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Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, lors du scrutin n° 130 portant sur l’ensemble du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie, Joël Labbé et moi-même avons été notés comme ayant voté pour, alors que nous souhaitions voter contre. Je vous remercie de bien vouloir tenir compte de cette mise au point.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
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Encadrement du démarchage téléphonique et lutte contre les appels frauduleux
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux (texte de la commission n° 587, rapport n° 586).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. André Reichardt, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous conscients que nos concitoyens sont véritablement exaspérés par les démarchages téléphoniques intempestifs dont ils font l’objet, et que malheureusement le dispositif Bloctel, créé en 2014, a eu des résultats trop modestes. Il fallait agir.
Tel est l’objet de la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux déposée par le député Christophe Naegelen en octobre 2018 et qui arrive au terme de son processus législatif.
Je me réjouis à titre personnel que nous soyons parvenus à un accord en commission mixte paritaire (CMP) avec nos collègues de l’Assemblée nationale mercredi 1er juillet dernier.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. De haute lutte !
M. André Reichardt, rapporteur. Ce texte transcrit l’ambition partagée par nos deux assemblées de mieux protéger le consommateur, tout en permettant au secteur de la prospection commerciale téléphonique, qui représente 56 000 emplois directs, de poursuivre son activité économique.
Au terme de la navette parlementaire, nous avons confirmé notre choix de maintenir le fameux opt-out ou, pour faire plaisir à M. Sueur, le principe de l’opposition expresse du consommateur pour ne pas être démarché.
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne voudrais pas être le seul à défendre la langue française !
M. André Reichardt, rapporteur. Je cite votre nom, mon cher collègue, parce que vous en faites un combat personnel, auquel je rends d’ailleurs hommage.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais je voudrais que ce soit le combat de toutes et de tous.
M. Pierre Ouzoulias. Bravo !
M. André Reichardt, rapporteur. Comme je l’avais déjà dit lors de la deuxième lecture, je considère que c’est la dernière chance pour l’opt-out de faire ses preuves. Ce texte vise à en renforcer l’efficacité par de nouvelles obligations fixées aux professionnels du démarchage téléphonique et un relèvement des sanctions en cas de manquement.
Je citerai particulièrement quatre des apports de cette proposition de loi.
Premièrement, l’obligation pour le professionnel de faire vérifier ses fichiers de prospection afin d’y supprimer régulièrement le nom des personnes ne souhaitant pas être démarchées, sous peine d’une amende administrative, dont le montant maximum est relevé à 375 000 euros par manquement pour une personne morale.
Deuxièmement, la restriction des cas dans lesquels un professionnel peut contacter un client avec qui il a un contrat en cours pour lui vendre de nouveaux produits.
Troisièmement, l’obligation pour le professionnel de définir et respecter un code de bonnes pratiques et d’appeler les consommateurs aux seuls jours et horaires et selon une fréquence qui seront autorisés par décret – c’est un point que nous avons ajouté pour éviter les appels le midi, tard le soir ou des dizaines d’appels répétitifs, et vous voyez bien sûr de quoi je veux parler…
Quatrièmement, la nullité du contrat conclu en cas de méconnaissance des règles sur le démarchage et la présomption de responsabilité du professionnel dans cette hypothèse – le professionnel pourra bien évidemment renverser cette présomption.
La proposition de loi interdit également le démarchage téléphonique en matière de rénovation énergétique ou de production d’énergies renouvelables pour les particuliers, sauf pour les contrats en cours.
Vous savez qu’à titre personnel je suis défavorable à cette interdiction sectorielle – la commission des lois l’est également –, car cette disposition me semble contraire aux principes constitutionnels d’égalité et de liberté d’entreprendre. Le Sénat en a décidé autrement ; par respect pour cette position, je ne m’y suis pas opposé lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Adopter cette mesure n’est toutefois pas sans risque et le sujet sera entre les mains du Conseil constitutionnel dans l’éventualité d’une question prioritaire de constitutionnalité.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très bien !
M. André Reichardt, rapporteur. Enfin, le texte impose aux opérateurs de communications électroniques d’empêcher les appels en provenance de l’international qui usurpent un numéro français et leur permet de résilier le contrat des éditeurs de numéros surtaxés qui incitent frauduleusement les consommateurs à rappeler ces numéros sans qu’ils proposent en réalité un quelconque service.
