M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Il me semble que je dois répondre à ces deux demandes de retrait, ce que je vais faire très clairement : bien sûr, je ne retire pas mes amendements !
J’ai bien entendu le corapporteur nous expliquer que ce texte constitutionnel a vocation à sanctuariser le rôle des communes. Mais tout de même, son objet porte sur le plein exercice des libertés locales, et indiquer que « le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département » correspond pleinement, me semble-t-il, à son ambition, à tout le moins à ce que son titre sous-tend.
Ensuite, Mme la ministre nous dit en quelque sorte : « Dormez en paix, braves gens, l’État pourvoit à tout ! » Il me semble quand même que la période récente, notamment la nécessité de commander en catastrophe des quantités de masques pour les habitants de nos territoires, de nos communes, en lien d’ailleurs avec celles-ci, a montré qu’il convenait de porter un regard un peu critique sur ce genre d’affirmation. Certes, il existe des dispositifs économiques généraux pour soutenir les entreprises en difficulté – y compris les petites entreprises ou les artisans –, mais rien ne remplace la proximité, la connaissance détaillée du territoire, de la réalité des problèmes qui se posent pour remplir les interstices qui échappent à ces dispositifs.
Tous les six ans, il revient aux électeurs de juger de l’emploi qu’ont fait les élus de cette liberté des départements. C’est encore, me semble-t-il, le meilleur système qui soit.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Étant cosignataire des deux amendements d’Arnaud Bazin, je souhaite les défendre, notamment le second, qui traite la problématique d’une crise sanitaire.
Mme le ministre nous dit : « Les Français veulent savoir qui fait quoi ! » Oui, vous avez raison, mais, ce qui intéresse encore plus les Français, c’est l’efficacité : ils veulent que ça fonctionne ! Dans certains cas, même si nous sommes tous d’accord pour sanctuariser le rôle de la commune, le département peut être plus efficace que celle-ci.
Je vais vous donner un exemple très précis et, malheureusement, récent.
Dans le cadre de la crise de la covid-19, l’État, qui peut faire beaucoup de choses, avait oublié de prendre en compte ceux qu’on appelle les TNS, à savoir les travailleurs non salariés. Certains départements leur sont venus en aide au titre de leur compétence en action sociale, cependant que d’autres, maladroitement, n’ont pas utilisé cette compétence et, comme l’a souligné Mme Cukierman, se sont fait retoquer par le contrôle de légalité, alors même qu’ils voulaient apporter une aide identique.
Une petite commune aurait-elle eu les moyens d’apporter cette aide à ses artisans, à ses autoentrepreneurs ou autres ? Non ! L’État l’a-t-il fait ? Non ! Qui l’a fait ? Certains départements, notamment celui de l’Oise, qui a apporté une aide de 500 euros par mois sur trois mois à 4 000 travailleurs non salariés ! Le département était le meilleur échelon pour agir.
Certaines intercommunalités sont également intervenues, mais, si, à l’échelle d’un département, seules quelques-unes d’entre elles agissent, pourquoi ne pas en donner la compétence au département, qui pourra mener une action beaucoup plus équitable, homogène et juste ? Ce serait ni plus ni moins une « mesure de salubrité économique et publique ».
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. Je souhaite vraiment que les départements retrouvent la clause de compétence générale. Nous venons de mener une campagne électorale au cours de laquelle nous avons rencontré des présidents d’intercommunalité, des maires de petite commune : il apparaît qu’il existe une zone grise dans la loi NOTRe, à savoir la compétence solidarité territoriale des départements. À quel moment cette solidarité territoriale peut-elle être économique ? Normalement, la compétence économique est dévolue aux régions, mais qui va, par exemple, faciliter la création d’une petite zone artisanale de 6 ou 8 lots dans une commune ou une communauté de communes pour permettre à l’artisan local de quitter le centre du village et de s’y installer ? Certainement pas la région, qui n’intervient généralement que dans les zones comptant au moins 100 à 200 lots.
Madame la ministre, si l’on veut retrouver cette souplesse que vous évoquiez à l’instant, il faut permettre aux départements d’agir dans ce sens. Aujourd’hui, rien n’est prévu, il n’existe aucune jurisprudence en la matière, et les actions diffèrent très largement d’un département à l’autre. Je souhaite donc que cette question soit tranchée une fois pour toutes ; ou plutôt, je préférerais que nous conservions la clause de compétence générale de façon que le département puisse mener des actions que ne mène pas la région, et qui sont extrêmement importantes pour nos petites communes.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je comprends parfaitement et approuve ce qui vient d’être dit.
