Sommaire

Présidence de Mme Hélène Conway-Mouret

Secrétaires :

Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison.

1. Procès-verbal

2. Mineurs vulnérables sur le territoire français. – Adoption d’une proposition de loi modifiée

Discussion générale :

Mme Josiane Costes, auteure de la proposition de loi

M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois

Mme Véronique Guillotin, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé

Mme Esther Benbassa

Mme Élisabeth Doineau

Mme Nicole Duranton

M. Jean-Pierre Sueur

M. Xavier Iacovelli

M. Stéphane Ravier

M. Michel Amiel

Mme Françoise Laborde

Mme Corinne Imbert

M. Jean-Yves Leconte

M. Guillaume Chevrollier

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mme Josiane Costes

Amendement n° 10 de M. François Bonhomme. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Article additionnel après l’article 1er

Amendement n° 7 rectifié de Mme Josiane Costes. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 2

Amendement n° 11 de M. François Bonhomme. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Article 3

Amendement n° 12 de M. François Bonhomme. – Retrait.

Amendement n° 8 rectifié bis de Mme Josiane Costes. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Article 4

Mme Esther Benbassa

Mme Josiane Costes

M. Xavier Iacovelli

Amendement n° 13 de M. François Bonhomme. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Article 5

Mme Véronique Guillotin, rapporteure pour avis

Rejet de l’article.

Article 6

M. Xavier Iacovelli

Mme Josiane Costes

Mme Élisabeth Doineau

Mme Michelle Gréaume

Mme Véronique Guillotin, rapporteure pour avis

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

M. Philippe Mouiller

Rejet de l’article.

Article additionnel avant l’article 7

Amendement n° 9 rectifié de Mme Josiane Costes. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Articles 7 et 8 – Rejet.

Article 9

Mme Esther Benbassa

M. Xavier Iacovelli

Amendement n° 4 de M. Jean-Yves Leconte. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Amendement n° 15 de M. François Bonhomme. – Devenu sans objet.

Article 10

Amendement n° 21 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet.

Rejet de l’article.

Article 11 – Rejet.

Article 12

Mme Josiane Costes

M. Alain Marc, rapporteur

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

Rejet de l’article.

Article 13

Amendement n° 19 rectifié bis de Mme Josiane Costes et sous-amendement n° 23 de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet du sous-amendement et adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Amendement n° 5 de M. Jean-Yves Leconte. – Devenu sans objet.

Article 14

Mme Josiane Costes

Amendement n° 16 de M. François Bonhomme. – Adoption de l’amendement supprimant l’article.

Amendement n° 20 rectifié de Mme Josiane Costes. – Devenu sans objet.

Article 15

Mme Josiane Costes

Mme Nadia Sollogoub

Amendement n° 1 rectifié de Mme Nadia Sollogoub. – Retrait.

Rejet de l’article

Vote sur l’ensemble

Adoption de la proposition de loi, modifiée.

Mme Josiane Costes

3. Retrait de l’ordre du jour d’une proposition de résolution

M. Jean-Claude Requier, président du groupe RDSE

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

4. Rappel au règlement

M. Jean-François Husson

5. Plafonnement des frais bancaires. – Adoption d’une proposition de loi modifiée

Discussion générale :

M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi

M. Michel Canevet, rapporteur de la commission des finances

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances

M. Jean-François Husson

M. Patrick Kanner

M. Jean-Marc Gabouty

M. Xavier Iacovelli

M. Éric Bocquet

M. Joël Guerriau

Mme Nathalie Goulet

M. Pascal Allizard

Mme Laurence Rossignol

M. Vincent Segouin

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État

Clôture de la discussion générale.

Article unique

M. Stéphane Piednoir

Amendement n° 14 de la commission et sous-amendements nos 17 rectifié bis, 18 rectifié bis et 19 rectifié bis de M. Joël Guerriau. – Rejet des trois sous-amendements et adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Amendement n° 8 de M. Julien Bargeton. – Devenu sans objet.

Amendements nos 1 rectifié et 2 rectifié de M. Joël Guerriau. – Devenus sans objet.

Amendements nos 13 rectifié et 10 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Devenus sans objet.

Amendement n° 3 rectifié de M. Joël Guerriau. – Devenu sans objet.

Amendements nos 11 rectifié et 12 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Devenus sans objet.

Articles additionnels après l’article unique

Amendement n° 7 rectifié ter de M. Rémi Féraud. – Rejet.

Amendement n° 15 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 9 de M. Julien Bargeton. – Retrait.

Amendement n° 16 de la commission. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 4 rectifié quater de M. Rémi Féraud. – Rejet.

Amendement n° 5 rectifié quater de M. Rémi Féraud. – Rejet.

Amendement n° 6 rectifié quater de M. Rémi Féraud. – Rejet par scrutin public n° 106.

Vote sur l’ensemble

M. Patrick Kanner

Adoption de la proposition de loi, modifiée.

Suspension et reprise de la séance

6. Conditions de la reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire. – Débat organisé à la demande du groupe socialiste et républicain

Mme Monique Lubin, pour le groupe socialiste et républicain

Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé

Débat interactif

M. Philippe Mouiller ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé ; M. Philippe Mouiller.

M. David Assouline ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.

M. Jean-Claude Requier ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.

M. Xavier Iacovelli ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.

Mme Éliane Assassi ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.

M. Joël Guerriau ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé ; M. Joël Guerriau.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Guillaume Chevrollier ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.

Mme Sophie Taillé-Polian ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé ; Mme Sophie Taillé-Polian.

M. Olivier Henno ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé ; M. Olivier Henno.

Mme Nicole Duranton ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Jacquin ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé ; M. Olivier Jacquin.

M. Jean-Raymond Hugonet ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé ; M. Jean-Raymond Hugonet.

Mme Christine Lavarde ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé ; Mme Christine Lavarde.

M. Jean-François Husson ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé ; M. Jean-François Husson.

Conclusion du débat

Mme Laurence Rossignol, pour le groupe socialiste et républicain

Suspension et reprise de la séance

7. Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution

8. Diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Article 1er quater (suite)

Amendement n° 102 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.

Amendement n° 236 rectifié ter de M. Jean-Marc Gabouty. – Adoption.

Amendement n° 153 rectifié de Mme Patricia Morhet-Richaud. – Retrait.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er quinquies – Adoption.

Article 1er sexies

Amendement n° 70 de Mme Monique Lubin. – Retrait.

Amendement n° 103 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er septies AA (nouveau)

Amendement n° 69 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 1er septies A

Mme Laurence Cohen

Amendement n° 68 de Mme Laurence Rossignol. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 1er septies A

Amendement n° 229 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 211 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Rejet par scrutin public n° 107.

Amendement n° 53 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.

Amendement n° 58 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Rejet par scrutin public n° 108.

Amendement n° 210 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Rejet par scrutin public n° 109.

Amendements identiques nos 4 rectifié bis de Mme Françoise Laborde et 114 de Mme Annick Billon. – Retrait des deux amendements.

Amendement n° 164 rectifié bis de M. Laurent Lafon. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier

Article 1er septies

Amendements identiques nos 3 rectifié de M. Guy-Dominique Kennel et 215 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet de l’amendement n° 215 rectifié, l’amendement n° 3 rectifié n’étant pas soutenu.

Amendements identiques nos 19 rectifié de M. André Reichardt et 74 rectifié bis de M. Jean Bizet. – Adoption de l’amendement n° 74 rectifié bis, l’amendement n° 19 rectifié n’étant pas soutenu.

Amendements identiques nos 43 de M. Jacques Bigot et 218 de Mme Éliane Assassi. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 44 de M. Jacques Bigot. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 1er septies

Amendement n° 83 rectifié bis de M. Jérôme Bascher. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 1er octies A

M. Éric Kerrouche

Adoption de l’article.

Article 1er octies B – Adoption.

Articles additionnels après l’article 1er octies B

Amendement n° 237 rectifié bis de M. Hervé Marseille. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendements identiques nos 99 rectifié bis de M. Thani Mohamed Soilihi et 134 rectifié bis de M. Jean-Pierre Corbisez. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendements identiques nos 45 rectifié bis de Mme Dominique Estrosi Sassone et 196 de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.

Amendement n° 267 rectifié du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 1er octies C

Amendement n° 128 rectifié bis de M. Jérôme Bignon. – Rejet.

Amendement n° 129 rectifié bis de M. Jérôme Bignon. – Rejet.

Amendement n° 35 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 34 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er octies D – Adoption.

Article additionnel après l’article 1er octies D

Amendement n° 212 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Retrait.

Article 1er octies E (supprimé)

Amendement n° 241 rectifié du Gouvernement et sous-amendement n° 266 rectifié de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié rétablissant l’article.

Article 1er octies F

Amendement n° 52 de Mme Monique Lubin. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 1er octies G (supprimé)

Article additionnel après l’article 1er octies G

Amendement n° 54 rectifié de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.

Amendement n° 257 rectifié bis de Mme Sophie Taillé-Polian. – Rejet.

Article 1er octies H

M. Pierre Ouzoulias

Amendement n° 189 de M. Pierre Ouzoulias. – Retrait.

Amendement n° 56 de Mme Sylvie Robert. – Adoption.

Amendement n° 57 de Mme Sylvie Robert. – Adoption.

Amendement n° 95 rectifié de Mme Laure Darcos. – Adoption.

Amendement n° 92 rectifié de Mme Laure Darcos. – Adoption.

Amendements identiques nos 60 de Mme Sylvie Robert et 190 de M. Pierre Ouzoulias. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er octies – Adoption.

Article 1er nonies

Amendement n° 119 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Retrait.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 1er nonies

Amendement n° 96 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 98 de M. François Patriat et sous-amendements nos 270 de M. Jean-Claude Requier, 271 de M. Jean-Claude Requier, 272 de M. Jean-Claude Requier, 275 de Mme Françoise Laborde et 276 de Michel Canevet. – Retrait des sous-amendements nos 270 et 271 ; retrait de l’amendement, les sous-amendements nos 272, 275 et 276 devenant sans objet.

Amendement n° 256 rectifié de Mme Élisabeth Lamure. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 258 rectifié bis de Mme Élisabeth Lamure. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 1er decies

Amendement n° 65 de Mme Monique Lubin. – Rejet.

Amendement n° 140 rectifié de Mme Sophie Primas. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er undecies (nouveau)

Amendement n° 252 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.

Amendement n° 123 du Gouvernement. – Adoption du II et du IV de l’amendement, après un vote par division, et de l’ensemble de l’amendement, modifié.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er duodecies (nouveau)

Amendement n° 230 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 1er duodecies

Amendement n° 97 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Articles 1er terdecies et 1er quaterdecies (nouveaux) – Adoption.

Article 1er quindecies (nouveau)

Amendement n° 38 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 1er sexdecies (nouveau)

Amendement n° 39 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 1er sexdecies

Amendement n° 120 rectifié du Gouvernement et sous-amendement n° 265 de la commission. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié insérant un article additionnel.

Article 1er septdecies (nouveau)

Amendement n° 121 rectifié du Gouvernement. – Adoption de l’amendement rédigeant l’article.

Articles additionnels après l’article 1er septdecies

Amendement n° 208 rectifié bis de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 209 rectifié bis de Mme Cathy Apourceau-Poly. – Rejet.

Amendement n° 71 rectifié de M. Didier Marie. – Rejet.

Amendement n° 61 rectifié bis de M. Éric Kerrouche. – Rejet.

Article 1er octodecies (nouveau) – Adoption.

Article 1er novodecies (nouveau)

Amendement n° 66 de Mme Monique Lubin. – Rejet.

Amendement n° 67 de Mme Monique Lubin. – Rejet.

Amendement n° 127 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Articles additionnels après l’article 1er novodecies

Amendement n° 278 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 46 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.

Article 2

Amendement n° 226 rectifié de Mme Christine Prunaud. – Retrait.

Amendement n° 253 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.

Amendement n° 232 du Gouvernement. – Adoption.

Amendement n° 36 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article additionnel après l’article 2

Amendement n° 37 du Gouvernement. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Article 2 bis A (nouveau)

Amendement n° 254 de M. Stéphane Ravier. – Non soutenu.

Amendement n° 231 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 260 rectifié de M. Jean-Marc Gabouty. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 2 bis A

Amendement n° 199 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.

Article 2 bis

Amendement n° 41 de Mme Hélène Conway-Mouret. – Retrait.

Amendement n° 274 du Gouvernement. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 2 ter

Amendements identiques nos 29 de Mme Angèle Préville, 107 rectifié bis de M. Jean-Paul Prince, 207 de Mme Cathy Apourceau-Poly, 238 rectifié de Mme Pascale Bories et 259 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Adoption des amendements nos 29, 207, 238 rectifié et 259 rectifié bis supprimant l’article, l’amendement n° 107 rectifié bis n’étant pas soutenu.

Article 3 (supprimé)

Amendement n° 124 du Gouvernement et sous-amendement n° 277 de M. Georges Patient. – Rejet de l’amendement, le sous-amendement n’étant pas soutenu.

L’article demeure supprimé.

Articles additionnels après l’article 3

Amendement n° 78 rectifié ter de Mme Guylène Pantel. – Retrait.

Amendement n° 85 rectifié de M. Éric Kerrouche. – Rejet.

Article 4

M. Jean Bizet

Mme Hélène Conway-Mouret

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Amendement n° 42 de M. Didier Marie. – Rejet.

Amendement n° 75 rectifié de M. Jean Bizet. – Retrait.

Amendements identiques nos 79 du Gouvernement et 228 de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 80 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 81 du Gouvernement. – Rejet.

Amendement n° 82 du Gouvernement. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article 5

Amendement n° 227 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.

Adoption de l’article.

Article 6 (supprimé)

Vote sur l’ensemble

M. André Gattolin

Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Hélène Conway-Mouret

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Annie Guillemeot,

M. Michel Raison.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français
Discussion générale (suite)

Mineurs vulnérables sur le territoire français

Adoption d’une proposition de loi modifiée

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, la discussion de la proposition de loi visant à apporter un cadre stable d’épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français, présentée par Mme Josiane Costes (proposition n° 311, résultat des travaux de la commission n° 449, rapport n° 448, avis n° 450).

Je rappelle que notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars dernier. L’hémicycle fait l’objet d’un nettoyage et d’une désinfection avant et après chaque séance. Les micros seront désinfectés après chaque intervention.

J’invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité. Les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.

Tous les orateurs, y compris les membres du Gouvernement, s’exprimeront depuis leur place, sans monter à la tribune.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Josiane Costes, auteure de la proposition de loi.

Mme Josiane Costes, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, madame, monsieur les rapporteurs, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que nous puissions discuter aujourd’hui de ce sujet vital et qu’il n’ait pas été remis à plus tard du fait de la crise sanitaire qui a touché notre pays.

Au contraire, comme l’ont souligné nombre d’observateurs, et notamment le Défenseur des droits, le confinement a rendu les inégalités familiales plus perceptibles. Le déconfinement représente également un nouvel enjeu pour les services sociaux après deux mois de liens distendus avec les mineurs placés.

À l’issue de mon expérience de professeur et à la suite des auditions et des visites que j’ai eu l’occasion de mener en tant que sénatrice, cette proposition de loi s’adresse à deux types de vulnérabilités chez l’enfant : la première est liée à de graves dysfonctionnements de la cellule familiale dans laquelle naît l’enfant, et concerne des mineurs de toutes tranches d’âge ; la seconde est plus récente et résulte de l’isolement d’adolescents envoyés en France à la suite d’un projet familial construit autour d’eux et pour eux.

Ces deux cas de figure ont en commun de bouleverser le développement de l’enfant, en le mettant face à des choix ou des responsabilités inadaptés à la maturité communément admise à son âge.

Ces deux types de vulnérabilités présentent également des défis inégaux dans nos départements, dont nous connaissons les limites budgétaires. Inévitablement, les déséquilibres démographiques de notre territoire se traduisent également par des dépenses très variables d’un département à un autre.

À l’échelle nationale, les besoins de la protection de l’enfance n’ont cessé de croitre ces dernières décennies, à la fois parce que nos exigences de protection ont augmenté, ce qui est positif, mais également en raison de l’émergence de nouveaux profils de mineurs vulnérables, tels les mineurs isolés étrangers que j’évoquais. Ils seraient près de 40 000 aujourd’hui, pour 300 000 enfants concernés par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Il me paraît nécessaire que nos institutions s’adaptent à cette réalité sociale que nous ne pouvons continuer d’ignorer.

En formulant ces propositions, nous nous sommes donc attachés à nous départir de tout dogmatisme et à ne pas juger les circonstances qui ont produit ces vulnérabilités, mais simplement à constater leur existence et à tenter de concevoir les outils pragmatiques destinés à pallier chacune d’entre elles.

« L’histoire est une galerie de tableaux où il y a peu d’originaux et beaucoup de copies », écrivait Tocqueville. Nombre de ces propositions reprennent des pistes déjà évoquées dans le passé, en les approfondissant et en les associant pour former une stratégie cohérente autour du renforcement du recours à l’adoption simple, au cœur du dispositif, à l’article 3.

Jusqu’à présent, la politique française de l’aide sociale à l’enfance s’articule autour d’une alternative qui ne me paraît satisfaisante : soit la préservation des liens biologiques exclusifs, soit l’adoption plénière et l’effacement de ces mêmes liens biologiques. Cette dichotomie forte me semble de nature à accroître le dilemme des adultes accompagnant l’enfant – juge, assistant social et conseil de famille.

Pour une raison qui m’échappe, l’adoption simple continue d’être très peu proposée, alors qu’elle existe depuis 1804.

La loi de 2016 l’a récemment réformée pour prévoir qu’elle ne peut être révoquée qu’à la majorité de l’individu. Contrairement à l’adoption plénière, le lien avec la famille biologique est donc maintenu : l’adopté peut en conserver le nom, auquel s’ajoute celui de la famille adoptante. La famille biologique d’origine conserve d’ailleurs l’obligation de le nourrir dans le cas où la famille adoptante ne pourrait plus le faire. Pour le parent biologique, cette solution pourrait s’avérer moins déchirante et permettre une meilleure coopération avec les services sociaux.

Qui plus est, l’adoption simple permet d’établir des liens juridiques plus durables et plus étoffés qu’avec une famille d’accueil rétribuée ou un tiers digne de confiance dont l’enfant ne porte pas le patronyme et qui ne se double pas nécessairement d’une délégation de l’autorité parentale. La superposition de liens biologiques et de nouveaux liens affectifs me paraît être la plus à même de respecter l’intérêt supérieur de l’enfant. Enfin, parce qu’elle repose sur la gratuité, elle se révèle également relativement économique.

Les articles 1er à 4 s’inscrivent dans la logique de recherche d’une plus grande stabilité pour l’enfant, cette même logique qui avait prévalu en 2016 avec la redéfinition du projet pour l’enfant et l’inscription de la recherche de stabilité au sein des missions de l’ASE. Il s’agit en particulier d’adapter les procédures à l’âge de l’enfant, en fonction du risque d’impact pour son développement, et de lui apporter le plus rapidement possible une solution stable, qui ne soit pas totalement excluante pour la famille biologique.

Madame, monsieur les rapporteurs, je comprends la prudence, faute de données suffisantes sur les évolutions de la loi de 2016. J’espérais justement que cette initiative permettrait d’en obtenir davantage.

Dans cette proposition de loi, les mineurs isolés étrangers prennent une place particulière. Comme je l’évoquais à l’instant, au regard des données disponibles, leur situation semble différente de celle des autres mineurs concernés par l’ASE.

Il est vrai que le parcours migratoire de ces adolescents peut les amener à une maturité plus précoce que des enfants élevés dans des cadres protecteurs, ce qui justifie, pour certains, de ne pas les prendre en charge. D’une certaine manière, leur situation se rapproche de celle des jeunes majeurs issus de l’ASE que notre proposition de loi prévoit également de mieux accompagner.

Nous savons que la majorité est une fiction législative, qui est d’ailleurs passée de 21 ans à 18 ans en 1974 par la seule volonté du législateur. Ainsi, au regard de notre droit, nous ne pouvons nous dispenser de les considérer encore comme des enfants et de leur offrir la protection que la minorité garantit, sauf à introduire des ruptures d’égalité fondées sur le seul critère de nationalité, ce qui n’est pas acceptable.

Nous savons aujourd’hui que notre inaction les expose à des réseaux, à de la violence, et que leur errance nourrit un climat d’insécurité qui ne convient à aucun d’entre nous. En particulier, leur difficulté à ouvrir un compte bancaire renforce leur vulnérabilité, en les contraignant à conserver leur argent liquide avec eux. L’un d’entre eux est mort en février dernier en tentant de conserver son pécule.

Tous ceux qui ont accompagné ces jeunes savent à quel point la reconnaissance est un vecteur vertueux d’intégration. C’est la raison pour laquelle je propose quelques simplifications administratives destinées à leur permettre de s’insérer plus facilement dans notre société.

Je ne néglige pas l’importance de l’effort budgétaire que ces mesures représentent pour nos concitoyens. Mais je pense que la société s’enrichirait de la sensibilité de ces jeunes aux parcours moins rectilignes que bon nombre d’entre nous et que nous avons beaucoup à apprendre de leur résilience. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC, SOCR et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les sujets abordés par la proposition de loi que nous examinons sont tous d’actualité. Notre collègue Josiane Costes participe ainsi à une large réflexion menée sur la politique publique en matière de protection de l’enfance, dont chacun s’accorde à dire qu’elle doit être améliorée.

De nombreux travaux ont été publiés au cours des derniers mois. Je citerai le rapport sur l’adoption de notre collègue Corinne Imbert et de la députée Monique Limon, remis en octobre 2019, ou encore l’avis du Comité consultatif national d’éthique publié le 7 mai dernier.

De son côté, le Gouvernement – au travers de votre action, monsieur le secrétaire d’État – a lancé une stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance pour les années 2019-2022, principalement fondée sur une contractualisation pluriannuelle entre l’État et les départements. Elle comprend aussi un volet qui devrait être mis en œuvre par voie législative, en particulier sur l’adoption.

Monsieur le secrétaire d’État, peut-être pourrez-vous nous faire un point sur son calendrier ?

Par ailleurs, la crise du Covid-19 et le confinement qui s’est ensuivi ont mis en lumière avec acuité la difficile situation des enfants victimes de violences intrafamiliales et de ceux qui vivent dans des foyers de l’aide sociale à l’enfance ou dans des familles d’accueil.

La proposition de loi se fonde sur un certain nombre de constats et d’objectifs partagés par les auteurs des travaux précédemment évoqués et comprend de nombreuses mesures. Toutefois, il nous a semblé que le texte initial n’apportait pas de réponse suffisamment efficace et globale aux problèmes actuels. C’est la raison pour laquelle la commission des lois n’a pas adopté de texte.

Les articles 5, 6 et 9 ont été délégués au fond à la commission des affaires sociales.

Les articles 1er et 2 visent à accélérer la procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental dans le but d’offrir, le plus tôt possible, une prise en charge pérenne des enfants, via l’adoption.

L’article 1er permettrait de constater le délaissement, au bout de six mois seulement, et non plus un an, pour les enfants âgés de moins de 3 ans. L’article 2 supprimerait l’obligation préalable de proposer des mesures de soutien appropriées aux parents. Il imposerait également aux tribunaux judiciaires de statuer dans un délai de deux mois, réduit à un mois si l’enfant a moins de 3 ans, à compter du dépôt de la requête.

La commission des lois a jugé trop hâtif le postulat selon lequel accélérer la procédure de délaissement parental améliorerait automatiquement l’adoptabilité des enfants. Tous les enfants délaissés ne deviennent pas pupilles de l’État et tous les pupilles de l’État ne sont pas nécessairement adoptables.

Par ailleurs, le délai d’un an pour constater le délaissement semble raisonnable au regard des difficultés que traversent les familles concernées. Devoir proposer aux parents des mesures de soutien appropriées pendant cette période est respectueux de l’article 18 de la Convention internationale des droits de l’enfant et permet de mieux caractériser ensuite l’absence d’implication des parents.

Enfin, contraindre les juges à statuer dans un délai de deux mois ou d’un mois ne semble ni réaliste ni souhaitable, en raison de la complexité des enjeux de ces dossiers et de la nécessité de procéder à des investigations.

Notre collègue Josiane Costes propose une nouvelle rédaction de l’article 3 relatif au procès-verbal de remise d’un enfant par ses parents au service de l’ASE qui nous semble pouvoir être adoptée. Nous l’examinerons tout à l’heure.

L’article 4 tend à rendre plus difficile la reprise d’un enfant placé sur l’initiative de l’un ou de ses deux parents auprès des services de l’ASE pendant la période de réflexion de deux mois qui leur est accordée. Deux formalités seraient imposées : un entretien avec le tuteur et la convocation du conseil de famille, dont il n’est pas précisé s’il aurait la possibilité de s’opposer à la restitution de l’enfant.