Afin que toutes ces avancées soient mises à l’épreuve des faits le plus rapidement possible, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les récents changements de portefeuille liés à la nomination du nouveau Gouvernement m’amènent, de manière un peu surprenante, à intervenir aujourd’hui devant vous au sujet de cette proposition de loi, mais j’ai voulu aller jusqu’au bout de l’examen de ce texte. Je passerai ensuite le témoin à Alain Griset.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous connaissons la panoplie de vos compétences !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Cela dit, je me réjouis des travaux conclusifs de la commission mixte paritaire. Trouver une position équilibrée sur l’interdiction du démarchage téléphonique était attendu par nos concitoyens.
Trop d’entre eux, chaque jour, parfois plusieurs fois par jour, sont victimes d’abus en matière de démarchage téléphonique et d’usage frauduleux de numéros surtaxés. Au-delà du seul trouble à la tranquillité, ces abus peuvent causer des préjudices financiers qui sont d’autant plus nocifs aujourd’hui que tous nos concitoyens doivent affronter la crise sanitaire et économique.
Cette proposition de loi vise à remédier à ce fléau et son parcours est un bel exemple de collaboration fructueuse du Parlement, tous groupes confondus, avec le Gouvernement au service des Français, car l’adoption de ces mesures permettra de rendre plus efficace la lutte contre le démarchage téléphonique illicite et les appels frauduleux. C’est une véritable loi du quotidien !
Je souhaite à cet égard rappeler les mesures consensuelles que vous avez retenues, mesdames, messieurs les parlementaires, pour renforcer significativement la protection des consommateurs contre ces pratiques – je veux d’ailleurs vous en remercier.
Tout d’abord, l’information des consommateurs dans les contrats et lors de la prospection commerciale sera renforcée.
Ensuite, le texte prévoit une interdiction du démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique, à l’exception des sollicitations intervenant dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours entendue au sens de l’article 5 de la présente proposition de loi. Il est vrai que cette interdiction sectorielle a fait débat, mais elle a le mérite de la clarté et elle est attendue par les associations de consommateurs.
En fait, cibler ce secteur particulier est une avancée logique et nécessaire.
Logique, car malheureusement le nombre de problèmes liés à ce type de démarchage est anormalement élevé en comparaison d’autres secteurs – qui plus est, il progresse fortement – et parce que votre assemblée a voté, à l’occasion de l’examen d’autres textes, des accompagnements financiers importants pour la rénovation énergétique qui ne doivent pas servir à alimenter la fraude.
Nécessaire, car cette interdiction était demandée unanimement par les associations de protection des consommateurs et parce que, à l’heure où nous devons faire de la transition environnementale une priorité pour l’avenir de notre pays, celle-ci ne doit pas être retardée par la peur d’être confronté à un escroc ou à une entreprise peu regardante.
Mais cette proposition de loi contient d’autres éléments.
L’obligation pour les entreprises ayant recours au démarchage téléphonique de s’assurer qu’elles respectent bien la liste d’opposition est renforcée.
Les sanctions sont alourdies : elles pourront aller jusqu’à 375 000 euros pour une personne morale en cas de non-respect du dispositif d’opposition au démarchage téléphonique. Ces sanctions seront systématiquement publiées aux frais du professionnel.
Des règles déontologiques ou des codes de bonnes pratiques encadrant le démarchage téléphonique seront élaborés par les professionnels.
Les conditions de mise en œuvre du démarchage téléphonique seront plus strictement encadrées grâce à la détermination par décret, pris après avis du Conseil national de la consommation, des jours, des heures et de la fréquence auxquels il peut être pratiqué, y compris pour les études et les sondages qui, lorsqu’ils sont réalisés par voie téléphonique, devront également faire l’objet de règles déontologiques qui seront rendues publiques.
La responsabilisation des professionnels sera accrue avec la mise en place d’une présomption de responsabilité pour ceux qui ont tiré profit de prospections commerciales illicites, à charge pour eux de démontrer qu’ils ne sont pas à l’origine de celles-ci.
Les exceptions à la liste d’opposition dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours seront mieux encadrées.