Nous sommes face à une situation particulière : dans le cas des régions monodépartementales, en l’absence de financements croisés, la situation est complexe. Au moment où je vous parle, la Guadeloupe connaît une crise de l’eau, et tout ce qui se fait est illégal. Comme vient de le dire notre collègue Cécile Cukierman, tout est laissé à l’appréciation du préfet, tout est à géométrie variable, alors qu’il serait préférable de stabiliser les interventions du département en lui donnant les moyens pour ce faire.
Je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le corapporteur.
M. Mathieu Darnaud, corapporteur. Je voudrais vraiment resituer le débat.
Je suis intrinsèquement et viscéralement départementaliste. Or, ici, le sujet n’est pas celui de la clause de compétence générale des départements : le sujet, c’est de constitutionnaliser la clause de compétence générale des communes, étant entendu qu’on peut tout à fait conférer au département la clause de compétence générale sans qu’il soit pour autant nécessaire de l’inscrire dans la Constitution.
Le vrai débat que nous avons à trancher ce soir, c’est celui-là !
Lors de l’examen du texte en commission, des amendements ont été déposés puis retirés portant sur la collectivité régionale. Dès lors, il me semble que le débat est un peu tronqué si l’on omet d’évoquer le cas du conseil régional et de la collectivité régionale.
Sur le fond, je ne suis pas contre la proposition de notre collègue Bazin ; je considère juste que ce n’est ni le lieu ni l’endroit pour engager ce débat. Cinq ou six parmi vous ont cité Montesquieu pour dire qu’on ne doit toucher à la Constitution que d’une main tremblante ; là, j’ai le sentiment que ce débat est du ressort d’une loi ordinaire.
Je voulais donc remettre le sujet dans son contexte. La question n’est absolument pas d’être pour ou contre la clause de compétence générale.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis d’accord avec ce que vient de dire M. Darnaud afin de recentrer le débat. Ma mission ne consiste pas à choisir entre telle ou telle collectivité. Je l’ai dit, partout où je vais dans les territoires, les élus me disent : « Ne touchez pas au meccano institutionnel ! » On me le dit partout !
Je voulais préciser à l’attention de M. Marc qu’il existe aussi un « truc » qui s’appelle l’intercommunalité – remarquez bien que je n’emploie ce mot que pour sourire et le mets entre guillemets. La compétence économique est partagée entre les régions et les intercommunalités ; ces dernières peuvent apporter des aides aux commerces, aux artisans, aux entreprises, etc. (M. Alain Marc le conteste. – Murmures sur des travées des groupes UC et Les Républicains.) C’est la vérité !
Monsieur Paccaud, vous vous êtes exprimé sur les aides à caractère social du département. Vous avez raison : les départements ont attribué des aides sociales aux salariés touchés par la crise économique consécutive à la crise de covid-19, ce qui s’inscrit tout à fait dans leurs compétences. Je me rappelle avoir répondu à une question d’actualité au Gouvernement posée par mon ancien collègue de la Haute-Savoie, ici présent, précisément au sujet de son département, qui voulait savoir de quelle manière il pouvait apporter de l’aide. Avec l’assistance du Gouvernement, il a pu agir.
Nous sommes là aussi pour faire en sorte que les choses puissent se faire.
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par M. Kerrouche, Mme Harribey, M. Lurel, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Bourgi, Kanner, Leconte, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Constitution est ainsi modifiée :
1° L’article 34 est ainsi modifié :
a) À la fin du treizième alinéa, les mots : « , de leurs compétences et de leurs ressources » sont remplacés par les mots : « et de leurs compétences » ;
b) Après le dix-neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les lois de financement des collectivités territoriales déterminent le montant des transferts financiers de l’État ou de la sécurité sociale aux collectivités territoriales et les conditions générales d’équilibre de leurs comptes, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. » ;
2° À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 39, les mots : « et de loi de financement de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « , de loi de financement de la sécurité sociale et de loi de financement des collectivités territoriales » ;
3° L’article 42 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, les mots : « et des projets de loi de financement de la sécurité sociale » sont remplacés par les mots : « , des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des projets de loi de financement des collectivités territoriales » ;
b) À la seconde phrase du dernier alinéa, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « , aux projets de loi de financement des collectivités territoriales » ;
4° Après l’article 47-1, il est inséré un article 47-… ainsi rédigé :
« Art. 47-…. – Le Parlement vote les projets de loi de financement des collectivités territoriales dans les conditions prévues par une loi organique.
« Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de vingt jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l’article 45.
« Si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance.
