M. le président. L’amendement n° 237 rectifié bis, présenté par MM. Marseille et Maurey, Mme Vérien, MM. Kern, Médevielle, Détraigne, Canevet, Prince et Cigolotti, Mme Guidez, MM. Cadic, Delahaye, Le Nay et Bockel, Mme Dindar, M. Moga, Mmes Férat, Vermeillet et Vullien, M. Capo-Canellas, Mme Perrot, M. Janssens, Mme Létard, M. Louault, Mme de la Provôté, M. Mizzon, Mme Saint-Pé, MM. Laugier et Delcros, Mme Joissains, M. Longeot, Mme Billon, M. Vanlerenberghe, Mme Morin-Desailly, M. Cazabonne, Mme N. Goulet, M. P. Martin, Mme C. Fournier et M. L. Hervé, est ainsi libellé :
Après l’article 1er octies B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 581-14-3 du code de l’environnement, après les mots : « dix ans », sont insérés les mots : « et six mois ».
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Je vous ferai grâce, mes chers collègues, du développement technique relatif à cet amendement d’Hervé Marseille ; ce sujet est déjà traité dans la loi Engagement et proximité.
Il s’agit de reporter de six mois la caducité des règlements locaux de publicité de première génération au-delà du 14 juillet 2020, pour une fin de validité fixée au 13 janvier 2021, donc une caducité à partir du 14 janvier 2021.
Mme Sophie Primas. Excellent amendement !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Notre collègue Loïc Hervé a exposé très rapidement les enjeux, mais c’est très compréhensible ; en tout cas, ça l’est pour la commission.
Le report est assez modéré – six mois –, et il permettra d’éviter un certain nombre de caducités, ce qui aurait été tout de même dommage au regard du travail accompli. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Le sénateur Hervé nous a invités à la concision et Mme la rapporteure également, je serai donc bref.
Il y a effectivement un risque de caducité, et la durée du report proposé est raisonnable ; le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme Sophie Primas. Ah !
M. Loïc Hervé. Merci, monsieur le ministre !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er octies B.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 99 rectifié bis est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Marchand et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 134 rectifié bis est présenté par MM. Corbisez, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mmes Laborde et Pantel et MM. Requier, Roux et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er octies B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa du V de l’article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur est ainsi rédigé :
« Dans un délai de deux ans à compter de la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode numérique auprès d’au moins 20 % de la population française, cette obligation s’applique à tous les terminaux permettant la réception de services de radio. »
La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 99 rectifié bis.
M. Julien Bargeton. L’envergure du plan de soutien à la filière automobile, présenté cette semaine par le Président de la République, répond à une réalité ; la filière automobile a été particulièrement ébranlée par la crise sanitaire, d’où ce plan de 8 milliards d’euros annoncé.
Dans ce contexte, certaines adaptations paraissent nécessaires, et ce projet de loi s’y prête. Ainsi, en application de la loi du 5 mars 2007 et en conséquence d’un communiqué du CSA du 20 décembre 2018, la vente aux particuliers de véhicules équipés de la radio numérique terrestre devrait être obligatoire à compter du mois de juin prochain. Or le stock de véhicules n’intégrant pas ce dispositif technique et dont l’écoulement a été perturbé par la crise sanitaire reste très important. C’est pourquoi nous proposons de reporter de six mois l’application de cette obligation, afin de permettre la poursuite de la vente de modèles non équipés jusqu’au mois de décembre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 134 rectifié bis.
M. Jean-Claude Requier. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit, là encore, d’un délai raisonnable pour un sujet qui mérite qu’on y prête attention. La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 99 rectifié bis et 134 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er octies B.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 45 rectifié bis est présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. Karoutchi, Vaspart, Bascher, Husson, Daubresse, Poniatowski et Cuypers, Mmes Micouleau, Chauvin et Puissat, M. de Legge, Mmes Noël et Richer, MM. D. Laurent, J.M. Boyer, Duplomb et Mandelli, Mmes Lavarde et Bruguière, M. Piednoir, Mmes L. Darcos et Lopez, MM. Cambon et Brisson, Mme Duranton, MM. Babary, de Nicolaÿ, Bonhomme, Bizet, Cardoux, Lefèvre, Forissier et Vial, Mmes Berthet, Deroche et Imbert, MM. Bazin et Pierre, Mme Di Folco, M. Chaize, Mme Lassarade, MM. Kennel, Gremillet, Milon, Calvet, Danesi et Ginesta, Mmes Troendlé et Gruny, MM. Leleux, Bouchet, Schmitz, Chatillon, Mouiller, B. Fournier, Savin et Vogel, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Saury et Dallier, Mme Raimond-Pavero, M. Rapin et Mmes Thomas, Canayer et Renaud-Garabedian.