Un mécanisme plus réactif et sécurisé juridiquement est mis en place pour suspendre et résilier les numéros surtaxés des opérateurs indélicats avec une faculté de saisine du juge des référés par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
D’autres mesures intéressent la lutte contre l’usage frauduleux des numéros surtaxés : renforcement de sanctions et responsabilisation des opérateurs dans la lutte contre l’usurpation de numéros, ce qu’il est convenu d’appeler en mauvais français, monsieur le sénateur Sueur, le spoofing.
M. Jean-Pierre Sueur. Je suis très sensible à cette remarque !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les points les plus saillants de cette proposition de loi que je voulais rappeler, mais je veux aussi souligner que, si le renforcement du cadre normatif que prévoit ce texte est indispensable, il convient bien évidemment de veiller à son respect. C’est pourquoi, sous l’impulsion du Gouvernement, les services de l’État chargés de la protection des consommateurs, c’est-à-dire les agents de la DGCCRF, seront pleinement mobilisés pour lutter contre les sollicitations téléphoniques illicites et le seront encore davantage pour mettre en œuvre les nouvelles dispositions de cette proposition de loi.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite l’adoption par la Haute Assemblée du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le démarchage par téléphone, fortement intrusif, constitue un secteur économique qui est logiquement amené à s’effacer progressivement avec la numérisation de l’économie. Il est cantonné à ne viser qu’un public cible, souvent plus fragile et dépendant du téléphone fixe – nous en avons eu plusieurs témoignages lors de nos travaux. Sous couvert de préservation de l’emploi, le cadre légal régissant le démarchage téléphonique nie le consentement de ces personnes et ne va dans le sens ni de l’évolution de la société ni du progrès. En outre, il est en retard par rapport à l’organisation d’autres moyens de communication.
À notre sens, comme le groupe du RDSE l’a défendu lors de l’examen de la proposition de loi présentée par Jacques Mézard et adoptée par le Sénat en 2011, il aurait été préférable d’envoyer un signal clair à ce secteur, en considérant que, pour être autorisé, le démarchage téléphonique doit être sollicité ou, à tout le moins, clairement accepté par le consommateur.
Ce texte aurait donc pu aller plus loin dans l’opt-in – il nous a en tout cas permis de travailler notre anglais… –, mais nous ne contestons pas les progrès apportés par la proposition de loi : amélioration de l’information du consommateur, détermination des jours, des horaires et de la fréquence du démarchage, encadrement des sollicitations auprès des consommateurs inscrits sur la liste Bloctel dans le cadre des contrats en cours, présomption de responsabilité pesant sur le professionnel en cas de violation de la loi, renforcement des sanctions et, enfin, lutte contre la fraude aux numéros surtaxés.
Je constate d’ailleurs que, en l’occurrence, les sanctions administratives seront plus dissuasives que celles qui concernent les atteintes à l’environnement – dans un souci de cohérence, j’ai bon espoir que cela puisse changer un jour. En tout état de cause, la capacité de suivi par l’État des pratiques délictuelles ou abusives sera un point clé ; je ne suis pas certain que la DGCCRF ait aujourd’hui les moyens de remplir toutes les missions qui lui sont confiées.
Je note évidemment avec une grande satisfaction – j’associe Jean-François Longeot à cette remarque, car il connaît la manière dont nous avons réussi à faire adopter cette mesure… – que l’interdiction du démarchage en matière de rénovation énergétique a été maintenue par la commission mixte paritaire avec le soutien du Gouvernement – la nouvelle ministre déléguée chargée du logement, Emmanuelle Wargon, s’est publiquement exprimée en ce sens.
C’est une décision importante, parce que ce secteur est absolument essentiel pour tenir nos objectifs de lutte contre le dérèglement climatique et de réduction de nos émissions de CO2 – le rapport publié aujourd’hui même par le Haut Conseil pour le climat montre que nous sommes très loin des objectifs affichés. Or ce secteur souffre énormément de la fraude qui réduit à néant la confiance et l’intérêt des ménages pour les travaux, donne une mauvaise image de la filière et freine ce levier fondamental de la lutte contre le changement climatique.
Certes, interdire le démarchage téléphonique dans ce secteur ne règlera pas l’ensemble des problèmes créés par ces abus qui constituent parfois de véritables arnaques – je pense notamment aux publicités vantant des isolations à un euro –, mais cela constitue une réponse utile à une partie des fraudes relevées.
Cette interdiction doit bien sûr être cumulée – j’insiste sur ce point – avec le renforcement du contrôle a posteriori des travaux réalisés, ce qui pose de nouveau la question de la capacité de l’État à mobiliser les moyens nécessaires.
