d’expérimentation et la possibilité, au terme des expérimentations, de les étendre à tout ou partie – et c’est bien entendu le mot « partie » qui m’intéresse – du territoire.

Évoquons les ressources, ensuite.

Comment ne pas approuver que celles-ci puissent être déconnectées des impôts nationaux, sur lesquels les collectivités n’ont aucune prise ? Par ailleurs, on nous retire la taxe d’habitation, coupant ainsi un lien fort – quand bien même n’est-il pas agréable – entre la commune et ses habitants. Tailler dans les ressources propres des communes revient à mettre ces dernières sous tutelle, car on les rend ainsi dépendantes des dotations. Comment définir une politique si l’on ne peut définir les moyens à y consacrer ?

Je comprends donc cette dissociation même si, là encore, je crains que nous n’attendions longtemps avant que celle-ci puisse s’appliquer. En revanche, et cela devrait être mis en place rapidement, il est indispensable de prévoir le réexamen régulier des moyens affectés aux politiques décentralisées. Je peux citer l’Yonne, département de 350 000 habitants auquel, avant la crise, il manquait 50 millions d’euros pour boucler le budget lié au revenu de solidarité active (RSA), compte tenu de ce que lui donne l’État.

Cela doit nous servir d’exemple, afin que nous n’acceptions pas une nouvelle décentralisation – quand bien même serait-elle souhaitée – sans compensation financière et sans clause de réexamen régulier.

Mentionnons les collectivités ultramarines, enfin.

Notre groupe compte des élus ultramarins, qui ont su nous sensibiliser à leurs problèmes. Notre collègue Lana Tetuanui a proposé plusieurs amendements, qui ont été rejetés par la commission. Ils visaient à aider la collectivité de Polynésie – mais les difficultés rencontrées par les uns doivent l’être par les autres – à mieux s’administrer.

Pour autant, dans sa sagesse, la commission a limité l’intervention de ces propositions de loi sur les articles 73 et 74 de la Constitution, ouvrant le débat, mais préférant laisser mûrir les sujets avant de les faire entrer dans la loi.

En conclusion, je rappelle que toutes nos collectivités – je dis bien « toutes » –, si proches ou lointaines soient-elles de Paris, ont besoin de souplesse et de réactivité de la part de l’État. Toutes ont besoin de bon sens et d’agilité. Ces propositions de loi en apportent : c’est pourquoi le groupe Union Centriste les votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marc Boyer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, confiance, proximité, autonomie, ce sont davantage que trois mots : ce sont les socles des libertés locales, les bases d’une gestion locale à la hauteur des attentes de nos concitoyens, les fondements de la cohésion nationale tant ébréchée aujourd’hui.

La représentativité est en crise : face au besoin de proximité, c’est encore le sentiment d’éloignement qui règne aujourd’hui. La crise des gilets jaunes a mis en exergue le sentiment d’abandon dans nos territoires et dans notre réalité.

Or, chaque fois, les réformes – loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, ou loi NOTRe, et loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi Maptam – ont contribué à éloigner encore plus nos concitoyens de leurs élus et à accroître le millefeuille territorial.

Or nos concitoyens retrouveront le chemin des urnes lorsqu’ils auront le sentiment que les décideurs, les élus, l’administration apportent des solutions à leurs préoccupations dans une démarche sincère, désintéressée et efficace.

À cela s’ajoute le trop-plein de normes générales, édictées d’en haut. L’horizontalité de la prise de décision doit succéder à la verticalité. Comme le met en valeur la présente proposition de loi constitutionnelle, à la centralité jacobine doivent désormais succéder une décentralisation plus approfondie et la confiance en nos élus locaux : ces derniers ont la connaissance et l’expérience du terrain que ne possède pas le pouvoir central. Cette étape nécessaire permettra de retrouver la proximité.

Le principe de subsidiarité devrait être appliqué face à la logique réglementaire centralisée, qui domine en France. Aussi, la territorialisation des politiques publiques doit aujourd’hui devenir un impératif. Nous devons tenir compte, dans la fabrication de la loi, des différentes réalités des territoires. Nous devons donner la possibilité à nos territoires, comme le propose le présent texte, d’adapter les règles à leur réalité. Nos concitoyens demandent que leur réalité soit écoutée, et cette demande est légitime : c’est la base de la cohésion nationale, de l’équité territoriale et des libertés locales.

La crise sanitaire a une fois de plus mis en évidence la responsabilité, la capacité à réagir et à gérer, l’exemplarité de nos collectivités locales, de nos communes, pour faire face à une situation urgente et assurer une gestion au quotidien dans l’inconnu. Celles-ci ont fait preuve de réactivité, alors qu’elles avaient été honteusement balancées auparavant avec le hashtag #BalanceTonMaire.

La clause générale de compétence de nos communes doit donc assurément être consacrée dans la Constitution. Nos communes ont largement fait leurs preuves et ont, une fois de plus, été au front : après la première ligne des soignants, nos maires et nos élus locaux étaient en deuxième ligne. Elles doivent donc garder les moyens de leur action sur le moyen et le long terme.

L’État doit leur faire confiance, mais, la confiance, cela ne se décrète pas : cela se vit au jour le jour, dans l’exercice des fonctions et dans la facilité accordée à la résolution des problématiques.

Ces propositions de loi sont l’occasion pour l’État de montrer sa confiance aux élus locaux. Vous devez saisir cette opportunité, madame la ministre, pour renouer le lien avec nos collectivités locales, nos communes, nos territoires.

Renouer le lien, c’est aussi renouer avec la proximité telle que l’affirmait la proposition de loi organique visant à garantir une République de proximité de notre collègue Rémy Pointereau, qui prévoyait très justement la possibilité d’exercer de manière concomitante un mandat de parlementaire et celui de maire d’une commune de moins de 9 000 habitants ou celui de président d’une intercommunalité de moins de 15 000 habitants.

Des parlementaires déconnectés du terrain, on en voit depuis trois ans ! Ils n’ont pas véritablement fait leurs preuves…

M. Jean-Marc Boyer. La suppression de la réserve parlementaire est allée dans le même sens : elle est révélatrice d’un État jacobin, qui donne du pouvoir aux représentants de l’État et l’enlève aux élus de terrain. (Très bien ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Or nos édiles locaux portent la légitimité à élaborer et à soutenir des projets de territoire.

Enfin, qu’on le redise à l’occasion de l’examen de cette brillante proposition de loi constitutionnelle : la liberté passe par l’autonomie et, notamment, l’autonomie financière. La pratique actuelle va à l’encontre de celle-ci, à l’exemple de la suppression de la taxe d’habitation par l’État, sans pour autant que la ressource supprimée soit suffisamment compensée. Il s’agit d’une atteinte claire à la liberté d’action de nos collectivités locales : c’est inacceptable ! Cela va à l’encontre de la demande de démocratie locale de nos concitoyens. Cela va à l’encontre de la demande de davantage de proximité.

Pour conclure, mes chers collègues, madame la ministre, je dirai tout simplement : arrêtons de faire de l’aménagement du territoire et faisons de l’aménagement des territoires ! Il me semble essentiel d’affirmer que, pour nous élus, la décentralisation ne peut que s’effectuer et se vivre dans la confiance, la proximité et l’autonomie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Victorin Lurel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat que nous entamons est ambitieux et utile.

Notre collègue Éric Kerrouche l’a dit : si le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne peut, en l’état, souscrire à l’intégralité des dispositions figurant dans cette proposition de loi constitutionnelle, nous approuvons la démarche engagée par le groupe majoritaire pour plus de territorialisation, plus de différenciation, plus de stabilité financière et plus de sécurisation juridique, même si nous récusons le seul prisme de la liberté territoriale.

Sur ces travées, nous n’avons pas peur des libertés locales. Nous convenons aussi qu’il est désormais nécessaire de faire respirer la Constitution pour permettre à chaque territoire de s’épanouir au sein de notre République. Depuis trop longtemps, ici, dans l’Hexagone, mais aussi dans tous les territoires d’outre-mer – ou presque –, nous attendons une évolution de notre Constitution.

Chacun voit bien ici, bien loin des slogans trop longtemps martelés, que l’« uniformisme » des politiques nationales demeure trop souvent la règle, et la différenciation un mirage. En résultent des politiques publiques parfois déconnectées de nos réalités et peu efficaces pour nos populations. Pour être tout à fait honnête, nous autres élus en prenons toute notre part.

Il faut résolument avancer vers plus de pouvoir décisionnel local, vers un échelon local doté de réels pouvoirs normatifs, tout en réaffirmant l’unité de la République : telle est la ligne de crête.

La rédaction de l’article 6 de la proposition de loi constitutionnelle reste toutefois inaboutie, raison pour laquelle notre groupe propose sa suppression si une autre rédaction ne nous est pas proposée. Nous aviserons en fonction de la discussion et de la souplesse – que j’espère transpartisanes – que nous aurons ici.

Pour ne pas confisquer un choix, qui doit inéluctablement être fait par les populations et les peuples, les parlementaires que nous sommes ne peuvent se défiler devant leurs responsabilités. Je mesure combien ce débat peut être source de discussions passionnelles dans chacun des territoires.

Les amendements que nous proposons sur toutes les travées de cet hémicycle ne font pas de nous une antichambre de l’indépendance ou la chambre de la cristallisation du statu quo. Il s’agit ici d’affirmer notre volonté de cranter des avancées et des convergences de pensée. Nous sommes tous farouchement attachés aux principes de liberté et d’égalité, et non d’égalitarisme. Dans les outre-mer, leur concrétisation devra tôt ou tard passer par une réforme constitutionnelle.

Depuis plusieurs années, chacun chemine à sa façon et à son rythme. Jusqu’à présent, aucun constitutionnaliste n’avait proposé un dépassement de la logique binaire entre spécialité et identité législative, incarnée par les articles 73 et 74 de la Constitution. Nous aurons tout à l’heure à nous prononcer sur une nouvelle rédaction que j’ose qualifier d’« efficace » et d’« ambitieuse ». C’est bien la première fois que nous avons devant nous une proposition, certes perfectible – et je pourrais y revenir –, mais pour le moins concrète et répondant, pour une grande part, à la volonté de différenciation des décideurs locaux.

Par deux fois, les élus du congrès de Guadeloupe nous ont mandatés pour suivre cette affaire au niveau national. Cette proposition ne contraint aucune collectivité, ne force aucun peuple, aucune population : libres à eux de demeurer soit sous le régime de l’article 73 de la Constitution, soit sous celui de l’article 74, soit d’adhérer à une forme que je qualifierai de « différenciation à la carte ».

Selon l’état et le déroulement de la discussion, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain avisera. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Georges Patient applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, devant la multiplicité des thèmes abordés dans ces propositions de loi et au regard de l’actuel état financier dans lequel se trouvent plongées nos collectivités, permettez-moi en cinq minutes de concentrer mon propos sur ce seul aspect budgétaire.

En effet, les marges de manœuvre financières des collectivités territoriales connaissent depuis plusieurs années une réduction sans précédent.

Du côté des dépenses, les contrats dits de Cahors ont eu pour effet de contraindre très significativement leurs choix de gestion, en exerçant une forte pression à la baisse sur leurs dépenses réelles de fonctionnement.

Du côté des recettes, la réforme en cours de la taxe d’habitation entérine le mouvement – déjà entamé – d’une réduction du pouvoir fiscal des collectivités au profit du transfert d’impositions nationales sur lesquelles les collectivités n’ont jamais la main. Nous sommes là bien loin de l’article 72 de notre Constitution, qui prévoit pourtant clairement que nos collectivités s’administrent librement et qu’aucune d’entre elles ne peut exercer une tutelle sur une autre.

Il convient donc de remédier aux différentes dérives constatées ici ou là, en renforçant les outils de leur autonomie financière.

Garantir l’autonomie financière des collectivités locales, c’est d’abord redéfinir la notion de ressources propres : c’est l’objet de l’article 4 de la proposition de loi organique, qui vise à en exclure les ressources sur lesquelles les collectivités n’ont aucun pouvoir ni de taux ni d’assiette, et qui donnent une image tronquée de la réalité de leur autonomie financière.

Cette redéfinition pose néanmoins des difficultés techniques, tenant au niveau des ratios d’autonomie financière qui en résultent. Nettement diminués, ceux-ci seraient surtout très inégaux, posant la question de la cohérence juridique de la notion de « part déterminante de ressources totales », qui doivent représenter les ressources propres d’une catégorie de collectivités.

La commission des lois a donc choisi de remédier à cette difficulté en adoptant un amendement, pour prévoir que les ressources propres ne constituent qu’une part significative des ressources totales d’une catégorie de collectivités. Si ce choix revient à diminuer la portée de l’exigence constitutionnelle, il permet en réalité d’en garantir l’applicabilité.

La commission des lois a également supprimé la procédure de modification du calcul prévu au dernier alinéa de l’article 4 de la proposition de loi organique. Celle-ci ne semblait pas répondre à une nécessité réelle, dans la mesure où l’éventuelle diminution des concours financiers de l’État s’opère généralement en dehors de toute référence au ratio d’autonomie financière et pouvait ainsi mener à l’insincérité de l’indicateur.

Enfin, la commission des lois a adopté un amendement rendant la procédure plus rapide et efficace lorsque les ratios d’autonomie financière planchers ne sont pas respectés.

L’article 5 de la proposition de loi constitutionnelle vise, à titre principal, à garantir la pleine compensation financière des compétences dont l’exercice est attribué aux collectivités territoriales selon le principe « qui décide paie ». Il étend la règle de compensation financière intégrale actuellement applicable aux transferts de compétences, aux créations et extensions, mais également aux modifications des conditions d’exercice des compétences des collectivités territoriales. Il prévoit également une réévaluation régulière des ressources ainsi transférées aux collectivités.

La commission des lois a adopté cet article en lui apportant trois modifications.

Premièrement, elle a tiré les conclusions du choix opéré sur la redéfinition des ressources propres en inscrivant la notion de « part significative des ressources totales » à l’article 72-2 de la Constitution.

Deuxièmement, elle a remplacé la notion de « réévaluation régulière » par celle de « réexamen régulier », afin que la mise en œuvre du dispositif permette d’envisager, à terme, une refonte de la gouvernance des finances locales.

Enfin, troisièmement, elle a précisé le dispositif de compensation financière pour qu’il ne s’applique qu’aux seules modifications des conditions d’exercice des compétences des collectivités territoriales résultant de décisions de l’État.

Pour conclure, à l’heure où tout le monde brandit la décentralisation telle une marotte, je précise que ces propositions de loi ont le grand mérite de placer le sujet de l’autonomie financière des collectivités au centre des débats, et c’est heureux ! Prenons garde toutefois que la crise sanitaire sans précédent que nous sommes en train de traverser ne vienne malheureusement pas renforcer une funeste dépendance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Micheline Jacques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nul n’ignore ici combien la différenciation territoriale est placée au cœur des réflexions et de la vision des outre-mer de Michel Magras, notamment en tant que levier du dénouement du nœud gordien de l’inadaptation des normes – au sens large – si dommageable aux territoires.

Aussi, j’ai l’honneur à la fois de succéder à Michel Magras au sein de la Haute Assemblée, et d’admettre et d’assumer d’être son ombre portée dans ce débat.

L’enjeu de l’acclimatation est crucial outre-mer, afin de garantir la pertinence de la norme et, ainsi, l’efficience des politiques publiques.

Les travaux sur les normes de la délégation sénatoriale aux outre-mer ont en cela été fondateurs d’une nouvelle approche. C’est aussi dans cette optique que l’adoption d’un nouveau cadre constitutionnel commun aux outre-mer constitue l’aboutissement de la réflexion menée au cœur du récent rapport de la délégation, intitulé Différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ?. Il s’agit ainsi de définir l’architecture des relations entre l’État et les collectivités ultramarines selon une logique de subsidiarité.

L’intérêt d’un tel cadre est d’offrir la possibilité de déterminer l’autorité la mieux placée pour exercer la compétence, tout en permettant à chaque territoire de définir l’organisation qui lui convient à cet effet.

Dans le sillage des travaux du groupe de travail du Sénat sur la décentralisation, la majorité sénatoriale a donc souhaité examiner le présent texte dans un délai certes très court. J’y vois pour ma part une démarche de reconnaissance et d’affirmation du rôle central des collectivités, y compris outre-mer, particulièrement mis en lumière durant le confinement, et la volonté de la placer à la charnière du lien de confiance à recréer, ce à quoi on ne peut que souscrire.

L’outre-mer ne saurait rester à l’écart du mouvement de desserrement de la centralisation et de renforcement de la démocratie locale qu’entend ainsi amorcer le Sénat.

Du reste, nul doute que les auteurs de la présente proposition de loi constitutionnelle l’ont entendu ainsi, en prévoyant à l’article 6 des dispositions pour les outre-mer même si, disons-le, cela a pu surprendre. Si cet article répond au principe de réunion des articles 73 et 74 de la Constitution, adopté par le groupe de travail sur la décentralisation du Sénat, il ne saurait pour autant occulter certaines objections sur la méthode et sur le fond.

Les travaux de notre ancien collègue Michel Magras sur la différenciation territoriale ont permis d’aboutir, postérieurement au dépôt du présent texte, à une rédaction qui, sur le fond, semble recueillir une adhésion relativement large. À cet égard, la mise en place d’un groupe de travail permettrait un approfondissement de la nécessaire concertation dans le cadre bien compris des prérogatives du constituant. Je vous proposerai, par voie d’amendement, que ces travaux soient mis en œuvre sur le fondement d’une première rédaction.

La collectivité de Saint-Barthélemy n’était pas spontanément demandeuse d’une réforme en profondeur du cadre constitutionnel, mais elle considère que l’opportunité de tirer les leçons de l’expérience de son statut doit être saisie, en améliorant le cadre constitutionnel qui lui permettrait de parfaire son propre cadre statutaire.

L’actuel cadre constitutionnel ne lui a, par exemple, pas permis d’être entendue sur ses aspirations en matière de sécurité sociale. Il s’agirait également de prévoir le transfert du droit pénal spécial, la procédure actuelle ayant montré ses limites. Plus généralement, la collectivité de Saint-Barthélemy souhaite bénéficier de la possibilité de disposer de compétences élargies, selon un calendrier préétabli, dans le cadre de la loi organique qui la concerne.

Madame la ministre, mes chers collègues, au fond, la problématique qui nous occupe est celle de la conciliation de la pluralité des outre-mer et de leurs aspirations, qui restent malgré tout liées par leur destin constitutionnel. En dépit de trajectoires différentes, je suis convaincue que la discussion peut nous permettre de nous rejoindre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale commune est close.

Nous passons à la discussion de la proposition de loi constitutionnelle, dans le texte de la commission.

 
 
 

proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales

 
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Article 2

Article 1er

Le premier alinéa de l’article 1er de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée : « La République garantit la représentation équitable de ses territoires dans leur diversité. »

M. le président. L’amendement n° 13, présenté par M. Kerrouche, Mme Harribey, M. Lurel, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. En ce qui nous concerne, nous défendons une position constante depuis plusieurs années : nous considérons que la modification de l’article 1er de la Constitution est inutile et que seule une modification de l’article 72 suffit. C’est pourquoi nous demandons la suppression du présent article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, corapporteur. L’amendement de nos collègues socialistes vise à supprimer l’inscription de la notion de territoires dans la Constitution.

Or la volonté du groupe de travail et celle des auteurs de ce texte est d’atteindre un objectif très clair, à savoir la reconnaissance constitutionnelle des territoires de la République dans leur diversité. D’ailleurs, le terme de « territoires » figure dans le droit public local et traduit, à l’intérieur de subdivisions électorales, des circonscriptions ou des collectivités territoriales particulières et, donc, la reconnaissance de l’existence de territoires spécifiques du fait de leur géographie : je veux parler là des territoires de montagne ou des territoires littoraux.

Enfin, l’article 1er de la proposition de loi reprend une disposition, qui avait déjà été adoptée par le Sénat en 2016 dans le cadre d’une proposition de loi portée par le président Larcher et notre collègue Philippe Bas, ce que ce dernier a d’ailleurs rappelé tout à l’heure.

Par conséquent, mon cher collègue, la commission vous demandera de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Kerrouche, j’émettrai un avis favorable sur votre amendement, mais peut-être pas exactement pour les mêmes raisons que vous, qui considérez que cet article n’est pas constitutionnel et qu’une modification de l’article 72 de la Constitution suffirait.

Même si le président l’a très bien expliqué, je voudrais évoquer, comme je l’avais prévu, la question de l’écart de représentation.

Je rappelle que, actuellement, si un territoire compte en moyenne 1 000 habitants, le tunnel de représentation est de 20 %. De cet écart résulte que, dans une même assemblée, un élu peut représenter 800 habitants, tandis qu’un autre peut en représenter 1 200 : cet écart de 400 habitants signifie que, dans une même assemblée, l’élu de la circonscription la plus peuplée représente 50 % d’électeurs de plus que celui de la commune la moins peuplée.

Si nous élargissons le tunnel à plus ou moins 33 %, deux élus d’une même assemblée pourront représenter, pour l’un, 670 habitants et, pour l’autre, 1 330 ! Cela signifie que l’élu de la circonscription la plus peuplée représenterait une population deux fois plus importante que l’élu de la circonscription la moins peuplée. Dit autrement, un citoyen de la plus petite municipalité pèserait deux fois plus qu’un citoyen de la plus grande circonscription dans des décisions qui s’appliqueraient à chacun d’eux de la même manière.

Ce sont des écarts qui sont tout de même importants. C’est pourquoi nous avons dit qu’il nous semblait plus raisonnable – en tout cas, c’est la position du Gouvernement – de ne pas changer le droit actuel.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Au-delà de ce que vient d’exposer notre collègue Éric Kerrouche, nous ne sommes pas satisfaits de la clarté de l’explication donnée, si j’ose dire, à savoir la seule représentation des territoires, car il s’agit là de leur représentation.

Quand on pèse et soupèse les arguments, on se rend compte que le problème du tunnel, même s’il est de 33 %, et encore plus s’il atteint 50 %, ne concernera que les cantons et les sections de communes. On va donc modifier l’article 1er – j’allais dire « le plus fondamental » – de la Constitution, qui n’a pourtant pas vocation à tout détailler, pour y faire apparaître la notion de « représentation équitable des territoires ». Ces derniers sont pourtant représentés par ailleurs : après tout, le mot « territoriales » signifie à peu près la même chose.

Nous estimons qu’il serait de bonne politique d’être prudent et de manier, avec une main tremblante, les institutions, en particulier l’article 1er de la Constitution. C’est pourquoi il me semble qu’il serait sage d’adopter cet amendement de suppression.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

À la dernière phrase du premier alinéa de l’article 21 de la Constitution, la référence : « de l’article 13 » est remplacée par les références : « des articles 13 et 72 ».

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, sur l’article.

M. Alain Richard. Je voudrais revenir, un peu plus précisément, sur un aspect très problématique de cette restriction, qui serait organisée dans la Constitution, du pouvoir normatif du gouvernement.

Pour cela, je prendrai un cas simple : la responsabilité exercée par les départements en matière d’autonomie des personnes âgées.