L’amendement n° 196 est présenté par Mmes Lienemann et Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er octies B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est ainsi modifiée :
1° Au III de l’article 111, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2022 » ;
2° Au IV de l’article 114, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».
La parole est à M. Michel Vaspart, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié bis.
M. Michel Vaspart. La crise sanitaire affecte la mise en place du système de cotation rendu obligatoire dans les territoires visés par la loi ainsi que la mise en conformité des conventions de réservation qui ne portent pas exclusivement sur un flux annuel de logements. En effet, la mise en place de la cotation nécessite un travail transversal des acteurs participant à la réflexion sur les modalités de sa mise en œuvre, définies dans le plan partenarial de gestion de la demande et d’information des demandeurs : intercommunalités, communes, bailleurs sociaux. Dans les circonstances actuelles, ce travail de concertation est de facto plus compliqué à initier.
Pour ce qui concerne la mise en conformité des conventions de réservation, les bailleurs doivent tout d’abord informer simultanément tous les réservataires de la localisation, du nombre et des typologies de logements sociaux réservés par réservataire, dans le département. Il est ensuite nécessaire d’entamer une étape de négociation avec tous les réservataires, avant de signer de nouvelles conventions.
Si celles-ci ne sont pas transmises avant la date du 24 novembre 2021, fixée par le décret du 20 février 2020 relatif à la gestion en flux des réservations de logements locatifs sociaux, les logements réservés en stock s’ajoutent au flux annuel de logements réservés par l’État, jusqu’à la conclusion d’une convention conforme.
Compte tenu du risque de sanction encouru par les bailleurs, qui n’auraient pas, en raison du contexte actuel de crise, finalisé leurs négociations, il semble plus raisonnable et plus efficient de repousser d’une année le délai initialement prévu.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 196.
M. Fabien Gay. Je ne serai pas long : il s’agit du même amendement que celui de Mme Estrosi Sassone, qui vient d’être défendu par notre collègue Michel Vaspart et auquel elle tenait.
C’est une mesure de bon sens. Le scoring est rendu obligatoire, cela demande beaucoup de négociations, vous le savez bien vous-même, monsieur le président. C’est pourquoi nous demandons un report d’un an, et je pense qu’on peut tous se mettre d’accord là-dessus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. On peut en effet se mettre d’accord ; la commission a émis un avis favorable sur cet amendement, au regard de l’enjeu de l’application de la loi ÉLAN.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Même si l’on peut comprendre le fondement de ces amendements, il nous semble que la mise en conformité des conventions de réservation est importante et que les organismes qui devaient y procéder ont déjà disposé d’un temps suffisant pour le faire.
On voit bien, depuis le début de l’examen de ce texte, combien la crise du Covid-19 a profondément impacté la mise en œuvre administrative d’un grand nombre de réformes et ralenti les processus. En l’occurrence, le Gouvernement ne trouve pas justifié que le délai soit repoussé d’un an – une année, ce n’est pas rien.
Il nous semble par ailleurs que, compte tenu des enjeux existant autour du logement social, la temporalité du dispositif doit être maintenue.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 45 rectifié bis et 196.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er octies B.
L’amendement n° 267 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 1er octies B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au III de l’article 179 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, les mots : « le 1er janvier 2021 » sont remplacés par les mots : « au plus tard au 1er juillet 2021, à une date fixée par décret ».
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre. L’article 179 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ÉLAN », a rendu opposables, à partir du 1er janvier 2021, les diagnostics de performance énergétique.
Il est proposé de prévoir l’entrée en vigueur de l’opposabilité des DPE au plus tard le 1er juillet 2021, soit un décalage d’une durée maximale de six mois. Cette date pourrait être avancée par décret si la situation le permettait. En effet, les filières professionnelles concernées, en particulier celle des diagnostiqueurs, devront à la fois assurer la reprise de l’activité des transactions immobilières dans les plus brefs délais, après un arrêt important de l’activité, avec la fragilisation qui en résulte, et se former aux nouvelles pratiques imposées par la réforme.