Ce dispositif nous a paru susceptible de porter une atteinte disproportionnée aux droits des parents de mener une vie familiale normale. La durée de réflexion est déjà suffisamment brève sans qu’il soit besoin d’y ajouter des obstacles.

L’article 7 vise à étendre à tous les départements la validité de l’agrément délivré pour l’adoption des pupilles de l’État par un président de conseil départemental. Il est à craindre que la multiplication des candidatures enregistrées auprès des conseils départementaux n’aboutisse à une surcharge administrative pour leurs services.

Mieux vaudrait faciliter les échanges au niveau national entre conseils départementaux, en particulier lorsqu’il s’agit d’enfants dits « à besoins spécifiques », c’est-à-dire porteurs de pathologies ou de handicaps, plus âgés ou encore membres de fratries, qui représentent près de la moitié des pupilles de l’État, mais qui correspondent rarement aux attentes des parents candidats à l’adoption. Notre collègue Josiane Costes propose d’ailleurs un amendement visant à asseoir juridiquement un fichier national des agréments qui semble intéressant.

L’article 8 vise à créer un mécanisme de coordination en matière de parrainage d’enfants étrangers. Mais la commission des lois a relevé diverses difficultés, dont une absence de définition légale du « parrainage » international.

L’article 10 vise à instaurer une présomption de désintérêt à l’égard des parents de mineurs étrangers arrivés sur le territoire national et qui s’y trouveraient isolés pour faciliter la délégation de leur autorité parentale.

Outre que les textes en vigueur permettent déjà au juge de prononcer une délégation d’autorité parentale pour un mineur isolé étranger quand c’est nécessaire, ce dispositif nous est apparu attentatoire aux droits des parents de ces enfants, qui souvent suivent de près le parcours migratoire de leur enfant et ne sont pas tous délaissants.

L’article 11 tend à permettre l’attribution automatique de la nationalité française au mineur adopté en forme simple, donc dans les mêmes conditions que celles actuellement prévues pour l’adoption plénière. Cette nouvelle modalité d’octroi de la nationalité ne semble pas nécessaire pour faciliter l’intégration de ces mineurs, qui disposent d’une voie spéciale d’accès à la nationalité. De plus une telle mesure opèrerait un renversement très important de notre droit et modifierait la nature même de l’adoption simple.

L’article 12 vise à transférer au juge des enfants la compétence pour statuer sur une mesure de délégation d’autorité parentale à un tiers concernant les mineurs isolés étrangers.

Toutefois, le juge aux affaires familiales est le juge naturel de l’autorité parentale. La commission des lois n’a pas trouvé opportun de prévoir une dérogation qui serait limitée à un seul groupe d’enfant – les « mineurs isolés » – et dans le cadre d’une seule procédure, celle qui est relative à l’autorité parentale.

L’article 13 concerne le « droit au compte en banque » de tout mineur étranger dont les parents ne résident pas sur le sol français. L’auteure de la proposition de loi propose une nouvelle rédaction à laquelle la commission est favorable ; nous le verrons tout à l’heure.

L’article 14 vise à prévoir la délivrance obligatoire d’un « certificat d’authentification de titre d’identité » par les services de douanes lors d’un premier contrôle, pour simplifier les démarches administratives des mineurs isolés étrangers. Ce dispositif est très innovant, mais il ne semble ni opérationnellement possible, ni juridiquement souhaitable.

En tout état de cause, le droit existant prévoit déjà, en cas de doute sur l’état civil d’un mineur non accompagné confié à l’aide sociale à l’enfance, qu’il appartient au préfet de renverser par tous moyens la présomption de validité qui bénéficie aux actes d’état civil étrangers.

L’article 15 tend à faciliter l’admission exceptionnelle au séjour des mineurs isolés qui ont été recueillis par l’ASE après leurs 16 ans et intégrés dans des cursus professionnalisants. Il ne nous semble pourtant pas opportun de supprimer le caractère exceptionnel de la délivrance de ce type de titres, ni de dispenser ces mineurs de la condition de suivre une formation d’au moins six mois.

L’admission exceptionnelle au séjour doit rester une compétence discrétionnaire du préfet, limitée et appréciée au cas par cas en fonction des perspectives concrètes d’intégration des enfants étrangers concernés.

La commission des lois vous invite donc à adopter les articles 3 et 13, au bénéfice des amendements proposés par notre collègue Josiane Costes, qui en a utilement retravaillé la rédaction ; nous pourrons également adopter deux articles additionnels. En revanche, la commission des lois vous proposera de supprimer ou ne pas adopter les autres articles de cette proposition de loi.

À titre personnel, je souhaiterais souligner qu’un point me semble particulièrement bloquant pour réformer le droit existant : notre manque de recul sur les différents dispositifs en place et leurs effets à long terme, comme l’a rappelé Mme Costes à l’instant.

Il n’y a pas assez de connaissances chiffrées et de travaux de recherche menés dans la durée sur des cohortes d’enfants – ce qu’on appelle des études longitudinales. Il est très difficile de connaître de manière statistique et qualitative les parcours en protection de l’enfance des enfants, pour comprendre les conséquences de telle ou telle décision les concernant, notamment en termes de délinquance ou de scolarité. Nous ne connaissons malheureusement que les cas qui se sont très mal passés.

Pour conclure, je rappellerai les propos de la présidente du groupement d’intérêt public, le GIP, Enfance en danger, propos qui me semblent très vrais : « L’indignation et les émotions suscitées par toutes les situations difficiles vécues par les enfants de la protection de l’enfance constituent des moteurs puissants de l’action, mais il est malgré tout nécessaire de leur adjoindre connaissances et méthodes ».

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Véronique Guillotin, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Josiane Costes, dont je salue le travail et l’engagement sans faille sur le sujet des mineurs vulnérables, nous permet aujourd’hui de discuter de la protection de l’enfance qui doit retenir toute notre attention, en particulier dans le contexte actuel de pandémie.

La commission des affaires sociales a examiné au fond les articles 5 6 et 9 qui concernent l’aide sociale à l’enfance, dont les services sont de plus en plus sollicités. Le nombre de mesures de suivi a augmenté de plus de 30 % en vingt ans : 344 000 mesures d’ASE étaient ainsi en cours auprès des mineurs et jeunes majeurs en 2017, dont la moitié pour un placement.

En outre, la crise sanitaire rappelle la nécessité de mieux protéger les enfants, en particulier contre les violences intrafamiliales auxquelles ils sont davantage exposés depuis le confinement.

Cette situation nous impose de renforcer la prévention et la prise en charge des mineurs vulnérables, dont ceux qui sont victimes de maltraitance ou de carences éducatives. Il existe malheureusement une certaine hétérogénéité dans l’accompagnement des mineurs et jeunes majeurs par l’ASE selon les départements, bien souvent par manque de moyens.

C’est ce que j’ai pu constater en examinant l’article 6 de cette proposition de loi, qui propose de rendre obligatoire la prise en charge par l’ASE de mineurs émancipés et de majeurs de moins de 21 ans en situation de vulnérabilité. Cet accompagnement, qui prend aujourd’hui la forme d’un contrat jeune majeur, est à l’appréciation des conseils départementaux.

La commission a émis plusieurs réserves sur la mesure proposée, qui risque de créer d’importantes dépenses non compensées pour les départements, au risque de diluer les moyens consacrés à l’ASE. Par ailleurs, il apparaît préférable de conserver une forme de souplesse pour l’accompagnement des jeunes majeurs selon les besoins de chacun : tous les jeunes majeurs suivis par l’ASE n’ont pas forcément besoin d’un accompagnement jusqu’à 21 ans et n’en ont pas forcément le souhait.

Par contre, un travail sur la lutte contre les sorties sèches de l’ASE, comme s’y emploie le Gouvernement, en lien avec les départements, nous paraît préférable à l’instauration d’une obligation.

L’article 9 propose quant à lui que les allocations familiales dues au titre d’un enfant confié à l’ASE ne puissent être maintenues que partiellement à la famille, sur décision du juge.

Je rappelle que le principe posé par la loi est celui du versement aux services de l’ASE des allocations familiales dues au titre d’un enfant placé. Toutefois, pour les situations de placement judiciaire, la loi prévoit que le juge peut décider de maintenir ses allocations à la famille si cette dernière participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter son retour dans le foyer. Le maintien des allocations à la famille est donc laissé à l’appréciation du juge.

En pratique, il ressort des quelques chiffres obtenus qu’il n’est pas systématiquement dérogé au principe du versement à l’ASE.

Des chiffres communiqués par le Gouvernement en 2016 faisaient état d’un versement à l’ASE dans 45 % des cas et d’un maintien des allocations familiales à la famille dans 55 % des cas. Dans certaines situations, il ne paraît pas opportun de retirer ces allocations à la famille. Je pense, par exemple, aux placements en urgence de courte durée, aux placements au titre de l’enfance délinquante, ou encore aux familles nombreuses où des liens sont encore maintenus avec l’enfant.

Pour ces raisons, la commission a considéré qu’il était préférable de laisser au juge une certaine marge d’appréciation pour s’adapter aux différentes situations familiales.

Au total, il me semble qu’un certain équilibre soit opéré entre maintien et retrait des prestations aux familles ayant un enfant placé. À cet égard, je rappelle que l’allocation de rentrée scolaire, depuis la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, est non plus versée à la famille de l’enfant confié à l’ASE, mais reversée à cet enfant sous la forme d’un pécule lorsqu’il atteint sa majorité.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales n’a pas adopté les articles 5 6 et 9 de la proposition de loi. Nous entamons donc notre discussion sur la base du texte initial déposé par notre collègue Josiane Costes. L’examen de cette proposition de loi est aussi l’occasion d’échanger sur les voies d’amélioration de la protection de l’enfance qui connaît encore de trop nombreuses insuffisances.

Monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez certainement nous préciser les mesures en cours de déploiement en faveur des mineurs en danger dans le cadre de la stratégie pour la protection de l’enfance mise en place par le Gouvernement à l’automne dernier.

Vous pourrez aussi nous indiquer quelles mesures sont engagées ou envisagées pour soutenir les acteurs de la protection de l’enfance, en particulier les familles d’accueil, dans le contexte de la crise sanitaire. Nous devons leur apporter sans tarder les moyens de poursuivre leur mission pour protéger et accompagner les mineurs vulnérables.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure, madame Costes, mesdames, messieurs les sénateurs, « Il y a toujours, dans notre enfance, un moment où la porte s’ouvre et laisse entrer l’avenir », écrivait Graham Greene. Ces mots me semblent en parfaite résonance avec l’objet de cette proposition de loi.

Cette discussion sera au moins l’occasion, et je vous en remercie, de mettre dans la lumière ces enfants, ces jeunes pour lesquels les portes restent trop souvent fermées. Je sais, madame la sénatrice, que ce sujet vous tient particulièrement à cœur.

Il fera forcément écho dans votre assemblée où siègent non seulement de nombreux anciens présidents ou présidentes, vice-présidents ou vice-présidentes de conseils départementaux qui ont œuvré, sur leurs territoires, pour protéger au mieux les enfants et les jeunes les plus vulnérables, mais aussi d’anciens ministres chargés de dossiers relatifs à l’enfance, comme le président Bas, qui a porté la loi du 5 mars 2007, et Laurence Rossignol, qui, s’appuyant sur le travail remarquable des sénatrices Meunier et Dini, a défendu la loi du 14 mars 2016. Je veux enfin citer les initiatives et travaux menés par la sénatrice Imbert – bien évidemment, j’y reviendrai – et par le sénateur Iacovelli, au printemps 2019.

Nous avons tous, collectivement, un devoir de protection vis-à-vis de ces jeunes dont la trajectoire de vie est plus difficile, et parfois dramatique. C’est la mission de notre service public d’aide sociale à l’enfance, avec près de 340 000 enfants et jeunes accompagnés dans des lieux d’accueil, au domicile familial.

C’est ici pour moi l’occasion de saluer une nouvelle fois publiquement l’engagement des élus départementaux et de l’ensemble de leurs équipes, mais aussi des travailleurs sociaux, des assistants familiaux, des associations, des établissements et des services. Ces derniers sont quotidiennement auprès de nos enfants et ils l’ont été plus encore au cours de cette crise.

Toutefois, outre assurer leur protection et leur sécurité, nous devons aussi les accompagner vers l’autonomie. C’est d’ailleurs, madame la sénatrice, ce à quoi vous faites explicitement référence dans le titre de votre proposition de loi, avec les termes « épanouissement » et « développement ».

Quand on regarde certaines études, certaines enquêtes, on s’aperçoit, par exemple, dans certains territoires, que 40 % des enfants placés ont un parent qui a lui-même été placé. Quand on sait que 25 % des jeunes sans domicile fixe ont eu, à un moment de leur vie, un parcours à l’aide sociale à l’enfance, que 20 % des adultes qui sont en détention ont aussi connu l’aide sociale à l’enfance, on comprend que nous sommes encore loin d’avoir brisé ce qui semble s’apparenter à une chaîne de fatalité.

En réalité, ces enfants et ces jeunes protégés ne demandent qu’à être des enfants comme les autres et à être considérés comme tels, rien de plus, rien de moins. J’en suis convaincu. C’est tout ce qu’ils nous demandent, et c’est tout ce que nous leur devons.

C’est tout le sens de l’action que je mène depuis seize mois. Dès ma nomination, comme l’ont rappelé les rapporteurs, j’ai engagé une large concertation avec l’Assemblée des départements de France, l’ensemble des acteurs associatifs et institutionnels : six groupes de travail ont été installés pour aboutir, quatre mois plus tard, à une stratégie de prévention et de protection de l’enfance. Naturellement, il n’est pas totalement innocent d’avoir intégré la notion de prévention dans le titre et au cœur de cette stratégie pour les trois prochaines années.

Cette stratégie porte la volonté d’un partenariat renouvelé entre l’État et les collectivités départementales, qui sont chefs de file de la protection de l’enfance depuis les lois de décentralisation. C’est la raison pour laquelle j’ai défendu, à l’instar de ce qui avait été élaboré pour la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté définie par le Président de la République et le Gouvernement en septembre 2018, une contractualisation sur la base d’engagements communs réciproques, fondée sur quatre objectifs.

Il s’agit, tout d’abord, d’agir le plus précocement possible pour répondre aux besoins des enfants et de leur famille, car le volet de la prévention est insuffisant dans notre pays, en particulier dans le champ social.

Ensuite, il convient de sécuriser les parcours des enfants protégés et de prévenir les ruptures de vie, entraînées parfois par le système lui-même, ce qui peut, dans certains cas, s’apparenter à une forme de maltraitance institutionnelle inadmissible.

Par ailleurs, il faut donner aux enfants les moyens d’agir et de garantir leurs droits. La pleine participation de ceux-ci à l’élaboration de cette politique publique dans nos instances de gouvernance doit être un objectif, tout comme leur pleine participation à leurs conditions concrètes de vie dans leurs établissements, leurs familles, les conseils de la vie sociale.

Enfin, il est nécessaire de préparer leur avenir et de sécuriser leur vie d’adulte, en articulation, j’y reviendrai, avec les mesures de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, laquelle, dès avant ma nomination, prévoyait de s’attaquer à la question des sorties dites sèches.

J’ai proposé cette démarche à l’ensemble des départements. En un mois, plus de 60 % d’entre eux ont répondu favorablement, avec des propositions très concrètes et des projets très élaborés, sur les volets relatifs tant à la prévention – je pense notamment à la protection maternelle et infantile (PMI), qui faisait partie d’ailleurs des « obligations » proposées au département, car nous avons besoin de renforcer ce formidable outil – qu’à la protection de l’enfance – je pense en particulier à l’accompagnement médico-social des enfants de l’aide sociale à l’enfance. Vous le savez, en France, plus de 20 % de ces enfants bénéficient d’une reconnaissance par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), c’est-à-dire qu’ils sont en situation de handicap.

Du fait de l’articulation de dispositifs sociaux et médico-sociaux, dans notre pays qui affectionne le fonctionnement en silo, un certain nombre d’usagers, dont la situation est au croisement de différentes politiques publiques, tombent dans le trou qui sépare les dispositifs. D’ailleurs, la période de confinement et de crise dont nous sortons progressivement a mis à l’épreuve ce défaut d’articulation. Elle a imposé aux acteurs d’être particulièrement créatifs pour assurer une continuité de prise en charge. Chacun a dû faire montre d’adaptation et de créativité.

Quoi qu’il en soit, il y a mieux et plus à faire. Cet aspect est au cœur de la stratégie de prévention et de protection de l’enfance que je soutiens et des projets élaborés par les départements, puisque trente d’entre eux engageront cette stratégie dès cette année.

La semaine dernière, Olivier Véran et moi-même avons signé et publié la circulaire fixant le cadre opérationnel des discussions, à l’attention des préfets, des directeurs généraux des ARS et des départements. Elle permettra que soient délégués, de façon très concrète, les 80 millions d’euros que vous aviez votés, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances de 2019. J’espère que l’intégralité des départements suivra, notre stratégie ayant évidemment vocation à s’étendre partout.

Malgré la crise sanitaire que nous traversons encore et face à laquelle les départements restent en première ligne, la contractualisation est d’ores et déjà relancée, car il y avait urgence à agir.

Contrairement à ce que certains feignent de croire, cette stratégie nationale ne se résume pas à une démarche partenariale. Dans le prolongement des réflexions et travaux menés par le passé, je souhaite que nous réformions en profondeur la gouvernance des politiques de protection de l’enfance, en nous interrogeant notamment à l’échelon national sur leur pilotage insuffisant, en dépit de la création du Conseil national de la protection de l’enfance en 2016. En effet, le regroupement et le renforcement des institutions existantes restent trop morcelés.

Pour ce faire, j’ai demandé à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) de me proposer des scénarios techniques d’évolution sur ce point. J’attends ses conclusions dans les prochaines semaines, la crise sanitaire ayant très légèrement décalé les choses. C’est une priorité, même si ce sujet peut paraître un peu technique. C’est fondamental pour la conduite de nos politiques publiques de protection de l’enfance, notamment pour garantir l’égalité territoriale que vous évoquiez, madame la rapporteure pour avis.

Bien évidemment, la réforme du pilotage local aura des prolongements et des ramifications territoriales. Les observatoires départementaux de la protection de l’enfance, prévus dans la loi de 2007, ne sont pas encore effectifs dans l’ensemble des départements. Les évolutions doivent s’accélérer et le pilotage doit être renforcé au plan local, avec la pleine participation des enfants.

Point important qui me tient à cœur, cette stratégie prévoit également une exigence très forte d’amélioration de la qualité et des contrôles des lieux d’accueil des enfants. Cela doit passer par un renforcement des normes en la matière. Ainsi, il n’existe pas de norme pour ce qui concerne, singulièrement, les taux d’encadrement, ce qui semble étonnant.

Le contrôle n’exclut pas la confiance et les liens, qui doivent être forts entre les départements et les établissements. Au contraire, le contrôle est même une condition de la confiance, pour le bien de nos enfants. C’est la raison pour laquelle j’ai saisi en janvier dernier le Conseil national de la protection de l’enfance pour qu’il puisse me faire, d’ici au mois d’octobre, des propositions d’évolutions législatives et réglementaires visant à mieux définir les taux d’encadrement des enfants dans les lieux d’accueil.

Parallèlement, j’ai demandé à l’ensemble des préfets de me faire remonter, d’ici à l’été, un état des lieux précis des plans de contrôle des structures existantes – cela est prévu dans la loi, mais qu’en est-il dans les faits ? – et des démarches conjointes que peuvent mener État et département quand ils sont face à un dysfonctionnement.

Enfin, sachez que j’ai saisi l’inspection générale des affaires sociales d’une mission de contrôle pour mieux connaître la situation précise des jeunes relevant de l’aide sociale à l’enfance et qui sont actuellement accueillis et hébergés dans des hôtels. Un drame s’est produit en janvier dernier entre deux jeunes dans un hôtel du département des Hauts-de-Seine. Je veux qu’on comprenne ce qui s’est passé. Au-delà, je veux que ce soit l’occasion de connaître le nombre d’enfants logés dans les hôtels. Car nous l’ignorons, et c’est inadmissible. Je veux aussi que nous essayions, ensemble, de trouver des voies de sortie et d’amélioration pour ces situations.

Vous avez évoqué, madame la sénatrice, le sujet des mineurs non accompagnés et des jeunes majeurs. La sécurisation des statuts et des parcours des mineurs non accompagnés, notamment la facilitation de leurs conditions de séjour et de travail, constitue pour moi un point de vigilance, et même d’engagement. Christophe Castaner, Muriel Pénicaud et moi-même y travaillons depuis plusieurs mois. Mes collègues m’ont confirmé leur souhait de faciliter les parcours, en activant de manière prioritaire les outils de droit commun. J’estime en effet que c’est le droit commun qui doit être mobilisé, probablement plus fortement pour ces jeunes.

Je pense notamment au Pacea, le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, à la garantie jeunes – en la matière, les réflexions se sont élargies, et nous faisons en sorte que les jeunes de l’aide sociale à l’enfance soient au centre de ces dernières – ou au service civique.

Nous souhaitons partir d’expériences territoriales concrètes, identifier et évaluer avant de généraliser. Ainsi, des coopérations ont été engagées dans le Haut-Rhin, entre département, associations, Pôle emploi et les services d’aide à la personne, pour favoriser l’emploi des mineurs non accompagnés qui sont devenus majeurs. Et elles marchent !

Au-delà de la problématique des mineurs non accompagnés, je partage votre préoccupation concernant les jeunes sortant à leur majorité de l’aide sociale à l’enfance. Je le rappelle, l’attention sur ce point s’est traduite, lors de la mise en place de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, par un volet obligatoire de lutte contre les sorties non accompagnées de l’aide sociale à l’enfance, une fois la majorité atteinte. Ainsi, 12 millions d’euros ont été alloués à l’ensemble des départements en la matière. En effet, à deux exceptions près, ces derniers ont contractualisé dans le cadre du plan de prévention et de lutte contre la pauvreté. Ces 12 millions d’euros servent à financer – je vous donnerai des chiffres plus précis tout à l’heure, si vous le souhaitez – le maintien d’un lien – c’est en effet un aspect fondamental – ou un complément pour le logement.

Par ailleurs, sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous expérimentons nationalement avec l’Unhaj, l’Union nationale pour l’habitat des jeunes, un fonds de solvabilisation à destination des jeunes, pour aider ceux-ci à payer leur reste à charge ou leur fournir une avance en attendant des paiements d’aide personnalisée au logement. Je travaille en outre avec Julien Denormandie à affiner les besoins des jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance pour ce qui concerne les volets logement et hébergement. Nous le savons tous, créer un droit au logement, qu’il soit ou non opposable, ne le rend pas forcément effectif. Or, ce qui compte, c’est de trouver des dispositifs qui changent véritablement le quotidien de ces jeunes.

Nous faisons le pari de projets et d’expérimentations que nous menons dans les territoires, notamment avec la Banque des territoires, acteur majeur en la matière, qui accompagne des projets de résidences sociales en Rhône-Alpes, à Marseille ou à La Seyne-sur-Mer, qui intègrent spécifiquement des jeunes sortant de l’ASE en France. Il faut bien entendu amplifier ces démarches et sécuriser la situation de ces jeunes.

Il convient également de renforcer, vous l’évoquiez madame la rapporteure pour avis, la connaissance et la bonne appropriation du dispositif de consignation de l’allocation de rentrée scolaire, dispositif prévu et instauré par la loi du 14 mars 2016, soutenu notamment par Laurence Rossignol. Il a concerné l’année dernière plus de 47 000 enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance. Si plus de 3 000 jeunes ont récupéré l’année dernière leur pécule auprès de la Caisse des dépôts et consignations, près de 12 000 jeunes disposant d’un compte n’ont pas, depuis la mise en œuvre du dispositif voilà quatre ans, entamé de démarches. Cet argent dort, alors que, probablement, certains jeunes en ont besoin.

Il faut donc renforcer la connaissance des droits, voire aller vers une automatisation de l’attribution de droits à la majorité. Nous avançons sur ces sujets. Il n’est en effet pas normal que ces droits, qui sont nécessaires, ne soient pas activés.

L’adoption, à laquelle est consacrée une grande partie des articles de cette proposition de loi, fait également partie intégrante de la stratégie que nous sommes en train de déployer. À la suite des conclusions d’une enquête menée par l’IGAS sur l’ensemble de la procédure d’adoption dans le département de Seine-Maritime, vous vous en souvenez probablement, j’ai souhaité faire de ce sujet sublime – je le dis devant Corinne Imbert – une priorité de mon action.