« Les délais prévus au présent article sont suspendus lorsque le Parlement n’est pas en session et, pour chaque assemblée, au cours des semaines où elle a décidé de ne pas tenir séance, conformément au deuxième alinéa de l’article 28. » ;
5° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 47-2, après le mot : « sociale », sont insérés les mots : « et des lois de financement des collectivités territoriales ».
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Le texte qui nous est proposé aujourd’hui traduit le souhait de mettre en place et d’affirmer certains principes, notamment la clause de compétence générale de la commune par le biais de celle des départements.
S’il existe un symbole important de la liberté locale, c’est celui de la clarté. Pour nous, et c’est ce que nous proposons par cet amendement, cette clarté passe par la création et la mise en œuvre d’une loi de financement des collectivités territoriales. Pourquoi ? Parce que, outre le budget de l’État, outre le budget de la sécurité sociale, symboliquement, en raison de l’importance de ce que font les collectivités au quotidien et de la nécessité d’identifier ces actions, il faudrait leur dédier cette loi de financement.
Celle-ci a été réclamée maintes fois, et l’objet de cet amendement cite quelques exemples.
Il nous semble que la création de cette loi de financement des collectivités symboliserait leur poids et leur dynamique dans le fonctionnement des institutions nationales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, corapporteur. J’ai eu l’occasion en commission de répondre à notre collègue Éric Kerrouche et de lui dire que l’idée, en tant que telle, ne suscitait aucun rejet immédiat de ma part, qu’elle était intéressante, mais qu’elle me semblait à tout le moins devoir être expertisée. Cela vaudra d’ailleurs pour d’autres amendements.
On comprend bien les raisons qui ont prévalu au dépôt de la présente proposition de loi constitutionnelle et le calendrier de son examen. Pour autant, et pour tenter de répondre sur le fond, j’invoquerai trois éléments.
D’abord, je rappelle à l’ensemble de nos collègues que cette proposition de création d’une loi de financement des collectivités avait été examinée et rejetée par le groupe de travail présidé Gérard Larcher, où l’ensemble des groupes étaient représentés. Il lui a été préféré, pour atteindre l’objectif visé d’une meilleure visibilité sur les finances locales, la création d’un débat annuel consacré aux finances locales juste avant l’examen par le Parlement du projet de loi de finances.
Ensuite, cette proposition recoupe certainement plusieurs points de vue. L’idée, si elle a pu faire son chemin, se heurte à quelques écueils, notamment celui que je viens de rappeler.
Enfin, il me paraît important de rappeler un dernier point : une telle évolution institutionnelle nécessite un temps de débat, un temps d’expertise. En l’état, il nous est difficile de nous prononcer réellement sur le fond et il serait extrêmement dommageable qu’une telle disposition soit adoptée par amendement dans un véhicule qui ne me paraît pas adapté – c’est ce que je vous disais en commission –, alors qu’elle nécessite un travail de fond associant pleinement la commission des finances, particulièrement concernée – nous avons eu l’occasion de l’évoquer avec notre collègue rapporteur pour avis Charles Guené.
Un travail préalable à une éventuelle révision de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) est en cours entre les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il pourrait, selon nous, être le lieu et l’objet du débat.
C’est pourquoi nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Kerrouche, votre demande, assez récurrente, n’est pas si évidente à satisfaire qu’elle n’en a l’air, si je puis dire.
Tout d’abord, une partie des recettes locales provenant du budget de l’État, son montant ne peut donc être fixé que par une loi de finances. Je parle là des prélèvements sur recettes, en première partie de la loi de finances, et des crédits budgétaires, en seconde partie.
En outre, il existerait forcément des doublons entre la loi de financement des collectivités et la loi de finances. Beaucoup de dispositions se retrouveraient dans les deux textes.
En revanche, je suis évidemment d’accord avec vous pour déplorer un manque de lisibilité. Cela m’avait frappée lorsque Charles Guené était rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » – Loïc Hervé étant rapporteur pour avis au nom de la commission des lois – et j’ai pu le constater depuis que je suis ministre : cette année, par exemple, les crédits de la mission se montent à 4 milliards d’euros, alors qu’en réalité ils représentent 50 milliards. Par rapport à la réalité, c’est donc epsilon.
La proposition que fait Mathieu Darnaud d’un débat me semble importante. Par ailleurs, il me paraît nécessaire d’engager une réforme pour une meilleure lisibilité de la maquette budgétaire. Il serait dans l’intérêt de tous que les relations financières entre l’État et les collectivités territoriales soient mieux perceptibles, certaines lignes budgétaires pouvant être parfois diluées dans différentes missions.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je soutiens cet amendement d’Éric Kerrouche.