Nous constatons tous – cela ne date pas d’hier, mais a été récemment remis sous le feu des projecteurs – des différences, pas toujours bien évaluées, dans la manière d’accueillir les demandes, comme, par exemple, les demandes de soutien à domicile. Il m’apparaît essentiel, dans une Nation unifiée, que des normes relatives à la protection ou encore au temps passé auprès des personnes par les aides à domicile pour un acte donné s’appliquent partout.

Avec cette disposition constitutionnelle, on prive les gouvernements, à l’avenir, d’exercer leur mission élémentaire de maintien de l’égalité des citoyens devant le service public. Je pense qu’on outrepasse l’intention initiale de ses auteurs et, donc, qu’il vaudrait mieux s’en passer.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.

M. Philippe Bas. Dès lors que l’on parle de droits fondamentaux, il me semble qu’ils doivent, de toute façon, être inscrits dans la loi elle-même ; le pouvoir réglementaire, en réalité, ne détermine que les modalités d’attribution des aides.

J’ai pu constater dans un domaine extrêmement sensible, celui de l’attribution du RSA, les excès de dispositions réglementaires s’imposant aux départements.

La loi exige que l’on prenne en compte le patrimoine pour l’attribution du RSA. Le décret précise que l’on prend en compte 3 % des revenus du patrimoine, quand il s’agit de placements bancaires. Cela signifie qu’une personne disposant de liquidités très importantes peut se trouver dans la situation d’obtenir le RSA !

Dans ce cas précis, la loi est vidée de son contenu par une disposition réglementaire nationale. Dès lors, il n’y aurait pas de mal à admettre que les départements puissent mettre en œuvre leur propre réglementation pour l’appréciation du patrimoine à prendre en compte. Voilà un exemple concret !

Il est très important, selon moi, que le pouvoir réglementaire national soit supplétif, s’agissant de l’exercice des compétences qui ont été attribuées par le législateur, ce qui, de ce fait, peut justifier une réglementation locale, particulière, dans chacune des collectivités.

M. le président. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

L’article 72 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est supprimé ;

2° À la fin du troisième alinéa, les mots : « et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences » sont supprimés ;

3° Après le même troisième alinéa, sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :

« Les territoires d’élection des membres des conseils des collectivités territoriales sont représentés équitablement dans le respect de l’égalité devant le suffrage.

« La population représentée par les élus de chaque territoire ne peut, sauf impératif d’intérêt général, s’écarter de plus d’un tiers de la population moyenne représentée par les élus du conseil. Dans les groupements de collectivités territoriales qui exercent à titre obligatoire en lieu et place de celles-ci un nombre déterminant de compétences, cette proportion est portée à la moitié.

« Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon.

« Sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, la loi peut prévoir que des communes, départements et régions exercent des compétences, en nombre limité, dont ne disposent pas l’ensemble des collectivités relevant de la même catégorie. Les modalités d’application du présent alinéa sont fixées par une loi organique.

« Dans les conditions prévues par la loi, les collectivités territoriales disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences. Dans les matières relevant de leurs compétences, par dérogation aux articles 21 et 37, le Premier ministre ne peut être chargé de l’application des lois que s’il y a été expressément habilité par la loi. » ;

4° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :

a) Après le mot : « peuvent, », sont insérés les mots : « après expérimentation, » ;

b) Les mots : « à titre expérimental et pour un objet et une durée limités » sont remplacés par les mots : « pour un objet limité ».

M. le président. L’amendement n° 15, présenté par M. Kerrouche, Mme Harribey, M. Lurel, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Sous réserve d’impératif d’intérêt général, la population représentée par les élus de chaque territoire peut s’écarter jusqu’à un tiers de la population moyenne représentée par les élus du conseil.

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Cet amendement va de pair avec le souci que nous cause la proposition d’élargissement du tunnel.

Nous sommes favorables à cet élargissement, tant la jurisprudence du Conseil constitutionnel est limitative, singulièrement dans le cas des établissements publics de coopération intercommunale. Pour autant, dans la rédaction qui nous est proposée, s’il faut un motif d’intérêt général pour sortir du tunnel des 33 %, il n’y en a pas besoin à l’intérieur de ces bornes.

Dans la mesure où ce tunnel concerne avant tout les élections départementales, cela signifie que l’on donne au législateur et au pouvoir réglementaire, lesquels procèdent au découpage électoral, une marge de manœuvre importante, trop importante à nos yeux. En effet, tout redécoupage sera envisageable, sans avoir à avancer un motif d’intérêt général, dans la limite de ce tunnel de 33 %.

Nous considérons qu’il faut, au moins, avoir à justifier des dérogations mises en œuvre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Cet amendement vise à restreindre l’élargissement du tunnel aux cas où il existe un motif d’intérêt général. Ses auteurs enlèvent ainsi toute portée à notre proposition !

Aujourd’hui, le tunnel de 20 % s’entend effectivement sans préjudice d’éventuels motifs d’intérêt général. C’est ainsi que le Conseil constitutionnel a admis des dérogations, qui permettent, par exemple, à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon et ses 6 000 habitants d’avoir un sénateur.

Avec cet amendement, les motifs d’intérêt général pourraient être pris en compte uniquement s’ils ne conduisent pas à un écart à la moyenne supérieur à 33 %.

Nous y sommes défavorables pour deux raisons.

D’une part, il nous semble important d’élargir le tunnel pour donner plus de marges de manœuvre au législateur, notamment pour la composition des EPCI. Avant la décision Commune de Salbris, on l’a vu, les accords locaux qui obligeaient des élus à se mettre d’accord, au sein d’EPCI, sur une représentation ne posaient guère de problèmes ; les recours étaient peu nombreux.

D’autre part, il nous semble important de conserver la possibilité de déroger à ces seuils pour des motifs d’intérêt général, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. En dépit de l’effort que vous avez fourni, monsieur Kerrouche, l’avis sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Soyons clairs sur ces affaires, mes chers collègues : le fait que l’on puisse évoquer les territoires dans la Constitution ne soulève pas de difficultés ; la question, ici, porte sur le respect du principe d’égalité.

Depuis la décision Commune de Salbris, ce tunnel des plus ou moins 20 % pose problème. Vous vous souvenez, madame la ministre, des débats que nous avons eus en d’autres temps. J’ai en mémoire, en particulier, le travail mené avec Alain Richard pour pouvoir tirer le meilleur parti de ce tunnel. Nous l’avons fait, ensemble, et le Sénat a voté !

Toutefois, j’ai toujours considéré, et nous sommes nombreux dans ce cas, que cette stricte limite des plus ou moins 20 % était beaucoup trop contraignante, d’où l’idée de l’élargir.

Mais il est évident que, si on procède à un élargissement tel que proposé dans le texte, on ira trop loin. Là, c’est le principe d’égalité qui se trouvera mis en cause. M. Kerrouche l’a très bien expliqué ; je partage ce qu’il a dit en commission et qu’il redira certainement : tout cela aboutira à des écarts très importants.

C’est tout le sens du présent amendement : on élargit quelque peu ce qu’il est convenu d’appeler le tunnel, en précisant qu’il faut des motifs dirimants pour mettre en œuvre cette souplesse – souplesse au regard d’un système tout de même très rigide… Ainsi, nous nous sommes souvent demandé, les uns les autres, en notre for intérieur, comment le Conseil constitutionnel pouvait considérer qu’à 19 % d’écart on respectait le principe d’égalité et qu’à 21 % on ne le respectait plus. En définitive, c’est assez difficile à comprendre !

Voyez donc notre amendement, mes chers collègues, comme une recherche pragmatique pour élargir le tunnel et, donc, faciliter les choses, tout en restant dans les limites du principe d’égalité qui s’impose à nous.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. La problématique évoquée ici, M. Sueur vient de le rappeler, pourrait en rester à une simple question de mathématiques et d’appréciation de seuils.

Mais, depuis maintenant quelques années – disons-le, depuis le vote de la loi NOTRe –, chacune et chacun de nous se trouve confronté, dans son département, à l’existence d’intercommunalités n’ayant pas été souhaitées par l’ensemble de leurs communes membres ou ayant atteint de telles tailles qu’elles se retrouvent aujourd’hui en difficulté, indépendamment, d’ailleurs, de celui ou celle qui est à leur tête.

Le nombre des membres de ces intercommunalités XXL est si important qu’elles peinent à faire corps. Le vécu des habitants de chacune de leurs communes membres est si différent qu’elles manquent de cohérence. D’ailleurs, on trouve chez certaines d’entre elles plusieurs bassins de vie au sens où l’Insee les définit, mais je ne vais pas ouvrir le débat sur la définition des bassins de vie…

Ainsi, effectivement, nous en arrivons, comme nous l’avons fait à l’automne et l’hiver derniers, à vouloir, les uns et les autres, par un biais ou par un autre, corriger les irritants de la loi NOTRe.

Je ne suis pas en train de dire que tout irait bien dans le pays, qu’il n’y aurait aucun problème si cette loi n’avait pas été votée. Mais je crois tout de même que nous devons nous interroger.

Le problème de la représentation des communes, des élus, de leur appropriation des politiques intercommunales et, donc, des politiques menées au service des populations habitant au sein de ces intercommunalités constitue un vrai défi. Ce n’est pas avec tel ou tel amendement, je le crains, que nous le résoudrons. Il faudra bien, à un moment donné, prendre le temps de remettre les choses à plat, examiner les conséquences de cette loi NOTRe et nous poser la question de la représentativité.

Certainement comme vous, mes chers collègues, je suis juste scandalisée quand, au sein d’une intercommunalité de mon département, je constate que 2 communes sur 53 – certes, elles regroupent la moitié de la population – disposent de la moitié des voix et décident à elles seules de l’avenir de l’ensemble de ces 53 communes et de leurs 400 000 habitants. Cela pose tout de même un problème démocratique dans notre pays. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

M. Alain Richard. Je voudrais, d’un mot, compléter le propos de Mme Cécile Cukierman, qui est parfaitement justifié.

Prenant en compte les effets négatifs de ces intercommunalités extrêmement étendues, qui, d’ailleurs, ne sont pas le fruit de la seule loi NOTRe puisqu’elles dépassent en général de très loin les seuils de population imposés par cette dernière – c’est donc bien que d’autres les ont voulues et, en partie, approuvées –, la loi Engagement et proximité a rétabli une disposition exclue par la législation antérieure. Il s’agit de la possibilité offerte aux communes membres d’une intercommunalité de se scinder, à condition que chacune des fractions respecte le seuil de population fixé.

Je voudrais aussi pousser plus loin la remarque de Jean-Pierre Sueur à propos de la limitation des écarts de représentation.

Il est inexact de dire qu’aujourd’hui nous sommes strictement contraints par un écart de population de 1 à 1,5 – entre 80 % et 120 % de la moyenne. En effet, comme le rappelait Jean-Pierre Sueur, des adaptations ont été adoptées à la suite de la décision relative à la commune de Salbris.

Notons d’abord que toute commune dispose d’un représentant, même quand sa population est 100 fois inférieure au seuil de population fixé pour cela.

Par ailleurs, les communes ayant droit à un élu sur le fondement du quotient démographique peuvent être représentées par un second élu car nous avons fait valoir, et le Conseil constitutionnel l’a approuvé, qu’il y avait là un motif d’intérêt général qui est d’améliorer la capacité des représentants à travailler au sein de l’intercommunalité.

Pour la même raison, nous avons instauré la désignation d’un suppléant au sein des communes n’ayant qu’un seul représentant, car au-dessous du quotient démographique, et suivant les pratiques adoptées dans les communautés de communes, ces suppléants peuvent avoir accès aux débats. Ils ne votent pas, mais contribuent à la représentation de la commune.

Il existe donc déjà une souplesse non négligeable dans la représentation au sein des intercommunalités, et je ne vois vraiment aucun motif, d’opportunité ou de justice, à s’orienter vers un écart de 1 à 3 en termes de population représentée.

M. le président. La parole est à Mme le corapporteur.

Mme Françoise Gatel, corapporteur. En écho aux observations des uns et des autres, j’indiquerai que nous ne sommes pas ici pour faire le procès de la loi NOTRe. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)

Toutefois, constatons-le, on entend sans arrêt une sorte de complainte. Celle-ci est relativement justifiée (M. Loïc Hervé approuve.) puisque l’on a cru possible, à un moment, de définir la vie, l’histoire et la culture des territoires par des seuils et des tailles XXL. Chaque fois, on se heurte à des difficultés parce que l’on a préféré la norme à l’intelligence territoriale, qui fonctionnait plutôt de bonne manière quand des accords locaux étaient possibles.

Aujourd’hui, donc, on essaie de se sortir de cette affaire et je conçois que ce soit quelque peu complexe.

Votre amendement, monsieur Kerrouche, ne concernerait pas seulement les collectivités ; il affecterait aussi des élections nationales, comme les élections sénatoriales. En référence aux propos de notre collègue Alain Richard, j’ajouterai que c’est justement parce que le Conseil constitutionnel permet qu’il y ait deux représentants que votre amendement est difficile à accepter : son adoption supprimerait cette possibilité !

Enfin, je rappelle que nous fixons un plafond d’écart de 33 %, ou 50 % pour les intercommunalités. Le législateur aura la possibilité, dans la loi ordinaire, d’établir un autre écart dans cette limite.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 14, présenté par M. Kerrouche, Mme Harribey, M. Lurel, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Je voudrais revenir sur les propos précédemment tenus. D’une certaine façon, cela servira la défense du présent amendement.

Il n’est absolument pas question de la loi NOTRe ici. Absolument pas ! Celle-ci n’empêchait effectivement pas que des accords locaux soient scellés, permettant une surreprésentation de certaines communes, et l’on sait très bien que des accords avaient été trouvés en certains endroits et qu’ils s’éloignaient des seuils démographiques.

La vraie difficulté, c’est la jurisprudence Salbris du Conseil constitutionnel. C’est elle qui, depuis qu’elle a été énoncée, oblige à jouer les équilibristes et à tenter des corrections qui n’auraient pas lieu d’être sans cela.

Je signale simplement que le Conseil constitutionnel, pour défendre le tunnel de 20 %, s’appuie sur une réflexion constante, reposant sur les limites que le législateur s’était données en 1986 et en 2009 pour procéder à la délimitation des circonscriptions électorales et qui concernent essentiellement les députés d’un même département. Or, là, nous parlons d’entités de nature différente, puisque les EPCI sont des circonscriptions globales fondées sur des cellules communales.

Cela étant, s’il faut bien entendu corriger les difficultés engendrées par la jurisprudence Salbris, il nous semble tout aussi évident de ne pas tomber dans l’excès inverse. Un tunnel de 33 % permet déjà qu’un élu en représente deux ; en le passant à 50 %, on ferait en sorte qu’un conseiller communautaire en représente trois. Cela nous semble manifestement disproportionné et va à l’encontre de ce qui est recherché par les corapporteurs.

D’où la nécessité de rabaisser le tunnel en ce qui concerne les EPCI pour le caper à 33 %. Cela nous permettra, je l’espère, de corriger les effets de la jurisprudence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Sans doute me suis-je mal exprimée précédemment… La loi NOTRe a eu pour effet, parallèlement à la baisse des dotations, d’encourager la création d’intercommunalités XXL, qui rendent encore plus nécessaire l’obtention d’un accord local.

Nous souhaitons porter l’écart à un niveau maximal de 50 % – encore une fois, je répète qu’il s’agit d’un plafond que le législateur pourra limiter par ailleurs – pour les seules intercommunalités.

Il y a, je le rappelle, une très grande différence entre collectivités territoriales et EPCI. Ces derniers ne sont pas des collectivités territoriales ; il s’agit de groupements de communes, exactement comme des syndicats.

Mme Françoise Gatel, corapporteur. J’y viens ! Ma pensée, et je suis assez convaincue par ce que je vais dire, est que l’on ne peut assimiler un EPCI à une collectivité. (M. Philippe Bas approuve.) Dès lors qu’il s’agit de regroupements de communes, il y a aussi de fortes notions de territoire, d’histoire et de culture qui entrent en jeu, pouvant nécessiter de donner des marges de manœuvre pour des accords locaux. Il me semble nécessaire, au vu des difficultés rencontrées et des remontées de toutes les associations d’élus, de faire confiance aux élus locaux pour organiser, au sein de leur intercommunalité, une représentation qui leur convienne.

Nous souhaitons donc maintenir, pour les seuls EPCI, et non pour d’autres groupements comme les syndicats, un plafond d’écart à 50 %.

C’est donc une demande de retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’avis est également défavorable.

Naturellement, madame Gatel, tout le monde regrette les accords locaux. Mais, comme l’a bien expliqué M. Éric Kerrouche, le problème vient du fait qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été posée, parce que les élus d’une intercommunalité n’avaient pas été très sages – cela arrive ! À cette QPC, le Conseil constitutionnel a répondu et l’on se retrouve, aujourd’hui, avec ce tunnel de plus ou moins 20 %.

Je profite de cette intervention pour indiquer que les explications fournies par Alain Richard sont compilées dans une excellente circulaire établie par la direction générale des collectivités locales, recensant toutes les possibilités qui existent dans le système actuel. Je tiens, bien sûr, ce document à la disposition de tous ceux qui m’en feraient la demande.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais je ne suis pas très sensible à la casuistique de la corapporteure…

Si je comprends bien, il existe une différence, non pas de nature, mais de degré, entre collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale. Ces derniers s’inscrivant dans le cadre d’une coopération, il faudrait pouvoir déroger plus pour mieux représenter, alors même, je vous le rappelle tout de même, que les EPCI exercent des compétences déléguées par les communes. Donc, le raisonnement n’est pas très clair à mes yeux.

Pour aller au fond, ce qui me gêne, c’est que nous n’avons aucune simulation pour la proposition qui nous est faite aujourd’hui. Nous avons tous, en tout cas la plupart d’entre nous, été élus locaux – nous ne sommes pas à l’Assemblée nationale. Je rappelle une fois encore que, en permettant cette asymétrie de situations, avec un élu qui pourra représenter jusqu’à trois autres élus, on risque de renouer avec des négociations difficiles au moment de l’élaboration des accords locaux.

Certes, il faut retrouver de la flexibilité. Pour autant, veillons à ne pas reproduire, avec la meilleure volonté, les mêmes erreurs, mais pour d’autres raisons, que celles que nous avons commises par le passé.

C’est tout l’objet de cet amendement. Ni plus ni moins !

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je voudrais indiquer à M. Kerrouche que je partage entièrement la position de notre corapporteur. Le sujet de l’intercommunalité, ce n’est pas l’habitant, c’est la commune ! Les délégués communautaires représentent la commune !

Il y a donc une différence, non pas de degré, mais de nature entre une collectivité territoriale et une intercommunalité, chargée, sur la base d’un accord entre communes, de gérer les affaires qui sont mieux gérées à son niveau qu’au niveau communal.

Cela signifie, tout simplement, que nous devons créer de la souplesse. Précisément, madame la ministre, parce que le Conseil constitutionnel s’est prononcé, nous ne pouvons pas le faire autrement que par une révision de la Constitution. Cette souplesse, le législateur devra s’en emparer, du moins si cette révision est menée à son terme, de sorte que l’accord qui pourrait être conclu entre les communes d’une intercommunalité assure sa légitimité à l’égard de ses membres.

Si vous voulez réellement renforcer l’intercommunalité, mes chers collègues, vous avez intérêt à souscrire à cette disposition.

Car c’est l’expérience que j’ai faite, comme, j’en suis sûr, beaucoup d’entre vous : aujourd’hui, la légitimité de l’intercommunalité est battue en brèche parce que de nombreuses communes ont le sentiment d’être la cinquième roue du carrosse au sein du conseil communautaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, INDEP et RDSE.)

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Absolument !

M. Philippe Bas. Elles ont besoin d’être mieux représentées : l’intercommunalité fonctionnera mieux si la disposition est adoptée !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° 7 rectifié et n° 18 rectifié bis

Article 4

Après l’article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72-1 A ainsi rédigé :

« Art. 72-1 A. – Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. »

M. le président. La parole est à Mme Anne Ventalon, sur l’article.

Mme Anne Ventalon. C’est la première fois que je prends la parole devant la Haute Assemblée et la disposition proposée par l’article 4 du texte a, pour moi, valeur de symbole.

Pour la moitié d’entre nous, cette campagne sénatoriale a été l’occasion de partir ou repartir à la rencontre des conseils municipaux, qui nous ont ouvert leurs portes. Chaque fois, nous y avons entendu parler de projets et avons constaté intacte cette volonté d’agir, de peser sur la vie quotidienne et l’avenir de la commune. Je l’ai moi-même constaté dans les 335 communes ardéchoises.

Ces communes, elles sont le lieu de rencontre entre les modes de vie partagés, les liens humains tissés au fil des générations et la volonté d’écrire un destin commun. Elles constituent souvent le bel exercice de la démocratie, car elles permettent d’apprécier, dans la vie de chacun, les décisions prises par les élus.

Sans cesse, les maires et leurs équipes doivent imaginer de nouvelles solutions et satisfaire des attentes de plus en plus impatientes. La plupart du temps, ils sont les premiers à devoir régler les problèmes du quotidien, répondre à la demande de solidarité, mais aussi réagir face aux situations de crise, qu’il s’agisse d’épidémies ou de catastrophes naturelles.

Droit à l’instruction, solidarité, accès à la culture, aux loisirs, à la sécurité, à un cadre de vie agréable… : les maires sont des ministères de la proximité et de l’imprévu, à qui il revient chaque jour d’accomplir la promesse républicaine.

Pour protéger leur capacité d’agir de la fièvre recentralisatrice qui parfois s’empare des gouvernements, il m’apparaît indispensable de la sanctuariser dans notre Constitution. Voilà pourquoi je voterai avec enthousiasme l’article 4, qui, je le constate, fait consensus ici puisqu’il n’a fait l’objet d’aucun dépôt d’amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 16 (début)

Articles additionnels après l’article 4

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Bazin et Courtial, Mme Eustache-Brinio, MM. Reichardt, Daubresse et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Bonne, Saury, Mouiller, D. Laurent et B. Fournier, Mmes Joseph, Borchio Fontimp, Richer et Noël, MM. Belin et Brisson, Mme Raimond-Pavero, M. Laménie, Mme Deromedi, MM. Pemezec, Savary, Charon et Le Gleut, Mme Chain-Larché, MM. Rapin et Paccaud, Mme F. Gerbaud et MM. Calvet et Chatillon, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72-… ainsi rédigé :

« Art. 72-. – Le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département. »

La parole est à M. Arnaud Bazin.

M. Arnaud Bazin. Cet amendement vise à réintroduire la clause de compétence générale au profit des départements, afin de leur donner plus de liberté d’action pour répondre à l’intérêt général de l’ensemble de leur population sur leur territoire.

On l’a bien vu avec la crise sanitaire, les départements ont besoin de retrouver de la liberté pour répondre aux besoins de leurs habitants. Ils ont montré qu’ils étaient le bon échelon de gestion pour distribuer les masques et les équipements de protection individuelle, gérer les services départementaux d’incendie et de secours, mener une action publique de proximité.

Comme l’a révélé le rapport de la mission d’information sur le rôle, la place et les compétences des départements dans les grandes régions – excellent rapport établi par Cécile Cukierman et approuvé par l’ensemble des membres de la mission d’information –, la crise sanitaire a démontré la rigidité excessive de la répartition des compétences économiques, l’urgence et, dans certains cas, les insuffisances de l’État ayant conduit certains départements ou certaines régions à prendre des mesures aux marges de leurs domaines d’attribution. Comme indiqué dans la synthèse du rapport, « face à de telles situations, on ne saurait se contenter d’une application des textes à géométrie variable ».