Ce rapport rappelait qu’aucun système discriminatoire systématique n’avait été institutionnalisé – c’était la question qui était posée à l’époque et que se pose encore un certain nombre de nos concitoyens. Toutefois, un ensemble d’usages et de pratiques, comme les propositions d’enfants à des couples homoparentaux ou à des célibataires ou les demandes d’informations, pouvaient, pour leur part, s’avérer discriminatoires. Nous en sommes arrivés là par le biais de procédures d’adoption insuffisamment transparentes, de modes de désignation et de fonctionnement des conseils de famille parfois trop opaques et de l’absence d’outils de pilotage de la politique de l’adoption.

Il fallait ouvrir les portes et les fenêtres, afin que la puissance publique reprenne légitimement la main aux niveaux national et territorial.

L’une de mes premières actions a été d’élaborer une charte de déontologie rappelant certains principes fondamentaux et devant être signée par l’ensemble des membres des commissions d’agrément et des conseils de famille. Ce fut le cas pour chaque conseil de famille entre septembre 2019 et janvier 2020.

Nous ne pouvions évidemment pas nous arrêter là. C’est pourquoi les mesures visant à améliorer l’adoption font partie de la stratégie que je défends. Elles font l’objet d’une mission bipartite avec l’Assemblée des départements de France, qui a été conduite par la sénatrice Corinne Imbert – je la salue et je la remercie encore de son excellent travail – et par la députée Monique Limon.

Vous avez raison, madame la sénatrice, de vouloir agir sur ce sujet, dans la mesure où 50 % des enfants pupilles qui ne sont pas confiés en vue d’adoption ont pourtant un projet d’adoption. Le conseil de famille n’a pas réussi à leur trouver une famille. On le sait, 14 000 familles ont reçu un agrément, alors que seulement 1 500 à 1 600 enfants sont adoptables. Cela signifie qu’il faut attendre dix ans ! Au même moment, des enfants à besoins spécifiques, qu’ils soient en situation de handicap, âgés ou appartenant à une fratrie, ne trouvent pas de famille.

Il faut donc renforcer l’accompagnement des projets d’adoption, en fluidifiant le processus de délaissement, suivant ainsi la voie des sénatrices Rossignol, Meunier et Dini, et mieux accompagner l’adoption simple, je vous rejoins sur cet objectif. Cela relève plus des pratiques, de la formation, de l’accompagnement et des usages que de la loi.

Les pistes mentionnées sont les suivantes : un outil national relatif à l’adoption, des référentiels nationaux, la consolidation de la formation de l’ensemble des professionnels intervenant auprès des enfants et des familles. Les procédures d’agrément, d’adoptabilité et d’accompagnement des parents adoptants doivent être également davantage précisées et sécurisées.

Je veux que l’on facilite l’adoption des enfants à besoins spécifiques. Monique Limon et moi-même avons fait un déplacement dans le Pas-de-Calais. Voilà quinze ans, le psychologue du service d’adoption du Pas-de-Calais a décidé que le département allait « se spécialiser » sur l’adoption des enfants à besoins spécifiques. Il a élaboré un discours d’accompagnement des parents, leur expliquant que, même s’ils adoptent non pas un enfant de trois mois en bonne santé, mais un enfant plus âgé éventuellement en situation de handicap, ils seront tout de même de vrais parents et auront de vrais enfants, qui les aimeront et qu’ils aimeront. Il faut faire cheminer les parents vers ce type d’adoption.

Nous avons rencontré des parents qui s’étaient engagés dans cette démarche. Ils étaient les plus heureux des parents. C’est ce vers quoi il faut aller. L’adoption consiste à donner non pas un enfant à des parents, mais des parents à un enfant.

Mme Josiane Costes. C’est les deux !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Oui, mais on a eu tendance à considérer que c’était plus l’un que l’autre. Au demeurant, dans ces matières, tout est question d’équilibre très sensible.

Parallèlement, j’ai souhaité que le Conseil national de la protection de l’enfance et le Comité consultatif national d’éthique, qui sont, par essence, des lieux de représentation et de concertation et disposent de l’expertise nécessaire, complètent par des avis et des recommandations les propositions du rapport Limon et Imbert sur l’adoption, avant que nous les traduisions par des mesures législatives. Ces avis m’ont été officiellement remis fin novembre et début mai. Nous n’attendons plus qu’une opportunité parlementaire pour vous présenter un texte.

Ces différents éléments sont l’occasion pour moi d’inscrire les sujets visés par la présente proposition de loi dans la cohérence globale de mon action. Nous débattrons dans le détail sur les différents articles. Je conclurai en indiquant que certaines des dispositions que vous proposez me semblent pertinentes et adaptées aux orientations et travaux que j’ai cités et à l’action globale et cohérente que je tente de mener. Leur insertion conforte l’édifice juridique et législatif construit jusqu’à présent. Cependant, je l’évoquais à l’instant, cet édifice repose sur un équilibre sensible, complexe et intime. Or, M. Bas le disait, la loi n’est pas forcément en mesure de dire ce qui doit être fait dans le domaine de l’intime. Il faut donc laisser une certaine marge de manœuvre aux professionnels qui exercent au plus près des réalités.

Notre boussole commune, c’est la défense des intérêts de l’enfant et la réponse apportée à ses besoins fondamentaux. L’équilibre dont je viens de parler ne peut pas être fragilisé par une mise de côté trop rapide, trop automatique, de l’environnement familial et de la vie de l’enfant, au risque d’aller à l’encontre des droits de ce dernier et des droits des parents. Les uns et les autres, nous devons agir avec précaution.

Je suis convaincu que nous avons intérêt à fluidifier et à accélérer nos procédures, à accompagner et à former les professionnels de manière interdisciplinaire et interinstitutionnelle, plutôt que de prendre le risque de rigidifier le droit et de passer à côté d’une évaluation fine nécessaire de chacune des situations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis ravi d’être parmi vous ce matin pour parler de ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite commencer mon intervention en remerciant les travailleurs de l’aide sociale à l’enfance. Comme nos médecins, infirmiers et tant d’autres professionnels, ils se sont mobilisés pendant la crise sanitaire que traverse notre pays. (Applaudissements.) Ils font face à la pandémie avec courage et solidarité, et nous leur devons beaucoup.

Mes chers collègues, le sujet qui nous rassemble aujourd’hui nous interpelle avec gravité. En France, deux enfants meurent chaque semaine. Un viol sur mineur a lieu toutes les heures. Environ 73 000 enfants sont victimes de violences chaque année. Il est à craindre que toutes ces atteintes faites aux jeunes en difficulté n’aient été exacerbées par le confinement.

Alors que la protection de l’enfance devrait être un pilier fondamental de l’égalité des chances, afin que chaque mineur de ce pays puisse s’épanouir et se construire en citoyen modèle, notre système reste largement perfectible.

Pour cette raison, le texte proposé par Josiane Costes, que je salue, et les membres du groupe RDSE est bienvenu. Pointant du doigt les dysfonctionnements de l’aide sociale à l’enfance, le manque d’investissement de l’État et les lenteurs procédurales contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant, Mme Costes nous présente une proposition de loi intéressante, apportant certaines réponses aux problèmes majeurs soulevés par le Conseil national de la protection de l’enfance.

Jusqu’à présent, le législateur s’est donné pour mission de préserver un équilibre entre le maintien des droits liés à la parentalité et l’intérêt supérieur de l’enfant. En ont découlé deux échecs majeurs : tout d’abord, l’obstacle à l’adoption, qui interdit actuellement à des personnes le souhaitant d’accueillir aisément un enfant dans leur foyer ; ensuite, des procédures de délaissement longues et fastidieuses, qui plongent certains mineurs dans des situations de précarité, avec des parents souvent violents ou incapables de les élever.

Trop longtemps, le législateur est parti du postulat selon lequel les liens du sang devaient primer et l’enfant demeurer le plus longtemps possible dans sa famille biologique.

Cette tradition devrait impérativement prendre fin. Oui, certains parents ne sont pas aptes à élever leurs enfants. Oui, ces enfants doivent être mis à l’abri, protégés et confiés à des familles adoptives susceptibles de réunir les conditions essentielles à leur épanouissement.

Ainsi, les auteurs de ce texte ont souhaité rendre le recours à l’adoption simple plus facile. La filiation par adoption simple n’effaçant pas la filiation biologique, les tuteurs adoptifs prendront le relais des parents de sang pour l’éducation des enfants délaissés.

Le dernier pan intéressant de ce texte est le traitement des mineurs étrangers. Alors que le Gouvernement continue à fermer les yeux sur l’enfermement de ceux-ci en centre de rétention administrative, au détriment des préconisations de la Cour européenne des droits de l’homme, cette proposition de loi nous rappelle un élément fondamental : avant d’être des étrangers, ces mineurs sont des enfants, qu’il faut éduquer, intégrer et, surtout, protéger. En permettant à ces derniers d’accéder plus aisément à un titre de séjour et en simplifiant les règles d’adoption pour les enfants nés à l’étranger, on ferait des pas pour la normalisation de leur situation. Si ces mesures étaient adoptées, nous changerions de paradigme : l’enfant primerait sur le migrant. De tels éléments rendraient plus humaines nos politiques d’accueil des mineurs étrangers et nous saluerions positivement ces évolutions.

Cependant, certaines dispositions proposées dans ce texte semblent éloignées des réalités de terrain, voire contre-productives. C’est notamment le cas des conditions de reprise des enfants placés, qui font l’objet de l’article 4.

Pour cette raison, le groupe CRCE s’abstiendra sur cette proposition de loi. Nous sommes cependant favorables à ce que des travaux soient menés sur un tel sujet. C’était d’ailleurs le sens de notre proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants, rejetée par notre assemblée le 20 novembre 2019.

Mes chers collègues, nos enfants sont l’avenir de notre pays. Actuellement, 300 000 mineurs sont pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance. Eux aussi ont le droit à un avenir meilleur, à une citoyenneté épanouissante, à une sûreté économique et à un accès sécurisé à l’éducation et à la vie active. Si nous menons ce combat de front, leur futur n’en sera que plus stable et enviable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Jean-Yves Leconte et Mme Françoise Laborde applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.

Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un grand plaisir de rejoindre cet hémicycle pour cette merveilleuse occasion, chère Josiane Costes, de parler de la protection de l’enfance. Je vous en remercie.

Il n’est pas coutume que nous abordions ce sujet, qui devrait d’ailleurs « sortir » de l’hémicycle bien plus souvent. Dans nos départements, c’est un sujet « confiné », personne n’ayant envie de discuter de la protection de l’enfance, parce que c’est une défaite que des enfants soient abandonnés ou violentés. Si nous en parlons ici aujourd’hui, il est surtout important d’en parler dehors, demain, avec fièvre et envie de travailler tous ensemble. Car s’il est louable de publier des rapports, il faut surtout mettre notre énergie dans l’action.

La protection de l’enfance reste un sujet tabou, et il faut que cela cesse. Ces enfants sont aussi des enfants de la France, et nous ne devons pas les oublier.

Une fois n’est pas coutume, je veux remercier, en tant que responsable de la protection de l’enfance dans mon département, le cabinet de M. le secrétaire d’État. En effet, durant la pandémie, j’ai pu remarquer à quel point il s’était mobilisé. Certes, le protocole est toujours un peu trop long ! Malgré tout, nous avons vu son énergie à répondre à nos attentes et, surtout, à nos nombreuses questions, avec précision et célérité. Merci, monsieur le secrétaire d’État, et merci à ceux qui sont à vos côtés !

Je veux maintenant me joindre aux remerciements d’Esther Benbassa à tous les acteurs de la protection de l’enfance, qu’il s’agisse des médecins, des agents du conseil départemental, des éducateurs ou de tous ceux qui gravitent autour de la protection de l’enfance, en particulier les assistants familiaux. En effet, ne l’oublions pas, ces derniers ont travaillé 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pendant deux mois et demi. Ils méritent toute notre reconnaissance. Ils sont aujourd’hui épuisés, et j’espère que les départements se mobiliseront pour leur accorder ce qu’ils leur doivent. Ils ont accueilli et accompagné ces enfants, sans le soutien des IME, les instituts médico-éducatifs, ou des ITEP, les instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques, qui étaient fermés. Ils ont assuré une sorte de très longue astreinte.

Nous devrons d’ailleurs réfléchir au statut des assistants familiaux, parce que, à la marge, quelques avancées sont certainement possibles. Ce statut n’a pas évolué depuis des années, alors que le monde bouge et que les enfants ont des profils de plus en plus complexes.

Je souhaite dépasser le cadre de cette proposition de loi, que j’ai trouvée très ambitieuse, puisqu’elle traite d’une multitude de sujets. Or nous n’avons pas l’habitude d’examiner des propositions de loi comportant autant d’articles. Nous ne sommes par conséquent pas frustrés, comme nous le sommes souvent avec les propositions de loi à article unique.

Pour ma part, je suis engagée dans la protection de l’enfance depuis quinze ans dans mon département. Tous les sujets abordés m’ont paru dignes d’intérêt. Si j’ai été troublée, c’est que je n’ai pas reconnu ces problématiques dans mon département. Mais je veux bien travailler avec vous sur tous ces sujets.

Trois difficultés se posent aujourd’hui, me semble-t-il, en matière de protection de l’enfance.

Premièrement, la protection de l’enfance n’a jamais été financée à son juste niveau. La décentralisation de cette compétence, à l’époque où elle a été décidée, était certes bienvenue ; mais c’est de délaissement qu’il faut désormais parler. (Mmes Laure Darcos et Nadia Sollogoub applaudissent.) On a délaissé aux départements cette responsabilité sans leur donner le moindre sou ! Là est l’erreur, car il s’agit en réalité d’une mission essentielle des départements.

Premier problème, donc : le financement. Le Fonds national de financement de la protection de l’enfance n’a jamais été alimenté à son juste niveau. Et je remercie M. le secrétaire d’État d’avoir organisé cette stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, ce qui nous a permis de réfléchir tous ensemble sur les sujets les plus importants, et de travailler sur le fond. J’ai trouvé votre méthode excellente, monsieur le secrétaire d’État ; je ne suis pas membre de La République En Marche, mais lorsque des compliments doivent être faits, je les fais ! J’ai beaucoup apprécié cette méthode de concertation. La contractualisation avec les départements va apporter beaucoup, tant en qualité que financièrement. Pour la première fois, la protection de l’enfance bénéficiera de financements, en contrepartie d’une pratique de qualité et d’innovations.

C’est là justement l’objet du deuxième point que je souhaite aborder : faire bouger les lignes dans nos équipes départementales. Nous avons de très bons professionnels, mais ils ont parfois peur de changer de méthode ou d’orientation. J’avais d’ailleurs dit à Laurence Rossignol, lors des discussions autour de la loi de 2016, que l’inspection de mon département par l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) pendant quelques mois avait été un moment important : elle avait justement permis aux professionnels de réfléchir sur leurs méthodes et sur d’éventuels changements d’approche.

Je suggère au Gouvernement de mettre en place des équipes qui iraient dans les départements, et dont la mission ne serait surtout pas de contrôler, mais consisterait à créer une dynamique, à insuffler une énergie, en matière d’innovation et de recherche de nouvelles méthodes. Ces petites équipes qui visiteraient les départements pourraient permettre très vite de diffuser les bonnes pratiques et d’améliorer les mauvaises.

Troisième difficulté : les relations en tuyaux d’orgue, avec lesquelles nous devons hélas quotidiennement composer, entre les départements, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et les services de santé, notamment psychiatriques. Ce n’est plus possible ! Il faut que la justice et la protection de l’enfance parviennent à se comprendre mutuellement. Et il faut qu’elles arrivent à communiquer avec la pédopsychiatrie.

Il y a donc trois chantiers – vous avez ouvert le premier, celui du financement, avec la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance.

Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Élisabeth Doineau. Vous constatez, mes chers collègues, avec quel enthousiasme je parle de la protection de l’enfance. Merci, ma chère collègue Josiane Costes, et merci à M. le secrétaire d’État d’aller encore plus loin concernant la qualité des pratiques. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Michel Amiel applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le nombre de mineurs pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance en 2020 est estimé à 350 000, contre 300 000 en 2017. Cette hausse s’explique par une meilleure détection des cas critiques, via les enseignants et les assistants sociaux dans les familles. Mais elle livre aussi le constat d’une situation de plus en plus inquiétante.

Avec le confinement dû à l’épidémie de Covid-19, les violences intrafamiliales ont augmenté, en particulier la maltraitance à l’égard des plus jeunes.

La protection de l’enfance est l’un des aspects cruciaux de la politique d’égalité des chances en France. Elle vise en effet à offrir une prise en charge garantie par l’État partout où l’autorité parentale est défaillante. Cette prise en charge est loin d’être parfaite, même si je tiens à féliciter les personnels de l’ASE, qui font beaucoup avec peu, ainsi que tous les professionnels impliqués, services départementaux, associations, magistrats, et les familles d’accueil qui reçoivent ces jeunes.

Je prends l’exemple de mon département, l’Eure. En 2015, les enfants placés y étaient au nombre de 1 845 ; en janvier 2020, ils étaient 2 300 ; 453 assistants familiaux travaillent pour le département. Ces familles accueillent plus de 60 % des enfants placés. Les 40 % restants se répartissent entre six maisons d’enfants à caractère social, quinze lieux de vie et d’accueil et un foyer de l’enfance. Pour toutes ces structures, le budget de l’ASE dans l’Eure est de 70 millions d’euros pour l’année en cours.

L’État a un triple rôle : piloter la politique de l’enfance, contrôler la qualité des dispositifs et créer des partenariats avec les conseils départementaux. Une enveloppe de 80 millions d’euros a été débloquée en octobre dernier – c’est une bonne nouvelle – pour la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance. Et l’Eure fait partie des trente départements sélectionnés pour en bénéficier. En cofinançant les projets du département, l’objectif est de donner aux jeunes placés les mêmes chances qu’aux autres.

Les critiques se multiplient contre les foyers et les structures qui accueillent ces mineurs. Les délais sont importants – 31 % des pupilles de la Nation ne le deviennent qu’après une prise en charge d’au moins cinq ans par la protection de l’enfance. Il faut repenser la durée des procédures et mieux gérer chaque parcours. Je salue la volonté, qui est celle de mes collègues du RDSE, à commencer par Mme Costes, de revoir sans faux-semblants cette question complexe. Tout le monde veut bien faire, car la protection de l’enfance est une tâche noble.

Cependant, cette proposition de loi fait de l’intérêt de l’enfant le seul marqueur, unique et absolu, de cette politique. Or les besoins médico-sociaux, les modes de garde, l’intérêt des parents et de la fratrie, doivent aussi être pris en compte. L’avis de l’enfant n’est pas exempt de revirements. Ce sont tous ces besoins complexes, et parfois opposés, que la loi doit synthétiser.

Cette proposition de loi semble reposer sur un raisonnement quelque peu paradoxal. D’un côté, elle s’appuie sur le désir de parentalité. Or être parent n’est pas un droit ; c’est un devoir, et même une série de devoirs. D’un autre côté, ses auteurs envisagent, notamment aux articles 3 et 4, un recours prioritaire à l’adoption le plus tôt possible lorsque la parentalité est défaillante, arguant du fait qu’un enfant pourra ensuite « explorer sa parenté biologique », alors même que l’on sait pertinemment que l’adoption est complexe et parfois traumatisante.

La responsabilité des mineurs revient légalement à leurs parents. L’autorité parentale, cette valeur chère à ma famille politique, doit rester au cœur de la décision. L’État doit intervenir lorsque c’est nécessaire, en particulier durant cette période de crise sanitaire, mais en aucun cas déresponsabiliser les parents ou s’y substituer.

Ce sujet est encore trop souvent tabou ; l’ambition de tous est d’éveiller la conscience collective quant aux violences subies par les enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, merci à Josiane Costes de nous avoir conduits à traiter de ce sujet si important. La France a signé la Convention internationale des droits de l’enfant, mais combien de lignes de ce texte restent lettre morte et non respectées ? Selon un chiffre de 2018, 306 000 mineurs sont pris en charge par l’aide sociale à l’enfance ; les juges des enfants ont été saisis, toujours en 2018, de 126 145 mineurs en danger, et 122 mineurs ont été victimes d’infanticide ; le nombre d’appels au 119, numéro d’urgence pour l’enfance en danger, a augmenté de 113 % pendant les deux mois du confinement ; la plateforme d’accueil de l’enfance en danger a vu le nombre des appels qu’elle reçoit augmenter de 56 % par rapport à l’an dernier.

Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, cela a été dit : le travail de l’ensemble des personnels de l’ASE, dans tous les départements de notre pays, est essentiel pour faire face à cette situation.

Des enfants sont victimes de violence ; à cet égard, je dois regretter, au nom de Mme Michelle Meunier, que deux amendements qu’elle avait déposés aient été retoqués, une fois encore, en vertu du fameux article 45 de la Constitution, qui est toujours appliqué ici dans des conditions que je juge déplorables. Car enfin, que l’éducation et l’action sociale doivent s’exercer sans aucune violence ni morale ni physique, cela va de soi. Mais il n’est sans doute pas inutile de le dire ! C’est en tout cas ce qu’a pensé Mme Michelle Meunier, qui m’a chargé de vous faire part de sa réaction.

S’agissant des articles 1er, 2 et 4 de la proposition de loi, nous partageons totalement la position de M. Alain Marc, le rapporteur, car nous pensons que ces mesures pourraient être préjudiciables à l’enfance, au lien entre les parents et les enfants, à la possibilité qui doit être donnée aux parents de revenir en arrière eu égard à un certain nombre de procédures.

Pour ce qui est des allocations familiales, nous avons proposé un amendement de suppression de l’article 9 pour laisser – cela nous semble opportun – une capacité d’appréciation au juge. Et je remercie la commission de s’être elle aussi prononcée contre cet article.

Je conclurai par quelques mots sur les mineurs isolés non accompagnés, en commençant par redire, monsieur le secrétaire d’État – mais vous l’avez entendu si souvent que vous en êtes persuadé –, que la prise en charge de ces mineurs exige, sur le plan financier, un plus juste équilibre entre l’État et les départements. C’est nécessaire ! Les départements ne pourront plus continuer à assumer cette mission dans les conditions actuelles.

Ce que propose Mme Costes est très intéressant : introduire une présomption de désintérêt pour faciliter la prise en charge de ces jeunes par les services de l’enfance ; désigner, pour ceux-ci, le juge des enfants – on peut en discuter ; favoriser l’accès à un compte en banque – lorsque des mineurs reçoivent une bourse sans pouvoir la percevoir, il y a quand même quelque chose qui ne va pas, et Jean-Yves Leconte présentera un amendement très précieux à ce sujet tout à l’heure ; favoriser l’attribution de titres de séjour au bénéfice de mineurs non accompagnés intégrés dans un cursus professionnel ; généraliser l’accompagnement des jeunes majeurs jusqu’à 21 ans.

Ces mesures vont dans le bon sens. Les 40 000 jeunes non accompagnés – cela a été dit – sont d’abord des êtres humains, et ils sont ici ! Or, vous le savez, mes chers collègues, seuls 42 % de ces jeunes sont reconnus mineurs. Les autres doivent, pour obtenir cette reconnaissance, faire un recours – c’est très compliqué et cela pose des quantités de problèmes.

Ce sujet est encore largement devant nous. Merci, madame Costes, de nous avoir donné l’occasion de l’évoquer à la faveur de l’examen de cette proposition de loi. Je sais que vous entendrez ce message, monsieur le secrétaire d’État. (Mme Viviane Artigalas applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi relative aux mineurs vulnérables dans un contexte de crise sanitaire qui frappe en premier lieu les publics les plus fragiles. Ce texte couvre, en quinze articles, un champ très large et traite de problématiques aussi diverses que complexes.

Je commencerai par saluer la démarche de son auteure, Josiane Costes, dont la proposition de loi permet d’évoquer des sujets essentiels tels que l’adoption, la protection de l’enfance, l’accompagnement des jeunes majeurs et des mineurs isolés étrangers. Elle permet de mettre en lumière, une fois de plus, un certain nombre de problématiques et de dysfonctionnements auxquels nous devons apporter des solutions concrètes dans l’intérêt des enfants et des jeunes vulnérables.

Elle s’inscrit également dans un contexte global dans lequel l’ensemble des acteurs sont mobilisés. Le Parlement s’est ainsi souvent saisi de cette question – je pense au rapport de la députée Perrine Goulet, à celui de la députée Monique Limon et de notre collègue Corinne Imbert sur l’adoption, et à la proposition de loi que Nassimah Dindar et moi-même avons déposée en juillet dernier, cosignée par plusieurs collègues siégeant sur toutes les travées de cet hémicycle, et qui traitait un certain nombre de sujets, dont celui de la prise en charge des jeunes majeurs.