Madame la ministre, vous avez prononcé le mot clé : « lisibilité ». Si quelqu’un, ici, parvient à comprendre pourquoi telle commune touche tel montant de dotation globale de fonctionnement (DGF), tandis que telle autre touche tel montant, alors je le féliciterai ! Les critères d’attribution de la DGF, qui se sont additionnés au fil du temps, représentent un tel conglomérat que même les spécialistes ont du mal à s’y retrouver. Je salue d’ailleurs les quelques personnes de la direction générale des collectivités locales (DGCL) qui sont capables de comprendre à peu près comment on parvient au résultat.
Je ne parle là que d’une dotation. Or il existe beaucoup de dotations, de mesures fiscales, de mesures de compensation qui deviennent souvent au fil du temps des variables d’ajustement. Si bien que, même en vous donnant du mal pour ce faire, il est extrêmement difficile de comprendre la politique financière mise en œuvre à l’égard des collectivités locales au travers de la loi de finances tant le sujet est complexe. C’est là un vrai problème que M. Kerrouche a le mérite de soulever. Puisque le Sénat représente les collectivités territoriales de la République, il est normal que ses interventions soient rituelles et récurrentes.
Madame la ministre, quel que soit le sort qui sera réservé à cet amendement – j’espère que ce sera un sort heureux –, il serait bien que le Gouvernement, avec nous, fasse des propositions pour rendre les choses plus compréhensibles. C’est dans l’intérêt de notre démocratie et de la décentralisation. Les collectivités locales éprouvent un sentiment d’arbitraire, attendant finalement que les chiffres tombent du haut. Cet amendement, s’il était voté, aurait le mérite de poser pleinement le problème et l’enjeu : il faut que l’on puisse bien comprendre la politique menée par quelque gouvernement que ce soit en matière de finances locales.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Nous ne faisons que reprendre ici l’un des aspects de la proposition de résolution que nous avons examinée au mois de juin. Le maître mot est simple : clarté et lisibilité. C’est ce dont ont besoin nos collectivités territoriales.
Le Président de la République nous invite à avoir de l’audace, nous dit qu’il faut chevaucher le tigre. Je constate simplement que, en ce qui concerne les collectivités locales, l’audace est relativement limitée alors qu’elles mériteraient de savoir à quelle sauce elles seront mangées tous les ans.
Cette loi de financement des collectivités me semble indispensable pour introduire cette clarté ; c’est pourquoi il faut enfin la mettre en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. M. Sueur a évoqué la DGF. Je pourrais citer bien d’autres exemples. Je pense notamment à la dotation de solidarité urbaine, que j’ai eu l’honneur de piloter comme ministre de la ville. La complexité touche alors à l’extrême, pour ne pas dire à un arbitraire total, y compris pour des raisons politiques, sinon politiciennes. La démocratie souffre de cette absence de clarté.
Nos 500 000 élus locaux sont aujourd’hui valorisés pour leur rôle de proximité et leur implication non seulement dans la grande crise sanitaire que nous vivons, mais aussi dans celle des « gilets jaunes », avec le soutien du Président de la République à l’époque. Pourquoi ne pas leur donner ce véhicule législatif qui leur permettrait d’exister par rapport au budget de notre pays ? C’est la raison pour laquelle nous soutenons à fond, avec beaucoup de détermination, l’amendement que vient de présenter M. Kerrouche.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. À l’inverse, nous ne soutenons pas « à fond » cet amendement. Comme l’a souligné M. Darnaud, ce n’est pas au détour d’un amendement qu’on peut créer un projet de loi de finances spécifique aux collectivités territoriales.
Par ailleurs, et Mme la ministre l’a également souligné, que faudrait-il extraire du projet de loi de finances ? Que faudrait-il sacraliser ?
En outre, et je ne dis pas que telle sera l’orientation de votre gouvernement, madame la ministre, comment être certain qu’il n’y ait pas, demain, davantage d’austérité ? Dès lors, la logique gouvernementale pourrait imposer un budget constant au vu de recettes prédéterminées et examinées précédemment.
J’entends les arguments de nos collègues du groupe socialiste, mais je ne vois pas en quoi un projet de loi de finances spécifique rendrait plus lisible, simplifierait ou même rendrait plus démocratique le calcul de la DGF aux communes, celui du transfert de taux et des dotations spécifiques aux communes, à leurs groupements, aux départements et à la région. Aujourd’hui, de grands savants font sûrement de grandes formules, mais force est de constater que plus personne ne comprend rien : pourquoi telle commune reçoit tant et une autre tant ?