C’est la raison pour laquelle il convient de rétablir la clause de compétence générale pour les départements, déjà reconnue en cas de catastrophe naturelle. C’est la proposition n° 16 du rapport de la mission d’information, et c’est aussi ce que demande l’Assemblée des départements de France.

M. le président. L’amendement n° 18 rectifié bis, présenté par MM. Bazin et Courtial, Mme Eustache-Brinio, MM. Reichardt, Daubresse et Cuypers, Mme L. Darcos, MM. Bonne, Saury, Mouiller, D. Laurent et B. Fournier, Mmes Joseph, Borchio Fontimp, Richer et Noël, MM. Belin, Brisson, Lefèvre et Bascher, Mmes Raimond-Pavero et Deromedi, MM. Pemezec, Savary, Charon, Le Gleut et Milon, Mme de Cidrac, M. Laménie, Mme Berthet, M. Chatillon, Mme Chain-Larché, MM. Rapin et Paccaud, Mmes Imbert, Thomas, F. Gerbaud et Canayer et MM. Sido, Calvet, Segouin, H. Leroy et Gremillet, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 72 de la Constitution, il est inséré un article 72 … ainsi rédigé :

« Art. 72-…. – En cas de catastrophe naturelle, de crise sanitaire ou économique, le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département. »

La parole est à M. Arnaud Bazin.

M. Arnaud Bazin. Cet amendement de repli, au champ évidemment beaucoup plus restreint que le précédent, vise à rétablir cette compétence générale en cas de catastrophe naturelle, de crise sanitaire ou économique, celle-ci lui étant reconnue à ce jour seulement en cas de catastrophe naturelle.

Nos départements ont eu besoin d’intervenir notamment auprès des artisans, des très petites entreprises, qui sont bien éloignés de ces régions géantes et fusionnées.

L’amendement n° 7 rectifié a bien sûr notre préférence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Je comprends pleinement les raisons qui ont motivé Arnaud Bazin à déposer cet amendement, raisons qui ont d’ailleurs été exposées dans le rapport qu’il a rédigé avec Cécile Cukierman. Simplement, au terme de la réflexion que nous avons menée, nous entendons vraiment, au travers de ce texte constitutionnel, adopter des dispositions permettant de sanctuariser la clause de compétence générale de la commune, ce qui n’empêche pas que le département dispose lui-même de cette propre clause, sans qu’il faille pour autant inscrire celle-ci dans la Constitution.

Aussi, l’objectif de notre collègue Arnaud Bazin n’est pas du tout antinomique avec notre volonté de sanctuariser la commune et de faire de celle-ci, comme cela a été explicité dans la discussion générale et comme Philippe Bas et moi-même l’avons rappelé, une collectivité tout à fait singulière en conférant un rang constitutionnel à sa clause de compétence générale, pour lui donner cette agilité et cette capacité à intervenir et en faire l’échelon de proximité par définition.

Cela n’exclut pas que le législateur permette au département de disposer de nouveau d’une clause de compétence générale. D’ailleurs, comme vous l’avez souligné, la loi Engagement et proximité répond partiellement à ce souhait en lui conférant une capacité d’intervention en cas de catastrophe naturelle.

C’est pourquoi, nous demandons le retrait de ces deux amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’avis est bien sûr défavorable.

Premièrement, tout le monde le sait, la commune dispose d’une clause de compétence générale, et le Gouvernement n’a aucunement l’intention d’y toucher.

Deuxièmement, on peut reconnaître un mérite à la loi NOTRe tant décriée – et je siégeais dans cet hémicycle quand elle a été votée –, point sur lequel s’accordent un certain nombre d’élus : avoir clarifié les compétences entre les différents niveaux de collectivité territoriale.

J’entends votre demande, monsieur le sénateur, mais, puisque vous avez cité la compétence économique, vous devez savoir que les autres niveaux de collectivité territoriale ne sont pas du tout favorables à ce qu’on revienne sur cette partition.

Troisièmement, comme vient de le rappeler Mathieu Darnaud, la loi Engagement et proximité contient déjà des dispositions permettant au département d’intervenir notamment en cas de catastrophe naturelle.

J’ajoute, puisque j’ai entendu que l’État ne jouerait pas toujours son rôle en de pareilles circonstances, que celui-ci est bien présent chaque fois que survient une catastrophe naturelle, qu’il soutient au moyen d’importantes dotations les communes sinistrées.

Par ailleurs, je rappelle que, pour faire face à la crise consécutive à l’épidémie de covid-19, nous avons créé un fonds de soutien aux milieux économiques d’un montant de 6 milliards d’euros, lequel fonds, exceptionnellement et à titre dérogatoire, a été ouvert à toutes les collectivités territoriales souhaitant en bénéficier.

De fait, nous savons faire preuve de souplesse quand il le faut.

En outre, nos concitoyens doivent savoir qui fait quoi. Rappelez-vous, voilà quelques années, cette demande était formulée comme un leitmotiv.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. Je voudrais réagir à vos propos, madame la ministre.

Les derniers mots que vous avez prononcés illustrent le fossé qui nous sépare. Alors que nous examinons un texte relatif aux libertés locales, vous nous dites : « Ne vous inquiétez pas, en période de crise, le Gouvernement saura introduire de la souplesse là où il faut ! »

Mais est-ce bien au Gouvernement de décider, à un moment donné, d’introduire de la souplesse – et je ne dis pas que vous ne l’avez pas fait au cours des différents épisodes de crise que nous venons de traverser – quand il estime que c’est justifié ? Ou bien ne faudrait-il pas plutôt que l’organisation territoriale de notre République offre la souplesse nécessaire pour que, à chaque instant, les élus locaux, quand ils sont interpellés par leurs concitoyennes et leurs concitoyens dès lors que surviennent des catastrophes quelles qu’elles soient, puissent leur répondre prioritairement et en urgence et puissent faire vivre les politiques publiques au plus près d’eux, ce qui est leur mission première ?

Ce n’est pas qu’une question de formulation. Savoir s’il revient au Gouvernement d’introduire de la souplesse en temps de crise ou s’il faut plutôt garantir celle-ci de manière pérenne pour une plus grande efficacité, ce n’est pas qu’une question byzantine sur le sexe des anges.

Bien évidemment, avec les membres de mon groupe CRCE, je voterai l’amendement de notre collègue Arnaud Bazin. Ce qui ressort de façon exacerbée de la mission que nous avons menée conjointement, au cœur de la gestion de cette crise sanitaire, c’est bien sûr une demande de clarification et de simplification. Mais, au-delà, nous avons toutes et tous conscience que, à un moment donné, trop de spécialisation est un frein, est source de difficulté et, parfois même, d’inégalité. S’agissant du plan de relance, d’un département à l’autre, d’une préfecture à l’autre devrais-je plutôt dire, nous nous rendons compte que, dans le cadre du contrôle de légalité, les interprétations varient sur ce qu’il est possible de faire ou non au regard de la volonté de souplesse du Gouvernement.

M. Loïc Hervé. C’est vrai.

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.

M. Patrice Joly. J’interviens pour soutenir cet amendement présenté par notre collègue Arnaud Bazin.

Donner la compétence générale au département, c’est une nécessité. Revenir sur cette possibilité est utile pour tenir compte des caractéristiques de chaque territoire, qui doit pouvoir agir selon ses caractéristiques dans les secteurs qu’il juge le plus utiles à la fois pour lui et pour sa population, en particulier, je veux le souligner, dans le domaine économique, car c’est en proximité que l’on peut intervenir pour valoriser les ressources locales, les spécificités territoriales.

J’ai toujours eu, en tant que président du conseil départemental de 2011 à 2017, d’excellentes relations avec les différents présidents de région. Sur des projets de développement économique local, j’ai toujours eu une écoute bienveillante et généralement trouvé des solutions pour que la région accompagne ses projets de développement économique. Mais jamais le président ou la présidente de la région n’est venu me dire que, sur tel ou tel sujet, nous pourrions travailler et avancer au motif qu’il serait possible de créer de la valeur. Effectivement, ce n’est qu’en proximité qu’on est en mesure de tirer parti des caractéristiques propres d’un territoire, que l’on est en mesure de soutenir de manière spécifique les entreprises du territoire au regard de ce qu’elles représentent et donc de ce qui les constitue.

Je voudrais dire aujourd’hui : « N’ayez pas peur des départements ! » Nos concitoyens n’en ont pas peur ; ils se désolent d’ailleurs qu’on leur ait, d’une certaine manière, coupé les ailes, particulièrement dans les territoires ruraux. Les départements sont des collectivités d’avenir : permettez-leur d’agir en leur rendant cette compétence générale.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. Il me semble que je dois répondre à ces deux demandes de retrait, ce que je vais faire très clairement : bien sûr, je ne retire pas mes amendements !

J’ai bien entendu le corapporteur nous expliquer que ce texte constitutionnel a vocation à sanctuariser le rôle des communes. Mais tout de même, son objet porte sur le plein exercice des libertés locales, et indiquer que « le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département » correspond pleinement, me semble-t-il, à son ambition, à tout le moins à ce que son titre sous-tend.

Ensuite, Mme la ministre nous dit en quelque sorte : « Dormez en paix, braves gens, l’État pourvoit à tout ! » Il me semble quand même que la période récente, notamment la nécessité de commander en catastrophe des quantités de masques pour les habitants de nos territoires, de nos communes, en lien d’ailleurs avec celles-ci, a montré qu’il convenait de porter un regard un peu critique sur ce genre d’affirmation. Certes, il existe des dispositifs économiques généraux pour soutenir les entreprises en difficulté – y compris les petites entreprises ou les artisans –, mais rien ne remplace la proximité, la connaissance détaillée du territoire, de la réalité des problèmes qui se posent pour remplir les interstices qui échappent à ces dispositifs.

Tous les six ans, il revient aux électeurs de juger de l’emploi qu’ont fait les élus de cette liberté des départements. C’est encore, me semble-t-il, le meilleur système qui soit.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.

M. Olivier Paccaud. Étant cosignataire des deux amendements d’Arnaud Bazin, je souhaite les défendre, notamment le second, qui traite la problématique d’une crise sanitaire.

Mme le ministre nous dit : « Les Français veulent savoir qui fait quoi ! » Oui, vous avez raison, mais, ce qui intéresse encore plus les Français, c’est l’efficacité : ils veulent que ça fonctionne ! Dans certains cas, même si nous sommes tous d’accord pour sanctuariser le rôle de la commune, le département peut être plus efficace que celle-ci.

Je vais vous donner un exemple très précis et, malheureusement, récent.

Dans le cadre de la crise de la covid-19, l’État, qui peut faire beaucoup de choses, avait oublié de prendre en compte ceux qu’on appelle les TNS, à savoir les travailleurs non salariés. Certains départements leur sont venus en aide au titre de leur compétence en action sociale, cependant que d’autres, maladroitement, n’ont pas utilisé cette compétence et, comme l’a souligné Mme Cukierman, se sont fait retoquer par le contrôle de légalité, alors même qu’ils voulaient apporter une aide identique.

Une petite commune aurait-elle eu les moyens d’apporter cette aide à ses artisans, à ses autoentrepreneurs ou autres ? Non ! L’État l’a-t-il fait ? Non ! Qui l’a fait ? Certains départements, notamment celui de l’Oise, qui a apporté une aide de 500 euros par mois sur trois mois à 4 000 travailleurs non salariés ! Le département était le meilleur échelon pour agir.

Certaines intercommunalités sont également intervenues, mais, si, à l’échelle d’un département, seules quelques-unes d’entre elles agissent, pourquoi ne pas en donner la compétence au département, qui pourra mener une action beaucoup plus équitable, homogène et juste ? Ce serait ni plus ni moins une « mesure de salubrité économique et publique ».

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

M. Alain Marc. Je souhaite vraiment que les départements retrouvent la clause de compétence générale. Nous venons de mener une campagne électorale au cours de laquelle nous avons rencontré des présidents d’intercommunalité, des maires de petite commune : il apparaît qu’il existe une zone grise dans la loi NOTRe, à savoir la compétence solidarité territoriale des départements. À quel moment cette solidarité territoriale peut-elle être économique ? Normalement, la compétence économique est dévolue aux régions, mais qui va, par exemple, faciliter la création d’une petite zone artisanale de 6 ou 8 lots dans une commune ou une communauté de communes pour permettre à l’artisan local de quitter le centre du village et de s’y installer ? Certainement pas la région, qui n’intervient généralement que dans les zones comptant au moins 100 à 200 lots.

Madame la ministre, si l’on veut retrouver cette souplesse que vous évoquiez à l’instant, il faut permettre aux départements d’agir dans ce sens. Aujourd’hui, rien n’est prévu, il n’existe aucune jurisprudence en la matière, et les actions diffèrent très largement d’un département à l’autre. Je souhaite donc que cette question soit tranchée une fois pour toutes ; ou plutôt, je préférerais que nous conservions la clause de compétence générale de façon que le département puisse mener des actions que ne mène pas la région, et qui sont extrêmement importantes pour nos petites communes.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je comprends parfaitement et approuve ce qui vient d’être dit.

Nous sommes face à une situation particulière : dans le cas des régions monodépartementales, en l’absence de financements croisés, la situation est complexe. Au moment où je vous parle, la Guadeloupe connaît une crise de l’eau, et tout ce qui se fait est illégal. Comme vient de le dire notre collègue Cécile Cukierman, tout est laissé à l’appréciation du préfet, tout est à géométrie variable, alors qu’il serait préférable de stabiliser les interventions du département en lui donnant les moyens pour ce faire.

Je voterai donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le corapporteur.

M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Je voudrais vraiment resituer le débat.

Je suis intrinsèquement et viscéralement départementaliste. Or, ici, le sujet n’est pas celui de la clause de compétence générale des départements : le sujet, c’est de constitutionnaliser la clause de compétence générale des communes, étant entendu qu’on peut tout à fait conférer au département la clause de compétence générale sans qu’il soit pour autant nécessaire de l’inscrire dans la Constitution.

Le vrai débat que nous avons à trancher ce soir, c’est celui-là !

Lors de l’examen du texte en commission, des amendements ont été déposés puis retirés portant sur la collectivité régionale. Dès lors, il me semble que le débat est un peu tronqué si l’on omet d’évoquer le cas du conseil régional et de la collectivité régionale.

Sur le fond, je ne suis pas contre la proposition de notre collègue Bazin ; je considère juste que ce n’est ni le lieu ni l’endroit pour engager ce débat. Cinq ou six parmi vous ont cité Montesquieu pour dire qu’on ne doit toucher à la Constitution que d’une main tremblante ; là, j’ai le sentiment que ce débat est du ressort d’une loi ordinaire.

Je voulais donc remettre le sujet dans son contexte. La question n’est absolument pas d’être pour ou contre la clause de compétence générale.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis d’accord avec ce que vient de dire M. Darnaud afin de recentrer le débat. Ma mission ne consiste pas à choisir entre telle ou telle collectivité. Je l’ai dit, partout où je vais dans les territoires, les élus me disent : « Ne touchez pas au meccano institutionnel ! » On me le dit partout !

Je voulais préciser à l’attention de M. Marc qu’il existe aussi un « truc » qui s’appelle l’intercommunalité – remarquez bien que je n’emploie ce mot que pour sourire et le mets entre guillemets. La compétence économique est partagée entre les régions et les intercommunalités ; ces dernières peuvent apporter des aides aux commerces, aux artisans, aux entreprises, etc. (M. Alain Marc le conteste. – Murmures sur des travées des groupes UC et Les Républicains.) C’est la vérité !

Monsieur Paccaud, vous vous êtes exprimé sur les aides à caractère social du département. Vous avez raison : les départements ont attribué des aides sociales aux salariés touchés par la crise économique consécutive à la crise de covid-19, ce qui s’inscrit tout à fait dans leurs compétences. Je me rappelle avoir répondu à une question d’actualité au Gouvernement posée par mon ancien collègue de la Haute-Savoie, ici présent, précisément au sujet de son département, qui voulait savoir de quelle manière il pouvait apporter de l’aide. Avec l’assistance du Gouvernement, il a pu agir.

Nous sommes là aussi pour faire en sorte que les choses puissent se faire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 18 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendements n° 7 rectifié et n° 18 rectifié bis
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales
Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 16 (interruption de la discussion)

M. le président. L’amendement n° 16, présenté par M. Kerrouche, Mme Harribey, M. Lurel, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La Constitution est ainsi modifiée :

1° L’article 34 est ainsi modifié :

a) À la fin du treizième alinéa, les mots : « , de leurs compétences et de leurs ressources » sont remplacés par les mots : « et de leurs compétences » ;

b) Après le dix-neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les lois de financement des collectivités territoriales déterminent le montant des transferts financiers de l’État ou de la sécurité sociale aux collectivités territoriales et les conditions générales d’équilibre de leurs comptes, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. » ;

2° À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 39, les mots : « et de loi de financement de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « , de loi de financement de la sécurité sociale et de loi de financement des collectivités territoriales » ;

3° L’article 42 est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, les mots : « et des projets de loi de financement de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « , des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des projets de loi de financement des collectivités territoriales » ;

b) À la seconde phrase du dernier alinéa, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « , aux projets de loi de financement des collectivités territoriales » ;

4° Après l’article 47-1, il est inséré un article 47-… ainsi rédigé :

« Art. 47-…. – Le Parlement vote les projets de loi de financement des collectivités territoriales dans les conditions prévues par une loi organique.

« Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de vingt jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45.

« Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance.

« Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n’est pas en session et, pour chaque assemblée, au cours des semaines où elle a décidé de ne pas tenir séance, conformément au deuxième alinéa de l’article 28. » ;

5° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 47-2, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « et des lois de financement des collectivités territoriales ».

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Le texte qui nous est proposé aujourd’hui traduit le souhait de mettre en place et d’affirmer certains principes, notamment la clause de compétence générale de la commune par le biais de celle des départements.

S’il existe un symbole important de la liberté locale, c’est celui de la clarté. Pour nous, et c’est ce que nous proposons par cet amendement, cette clarté passe par la création et la mise en œuvre d’une loi de financement des collectivités territoriales. Pourquoi ? Parce que, outre le budget de l’État, outre le budget de la sécurité sociale, symboliquement, en raison de l’importance de ce que font les collectivités au quotidien et de la nécessité d’identifier ces actions, il faudrait leur dédier cette loi de financement.

Celle-ci a été réclamée maintes fois, et l’objet de cet amendement cite quelques exemples.

Il nous semble que la création de cette loi de financement des collectivités symboliserait leur poids et leur dynamique dans le fonctionnement des institutions nationales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, corapporteur. J’ai eu l’occasion en commission de répondre à notre collègue Éric Kerrouche et de lui dire que l’idée, en tant que telle, ne suscitait aucun rejet immédiat de ma part, qu’elle était intéressante, mais qu’elle me semblait à tout le moins devoir être expertisée. Cela vaudra d’ailleurs pour d’autres amendements.

On comprend bien les raisons qui ont prévalu au dépôt de la présente proposition de loi constitutionnelle et le calendrier de son examen. Pour autant, et pour tenter de répondre sur le fond, j’invoquerai trois éléments.

D’abord, je rappelle à l’ensemble de nos collègues que cette proposition de création d’une loi de financement des collectivités avait été examinée et rejetée par le groupe de travail présidé Gérard Larcher, où l’ensemble des groupes étaient représentés. Il lui a été préféré, pour atteindre l’objectif visé d’une meilleure visibilité sur les finances locales, la création d’un débat annuel consacré aux finances locales juste avant l’examen par le Parlement du projet de loi de finances.

Ensuite, cette proposition recoupe certainement plusieurs points de vue. L’idée, si elle a pu faire son chemin, se heurte à quelques écueils, notamment celui que je viens de rappeler.

Enfin, il me paraît important de rappeler un dernier point : une telle évolution institutionnelle nécessite un temps de débat, un temps d’expertise. En l’état, il nous est difficile de nous prononcer réellement sur le fond et il serait extrêmement dommageable qu’une telle disposition soit adoptée par amendement dans un véhicule qui ne me paraît pas adapté – c’est ce que je vous disais en commission –, alors qu’elle nécessite un travail de fond associant pleinement la commission des finances, particulièrement concernée – nous avons eu l’occasion de l’évoquer avec notre collègue rapporteur pour avis Charles Guené.

Un travail préalable à une éventuelle révision de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) est en cours entre les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il pourrait, selon nous, être le lieu et l’objet du débat.

C’est pourquoi nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Kerrouche, votre demande, assez récurrente, n’est pas si évidente à satisfaire qu’elle n’en a l’air, si je puis dire.

Tout d’abord, une partie des recettes locales provenant du budget de l’État, son montant ne peut donc être fixé que par une loi de finances. Je parle là des prélèvements sur recettes, en première partie de la loi de finances, et des crédits budgétaires, en seconde partie.

En outre, il existerait forcément des doublons entre la loi de financement des collectivités et la loi de finances. Beaucoup de dispositions se retrouveraient dans les deux textes.

En revanche, je suis évidemment d’accord avec vous pour déplorer un manque de lisibilité. Cela m’avait frappée lorsque Charles Guené était rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » – Loïc Hervé étant rapporteur pour avis au nom de la commission des lois – et j’ai pu le constater depuis que je suis ministre : cette année, par exemple, les crédits de la mission se montent à 4 milliards d’euros, alors qu’en réalité ils représentent 50 milliards. Par rapport à la réalité, c’est donc epsilon.

La proposition que fait Mathieu Darnaud d’un débat me semble importante. Par ailleurs, il me paraît nécessaire d’engager une réforme pour une meilleure lisibilité de la maquette budgétaire. Il serait dans l’intérêt de tous que les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales soient mieux perceptibles, certaines lignes budgétaires pouvant être parfois diluées dans différentes missions.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je soutiens cet amendement d’Éric Kerrouche.

Madame la ministre, vous avez prononcé le mot clé : « lisibilité ». Si quelqu’un, ici, parvient à comprendre pourquoi telle commune touche tel montant de dotation globale de fonctionnement (DGF), tandis que telle autre touche tel montant, alors je le féliciterai ! Les critères d’attribution de la DGF, qui se sont additionnés au fil du temps, représentent un tel conglomérat que même les spécialistes ont du mal à s’y retrouver. Je salue d’ailleurs les quelques personnes de la direction générale des collectivités locales (DGCL) qui sont capables de comprendre à peu près comment on parvient au résultat.

Je ne parle là que d’une dotation. Or il existe beaucoup de dotations, de mesures fiscales, de mesures de compensation qui deviennent souvent au fil du temps des variables d’ajustement. Si bien que, même en vous donnant du mal pour ce faire, il est extrêmement difficile de comprendre la politique financière mise en œuvre à l’égard des collectivités locales au travers de la loi de finances tant le sujet est complexe. C’est là un vrai problème que M. Kerrouche a le mérite de soulever. Puisque le Sénat représente les collectivités territoriales de la République, il est normal que ses interventions soient rituelles et récurrentes.