Le Gouvernement, par votre voix, monsieur le secrétaire d’État, est lui aussi mobilisé dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022, qui aboutira, nous l’espérons, à de réelles avancées en matière de protection et d’accompagnement.

On constate enfin une prise de conscience collective partout dans la société, grâce, en premier lieu, aux enfants placés, qui ont largement contribué à libérer la parole et qui, chaque jour, nous rappellent qu’il est urgent d’agir.

Les trois axes de cette proposition de loi, à savoir le délaissement parental, l’adoption, la prise en charge des jeunes majeurs et la protection des mineurs isolés étrangers, constituent des problématiques complexes, mais bien réelles sur l’ensemble du territoire.

Pour ce qui concerne le délaissement parental, l’article 2 supprime l’obligation de proposer des mesures de soutien aux parents délaissants. Nous partageons l’objectif qui sous-tend cette disposition – il s’agit de placer l’intérêt supérieur de l’enfant au sommet des priorités. Mais nous pensons que son adoption créerait un déséquilibre au regard de la nécessité des mesures de soutien à la parentalité, le délai prévu étant notamment trop restreint. Ces mesures ont montré leurs vertus durant le confinement, période où les tensions ont pu être plus importantes que d’habitude, en particulier dans les familles les plus précaires vivant dans des espaces restreints.

Nous croyons donc en la nécessité de trouver un juste équilibre en protégeant en premier lieu les enfants et en accompagnant davantage les parents en difficulté. Tel est l’objectif du Gouvernement, tant dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance que j’évoquais à l’instant, qu’avec le programme relatif aux 1 000 premiers jours de l’enfant que vous avez mis en place dernièrement, monsieur le secrétaire d’État.

Accélérer la procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental pourrait également s’avérer inefficace, au regard du fonctionnement de la justice et du caractère délicat de l’appréciation dudit délaissement parental notamment.

Pour ce qui est de l’accompagnement des jeunes majeurs et de la problématique des sorties sèches, personne ne peut accepter que la rue à 18 ans soit la seule option pour ces jeunes. Aujourd’hui, rappelons-le, 70 % des jeunes de l’ASE en sortent sans diplôme ; 40 % des sans domicile fixe de moins de 25 ans sont passés par les services de l’aide sociale à l’enfance, alors même qu’ils ne représentent que 2 % à 3 % de la population globale. Comment pouvons-nous demander à un jeune dont le parcours de vie a été si difficile de faire ses valises le jour de ses 18 ans, alors même que, selon l’Insee, l’âge moyen de décohabitation, en France, est de 27 ans ? Ces jeunes ont eux aussi le droit d’être des Tanguy, comme tous nos enfants !

Mme Françoise Laborde. C’est vrai !

M. Xavier Iacovelli. Le Gouvernement a d’ailleurs interdit les sorties sèches pendant la durée du confinement, ce dont on ne peut que se satisfaire. C’était évidemment nécessaire au regard des risques auxquels les jeunes sous protection sont exposés. Mais – nous pourrons en parler lors du débat – on a vu, dans un certain nombre de départements, des gymnases réquisitionnés pour accueillir les mineurs non accompagnés ; ils y étaient entassés, à défaut de solutions hôtelières, même si ces dernières, pour les mineurs, ne sont pas forcément la panacée. Il existe en tout cas un vrai problème de prise en charge par les départements.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez récemment publié une circulaire précisant à la fois les objectifs, le calendrier et les financements des conventions qui seront signées d’ici à quelques jours entre les agences régionales de santé (ARS), les préfets et les trente départements volontaires pour mettre en œuvre la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance annoncée le 14 octobre dernier. La fin des sorties sèches y est préconisée ; nous nous en réjouissons.

Nous saluons la proposition de l’auteure du texte visant à rehausser à 3 ans l’âge jusqu’auquel la situation des enfants confiés à l’ASE est examinée tous les six mois par la commission pluridisciplinaire et pluri-institutionnelle. Nous voterons pour cet amendement. Il nous paraît en effet essentiel qu’ait lieu un suivi régulier du développement et du cadre de vie de l’enfant.

Par ailleurs, s’agissant du principe d’une présomption d’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale pour les parents des mineurs isolés étrangers, je comprends l’objectif visant à déléguer totalement ou partiellement l’exercice de cette autorité parentale. Les structures accueillant des enfants se retrouvent en effet confrontées à un certain nombre de situations qui, dans la vie quotidienne de l’enfant, nécessitent l’accord explicite des parents, parfois injoignables et souvent absents. Ces barrières juridiques qui empêchent, par exemple, l’enfant de se rendre, comme tous les autres enfants, à l’anniversaire d’un camarade le week-end, le privent d’une vie normale et portent préjudice à sa sociabilisation.

Cette problématique concerne les mineurs isolés étrangers, mais également tous les publics pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. Nous devons donc en débattre, en concertation avec l’ensemble des acteurs, pour trouver, pour ce qui concerne tant les actes usuels que les actes non usuels, un juste équilibre entre l’intérêt de l’enfant et le respect de l’autorité parentale, tout en appliquant les dispositions en vigueur.

Pour conclure, je veux une fois de plus saluer le travail de l’auteure de cette proposition de loi, qui pose ainsi un débat essentiel. Cette question nécessiterait néanmoins une approche plus globale, vu l’importance des nombreux sujets évoqués dans ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, merci à nos collègues de gauche de faire la démonstration, une fois de plus, de leur obsession. Alors qu’ils préparent une proposition de loi tout ce qu’il y a d’intelligent, que tout le monde devrait pouvoir signer des deux mains, concernant la protection de l’enfance, voilà qu’ils se débrouillent encore pour essayer de nous faire passer la pilule de l’immigration massive.

Mme Françoise Laborde. Quelle horreur !

M. Stéphane Ravier. Vous ne pouvez pas vous en empêcher – c’est plus fort que vous ! Si vous faites une loi pour les petits Français, vous vous sentez obligés de la faire aussi pour les immigrés. En période de crise sanitaire, alors qu’une crise économique sans précédent va nous tomber dessus et que des millions de Français vont peut-être se retrouver au chômage et, qui sait, à la rue avec leurs enfants, vous n’avez qu’une seule priorité : les autres, encore les autres, toujours les autres. Voilà pour la logique délirante de votre proposition.

Mais venons-en au fond, qui est tout aussi dingue. On dirait que vous envoyez un message à l’Afrique, continent économiquement sinistré où la démographie explose, dont environ 40 % des habitants ont moins de 15 ans. (Mme Françoise Laborde se bouche les oreilles en signe de protestation.) Vous êtes en train d’expliquer à 500 millions de jeunes Africains que, s’ils viennent illégalement chez nous, ils seront accueillis à bras ouverts, et que la France pourvoira à tous leurs besoins. On le sait – cela a été dit ici même, dans cet hémicycle : les fameux « mineurs isolés » seraient en réalité majeurs à plus de 70 %. Mais comme la gauche et la droite ont refusé de rendre obligatoires les tests osseux, on reste dans le flou – cachez ces clandestins que vous ne sauriez expulser !

Ces mineurs isolés pourront, selon les termes de votre article 6, être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance jusqu’à leurs 21 ans. Autrement dit, un étranger, entre 18 et 21 ans, pourra faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, mais en même temps être pris en charge par l’ASE, c’est-à-dire par les départements. D’ailleurs, pourquoi 21 ans ? Pourquoi pas 22, 30, ou 40 ans ?

Vous allez en outre dévoyer, avec l’article 11, le principe même de la nationalité française, puisqu’en cas d’adoption simple, c’est-à-dire lorsque l’enfant conserve ses liens avec sa famille biologique, il sera quand même naturalisé français.

L’article 15 est un exemple du laxisme le plus total : alors que, pour obtenir une carte de séjour à titre exceptionnel, les mineurs non accompagnés doivent aujourd’hui être en formation professionnelle depuis au moins six mois, vous voulez supprimer le caractère exceptionnel de la délivrance du titre et souhaitez que la carte soit délivrable dès le jour de l’entrée en formation.

En résumé, vous attirez d’abord sur les routes de la mort, en Méditerranée, des centaines de milliers de personnes qui viendront bénéficier de notre système social ; vous mettez ensuite tout en œuvre pour qu’elles puissent rester ici toute leur vie ; vous vous apprêtez enfin à créer de toutes pièces des Français avec ceux qui seront arrivés ici et qui parviendront à se faire adopter. Non seulement vous porterez une lourde responsabilité dans les morts qu’il y aura en Méditerranée, mais, en plus, vous allez encore déstabiliser notre sentiment national : comment être une nation si n’importe qui peut devenir Français en un claquement de doigts ?

Votre proposition est non seulement délirante, mais aussi sournoise et malsaine. Vous n’assumez pas vos convictions ; vous vous cachez derrière la protection de l’enfance, à laquelle nous sommes tous attachés. Assumez votre volonté profonde : submerger notre pays d’un tsunami migratoire que vous transformerez en Français de papier. (Marques dindignation sur de nombreuses travées.) Votre obsession est là : la disparition de l’identité de la France !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel.

M. Michel Amiel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par Josiane Costes vise à apporter des améliorations au dispositif en faveur des mineurs vulnérables sur le territoire national ; il faut en remercier notre collègue.

Ce texte est une pierre supplémentaire à l’édifice constitué, il faut le dire, d’un amoncellement de rapports en la matière, issus de l’IGAS, du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), du Parlement, sans oublier les deux grandes lois de 2007 et de 2016, tous ces textes visant à la mise en place d’une stratégie pour la protection de l’enfance.

Si cette proposition de loi est d’essence généreuse, nous restons dans l’attente d’une réforme globale et de grande ampleur, d’ailleurs esquissée par vous-même, monsieur le secrétaire d’État, au nom du Gouvernement.

Rendre plus facile l’adoption simple des enfants délaissés est une idée certes intéressante ; on peut même se demander si elle va assez loin et s’il ne faudrait pas favoriser purement et simplement l’adoption plénière. Il est vrai que notre culture juridique de la famille donne priorité à la famille biologique, parfois, d’ailleurs, au détriment de l’intérêt de l’enfant. L’occasion m’est offerte de rappeler que l’adoption doit se situer avant tout du côté de l’enfant, et que le droit à l’enfant ne saurait se substituer aux droits de l’enfant. Quelle que soit sa forme, l’adoption doit rester une modalité de la protection de l’enfance : si tout enfant a droit à une famille, tout adulte n’a pas forcément droit à un enfant. Il y a aujourd’hui, en France, beaucoup d’enfants adoptables qui demeurent trop longtemps sans famille ; et, comme vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, nous ne pourrons échapper à une réforme globale de l’adoption, qu’elle soit simple ou plénière, qu’elle se fasse à l’international ou qu’elle concerne des pupilles de l’État.

Si la prise en charge des jeunes majeurs au-delà de 18 ans afin d’éviter une sortie sèche de l’ASE est une nécessité absolue, elle doit, selon moi, faire l’objet d’un dispositif original, sous forme de bourse, par exemple. Pour beaucoup de jeunes en effet, s’émanciper de l’ASE constitue une volonté absolue, que l’on peut comprendre si l’on considère certains parcours particulièrement chaotiques.

Il existe en outre une grande inégalité territoriale entre les départements, pour des raisons idéologiques, mais aussi et surtout, bien souvent, de moyens. C’est pourquoi je plaide pour un pilotage national du dispositif, et pas seulement d’un point de vue observationnel.

À propos des mineurs non accompagnés, rappelons que si, juridiquement, ils relèvent aussi du droit des étrangers, ils sont avant tout éligibles au dispositif de protection de l’enfance, qui n’exige pas de condition de nationalité, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant que la France a signée et ratifiée.

À ce titre, ces mineurs dépendent des départements, et force est de constater, là encore, une grande hétérogénéité. Il y a là une raison supplémentaire, selon moi, d’être en faveur d’un dispositif national, même si, depuis 2013, un protocole a été élaboré entre l’État et l’Assemblée des départements de France pour instaurer une double solidarité, d’une part, de l’État envers les départements, par un appui logistique et financier lors de l’évaluation du mineur et, d’autre part, entre les départements, par un mécanisme de péréquation géographique destiné à équilibrer le nombre de mineurs non accompagnés accueillis, la situation actuelle n’étant guère satisfaisante.

Pour conclure, je veux insister sur ce qui me paraît de loin le plus important, en citant le préambule de l’ordonnance du 2 février 1945 : « Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l’enfance […] La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. »

Je défends avec force l’idée que la jeunesse est une priorité et, au-delà des mots, qu’elle doit relever d’une compétence régalienne de l’État, alors qu’à ce jour elle se répartit entre la jeunesse en danger de l’ASE, rattachée au ministère des affaires sociales, la jeunesse réputée dangereuse, confiée à la PJJ et donc au ministère de la justice – le recentrage de la PJJ sur le pénal depuis 2007 me paraît d’ailleurs être une funeste erreur –, et la jeunesse supposée sans problème, relevant, elle, de l’éducation nationale.

Souvenons-nous de la fragilité de l’enfance, et pas seulement dans ses premières années. Un enfant considéré comme normal peut basculer à tout moment, et si un enfant en danger peut devenir dangereux, un enfant dangereux, lui, est toujours en danger.

Insistons encore et toujours sur l’importance de la prévention dans le domaine sanitaire – Mme Doineau l’a rappelé : si l’on dépiste précocement un trouble psychiatrique de l’enfant, il peut guérir –, mais aussi dans les domaines familial et social. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces dernières années, le législateur s’est régulièrement emparé de la cause des enfants, sous la triple influence d’une prise de conscience à l’échelon national de l’incidence des violences intrafamiliales dont certains enfants sont victimes ; d’un contexte international dramatique fait de guerres et de crises économiques jetant sur les routes et sur les mers des familles avec enfants, mais également des jeunes isolés venant frapper aux portes de l’Europe ; d’un mouvement juridique intervenu au plan international.

Bien sûr, des glissements sociétaux ont préparé ce changement de paradigme, en France et dans le monde. Ainsi, la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, contraignante, a consacré le changement de regard des adultes sur les enfants et produit des jurisprudences dont nous ne mesurons pas encore toute la portée. Relevons encore des initiatives non contraignantes, comme la Déclaration de Genève de 1924 ou la création de l’Unicef en 1947.

Ces dernières années, les occasions législatives de rendre les droits des enfants plus effectifs se sont multipliées de façon transpartisane. Je pense, bien sûr, à la loi de 2016 sous le précédent quinquennat, comme cela a été rappelé, et plus récemment à l’adoption de la loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires ou de la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille. Ces initiatives ont permis de rendre visible la vulnérabilité de certains mineurs du fait de relations familiales toxiques, trop fragiles ou inexistantes. Vous connaissez aussi mon engagement pour la lutte contre les violences sexuelles sur les mineurs et contre l’inceste.

Dans un premier temps, la médiatisation de ces violences a permis de sensibiliser la population et de lever les tabous dans toutes les institutions : familiales, scolaires et même ecclésiastiques.

Dorénavant, la problématique se déplace vers la question de la prise en charge des mineurs vulnérables. Ces derniers mois, plusieurs reportages ont mis en lumière les limites de notre système de protection de l’enfance et l’insécurité qui peut à la fois découler du manque d’encadrement et de l’instabilité des parcours pour ces jeunes.

C’est dans ce contexte que notre collègue Josiane Costes, forte de son expérience de conseillère départementale et d’enseignante, a décidé de s’engager pleinement devant le Sénat pour défendre sa proposition de loi, soutenue par le groupe du RDSE. Très soucieuse d’améliorer la protection des mineurs, elle a voulu mettre toutes ses convictions au service de ceux-ci, afin de leur donner un cadre de vie décent, en particulier aux plus vulnérables d’entre eux.

C’est un sujet qu’elle soutient depuis de nombreuses années ; je tiens à lui rendre hommage pour cette initiative parlementaire qui ne se contente pas de dénoncer les limites du système de protection de l’enfance actuel. Elle vise également à apporter des solutions destinées à tous les mineurs vulnérables, français et étrangers – je ne ferai aucun commentaire sur ce que j’ai entendu précédemment, d’autant que je n’ai pas tout écouté puisque je me suis bouché les oreilles ! –, placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance.

Ses propositions reposent sur le constat de l’affaiblissement budgétaire des départements, qui est malheureusement une tendance structurelle. Cet affaiblissement est lié, en partie, à la performance croissante de la détection des cas problématiques, notamment depuis la loi de 2016 : mieux on détecte les cas de maltraitance, plus nombreux sont les enfants à être pris en charge, c’est mathématique !

Mais surtout, la difficulté financière des départements est liée à l’aggravation de la situation sociale sur notre sol, au renforcement des inégalités et à l’émergence de nouveaux « publics » des services sociaux : les personnes admises à l’asile et les mineurs non accompagnés.

Sans un effort financier supplémentaire substantiel de l’État, il est à craindre que la qualité de la prise en charge des mineurs ne pâtisse de la dégradation de la situation financière des conseils départementaux.

Dans sa tâche, ma collègue s’est attachée à adopter une philosophie positive et à poursuivre les travaux dans la direction de la loi de 2016, qui avait en particulier réformé l’adoption simple en la rendant irrévocable durant la minorité.

Toutes les propositions contenues dans ce texte tendent, en réalité, à ce que l’enfant puisse bénéficier d’une plus grande stabilité, d’un accueil dans la dignité et le respect de ses droits, rendant possible un accès à l’éducation, sans être balloté entre sa famille biologique, les foyers et les familles d’accueil, mais tout en préservant son droit à connaître ses origines.

Il s’agit de s’élever au-dessus des oppositions classiques de la protection de l’enfance entre, d’une part, la préservation absolue des liens biologiques et, d’autre part, l’idéalisation d’une protection étatique, et ainsi de sortir de tout dogmatisme, ce qui, comme vous le savez, mes chers collègues, est un souci constant des membres du groupe du RDSE. On confond trop souvent encore l’intérêt supérieur de l’enfant et celui de ses parents.

De façon indirecte, ces nombreuses propositions pourraient permettre de repenser l’action des départements au moment où la prise en charge des jeunes majeurs et des mineurs isolés étrangers bute essentiellement sur la question financière, comme l’a montré très récemment l’examen de la proposition de loi Bourguignon à l’Assemblée nationale.

Rappelons que, selon les chiffres de l’Assemblée des départements de France (ADF), en 2019, la seule prise en charge des mineurs isolés étrangers s’est élevée à 2 milliards d’euros. C’est pourquoi il est apparu nécessaire que ces propositions soient présentées dans le texte qui comporte également d’importantes propositions de simplifications administratives en direction des mineurs non accompagnés, lesquels continuent de se trouver dans un angle mort de nos politiques publiques.

Ainsi, avec Josiane Costes, mon groupe espère ouvrir des travaux sur l’adaptation de la protection de l’enfance à ces nouveaux paradigmes juridiques et sociétaux, afin de renforcer l’égalité des chances de tous les mineurs présents sur le sol de la République.

Nous sommes tout à fait favorables, d’une part, à ce que le débat puisse se poursuivre dans les deux chambres, dans un esprit de coconstruction respectueux du travail parlementaire et, d’autre part, à ce que tous les acteurs concernés puissent être associés à cette démarche, comme le permet la navette parlementaire. Sa lenteur a parfois des vertus ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Xavier Iacovelli et Mme Viviane Artigalas applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons donc ce matin cette proposition de loi issue d’une initiative de Josiane Costes.

Les débats relatifs à la protection de l’enfance font souvent suite à des faits divers qui marquent profondément l’opinion publique ; ils se déroulent fréquemment sous le coup de l’émotion et sans véritable recul. C’est pourquoi je veux saluer le travail apaisé et délicat réalisé par l’auteure de cette proposition de loi, nous donnant l’occasion ce matin de parler sereinement de cette question sensible, mais passionnante. Ce texte aborde trois grands sujets.

Premièrement, il vise à consolider la prise en compte de l’intérêt des mineurs délaissés et des pupilles de l’État. Cela se traduit par deux idées fortes, à savoir renforcer la déclaration judiciaire de délaissement et favoriser le recours à l’adoption simple.

En octobre dernier, à la suite de la mission qui nous a été confiée par le Premier ministre, ma collègue députée Monique Limon et moi-même vous avons remis, monsieur le secrétaire d’État, un rapport sur l’adoption, partant du constat que le nombre d’enfants confiés au titre de la protection de l’enfance était en augmentation et que, dans le même temps, le nombre d’adoptions des pupilles de l’État était en diminution. L’occasion m’est donnée aujourd’hui de vous remercier de nouveau de la confiance que vous nous avez alors accordée. Le renforcement de la procédure de déclaration judiciaire de délaissement était une des préconisations que nous formulions.

Pendant longtemps, il a été considéré que le maintien des liens biologiques devait être la priorité. Toutefois, depuis plusieurs années, on estime que c’est l’intérêt de l’enfant qui doit prévaloir.

L’épanouissement d’un enfant ne passe pas nécessairement par le maintien d’un lien continu avec ses parents biologiques. Les différents services de la protection de l’enfance en font quotidiennement le terrible constat. L’occasion m’est donnée de les remercier de tout le travail qu’ils ont accompli, et de saluer le travail réalisé dans les établissements par les assistants familiaux au cours de la pandémie actuelle.

Partant du constat évoqué précédemment, la loi du 14 mars 2016 a instauré la mise en place de commissions d’examen de la situation et du statut des enfants confiés, les fameuses Cessec. Quatre ans plus tard, un peu moins de la moitié des départements n’a pas encore procédé à la mise en place d’une commission de ce type, non pas par mauvaise volonté, mais parce que les services de la protection de l’enfance sont en tension, confrontés à une augmentation du nombre d’enfants placés et à la diminution du nombre d’assistants familiaux, recherchant sans cesse des places pour accueillir dans les meilleures conditions possible les enfants qui leur sont confiés et pour éviter des prises en charge dans les hôtels. Se pose en arrière-plan, bien évidemment, la question primordiale des moyens financiers dont peuvent disposer les départements pour assurer leur mission.

Un changement de statut pour un enfant devenant pupille et adoptable – adoption simple – paraît évidemment une possibilité sécurisante à la fois pour l’enfant et pour les parents.

Historiquement, l’adoption simple a vu le jour plus d’un siècle et demi avant l’adoption plénière, mais nous savons que la très grande majorité des candidats à l’adoption souhaitent une adoption plénière, alors que le profil des enfants placés et des enfants à adopter a profondément évolué ces dernières années.

Ainsi, la proportion d’enfants dits « à besoins spécifiques » en raison de leur âge, de leur profil psychologique ou de leur handicap a fortement augmenté, rendant, il faut bien le dire, leur adoption plus délicate. Ce n’est bien sûr pas sans conséquence pour les services des conseils départementaux, qui sont les acteurs incontournables de la protection de l’enfance. La pédagogie et l’accompagnement des candidats à l’adoption sont de vrais enjeux, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État.

Dans le même esprit, il serait pertinent de favoriser et de formaliser le parrainage, afin de répondre à la diversité des profils d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance.

Deuxièmement, cette proposition de loi aborde la prise en charge des mineurs au-delà de leur majorité. Les conseils départementaux ne sont évidemment pas insensibles à cette question. Ils accompagnent régulièrement des jeunes majeurs, notamment quand ils sont en cours d’études ou en apprentissage.

À l’inverse, il faut le souligner, et la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales l’a rappelé, il existe des jeunes qui souhaitent voler de leurs propres ailes dès leur majorité et ne veulent surtout plus être accompagnés par les services de la protection de l’enfance. Il nous faut peut-être accepter la diversité des situations.

Enfin, troisièmement, cette proposition de loi concerne les mineurs isolés étrangers. La plupart des départements ont été confrontés à une arrivée massive de mineurs non accompagnés. Il est à noter que depuis la mise en place du fichier biométrique que nous attendions et que le Sénat appelait de ses vœux, le nombre d’arrivées a stagné, à défaut d’avoir diminué.

En Charente-Maritime, afin de faciliter les démarches administratives au moment de la majorité de ces mineurs non accompagnés et de l’arrêt de la prise en charge par le conseil départemental, nous avons fait le choix de travailler étroitement avec les services de l’État, afin d’anticiper la sortie de ces jeunes du dispositif dans les meilleures conditions et d’éviter toute sortie sèche.

Nous l’avons vu, ce texte balaie plusieurs champs de la protection de l’enfance. Si je partage les propositions visant à favoriser l’adoption simple et le parrainage, je préfère attendre et revoir ces sujets à l’occasion de l’examen d’un grand texte relatif à l’adoption, rappelant, comme vous l’avez fait, monsieur le secrétaire d’État, que l’adoption, c’est d’abord donner une famille à un enfant. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe LaREM.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Je remercie Mme Josiane Costes de l’occasion qu’elle nous offre d’échanger sur plusieurs aspects d’un sujet majeur, en particulier sur les mineurs étrangers isolés, question que j’ai suivie lors de l’examen des textes législatifs relatifs à l’asile et à l’immigration.