Il nous semble que ce délai de six mois supplémentaire est nécessaire compte tenu de la difficulté créée par la situation sanitaire liée au Covid-19.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er octies B.
Article 1er octies C
I. – Les opérations prévues aux articles 261-1 et 263 du code de procédure pénale peuvent être valablement réalisées jusqu’à la fin de l’année 2020, sans respecter le calendrier prévu aux mêmes articles 261-1 et 263. Dans ce cas, l’information adressée, en application du deuxième alinéa de l’article 261-1 du même code, aux personnes tirées au sort doit leur laisser un délai d’au moins quinze jours pour demander d’être dispensées des fonctions de jurés. Le maire procédant au tirage au sort prévu à l’article 261 dudit code ainsi que le magistrat procédant au tirage au sort prévu à l’article 266 du code de procédure pénale peuvent limiter la présence du public pouvant assister à ces opérations, en raison des risques sanitaires pouvant en résulter, ou, en raison de ces risques, décider que ces opérations n’auront pas lieu publiquement. Le fait qu’avant la publication de la présente loi, ces opérations n’aient pas été réalisées publiquement ne constitue pas une cause de nullité de la procédure.
II. – Par dérogation à l’article 266 du code de procédure pénale, pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire et jusqu’au 31 décembre 2020, les listes des jurés de session pour les assises devant se tenir à partir du mois suivant la publication de la présente loi sont composées de quarante-cinq jurés tirés sur la liste annuelle et de quinze jurés suppléants tirés sur la liste spéciale. Ces nombres peuvent être portés jusqu’à cinquante et jusqu’à vingt par arrêté du ministre de la justice. Si le tirage au sort prévu au même article 266 a déjà été réalisé, un tirage au sort complémentaire est effectué pour compléter la liste de session ; il peut intervenir quinze jours avant l’ouverture des assises.
III – Lorsque la cour d’assises chargée de statuer en appel a été désignée en application de l’article 380-14 du code de procédure pénale, le premier président de la cour d’appel dans le ressort duquel se trouve cette cour d’assises peut, d’office ou sur requête du ministère public, s’il lui apparaît qu’en raison de la crise sanitaire cette juridiction n’est pas en mesure de juger cet appel dans les délais légaux :
1° Soit désigner une autre cour d’assises du ressort de sa cour, après avoir recueilli les observations écrites du ministère public et des parties ou de leurs avocats ;
2° Soit, si aucune cour d’assises de son ressort n’est en mesure d’examiner l’appel, saisir le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, ou le conseiller désigné par lui, afin que ce dernier désigne une cour d’assises située hors de son ressort, après avoir recueilli les observations écrites du ministère public et des parties ou de leurs avocats.
Le présent III est applicable jusqu’au 31 décembre 2020. En cas de prorogation de l’état d’urgence sanitaire après cette date, l’application du présent III peut être prorogée par décret pour une durée ne pouvant excéder trois mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
IV. – (Supprimé)
V (nouveau). – Le présent article est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.
M. le président. L’amendement n° 128 rectifié bis, présenté par MM. Bignon, Amiel, Bonhomme, Bonnecarrère, Capus, Chasseing, Daubresse et Decool, Mme N. Delattre, MM. Frassa, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et Malhuret, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Thomas et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 1, troisième phrase
Remplacer les mots :
limiter la présence du public pouvant assister à ces opérations, en raison des risques sanitaires pouvant en résulter, ou, en raison de ces risques, décider que ces opérations n’auront pas lieu publiquement
par les mots :
fixer les conditions de la présence du public pouvant assister à ces opérations, en raison des risques sanitaires pouvant en résulter
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. On peut comprendre que la crise sanitaire nécessite de faire évoluer nos procédures judiciaires. Pour autant, nous considérons que la présence du public est essentielle lors du tirage au sort des jurés d’assises.
Tel est le sens de cet amendement, qui vise à permettre un aménagement, tout en requérant une présence du public minimale. C’est à nos yeux une règle d’or pour la bonne conduite de notre administration judiciaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le tirage au sort des jurés est effectivement un moment important.