Madame la ministre, quel que soit le sort qui sera réservé à cet amendement – j’espère que ce sera un sort heureux –, il serait bien que le Gouvernement, avec nous, fasse des propositions pour rendre les choses plus compréhensibles. C’est dans l’intérêt de notre démocratie et de la décentralisation. Les collectivités locales éprouvent un sentiment d’arbitraire, attendant finalement que les chiffres tombent du haut. Cet amendement, s’il était voté, aurait le mérite de poser pleinement le problème et l’enjeu : il faut que l’on puisse bien comprendre la politique menée par quelque gouvernement que ce soit en matière de finances locales.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Nous ne faisons que reprendre ici l’un des aspects de la proposition de résolution que nous avons examinée au mois de juin. Le maître mot est simple : clarté et lisibilité. C’est ce dont ont besoin nos collectivités territoriales.

Le Président de la République nous invite à avoir de l’audace, nous dit qu’il faut chevaucher le tigre. Je constate simplement que, en ce qui concerne les collectivités locales, l’audace est relativement limitée alors qu’elles mériteraient de savoir à quelle sauce elles seront mangées tous les ans.

Cette loi de financement des collectivités me semble indispensable pour introduire cette clarté ; c’est pourquoi il faut enfin la mettre en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. M. Sueur a évoqué la DGF. Je pourrais citer bien d’autres exemples. Je pense notamment à la dotation de solidarité urbaine, que j’ai eu l’honneur de piloter comme ministre de la ville. La complexité touche alors à l’extrême, pour ne pas dire à un arbitraire total, y compris pour des raisons politiques, sinon politiciennes. La démocratie souffre de cette absence de clarté.

Nos 500 000 élus locaux sont aujourd’hui valorisés pour leur rôle de proximité et leur implication non seulement dans la grande crise sanitaire que nous vivons, mais aussi dans celle des « gilets jaunes », avec le soutien du Président de la République à l’époque. Pourquoi ne pas leur donner ce véhicule législatif qui leur permettrait d’exister par rapport au budget de notre pays ? C’est la raison pour laquelle nous soutenons à fond, avec beaucoup de détermination, l’amendement que vient de présenter M. Kerrouche.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. À l’inverse, nous ne soutenons pas « à fond » cet amendement. Comme l’a souligné M. Darnaud, ce n’est pas au détour d’un amendement qu’on peut créer un projet de loi de finances spécifique aux collectivités territoriales.

Par ailleurs, et Mme la ministre l’a également souligné, que faudrait-il extraire du projet de loi de finances ? Que faudrait-il sacraliser ?

En outre, et je ne dis pas que telle sera l’orientation de votre gouvernement, madame la ministre, comment être certain qu’il n’y ait pas, demain, davantage d’austérité ? Dès lors, la logique gouvernementale pourrait imposer un budget constant au vu de recettes prédéterminées et examinées précédemment.

J’entends les arguments de nos collègues du groupe socialiste, mais je ne vois pas en quoi un projet de loi de finances spécifique rendrait plus lisible, simplifierait ou même rendrait plus démocratique le calcul de la DGF aux communes, celui du transfert de taux et des dotations spécifiques aux communes, à leurs groupements, aux départements et à la région. Aujourd’hui, de grands savants font sûrement de grandes formules, mais force est de constater que plus personne ne comprend rien : pourquoi telle commune reçoit tant et une autre tant ?

Il y aurait certainement besoin d’un peu plus de clarification et de simplification. Toutefois, en l’état, nous voterons contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je ne suis pas d’accord avec cet amendement.

Monsieur Kerrouche, vous nous dites que les collectivités veulent savoir chaque année à quelle sauce elles vont être mangées. Ce n’est pas une question de sauce : elles ne veulent tout simplement pas être mangées ! Elles sont autonomes, et le principe d’autonomie doit être respecté. Une loi de financement des collectivités territoriales serait une machine de guerre pour mettre sous tutelle les budgets des collectivités.

Vous avancez un argument qui est bon, celui de l’absence de visibilité. Essayons de corriger ce problème autrement qu’en mettant en place une machine de guerre, à l’instar du projet de loi de financement de la sécurité sociale vis-à-vis de la sécurité sociale que nous avons délibérément instauré en 1996, qui va permettre à l’État et à Bercy d’imposer davantage leur pouvoir aux collectivités territoriales dans une sorte de « super Cahors » législatif annuel.

Soyons raisonnables. Faisons en sorte, comme le propose si justement notre collègue corapporteur Mathieu Darnaud, qu’il y ait chaque année un débat, que le Gouvernement soit obligé de produire un document budgétaire parfaitement limpide et clair dont nous discuterons. Mais, surtout, ne bridons pas la liberté des collectivités locales à travers un texte qui s’inspirerait du système de la loi de financement de la sécurité sociale, faite pour réduire le trou de la sécurité sociale avec des instruments très coercitifs. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE.)

M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour explication de vote.

Mme Vivette Lopez. Je partage pleinement les propos de notre collègue Philippe Bas : nos petites communes ne veulent pas être mangées et demandent plus de lisibilité.

Pour m’être rendue dans un certain nombre de petites communes pauvres durant la campagne sénatoriale, c’est-à-dire avec un budget de 80 000 à 100 000 euros, je peux vous dire qu’elles s’inquiètent, voire s’alarment d’une baisse de dotation – de 15 000 à 40 000 euros parfois – sans aucune autre explication que celle d’avoir intégré une communauté d’agglomération. On considère alors qu’elles sont devenues plus riches et que leur dotation peut être diminuée, sans les prévenir, alors que d’autres communes aisées, qui ont aussi intégré une communauté d’agglomération, mais qui ont perdu un peu de potentiel, voient leur dotation augmenter. Elles ne comprennent plus.

Il me semble important d’apporter plus de lisibilité à ces petites communes dont la dotation a été grandement amputée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Je comprends parfaitement le souci de lisibilité de certains de nos collègues. Toutefois, ce n’est pas parce que nous disposerons d’une loi de finances spécifique que la question des finances locales sera plus simple. Pour être rapporteur de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) depuis une douzaine d’années – je me permets d’ailleurs de vous renvoyer à ce rapport, qui présente une description exhaustive des finances locales –, je sais combien ce domaine est complexe.

Assemblée nationale et Sénat discutent de cette question depuis un certain temps déjà. Il n’est pas certain que cette méthode permette d’arriver à une meilleure lisibilité des finances locales. De plus, se posent des questions de calendrier avec la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. Enfin, un tel dispositif pourrait remettre en cause la prééminence du Sénat sur les affaires locales.

La commission des finances n’est pas favorable à cette inclusion. Il ne serait pas sérieux d’adopter un amendement d’appel dans un texte ayant une vocation constitutionnelle.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Je suis assez surpris des arguments que j’entends.

Je n’étais pas encore sénateur que je suivais déjà un peu vos travaux : depuis toujours, et sur de nombreuses travées, j’ai entendu le Sénat être d’accord pour une loi de financement des collectivités territoriales. Je ne pense pas que les membres de la Cour des comptes soient des irresponsables : ils ont fait trois rapports sur cette question. De même, plusieurs rapports du Sénat soulignent qu’il faut sanctuariser les choses.

Comme pour la loi de financement de la sécurité sociale, un rapport de force se mettra en place. Les associations d’élus iront défendre en amont les dotations octroyées aux collectivités.

Pardonnez-moi, mais vos arguments me semblent un peu « légers » : il s’agirait d’une « arme de guerre », il ne faut pas sanctuariser les choses, mais conserver notre liberté… Il est pourtant certain que les conditions dans lesquelles nous votons aujourd’hui les financements des collectivités ne sont ni optimales ni bonnes. Il faut cranter les choses. Je voterai donc avec enthousiasme cet amendement qui émane de mon groupe.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l’adoption 77
Contre 263

Le Sénat n’a pas adopté.

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 16 (début)
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Discussion générale

6

Candidatures à un office parlementaire et à cinq délégations parlementaires

M. le président. L’ordre du jour appelle la désignation des dix-huit sénateurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, des trente-six membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, des trente-six membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, des trente-six membres de la délégation sénatoriale à la prospective, des vingt et un membres de la délégation sénatoriale aux outre-mer autres que les vingt et un sénateurs membres de droit et des quarante-deux membres de la délégation sénatoriale aux entreprises.

En application des articles 6 ter, 6 septies et 6 decies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, du chapitre 17 bis de l’instruction générale du bureau, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

7

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 16 (interruption de la discussion)
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Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 20 rectifié

Plein exercice des libertés locales

Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi constitutionnelle et d’une proposition de loi organique dans les textes de la commission modifiés

proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales (suite)

Discussion générale
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Article 5

Articles additionnels après l’article 4 (suite)

M. le président. L’amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa de l’article 72-1 de la Constitution, après les mots : « à son initiative », sont insérés les mots : « ou à celle d’un groupe de citoyens résidents ».

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Les mobilisations citoyennes, les marches pour le climat, les manifestations lycéennes, les appels d’organisations syndicales ont exprimé haut et fort, à plusieurs occasions, la revendication d’une participation accrue à la décision publique. Ces mouvements témoignent du rejet de notre modèle libéral et de la crise de confiance des citoyens à l’égard des élus.

Ce constat nécessite une évolution urgente des modes de participation des citoyens pour les associer aux décisions qui les concernent et les impactent dans leur quotidien, tout particulièrement celles des collectivités territoriales. Nous ne pourrons sortir de cette crise démocratique sans replacer nos concitoyens au cœur de l’action publique.

Redonner de la confiance dans l’exercice démocratique doit être notre priorité. Nous devons engager une réforme profonde de nos institutions avec une implication beaucoup plus forte au niveau local. Le référendum d’initiative locale permettrait ainsi à un nombre de citoyens résidents d’interpeller les élus locaux soit par référendum, soit par le vote de l’assemblée délibérative.

Cette demande de citoyenneté active doit aujourd’hui s’inscrire dans notre Constitution, et le référendum d’initiative citoyenne doit trouver une traduction locale. Il conviendra ensuite d’en préciser les modalités dans une loi organique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Mon cher collègue, à travers cet amendement, vous soulignez l’importance de la démocratie participative à laquelle tout le monde ici accorde beaucoup d’intérêt et dont nous reconnaissons la pertinence. Faire nation, c’est aussi permettre que l’ensemble de nos concitoyens participe aux décisions. Il serait d’ailleurs également bon que le taux d’abstention aux élections diminue : le premier acte de démocratie participative n’est-il pas de voter ?

Je souscris à l’objectif extrêmement louable et très sain que vous recherchez, mais, si votre amendement était adopté, c’est l’initiative citoyenne qui engagerait – voire qui contraindrait, en quelque sorte – le conseil municipal à organiser le référendum. Or nous pensons que la démocratie représentative a toute sa valeur associée à la démocratie participative. Inverser les rôles risquerait parfois de mettre les exécutifs locaux en difficulté et, dans certains cas, de ralentir le processus de décision.

Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contrainte d’émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

En outre, l’adoption de votre amendement permettrait à des résidents de soumettre un projet à référendum local, alors même qu’ils ne feraient pas forcément partie des électeurs amenés à se prononcer – comme vous le savez, tout résident n’est pas forcément électeur. Or le deuxième alinéa de l’article 72-1 de la Constitution limite bien la participation aux référendums locaux aux seuls électeurs de la collectivité concernée. Les Bretons en savent quelque chose…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 4 - Amendement n° 20 rectifié
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Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 17

Article 5

L’article 72-2 de la Constitution est ainsi modifié :

1° La première phrase du troisième alinéa est ainsi modifiée :

a) Les mots : « recettes fiscales et les autres » sont supprimés ;

b) Le mot : « déterminante » est remplacé par le mot : « significative » ;

2° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « ou entre collectivités territoriales » ;

b) La seconde phrase est ainsi rédigée : « Toute création ou extension de compétences ou toute modification des conditions d’exercice des compétences des collectivités territoriales résultant d’une décision de l’État et ayant pour effet d’augmenter les dépenses de celles-ci est accompagnée de ressources équivalentes au montant estimé de cette augmentation. » ;

c) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Les ressources ainsi attribuées pour la compensation des transferts, créations, extensions ou modifications de compétences font l’objet d’un réexamen régulier. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles les dispositions du présent alinéa sont mises en œuvre. »

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, sur l’article.

M. Laurent Burgoa. C’est avec plaisir que je prends la parole pour la première fois dans cet hémicycle, en tant que sénateur du Gard.

Nous devons absolument préserver les finances de nos collectivités, socle de leur liberté d’action.

Le Gouvernement nous promet une loi dite « 3D », voire « 4D ». J’espère, madame la ministre, que nous n’arriverons jamais au cinquième « D », celui de la disparition de certaines de nos collectivités territoriales, faute de moyens financiers.

Il faut donner une visibilité financière aux collectivités. Il s’agit de défendre leur autonomie : toute création ou extension de compétence résultant d’une décision de l’État doit être accompagnée des ressources nécessaires. Cela va sans dire, mais les ressources attribuées doivent faire régulièrement l’objet d’un réexamen.

Faisons confiance à nos élus locaux. Depuis toujours, lorsqu’ils décident, ils paient. De même, si l’État décide, il doit payer. Je donnerai deux exemples : lorsque le Premier ministre décide d’augmenter de 1 % le RSA, il en coûte 1,6 million d’euros au département du Gard ; quand le ministre de l’intérieur décide, fort justement, de revaloriser de 25 % la prime de feu, il en coûte 1,2 million d’euros par an au SDIS du Gard.

Madame la ministre, décider, c’est bien ; payer, c’est mieux ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. L’amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Avant le premier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’autonomie financière des collectivités territoriales est garantie. »

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Depuis les années 1980, les différents gouvernements se sont efforcés d’encourager les mouvements de décentralisation. À l’heure où les collectivités manifestent leur volonté d’agir en faveur de la transition écologique et où l’action publique doit porter ses efforts en matière de justice sociale et apporter des réponses fortes à la crise démocratique que nous traversons et que j’évoquais à l’instant, il est indispensable de renforcer l’action des collectivités territoriales par une plus grande liberté fiscale et de faire de l’autonomie financière un principe constitutionnel.

À mesure que nous progressons dans les mécanismes de décentralisation, nous entendons la même petite musique lancinante selon laquelle les collectivités seraient dépensières et qu’elles ne maîtriseraient pas leur budget. C’est une sorte de travail de sape de la décentralisation, engagé depuis plusieurs années avec les réformes successives des impôts locaux, de la taxe professionnelle, de la DGF et la suppression de la taxe d’habitation. Ces réformes ne reviennent ni plus ni moins qu’à mettre les collectivités sous tutelle.

Les débats qui se tiennent en ce moment même à l’Assemblée nationale, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, sur la recentralisation des impôts de production et sur la taxe sur la consommation finale d’électricité ne sont pas de nature à nous rassurer, bien au contraire.

L’adoption de cet amendement nous permettrait, mes chers collègues, d’affranchir les collectivités d’une sorte de diktat de Bercy et de protéger le principe de libre administration des collectivités en inscrivant dans la Constitution le principe d’autonomie financière, à charge ensuite au législateur d’en définir les modalités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Je voudrais tout d’abord remercier notre collègue Burgoa d’apporter de l’eau à notre moulin en soutenant le principe « qui décide paie » que nous voulons inscrire dans la Constitution.

Monsieur Benarroche, nous partageons absolument votre objectif. Toutefois, je me permets d’appeler votre attention sur le fait que l’adoption de votre amendement supprimerait les dispositions de cette proposition de loi constitutionnelle relatives à une meilleure compensation financière de l’exercice des compétences transférées, notamment en cas de nouvelles charges.

Par ailleurs, vous voulez faire de l’autonomie financière un principe constitutionnel. Or c’est précisément l’objet de l’article 72-2 de la Constitution que de définir l’autonomie financière et les conditions dans lesquelles elle est garantie.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement, qui est, à mon sens, déjà satisfait par le texte de la commission ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Tout cela est bien évidemment très important, mais il faudrait commencer par se mettre d’accord sur le sens des mots, de manière générale.

L’autonomie fiscale, l’autonomie financière, le principe « qui décide paie » ne sont, en réalité, pas aussi simples qu’il y paraît. Le débat mériterait d’être développé. J’en discute souvent avec les membres de la commission des finances du Sénat.

Dans la discussion générale – et vous avez réagi à mes propos –, j’ai souligné que les régions n’avaient plus de pouvoir fiscal, mais qu’elles disposaient de parts d’impôts nationaux comme la TVA, par exemple. Je vous rappelle que c’est le gouvernement précédent qui a transformé la DGF des régions en parts de TVA.

Lorsque nous avons proposé de baisser les impôts de production en raison de la crise économique que nous traversons, les régions nous ont demandé de leur donner de la TVA : elles ont vu l’intérêt qu’elles pouvaient tirer de la dynamique de cet impôt. Pour autant, cela ne signifie pas qu’elles n’ont plus d’autonomie financière. En France, nous avons cette culture de lier levée de l’impôt et autonomie fiscale ou financière, alors même que ces deux termes n’ont pas la même signification.

Permettez-moi d’aller au bout de ma pensée personnelle : pour les communes, qui sont en proximité avec les citoyens, la levée de l’impôt a sans doute un sens plus important que pour la région ou le département. Je vais très loin, je le sais. Nous devons tenir un débat sur le fond.

Par ailleurs, l’autonomie fiscale est souvent présentée comme ayant un lien très fort avec la décentralisation. Or, en Allemagne, par exemple, pays fédéral, les finances de chaque Land sont assises sur des dotations de l’État, ce qui ne remet pas en cause leur capacité à mener une politique décentralisée. Nous devons y réfléchir.

En écho au débat que nous venons d’avoir sur l’opportunité d’une loi de finances spécifique aux collectivités territoriales, je rappelle que le Bundesrat et le gouvernement allemand discutent chaque année des dotations allouées aux collectivités territoriales. C’est une autre méthode. Le monde évolue et tout cela mérite d’être discuté.

Madame Gatel, quand vous dites « qui décide paie », il faut tout de même faire attention : quand une collectivité territoriale a un projet, d’autres collectivités et l’État peuvent aussi apporter des subventions…

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Ce n’est pas la même chose !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Opposer État et collectivités territoriales est à la mode. Je préfère inviter à la prudence.

Enfin, monsieur Benarroche, le plan de relance représente une opportunité formidable en ce qu’il prévoit de consacrer 32 milliards d’euros au financement de la transition écologique, dont une partie profitera bien évidemment aux collectivités territoriales.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

M. Alain Marc. Je suis en accord total avec Mme la ministre et les corapporteurs.

L’adoption de cet amendement, qui vise à garantir l’autonomie financière des collectivités territoriales, se révélerait extrêmement dangereuse en ce que cette autonomie pourrait tout aussi bien être garantie a minima.

Les mots ont un sens, mon cher collègue, et les dispositions de votre amendement ne sont pas assez précises. Je ne voterai pas cet amendement, qui pourrait se retourner contre nos collectivités locales.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. L’objectif des auteurs de cet amendement est plutôt sain. Il s’agit de sécuriser les finances des collectivités territoriales, notamment pour permettre aux élus de projeter leurs investissements sur la durée de leur mandat. Toutefois, la rédaction retenue souffre des mêmes critiques que celles que nous adressions, voilà quelques instants, à un projet de loi de finances spécifique aux collectivités territoriales : qui garantit l’autonomie et à quel niveau sera-t-elle satisfaite ?

Le vrai débat, et peut-être ne serons-nous alors plus d’accord, madame la ministre, porte sur l’autonomie fiscale : c’est elle qui permet à une équipe élue de fixer ses priorités, de faire des choix financiers et fiscaux. Certains feront le choix d’augmenter des impôts pour développer davantage de services ou pour investir davantage, quand d’autres feront le choix de les baisser, parce que, disposant d’autres ressources, ils peuvent se le permettre, ou parce qu’ils décident de restrictions budgétaires. Quoi qu’il en soit, cette autonomie est indispensable pour faire de la politique au sens noble du terme.

Par ailleurs, puisque vous êtes revenue sur la question des régions, vous me permettrez d’y revenir également. Je le redis, l’accord du mois de juillet, que tout le monde a accepté, est un accord un peu contraint. Aujourd’hui, la plupart des collectivités régionales se réunissent pour faire leur débat d’orientation budgétaire ; et force est de constater que tous les conseils régionaux reconnaissent également, quelle que soit leur majorité et quelle que soit leur opposition, que la dynamique de compensation offerte par la fraction de TVA remplaçant l’impôt de production ne sera pas à la hauteur. (Mme la ministre manifeste son désaccord.) On s’inquiète, pour ne pas dire plus, d’un manque à gagner là où il s’agit de boucler les budgets des régions pour les années 2021 et suivantes.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
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Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 21 rectifié bis

Articles additionnels après l’article 5

M. le président. L’amendement n° 17, présenté par M. Kerrouche, Mme Harribey, M. Lurel, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La Constitution est ainsi modifiée :

1° Après l’article 72-4, il est inséré un article 72-… ainsi rédigé :

« Art. 72-…. – Le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales est accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. » ;

2° À la première phrase de l’article 88-3, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » et le mot : « seuls » est supprimé.

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Il s’agit, là encore, d’un amendement symbolique, qui vise à reprendre notre position collective habituelle : nous demandons que l’ensemble des étrangers résidant en France puissent voter aux élections locales, selon des modalités qui resteront, bien entendu, à définir dans la loi organique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Mon cher collègue, vous allez trouver que je suis peu positive aujourd’hui. Je vous demande en effet de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

Si les citoyens de l’Union européenne peuvent aujourd’hui voter aux élections locales, c’est dans le cadre d’accords de réciprocité. Votre amendement a pour objet d’étendre à tous les étrangers le droit de vote aux élections locales. À défaut d’accords de réciprocité et d’une définition précise d’un certain nombre de conditions, le débat que nous ouvrons ainsi me semble un peu large pour le cadre de cette proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

Mme Éliane Assassi. Le Sénat a adopté cette proposition il y a quelques années !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 17.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 17
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales
Article 6

M. le président. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par M. Pointereau, Mme Deroche, MM. del Picchia, Cardoux, Karoutchi, Savin, Courtial et Lefèvre, Mme Berthet, M. Pellevat, Mme Belrhiti, M. D. Laurent, Mmes Raimond-Pavero et Noël, MM. Le Gleut et Cuypers, Mme L. Darcos, M. B. Fournier, Mme Deromedi, M. Paccaud, Mme Thomas, M. Pemezec, Mmes F. Gerbaud et Imbert, MM. Bascher, Savary et Brisson, Mme Richer, MM. Piednoir, Sido, Hugonet, Guené, Rietmann, Perrin, Anglars, de Legge, Calvet, Panunzi, Vogel et H. Leroy, Mme Micouleau, MM. Laménie, Bouchet, Mouiller, Sautarel et Gremillet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Chevrollier et Mme Gruny, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 88-7 de la Constitution, il est inséré un article 88-… ainsi rédigé :

« Art. 88-…. – Les projets ou propositions de loi tendant à la transposition d’un acte législatif européen ne peuvent contenir des dispositions excédant ce qui est nécessaire à cette transposition. Les amendements à ces projets ou propositions ne sont recevables que s’ils sont destinés à assurer cette stricte transposition. Lorsque le Sénat considère qu’un projet ou qu’une proposition de loi contient de telles dispositions, la procédure du dernier alinéa de l’article 45 n’est pas applicable. »

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Le 12 janvier 2016, le Sénat examinait et votait une proposition de loi constitutionnelle relative à la compensation de toute aggravation par la loi des charges et contraintes applicables aux collectivités territoriales, issue de travaux de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, eux-mêmes menés dans le cadre de la mission dont j’étais chargé sur la simplification des normes.