Nous étudions cette proposition de loi à un moment très particulier puisque la période de confinement s’est malheureusement accompagnée d’une hausse très importante des violences intrafamiliales, en particulier des violences sur les enfants, selon les statistiques qui ont été communiquées ces derniers jours.

À la suite de cette période, il est probable qu’énormément de familles seront déstabilisées par la situation sociale et salariale. Elles seront peut-être affectées par une perte de revenus. À cela s’ajoute la question de la capacité à envoyer les enfants à l’école et à faire face à différents défis. Il est donc à craindre des situations de violence.

La proposition de loi que nous examinons appelle quelques remarques importantes. Si éloigner un enfant de ses parents biologiques peut être une nécessité, en particulier en cas de violence avérée, nous devons veiller à faire en sorte qu’un tel éloignement soit très exceptionnel et autant que possible réversible. Il ne faut jamais accélérer les processus de destruction de famille.

Nous estimons que le maintien du lien est dans l’intérêt de l’enfant. C’est pourquoi l’actuel délai de délaissement de douze mois nous semble un équilibre qu’il ne faudrait pas remettre en cause. Au vu de ce qui se passe dans d’autres pays, six mois seraient probablement pour les enfants de moins de 3 ans un facteur de graves dérives. Il faut de toute façon aider les parents qui sont déstabilisés dans un moment passager à reconstruire le lien avec leurs enfants.

L’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France en 1990 précise d’ailleurs que sauf maltraitances avérées les États doivent veiller à ce que les enfants ne soient pas séparés de leurs parents contre leur gré. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics d’aider les parents à garder autant que possible un lien avec leurs enfants, même lorsqu’ils font face à une dépression, à une maladie, à un moment d’égarement particulièrement grave. Même dans ce cas, il ne faut pas que les conséquences soient systématiquement irréversibles.

C’est la raison pour laquelle nous nous opposerons à l’idée de la présomption de désintérêt pour les parents des mineurs étrangers isolés. Laisser partir son enfant ne constitue pas nécessairement une démarche d’abandon ; c’est parfois, dans le déchirement, l’expression de la volonté de le voir échapper à une vie infernale, à la misère, à l’exploitation. Une appréciation de cet acte devrait-elle de surcroît entraîner des conséquences sur la relation entre les parents et leur enfant ?

Je ferai maintenant quelques remarques sur la question de la nationalité. Eu égard à la manière dont on peut transmettre la nationalité française par une adoption plénière par rapport à l’adoption simple, il y a un petit décalage qui mérite d’être étudié. Enfin, il existe aussi une difficulté par rapport à la situation des pays qui n’acceptent pas une double nationalité.

L’aide sociale à l’enfance est une mission essentielle et l’engagement de ses acteurs doit être salué. Les statistiques qui ont été citées témoignent non pas de l’échec de l’ASE, mais de la difficulté de sa mission.

En particulier pour les jeunes étrangers, se pose la question de la rupture après 18 ans. Quelle différence entre un jour de plus et un jour de moins ? Nous avons tous été parents et nous savons que les jeunes, quel que soit leur âge, ont tous besoin d’accompagnement. C’est encore plus vrai pour ceux qui ont eu une enfance particulièrement compliquée. L’une des difficultés actuelles est donc de prévoir un accompagnement après 18 ans.

Les mesures proposées nous semblent aller dans le bon sens. Il est essentiel de simplifier les parcours administratifs et d’examiner la question des titres de séjour. Il faut aussi rejeter les tests osseux. Je regrette la position du Sénat lors de l’examen de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, une coupure ayant été instaurée pour les mineurs isolés dès qu’ils atteignent l’âge de 18 ans. De ce fait, un maximum de chances ne peut pas être donné à ces jeunes, qui ont pourtant été aidés avant leurs 18 ans.

Enfin, l’ASE doit rester une priorité nationale. Elle a besoin de moyens, en particulier pour accompagner les familles d’accueil. Je vous remercie, ma chère collègue, de la démarche que vous avez engagée en ce sens.

Monsieur le secrétaire d’État, dans les dix secondes de temps de parole qu’il me reste, je souhaite vous interroger sur un sujet qui n’a rien à voir avec la proposition de loi, mais qui me semble important. Sans aborder directement le débat de la gestation pour autrui, la GPA, les restrictions de circulation en Europe ont des conséquences dramatiques pour les enfants nés par GPA, en particulier en Ukraine.

Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Jean-Yves Leconte. Faut-il, monsieur le secrétaire d’État, pour des raisons morales ou pour un éventuel appel d’air, priver ces enfants de la chance de pouvoir être accompagnés de leurs parents au moment où ils ouvrent les yeux sur le monde ? Il s’agit d’une question préoccupante pour un certain nombre d’enfants français qui sont seuls à l’étranger aujourd’hui. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme un certain nombre d’orateurs précédents, je commencerai par remercier l’auteure de cette proposition de loi, Josiane Costes, qui pose les différents enjeux de la protection de l’enfance de façon éclairée.

Il me semble très positif et encourageant de discuter aujourd’hui ensemble, au Sénat, d’un sujet aussi vaste que difficile, qui englobe tant la sortie de l’aide sociale à l’enfance que la situation des mineurs non accompagnés et qui est terriblement d’actualité. En effet, le confinement lié au coronavirus a entraîné pour certains enfants un risque de maltraitance et a mis en lumière les difficultés des violences intrafamiliales.

La raison d’être de cette proposition de loi est donc de promouvoir un recours plus précoce à l’adoption simple d’enfants mineurs dont les parents sont défaillants, mais toujours vivants.

En pratique, la loi rend l’adoption des enfants pris en charge par les services d’aide sociale à l’enfance très difficile, ce qui expose ceux-ci à évoluer dans des structures peu propices à la mise en place de projets de vie stables et structurants, ou de projets éducatifs.

Afin de remédier aux complexités procédurales actuelles et de proposer une alternative davantage pérenne, le texte vise à faciliter l’adoption de ces enfants mineurs dans la forme simple. Il s’agirait, notamment, d’accélérer la procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental, afin d’offrir le plus tôt possible une prise en charge durable des enfants via l’adoption.

Je suis de l’avis du rapporteur : la précipitation ne semble pas adaptée à des enjeux aussi décisifs, et ce d’autant plus dans le contexte particulier de flou autour de la procréation médicalement assistée et de l’adoption par les personnes de même sexe.

C’est indiscutable, notre rôle est de protéger les enfants, et je suis conscient que certaines situations familiales sont dramatiques. Mais l’enfant ayant quasiment toujours intérêt in fine à maintenir des liens harmonieux avec sa famille naturelle, empêcher une amélioration semble excessif et nuire à son intérêt.

Selon bon nombre d’acteurs spécialisés dans la protection de l’enfance, il faut préserver autant que possible le lien parents-enfant. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Plus tôt on les accompagne, plus on augmente leurs chances de remplir pleinement leur rôle éducatif et de prévenir l’apparition de difficultés éducatives majeures.

La ligne de crête de la protection de l’enfance est de réussir à concilier l’intérêt de l’enfant, le respect de ses droits et le respect des droits des parents. La lutte contre la pauvreté est, par ailleurs, un enjeu réel. Je rappelle que 80 % des enfants en situation de placement viennent de familles vivant avec un revenu au-dessous du seuil de pauvreté. Cette lutte est fondamentale, notamment pour améliorer la prise en charge des mineurs placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance au-delà de leur majorité, comme le propose le texte dans un deuxième temps.

Dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement a élaboré un certain nombre de mesures pour éviter les sorties sèches de l’aide sociale à l’enfance ; elles sont en cours de déploiement sur le territoire. Évaluons-les à moyen terme avant d’en élaborer d’autres.

Je dirai maintenant un mot de la généralisation de l’accompagnement des jeunes majeurs jusqu’à 21 ans. Il est de la responsabilité des départements d’accompagner les jeunes de l’ASE arrivant à 18 ans à travers, notamment, les contrats jeune majeur. Mais ils ne s’en affranchissent pas tous de la même façon. De plus, ces contrats concernent prioritairement des jeunes qui ont un solide projet. Or ceux qui ont le plus besoin d’accompagnement sont ceux qui n’ont pas de projet.

Pour les acteurs du terrain, il faudrait soumettre l’accompagnement des jeunes au-delà de 18 ans non pas à un projet précis, mais à l’aboutissement de l’éducation du jeune. En tous les cas, il faudrait prévoir un accompagnement vers la sortie de l’ASE au moins un an avant la majorité du jeune, afin de construire avec lui un projet.

Je finirai mon propos en évoquant l’amélioration de la prise en charge des mineurs non accompagnés. Il semblerait qu’il soit nécessaire de repenser le cadre d’accueil de ces derniers. Il s’agit d’un sujet important pour les conseils départementaux.

Comme je l’ai indiqué, ce texte pose de bonnes questions. Je suivrai néanmoins la commission et je voterai contre, car il n’apporte pas de réponse suffisamment globale et efficiente. Il me semble que les familles ont un rôle à jouer. J’en veux pour preuve l’école à la maison : le confinement n’a-t-il pas montré que les parents étaient les premiers éducateurs des enfants ?

Et si les parents devenaient le centre des politiques éducatives ? Je suis convaincu qu’une réflexion doit être menée sur l’accompagnement à la parentalité dans la politique familiale. Si nous accompagnons les parents, ils accompagneront mieux leurs enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Josiane Costes applaudit également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous rappelle que nous sommes dans le cadre d’un espace réservé au groupe RDSE, qui a souhaité l’inscription de deux points à l’ordre du jour. Nous devons suspendre l’examen de ces textes au terme du délai de quatre heures, soit à treize heures.

proposition de loi visant à apporter un cadre stable d’épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français

TITRE Ier

RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DE L’INTÉRÊT DES MINEURS DÉLAISSÉS ET DES PUPILLES D’ÉTAT

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 7 rectifié

Article 1er

L’article 381-1 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le mineur est âgé de moins de trois ans, le délaissement est constaté au bout de six mois. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, sur l’article.

Mme Josiane Costes. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous présenter cet article, afin qu’il ne soit pas mal interprété.

Comme vous le savez, la loi de 2016 a remplacé la déclaration judiciaire d’abandon par celle du délaissement parental en supprimant l’élément d’intentionnalité qui résultait de la législation antérieure.

La modification que je vous propose aujourd’hui consiste à affiner cet instrument en fonction de l’âge de l’enfant concerné par le délaissement parental, afin de permettre aux institutions de protection de l’enfance de réagir plus rapidement au moment où l’enfant est le plus vulnérable.

Au-dessous de 3 ans, les études de neurosciences soulignent à quel point cette période est structurante pour le développement affectif de l’enfant. L’absence de scolarisation est également susceptible de renforcer l’isolement affectif lorsque les parents font défaut. Il m’a donc paru nécessaire de réduire la période de délaissement susceptible de déclencher cette procédure judiciaire.

Nous connaissons tous les bouleversements que peut induire une naissance pour les parents. Mais il ne s’agit pas en l’occurrence de retirer de sa famille un enfant parce que l’un de ses parents serait atteint d’une dépression passagère. Nous disposons déjà du recul de la jurisprudence civile appliquée à la déclaration d’abandon comme indicateur. Cette jurisprudence paraît particulièrement protectrice de l’intérêt supérieur de l’enfant. Ainsi, les juges ont parfois écarté une telle procédure lorsqu’elle aurait paradoxalement conduit à éloigner l’enfant d’une famille d’accueil à laquelle il était très attaché, alors que tous les critères de l’abandon étaient retenus.

En outre, la jurisprudence garantit également qu’un mineur délaissé pris en charge par un autre membre de sa famille – les grands-parents, par exemple – ne puisse faire l’objet de cette procédure.

En définitive, cette proposition vise essentiellement les enfants n’entrant pas dans les catégories que je viens d’évoquer et se trouvant véritablement délaissés. Elle permettrait un accès plus facile au juge en raison de leur très jeune âge, afin qu’ils puissent se voir offrir plus rapidement un projet de prise en charge plus structurant, et potentiellement une adoption en forme simple.

Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. L’article 1er de la proposition de loi prévoit que la déclaration judiciaire de délaissement peut être prononcée pour les mineurs de moins de 3 ans après un délaissement de six mois.

Cette mesure s’inspire du système existant en Grande-Bretagne et tend à éloigner le plus rapidement possible les enfants les plus jeunes de leur famille biologique lorsque celle-ci est considérée comme pouvant être dangereuse pour eux.

La durée de délaissement actuellement fixée à un an doit être maintenue. La diviser de moitié pourrait donner lieu à des dérives, notamment s’agissant du nombre d’enfants pouvant faire l’objet d’une adoption. Si la durée de six mois était adoptée, comment seront traitées à l’avenir les situations où le parent, malade ou traversant une crise, ne peut pas pour des raisons de santé se manifester auprès de son enfant durant ce laps de temps ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. Le délai d’un an pris en compte pour constater le délaissement parental me semble raisonnable ; il permet de prendre en compte les accidents de la vie auxquels peuvent être confrontés certains parents.

Il y a lieu non pas d’accélérer cette procédure, mais plutôt de mieux l’appliquer, notamment de détecter plus tôt les situations de délaissement grâce à un examen régulier de la situation des enfants.

Je l’ai dit dans mon propos liminaire, le lien entre délaissement et adoption n’est pas automatique. Tous les enfants délaissés ne deviennent pas pupilles de l’État et tous les pupilles de l’État ne sont pas nécessairement adoptables. Les raisons de la non-adoptabilité ne sont pas toujours liées à l’âge de l’enfant. C’est pourquoi la commission n’a pas adopté l’article 1er. Elle est donc favorable à cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Je suis également favorable à cet amendement, globalement pour les mêmes raisons que la commission.

La procédure de déclaration judiciaire de délaissement parental a été créée par la loi de 2016 pour se substituer à l’ancienne déclaration judiciaire d’abandon. Il s’agissait notamment de faciliter le recours à la procédure de délaissement parental et de fixer des critères objectifs au délaissement centrés sur la personne de l’enfant.

Plus de quatre ans après l’entrée en vigueur de cette loi, le bilan est plutôt positif puisque le nombre de demandes faites a plus que doublé et que les rejets sont rares : 32 rejets pour 689 demandes sur l’année 2018.

L’article 1er prévoit une nouvelle évolution des textes pour permettre qu’un délaissement soit constaté au bout de seulement six mois pour les enfants de moins de 3 ans, ce qui me paraît quelque peu disproportionné et probablement inadapté.

Si de jeunes parents ou une jeune mère isolée peuvent être fragilisés par la naissance, ils peuvent se ressaisir – c’est tout le sens de la protection de l’enfance. Notre rôle est d’accompagner les parents en difficulté et de leur apporter un soutien approprié. Il n’est donc pas souhaitable pour l’enfant de le couper de ses parents après seulement six mois si un travail éducatif peut être effectué. C’est l’une de nos ambitions, notamment dans le volet prévention. Je pense au programme concernant les 1000 premiers jours de la vie de l’enfant.

Aucune adoption ne pourrait être étudiée sereinement et dans l’intérêt de l’enfant si les droits de la famille d’origine n’ont pas été pris en compte.

Les textes actuels sur la déclaration judiciaire de délaissement parental sont équilibrés et répondent aux objectifs fixés, en mettant au cœur des procédures l’intérêt de l’enfant.

Afin de répondre à votre préoccupation, madame la sénatrice, un compromis a été élaboré ; vous aurez l’occasion de le défendre et nous aurons le plaisir de le soutenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

M. Xavier Iacovelli. Je ne suis pas favorable au délai de six mois et je voterai en faveur de cet amendement de suppression. L’intérêt supérieur de l’enfant doit être défendu, mais nous nous heurtons à des réalités de terrain : six mois, malheureusement, dans les faits et dans la pratique, c’est peu réalisable.

Il serait peut-être plus intéressant de s’assurer que les commissions d’examen de la situation et du statut des enfants confiés instaurées par la loi de 2016 soient réellement mises en place dans tous les départements.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 10.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er est supprimé.

Article 1er
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Article 2

Article additionnel après l’article 1er

Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre II du livre II du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° À la deuxième phrase du cinquième alinéa de l’article L. 223-1, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;

2° À la première phrase du deuxième alinéa et au troisième alinéa de l’article L. 223-5, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Cet amendement, qui rejoint la préoccupation exprimée à l’article 1er, vise à adapter les procédures de protection de l’enfant en fonction de son âge, afin d’accompagner au mieux son développement.

Les services de l’aide sociale à l’enfance élaborent tous les six mois, pour les enfants de moins de 2 ans, un rapport établi après une évaluation pluridisciplinaire, qui fait l’objet d’un examen à l’échelon de chaque département par une commission spécifique. Il est proposé d’étendre cette évaluation régulière au-delà de l’âge de 2 ans, jusqu’à 3 ans, âge théorique de la scolarisation en classe maternelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. La commission approuve l’initiative de Mme Costes d’inclure les enfants âgés de 2 à 3 ans dans le suivi opéré tous les six mois par les services de l’ASE. Son avis est donc favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er.

Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 7 rectifié
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Article 3

Article 2

L’article 381-2 du code civil est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « , après que des mesures appropriées de soutien aux parents leur ont été proposées » sont supprimés ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le tribunal statue dans le délai de deux mois après l’introduction de la requête, qui peut être réduit à un mois pour les mineurs de trois ans. »

Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. L’article 2 de la proposition de loi tend à renforcer la procédure de déclaration judiciaire de délaissement. Depuis 2016, le constat a été fait que l’obligation de proposer aux parents délaissants des mesures appropriées contribuait à protéger les parents, et non pas l’intérêt de l’enfant.

Dans le cas d’un mineur de moins de 3 ans, la prise de décision du juge serait accélérée par une limitation à un mois de l’instruction. Cette durée passerait à deux mois pour les mineurs de plus de 3 ans.

Cet amendement tend à supprimer cet article, qui aurait pour conséquence de priver l’enfant de ses parents temporairement empêchés. En effet, n’importe quel parent peut-être confronté à un moment donné à des difficultés passagères de durée variable, sans qu’il souhaite pour autant abandonner son enfant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. Les mesures de soutien donnent une chance aux parents en difficulté de s’investir dans le travail éducatif. Elles permettent, ensuite, au juge de caractériser leur absence d’implication. Elles sont conformes à l’article 18 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), qui impose aux États parties d’accorder l’aide appropriée aux parents et aux représentants légaux de l’enfant dans l’exercice de la responsabilité qui leur incombe d’élever cet enfant. La commission des lois s’est donc prononcée contre la suppression de l’obligation de proposer des mesures de soutien aux parents délaissants.

Pour ce qui est de la durée d’examen des demandes en déclaration judiciaire de délaissement, imposer au tribunal judiciaire un délai de deux mois, voire d’un mois, pour se prononcer, semble irréaliste et peu souhaitable. Le tribunal doit pouvoir réunir des éléments d’information, recueillir l’avis du juge des enfants et organiser un débat contradictoire. Il y va de l’intérêt de l’enfant et des droits de la défense.

L’avis de la commission est donc favorable à cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. L’article 2, dont vous demandez la suppression, monsieur le sénateur, prévoit de supprimer ce devoir qui consiste à apporter des mesures de soutien aux parents. Or, pour caractériser une absence d’implication des parents, il faut nécessairement leur avoir donné la possibilité, et donc les moyens, de s’investir dans le travail éducatif.

Il n’est pas facile d’être parent et l’on n’apprend pas à l’être, tandis que l’on nous enseigne beaucoup de choses dans la vie, comme conduire ou traverser la rue…

Certains parents ont des vulnérabilités de toute nature, et pas seulement sociales, qui peuvent leur poser des difficultés pour éduquer leurs enfants. Il est important que nous soyons à leurs côtés pour les aider. Si rien n’est proposé à cette fin, il serait particulièrement abusif de prononcer un délaissement parental, qui ne serait en aucun cas conforme à l’intérêt de l’enfant.

L’article 2 prévoit, par ailleurs, un délai de traitement de deux mois, voire d’un mois, qui nous semble contraire, d’une part, à l’expérience des juges, auxquels il faut laisser une marge de manœuvre pour apprécier les situations et, d’autre part, à l’intérêt des enfants.

Ces enjeux étant considérables et cet équilibre ne devant pas être remis en cause, l’avis du Gouvernement est favorable sur cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 est supprimé.

Article 2
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Article 4

Article 3

Au dernier alinéa de l’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « est porté sur le procès-verbal » sont remplacés par les mots : « porté sur le procès-verbal précise le cas échéant la forme d’adoption retenue ».

Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Supprimer cet article

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. L’article 3 de la proposition de loi promeut l’adoption simple auprès des parents souhaitant placer leur enfant au sein des services de l’ASE en vue d’une adoption. L’objectif serait de réduire le risque d’instabilité pour l’enfant pouvant résulter d’une reprise. Il s’agit de laisser une place à la famille biologique.

Le présent amendement vise à supprimer ce dispositif. Ce sont les parents adoptifs qui doivent décider du type d’adoption qu’ils choisissent pour leur enfant. L’adoption plénière est la forme la plus protectrice d’adoption pour le nouveau lien familial.

L’article 3 de la proposition de loi semble avoir pour objet de tenir compte de la décision des parents biologiques, voire de l’imposer. Or la persistance du lien biologique peut avoir de graves conséquences pour l’enfant, notamment une incompréhension de sa situation entre la famille biologique et sa famille adoptive.

Cette situation est constatée par rapport aux familles d’accueil. Dans cette hypothèse, le maintien du lien avec les parents biologiques tout au long de la minorité mène à des situations d’échec, et parfois à de fortes perturbations pour l’enfant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. Il n’est pas souhaitable, et je rejoins M. Bonhomme sur ce point, que les parents biologiques choisissent le mode d’adoption de leur enfant.

L’adoption doit se faire dans l’intérêt de l’enfant et selon le mode qui lui est le plus bénéfique. C’est in fine au conseil de famille, au nom de cet intérêt supérieur, qu’il revient de décider.

La commission considère que la nouvelle rédaction de l’article visé que va proposer Mme Costes représente un compromis acceptable, car elle met en avant le consentement des parents et non plus leur choix.

Je demande donc à François Bonhomme de bien vouloir retirer son amendement au profit de celui que va présenter Josiane Costes.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Je suis d’accord avec tout ce qui a été dit, à une nuance près. L’avis des parents qui confient leur enfant peut contribuer utilement à la construction du projet d’adoption, même s’il ne peut s’agir d’un choix exclusif guidant ce projet.

Cet avis, qui ne serait pas systématiquement recueilli, peut participer, j’y insiste, à la réussite du projet d’adoption. Il faut laisser cette possibilité. Tel est l’objet de l’amendement que présentera Mme Costes, auquel je serai favorable.

Je demande donc le retrait de l’amendement n° 12 ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Bonhomme, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?

M. François Bonhomme. Non, madame la présidente ; puisque Mme Costes propose un compromis satisfaisant, c’est avec plaisir que j’accepte de retirer mon amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 12 est retiré.

L’amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Au dernier alinéa de l’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « procès-verbal », sont insérés les mots : « en précisant le cas échéant le type d’adoption auquel il est consenti » et le mot : « celui-ci » est remplacé par les mots : « ce procès-verbal ».

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Je vais tenter de lever les inquiétudes exprimées par François Bonhomme et d’autres collègues à propos du présent article.

L’article 3 de notre proposition de loi vise à instaurer une relation de confiance entre les parents biologiques et les services sociaux, dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Chacun d’entre nous peut imaginer l’état émotionnel d’un parent qui constate son incapacité à exercer son autorité parentale et qui est amené à envisager l’adoption de son enfant par une autre famille. Nous pensons que la possibilité, ouverte par l’adoption simple, pour l’enfant d’explorer lorsqu’il le souhaitera ses origines, après s’être développé dans un univers familial beaucoup plus structuré, peut inciter davantage de parents biologiques en situation très difficile à faire ce choix-là, dans l’intérêt supérieur de leur enfant.

L’adoption simple n’efface pas les liens biologiques et permet même de conserver le patronyme d’origine de l’enfant. Le souhait exprimé par les parents biologiques sur la forme d’adoption ne serait en aucune façon contraignant pour le conseil de famille.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Cette proposition relève des dispositions qui permettent de fluidifier et de simplifier les procédures d’adoption, et d’encourager le recours à l’adoption simple instaurée par la loi de 2016.

Que les choses soient bien claires : il ne s’agit que de l’expression d’un souhait. C’est bien le conseil de famille, au nom du seul intérêt supérieur de l’enfant, qui prend la décision. C’est un point cardinal, qui ne change pas.

L’avis du Gouvernement est favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé.