Il y aurait certainement besoin d’un peu plus de clarification et de simplification. Toutefois, en l’état, nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je ne suis pas d’accord avec cet amendement.
Monsieur Kerrouche, vous nous dites que les collectivités veulent savoir chaque année à quelle sauce elles vont être mangées. Ce n’est pas une question de sauce : elles ne veulent tout simplement pas être mangées ! Elles sont autonomes, et le principe d’autonomie doit être respecté. Une loi de financement des collectivités territoriales serait une machine de guerre pour mettre sous tutelle les budgets des collectivités.
Vous avancez un argument qui est bon, celui de l’absence de visibilité. Essayons de corriger ce problème autrement qu’en mettant en place une machine de guerre, à l’instar du projet de loi de financement de la sécurité sociale vis-à-vis de la sécurité sociale que nous avons délibérément instauré en 1996, qui va permettre à l’État et à Bercy d’imposer davantage leur pouvoir aux collectivités territoriales dans une sorte de « super Cahors » législatif annuel.
Soyons raisonnables. Faisons en sorte, comme le propose si justement notre collègue corapporteur Mathieu Darnaud, qu’il y ait chaque année un débat, que le Gouvernement soit obligé de produire un document budgétaire parfaitement limpide et clair dont nous discuterons. Mais, surtout, ne bridons pas la liberté des collectivités locales à travers un texte qui s’inspirerait du système de la loi de financement de la sécurité sociale, faite pour réduire le trou de la sécurité sociale avec des instruments très coercitifs. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour explication de vote.
Mme Vivette Lopez. Je partage pleinement les propos de notre collègue Philippe Bas : nos petites communes ne veulent pas être mangées et demandent plus de lisibilité.
Pour m’être rendue dans un certain nombre de petites communes pauvres durant la campagne sénatoriale, c’est-à-dire avec un budget de 80 000 à 100 000 euros, je peux vous dire qu’elles s’inquiètent, voire s’alarment d’une baisse de dotation – de 15 000 à 40 000 euros parfois – sans aucune autre explication que celle d’avoir intégré une communauté d’agglomération. On considère alors qu’elles sont devenues plus riches et que leur dotation peut être diminuée, sans les prévenir, alors que d’autres communes aisées, qui ont aussi intégré une communauté d’agglomération, mais qui ont perdu un peu de potentiel, voient leur dotation augmenter. Elles ne comprennent plus.
Il me semble important d’apporter plus de lisibilité à ces petites communes dont la dotation a été grandement amputée.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Je comprends parfaitement le souci de lisibilité de certains de nos collègues. Toutefois, ce n’est pas parce que nous disposerons d’une loi de finances spécifique que la question des finances locales sera plus simple. Pour être rapporteur de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) depuis une douzaine d’années – je me permets d’ailleurs de vous renvoyer à ce rapport, qui présente une description exhaustive des finances locales –, je sais combien ce domaine est complexe.
Assemblée nationale et Sénat discutent de cette question depuis un certain temps déjà. Il n’est pas certain que cette méthode permette d’arriver à une meilleure lisibilité des finances locales. De plus, se posent des questions de calendrier avec la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale. Enfin, un tel dispositif pourrait remettre en cause la prééminence du Sénat sur les affaires locales.
La commission des finances n’est pas favorable à cette inclusion. Il ne serait pas sérieux d’adopter un amendement d’appel dans un texte ayant une vocation constitutionnelle.
M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je suis assez surpris des arguments que j’entends.
Je n’étais pas encore sénateur que je suivais déjà un peu vos travaux : depuis toujours, et sur de nombreuses travées, j’ai entendu le Sénat être d’accord pour une loi de financement des collectivités territoriales. Je ne pense pas que les membres de la Cour des comptes soient des irresponsables : ils ont fait trois rapports sur cette question. De même, plusieurs rapports du Sénat soulignent qu’il faut sanctuariser les choses.
Comme pour la loi de financement de la sécurité sociale, un rapport de force se mettra en place. Les associations d’élus iront défendre en amont les dotations octroyées aux collectivités.
Pardonnez-moi, mais vos arguments me semblent un peu « légers » : il s’agirait d’une « arme de guerre », il ne faut pas sanctuariser les choses, mais conserver notre liberté… Il est pourtant certain que les conditions dans lesquelles nous votons aujourd’hui les financements des collectivités ne sont ni optimales ni bonnes. Il faut cranter les choses. Je voterai donc avec enthousiasme cet amendement qui émane de mon groupe.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)