Cette proposition de loi constitutionnelle visait à inscrire dans la Constitution différents principes pour inciter le législateur à accepter que lui soient fixés comme objectifs contraignants la simplification des normes et la stabilisation ou l’allégement des charges applicables aux collectivités territoriales, lesquelles sont souvent confrontées à une baisse importante de leurs ressources.

Trois principes clairs étaient posés.

Premier principe : celui qui édicte la norme doit la payer – autrement dit, celui qui décide paie –, principe repris à l’article 5 de la présente proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales.

Deuxième principe : la création d’un mécanisme de « gage normatif », applicable aux projets et propositions de loi comme aux amendements, obligeant à compenser toute nouvelle charge ou contrainte imposée aux collectivités territoriales par la suppression d’une charge ou contrainte d’importance équivalente – c’est le principe du « one in, one out ».

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Je serais même pour un « one in, two out »…

M. Rémy Pointereau. Troisième principe : interdire la surtransposition de directives européennes par des textes se présentant comme des transpositions de celles-ci.

Le présent amendement vise à reprendre ce dernier principe. Il n’est en effet pas rare que les projets de loi assurant la transposition des directives européennes aillent au-delà des exigences définies par le législateur européen, introduisant ainsi de manière quasi subreptice des contraintes et charges nouvelles, notamment pour les collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Je salue, avec l’intervention de notre collègue Rémy Pointereau, celle d’un fin chasseur de la norme et du surcoût. Nous partageons tous, me semble-t-il, un certain agacement, une irritation, à l’égard des excès de normes. Il arrive effectivement qu’au Parlement français on surenchérisse sur la norme.

J’entends bien le propos. Je le partage très largement. Toutefois, en examinant attentivement votre amendement, mon cher collègue, on constate que ses effets collatéraux seraient loin d’être insignifiants. Son adoption reviendrait à rogner un peu l’initiative parlementaire et à donner au Sénat la possibilité de s’opposer à la procédure législative par laquelle l’Assemblée nationale a le dernier mot – ce n’est pas rien !

S’il s’agit d’éviter les surenchérissements sur des normes régissant un certain nombre d’obligations – je pense, par exemple, aux normes relatives aux équipements sportifs, sur lesquelles notre collègue Dominique de Legge avait fait un excellent rapport –, d’accord. Toutefois, l’adoption d’un tel amendement voudrait dire aussi que, dans d’autres domaines, comme ceux de la lutte contre le blanchiment d’argent ou de la lutte contre le financement du terrorisme, si notre pays voulait introduire des dispositions plus fortes, plus strictes, que celles de l’Union européenne, au sein de laquelle il faudrait convaincre des pays qui n’ont pas la même vision que nous, nous ne pourrions plus le faire.

Comme je l’ai dit, j’entends bien l’objectif et je le partage. Je suis malgré tout obligée de demander le retrait de l’amendement tel qu’il est formulé ou, à défaut, d’émettre un avis défavorable. J’ai néanmoins une proposition à vous faire, sur le modèle de la réponse qui avait été faite lorsque la question avait été traitée, déjà, en 2016 ; notre assemblée avait alors rejeté cette restriction, lui préférant la rédaction suivante : « Les mesures assurant la transposition d’un acte législatif européen n’excèdent pas les objectifs poursuivis par cet acte. »

Je le répète, il s’agit donc d’une demande de retrait ou, à défaut, d’un avis défavorable, sauf si vous acceptez de reprendre la formulation que je viens de proposer, qui est celle que nous avions votée en 2016.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je rappelle qu’il existe un Conseil national d’évaluation des normes qui, en principe, veille à ce que la transposition des directives européennes soit proportionnée et mesurée.

Puisqu’il est question de différenciation et de pouvoir de faire la norme – nous en reparlerons lors de l’examen du projet de loi 3D –, j’ajoute qu’il est certes loisible de transmettre un pouvoir normatif aux collectivités territoriales sur leurs compétences – je dis bien : « sur leurs compétences » –, mais qu’il faut aussi, parfois, laisser le pouvoir normatif libre de juger qu’il faut renforcer la norme – c’est envisageable.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.

M. Rémy Pointereau. J’ai bien compris le sens de ces avis défavorables. Je ne fais pourtant que reprendre une proposition de loi constitutionnelle qui a été largement votée dans cet hémicycle, par 187 voix sur 336.

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Elle n’a pas été votée en ces termes !

M. Rémy Pointereau. Les enquêtes publiques sur l’environnement, par exemple, sont à la charge des collectivités territoriales : voilà une surtransposition européenne ; l’Europe ne le demande pas !

Quant à la lutte contre le terrorisme, il n’y a pas de directive en la matière. La France peut très bien, sur ce sujet, faire ce qu’elle veut. Cet argument ne me convainc donc pas.

Toutefois, madame le corapporteur, pour essayer de trouver une solution, je veux bien accepter votre proposition de rectification de mon amendement, afin que nous puissions malgré tout inscrire dans le texte la disposition que vous avez formulée.

M. le président. Pour le moment, rien ne m’a été transmis. En attendant que le texte de l’amendement n° 21 rectifié ter me parvienne, nous allons poursuivre nos débats.

Le vote sur cet amendement est donc réservé.

Article additionnel après l'article 5 - Amendement n° 21 rectifié bis
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Articles additionnels après l'article 5

Article 6

I. – Au troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution, après les mots : « régies par », sont insérés les mots : « le I de ».

II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 72 de la Constitution, après les mots : « régies par », sont insérés les mots : « le I de ».

III. – Après le mot : « régis », la fin du deuxième alinéa de l’article 72-3 de la Constitution est ainsi rédigée : « par les articles 73 et 74 de la Constitution. »

IV. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 72-4 de la Constitution, les références : « par les articles 73 et 74 » sont remplacées par les références : « par les I et II de l’article 74 ».

V. – Les articles 73 et 74 de la Constitution sont ainsi rédigés :

« Art. 73. – Dans l’ensemble des collectivités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 72-3, et sous réserve des compétences déjà exercées par ces collectivités, l’État est compétent en matière de nationalité, de droits civiques, de garanties des libertés publiques, d’état et de capacité des personnes, d’organisation de la justice, de droit pénal, de procédure pénale, de politique étrangère, de défense, de sécurité et d’ordre publics, de monnaie, de crédit et des changes, ainsi que de droit électoral. Cette énumération peut être précisée et complétée par une loi organique.

« Art. 74. – I. – Chaque collectivité mentionnée au deuxième alinéa de l’article 72-3 peut disposer d’un statut qui tient compte de ses intérêts propres au sein de la République.

« Le statut de la collectivité est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe :

« – les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ;

« – les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l’État ne peut porter sur les matières mentionnées à l’article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ;

« – les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ;

« – les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi ainsi que sur les projets d’ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, de même que sur la ratification ou l’approbation d’engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence.

« La loi organique peut également déterminer, lorsque la collectivité est dotée de l’autonomie, les conditions dans lesquelles :

« – le Conseil d’État exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d’actes de l’assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu’elle exerce dans le domaine de la loi ;

« – l’assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l’entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ;

« – des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ;

« – la collectivité peut participer, sous le contrôle de l’État, à l’exercice des compétences qu’il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques.

« Les autres modalités de l’organisation particulière de la collectivité sont définies et modifiées par la loi après consultation de son assemblée délibérante.

« II. – Lorsqu’une collectivité n’est pas régie par le I du présent article, les lois et règlements sont applicables de plein droit sur son territoire. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de cette collectivité.

« Ces adaptations peuvent être décidées par la collectivité dans les matières où s’exercent ses compétences et si elle y a été habilitée, selon le cas, par la loi ou par le règlement.

« Par dérogation au premier alinéa du présent II et pour tenir compte de ses spécificités, la collectivité régie par le présent II peut être habilitée, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer elle-même les règles applicables sur son territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement. Ces règles ne peuvent porter sur les matières mentionnées à l’article 73, le cas échéant précisées et complétées par la loi organique.

« La disposition prévue au troisième alinéa du présent II n’est pas applicable au département et à la région de La Réunion.

« Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas du présent II sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.

« La création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et à une région d’outre-mer ou l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités. »

VI. – Au premier alinéa de l’article 74-1, les mots : « visées à l’article 74 » sont remplacés par les mots : « régies par le I de l’article 74 ».

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, sur l’article.

Mme Micheline Jacques. Permettez-moi d’appeler votre attention sur une recommandation du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la différenciation territoriale outre-mer, que la rédaction actuelle de l’article 6 ne prend pas en compte.

Les corapporteurs préconisent une refonte de la dénomination par le regroupement des collectivités situées outre-mer au sein de la catégorie « pays d’outre-mer ». Il s’agit de faire correspondre le nouveau cadre constitutionnel avec une nouvelle terminologie exempte de connotations historiques et symboliques, ce que n’est pas forcément la catégorie « collectivité d’outre-mer ».

En outre, cette dénomination tient compte de l’usage de plus en plus répandu du terme « pays » s’agissant des territoires ultramarins. Elle présente aussi l’avantage d’être plus utilisée en droit comparé, ce qui doit être mis en perspective avec la demande d’une meilleure insertion régionale des collectivités.

Enfin, il a été considéré qu’elle pouvait être le vecteur d’une meilleure appropriation par les populations, le terme se retrouvant notamment dans tous les créoles.

L’article 6 répond donc bien au principe fixé par la proposition 44 des 50 propositions du Sénat pour une nouvelle génération de la décentralisation. Reste qu’il pourrait être enrichi ; tel serait le cas si la proposition de terminologie que j’ai évoquée, mais aussi d’autres dispositions étaient adoptées.

Les auditions annexées au rapport précité montrent la grande hétérogénéité des aspirations, qui vont de l’autonomie et de la spécialité législative les plus avancées à l’identité législative la plus renforcée. Elles montrent aussi qu’un cadre rénové pourrait permettre de remédier à de nombreux blocages.

La réunion des articles 73 et 74 de la Constitution avait pour vocation première de mettre fin à l’actuelle approche binaire pour aller vers des statuts sur mesure. Elle devait aussi conférer une dimension plus tangible aux consultations des populations, qui, en l’état, demeurent abstraites et engendrent un réflexe de crainte de l’inconnu statutaire dans certains territoires, alors même que les élus peuvent être favorables à une évolution.

Comme je l’ai indiqué, cet article doit être considéré comme le signe que les auteurs de la présente proposition de loi ne souhaitaient pas écarter les outre-mer de la discussion qui nous occupe. Ce début de travail législatif est une façon de prendre date en adoptant des principes qui, une fois précisés, pourront permettre la refonte des articles 73 et 74 de la Constitution, ce qui reste parfaitement compatible avec la mise en place d’un groupe de travail.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, sur l’article.

M. Georges Patient. L’article 6 de la présente proposition de loi vise à fusionner les articles 73 et 74 de la Constitution afin de créer un régime constitutionnel unique pour les outre-mer. À l’instar de bon nombre de mes collègues ultramarins, je suis très favorable à une réelle fusion des articles 73 et 74 de la Constitution et, donc, à la suppression de la logique binaire qu’ils portent. Comme l’exprime très bien notre ancien collègue Michel Magras dans son rapport d’information, cette fusion permettrait à chaque collectivité d’outre-mer d’adopter un statut à la carte et de dépassionner la question statutaire.

Ainsi en Guyane : réunis en congrès le 27 février dernier, les élus s’y sont prononcés à l’unanimité pour le principe d’un statut sui generis qui emprunterait à la fois aux deux statuts, celui de l’article 73 et celui de l’article 74. Si l’exposé des motifs de l’article 6 tel qu’il nous est proposé entre parfaitement en résonance avec le projet statutaire guyanais – déterminer avec souplesse la part de spécialité législative et la part d’identité législative –, pour autant, sa rédaction ne me semble pas totalement satisfaisante.

D’une part, en l’état, le texte maintient une dualité entre le « statut 73 » et le « statut 74 ». L’article 6 de la proposition de loi constitutionnelle reproduit la distinction actuellement présente dans la Constitution, avec un alinéa très proche de l’actuel article 73 suivi d’un autre très proche de l’actuel article 74. Il ne s’agit donc pas d’une fusion, quoique le texte nous soit ainsi présenté.

D’autre part, la question sensible de la consultation des populations sur le statut à la carte n’est pas traitée clairement. Les populations ne seraient en effet consultées qu’en cas de changement de régime législatif, sur le fondement de l’article 72-4 de la Constitution, sans que l’on sache si la consultation porterait aussi sur le nouveau statut, le I du nouvel article 74 n’y faisant pas référence.

Enfin, il est indispensable que le pouvoir constituant inscrive dans la Constitution des mécanismes plus simples d’extension du droit commun dans les collectivités ultramarines. Le changement du cadre statutaire ne produira tous ses effets que si la production normative, aujourd’hui beaucoup trop lourde et centralisée et victime d’un manque réel de compétences, est radicalement assouplie.

Des propositions en ce sens vous seront soumises, madame la ministre, mes chers collègues, via des amendements qui méritent toute votre attention et qui méritent aussi, si l’on veut suivre le cours de l’histoire, d’être adoptés en lieu et place de cet article 6.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, sur l’article.

M. Victorin Lurel. Je m’associe totalement à ce qu’ont pu dire Mme Micheline Jacques et M. Georges Patient. Je ne suis pas seul dans ce cas ; d’autres collègues, sur toutes les travées, partagent cet avis.

Celui qui vous parle était, en 2003, contre un mauvais texte qui nous avait été présenté ; 75 % des Guadeloupéens avaient voté contre. Depuis lors, la Martinique comme la Guyane ont choisi d’adopter le statut de collectivité unique régie par le droit commun.

Il est certain – Micheline Jacques l’a dit – qu’il y a eu, depuis, une évolution politique et sociologique. Le mot « pays » est connu ; en aucun cas il n’éloigne. J’ai ici avec moi les textes des résolutions de deux congrès des élus départementaux et régionaux de la Guadeloupe, auxquels sont associés les parlementaires et les conseillers municipaux, ce qui signifie une très large représentativité. Ils ont demandé au Gouvernement de réviser la Constitution afin de doter la Guadeloupe d’une loi organique pour tenir compte de sa situation spécifique et singulière, et ils ont mandaté les parlementaires pour relayer cette résolution à l’occasion des séances du Parlement. Nous y sommes.

Dans ces résolutions, nous demandions la fusion des articles 73 et 74 de la Constitution, afin d’éviter cette dichotomie, cette logique binaire, qui est en fait une logique de la peur. Si l’on adopte un statut comme celui des collectivités du Pacifique, dit-on dans les outre-mer, il y aura moins d’argent, moins de dotations et, donc, poursuit-on, mieux vaut ne pas bouger. On se rend pourtant compte en même temps, à la faveur par exemple de la crise du covid-19, qu’il y a un problème de proximité, un problème de normes, un problème de compétences.

Celui qui vous parle est prudent quand il s’agit d’institutions. Mais, manifestement, le texte tel qu’il a été proposé par la délégation aux outre-mer est un excellent texte. J’ai moi-même tenté de rédiger une proposition de fusion ; j’avoue que je ne suis pas arrivé à un texte parfait. Le constitutionnaliste Stéphane Diémert, qui a aidé la délégation, a fait un excellent travail, sous réserve de quelques améliorations. Je suis également d’accord avec la proposition faite par Micheline Jacques.

Nous pourrions cranter cette avancée, cette convergence de pensée, puis créer un groupe de travail transpartisan pour avancer encore davantage. Voilà quel est mon état d’esprit ; je pense qu’il est partagé, au moins sur certaines travées.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, sur l’article.

M. Philippe Bonnecarrère. Mme Lana Tetuanui s’excuse d’être en Polynésie et de ne pas avoir eu la possibilité de se déplacer. Avec moins d’enthousiasme et moins de talent qu’elle, j’assurerai donc, comme elle me l’a demandé, sa représentation.

J’indiquerai donc, en son nom, que l’idée générale du rapprochement entre les collectivités de l’article 73 et celles de l’article 74 avait été mal interprétée en Polynésie française. Elle avait été interprétée comme une forme de minoration des spécificités des collectivités de l’article 74 et de retour en arrière pour la Polynésie française, d’où le dépôt d’un certain nombre d’amendements ; d’où l’évocation de la notion de « pays », qui peut poser, pour d’autres collectivités, des difficultés ; d’où le soutien de notre collègue à la position de sagesse qui va être celle de la commission à travers un amendement dont l’objet est de supprimer l’article 6.

Cette suppression de l’article 6 nous paraît sage, puisqu’un travail de réflexion doit manifestement être encore poursuivi. La création d’un groupe de travail, dont les modalités restent à définir, madame Gatel, monsieur Darnaud, est donc une avancée. Tout cela va dans le sens souhaité par nos collègues polynésiens.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 12 est présenté par M. Lurel, Mmes Conconne et Jasmin, MM. Antiste et Kerrouche, Mme Harribey, M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 31 est présenté par Mme Gatel et M. Darnaud, au nom de la commission des lois.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 12.

M. Victorin Lurel. Nous avons déposé, avec le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un amendement de suppression. Pourquoi ? Parce que nous estimions que l’article 6 était mal rédigé. L’intention est certes bonne, mais la lettre du texte tel qu’il nous est soumis n’est pas aboutie. Nous demandions donc, faute de mieux, la suppression de cet article.

Cela étant, puisque nous nous sommes à peu près entendus, de manière transpartisane, sur un certain nombre d’amendements et puisque nous sommes convenus de cranter certaines avancées, je suis prêt à retirer cet amendement. Sachant ce que je sais des avis de la commission – elle va demander le retrait de tous les amendements déposés à l’article 6, à l’exception du présent amendement, sur lequel elle va émettre un avis favorable –, je vais donc le retirer afin que, faute de mieux, nous ayons quelque chose.

Un mot pour finir : j’ai entendu les arguments de M. le corapporteur, plaidant pour la suppression au motif qu’il n’y aurait pas consensus. Mais, dans cette affaire, l’objet n’est pas là. Nous disions, nous, que l’article était mal rédigé, qu’il n’était pas abouti. Quant à un consensus entre les territoires, nous n’en aurons jamais.

Il ne faut pas qu’un ou deux territoires prennent en otage tous les autres. Les propositions qui sont faites par Micheline Jacques, par Georges Patient, par Dominique Théophile, par tous les autres, y compris par les Polynésiens, sont telles que chacun peut choisir et même choisir de ne pas choisir ! Chacun peut rester en l’état, chacun peut évoluer ; ça peut prendre des années. C’est la raison pour laquelle la présente proposition de cohabitation des articles 73 et 74, même rédigée de manière insuffisante, est parfaitement compatible avec les amendements présentés par les uns et par les autres.

Je retire cet amendement de suppression.

M. le président. L’amendement n° 12 est retiré.

La parole est à M. le corapporteur, pour présenter l’amendement n° 31.

M. Mathieu Darnaud, corapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Permettez-moi de faire la genèse de cette proposition de suppression de l’article.

Je veux bien tout entendre, mais il me faut répondre à notre collègue Victorin Lurel. Il le sait mieux que quiconque sur ces travées, puisque nous avons été lui et moi rapporteurs, dans deux assemblées différentes, du projet de loi Égalité réelle outre-mer ; j’ai rapporté plusieurs autres textes, notamment des textes statutaires, et je crois pouvoir dire que, dès lors qu’il est question de sujets ultramarins, nous avons toujours…

M. Victorin Lurel. … bien travaillé.

M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Je ne sais pas ; c’est vous qui le dites.

Je crois pouvoir dire, en tout cas, que nous avons toujours cherché non pas nécessairement un consensus – nous ne serions pas là pour débattre et, in fine, pour procéder à des votes s’il fallait chercher chaque fois le consensus –, mais, à tout le moins, à éclairer l’ensemble de nos collègues présents dans cet hémicycle. Vous avez profondément raison : les textes ultramarins doivent nous concerner collectivement. Il est important que, le moment venu, l’ensemble de la représentation nationale, Sénat et Assemblée nationale, puisse se prononcer de façon éclairée.

Les travaux que nous avons menés, selon une orientation qui a été rappelée lors de la discussion générale, nous ont conduits à présenter cette disposition visant à « rapprocher » – j’entends le reproche d’imperfection dans la bouche de notre collègue Patient – les articles 73 et 74. Et si, alors même que je suis coauteur du texte – j’en ai parlé avec Philippe Bas –, je suis prêt à supprimer cet article, c’est justement en vertu du raisonnement suivant : puisque nous travaillons sur un texte constitutionnel, invitons donc pleinement les territoires ultramarins dans ce débat, tout en essayant d’éclairer la représentation nationale et, en l’espèce, le Sénat, qui représente les territoires.

Je le dis avec un peu de gravité et de solennité : dès lors que vous nous avez indiqué, lors de la réunion de commission, alors qu’il s’agissait de l’une des dispositions importantes de ce texte, qu’elle n’était pas aboutie, qu’elle était imparfaitement rédigée, nous nous sommes promis d’être vraiment à l’écoute. Comme l’a rappelé notre collègue Micheline Jacques, voici ce que nous nous sommes dit : peut-être vaut-il mieux présenter, à défaut d’un texte totalement consensuel, un texte, du moins, justement expertisé. Or, vu les conditions de ce début de session, une telle expertise n’a pu décemment être menée, le texte ayant été déposé préalablement à la remise du rapport d’information de notre ancien collègue Michel Magras, dont je veux souligner le sérieux des propositions. J’ai eu l’occasion de beaucoup travailler aux côtés de Michel Magras ; j’ai toujours tenu à souligner l’excellence du travail qu’il a conduit en tant que président de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

L’idée, donc, était de proposer la suppression de cette disposition tout en prenant un engagement : qu’elle fasse l’objet d’une expertise globale. Cela ne signifie évidemment pas – j’ai entendu cette petite musique – renvoyer son examen sine die. Personne ici ne peut dire que nous n’avons pas le souci permanent de faire en sorte que les évolutions souhaitées, unanimement ou pas, d’ailleurs, par nos collègues ultramarins, soient entendues et traitées avec justesse ; je pense par exemple – il vient d’en être question – à la façon dont nous avons travaillé sur la modification du statut de la Polynésie française.

Pour en venir au présent amendement, et pour dire les choses très clairement, nous n’avons même pas eu l’occasion d’évoquer ces dispositions de l’article 6, encore moins de les expertiser, en commission des lois, alors même que, au-delà de la dénomination, sur laquelle chacun peut avoir un avis, la modification visée apporte des éléments essentiels, notamment pour donner des compétences en matière pénale aux pays d’outre-mer, parmi bien d’autres évolutions qui, selon nous, peuvent être parfaitement fondées, mais qui nécessitent que nous puissions vraiment en débattre.

En proposant le retrait de cette disposition que nous avions initialement souhaité inclure dans le texte, qui est issue de travaux importants, l’engagement que nous avons pris était de créer le groupe de travail dont j’ai parlé, dans la perspective du dépôt prochain d’une autre proposition de loi constitutionnelle.