Article 3
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Article 5

Article 4

Après le mot : « repris », la fin de la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 224-6 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigée : « par celui de ses père ou mère qui l’avait confié au service, après un entretien avec le tuteur et la convocation du conseil de famille dans les meilleurs délais. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.

Mme Esther Benbassa. L’article 4, dans sa rédaction actuelle, vise à encadrer les conditions de reprise par ses parents d’un enfant placé auprès des services de l’ASE. Deux formalités sont exigées : un entretien avec le tuteur de l’enfant et la convocation du conseil de famille.

Nous pouvons, hélas, craindre qu’un tel dispositif ne soit contre-productif et ne stigmatise les parents ayant délaissé leur enfant, alors que toutes les familles ayant eu recours à une telle procédure ne possèdent pas le même profil.

Tous les parents « délaissants » ne sont pas forcément maltraitants. Certains préfèrent confier leurs enfants à l’ASE en raison de problèmes sociaux, financiers, ou encore sanitaires. Or la maladie ou les problèmes d’argent peuvent parfaitement être passagers. Il ne serait donc pas compréhensible de refuser un retour simple des enfants au sein d’un foyer ayant retrouvé une situation normale.

Le droit positif est par ailleurs suffisamment protecteur, dans la mesure où un accompagnement médical, psychologique, éducatif et social des parents et de l’enfant est proposé pendant les trois années qui suivent la procédure de délaissement.

Bien que nous partagions tous l’objectif défendu par Mme Costes, à savoir l’intérêt supérieur de l’enfant, il ne nous semble pas que cet article soit de nature à en garantir l’effectivité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, sur l’article.

Mme Josiane Costes. Dans le même esprit que les précédents, cet article vise à mieux articuler l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit de ses parents de mener une vie familiale normale, en renforçant les conditions de reprise de l’enfant par ses parents biologiques à l’issue du placement auprès des services de l’ASE.

En effet, lors d’un tel placement, l’enfant n’a pas la capacité de choisir et d’être maître de son sort, contrairement à son parent. Sa vulnérabilité est plus grande et, de ce fait, son intérêt supérieur nous paraît primer sur le droit du parent de mener une vie familiale normale.

La décision, prise en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), à laquelle il est fait référence dans le rapport, concernait un père biologique qui ignorait la date et le lieu de naissance de l’enfant, et n’avait donc pas pu s’opposer au placement de l’enfant né sous X auprès des services de l’ASE. Il s’agit d’un cas de figure très précis, non représentatif des situations donnant lieu au placement d’enfants auprès de ces services. L’équilibre trouvé par le Conseil constitutionnel face à ce cas d’espèce ne me paraît pas avoir vocation à être généralisé.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l’article.

M. Xavier Iacovelli. Dans chaque procédure d’assistance éducative, il devrait être obligatoire de prévoir une assistance juridique, notamment celle qui est prise en charge par un avocat, pour les parents, mais aussi pour les enfants, dont la vulnérabilité a été évoquée.

Il arrive que les intérêts de l’enfant soient en contradiction avec ceux de sa famille biologique. Une assistance juridique quasiment systématique, assurée par un avocat, permettrait de régler un certain nombre de problèmes.

Je comprends l’argument selon lequel l’ASE a un rôle de protection de l’enfant, mais je pense qu’il faut prévoir, en plus, une assistance juridique.

Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Supprimer cet article

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. L’article 4 de la proposition de loi renforce les conditions de reprise d’un enfant placé auprès des services de l’ASE, sur l’initiative de l’un de ses parents ou des deux. Selon le droit positif, cette reprise peut intervenir sans aucune formalité. Le renforcement des conditions de celle-ci serait justifié par une meilleure prise en compte de l’intérêt de l’enfant.

Le dispositif proposé dans cet article n’est pas à la hauteur des enjeux. Le présent amendement tend donc à le supprimer.

Les conditions de reprise de l’enfant sont d’ores et déjà strictes, et il serait souhaitable que l’accompagnement du parent et de l’enfant, prévu à l’article L. 224-6 du code de l’action sociale et des familles, relève du juge des enfants et non pas du président du conseil départemental. En effet, la pratique a tendance à démontrer que ce dernier subordonne toutes ses décisions aux seules préconisations de l’ASE, lesquelles ne se fondent pas toujours sur le seul intérêt de l’enfant.

La mesure d’accompagnement devrait être le résultat d’une décision juridictionnelle, après lecture du rapport de l’ASE et consultation de l’avis des autres intervenants qui assistent l’enfant, y compris son avocat.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. L’article 4 vise à rendre plus difficile la reprise d’un enfant remis à l’ASE par ses parents, en imposant deux formalités : un entretien avec le tuteur et la convocation du conseil de famille, dont on ignore d’ailleurs le rôle – pourrait-il s’opposer au retour de l’enfant chez ses parents ?

Ce dispositif est susceptible de rompre l’équilibre établi par l’article L. 224-6 du code de l’action sociale et des familles, et souligné par le Conseil constitutionnel, entre les droits des parents de naissance et l’objectif de favoriser l’adoption. Le délai de réflexion de deux mois est déjà bref au regard des conséquences de la décision prise de remettre son enfant à l’ASE….

L’avis de la commission est donc favorable sur cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. M. le rapporteur a été très convaincant. La loi de 2016 prévoit que le conseil départemental propose un accompagnement social, psychologique, éducatif des parents et de l’enfant pendant les trois ans suivant la restitution d’un enfant à ses parents. Ce dispositif nous semble approprié et il serait dommage de le remettre en cause.

L’avis du Gouvernement est favorable sur cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 13.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 4 est supprimé.

TITRE II

AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS PLACÉS AUPRÈS DES SERVICES DE L’ASE AU-DELÀ DE LEUR MAJORITÉ

Article 4
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Article 6

Article 5

La première phrase du troisième alinéa de l’article L. 421-4 du code de l’action sociale et des familles est complétée par les mots : « ou à la demande l’intéressé ».

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Véronique Guillotin, rapporteure pour avis. Je rappelle que la commission des affaires sociales n’a pas souhaité adopter le présent article, au motif qu’il était déjà satisfait.

Le droit en vigueur ne prévoit aucun nombre minimal concernant les agréments. L’assistant familial peut être agréé pour l’accueil d’un seul enfant.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5.

(Larticle 5 nest pas adopté.)

Article 5
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Article additionnel avant l'article 7 - Amendement n° 9 rectifié

Article 6

Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° L’article L. 121-7 est complété par un 10° ainsi rédigé :

« 10° Les dépenses d’aide sociale obligatoires engagées en faveur des personnes mentionnées à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 222-5. » ;

2° À l’article L. 131-2, après le mot : « application », sont insérées les références : « des 1° à 9° » ;

3° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 222-5 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette prise en charge est obligatoire pour les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans lorsqu’ils ont à la fois bénéficié d’une prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité, qu’ils sont en situation de rupture familiale ou ne bénéficient pas d’un soutien matériel et moral de la famille, et qu’ils ne disposent ni de ressources financières, ni d’un logement, ni d’un hébergement sécurisant. »

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l’article.

M. Xavier Iacovelli. Lors de la discussion générale, évoquant la question des contrats jeune majeur, j’ai rappelé des chiffres : 70 % des jeunes de l’ASE sortent sans diplôme du système éducatif, 40 % des personnes sans domicile fixe de moins de 25 ans ont eu un parcours à l’ASE… M. le secrétaire d’État rappelait également que 66 % des mineurs pris en charge par la protection de l’enfance avaient déjà un an de retard scolaire à partir de la classe de sixième.

Conscient de cette réalité, le Gouvernement a décidé de mettre fin à toutes les sorties sèches de l’ASE pendant la durée du confinement, et j’espère aussi pendant celle de l’état d’urgence sanitaire, afin de protéger ces jeunes majeurs face aux risques auxquels ils sont exposés.

Vous avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, votre engagement pour éviter que les jeunes pris en charge par l’ASE ne se retrouvent livrés à eux-mêmes à l’âge de 18 ans, sans ressources, sans logement, sans accompagnement. J’espère que vous nous donnerez des chiffres encourageants sur la contractualisation prévue avec les départements et sur les premiers résultats de ce plan de protection. Cette priorité est au cœur de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, que le Gouvernement a mise en place, et je m’en réjouis.

Dans un certain nombre de départements, les contrats jeune majeur font office de variable d’ajustement. Comme le disait la ministre Laurence Rossignol en 2016, la protection de l’enfance, et particulièrement la question de ces contrats, est l’angle mort des politiques sociales.

J’ai entendu dire en commission que des jeunes de 18 ans avaient envie de quitter très vite les services de l’ASE… Or il s’agit de prévoir non pas l’obligation d’y rester jusqu’à l’âge de 21 ans, mais la possibilité pour les enfants qui en ont besoin d’être suivis jusqu’à 21 ans.

Et encore cet âge n’est-il pas la panacée, mes chers collègues : laissons-nous nos propres enfants, notamment lorsqu’ils suivent des études, partir à 21 ans de la maison ? Ces jeunes-là ont encore besoin d’accompagnement et du soutien de l’ASE !

Je suis favorable aux dispositions de cet article, que j’avais inscrites dans ma proposition de loi déposée en juillet dernier. Je ne me dédirai donc pas.

Nous ne pouvons plus accepter que les jeunes pris en charge par l’ASE, qui sont fragiles et dont le parcours a souvent été difficile, soient jetés à la rue à 18 ans.

Dans mon département, les Hauts-de-Seine, qui n’a pas de problèmes d’argent, nous avons malgré tout beaucoup de mal à accueillir des contrats jeune majeur…

Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole, mon cher collègue !

M. Xavier Iacovelli. Alors, je reprendrai la parole ultérieurement, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, sur l’article.

Mme Josiane Costes. Pour reprendre les propos de Xavier Iacovelli, les contrats jeune majeur sont vraiment nécessaires. On n’empêchera pas les jeunes de 18 ans qui ont envie de quitter l’ASE de le faire, bien entendu. Il n’en reste pas moins que de nombreux jeunes ont besoin d’un accompagnement complémentaire.

Les chiffres ont été donnés. On sait que dans les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), que j’ai eu l’occasion de visiter, 50 % des jeunes sont issus de l’ASE. Il ne faut pas se voiler la face !

Pour sortir de l’ASE, 18 ans, c’est beaucoup trop jeune. Même nos enfants qui vivent bien encadrés dans des familles structurées et aimantes ne sont pas prêts, à 18 ans, à affronter la vie. Des enfants qui ont subi des parcours chaotiques, déstructurants ont a fortiori besoin d’être accompagnés.

L’adoption simple serait un moyen de dégager des fonds. Les conseils départementaux auraient ainsi moins à débourser, et cet argent pourrait être consacré à l’accompagnement des jeunes de plus de 18 ans.

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, sur l’article.

Mme Élisabeth Doineau. Ce sujet me tient particulièrement à cœur. Je pense que l’on prive les jeunes de l’ASE d’un choix. Or avoir le choix, c’est un luxe qu’il faut leur offrir.

La proposition qui est faite dans l’article est assez séduisante, mais les jeunes qui ont été longtemps suivis par l’ASE ont parfois envie de rompre ce lien, et il faudrait leur permettre de faire ce choix, de ne plus appartenir à cette catégorie de jeunes.

Ceux qui veulent continuer à être pris en charge par l’ASE, avec un contrat jeune majeur, doivent pouvoir le faire. Mais pourquoi prévoir cette barrière des 21 ans ? Ce n’est parfois pas suffisant !

J’aimerais que l’on voie aussi le verre à moitié plein et que l’on ne s’arrête pas aux mauvais exemples. Je viens de recevoir un courriel par lequel on m’indique qu’un jeune mineur non accompagné (MNA), soutenu par un contrat jeune majeur – un dispositif que je vais favoriser dans mon département –, vient d’être admis, à la suite de son inscription sur Parcoursup, en internat au lycée Louis-le-Grand.

Ces bons exemples, il faut les mettre en avant ! Il y a dans nos départements de belles réussites en termes d’études supérieures, d’apprentissage et dans d’autres parcours. C’est par l’exemple que l’on parviendra à hisser tout le monde vers le haut.

Il faut aussi compter sur la réserve civique, dont on a vu lors de la crise du Covid combien elle était précieuse. On devrait proposer à ces jeunes d’être sous la responsabilité non plus des départements, mais d’autres institutions et organismes qui les accompagneraient et qui les soutiendraient autrement, sans leurs éducateurs habituels.

Nous pouvons, les uns et les autres, travailler sur ce sujet, y réfléchir tous ensemble, et pas seulement à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi. Ces jeunes ont le droit d’avoir ce luxe du choix, comme tous les autres enfants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.

Mme Michelle Gréaume. Il est très important de soutenir les jeunes âgés de plus de 18 ans. J’ai rencontré beaucoup de ces jeunes et je peux vous dire qu’il y a des familles qui ne voient plus leurs enfants. Il faut savoir aussi que les enfants ne sont pas forcément repris par les parents.

Certains jeunes, à l’âge de 18 ans, veulent se battre pour sortir de l’ASE, mais pour cela ils ont besoin d’aides techniques, financières, et d’aides pour se loger. Il faut en être conscient et ne pas les laisser sur le trottoir. Beaucoup d’enfants qui sortent de l’ASE sont aujourd’hui SDF !

Je vais faire un retour en arrière, à l’époque de la création du revenu minimum d’insertion (RMI). Auparavant, les jeunes qui sortaient de l’armée, ou de l’école avec un diplôme, avaient déjà des ressources : on leur versait une allocation chômage de 1 200 francs. Lorsque le RMI a été créé, les jeunes Français n’ont plus reçu cette somme, pas plus qu’une autre aide ; tout a été intégré dans le RMI, puis dans le revenu de solidarité active (RSA). Or cet argent permettait aux jeunes de rebondir.

Il faut donner un espoir à ces jeunes, même s’ils font une erreur. Quels jeunes de 18 ans sont aujourd’hui capables de maîtriser leur avenir ? Vos enfants et vos petits-enfants, mes chers collègues, n’ont-ils pas eu le droit de faire une erreur ? La différence, c’est que nos enfants ont des parents pour les aider et les soutenir.

Il est très important de donner cette aide à ces jeunes. Ainsi, croyez-moi, ils ne tomberont pas demain dans la délinquance ou dans les mains de mafieux, parce qu’ils se battront davantage que les autres pour s’en sortir et quitter l’ASE. Soyons là pour les soutenir !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Véronique Guillotin, rapporteure pour avis. L’article 6 prévoit de rendre obligatoire l’accompagnement jusqu’à 21 ans. Il ne dispose pas que l’on cesse de s’occuper des jeunes quand ils atteignent l’âge de 18 ou 21 ans !

La commission des affaires sociales a préféré conserver une forme de souplesse dans l’organisation, en laissant les choses en l’état. L’idée est la suivante : les jeunes à partir de l’âge de 18 ans qui le veulent – je rejoins Élisabeth Doineau – et qui en ont besoin peuvent être accompagnés par les départements en bénéficiant d’un contrat jeune majeur. Nous avons donc préféré ne pas rendre obligatoire cet accompagnement.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Des choses importantes ont été dites, concernant notamment l’autonomie, qui implique le choix.

Xavier Iacovelli a bien présenté le problème. Comment accompagne-t-on ces enfants vers l’autonomie ? Cette question se pose parfois sur le terrain pour les jeunes de 17 ans et 9 mois, et il faut y travailler, mais il faut aussi le faire dès le début de leur histoire.

Le fait que 66 % de ces gamins aient déjà un an de retard au moment de l’entrée en sixième et que 70 % d’entre eux ne fassent pas d’études supérieures – j’entends bien que l’enseignement supérieur n’est pas l’alpha et l’oméga et qu’il y a, bien sûr, d’autres voies –, porte atteinte à leur autonomie future. La question de leur accompagnement vers l’autonomie se pose donc tout au long de leur parcours, en travaillant sur les aspects éducatif et professionnel, et sur l’intégration sociale au sens large.

Permettez-moi à mon tour, madame Gréaume, de faire un retour dans le temps.

En 1989, notre pays comptait peu d’institutions pour les adultes handicapés – il n’y en a pas encore assez aujourd’hui, mais la société change… –, car, c’était bien connu, les handicapés ne vieillissaient pas ! Cette année-là, le grand acteur Michel Creton, qui avait un fils polyhandicapé, a fait voter l’amendement qui porte son nom.

Trente ans après, où en sommes-nous ? La situation n’est pas résolue ! Il y a des adultes, et même beaucoup, dans des instituts médico-éducatifs pour enfants, qui – pardonnez-moi cette expression, d’autant que je suis un fervent partisan de la société inclusive – occupent des places qui ne sont par conséquent plus disponibles pour des enfants et dont le handicap se révèle plus élevé que celui des personnes de leur âge qui ne sont pas en institution, puisque l’accompagnement dont ils bénéficient n’est évidemment pas adapté.

Je l’ai dit et je l’assume – cela m’a valu quelques inimitiés –, je ne serai pas le secrétaire d’État d’un amendement Creton pour l’aide sociale à l’enfance. Nous avons les moyens d’accompagner ces enfants vers l’autonomie et nous commençons déjà de le faire. Oui, nous avons une obligation de résultat, car il est insupportable d’imaginer qu’un enfant, passé ou non par les services de l’aide sociale à l’enfance, puisse terminer à la rue.

Dès 2018, avant ma nomination, un volet spécifique a été dédié à cette question dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, avec – même si ce chiffre macro n’a pas grand sens – l’attribution de 12 millions d’euros aux départements pour financer quelque chose de très important : le lien. Sans doute, il y a le problème du logement – j’y reviendrai –, mais le fait de maintenir un lien est crucial. Vous l’avez très bien dit, pour l’enfant sans famille qui atteint 18 ans, un accompagnement social, les liens qu’il a noués avec son éducateur, qui cessent, c’est aussi déstructurant que l’absence d’un toit.

Je dispose de premiers chiffres, transmis par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, qui portent sur 67 départements ; le rapporteur l’a évoqué dans son propos liminaire, il y a un problème de connaissance des données, mais il sera résolu par la réforme de la gouvernance que nous allons lancer.

L’année dernière, 14 000 jeunes ont atteint leur majorité. Sur ceux-ci, 10 500 ont bénéficié, dans le cadre du plan Pauvreté, d’un accompagnement, élaboré sur le fondement d’un référentiel conçu avec d’anciens bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance.

Sur ces 10 500 jeunes, 5 000 ont bénéficié du maintien du lien – la poursuite du suivi par un éducateur – et 7 000 ont eu un accompagnement financier dans la recherche de leur logement. Certes, la somme de ces deux chiffres dépasse 10 500, mais l’aide peut être multiple.

Les 3 500 jeunes qui n’ont pas eu d’accompagnement étaient dans un processus d’apprentissage, avaient déjà un travail, ou encore ne ressentaient pas le besoin de cet accompagnement, car un certain nombre de jeunes ne veulent qu’une chose une fois leur majorité atteinte : ne plus avoir affaire aux institutions.

Par ailleurs, je veux le répéter, on met aussi, dans le cadre la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance, des choses en place. J’évoquais précédemment l’expérimentation que nous menons avec l’Unhaj. Nous avons ainsi créé, de façon expérimentale, un fonds de solvabilisation, une sorte de subvention « coup de pouce », pour aider les jeunes à se loger, en prenant un appartement ou en intégrant un foyer de jeunes travailleurs.

Nous travaillons aussi avec le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous), qui a été mobilisé pour que les jeunes issus de l’aide sociale à l’enfance puissent avoir un accès prioritaire aux bourses et au logement étudiant, logement qu’ils peuvent garder pendant l’été, puisqu’ils n’ont nulle part où retourner. Quant à leur bourse, elle leur est versée pendant toute l’année.

Enfin, la garantie jeune doit pouvoir être mobilisée.

Par ailleurs, il faut également aller voir dans les territoires. Je me suis rendu dans le Val-de-Marne, avec la vice-présidente du conseil départemental, Isabelle Santiago, que vous connaissez probablement. Dans ce département, quand un gamin a 17 ans, tout le monde se met autour de la table – les représentants du département, de Pôle emploi, de la préfecture, des associations – et on commence à anticiper la situation du jeune pour envisager la manière de l’accompagner vers l’autonomie. C’est aussi de cela que l’on doit s’inspirer pour éviter les ruptures et améliorer la situation de ces jeunes.

L’ensemble de ces dispositifs, conjugués, permet, nous semble-t-il, d’éviter, de façon très pragmatique, concrète, proche de la réalité de ces enfants, le risque de tomber à la rue, davantage que des mesures couperet, dont il faut redouter les effets de bord et de seuil.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, sur l’article.

M. Philippe Mouiller. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai écouté attentivement votre explication et je comprends vos arguments.

Je veux simplement rebondir sur l’exemple que vous avez pris au travers de l’amendement Creton – je connais bien ce sujet dans le monde du handicap – et réagir d’une façon générale sur la prise en charge sociale des situations particulières des enfants.

En réalité, le problème, et le Gouvernement a entre les mains une partie de la réponse, c’est la suradministration des systèmes : à un moment donné, on fonctionne par case, par situation, par financement. On crée ainsi des ruptures de parcours de vie pour les différentes personnes concernées, que ce soient les personnes handicapées ou les enfants en difficulté.

L’amendement Creton était une réponse adaptée à la situation du moment, mais le vrai problème réside dans la barrière des 18 ans. Vous avez en main la possibilité de faire sauter cette barrière, mais celle-ci n’existe pas sans raison : avant 18 ans, c’est l’État qui paye et, au-delà, ce sont les départements. Par conséquent, tant que l’on ne réglera pas ce problème par la simplification, par la souplesse administrative, malgré les plus beaux discours, beaucoup de bonne volonté, nous rediscuterons sans cesse des mêmes situations, nous resterons dans l’incapacité d’agir.

Je le répète, le vrai problème réside dans la suradministration du système, tant pour le handicap que pour l’aide sociale à l’enfance. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6.

(Larticle 6 nest pas adopté.)

TITRE III

AMÉLIORER LA COORDINATION EN MATIÈRE D’ADOPTION ET DE PARRAINAGE

Article 6
Dossier législatif : proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français
Article 7

Article additionnel avant l’article 7

Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Avant l’article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 225-7 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette transmission se fait par l’alimentation d’un fichier national des agréments en vue de l’adoption dont les conditions de fonctionnement et de consultation sont fixées par décret en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Nous le savons, la départementalisation de l’aide sociale à l’enfance produit des inégalités d’accès à l’adoption pour les familles, selon leur situation géographique sur notre territoire.

En l’absence d’une gestion nationale, cela contribue à la déperdition démographique de certains départements et peut inciter de jeunes familles à déménager pour tenter de satisfaire leur désir d’enfant par voie adoptive.

Dans l’esprit de l’article 7 de la proposition de loi, qui renforce l’égal accès à l’adoption pour les familles adoptantes, quelle que soit leur situation géographique sur le territoire, cet amendement vise à la mise en œuvre d’une recommandation du rapport de l’inspection générale des affaires sociales de mars 2019 intitulé Contrôle des procédures dadoption dans le département de Seine-Maritime, et de la recommandation n° 21 du rapport sur l’adoption de Monique Limon et Corinne Imbert. Il s’agit de donner un fondement légal à la base nationale des agréments en vue de l’adoption, créée en 2013.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. L’amendement de Mme Costes vise à encadrer juridiquement le fichier national des agréments en vue de l’adoption.

Cela semble être une bonne initiative ; deux rapports l’ont recommandé et ce pourrait être la première étape d’un dispositif permettant une meilleure mutualisation des dossiers d’agrément entre départements. Les conseils départementaux pourraient plus facilement rechercher des familles en dehors de leur territoire, lorsque cela est nécessaire. Je pense en particulier aux enfants à besoins spécifiques, c’est-à-dire porteurs de pathologie ou de handicap, ou encore membres d’une fratrie. Ces enfants représentent près de la moitié des pupilles de l’État, mais correspondent rarement aux attentes des parents candidats à l’adoption ; il est donc plus difficile de leur trouver une famille.

Cela dit, il s’agit d’un domaine sensible, celui des données personnelles, et nous n’avons pas eu le temps d’expertiser cette mesure. La commission souhaite donc connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Dans la lignée des deux rapports que vous évoquiez, monsieur le rapporteur, dont celui de Mme la sénatrice Imbert et de Mme la députée Limon, cette mesure permettrait de fluidifier le système, de renforcer l’accompagnement des projets d’adoption, de faciliter les échanges. Nous avons tous entendu ces histoires et rencontré, dans nos circonscriptions, des parents nous disant qu’ils avaient un projet, qu’ils attendaient depuis des années et qu’ils avaient déposé un dossier dans un autre département.