J’en profite, madame la ministre, pour alerter le Gouvernement sur le fait qu’en matière d’offres commerciales de gaz et d’électricité le médiateur de l’énergie a lui aussi alerté sur une explosion des pratiques frauduleuses depuis la fin des tarifs réglementés, mais il est vrai que la proposition de loi n’incluait pas ce sujet.
Les associations de consommateurs ne sont pas satisfaites, et on peut les comprendre. Le passage à un régime d’inscription préalable faisait l’objet d’une attente forte – plusieurs sénateurs, dont Jean-Pierre Sueur, se sont mobilisés sur cette question –, mais la commission mixte paritaire n’a pas abouti favorablement.
M. Jean-Pierre Sueur. Hélas !
M. Ronan Dantec. Ce régime, pourtant instauré dans une dizaine de pays européens – il ne s’agit donc pas d’une mesure extravagante ! –, est plus respectueux du consommateur, en particulier des personnes vulnérables qui n’ont parfois plus d’autre solution que de débrancher leur téléphone fixe pour ne pas subir ce harcèlement quotidien. Il est également plus respectueux des salariés des plateformes qui pratiquent le démarchage, puisqu’ils pourraient recevoir un meilleur accueil au moment de l’appel – ce métier peut être ingrat et nous avons essayé de faire en sorte que la réponse que nous apportions ne soit pas trop violente de ce point de vue.
Parmi les solutions de compromis que le Sénat avait proposées, il est regrettable que la disposition de l’amendement de Jean-Pierre Sueur visant à établir un préfixe permettant au consommateur d’identifier une démarche commerciale n’ait pas été maintenue par la commission mixte paritaire. C’était pourtant un compromis possible.
Dans tous les cas, je l’ai dit, l’efficacité de ce dispositif reposera sur l’accroissement des contrôles et donc sur le renforcement des moyens de la DGCCRF. En effet, si certains reprochent au système de l’opt-in d’être inefficace, les fraudeurs ne respectant pas la loi, cette critique s’applique tout autant au système de l’opt-out qui est maintenu. Les dernières sanctions prononcées contre certains énergéticiens nous permettront d’en évaluer rapidement l’efficacité dissuasive.
En conclusion, il est évident que cette proposition de loi ne va pas assez loin. Néanmoins, le groupe du RDSE se félicite d’une avancée majeure – l’interdiction du démarchage en matière de rénovation énergétique – et, comme nous ne devons pas bouder notre plaisir, lorsque le Sénat réussit à faire avancer les choses, il votera le texte de la commission mixte paritaire. (M. Alain Fouché applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous rassemble aujourd’hui avait pour enjeu de concilier un double objet : protéger au mieux les consommateurs du démarchage intempestif et des pratiques frauduleuses ; préserver l’activité d’un secteur qui emploie presque 60 000 personnes sur l’ensemble de notre territoire, y compris au sein de TPE et de PME.
Je veux saluer vivement le travail de notre rapporteur, André Reichardt, et du rapporteur de l’Assemblée nationale, Christophe Naegelen, qui est également l’auteur de la proposition de loi. Ils ont pleinement su relever le défi de cette conciliation au travers des débats et du texte de compromis qui nous est soumis à l’issue des travaux de la CMP. Ce texte témoigne, une fois de plus, de la force du bicamérisme. C’est une véritable chance pour faire face aux défis de notre temps.
Cette proposition de loi a suivi un long parcours depuis son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, au mois de décembre 2018, ce qui a permis de voter sept articles conformes dès la deuxième lecture. La commission mixte paritaire, par des concessions réciproques des deux chambres, a su trouver un équilibre sur les points qui restaient en discussion. C’est notamment le cas sur l’interdiction du démarchage pour la vente de travaux et d’équipements dans le secteur de la rénovation énergétique. Je remercie notre rapporteur d’y avoir consenti, malgré des réserves que nous comprenons. Cette mesure saura concourir à un objectif que, je pense, nous partageons tous sur ces travées : favoriser la rénovation énergétique des logements en protégeant spécifiquement ce secteur. Je souhaite à ce titre saluer la rédaction équilibrée adoptée par la CMP, qui exclut de cette interdiction les sollicitations intervenant dans le cadre d’un contrat en cours.