Notre collègue Guy Benarroche l’a dit : en définitive, les 50 propositions ne se retrouvent pas toutes dans ce texte ; c’est donc bien qu’il y aura lieu, à l’avenir, de discuter plus avant. Mme la ministre pourra peut-être nous éclairer : le Gouvernement, j’imagine, n’a pas totalement enterré l’idée d’une réforme constitutionnelle, qui emporte avec elle beaucoup d’autres décisions. En l’espèce, si j’ai bien compris, la finalité de nos travaux ne doit pas être de présenter un amendement d’appel ou simplement de « cranter » quoi que ce soit ; l’idée est bien d’avancer sur un sujet constitutionnel.

Et puisque Montesquieu s’est invité aujourd’hui tout au long de nos débats, lui qui disait qu’il ne fallait toucher à la Constitution que d’une main tremblante, je vous invite à suivre son conseil – c’est en toute sincérité que je le dis. Le corapporteur qui est devant vous n’a jamais failli lorsqu’il a fallu témoigner de l’ardente volonté de servir tous nos territoires, et particulièrement ceux que vous représentez, mes chers collègues d’outre-mer. Je souhaite simplement faire œuvre utile et contribuer à la fois à faire converger les avis et à formuler une disposition plus expertisée…

M. le président. Il faut penser à conclure, monsieur le corapporteur.

M. Mathieu Darnaud, corapporteur. … dont l’examen se conclura, bien sûr – c’est par définition ce qui nous réunit, et c’est ainsi que fonctionne notre assemblée –, par un vote.

M. le président. Mes chers collègues, si nous voulons ne pas avoir à siéger ce soir, il va nous falloir changer de rythme et accélérer un petit peu.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’histoire institutionnelle sous la Ve République, plus particulièrement depuis la révision constitutionnelle de 2003, a montré qu’il était possible de passer aisément d’une catégorie à l’autre entre les articles 73 et 74 de la Constitution, si telle est la volonté et le souhait des élus et des populations concernées. Elle atteste également qu’au sein de chacune de ces catégories, ce qu’a rappelé M. Lurel, il est tout à fait possible de retenir des modes de gouvernance, des compétences ou des instances locales propres.

On peut ainsi, comme vous le savez, comparer le statut de la Martinique, de la Guadeloupe ou de la Guyane. Il en est de même pour les statuts de la Polynésie française, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, qui se ressemblent, ainsi que de Saint-Pierre-et-Miquelon. Quant à Wallis-et-Futuna, le Gouvernement est dans l’attente depuis de nombreuses années d’une modernisation de son statut, ne serait-ce que pour l’ériger au niveau organique.

Ainsi, il ne paraît nullement nécessaire de procéder à une fusion pure et simple, comme cela est parfois proposé, pour permettre des statuts sur mesure et évolutifs. J’émets donc un avis favorable sur l’amendement n° 31.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote. Soyez synthétique si possible, mon cher collègue.

M. Victorin Lurel. Non, madame la ministre, il n’est pas aisé de changer de catégorie. Même dans le cadre du droit commun et sans vouloir modifier les compétences ou le pouvoir normatif, changer simplement l’organisation administrative, passer, comme chez moi, d’une région et d’un département – sur un même petit territoire – à une assemblée unique, c’est la croix et la bannière.

Que demandons-nous depuis toujours ? Il ne s’agit pas de faire nos courses, comme si tout était permis dans le plus grand laxisme. Il s’agit simplement de proposer une catégorie. Des constitutionnalistes, dont Didier Maus et d’autres, ont cherché et ont trouvé un texte qui paraît préserver l’unicité de la République. On ne crée pas pour autant un pays fédéral, même si, avec la Nouvelle-Calédonie, on est déjà quelque part un pays archipélique. On ne tend pas à créer de l’éparpillement, mais on donne la liberté aux collectivités au sein de la République de choisir un territoire.

La rédaction proposée par notre excellent corapporteur est très bien, même si elle n’est pas parfaite. En la supprimant, ce texte sur les libertés locales ne concernera plus les outre-mer. Cela me paraîtrait curieux, pour ne pas dire étrange, de la part d’une assemblée comme la nôtre, garante des libertés locales. C’est pourquoi, faute de mieux, j’ai retiré mon amendement.

Le Président de la République et le Gouvernement reprendront leur entreprise de réforme constitutionnelle. Nous l’attendons, mais le Parlement, singulièrement le Sénat, aurait déjà engrangé un texte qui aurait pu s’avérer utile demain dans le cadre d’un groupe de travail que j’appelle de mes vœux pour aller plus loin sur cette question.

Le texte par ailleurs, au-delà de cette suppression, contre laquelle je voterai, me semble pouvoir améliorer singulièrement le stock d’idées et peut-être la capacité de permettre demain aux outre-mer comme aux autres collectivités d’évoluer.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 31.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 6 est supprimé, et les amendements nos 3 rectifié, 4 rectifié, 5 rectifié et 6 rectifié n’ont plus d’objet.

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales
Article additionnel après l'article 6 - Amendements  n° 9 rectifié bis, n° 22,  n° 25 et 28 rectifié bis

Articles additionnels après l’article 5 (suite)

M. le président. Nous en revenons à l’amendement dont le vote a été précédemment réservé.

Notre collègue Rémy Pointereau ayant accepté de modifier son amendement dans le sens suggéré par la commission, je suis à présent saisi d’un amendement n° 21 rectifié ter, présenté par M. Pointereau, Mme Deroche, MM. del Picchia, Cardoux, Karoutchi, Savin, Courtial et Lefèvre, Mme Berthet, M. Pellevat, Mme Belrhiti, M. D. Laurent, Mmes Raimond-Pavero et Noël, MM. Le Gleut et Cuypers, Mme L. Darcos, M. B. Fournier, Mme Deromedi, M. Paccaud, Mme Thomas, M. Pemezec, Mmes F. Gerbaud et Imbert, MM. Bascher, Savary et Brisson, Mme Richer, MM. Piednoir, Sido, Hugonet, Guené, Rietmann, Perrin, Anglars, de Legge, Calvet, Panunzi, Vogel et H. Leroy, Mme Micouleau, MM. Laménie, Bouchet, Mouiller, Sautarel et Gremillet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Chevrollier et Mme Gruny, et ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 88-7 de la Constitution, il est inséré un article 88-… ainsi rédigé :

« Art. 88-. – Les mesures assurant la transposition d’un acte législatif européen n’excèdent pas les objectifs poursuivis par cet acte. »

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 5.

Articles additionnels après l'article 5
Dossier législatif : proposition de loi constitutionnelle pour le plein exercice des libertés locales
Article additionnel après l'article 6 - Amendements  n° 10 rectifié bis, n° 24, n° 26 et n° 29 rectifié

Articles additionnels après l’article 6

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 9 rectifié bis est présenté par Mmes Jacques, Tetuanui et Petrus, MM. D. Laurent, Brisson et Bascher, Mmes Deroche et M. Mercier et MM. Savary et Charon.

L’amendement n° 22 est présenté par M. Lurel et Mme Jasmin.

L’amendement n° 25 est présenté par M. Théophile.

L’amendement n° 28 rectifié bis est présenté par M. Patient et Mme Phinera-Horth.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La Constitution est ainsi modifiée :

1° À la première phrase du premier alinéa de l’article 72, les mots : « les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 » sont remplacés par les mots : « les pays d’Outre-mer » ;

2° Après le deuxième alinéa de l’article 72-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Chacune des collectivités régies par l’article 73 accède au statut de pays d’Outre-mer prévu aux articles 72-5 et 72-6 à compter de l’entrée en vigueur de la loi organique fixant son nouveau statut particulier, adoptée dans les conditions prévues au I de l’article 72-5 après le recueil du consentement des électeurs sur les éléments essentiels de ce statut. Les collectivités d’Outre-mer régies par l’article 74 accèdent de plein droit au statut pays d’Outre-mer. L’adoption des modifications de leur précédent statut destinées à le rendre conforme aux articles 72-5 et 72-6 est subordonnée au consentement de leur assemblée délibérante. Les articles 73 et 74 sont respectivement abrogés, pour chaque collectivité, à compter de l’entrée en vigueur des dispositions du présent article. » ;

3° L’article 72-4 est ainsi rédigé :

« Art. 72-4. – Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition de l’Assemblée nationale, du Sénat ou de l’assemblée délibérante ou d’une fraction du corps électoral intéressé, peut décider de consulter les électeurs d’une collectivité territoriale située Outre-mer sur toute question l’intéressant et relevant de la compétence des pouvoirs publics constitutionnels.

« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par une loi organique. » ;

4° Après le même article 72-4, sont insérés deux articles 72-5 et 72-6 ainsi rédigés :

« Art. 72-5. – I. – Chacun des pays d’Outre-mer dispose d’un statut particulier qui tient compte de ses intérêts propres au sein de la République. Ce statut lui permet de s’administrer ou de se gouverner et de gérer démocratiquement ses propres affaires et d’exercer un pouvoir normatif autonome dans le domaine de la loi ou du décret. Les lois et règlements doivent, le cas échéant, être adaptés à l’organisation particulière de chaque pays d’Outre-mer et aux contraintes et caractéristiques de leur territoire.

« L’adoption et la modification des éléments essentiels du statut d’un pays d’Outre-mer, tels que définis par la loi organique et qui concernent notamment l’exercice des compétences particulières du pays d’Outre-mer ou son régime législatif, sont subordonnées au recueil préalable du consentement des électeurs intéressés. Toute autre modification peut leur être soumise pour approbation dans les conditions de forme et de procédure prévues à l’article 72-4.

« Aucune compétence particulière d’un pays d’Outre-mer ne peut lui être retirée sans le consentement de son assemblée délibérante ou, le cas échéant, de ses électeurs.

« Les modalités d’application des deux premiers alinéas du présent I sont fixées par une loi organique.

« II. – Le statut de chaque pays d’Outre-mer est défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe :

« 1° Les conditions dans lesquelles les dispositions législatives et réglementaires intervenant dans le domaine de compétence de l’État y sont applicables, et celles dans lesquelles elles y sont étendues ou adaptées, ou y font l’objet de dispositions particulières, le cas échéant, avec l’accord des institutions du pays, ainsi que les conditions dans lesquelles les engagements internationaux de la France sont applicables dans chaque pays d’Outre-mer ;

« 2° La répartition des compétences respectives de l’État et du pays d’Outre-mer, conformément à l’article 72-6, et les modalités d’exercice des compétences du pays ; le statut peut prévoir la possibilité pour un pays d’Outre-mer de se voir ultérieurement attribuer de plein droit, à sa demande et à la date fixée par ses institutions, l’exercice de certaines compétences ;

« 3° Les conditions dans lesquelles les institutions du pays d’Outre-mer sont consultées, avant leur adoption, sur les dispositions législatives et réglementaires prévues par les autorités compétentes de l’État et comportant des dispositions particulières au pays ;

« 4° Les conditions dans lesquelles certains actes des institutions du pays d’Outre-mer sont adoptés, approuvés ou ratifiés par les assemblées parlementaires ou leurs commissions ou par le Gouvernement, le cas échéant, sous la forme d’une décision tacite née au terme d’un délai déterminé, ou font l’objet d’un avis conforme du Conseil d’État ;

« 5° Les règles et principes généraux gouvernant la composition, l’organisation et le fonctionnement des institutions du pays d’Outre-mer, ainsi que les modalités de mise en œuvre du droit de pétition et du référendum local ;

« 6° Les modalités de l’exercice du contrôle juridictionnel spécifique par le Conseil d’État des actes de son assemblée délibérante intervenant dans le domaine de la loi ; ces actes peuvent s’appliquer aux contrats en cours et, le cas échéant, sauf en matière répressive et pour des motifs impérieux d’intérêt général ou en cas de circonstances exceptionnelles, régler les conséquences juridiques pour l’avenir de faits situés dans le passé ;

« 7° Les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel peut notamment se prononcer, par voie d’action ou par voie d’exception, sur la conformité des lois aux dispositions du présent article, des articles 72-3 et 72-6 et à celles du statut de chaque pays ;

« 8° Les conditions dans lesquelles les institutions du pays d’Outre-mer peuvent saisir pour avis le Conseil d’État d’une question relative à l’interprétation de leur statut ou à l’applicabilité d’un texte législatif ou réglementaire sur leur territoire ;

« 9° Les conditions dans lesquelles les institutions du pays d’Outre-mer peuvent modifier les dispositions législatives lorsqu’elles sont intervenues dans leur domaine de compétence ;

« 10° Les conditions et limites dans lesquelles les actes de l’assemblée délibérante intervenant dans le domaine de la loi peuvent être soumis à référendum, y compris à l’initiative d’une fraction du corps électoral.

« III. – Les autres modalités de l’organisation particulière de chacun des pays d’Outre-mer sont fixées par la loi.

« IV. – Chaque pays d’Outre-mer est représenté au Sénat.

« Art. 72-6. – I. – Dans chacun des pays d’Outre-mer, les compétences de l’État comprennent notamment, sans préjudice de celles antérieurement exercées dans le cadre du statut précédemment en vigueur, la nationalité, les droits civiques, les garanties des droits fondamentaux et des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation et le contrôle de la justice, le droit pénal général, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération peut être précisée et complétée par des lois organiques.

« Les autorités des pays d’Outre-mer peuvent toutefois, dans les conditions et limites fixées par leur statut et par exception aux dispositions de l’alinéa précédent, adopter des mesures relatives à la recherche, à la constatation et à la répression des infractions aux règles qu’elles édictent, dans le respect de conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique et des droits constitutionnellement garantis.

« Les pays d’Outre-mer peuvent participer à l’exercice de certaines des compétences mentionnées au premier alinéa sous le contrôle des autorités de l’État.

« L’État et un pays d’Outre-mer peuvent en outre exercer en commun certaines compétences.

« II. – Les institutions d’un pays d’Outre-mer peuvent être consultées, informées ou associées, selon le cas, aux décisions de politique étrangère concernant leur territoire. Un pays d’Outre-mer peut être membre d’une organisation internationale, disposer d’une représentation auprès d’États ou d’organisations internationales, négocier des accords avec ceux-ci, dans son domaine de compétence et, sans préjudice de l’accord des autorités compétentes de la République, conclure ces accords.

« Les institutions d’un pays d’Outre-mer peuvent, selon le cas, être informées, consultées ou associées quant à la négociation des engagements internationaux de la France destinés à s’appliquer sur leur territoire, et être appelées à approuver l’entrée en vigueur de ceux d’entre eux qui interviennent dans le domaine de ses compétences.

« La procédure de modification du statut d’un pays d’Outre-mer au sein de l’Union européenne, dans les conditions prévues par les traités mentionnés à l’article 88-1, ne peut être engagée par la France sans leur consentement préalable.

« Les institutions des pays d’Outre-mer sont associées par le Gouvernement à l’élaboration des projets d’actes mentionnés à l’article 88-4, ainsi qu’à la définition de la position de la France s’agissant des mandats de négociation des accords à conclure par l’Union européenne avec les États tiers, lorsque ces actes ou ces accords sont susceptibles de les affecter directement.

« III. – Les institutions d’un pays d’Outre-mer peuvent adopter des règles relevant de la loi ou du décret, ou décider d’étendre ou d’adapter localement les lois et décrets applicables en métropole, ou être appelées à approuver cette extension ou cette adaptation.

« Lorsque cette participation d’un pays d’Outre-mer aux compétences que l’État conserve, prévue au troisième alinéa du I, s’exerce dans le domaine de la loi, ses actes peuvent entrer en vigueur dès leur approbation selon l’une des procédures prévues au II de l’article 72-5.

« IV. – Chaque pays d’Outre-mer peut prendre des mesures justifiées par les nécessités locales en faveur de sa population de nationalité française et des citoyens de l’Union européenne, en tenant compte de la durée suffisante de résidence ou des liens personnels ou familiaux, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier.

« V. – Les pays d’Outre-mer peuvent, si leur statut le prévoit, exercer par analogie les compétences dévolues aux catégories de collectivités territoriales mentionnées à l’article 72. Dans ce cas, les modalités d’exercice de ces compétences sont déterminées par la loi.

« Les deuxième et troisième alinéas du I de l’article 72-5 ne sont pas applicables aux compétences attribuées à un pays d’Outre-mer en application du premier alinéa du présent V. »

La parole est à Mme Micheline Jacques, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié bis.

Mme Micheline Jacques. Cet amendement vise à mettre en œuvre les préconisations du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la différenciation territoriale postérieures à la présente proposition de loi constitutionnelle, tout en offrant une base aux futurs travaux du groupe de travail.

En prévoyant d’insérer deux articles 72-5 et 72-6 dans la Constitution, il vise à préserver les articles 73 et 74 de la Constitution. Cette rédaction permet, sans obliger, un plus grand large champ de différenciation pour les collectivités qui le souhaitent. C’est le cas de Saint-Barthélemy. Surtout, cette rédaction vise à apporter une réponse aux aspirations expérimentées en résolvant certains blocages, en renforçant les garanties constitutionnelles portant sur la place des électeurs, le respect de leurs décisions et avis et ceux des assemblées locales.

Ainsi, cet amendement tend à créer la catégorie de pays d’outre-mer et vise à organiser le maintien provisoire des articles 73 et 74, qui ne seraient abrogés à l’égard des territoires qu’avec l’entrée en vigueur du statut de pays d’outre-mer. Chacun disposerait d’un statut fixé par une loi organique dont les éléments essentiels ne pourraient être modifiés sans l’accord des électeurs, voire de l’assemblée délibérante concernée. Ce cadre permettrait une grande liberté de différenciation allant de la plus large autonomie à la plus large identité législative.

L’architecture, à cette fin, serait la suivante. Premièrement, un nouvel article 72-5 comportant des éléments propres à ce statut. Il innove sur plusieurs points tels que l’impossibilité de retirer à un pays d’outre-mer, sans son accord, ses compétences particulières, ou encore en renforçant l’efficacité des procédures d’approbation de certains actes ou la démocratie locale. Deuxièmement, un nouvel article 72-6 décrivant les compétences des pays d’outre-mer en reprenant pour l’essentiel les compétences régaliennes dont l’État ne peut se dessaisir, sous réserve du cas du droit pénal spécial. Les possibilités d’association des pays d’outre-mer aux décisions les concernant en matière internationale et européenne seraient renforcées.

Par ailleurs, les dispositions des articles 72, 72-3 et 72-4 sont modifiées pour tenir compte de la création des pays d’outre-mer.

Conformément à l’esprit de concertation devant prévaloir à la refonte des dispositions sur l’outre-mer de la Constitution, cette proposition a vocation à être affinée. Il s’agit de prendre acte d’une direction. Attendre l’unanimité reviendrait toutefois à conférer un droit de veto à une ou à plusieurs collectivités sur les autres, ce qui est à rebours de la philosophie semblant devoir présider à cette réflexion.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 22.

M. Victorin Lurel. Je ne répéterai pas l’argumentation de Micheline Jacques, que j’approuve. Ce texte est le plus abouti que je connaisse. Cela fait trente-trois ans que je suis en politique, cela fait une trentaine d’années que je travaille sur ces sujets. Évidemment, il n’existe pas de rédaction parfaite, mais j’ose dire que ce texte est le meilleur de tous ! Je suis convaincu, ici, à Paris, dans cet hémicycle, de ce que je dis à mes collègues de l’Hexagone : il faut banaliser la question de la place au sein de la République.

L’article 53 de la Constitution concerne les cessions de territoire. Chaque fois qu’il y a un problème – la Nouvelle-Calédonie en sait quelque chose –, il a fallu modifier la Constitution. Vous feriez œuvre de grande sagesse et de belle science en adoptant cet amendement, ce que j’appelle de mes vœux, car il vaudrait pour des décennies. La question de l’appartenance au sein de la République ne se poserait plus pour nos arrières petits-enfants !

J’ai écrit un bouquin en ce sens, puisque la question est soulevée depuis quelque temps par des minorités actives, pour dire posons la question tous les trente ans : « voulez-vous rester ou non Français ? » Porto Rico organise un référendum sur son statut, pourquoi pas nous ? De la sorte, la question serait réglée et, tout en étant dans le cadre de la République française, chacun pourrait évoluer. Celles et ceux qui voudraient rester comme aujourd’hui dans le statu quo, sans le sacraliser, pourraient le faire. Celles et ceux qui voudraient prendre un petit degré ou un grand degré d’autonomie, avec les responsabilités qui l’accompagnent, pourraient le faire.

Ce texte est d’une grande plasticité, d’une belle audace et d’une grande beauté : je vous appelle à le voter.

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 25.

M. Dominique Théophile. L’essentiel a été rappelé, mais je ne peux manquer de saluer cet accord presque historique sur ce sujet – Victorin Lurel et moi-même nous sommes souvent affrontés sur la question – qui fait débat chez nous depuis la loi du 13 décembre 2000, qui instituait le congrès des élus départementaux et régionaux pour nous permettre de débattre de toute question liée à l’évolution institutionnelle. Nous avons travaillé sur ce point pendant des années, petit à petit nous avançons, et je crois qu’aujourd’hui nous sommes parvenus à maturité sur l’orientation que nous devons prendre.

Dans l’esprit de nos compatriotes, les articles 73 et 74 étaient mal vus. On cataloguait, on caricaturait : ceux qui relèvent de l’article 73 sont des faibles ; ceux qui relèvent de l’article 74 sont des forts, mais ils veulent quitter le giron, etc. Bref, nous avons analysé l’ensemble de cette question et nous nous sommes rendu compte qu’il fallait mettre en œuvre une boîte à outils dans laquelle chacun viendrait prendre ce dont il a besoin. Les pays d’outre-mer ne sont pas tous les mêmes, ils ne forment pas un bloc, chaque territoire, quand il est question d’évolution institutionnelle et de pratique des institutions, ne raisonne pas de la même manière que les autres.

Dépassionnons le débat entre l’article 74 et l’article 73 en fusionnant et en créant une boîte à outils. De la sorte, chaque territoire pourrait évoluer en fonction de ses orientations, de ses projets et de sa vision, tout en restant dans le cadre de la République.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié bis.

M. Georges Patient. Je partage, bien sûr, les arguments exposés par mes différents collègues. J’ajoute simplement qu’en Guyane nous sommes quasiment dans le concret, puisque nous travaillons déjà en congrès. Or nous avons opté à l’unanimité pour un statut sui generis empruntant à la fois à l’article 73 et à l’article 74. Nous avons ainsi dépassionné tous les débats et nous avançons actuellement en toute transparence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Si je résume, vous êtes favorables à la suppression de l’article 73 et de l’article 74 pour les fusionner. Or ces amendements ne visent pas à les supprimer ! Si vous considérez que ces amendements sont à ce point consensuels qu’ils pourraient emporter un vote unanime, ce qui nous permettrait d’avancer et de traiter les points qui font blocage, demandons alors au président de la commission des lois une mission d’information sur ce point. Ainsi, nous conserverions un formalisme qui nous permettrait d’aller de l’avant.

Il ne s’agit pas d’enterrer votre proposition. Si telle avait été notre intention, jamais nous n’aurions demandé que la rédaction initiale visant à fusionner les articles 73 et 74 figure dans ce texte constitutionnel. C’est la preuve irréfutable de notre volonté d’avancer ensemble sur toutes ces questions, quand bien même des arbitrages seront à prendre.

Quoi qu’il en soit, il importe que nous éclairions l’ensemble de nos collègues sur l’étendue d’une telle mesure, aussi intéressante et consensuelle soit-elle, et quand bien même les nouveautés que vous souhaitez introduire paraissent déterminantes.