On sent bien qu’il faut un pilotage national et davantage de fluidité. On le sait, cela ne suffira pas pour régler toutes les situations, mais, notamment pour les enfants à besoins spécifiques, cela peut permettre de faire coïncider un désir et d’enfant et un besoin de parents.

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. Favorable !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 9 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 7.

Article additionnel avant l'article 7 - Amendement n° 9 rectifié
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Article 8

Article 7

L’article L. 225-6 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Art. L. 225-6. – L’agrément ainsi délivré est valable dans tous les départements, dans des conditions précisées par décret. Lorsque des personnes à qui un refus ou un retrait d’agrément a été notifié changent de département de résidence, ce refus ou retrait leur demeure opposable. »

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 7.

(Larticle 7 nest pas adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

L’article L. 148-2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Art. L. 148-2. – Il est institué une Autorité centrale pour l’adoption chargée d’orienter et de coordonner l’action des administrations et des autorités compétentes en matière d’adoption et de parrainage à l’international. »

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8.

(Larticle 8 nest pas adopté.)

TITRE IV

IMPLICATIONS PÉCUNIAIRES DU DÉLAISSEMENT D’ENFANT

Article 8
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Article 10

Article 9

Le quatrième alinéa de l’article L. 521-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° La dernière phrase est ainsi modifiée :

a) Après le mot : « général », sont insérés les mots : « au vu d’un rapport établi par le service d’aide sociale à l’enfance » ;

b) Après le mot : « maintenir », il est inséré le mot : « partiellement » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « À compter du quatrième mois suivant la décision du juge, le montant de ce versement ne peut excéder 35 % de la part des allocations familiales dues pour cet enfant. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.

Mme Esther Benbassa. Le présent article 9 limite le montant de la part des allocations familiales versées à la famille en cas de placement de l’enfant auprès de l’aide sociale à l’enfance.

Actuellement, lorsqu’un enfant est placé, les allocations familiales sont en principe perçues par les services de l’ASE.

Toutefois, la loi prévoit une dérogation à ce principe, si un enfant fait l’objet d’une mesure judiciaire de placement. Le juge peut alors décider de maintenir le versement de ces allocations à la famille, dans le cas où celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l’enfant ou en vue de faciliter le retour de celui-ci dans son foyer. Dans ces cas spécifiques, la retenue partielle des allocations familiales ne saurait être justifiée, appropriée ou pertinente.

Par ailleurs, nous ne saurions ignorer que nombre de familles « délaissantes » le sont pour des raisons financières. La crise sanitaire liée au Covid-19 a mis encore plus en relief cette dimension dans les foyers modestes ; en attestent les besoins croissants d’aide alimentaire dans les familles.

Au regard de la conjoncture, il semble qu’une telle disposition fragiliserait encore plus les familles déjà paupérisées. Il ne paraît donc pas nécessaire de modifier la loi en vigueur.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, sur l’article.

M. Xavier Iacovelli. Je suis un peu embarrassé, parce que, dans ma proposition de loi figurait, mot pour mot, cette disposition. Il est donc difficile pour moi de m’opposer à cet article.

Pourtant, j’ai évolué sur ce sujet en un an et je pense qu’il faut laisser le juge décider de la suppression des allocations familiales. Encore une fois, on risque de précariser un peu plus les familles et de réduire à néant le retour éventuel des enfants en leur sein.

J’ai donc changé d’avis et je voterai pour la suppression de cet article.

Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par MM. Leconte et Sueur, Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Cet amendement permet de mettre en musique les interventions précédentes.

C’est vrai, des dispositions figurent déjà dans le droit et il nous semble utile de maintenir la souveraineté du juge, de lui laisser la faculté de prévoir une dérogation au principe inscrit à l’article L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles pour accompagner au mieux la famille dans son lien avec l’enfant. D’où cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

Mme Véronique Guillotin, rapporteure pour avis. La commission des affaires sociales a émis des réserves sur cet article 9, qui prévoit que l’attribution à la famille des allocations familiales dues au titre de l’enfant placé ne puisse être maintenue, sur décision du juge, qu’à titre partiel.

Il ressort des chiffres que nous avons obtenus qu’il n’est pas systématiquement dérogé au principe posé par la loi, selon lequel les allocations familiales sont versées à l’ASE lorsque l’enfant est placé ; par dérogation, sur décision du juge, elles peuvent continuer d’être versées à la famille si celle-ci participe à la prise en charge de l’enfant ou pour favoriser le retour de celui-ci dans le foyer.

Il semble donc préférable de laisser au juge le soin d’apprécier chaque cas, les situations familiales et les raisons du placement pouvant être très différentes.

En outre, depuis la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, l’allocation de rentrée scolaire n’est plus versée aux familles qui ont un enfant placé ; elle est versée à la Caisse des dépôts et consignations, qui en assure la gestion jusqu’à la majorité de l’enfant, date à laquelle le pécule est attribué à ce dernier.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement de suppression de l’article.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Il faut laisser au juge la pleine appréciation de la situation, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas deux familles pareilles, pas deux situations identiques. Que ferions-nous, par exemple, d’une fratrie dont un enfant seulement serait placé et qui connaîtrait déjà des difficultés sociales ? On enfoncerait encore plus la famille ? On empêcherait un possible retour de l’enfant, si tant est que cela soit son intérêt, dans sa famille ? Il faut vraiment laisser l’appréciation au juge, parce que, je le répète, il n’y a pas deux situations identiques et qu’il faut prendre en compte la situation familiale.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis favorable sur cet amendement de suppression.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 9 est supprimé et l’amendement n° 15 n’a plus d’objet.

TITRE V

MIEUX PROTÉGER LES MINEURS ISOLÉS ÉTRANGERS

SOUS-TITRE Ier

RENFORCER LEUR PROTECTION JUDICIAIRE ET FACILITER LEUR ADOPTION

Article 9
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Article 11

Article 10

Le deuxième alinéa de l’article 377 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le désintérêt des parents de mineurs isolés étrangers est présumé. »

Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 377 du code civil est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque les parents ne résident pas sur le sol français, l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale est présumée. » ;

2° À la première phrase du dernier alinéa, après les mots : « au présent article, », sont insérés les mots : « sauf lorsqu’ils résident à l’étranger, ».

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. L’article 10 de notre proposition de loi permet de sortir de l’hypocrisie, relative aux mineurs isolés étrangers, qui consiste à considérer que le maintien de contacts dématérialisés de ces mineurs avec leur famille d’origine, qui est souvent une réalité, suffit à leur apporter la protection nécessaire qui convient à leur âge.

L’amendement n° 21 rectifié tend à préciser le dispositif initial, en instaurant une présomption d’impossibilité d’exercer l’autorité parentale pour des parents situés à l’étranger. Cette disposition ne vise évidemment pas les jeunes étrangers venus en France pour effectuer des études, correctement domiciliés et pris en charge par des membres ou des proches de leur famille ; elle a pour objet de mieux protéger les adolescents arrivés sur notre sol au terme de parcours dangereux, fragilisés par cette expérience et par l’absence de protection et de prise en charge par un adulte digne de confiance, une fois atteint le sol français. Il s’agit simplement de prendre acte de leur isolement et de la vulnérabilité qui en découle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. L’amendement n° 21 rectifié vise à instaurer une présomption d’impossibilité d’exercice de l’autorité parentale à l’égard des parents qui ne résident pas sur le territoire national. L’objectif est toujours de faciliter la délégation, aux services de l’ASE, de l’autorité parentale exercée sur les mineurs isolés présents sur le territoire.

Néanmoins, malgré la nouvelle rédaction suggérée pour l’article 10, cette disposition présente toujours de sérieuses difficultés, que nous avions relevées en commission ; l’innovation proposée serait particulièrement attentatoire au droit des parents de ces enfants, qui risqueraient de se voir systématiquement retirer l’autorité parentale ; on ne peut pas déduire du simple éloignement géographique des conséquences aussi définitives sur cette dernière. D’ailleurs, les acteurs de terrain nous ont confirmé que certains parents de mineurs non accompagnés connaissent, voire souvent soutiennent, le parcours migratoire de leur enfant.

Ainsi, cette disposition, conçue de manière bien trop large, s’appliquerait abusivement aux enfants de tous les Français de l’étranger qui résident dans un autre pays, de même qu’aux jeunes étrangers qui viennent en France, dans le cadre d’une année de stage ou d’un échange scolaire.

Par conséquent, il est préférable de s’en tenir au droit en vigueur ; il faut laisser pleinement le juge apprécier, au cas par cas, si l’éloignement rend ou non les parents incapables d’exercer leur autorité parentale, sans créer une nouvelle présomption juridique.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.

Mme Michelle Gréaume. On peut parler de délaissement à propos de certains enfants arrivés en France ; beaucoup ont été obligés de se prostituer pour passer la frontière. Cette mesure pourrait les protéger.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. J’ai l’impression que, en voulant faire mieux, on propose quelque chose de pire.

Je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, on ne peut pas préjuger que le fait d’envoyer son enfant en France pour échapper à une situation particulièrement difficile témoigne d’un désintérêt pour lui. Considérer que ces parents se désintéressent de leur enfant nous semblait déjà difficile, mais, au travers de cet amendement, on ajoute le risque que tout Français habitant à l’étranger et envoyant son enfant en France se retrouve dans cette situation. On peut débattre du premier point, mais le risque associé au second ne me semble pas raisonnable dans la situation actuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

M. Xavier Iacovelli. Je voterai contre cet amendement, parce que les textes actuels permettent d’ores et déjà de constater la vacance de l’autorité parentale. Nul besoin d’en rajouter, surtout dans la confusion.

En revanche, il faudrait se pencher sur les critères d’évaluation de l’isolement des mineurs non accompagnés conduisant à leur protection, parce que cette évaluation est trop souvent subjective et conduit à des recours massifs devant le tribunal administratif. C’est un des sujets dont nous devrions débattre prochainement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 10.

(Larticle 10 nest pas adopté.)

Article 10
Dossier législatif : proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français
Article 12

Article 11

L’article 21 du code civil est ainsi modifié :

1° Il est ajouté le mot : « majeur » ;

2° Est ajoutée la phrase : « Lorsqu’il est mineur au moment de l’initiation de la procédure d’adoption, l’adopté en forme simple reçoit la nationalité française dans les mêmes conditions que l’adopté en forme plénière. »

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 11.

(Larticle 11 nest pas adopté.)

Article 11
Dossier législatif : proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français
Article 13

Article 12

Le premier alinéa de l’article 377-1 du code civil est complété par les mots : « , si l’enfant est un mineur isolé étranger, par le juge des enfants ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, sur l’article.

Mme Josiane Costes. La question des mineurs étrangers isolés ne bouleverse pas seulement les rapports entre l’État et les départements, elle modifie également la charge contentieuse au sein des juridictions.

Lors de nos visites de terrain, nous avons évoqué avec des juges la possibilité de concentrer le suivi de ces mineurs sur les juges des enfants. Cela a été dit, malgré la grande mobilisation d’associations très engagées auprès d’eux, ces mineurs manquent souvent d’adultes de référence. Dès lors, nous pensons qu’il serait souhaitable de limiter le nombre de figures d’autorité autour d’eux et de confier le suivi judiciaire de leur prise en charge au seul juge des enfants.

Nous entendons l’argument relatif à la cohérence et à la nécessité de préserver des blocs de compétences ; néanmoins, vu l’importance croissante du nombre de jeunes concernés, il nous semble indispensable d’adapter toutes nos institutions, y compris l’institution judiciaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Marc, rapporteur. Je souhaite simplement expliquer pourquoi la commission est contre cet article : le juge naturel de l’autorité parentale est le juge aux affaires familiales.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement est également opposé à cet article.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 12.

(Larticle 12 nest pas adopté.)

SOUS-TITRE II

SIMPLIFIER LEURS DÉMARCHES ADMINISTRATIVES

Article 12
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Article 14

Article 13

Le I de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Tout mineur étranger dont les parents ne résident pas sur le sol français. »

Mme la présidente. L’amendement n° 19 rectifié bis, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le 1° du I de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le mineur étranger âgé de plus de quinze ans est privé de la protection de sa famille ou confié à l’aide sociale à l’enfance, il peut se faire assister lors de l’ouverture du compte par une personne de confiance autre que son représentant légal. »

La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. L’article 13 et le présent amendement revêtent une importance capitale. Il s’agit de faciliter l’ouverture de comptes en banque pour les mineurs isolés étrangers, afin que ceux-ci n’aient pas à conserver, sur eux, en liquide, les allocations qui leur sont versées pour survivre.

Je l’ai expliqué devant la commission, cela expose ces enfants à une grande violence ou les pousse à recourir à la violence pour se défendre. Cette violence produit de l’insécurité, qui ne convient à personne. En début d’année, au mois de février, un jeune homme est mort, pour quelques centaines d’euros, et je voudrais tout faire pour prévenir ces situations.

Cet article répond donc à la volonté de mieux faire respecter, en France, l’article 19 de la Convention internationale des droits de l’enfant qui prévoit, je le rappelle, que les « États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle ».

Après en avoir discuté avec des associations, il est apparu que la difficulté de se faire accompagner par un représentant légal constitue le principal obstacle. Je propose de prévoir que ces mineurs puissent faire seuls la démarche, dès qu’ils atteignent l’âge de travailler dans le cadre de contrats d’apprentissage. Après nos échanges en commission, la rédaction a évolué.

Il s’agit d’un point essentiel, selon moi : quand ils veulent travailler, quand ils veulent s’engager dans un contrat d’apprentissage – beaucoup d’entre eux veulent s’insérer –, ces jeunes ont besoin d’un compte en banque.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. Cet amendement nous semble aller dans le bon sens. C’est pourquoi la commission émet un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Nous nous rejoignons évidemment quant à la nécessité que l’article 19 de la convention précitée soit respecté et surtout que, très concrètement, ces enfants puissent bénéficier effectivement de ce droit au compte. Je pense que c’est cela le sujet, en réalité : il s’agit moins du droit au compte que de l’effectivité de pouvoir en bénéficier.

On a pu voir, pendant la période de confinement, un certain nombre de jeunes mineurs non accompagnés avoir des difficultés à bénéficier des allocations diverses et variées auxquelles ils avaient droit, heureusement de manière pas toujours aussi dramatique que dans la situation qui a été exposée.

Cela dit, nous ressentons le besoin de travailler davantage sur le sujet.

D’une part, cet amendement nous paraît créer une discrimination entre mineurs étrangers et mineurs français, puisque seuls les mineurs étrangers pourront bénéficier de cette disposition.

Mme Josiane Costes. Ils ont des difficultés plus grandes.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Certes, ils sont confrontés à des difficultés que d’autres n’ont pas, je vous le concède aisément, mais la réalité du droit est celle-ci.

D’autre part, en France, le régime de l’administration légale des biens par les titulaires de l’autorité parentale est un système de représentation. C’est probablement sur ce sujet que nous devrons travailler avec, notamment, la Fédération bancaire française. La démarche accomplie par le représentant légal pour demander l’ouverture d’un compte au nom du mineur n’est pas un simple accompagnement ; c’est le représentant légal qui demande l’ouverture du compte et, avant 16 ans, c’est même lui qui le fait fonctionner, à une exception près, les dépôts sur un livret d’épargne.

Il nous paraît important, dans ce contexte, de conserver une cohérence dans les règles qui régissent ce régime de protection des mineurs, a fortiori étrangers. Ce point ne nous semble pas devoir être traité au travers de la procédure particulière du droit au compte.

Toutefois, je le répète, nous partageons l’objectif. J’ai bien entendu l’avis de la commission. En tout état de cause, quelle que soit l’issue du vote, nous nous engageons à travailler pour assurer une plus grande effectivité de ce droit au compte.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.

M. Xavier Iacovelli. Aujourd’hui, ouvrir un compte est une galère pour les mineurs non accompagnés. La plupart des banques demandent un titre de séjour. Or, par définition, ces jeunes n’en ont pas !

Il faudrait effectivement qu’un simple passeport puisse suffire à ouvrir un compte, mais on voit bien qu’il y a des blocages de la part des banques, qui le refusent quasi systématiquement. C’est un vrai sujet.

Cela dit, je ne voterai pas en faveur de cet amendement, ayant entendu l’engagement de M. le secrétaire d’État à travailler avec Bercy et avec les banques pour essayer de trouver une solution afin de régler cette situation.

Je remercie Josiane Costes d’avoir mis ce problème en lumière.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le secrétaire d’État, le problème que nous évoquons est majeur, et pas seulement pour les mineurs non accompagnés. Je pourrais vous citer bien des mineurs faisant des études supérieures en France et dont les parents vivent à l’étranger qui ont droit à une bourse du Crous et qui, à cette période de l’année, n’en ont toujours pas perçu un euro, parce qu’ils n’ont pu ouvrir un compte bancaire.

On nous promet depuis des années que l’on va travailler sur ce sujet majeur. Il faut maintenant voter !

Monsieur le rapporteur, je ne suis pas certain que ce soit juste une question d’effectivité : jusqu’à présent, ce droit n’a tout simplement pas été reconnu aux mineurs.

Que faire ? L’adoption de l’amendement de Mme Costes fera automatiquement tomber le mien. Or sa rédaction est moins « dure », puisqu’il part du postulat que le droit au compte est effectif, ce qui, à mon sens, est discutable. S’il est adopté, il faut aussi que la disposition s’applique aux mineurs français qui font des études supérieures.

Par conséquent, je vais déposer un sous-amendement à l’amendement de Mme Costes, afin de supprimer l’adjectif « étranger » de son dispositif. Cela permettra de gérer tous les cas et de répondre à l’une de vos observations, monsieur le secrétaire d’État.

Mme la présidente. Monsieur Leconte, il est trop tard pour déposer un sous-amendement lors de la discussion d’un amendement.

La parole est à Mme Josiane Costes, pour explication de vote.

Mme Josiane Costes. Ce sujet est absolument majeur.

Dans mon département, il n’y a pas de chômage. Au contraire, les employeurs des secteurs de l’hôtellerie, de la restauration, du bâtiment ne parviennent pas à recruter. Ils sont très mécontents, car, dans le même temps, il y a des jeunes qui veulent s’insérer dans la société, signer des contrats d’apprentissage, mais qui ne peuvent le faire, faute de pouvoir se faire verser leur salaire. C’est dramatique !

Je suis prête à modifier mon amendement. Le Gouvernement ne pourrait-il pas en améliorer la rédaction de manière que celui-ci puisse être adopté ? Cette question est vraiment essentielle.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, vous avez semblé considérer qu’il n’était pas possible de déposer un sous-amendement lors de la discussion d’un amendement. J’ai l’honneur de vous demander sur quel article du règlement se fonde votre analyse.

Dans ce débat très riche, il est apparu qu’il y avait un intérêt à supprimer le mot « étranger ». En effet, comme mon collègue Jean-Yves Leconte l’a dit avec force, il est absurde que des jeunes qui ont droit à une bourse ne puissent pas la percevoir. C’est un problème concret, que tout le monde comprend.

Madame la présidente, je vous demande de bien vouloir soumettre le sous-amendement proposé au vote avant l’amendement, comme le veut la logique.

Mme la présidente. Je le ferai bien volontiers quand je l’aurai sous les yeux, mon cher collègue, ce qui ne saurait tarder…

Je suis saisie du sous-amendement n° 23, présenté par M. Leconte, et ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer le mot :

étranger

Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. Je comprends mon collègue Jean-Yves Leconte, mais le dispositif proposé par Mme Costes concerne spécifiquement des enfants placés à l’ASE.

Je ne conteste pas la possibilité de le modifier, mais le sous-amendement me semble quelque peu inutile en l’état actuel. Nous ne sommes qu’au début du parcours législatif de cette proposition de loi. Nous verrons ensuite si des éléments positifs du texte seront intégrés à un futur projet de loi ou complétés à l’Assemblée nationale.

Cela dit, la commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Je vous remercie de m’avoir sensibilisé à ce sujet, dont je n’avais pas forcément pleinement conscience.

J’émets un avis défavorable, mais je m’engage de nouveau, dans le cadre de la navette parlementaire ou des différents projets que nous avons lancés, à travailler avec le ministère de l’économie et des finances – vous aurez compris qu’une partie de la réponse se trouve à Bercy.

Monsieur le sénateur, je vous assure que je travaillerai sur cette question, même s’il me semble à moi aussi – je suis assez d’accord avec M. le rapporteur – que les deux sujets sont différents.

Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 23.

(Le sous-amendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 13 est ainsi rédigé et l’amendement n° 5 n’a plus d’objet.

Article 13
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Article 15

Article 14

La section 6 du chapitre IV du titre II du code des douanes est complétée par un article 67-2 ainsi rédigé :

« Art. 67-2. – Un certificat d’authentification de titre d’identité comportant les informations utiles à l’identification de la personne sur le territoire national est délivré par les services douaniers à l’occasion d’un premier contrôle. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, sur l’article.

Mme Josiane Costes. Je souhaite insister sur l’importance de cet article, qui vise à garantir l’effectivité du droit prévu à l’article 27 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, tout en permettant une bonne administration.

En effet, l’absence de titres d’identité reconnus comme authentiques complexifie toutes les procédures administratives et judiciaires dans les États de droit comme le nôtre, qui reposent sur des preuves écrites. Il s’agit à la fois d’une perte de temps pour la personne concernée et pour l’administration.

L’objet de cet article est donc de permettre à toute personne se trouvant sur le territoire français d’être fixée définitivement sur l’authenticité attribuée au titre d’identité dont elle se prévaut, afin de limiter les recours inutiles.

Les informations dont nous disposons nous laissent penser que nos services diplomatiques et consulaires sont à même d’exercer ce contrôle rapidement et qu’une telle mesure ne comporterait pas de risque de rétention aux frontières. Ces vérifications ont déjà lieu au moment de la soumission des demandes de visas et ne concerneraient donc pas les personnes en disposant.

Il s’agit également d’une protection pour la personne titulaire de ce titre d’identité, laquelle ne pourrait pas se le voir refuser par une autorité administrative non compétente.

Mme la présidente. L’amendement n° 16, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Bonhomme.

M. François Bonhomme. L’article 14 de la proposition de loi vise à permettre la délivrance d’un certificat d’authentification de titre d’identité unique par les services des douanes, afin de simplifier les démarches administratives des mineurs isolés étrangers, notamment en cas de dysfonctionnement de leurs services consulaires.

Le présent amendement tend à supprimer cet article, en raison du délai particulièrement long nécessaire à la délivrance d’un tel document. Il en résulterait un risque de rétention accrue aux frontières.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement de suppression. En effet, il ne nous semble pas opportun que les services des douanes délivrent des certificats d’authenticité. Cela créerait de nombreux problèmes.

La rédaction de l’article est trop large. Surtout, sa portée juridique est incertaine et son adoption poserait de très importantes difficultés opérationnelles.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Favorable, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 14 est supprimé et l’amendement n° 20 rectifié n’a plus d’objet.

Article 14
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 15

La première phrase de l’article L. 313-15 du code d’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifiée :

1° Au début, les mots : « À titre exceptionnel et » sont supprimés ;

2° Les mots « depuis au moins six mois » sont supprimés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes, sur l’article.

Mme Josiane Costes. Le présent article vise à faciliter l’accès des mineurs isolés étrangers aux contrats d’apprentissage, afin de leur permettre d’accéder plus rapidement à une autonomie financière et de s’émanciper par le travail.

Comme je l’ai déjà dit, dans beaucoup de départements, dont le mien, des postes sont vacants dans de très nombreux secteurs. Il me paraît dès lors inconcevable de refuser à de jeunes volontaires qui veulent s’intégrer d’y candidater, au seul motif de leur nationalité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, sur l’article.

Mme Nadia Sollogoub. Je souhaite aller encore plus loin que Mme Costes et porter ici la parole des élus qui m’ont saisie à plusieurs reprises depuis le début de mon mandat sur des cas particuliers.

Ainsi, un collègue maire m’a fait part de la situation d’un jeune homme, intégré dans l’équipe des services techniques de la mairie et donnant parfaite satisfaction, qui, pour une histoire brumeuse de documents d’identité, s’est retrouvé sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

On m’a parlé de cas similaires : celui d’une jeune femme aspirant à devenir préparatrice en pharmacie et bénévole régulière aux Restaurants du cœur, celui d’un jeune homme qui maintenait l’équipe de football locale, en lui permettant d’enregistrer de bonnes performances…

Ces jeunes sont des forces vives pour nos territoires, qui, pour certains, en ont grandement besoin, et pas seulement pour occuper les emplois. Tous ces rendez-vous manqués sont regrettables. Il faudrait plus de souplesse dans l’instruction des dossiers.