Je pense également à des précisions bienvenues introduites dans le texte de la commission mixte paritaire, à l’instar de l’application de sanctions pour non-respect des règles déontologiques, dès lors que celles-ci auront été reprises par décret, ou encore du rétablissement du filtrage des appels provenant de l’international, hors Union européenne, et présentant comme identifiant d’appel un numéro français issu du plan de numérotation de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).
Finalement, le texte qui nous réunit aujourd’hui est un texte de protection et d’équilibre. Son adoption permettra de renforcer les obligations fixées aux professionnels du démarchage téléphonique, ainsi que les sanctions prévues en cas d’abus, pour mieux protéger les droits des consommateurs. Il en est ainsi des appels surtaxés frauduleux, qui peuvent présenter un coût non négligeable pour nos concitoyens.
Je souhaite saluer les apports du Sénat, tels que la création d’un régime de données ouvertes applicable à l’organisme gestionnaire du service Bloctel, qui permettra d’en renforcer la transparence et le contrôle.
Bien sûr, nous aurions pu pousser plus loin le raisonnement en ne retenant pas le principe du consentement préalable – en français dans le texte – au démarchage téléphonique. Il est à noter que nombre de pays l’ayant mis en place font désormais marche arrière.
La majorité des membres de nos deux assemblées a en effet considéré que cette inversion du principe entraînerait la fin du secteur économique du démarchage, qui regroupe pourtant un certain nombre d’acteurs suivant une pratique mesurée et légale de cette méthode de prospection.
L’enjeu de la proposition de loi est bien d’éviter de faire disparaître l’activité de ces derniers, et ce en luttant contre des pratiques frauduleuses qui leur nuisent également.
En somme, le présent texte incarne bien la capacité du législateur à dessiner par le débat un consensus sur des sujets touchant directement à l’intérêt général, à l’exaspération et à la vulnérabilité même de nos concitoyens.
Il témoigne également de la faculté du législateur à proposer une solution équilibrée sur un sujet qui, tout quotidien et prosaïque qu’il soit, n’en recouvre pas moins des difficultés et une technicité certaine.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe LaREM votera en faveur de cette conciliation efficace et protectrice proposée dans le texte de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous allons adopter ce jour a commencé son parcours législatif à l’automne 2018. Cinq rapports, deux lectures dans les deux chambres et une commission mixte paritaire plus tard, nous nous posons encore la question de savoir si le dispositif proposé peut apporter quelque utilité à la lutte contre l’intrusion dans nos foyers, par le téléphone, de sollicitations mercantiles invasives et non souhaitées.
Comme beaucoup de collègues qui se sont exprimés depuis bientôt deux ans, nous continuons de penser que l’instauration d’un préfixe unique pour les appels de démarchage aurait permis la juste et nécessaire information des abonnés du téléphone.
Certes, le présent texte tente de donner un cadre plus contraignant aux opérateurs de ces publicités téléphoniques, mais il est à craindre que l’habilité avec laquelle ceux-ci s’étaient joués des limitations qui leur avaient été imposées jusqu’à présent ne soit de nouveau mobilisée pour qu’ils s’accommodassent des nouvelles que nous allons leur imposer.
Ce scepticisme aurait pu conduire mon groupe à l’abstention si la pandémie et le confinement qui nous ont été imposés n’avaient révélé la possible utilité d’au moins une disposition de la proposition de loi. Je m’explique en vous rapportant mon expérience personnelle, ce dont je vous prie de m’excuser.
Pendant toute cette période de confinement, mon téléphone fixe s’est tu. Il est resté muet. Après un peu plus d’un mois de silence, il a fini par retentir un matin pour me donner à entendre une voix qui m’a expliqué, dans le détail et sans me donner la possibilité de l’arrêter, que je pouvais réaliser l’isolation thermique des combles de ma maison pour un euro, alors que j’habite dans un appartement. (Rires.)
Perturbé psychologiquement par l’assignation à résidence que nous imposait la lutte contre le virus, j’ai écouté avec un soulagement presque existentiel cette personne qui m’apportait la preuve orale des capacités de résistance de notre nation et, finalement, de la valeur supérieure de notre civilisation. Dans l’épreuve du confinement et le partage du sort d’une humanité recluse et souffrante, une voix s’adressait encore à moi pour me proposer un produit dont je n’avais absolument pas besoin.