Je le redis avec gravité et solennité. Nous n’avons nullement la volonté de balayer cette disposition, sinon nous n’aurions pas proposé au pied levé de revenir sur ce qui figurait initialement dans le texte. Nous avons au contraire la volonté de progresser. Une mission d’information nous permettrait de déboucher sur un texte constitutionnel. Il importe, en effet, que l’Assemblée nationale nous suive dans nos travaux, faute de quoi nous n’avancerions collectivement pas sur ces sujets.

J’insiste, notre intention n’est pas de rejeter les propositions du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer. J’ai d’ailleurs souligné l’excellence du travail réalisé par notre ancien collègue Michel Magras et par l’ensemble des collègues présents dans l’hémicycle. Mais, de facto, je demande le retrait de ces amendements ou, à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les pays d’outre-mer (POM) que vous proposez comme catégorie nouvelle sont destinés à se substituer aux collectivités d’outre-mer, régies par l’article 74 de la Constitution, et aux départements et régions d’outre-mer (DROM), régis par l’article 73 de la Constitution. Les collectivités d’outre-mer deviendraient automatiquement des POM tandis que les DROM entreraient dans cette catégorie après adaptation d’un statut défini par une loi organique et après recueil du consentement des électeurs intéressés.

Au-delà de ces dispositions, ces amendements comprennent plusieurs mesures.

D’abord, ils visent à prévoir un nouveau régime dans lequel ces pays seraient dotés d’une autonomie renforcée définie par leur statut. À titre d’exemple, les amendements visent à prévoir que le statut des POM leur permet d’exercer un pouvoir normatif autonome dans le domaine de la loi ou du décret, ou de subordonner l’adoption de dispositions particulières relatives à ces collectivités à l’accord de leurs institutions. Cela revient à constitutionnaliser un domaine réservé que le législateur ne pourrait plus modifier sans leur accord.

Ensuite, ils visent à prévoir qu’un pays d’outre-mer peut être membre d’une organisation internationale, disposer d’une représentation auprès d’États ou d’organisations internationales, négocier des accords sans préjudice de l’accord des autorités compétentes de la République.

Tout cela va au-delà de ce qui a été débattu, c’est-à-dire la fusion de ces territoires en pays d’outre-mer. Je ne suis pas sûre que tout le monde soit complètement d’accord. Un département comme Mayotte, très attaché à son statut, qui ne souhaite pas une loi organique ni s’appeler pays, risque de voir négativement la création d’une nouvelle catégorie de ce type.

Si, en tout état de cause, il fallait avancer vers une évolution systémique, la plus importante depuis 2003, il convient de mettre en place une large concertation avec les élus et l’ensemble des territoires concernés. Je rejoins donc la proposition du sénateur Mathieu Darnaud : si votre intuition est bonne, il faut la confronter aux autres territoires pour qu’ils l’examinent. Je crois qu’il importe de poursuivre les échanges et les concertations sur ce sujet. L’avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Ça fait trente ans qu’on nous dit « entendez-vous d’abord » ! Mais il y a onze pays habités, il y aura toujours ici ou là des nuances, voire des oppositions, c’est une évidence !

Avec le texte qui est présenté, nos amis de La Réunion ou de Mayotte seront libres d’évoluer ou de ne pas bouger. Ces amendements vont même plus loin que le texte actuel : ils tendent à donner à un pourcentage de la population – ça peut être 5 %, 10 % ou 15 % – la possibilité de déclencher la consultation, comme pour un référendum d’initiative populaire. On donne donc à chacun des marges de liberté au sein de la République.

Monsieur le corapporteur, nous sommes en train de rater une chance historique. J’ai été quinze ans député, et ça fait maintenant trois ans que je suis sénateur. J’ai aussi été président de région et maire. C’est la première fois que je vois dans un hémicycle, de manière transversale, des personnalités de camps différents, avec des idéologies ou des visions séparées, se mettre d’accord pour dire : n’ayons plus peur !

Madame la ministre, vous avez lu notre amendement d’une certaine manière, mais on connaît notre texte ! Je peux vous fournir une pile de documents d’experts. Ça fait des années qu’on nous fait le coup et qu’on nous répond : entendez-vous d’abord ! La preuve, c’est que nous avons fini par nous entendre !

Aujourd’hui, les corapporteurs ont proposé un texte. Comme il n’est pas abouti, pensant que nous ne parviendrions pas à nous entendre, j’avais demandé la suppression de l’article concerné. Mais j’ai retiré mon amendement : même si ce texte est imparfait, nous sommes prêts à le prendre ! Ce que nous proposons là avec tous mes collègues au travers de ces amendements identiques reste parfaitement possible, même après avoir supprimé l’article 6. Il s’agit de donner à chacun des marges de liberté.

Peu importe jusqu’où ira cette proposition de loi. Elle ne prospérera peut-être pas à l’Assemblée nationale, mais le Sénat aurait au moins engrangé dans son offre politique constitutionnelle un dispositif innovant. Le Gouvernement ne sera peut-être pas d’accord, nous ne parviendrons peut-être pas à un accord, mais je ne veux pas que l’on me dise : allez d’abord consulter les populations !

M. le président. Il faut conclure !

M. Victorin Lurel. Pourquoi y aurait-il un référendum, puisque nous avons fait le job en Guyane et ailleurs ? Nous avons consulté les élus, nous sommes arrivés péniblement à un accord après dix-sept années de discussions entre nous. J’étais avant celui qui s’opposait, je suis aujourd’hui celui qui dit « avançons, chacun fera son affaire après ». Curieusement, c’est la majorité parlementaire qui propose d’abord et qui recule ensuite !

M. le président. La parole est à Mme Micheline Jacques, pour explication de vote.

Mme Micheline Jacques. L’amendement que j’ai présenté, avec un certain nombre de mes collègues, visant à procéder à une réécriture des dispositions outre-mer est issu des travaux de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la différenciation territoriale. Le retirer consisterait à revenir sur ces travaux, d’autant que, sur le fond, le texte fait majoritairement l’objet d’une adhésion.

Je partage naturellement les propos de ceux de mes collègues qui ont soutenu un amendement identique au mien, de manière transpartisane. J’ai également entendu la position du corapporteur, mais je suis convaincue que la démarche consistant à vouloir inclure les outre-mer dans cette proposition de loi constitutionnelle est conforme aux prérogatives du législateur et fait écho à la réalité du territoire de la République dans son ensemble.

Je suis attachée à ce que des dispositions outre-mer figurent dans ce texte. Cela me semble d’autant plus important que la création des articles 72–5 et 72–6 tend à maintenir en l’état les articles 73 et 74 de la Constitution. Il faut donc y voir une ouverture du champ des possibles pour les collectivités qui le souhaitent, sans remise en cause de l’existant pour celles qui ne le souhaitent pas. En cela, la dénomination de pays d’outre-mer est un point qui pourra faire l’objet de discussions, d’autant qu’elle n’est pas incompatible avec les actuelles dénominations de départements et de régions. À cet égard, la Polynésie française, tout en étant une collectivité d’outre-mer, est un pays d’outre-mer au sein de la République.

Il s’agit donc de prendre acte des aspirations qui se sont exprimées dans le respect des volontés de celles des collectivités qui sont favorables au statu quo et de prendre date. Un travail d’élaboration d’un texte définitif pourra se poursuivre. Pour ces raisons, je maintiens l’amendement n° 9 rectifié bis, et j’espère que mes collègues le voteront.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Je dois vous rendre compte du travail accompli au sein du groupe de travail mis en place par le président Larcher au début de cette année, travail auquel a été associé très étroitement M. Michel Magras, alors président de la délégation sénatoriale aux outre-mer.

C’est à la suite d’une concertation très approfondie avec la délégation aux outre-mer et de très nombreux contacts pris par Michel Magras que les dispositions inscrites dans cette proposition de loi constitutionnelle ont été arrêtées par notre groupe de travail. Ces dispositions avaient pour objet d’assouplir les règles constitutionnelles applicables à nos collectivités d’outre-mer en effaçant une distinction dont nous avons considéré collectivement qu’elle n’avait plus de raison d’être et en permettant une différenciation à la carte des statuts des différentes collectivités d’outre-mer.

Néanmoins, il est apparu que les dispositions de l’article 6 ne faisaient pas consensus. Notre corapporteur nous a alors proposé d’ouvrir une nouvelle étape dans la réflexion. Et il a eu raison, car nul ne peut improviser dans un domaine aussi lourd de conséquences et eu égard à la diversité des situations. J’ai donc examiné avec un peu de perplexité les amendements dont nous discutons actuellement. Je reconnais leur mérite, ce sont des amendements qui ont été travaillés de manière très sérieuse. Il convient de ce point de vue de rendre hommage à leurs auteurs. Toutefois, il est très difficile de s’engager dans une telle voie alors même qu’aucune concertation avec les collectivités d’outre-mer n’a pu être conduite de manière approfondie.

Si nous voulons faire du bon travail, mieux vaut ne pas adopter ces amendements, non que nous les rejetterions sur le fond, ce qui n’est pas le cas, mais parce que nous avons besoin d’un travail complémentaire et d’une concertation plus forte. Il y a ici trop d’improvisation sur des dispositifs qui engagent l’avenir à un degré élevé.

M. le président. La parole est à Mme Annick Petrus, pour explication de vote.

Mme Annick Petrus. Saint-Martin n’éprouve ni l’envie ni le besoin d’un grand soir statutaire. Saint-Martin ne souhaite pas, contrairement à d’autres collectivités ultramarines, se voir transférer l’ensemble des compétences à l’exception du pouvoir régalien de l’État. Pour rappel, notre statut de collectivité d’outre-mer (COM) dotée de l’autonomie est relativement récent puisqu’il a treize ans à ce jour.

Notre priorité dans le contexte économique, social et sanitaire difficile actuel est d’optimiser les outils juridiques, administratifs et institutionnels permettant de consolider notre reconstruction post-Irma, d’engager notre relance de l’après-covid-19 et ainsi de réussir le développement durable et solidaire de Saint-Martin.

Les lignes de partage entre l’État et la COM fixées par la Constitution et notre loi organique de 2007 sont plutôt claires et nous conviennent globalement, ce qui n’exclut pas à l’avenir des ajustements législatifs permettant d’améliorer les dispositions de notre statut. Pour nous, le point de vigilance n’est pas le débat statutaire, mais est la juste pratique institutionnelle.

Pour autant, des pistes d’amélioration existent. Il est en effet possible et souhaitable d’améliorer le statut constitutionnel des outre-mer en remédiant notamment aux difficultés et aux blocages constatés dans la mise en œuvre des réformes constitutionnelles de 2003 et de 2008.

Les amendements présentés par Micheline Jacques et par mes autres collègues constituent une bonne base de travail pour le futur. Il est donc nécessaire que l’article 6 soit retiré.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 rectifié bis, 22, 25 et 28 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 6 - Amendements  n° 9 rectifié bis, n° 22,  n° 25 et 28 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 6 - Amendements n° 11 rectifié bis, n° 23,  n° 27 et n° 30 rectifié

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 10 rectifié bis est présenté par Mmes Jacques, Tetuanui et Petrus, MM. D. Laurent, Brisson et Bascher, Mmes Deroche et M. Mercier et MM. Savary et Charon.

L’amendement n° 24 est présenté par M. Lurel et Mme Jasmin.

L’amendement n° 26 est présenté par M. Théophile.

L’amendement n° 29 rectifié est présenté par M. Patient et Mme Phinera-Horth.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa du Préambule de la Constitution est ainsi modifié :

1° Les mots : « territoires d’outre-mer » sont remplacés par les mots : « pays d’Outre-mer » ;

2° Les mots : « et conçues en vue de leur évolution démocratique » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « pour leur permettre de se gérer librement et démocratiquement, dans le cadre d’un statut particulier tenant compte de leurs intérêts propres et dont les éléments constitutifs essentiels ne peuvent être modifiés sans leur accord. Partie intégrante de la République, les pays d’Outre-mer ne peuvent cesser d’y appartenir sans le consentement de leur population ni révision de la présente Constitution. »

La parole est à Mme Micheline Jacques, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié bis.

Mme Micheline Jacques. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la proposition de création de la catégorie « pays d’outre-mer », tout en opérant une mise à jour du préambule de la Constitution afin qu’il corresponde à la situation actuelle des outre-mer, qui a évolué depuis 1958.

La création de la catégorie des pays d’outre-mer étant conçue pour permettre une évolution différenciée, il convient de l’assortir d’une affirmation au niveau des dispositions les plus solennelles et symboliques, précisant que cette réforme n’implique en rien un risque de distanciation des liens de citoyenneté au sein du peuple français. Il s’agit d’affirmer que le statut des pays d’outre-mer, qui tient compte de leur intérêt propre au sein de la République, comporte des éléments constitutifs qui ne pourraient être modifiés sans leur accord.

Il vous est ainsi proposé de constitutionnaliser l’obligation de recueillir le consentement des populations pour toute éventuelle séparation d’avec la République. Une telle hypothèse exigerait une révision de la Constitution. Ainsi, une éventuelle séparation ne pourrait pas seulement résulter d’une loi organique.

Il s’agit, de plus, de consacrer pleinement le droit à la libre détermination, mais en le déconnectant des traités internationaux prévus à l’article 53, alinéa 3, de la Constitution.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 24.

M. Victorin Lurel. Voilà une belle affaire !

Pour obtenir l’indépendance de Djibouti et des Comores, il a fallu prévoir un référendum et modifier la Constitution. Or si, demain, la question devait se poser… Le cas s’est posé pour la Nouvelle-Calédonie : on a dû annexer à la Constitution un accord, auquel il a été donné valeur constitutionnelle. S’il devait se produire quelques problèmes dans les outre-mer, on dépend de l’article 53 de la Constitution !

Lorsque Brigitte Girardin était ministre de l’outre-mer, j’avais dit que l’alinéa 2 du préambule de la Constitution posait un problème. Il avait été ainsi rédigé pour l’ancienne Communauté française, après les indépendances africaines. Cette disposition, restée en l’état, est désormais absolument dépassée. Il faut actualiser, et c’est ce que nous proposons. Cette actualisation, du fait du refus qui vient d’être opposé à la notion de « pays d’outre-mer », n’a peut-être plus, il est vrai, l’objet que nous aurions souhaité. Pour autant, notre amendement est sensé et fondé. On le soutient et on le maintient !

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 26.

M. Dominique Théophile. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 29 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment, je demande le retrait de ces amendements.

Je voudrais revenir sur les propos de M. Lurel. J’ai été rapporteur de nombreux textes, notamment statutaires, relatifs aux sujets ultramarins. J’observe d’ailleurs qu’à l’occasion du dernier de ceux-ci, relatif à la Polynésie française, nous avons été plus loin que le droit existant sur la question des relations internationales. C’est dire si le Sénat, chaque fois, a pris ses responsabilités !

De mémoire, il n’y a pas un seul texte relatif à l’outre-mer qui n’ait été adopté à l’unanimité au sein de cet hémicycle. Mon intime conviction, cher Victorin Lurel, c’est que, dans la mesure où un travail a été fait et où une mission d’information a abouti, il n’y a pas de raison que le caractère historique que vous appelez de vos vœux ne se retrouve pas au terme du processus et de la réflexion que nous mènerons en commun.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié bis, 24 et 26.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 6 - Amendements  n° 10 rectifié bis, n° 24, n° 26 et n° 29 rectifié
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 11 rectifié bis est présenté par Mmes Jacques, Tetuanui et Petrus, MM. D. Laurent, Brisson et Bascher, Mmes Deroche et M. Mercier et MM. Savary et Charon.

L’amendement n° 23 est présenté par M. Lurel et Mme Jasmin.

L’amendement n° 27 est présenté par M. Théophile.

L’amendement n° 30 rectifié est présenté par M. Patient et Mme Phinera-Horth.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 74-1 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « collectivités d’outre-mer visées à l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie » sont remplacés par les mots : « territoires mentionnés à l’article 72-3 » ;

b) Les mots : « à l’organisation particulière de la collectivité concernée » sont supprimés ;

c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il peut également, dans les mêmes matières, procéder à la codification et à l’actualisation des dispositions en vigueur, en vue d’assurer le respect du principe de la hiérarchie des normes et de renforcer leur intelligibilité. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les règlements des assemblées parlementaires déterminent les conditions dans lesquelles il peut être recouru à des procédures simplifiées pour l’adoption des projets et propositions de loi ayant pour principal objet la modification des dispositions législatives applicables dans les collectivités mentionnées au premier alinéa, ou la ratification d’ordonnances ou de décrets y afférents. »

La parole est à Mme Micheline Jacques, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié bis.

Mme Micheline Jacques. Il est proposé de modifier l’article 74-1 de la Constitution pour étendre à l’ensemble des territoires ultramarins la possibilité pour le Gouvernement de recourir aux ordonnances, afin d’y appliquer ou d’y adapter les dispositions législatives après avis des assemblées délibérantes. Ces ordonnances doivent faire l’objet, à peine de caducité, d’une ratification expresse par le Parlement dans un délai de dix-huit mois suivant leur publication.

Techniquement, ce dispositif est indépendant des propositions présentées par ailleurs s’agissant de la substitution progressive des « pays d’outre-mer » aux actuels DROM et COM. Il peut donc être adopté indépendamment de cette évolution globale du cadre constitutionnel des outre-mer, exception faite de la Nouvelle-Calédonie. Il s’inscrit, pour autant, dans la même démarche, qui vise à accélérer autant que possible l’actualisation du droit des outre-mer. À cette fin, l’objet des ordonnances est expressément étendu à la codification et à l’actualisation des dispositions en vigueur, en vue d’assurer le respect du principe de la hiérarchie des normes et de renforcer leur intelligibilité.

Il s’agit, par ailleurs, d’accélérer autant que possible la ratification de ces ordonnances appelées à être plus nombreuses, eu égard à la multiplication des statuts particuliers, mais aussi de permettre une plus grande réactivité du Parlement en matière d’actualisation du droit des outre-mer, et à cet effet d’adoption, d’approbation ou de ratification des textes pour lesquels les nouvelles lois organiques prévoiraient un contrôle parlementaire.

Il est proposé de constitutionnaliser la possibilité de recourir à des procédures d’examen simplifié, telle que la procédure de législation en commission ; les règlements des assemblées parlementaires détermineraient les conditions dans lesquelles il pourrait y être recouru. Cette procédure serait prévue pour l’adoption des projets et propositions de loi ayant pour principal objet la modification des dispositions législatives applicables outre-mer, ou la ratification d’ordonnances ou de décrets y afférents.

Ce dispositif met également en œuvre l’une des préconisations du rapport de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la différenciation territoriale.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 23.

M. Victorin Lurel. J’aimerais rassurer notre excellent corapporteur : je ne souhaitais pas émettre un avis personnel ou lui faire je ne sais quel procès en ardeur ou en affection à l’égard des outre-mer. Au contraire ! On sait l’amour qu’il porte à ces territoires. Il ne s’agit pas de cela !

L’explication est la même que précédemment pour le présent amendement, qui vise à l’actualisation, à la ratification et à la codification, pour obtenir encore davantage de sûreté, et enfin à l’accélération avec la possibilité de légiférer en commission.

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour présenter l’amendement n° 27.

M. Dominique Théophile. Il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 30 rectifié n’est pas soutenu.

Le sous-amendement n° 32, présenté par Mme Gatel et M. Darnaud, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Amendement n° 30, alinéas 6 à 9

Supprimer ces alinéas

La parole est à M. le corapporteur, pour présenter ce sous-amendement et pour donner l’avis de la commission sur les trois amendements identiques.

M. Mathieu Darnaud, corapporteur. L’avis de la commission est favorable, sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement de la commission visant à supprimer la possibilité pour le Gouvernement d’actualiser sans contrôle du législateur les dispositions en vigueur dans les collectivités ultramarines. Une telle possibilité, en effet, aurait pour conséquence de dessaisir le législateur de larges pans du droit.

Le sous-amendement tend également à supprimer la disposition selon laquelle le règlement des assemblées parlementaires détermine les conditions dans lesquelles il est recouru à des procédures simplifiées pour l’adoption des textes ayant pour objet les collectivités ultramarines ou la ratification d’ordonnances y afférentes. Le recours à de telles procédures est déjà possible et doit demeurer facultatif en fonction des enjeux des différents textes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je comprends la demande d’élargissement de l’habilitation. Je rappelle simplement que la différence de traitement se justifie historiquement, puisque les collectivités d’outre-mer sont régies par le principe de spécialité législative, et elle présente un enjeu constant d’extension ou d’adaptation de mesures législatives nationales. Selon le Gouvernement, cette habilitation permanente permet une souplesse.

Étendre cette habilitation aux DROM peut se comprendre : ce serait un gage de rapidité et d’efficacité. Toutefois, il semble difficile d’y être favorable – j’en suis désolée, monsieur Lurel – en l’absence d’une concertation avec les DROM. Ceux-ci pourraient en effet avoir le sentiment que nous allons adapter leur droit par ordonnances, sans accord de leur part. Cela pourrait être perçu négativement, comme une décision verticale de l’État.

Je comprends donc le sens des amendements proposés, mais, je le répète, il faut une concertation préalable.

Par ailleurs, je rappelle que les DROM disposent d’un pouvoir d’adaptation, prévu à l’article 73 de la Constitution. Ils peuvent demander au Gouvernement ou au Parlement de les habiliter à déroger à la loi ou au règlement au titre soit de leurs compétences, soit de celles de l’État. À cet égard, le projet de loi constitutionnelle porté par le Gouvernement prévoyait de simplifier drastiquement la procédure pour encourager le développement de ces adaptations locales, ce qui était une demande forte portée par les élus des DROM.

Il convient donc de travailler encore la question avant de s’engager dans cette voie et de voter ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.

M. Victorin Lurel. Après vous avoir écoutée, madame la ministre, il me faut reconnaître qu’il aurait été plus sensé et cohérent d’adopter tous les amendements que nous avons présentés, ceux relatifs aux pays d’outre-mer, ceux prévoyant une possibilité d’évoluer ainsi qu’une accélération de l’examen des textes.

Compte tenu du retard accumulé, que nous vivons presque quotidiennement, il eût été bon d’accélérer le processus de législation, notamment en commission, ce qu’aurait permis une adoption de l’ensemble des amendements.

Je suis satisfait de l’avis favorable émis, sous réserve de rectification, par M. le corapporteur, mais j’avoue qu’il y a là un problème.

Par ailleurs, madame la ministre, il est vrai qu’il est possible de bénéficier d’une habilitation ; j’ai moi-même fait 29 lois de région et autant de décrets. Mais, Seigneur – mot à ne pas employer dans cet hémicycle laïque –, je puis vous dire qu’il faut attendre très longtemps !

La seule chose que nous ayons obtenue est que l’expérimentation, ou l’habilitation, qui se faisait sur deux ans, puisse se dérouler sur la durée d’une mandature. Pour le reste, nous dépendons du bon vouloir de l’administration lorsqu’il s’agit de décrets. Quant au Parlement, quelquefois il ne répond pas. Il faut améliorer les choses et continuer à se battre.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 32.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 rectifié bis, 23 et 27, modifiés.

(Les amendements sont adoptés.)

Article additionnel après l'article 6 - Amendements n° 11 rectifié bis, n° 23,  n° 27 et n° 30 rectifié
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 6.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle, je donne la parole à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Il y a deux façons de considérer le texte : un verre à moitié plein ou un verre à moitié vide.