Pour autant, il me semble que l’absence de public, qui a été la règle pendant le confinement et qui, selon le Gouvernement, pourrait encore l’être à l’avenir, n’entache pas d’irrégularités cette opération, sauf à penser que le maire n’en ferait pas un tirage honnête. Au reste, je rappelle que l’on peut toujours récuser un juré lors d’une session d’assises.
Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 128 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 129 rectifié bis, présenté par MM. Bignon, Amiel, Bonhomme, Bonnecarrère, Capus, Chasseing, Daubresse et Decool, Mme N. Delattre, MM. Frassa, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et Malhuret, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Thomas et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Alinéa 1, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Bien que je me doute du sort qui lui sera réservé, je vais présenter cet amendement, auquel son auteur, Jérôme Bignon, tient beaucoup.
L’impartialité est l’une des conditions essentielles de la justice. Elle est notamment fondée sur le tirage au sort public des jurés d’assises. Sans publicité, la sincérité de ce tirage au sort n’est pas garantie.
Le présent amendement vise à supprimer une disposition qui a pour effet de couvrir rétroactivement d’éventuelles nullités de procédure tirées de ce que la publicité de certains tirages au sort de jurés d’assises n’aurait pas été assurée. Une telle disposition ne peut se justifier. Les règles de procédure – celle-ci, en particulier – visent à garantir un procès équitable aux intéressés. Leur violation se fait donc nécessairement au détriment de la défense de l’accusé. On ne saurait justifier que cette dernière pâtisse du non-respect des règles de procédure par ceux qui sont chargés de procéder au tirage.
En outre, cette disposition apparaît contraire au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
Pour ces raisons, il convient de supprimer cette disposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je suis moi-même fort attachée aux règles de défense des accusés, mais, comme je l’ai dit précédemment, je ne pense pas que la défense soit entachée par la mesure qu’il nous est proposé de voter.
Au reste, mes chers collègues, avez-vous souvent vu du public dans les mairies pour le tirage au sort des jurés ?
M. Ladislas Poniatowski. Très juste !
M. Didier Marie. Le tirage au sort revenant à la mode, on ne sait jamais…
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Pour ma part, je n’en ai jamais vu.
L’avis de la commission est défavorable
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. La disposition que nous vous proposons est évidemment justifiée par des raisons techniques.
Comme l’a expliqué Mme le rapporteur, il s’agit de sécuriser des procédures de tirage au sort des jurés, au moment où nous avons particulièrement besoin de pouvoir être certains que les sessions des cours d’assises se tiendront dans de bonnes conditions.
C’est vraiment une question de sécurisation juridique liée au contexte particulier de crise. Il n’y a absolument aucune atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi pénale.
Le Gouvernement est donc lui aussi défavorable à l’amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 129 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 35, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
les listes des jurés de session pour les assises devant se tenir à partir du mois suivant la publication de la présente loi sont composées de quarante-cinq jurés tirés sur la liste annuelle et de quinze jurés suppléants tirés sur la liste spéciale
par les mots :
si le président de la cour d’assises l’estime nécessaire au regard du risque qu’en raison de l’épidémie de covid-19 un nombre important de jurés de session ne répondent pas à leur convocation ou soient dispensés, il est tiré au sort quarante-cinq noms de jurés titulaires sur la liste annuelle et quinze noms de jurés suppléants sur la liste spéciale
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à préciser que l’augmentation du nombre de jurés de session ne constituera qu’une faculté, qui pourra être utilisée par le président de la cour d’assises s’il l’estime nécessaire. Il s’agit de tenir compte du risque qu’un nombre important de jurés ne répondent pas à leur convocation ou puissent être dispensés en raison de l’épidémie de Covid-19.
L’augmentation ne nous semble pas justifiée dans un certain nombre de départements, notamment ruraux, où la quasi-totalité des jurés convoqués répond actuellement aux convocations. Elle obligerait à procéder à des tirages au sort complémentaires et compliquerait inutilement la tâche des juridictions.
Il s’agit d’apporter une souplesse et de répondre aux nombreuses demandes qui ont été formulées en ce sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a estimé que cette souplesse était bienvenue. Son avis est favorable.
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rétablir le IV dans la rédaction suivante :
IV. – Au premier alinéa du III de l’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « trente ».
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’espère que Mme la rapporteure, sur sa lancée, émettra également un avis favorable sur cet amendement… (Sourires.) Celui-ci tend à rétablir l’extension de l’expérimentation des cours criminelles départementales, que votre commission des lois a supprimée.