Cette sidération passée, j’ai réalisé combien cette proposition était déraisonnable. Les transports aériens et terrestres étaient suspendus et il me fallait attendre une heure avant d’entrer dans un magasin d’alimentation transformé en bloc opératoire, mais je pouvais sans délai organiser l’isolation thermique des combles d’une maison que je n’ai pas !
La période que nous vivons nous oblige à prendre conscience de la fragilité de nos sociétés et à revoir l’ordre de nos priorités. La pandémie passée, il restera le défi de la transition énergétique. Je ne doute pas que l’isolation des combles des maisons puisse participer de cet effort nécessaire, mais elle doit être effectuée, comme l’a dit fort justement Ronan Dantec, par une filière d’entreprises compétentes et responsables, qui est aujourd’hui déstabilisée par ces offres à un euro, proposées de façon agressive par le biais du démarchage téléphonique.
La présente proposition de loi interdit spécifiquement ce type de démarchage et c’est pour nous au moins une bonne raison de la voter, tout en regrettant la faible efficience probable des dispositions d’encadrement de cette pratique générale. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les abus en matière de démarchage téléphonique et l’usage frauduleux des numéros surtaxés sont une nuisance pour nos concitoyens. Nous en avons tous déjà fait au moins une fois l’expérience. Ils nous concernent tous ! M. Ouzoulias vient d’évoquer son expérience personnelle. Pour ma part, voilà ce que je fais quand je reçois un tel appel. En général, on demande à parler à M. Fouche, au lieu de M. Fouché, et je réponds alors que M. Fouche est mort. L’interlocuteur s’excuse et il raccroche. Je vous donne ce conseil gratuit – faites de même – pour que vous ne soyez plus embêtés à l’avenir. (Rires.)
Pour certains, le démarchage téléphonique constitue une épreuve quasi quotidienne ; pour d’autres, les démarchages frauduleux entraînent parfois des préjudices financiers qui peuvent être très significatifs. Cette proposition de loi est à la hauteur des enjeux, et j’en partage sans réserve l’esprit.
Depuis sa première lecture, au mois de décembre 2018, ce texte a été considérablement enrichi. Il vise notamment à protéger au mieux les consommateurs, tout en préservant l’activité des professionnels. Pour cela, les opérateurs vont être responsabilisés et un cadre légal aux sanctions contre les appels surtaxés frauduleux sera donné.
Je me réjouis que l’instauration de l’indicatif unique pour les appels de démarchage ait été abandonnée : d’une part, la mise en place d’un tel indicatif apparaît complexe pour les PME, et, d’autre part, le numéro indicatif ne résoudrait pas le problème des appels frauduleux.
Je suis satisfait que l’interdiction du démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique ne s’applique pas aux sollicitations intervenant dans le cadre d’un contrat en cours.
Le délai laissé aux opérateurs téléphoniques pour mettre en place le dispositif d’authentification, porté de deux ans à trois ans, nous semble suffisant.
Le dispositif de filtrage ne s’appliquera, quant à lui, qu’aux appels émis en dehors du territoire de l’Union européenne et affichant un identifiant d’appelant français. Priver les centres d’appels établis hors de l’Union européenne de la possibilité d’utiliser un numéro français pourrait d’ailleurs inciter certaines entreprises françaises à rapatrier ces structures en Europe et en France. Il y en a d’ailleurs beaucoup dans la Vienne, au Futuroscope. C’est très bien que ces centres soient restés là.
En dernier lieu, nos deux assemblées sont parvenues à s’accorder sur le délai pendant lequel un fournisseur de services à valeur ajoutée frauduleux pourrait se voir interdire l’attribution de nouveaux numéros à valeur ajoutée. L’Assemblée nationale souhaitait retenir la durée de cinq ans, le Sénat celle de six mois : je suis satisfait qu’un accord ait été trouvé sur une durée d’un an.
Avant de conclure, je tiens à saluer à mon tour de la tribune le rapporteur de cette proposition de loi tant attendue, André Reichardt, pour la qualité de ses travaux et pour son dynamisme.
Le groupe Les Indépendants estime que le texte issu des travaux de la CMP présente un bon équilibre entre la protection des consommateurs, d’une part, et la volonté de ne pas mettre à mal un secteur qui représente près de 60 000 emplois, d’autre part. Aussi, nous voterons en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)