Nous considérons que ce texte comporte certaines avancées : la clause générale de compétence des communes, l’assouplissement des modalités d’expérimentation, la différenciation des compétences, la différenciation normative et l’autonomie financière.

Pour autant, je regrette que le tunnel de 50 % n’ait pas été retenu. Philippe Bas en a fait précédemment une présentation quelque peu particulière, mais il s’avère que chaque commune n’est représentée au sein de l’EPCI que de façon médiatisée, par sa démographie. L’une est consubstantielle de l’autre : les entités communales ne sont pas représentées uniquement en tant que telles.

Par ailleurs, je suis quelque peu étonné que le principe d’une loi de financement des collectivités territoriales n’ait pas été retenu. Je rappelle que les dangereux anarchistes que sont l’AMF et l’ADF le soutiennent…

Au demeurant, malgré cette déception, nous nous contenterons de nous abstenir sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

M. Philippe Bas. Mon groupe se réjouit du débat que nous avons eu, et il votera de grand cœur cette proposition de loi constitutionnelle. J’en suis particulièrement ému.

Une nouvelle étape s’ouvre. Je souhaite vivement que ce texte soit adopté à une très large majorité et qu’il puisse être rapidement débattu à l’Assemblée nationale. Il n’y a pas de grande réforme possible en matière de libertés locales sans que celle-ci s’inscrive dans le socle d’une Constitution permettant d’assurer la pérennité de cette réforme.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 4 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 264
Pour l’adoption 216
Contre 48

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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Nous passons à la discussion de la proposition de loi organique, dans le texte de la commission.

proposition de loi organique pour le plein exercice des libertés locales

 
Dossier législatif : proposition de loi organique pour le plein exercice des libertés locales
Article 2

Article 1er

La loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution est ainsi modifiée :

1° L’article 8 est ainsi modifié :

a) Le huitième alinéa est ainsi modifié :

– après le mot : « intéressées, », sont insérés les mots : « en particulier pour les collectivités territoriales, » ;

– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Ces documents évaluent également la pertinence des dispositions envisagées au regard du cinquième alinéa de l’article 72 de la Constitution et précisent les modalités de mise en œuvre de l’article 72-2 de la Constitution ; »

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les avis rendus par le Conseil national d’évaluation des normes en application de l’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales sont inclus dans les documents rendant compte de l’étude d’impact. » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 11, les références : « septième alinéas et à l’avant-dernier » sont remplacées par les références : « huitième alinéas, aux dixième à onzième alinéas et au dernier ».

M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Maurey, de Nicolaÿ, Delcros et Longeot, Mme Saint-Pé, M. Henno, Mmes Billon et de La Provôté, M. Détraigne, Mmes Morin-Desailly, Sollogoub et Doineau, M. Malhuret, Mme Pluchet, MM. Chaize, D. Laurent, Menonville, Perrin, Rietmann, Daubresse, Laugier, Janssens, Somon, Chasseing, Bouchet, B. Fournier, Houpert, Pellevat, Paccaud, Louault, Cuypers, Reichardt, Regnard, Kern, Bonne, Bacci, Chatillon, Canevet et Brisson, Mme Imbert, MM. Decool et A. Marc, Mmes Lassarade et L. Darcos, MM. Vogel, Wattebled et Moga, Mmes Canayer et Gruny, MM. Piednoir et Laménie et Mme F. Gerbaud, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

– les mots : « et environnementales » sont remplacés par les mots : « , environnementales et sur l’aménagement du territoire » ;

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Cet amendement vise à ce que les études d’impact mesurent désormais l’impact des projets de loi en termes d’aménagement du territoire.

Actuellement, les études d’impact ne mesurent que les conséquences économiques, financières, sociales et environnementales des projets proposés. Trop de réformes, notamment dans les domaines de la santé, du numérique et de la réorganisation territoriale, ont été menées sans que l’on prenne en compte leur impact pour l’aménagement du territoire, ce qui a causé les fractures que l’on connaît, lesquelles ont elles-mêmes entraîné un certain nombre d’événements, notamment le mouvement des « gilets jaunes ».

Louis-Jean de Nicolaÿ et moi-même, qui avions fait cette proposition dans un rapport remis en 2017, estimons important de tenir compte de cet impact.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Cet amendement va dans le sens de nos propositions, puisqu’il vise à conforter les études d’impact, notamment en matière d’aménagement du territoire. M. Maurey avait d’ailleurs déposé une proposition de loi à cette fin en 2019. L’avis est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement partage l’objectif de renforcer l’évaluation des politiques publiques au regard de leurs conséquences sur l’environnement et l’aménagement du territoire. Pour autant, je tiens à le rappeler, l’étude d’impact des lois comprend d’ores et déjà des rubriques développant ces thématiques. Ainsi, dans la rubrique dédiée à l’analyse des impacts envisagés sur les collectivités territoriales, le Gouvernement s’attache, conformément aux dispositions de l’article R. 1213-27 du code général des collectivités territoriales, à évaluer l’ensemble des incidences techniques et financières des mesures proposées, selon leur nature et le mode de financement dans les domaines de compétences, sur l’emploi et sur les politiques mises en œuvre.

Par ailleurs, la rubrique de l’étude d’impact dédiée à l’analyse des impacts environnementaux doit d’ores et déjà faire apparaître, si le sujet le justifie, outre le coût des mesures envisagées pour le climat et pour la biodiversité, les incidences du projet de loi sur les territoires, la mobilité des personnes ou des marchandises, la consommation d’énergie et le niveau de production des entreprises.

Beaucoup d’éléments sont donc déjà prévus, mais, pour faire plaisir à M. Maurey, je m’en remets à la sagesse du Sénat. (Sourires.)

M. Hervé Maurey. Incroyable ! (Sourires sur les travées du groupe UC.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par MM. Montaugé et Kerrouche, Mme Harribey, MM. Lurel et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Après le même huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – l’évaluation qualitative de l’impact des dispositions envisagées au regard des nouveaux indicateurs de richesse créés par la loi n° 2015-411 du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques ; »

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Cet amendement vise à ce que les études d’impact soient complétées par de nouveaux indicateurs de richesse, ce qui permettrait d’obtenir une appréciation au vu de ces critères et non pas seulement du sacro-saint PIB. Nous connaîtrions ainsi les effets des réformes non pas sur un seul aspect, mais sur les multiples dimensions visées par les études d’impact.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Cher Éric Kerrouche, je vous promets que j’apporterai ultérieurement une réponse positive à l’un de vos amendements. En l’occurrence, je ne le peux pas.

La disposition que vous proposez avait été supprimée sur l’initiative du rapporteur d’une proposition de loi organique de 2018, qui n’était autre que M. Sueur.

Par cohérence avec le vote antérieur du Sénat, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis l’avis de la commission.

M. le président. Monsieur Kerrouche, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?

M. Éric Kerrouche. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Montaugé et Kerrouche, Mme Harribey, MM. Lurel et Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les évaluations prévues aux huitième et neuvième alinéas sont également réalisées par des organismes publics indépendants. Ces évaluations sont incluses dans les documents rendant compte de l’étude d’impact. Un décret en Conseil d’État détermine la liste et les modalités de désignation des organismes concernés ainsi que les modalités de réalisation des évaluations.

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Je vais essayer d’éviter l’acharnement thérapeutique de Mme la corapporteure… (Sourires.)

Le présent amendement, qui avait déjà été accepté, vise à ce que les études d’impact puissent être réalisées par des organismes publics indépendants. En cette fin de séance, nous espérons une certaine mansuétude…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Je vais même vous adresser mes félicitations, monsieur Kerrouche, car vous avez corrigé votre amendement initial, lequel laissait place à des organismes privés. Vous avez modifié cette formulation à bon escient en mentionnant « des organismes publics indépendants ».

Très heureuse de cesser de vous contrarier « à l’insu de mon plein gré », j’émets un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les études d’impact, qui accompagnent obligatoirement les projets de loi depuis la révision constitutionnelle de 2008, sont examinées par différents organismes qui en apprécient la qualité. Ce que vous proposez, monsieur le sénateur, est donc déjà une réalité.

Ces études sont ainsi transmises, par exemple, au Conseil d’État. Je ne vois donc pas très bien ce que l’on peut faire de plus, sinon alourdir la procédure, alors que vous demandez en général qu’elle soit simplifiée.

L’avis est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Je voterai évidemment cet amendement.

Madame la ministre, vous nous expliquez que de nombreux organismes lisent les études d’impact. Or l’amendement vise à ce que ces études soient faites par un organisme indépendant du ministère. En effet, si la conclusion d’une telle étude est rédigée par un organisme proche d’un ministère, lequel a besoin de vendre son texte en expliquant que l’impact sera minime sur les collectivités, alors ledit organisme est quelque peu juge et partie. Mieux vaut, pour alerter les lecteurs de l’étude d’impact, que celle-ci soit établie par un organisme indépendant.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite soutenir la position de Mmes Gatel et Vérien et de M. Kerrouche.

Il est une réalité que vous connaissez bien, madame la ministre : aujourd’hui, c’est le ministre qui commande l’étude d’impact à ses services. Or il est rare que ceux-ci conduisent le ministre à considérer que l’impact de son projet de loi n’est pas bon… L’apport prévu dans cet amendement est donc très précieux et utile.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Je sais que le Gouvernement n’est pas très enclin à favoriser la recherche et l’université, comme le prouve la loi de programmation pour la recherche… On pourrait cependant imaginer que certains laboratoires et certaines équipes puissent donner leur avis sur la loi ; cela pourrait servir !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

Le chapitre III du titre unique du livre Ier de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Droit à la différenciation territoriale » ;

2° Le premier alinéa de l’article L.O. 1113-1 est ainsi modifié :

a) Le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « huitième » ;

b) Les mots : « , qui ne peut excéder cinq ans, » sont supprimés ;

3° Les quatre premiers alinéas de l’article L.O. 1113-6 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Avant l’expiration de la durée fixée pour l’expérimentation et au vu de son évaluation, la loi détermine si les dérogations aux dispositions législatives accordées en application du huitième alinéa de l’article 72 de la Constitution sont :

« 1° Pérennisées pour tout ou partie des collectivités territoriales ayant participé à l’expérimentation ;

« 2° Étendues, dans les mêmes conditions, à d’autres collectivités territoriales ;

« 3° Prolongées ou modifiées à titre expérimental ;

« 4° Abandonnées. » ;

4° L’article L.O. 1113-7 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « huitième » ;

b) Le dernier alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« Avant l’expiration de la durée fixée pour l’expérimentation et au vu de son évaluation, un décret en Conseil d’État détermine si les dérogations aux dispositions réglementaires accordées en application du huitième alinéa de l’article 72 de la Constitution sont :

« 1° Pérennisées pour tout ou partie des collectivités territoriales ayant participé à l’expérimentation ;

« 2° Étendues, dans les mêmes conditions, à d’autres collectivités territoriales ;

« 3° Prolongées ou modifiées à titre expérimental ;

« 4° Abandonnées.

« En dehors des cas prévus ci-dessus, l’expérimentation ne peut être poursuivie au-delà de l’expiration du délai mentionné par le décret en Conseil d’État qui l’avait autorisée. »

M. le président. L’amendement n° 7, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement a pour objet de rétablir le caractère limité de la durée des expérimentations, laquelle est actuellement fixée à cinq ans par le premier alinéa de l’article L.O. 1113-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT). La limitation de cette durée est inhérente au principe même d’expérimentation. En effet, l’expérimentation doit conserver une durée limitée pour qu’il puisse être établi, à son issue, s’il est nécessaire de proroger l’expérimentation sur tout ou partie du territoire, ou s’il est préférable de l’abandonner.

En outre, l’article L.O. 1113-6 du CGCT permet déjà au législateur ou au pouvoir réglementaire qui autorise une expérimentation de la prolonger pour une durée pouvant aller jusqu’à trois ans, ce qui permet de porter la durée totale d’expérimentation à huit années.

Notre amendement répond à l’ensemble des questions qui peuvent se poser : peuvent être ajoutées trois années aux cinq prévues par le texte, ce qui fait, je le répète, huit ans au total. Il est donc préférable de revenir à une durée de cinq ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Je suis de très bonne humeur, mais je vais pourtant être obligée de vous contrarier, madame la ministre. Nous ne modifions pas la durée limitée inscrite dans la Constitution : nous pensons simplement qu’il faut prévoir une durée suffisamment longue, qui sera variable selon la nature de l’expérimentation.

De plus, je rappelle que l’évaluation se fait sur la durée de l’expérimentation. Nous avons l’expérience d’une expérimentation, celle de la tarification sociale de l’eau, qui a été pérennisée dans la loi Engagement et proximité en décembre 2019, alors que nous n’avons disposé de l’évaluation qu’en janvier 2020.

Si nous avons souhaité modifier les conditions d’expérimentation, c’est parce qu’elles sont, à notre sens, importantes. En effet, l’expérimentation peut être pérennisée : c’est la raison pour laquelle il faut prévoir une durée suffisante. Nous prévoyons donc une durée maximale, qui devra être appréciée en fonction de la nature de l’expérimentation.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mme Gatel et M. Darnaud, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 20

Remplacer les mots :

ci-dessus

par les mots :

aux 1° à 3°

La parole est à Mme le corapporteur.

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis toujours favorable aux précisions. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

Le second alinéa de l’article L.O. 1113-5 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots : « , et procédant à un bilan des expérimentations en cours ».

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. En cohérence avec le projet de loi organique relatif à la simplification des expérimentations, que je défendrai dans deux semaines devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement vise à supprimer l’article 3, dont l’objet est de renforcer le rapport annuel prévu au second alinéa de l’article L.O. 1113-5 du CGCT.

Ce rapport annuel retrace l’ensemble des propositions d’expérimentation et demandes formulées par les collectivités territoriales. Or, dans un objectif de simplification, il ne semble pas utile que ce rapport intègre un bilan annuel de l’ensemble des expérimentations, dès lors que le premier alinéa de l’article que j’ai mentionné prévoit déjà que le Gouvernement transmet au Parlement, pour chaque expérimentation réalisée et avant l’expiration de sa durée, un rapport d’évaluation exposant le contenu de l’expérimentation.

Je ne vois pas l’intérêt de l’article 3, qui n’aboutirait qu’à une compilation de documents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Madame la ministre, c’est mon quart d’heure de contrariétés : je ne partage pas votre analyse. Je n’accable ou n’accuse personne, je constate simplement qu’aucun rapport sur les expérimentations ne nous a été transmis. Au nom de la simplification, vous nous proposez de supprimer l’exercice, alors qu’il nous semble extrêmement important, si nous nous engagions dans une loi de décentralisation incluant de la différenciation, d’évaluer les expérimentations et de disposer d’un rapport annuel.

J’en suis navrée, mais, vous l’aurez compris, l’avis est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement transmet au Parlement, pour chaque expérimentation réalisée et avant l’expiration de sa durée, un rapport d’évaluation. C’est ce qui figure dans le texte de loi organique.

Vous avez cité l’exemple d’un rapport qui n’avait pas été remis avant la fin de l’expérimentation. Je le répète, nous proposons la remise d’un rapport avant la fin de chaque expérimentation, alors que vous souhaitez un rapport annuel. C’est la seule différence.

M. le président. La parole est à Mme le corapporteur.

Mme Françoise Gatel, corapporteur. Tel sera le mot de la fin : nous voulons les deux !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 est adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L.O. 1114-2, les mots : « ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d’assiette, » sont supprimés ;

2° À la fin du dernier alinéa de l’article L.O. 1114-3, l’année : « 2003 » est remplacée par l’année : « 2020 » ;

3° L’article L.O. 1114-4 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « 1er juin de la deuxième année » sont remplacés par les mots : « 1er août de l’année » ;

b) Au second alinéa, les mots : « la deuxième année » sont remplacés par les mots : « l’année ». – (Adopté.)

Article 4
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 5

Dans l’ensemble de la législation organique, les mots : « régies par l’article 73 de la Constitution » sont remplacés par les mots : « régies par le II de l’article 74 de la Constitution », les mots : « régie par l’article 73 de la Constitution » sont remplacés par les mots : « régie par le II de l’article 74 de la Constitution », les mots : « régies par l’article 74 de la Constitution » sont remplacés par les mots : « régies par le I de l’article 74 de la Constitution » et les mots : « régie par l’article 74 de la Constitution » sont remplacés par les mots : « régie par le I de l’article 74 de la Constitution ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 4 est présenté par M. Lurel, Mmes Conconne et Jasmin, MM. Antiste et Kerrouche, Mmes Harribey et de La Gontrie, MM. Durain, Kanner, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 10 est présenté par Mme Gatel et M. Darnaud, au nom de la commission des lois.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour présenter l’amendement n° 4.

M. le président. La parole est à M. le corapporteur, pour présenter l’amendement n° 10.

M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 et 10.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 5 est supprimé.

Vote sur l’ensemble

Article 5
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique, je donne la parole à Mme Dominique Vérien, pour explication de vote.

Mme Dominique Vérien. Comme je n’ai pas pris la parole à l’issue de l’examen de la proposition de loi constitutionnelle, je souhaiterais dire rapidement quelques mots.

Notre groupe se réjouit du vote par le Sénat des deux textes – la proposition de loi organique va l’être dans quelques instants. Nous espérons que ces propositions prospéreront et qu’elles pourront, en tout état de cause, servir de base aux futurs travaux, puisque la commission des lois va travailler sur les problèmes de territorialité dans les collectivités d’outre-mer.

Nos débats ont été très positifs. Nous voterons donc ce texte, comme je l’ai précédemment annoncé.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi organique.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 5 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 263
Pour l’adoption 236
Contre 27

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 21 octobre 2020 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures trente :

Scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.

De seize heures trente à dix-huit heures trente :

(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la déshérence des contrats de retraite supplémentaire (texte de la commission n° 43, 2019-2020) ;

À vingt et une heures trente :

Débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2020.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente-cinq.)

 

nomination dun membre dune commission

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a présenté une candidature pour la commission des affaires européennes.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai prévu par larticle 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Gilbert-Luc Devinaz est proclamé membre de la commission des affaires européennes, en remplacement de M. Jean-Claude Tissot, démissionnaire.

nomination des membres dun office parlementaire et de cinq délégations parlementaires

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, les listes des candidatures préalablement publiées sont ratifiées.

Office parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques (18 membres) :

Mmes Laure Darcos, Annie Delmont-Koropoulis, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Olivier Henno, Mme Annick Jacquemet, M. Bernard Jomier, Mmes Sonia de La Provôté, Florence Lassarade, MM. Ronan Le Gleut, Gérard Longuet, Franck Menonville, Mme Michelle Meunier, MM. Pierre Ouzoulias, Stéphane Piednoir, Mmes Angèle Préville, Catherine Procaccia et M. Bruno Sido.

Délégation aux droits des femmes et à légalité des chances entre les hommes et les femmes (36 membres) :

MM. Jean-Michel Arnaud, Bruno Belin, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Valérie Boyer, Isabelle Briquet, M. Max Brisson, Mme Laurence Cohen, M. Jean-Pierre Corbisez, Mmes Laure Darcos, Patricia Demas, Martine Filleul, Joëlle Garriaud-Maylam, Nadège Havet, M. Loïc Hervé, Mmes Annick Jacquemet, Micheline Jacques, Victoire Jasmin, Else Joseph, M. Marc Laménie, Mmes Claudine Lepage, Viviane Malet, M. Pierre Médevielle, Mmes Marie-Pierre Monier, Sylviane Noël, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Raymonde Poncet Monge, Kristina Pluchet, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, Elsa Schalck, Lana Tetuanui, Sabine Van Heghe, Marie-Claude Varaillas et Dominique Vérien.

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation (36 membres) :

Mme Nadine Bellurot, MM. Guy Benarroche, François Bonhomme, Mme Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mme Agnès Canayer, MM. Jean-Pierre Corbisez, Philippe Dallier, Bernard Delcros, Mme Catherine Di Folco, M. Jérôme Durain, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Corinne Féret, Françoise Gatel, MM. Fabien Genet, Charles Guené, Mme Michelle Gréaume, MM. Jean-Michel Houllegatte, Éric Kerrouche, Antoine Lefèvre, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Pascal Martin, Hervé Maurey, Franck Montaugé, Philippe Mouiller, Philippe Pemezec, Rémy Pointereau, Mme Sonia de La Provôté, M. Didier Rambaud, Mme Sylvie Robert, M. Jean-Yves Roux, Mme Patricia Schillinger, MM. Lucien Stanzione, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial et Jean Pierre Vogel.

Délégation sénatoriale à la prospective (36 membres) :

MM. Jean-Claude Anglars, Julien Bargeton, Arnaud de Belenet, Mme Catherine Belrhiti, MM. Éric Bocquet, François Bonneau, Mme Céline Boulay-Espéronnier, MM. Yves Bouloux, Patrick Chauvet, Mmes Catherine Conconne, Cécile Cukierman, MM. Ronan Dantec, Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Dominati, Bernard Fialaire, Mmes Véronique Guillotin, Laurence Harribey, MM. Olivier Henno, Jean-Raymond Hugonet, Olivier Jacquin, Roger Karoutchi, Mme Christine Lavarde, MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Jacques Michau, Albéric de Montgolfier, Mmes Catherine Morin-Desailly, Vanina Paoli-Gagin, MM. Cyril Pellevat, Cédric Perrin, Alain Richard, Stéphane Sautarel, René-Paul Savary, Jean-Pierre Sueur, Rachid Temal et Mme Sylvie Vermeillet.

Délégation sénatoriale aux outre-mer (21 membres autres que les 21 sénateurs d’outre-mer, membres de droit) :

Mmes Viviane Artigalas, Éliane Assassi, M. Philippe Bas, Mme Agnès Canayer, MM. Guillaume Chevrollier, Mathieu Darnaud, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Philippe Folliot, Mme Catherine Fournier, MM. Guillaume Gontard, Daniel Gremillet, Mmes Jocelyne Guidez, Gisèle Jourda, MM. Dominique de Legge, Jean-François Longeot, Mmes Vivette Lopez, Marie Mercier, M. Serge Merillou, Mme Sophie Primas, MM. Jean-François Rapin et Michel Savin.

Délégation sénatoriale aux entreprises (42 membres) :

Mme Cathy Apourceau-Poly, MM. Stéphane Artano, Serge Babary, Mmes Martine Berthet, Annick Billon, Florence Blatrix Contat, Nicole Bonnefoy, MM. Gilbert Bouchet, Michel Canevet, Emmanuel Capus, Rémi Cardon, Mme Anne Chain-Larché, MM. Daniel Chasseing, Alain Chatillon, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mme Jacky Deromedi, MM. Gilbert-Luc Devinaz, Thomas Dossus, Alain Duffourg, Fabien Gay, Mme Pascale Gruny, MM. Jean Hingray, Christian Klinger, Daniel Laurent, Jacques Le Nay, Martin Lévrier, Didier Mandelli, Sébastien Meurant, Jean-Pierre Moga, Albéric de Montgolfier, Claude Nougein, Mme Guylène Pantel, MM. Georges Patient, Sebastien Pla, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, MM. Christian Redon-Sarrazy, Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Vincent Segouin et Dominique Théophile.

 

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

ÉTIENNE BOULENGER

Chef de publication