La loi de programmation et de réforme pour la justice de 2019 a prévu qu’une expérimentation serait possible dans dix départements. Nous souhaitons désormais la rendre possible dans trente départements, soit moins d’un tiers des départements français.
Je sais, madame la rapporteure, que le débat sur l’extension, en commission, a été nourri. Je souhaite apporter quelques éléments supplémentaires pour répondre aux remarques qui ont conduit à sa suppression.
Premièrement, le dispositif reste expérimental. Un bilan sera évidemment établi au bout de trois ans, ainsi que cela a été prévu. Ce bilan nous permettra à la fois de mesurer l’activité et d’évaluer l’effectivité et la qualité des décisions de justice qui auront été rendues. C’est sur cette base que le Parlement pourra, ensuite, voter ou non la généralisation du dispositif. Le Gouvernement ne pourra et ne voudra rien acter sans le Parlement.
Deuxièmement, nous souhaitons conforter un dispositif dont le premier bilan, bien qu’incomplet – la mesure a à peine un an –, est prometteur.
Ce dispositif fonctionne actuellement. Il a concerné un peu plus de quarante affaires. Les premiers retours sont très encourageants. Je note d’ailleurs que, alors que leur représentation nationale est plutôt critique sur la création des cours criminelles départementales, les avocats qui travaillent concrètement dans ces juridictions considèrent qu’elles fonctionnent bien.
L’audiencement devant la cour criminelle garantit un temps d’audience suffisant pour examiner les affaires comme elles le méritent, les accusés déjà renvoyés devant les cours d’assises ne peuvent être jugés par une cour criminelle qu’avec leur accord et le taux d’appel des arrêts rendus par les cours criminelles départementales est moins élevé que celui des cours d’assises. Les cours criminelles sont donc une réponse complémentaire aux cours d’assises. Je vous rappelle qu’elles interviennent uniquement en première instance et pour juger des crimes passibles de moins de vingt ans de réclusion. Au-delà de cette durée et en appel, ce sont les cours d’assises qui sont compétentes.
Les cours criminelles départementales permettent aux justiciables, victimes comme accusés, d’obtenir des réponses plus rapides et tout aussi pertinentes dans l’affaire dans laquelle ils sont parties prenantes.
Troisièmement, je ne cache pas du tout que nous avons besoin de ce dispositif pour faire face aux difficultés que vont rencontrer les cours d’assises dans certains départements dans le contexte de reprise d’activité lié au Covid-19. Vous le savez, il est difficile aujourd’hui de trouver des jurés, raison qui a justifié l’adoption des amendements précédents. Il va falloir trouver un certain nombre de solutions complémentaires.
En outre, dans certains départements, les assises sont engorgées. C’est une autre raison de notre volonté d’étendre l’expérimentation. J’y insiste, nous avons besoin de trouver une palette de réponses pour que les situations puissent être jugées. D’ailleurs, au moment où je vous parle, nous avons reçu de nombreuses demandes d’expérimentation des cours criminelles de la part de chefs de cour pour faire face à la situation, inédite, dans laquelle nous nous trouvons.
Je pense que le Parlement aurait une responsabilité particulière si nous ne mettions pas en œuvre toutes les solutions permettant d’éviter un enlisement des cours d’assises et la correctionnalisation des affaires qui pourrait en résulter, au détriment des victimes.
Comme l’avait justement souligné le rapporteur François-Noël Buffet lors de l’examen de la loi de programmation et de réforme pour la justice, « l’allongement préoccupant des délais de jugement aux assises nécessite de rechercher des solutions innovantes » et « l’encombrement des assises conduit à la correctionnalisation massive de certains crimes, en matière de viol par exemple, ce qui ne permet pas de sanctionner ces crimes au niveau qui convient ». Sur cette base, votre collègue nous avait apporté son appui.
Les cours criminelles constituent donc une réponse solide, bien que toujours expérimentale à ce stade. Je vous propose que cette solution innovante puisse être mise à profit dans le contexte actuel, ce qui permettra de démontrer de façon plus approfondie leur efficacité et leur intérêt. Au terme de l’expérimentation, en 2022, nous pourrons dresser un bilan. Le Parlement sera alors amené à se prononcer à nouveau sur ce sujet.