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Sollogoub, M. Henno, Mme Vullien, M. Cadic, Mme Vérien, MM. Détraigne et Longeot, Mme Rauscent, M. Prince, Mme Gatel, MM. Cigolotti et Le Nay et Mmes Gréaume, Bonfanti-Dossat, Berthet et Saint-Pé, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

Après la première phrase du même article L. 313-15 est insérée une phrase ainsi rédigée : « La carte de séjour temporaire peut être délivrée dans les mêmes conditions lorsque l’étranger demandeur justifie d’un contrat d’engagement au titre du service civique. »

La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement vise à élargir les possibilités de régularisation aux jeunes ayant souscrit un engagement au titre du service civique.

Je pourrais encore m’étendre sur leur investissement associatif ou sportif. Je dirai, en bref, que nous avons parfois grand besoin des ressources que représentent tous ces jeunes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Marc, rapporteur. Ma chère collègue, nous comprenons vos arguments.

Cependant, imaginez les conséquences que pourrait avoir l’automaticité de l’autorisation de séjour pour ceux qui sont engagés dans un service civique en amont ! Je pense à ceux qui font régulièrement passer des jeunes en situation illégale sur le territoire.

Je crois qu’il faut laisser les préfets agir sur le terrain. Vous avez cité des cas particuliers. Je pourrai en citer d’autres, dont j’ai eu connaissance dans mon département.

Malheureusement, si l’entrée dans le service civique garantissait une autorisation de séjour, nous verrions rapidement beaucoup de jeunes entrer illégalement sur le territoire.

C’est surtout pour cette raison – il y en a d’autres – que la commission est défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement comme à l’article 15.

La suppression du délai de six mois prévu à l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui permet d’encadrer la délivrance des titres de séjour, aurait pour effet de donner plus de latitude. Je ne suis pas sûr que cela ne serait pas contre-productif au regard de votre objectif.

Dans le cadre de la stratégie du Gouvernement pour l’asile et l’immigration, nous avons travaillé avec le ministre de l’intérieur pour faire en sorte de mieux intégrer, lorsque cela est possible, les mineurs non accompagnés qui se trouvent sur notre sol.

Je me suis appuyé sur ce que j’ai constaté dans les territoires. De fait, monsieur Ravier, derrière les fantasmes que brandissent un certain nombre, il y a des réalités humaines et territoriales. Or, sur le terrain, on voit des jeunes dont le parcours pour venir chez nous a été dramatique. On voit des jeunes non francophones qui apprennent le français en quelques mois, qui ont envie de bosser et qui s’inscrivent dans des filières d’apprentissage. Mme Costes a raison, un certain nombre d’entreprises, sur les territoires, n’ont qu’une envie : pouvoir embaucher ces jeunes.

Je pense que la clé est l’anticipation. Là aussi, comme pour les jeunes majeurs dont nous parlions, n’attendons pas que le couperet s’abatte pour commencer à se poser des questions. Ne laissons pas suspendre une épée de Damoclès au-dessus de la tête de ces jeunes – on la sent jusque dans le regard de ceux que l’on rencontre.

Dans l’Oise, par exemple – j’espère ne pas me tromper : me déplaçant beaucoup sur le terrain, il m’arrive de confondre les territoires, aussi spécifiques et magnifiques soient-ils –, le préfet et le département ont passé une convention pour que l’on commence à examiner la situation du jeune au plus tard à ses 17 ans. On étudie la trajectoire dans laquelle il s’inscrit, on regarde si l’on peut anticiper son intégration dans la société française… Cette première évaluation ne vaut pas décision, mais elle permet de calmer un peu les angoisses du jeune, qui a, ainsi, une perspective. Surtout, elle permet qu’une décision soit prise pour ses 18 ans et qu’il n’ait pas à subir un délai d’examen susceptible d’entraîner une rupture supplémentaire dans son parcours. Il s’agit d’éviter, par exemple, qu’il doive quitter sa filière d’apprentissage parce qu’il n’a plus de papiers. Cela permet donc également de fluidifier les parcours.

Une disposition de la loi Asile et immigration prévoit l’extension, par circulaire, de ce type de procédure à l’ensemble du territoire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Alors que nous parvenons à la fin de son examen en séance, force est de constater que ce texte a été largement modifié. Les dispositions dont il s’agit n’en demeurent pas moins essentielles.

Bien entendu, on peut toujours faire preuve de bonne volonté, au cas par cas. On peut toujours prévoir des dérogations par circulaire, lorsque cela est possible.

Cependant, c’est en affirmant des droits et en pariant sur l’intégration par le travail que la République s’est construite dans les moments où elle parvenait à accueillir et à intégrer les étrangers.

L’article 15 et l’amendement vont dans ce sens. Il faut voter les deux !

Il s’agit véritablement de faire un pari sur l’intégration républicaine par le travail. Il faut le faire non par le biais de faveurs ponctuelles des préfets, mais en affirmant des droits.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.

Mme Nadia Sollogoub. Monsieur Leconte, je vous remercie de votre soutien.

Néanmoins, je vais retirer mon amendement, qui – je pense que vous l’aurez compris – était essentiellement un amendement d’appel.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai vraiment été sensible à vos propos. Je vous invite dans mon département, la Nièvre : nous avons des cas concrets à vous présenter. Nous aurions vraiment besoin de votre aide pour pouvoir les résoudre ensemble.

Cela dit, je retire mon amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 1 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 15.

(Larticle 15 nest pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 15
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, modifiée.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes.

Mme Josiane Costes. Madame la présidente, je veux remercier M. le secrétaire d’État, M. le rapporteur, Mme la rapporteure pour avis et l’ensemble de mes collègues de la qualité des débats. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SOCR et CRCE.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à apporter un cadre stable d'épanouissement et de développement aux mineurs vulnérables sur le territoire français
 

3

Retrait de l’ordre du jour d’une proposition de résolution

Mme la présidente. La parole est à M. le président du groupe RDSE.

M. Jean-Claude Requier, président du groupe RDSE. Madame la présidente, les débats ont été fructueux, mais un peu longs.

Vu l’heure avancée, je vous propose de reporter l’examen de la proposition de résolution visant à encourager le développement de l’assurance récolte au prochain espace réservé du groupe RDSE, qui se tiendra le 24 juin prochain. En effet, je trouverais dommage que nous commencions la discussion générale de ce texte, pour l’achever un mois plus tard. Il vaut mieux maintenir l’unité de l’examen de cette proposition de résolution, d’autant que nous avons beaucoup à faire actuellement.

Mme la présidente. Acte vous en est donné, mon cher collègue.

L’examen de la proposition de résolution visant à encourager le développement de l’assurance récolte est donc retiré de notre ordre du jour.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour un rappel au règlement.

M. Jean-François Husson. Madame la secrétaire d’État, la prise en charge par l’État d’une partie des dépenses relatives aux masques mis à la disposition des Français, qui relève de votre compétence, est un sujet important.

Vous le savez, les collectivités territoriales ont engagé beaucoup de dépenses de matériels de protection. Le 5 mai, j’avais interrogé Mme Gourault, en rappelant les annonces du Premier ministre : une prise en charge des dépenses locales pour l’achat des masques à hauteur de 50 % sous réserve que la commande soit postérieure au 13 avril. Comme je l’avais alors souligné, celles et ceux qui ont pris des initiatives plus tôt se retrouvent malheureusement victimes d’un dispositif inéquitable et injuste.

M. Lecornu avait répondu le même jour qu’au lieu de cibler certaines catégories de collectivités au risque de créer une usine à gaz, le choix avait été fait de les viser toutes, en partant du principe que les plus grosses et les plus riches aideraient les plus petites et les plus pauvres à irriguer le territoire en masques grand public. Il insistait également sur la « souplesse » du dispositif, la date de référence étant la date de facturation, et non celle de livraison. Or, depuis, une instruction du Premier ministre évoque toujours la date de commande.

Le sujet me paraît trop important. Il faut – c’est le cas de le dire ! – arrêter la guerre des masques. Le Président de la République a déclaré que l’État serait présent « quoi qu’il en coûte ». Je pense qu’une position claire, rassurante et digne de l’importance du sujet s’impose. L’ensemble des collectivités ayant pris des initiatives doivent bénéficier de la participation de l’État à hauteur de 50 %, quelle que soit la date non plus de commande, mais de facturation – celle-ci sera forcément postérieure au 13 avril, ce qui permettra d’englober tous les cas de figure – jusqu’au bornage indiqué, actuellement fixé au 1er juin. J’attends que l’État soit au rendez-vous, une fois de plus !

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.

5

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires
Discussion générale (suite)

Plafonnement des frais bancaires

Adoption d’une proposition de loi modifiée

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires
Article unique

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et républicain, de la proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires, présentée par MM. Patrick Kanner, Claude Raynal, Vincent Éblé, Mme Laurence Rossignol, M. Jacques Bigot et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 339, résultat des travaux de la commission n° 447, rapport n° 446).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi.

M. Rémi Féraud, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en déposant cette proposition de loi au début de l’année, nous étions bien loin d’imaginer l’intensité de la crise sanitaire dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, ainsi que les conséquences économiques et sociales dramatiques qui frappent désormais un grand nombre de nos concitoyens. En effet, si notre pays connaît une augmentation des inégalités sociales depuis plusieurs années et si la question du pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations et du débat politique depuis 2018, la crise risque d’accentuer encore bien davantage les disparités sociales, la précarité et les difficultés financières des plus modestes.

Dès lors, nous avons le devoir de définir des mécanismes visant à contenir une telle dégradation, en limitant autant que possible la baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyens. C’est pourquoi la question des frais bancaires est si importante aujourd’hui. Ces frais maintiennent la tête sous l’eau de ceux qui sont déjà en difficulté et nuisent directement à l’efficacité des actions publiques menées pour les aider à sortir de cette situation. Ils constituent donc un levier sur lequel nous devons agir, puisque nous en avons la possibilité. C’est l’objet de la proposition de loi que j’ai l’honneur de présenter, au nom du groupe socialiste et républicain.

La situation actuelle n’est plus acceptable. Ainsi, l’association 60 millions de consommateurs considérait en 2018 que les frais liés aux incidents de paiement coûtaient chaque année 34 euros en moyenne à chaque Français, mais près de 300 euros à ceux qui étaient en difficulté persistante. Cette même étude montrait aussi qu’un foyer en difficulté financière sur cinq était prélevé à hauteur de 500 euros par an au total. Si l’on compare ce montant à la somme perçue par les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ou bien au niveau du seuil de pauvreté, il est difficile d’imaginer comment les personnes concernées peuvent s’en sortir. Par exemple, l’aide exceptionnelle de 200 euros que le Gouvernement a mise en place pour les étudiants au mois de juin servira souvent à peine à combler les frais bancaires accumulés pendant cette période. C’est aberrant !

Selon l’Observatoire de l’inclusion bancaire, en 2019, en France, 3,6 millions de personnes étaient considérées comme en situation de fragilité bancaire. Ce sont autant de Français qui auraient dû bénéficier d’un plafonnement effectif des frais bancaires. Car, et c’est peut-être le chiffre le plus parlant, plus de 90 % des personnes qui perçoivent moins de 1800 euros de revenus mensuels, c’est-à-dire le salaire médian en France, payent plus de 40 euros de frais pour incident par mois. Nous devons agir. Je sais que nous sommes nombreux à partager cette volonté. À nos yeux, ce plafonnement doit être entendu au sens large, et non limité aux seuls incidents de paiement, si nous voulons que notre action ait des répercussions fortes sur le pouvoir d’achat.

À plusieurs reprises, le Gouvernement a pris des engagements ces dernières années.

En réponse à la crise des gilets jaunes, le Président de la République a lui-même promis au mois de décembre 2018 de plafonner les frais bancaires pour les plus fragiles de nos concitoyens. Car, dans la crise démocratique et sociale qui venait de se déclencher avec tant de violence, l’enjeu des frais bancaires était l’une des revendications mises en avant avec force et apparaissait comme un levier sur lequel l’État pouvait agir.

Interrogé dans cet hémicycle par Laurence Rossignol au mois de novembre dernier, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, a réitéré ces engagements : plafonner les incidents bancaires à 20 euros par mois et 200 euros par an dans le cadre de l’offre spécifique ; augmenter le nombre de clients bénéficiaires de cette offre ; plafonner les frais d’incidents bancaires à 25 euros par mois pour les personnes aux revenus modestes n’ayant pas nécessairement besoin de l’offre.

Force est de constater que ces mots n’ont toujours pas été suivis d’effets. Et pour cause : la bonne volonté du Gouvernement est moins grande que la mauvaise volonté des banques !

Ainsi, lors de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, le Gouvernement a fait supprimer l’amendement du groupe socialiste qui visait à protéger les ménages les plus fragiles des frais et commissions pour incident bancaire au cours de cette période. Cet amendement avait pourtant été adopté très largement par le Sénat. Écoutez bien l’exposé des motifs de l’amendement de suppression déposé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale : « Cette disposition pourrait créer des effets d’aubaine importants ou susciter des effets indésirables, notamment en réduisant les incitations à honorer certains paiements dus. » C’est de cette logique punitive qu’il faut sortir, car elle enfonce les plus fragiles et les plus pauvres et, plus largement, tous ceux dont les revenus couvrent à peine les dépenses incontournables. Même le ministre Olivier Véran a reconnu : « Je ne l’aurais pas écrit ainsi et je regrette ces mots qui n’ont pas à figurer dans un exposé sommaire quand il s’agit de frais bancaires pour des personnes précaires. » Madame la secrétaire d’État, qui a donc rédigé un tel exposé des motifs ?

M. Rémi Féraud. Depuis, Bruno Le Maire a de nouveau affirmé qu’il n’y avait pas lieu de renforcer le cadre légal existant relatif aux frais bancaires, dans une déclaration faite quarante-huit heures après l’inscription de cette proposition de loi à notre ordre du jour. Heureuse coïncidence…

C’est pour mettre fin à de telles tergiversations que Patrick Kanner, mes collègues du groupe socialiste et républicain et moi-même avons déposé cette proposition de loi. Ce texte, s’il ne répond sans doute pas à toutes les problématiques, permettra néanmoins, en cas d’adoption, d’en traiter une partie importante.

Je ne veux pas être trop long sur le dispositif lui-même. Je sais que le rapporteur, Michel Canevet, y reviendra. Je tiens d’ailleurs à le remercier de son travail au nom de la commission des finances.

D’abord, en modifiant le code monétaire et financier, l’article unique de notre proposition de loi vise à intégrer dans les plafonnements définis par décret la problématique des frais bancaires. Nous l’avons souligné, ceux-ci ont connu une croissance très soutenue ces dernières années et servent beaucoup trop aux établissements bancaires de variable d’ajustement pour leurs marges. La somme perçue – je parle des frais visant l’ensemble des services bancaires – représente au total près de 30 milliards d’euros par an. Ainsi, les plafonnements s’appliqueraient aux sommes perçues par les banques pour les incidents de paiement et pour les différents et très nombreux services bancaires proposés par les établissements.

Ensuite, nous proposons que les plafonds spécifiques dont peuvent bénéficier les personnes en situation de fragilité bancaire atteignent au maximum le tiers du plafond général existant. Il s’agit là d’un enjeu important sur le plan social : éviter que les plus modestes ne soient ceux qui contribuent le plus en réalité, comme c’est le cas aujourd’hui.

Enfin, dans la mesure où il est avéré que les établissements bancaires ne sont pas suffisamment coopératifs en matière de reconnaissance des personnes en situation de fragilité et qu’ils ont toujours l’interprétation la plus restrictive possible, nous voulons ouvrir aux présidents de conseil départemental, de centre communal ou intercommunal d’action sociale, ainsi qu’à la Banque de France la possibilité d’exiger d’un établissement bancaire l’application du statut de personne en situation de fragilité. Car ce que nous constatons aujourd’hui, c’est une interprétation trop restrictive de la part des banques : certains bénéficiaires qui devraient en relever y échappent, la plupart en bénéficient trop tardivement et en sortent ensuite trop rapidement, rendant l’offre spécifique, qui est un progrès, largement inopérante.

Par ailleurs, une fois n’est pas coutume, le groupe socialiste a déposé des amendements sur son propre texte. Ceux-ci visent à prendre en compte la situation de crise sanitaire qui est apparue après le dépôt de la proposition de loi. Les modifications suggérées permettront d’inclure les citoyens les plus durement touchés par la crise dans les dispositions que nous proposons d’adopter, comme nous l’avons déjà voté ensemble lors de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire.

J’espère que le Sénat confirmera son engagement en ce sens, comme il l’a fait, malgré l’avis défavorable du Gouvernement, à une très large majorité voilà tout juste deux semaines.

Mes chers collègues, l’urgence sociale nous impose de ne pas renoncer. Face à cette crise, encore plus qu’hier, nous avons le devoir de protéger les plus modestes avant les bénéfices réalisés par les banques. Sur le sujet des frais bancaires, si important pour les Français, nous avons déjà beaucoup attendu. Il est maintenant temps de vraiment changer les choses, donc de légiférer ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Canevet, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier le groupe socialiste, tout particulièrement Rémi Féraud, qui connaît parfaitement le dossier, d’avoir déposé la présente proposition de loi tendant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires. Le sujet est important.

Vous le savez tous, la question des frais bancaires a fait l’objet de différents textes législatifs depuis un certain nombre d’années. Ainsi, la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires a institué des mesures de plafonnement pour ceux qui doivent faire face à des incidents de paiement ou à des irrégularités.

En France, nous avons la chance d’avoir un réseau bancaire particulièrement important et dense, constitué de plus d’une centaine d’institutions financières, qui offrent des produits très diversifiés et variés. Cela permet à la clientèle d’opérer des choix s’agissant des services à en attendre. Cet élément mérite d’être signalé.

Nous sommes tous particulièrement attachés au maintien de la présence bancaire sur le territoire. Le réseau se compose d’un grand nombre d’agences, dont on déplore parfois la réduction, de même que celle des distributeurs automatiques de billets. Le groupe Les Indépendants a déposé plusieurs textes visant à améliorer l’offre territoriale de distributeurs de billets. Les institutions financières ont donc un rôle essentiel dans notre pays.

La proposition de loi a été déposée avant la crise actuelle. La pandémie a modifié la perception que l’on pouvait avoir des institutions financières. Si les choses ne se sont pas trop mal passées en matière financière, c’est parce que les établissements concernés ont su faire preuve de célérité et de simplicité dans l’application d’un certain nombre de dispositions. Je pense en particulier aux prêts garantis par l’État, qui ont tout de même été mis en œuvre dans des délais extrêmement brefs, avec des taux d’acceptation très élevés, preuve du bon fonctionnement du dispositif. Les institutions financières se sont également attachées à prendre différentes mesures, dont certaines étaient d’ailleurs suggérées par le Gouvernement ; je pense, par exemple, aux reports d’échéance. Elles ont également fait preuve de beaucoup plus de bienveillance s’agissant des frais pouvant être facturés en cas d’irrégularités et d’incidents de paiement. Nous devons, me semble-t-il, prendre ces éléments en compte et avoir conscience de la chance que nous avons eue de disposer d’un réseau bancaire aussi efficient.

La présente proposition de loi s’intéresse aux personnes en situation de fragilité financière, qui sont évaluées à environ 3,6 millions en France. Celles-ci sont inscrites soit au fichier des incidents de paiement, si elles ont été confrontées à de tels incidents pendant trois mois consécutifs, soit dans le dispositif des situations de surendettement, auquel cas elles sont automatiquement considérées comme étant en fragilité financière.

Les établissements financiers ont aussi leurs propres critères pour définir les personnes en situation de fragilité financière, à partir du niveau de ressources ou des incidents de paiement répétitifs qui sont observés. Dans ce cas, ainsi que cela a été évoqué, des dispositifs permettant de limiter les frais à 8 euros par opération et 80 euros par mois pour un client lambda sont mis en œuvre. L’offre spécifique, qui a été instituée depuis 2014, comprend un nombre minimal de services. Le nombre de bénéficiaires a augmenté significativement, passant de 380 000 personnes en 2018 à 487 000 aujourd’hui. En d’autres termes, environ 15 % des personnes peuvent être considérées comme étant en situation de fragilité financière. Pour les bénéficiaires de cette offre spécifique, le plafonnement est à 4 euros par opération et à 20 euros par mois. Nous le voyons, des dispositions existent, et elles ont montré tout leur intérêt.

La proposition de loi vise à intégrer l’ensemble des coûts bancaires, c’est-à-dire les frais liés aux incidents et aux services bancaires, dans ces plafonnements. Or, de mon point de vue, il ne faut pas remettre en cause notre système bancaire français, qui est particulièrement opérant. Si l’on réduit les moyens des banques, ne nous étonnons pas de les voir ensuite diminuer leur présence sur le territoire, se séparer de personnels et opter pour la dématérialisation, comme on le constate effectivement. Il faut que des personnes restent en relation avec les clients, pour jouer un rôle de conseil.

Par conséquent, la commission des finances a estimé qu’il n’était pas souhaitable d’adopter la présente proposition de loi.

Le texte prévoit en outre de donner à la Banque de France et aux présidents de conseil départemental et de centre communal ou intercommunal d’action sociale la possibilité d’enjoindre aux établissements financiers d’ouvrir des comptes au titre de l’offre spécifique pour les clients. Pour ma part, je considère que la responsabilité individuelle existe dans notre pays. Ne faisons pas les choses à la place des autres ! Le rôle des services sociaux est d’accompagner les personnes dans un certain nombre de démarches, pas de se substituer à elles dans l’exercice de leurs droits et libertés. Que chacun reste à sa place ! La commission des finances n’a donc pas jugé opportun de retenir une telle proposition.

Certes, des dispositifs existent, par exemple pour le droit au compte. Mais force est de constater qu’ils sont très peu usités : il y a eu deux interventions seulement en 2018. Leur existence, qui part de très bonnes intentions, n’est pas justifiée.

Il faut évidemment accompagner ceux qui ont des problèmes. C’est le rôle des points conseil budget (PCB), qui ont été institués en 2016. J’invite d’ailleurs le Gouvernement à continuer de lancer des appels à projets en ce sens, car l’objectif initial de 400 PCB n’est pas atteint ; on en dénombre seulement une centaine aujourd’hui. Il est souhaitable que les points conseil budget puissent se développer sur le territoire, car ils permettent à des personnes en situation de fragilité financière de mieux gérer leurs comptes. Certains ont en effet du mal à gérer leur situation financière. Le fait qu’il existe des frais à payer les conduit sans doute à réfléchir à cette question et incite les banquiers à s’y intéresser aussi, par exemple en proposant un accompagnement.

Pour terminer, je salue l’initiative que le Gouvernement a prise en 2018 et encore tout récemment pour inciter les établissements bancaires à avoir une approche beaucoup plus rigide, en contingentant le niveau des frais bancaires. Nous voyons que cela donne des résultats. Il faut continuer.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat et la concertation sont indispensables à la vie démocratique. C’est d’ailleurs la méthode que nous avons suivie depuis le début du quinquennat et que nous continuons de suivre pour répondre aux attentes de nos concitoyens et leur apporter les meilleures solutions possible.

C’est notamment le cas sur la maîtrise des frais bancaires. Le sujet est important, dans un contexte où nombre de nos concitoyens sont confrontés à une dégradation de leur situation économique et sociale.

Le plafonnement des frais d’incidents bancaires mis en place par le Gouvernement en faveur des publics fragiles est effectif. Il permet de soutenir nos concitoyens en difficulté dans la période actuelle. Le Gouvernement ne s’est pas contenté de promesses sur le sujet ; il a pris des mesures fortes qui s’appliquent désormais.

Première étape, au mois de septembre 2018, nous avons conclu un accord avec le secteur bancaire pour plafonner les frais d’incidents à 20 euros par mois et à 200 euros par an pour les publics bénéficiaires de l’offre dite « clients fragiles ». Cette offre spécifique, prévue par la loi depuis 2014, garantit l’accès aux services bancaires de base à un prix modique. Nous avions également fixé l’objectif d’une progression de 30 % du nombre de personnes bénéficiant de l’offre, soit environ 300 000 à l’époque.

Deuxième étape, au mois de décembre 2018, nous avons élargi le principe du plafonnement à tous les clients identifiés comme fragiles financièrement, permettant à plus de 3 millions de personnes d’être éligibles au dispositif. Les banques se sont engagées auprès du Président de la République à plafonner à 25 euros par mois et à 300 euros par an les frais d’incidents bancaires pour tous les clients concernés.

Ces mesures sont importantes. Elles fonctionnent aujourd’hui pour les Français touchés par la crise. Le dispositif que nous avons mis en place a démontré son efficacité pour réduire les frais d’incidents des personnes en fragilité financière. Comme vous le savez, ces engagements sont suivis et contrôlés depuis 2019 par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Observatoire de l’inclusion bancaire. Des contrôles de l’ACPR et de la DGCCRF ont ainsi été diligentés à partir de 2019. Nous avons réalisé sur cette base un bilan de l’application du plafonnement en février dernier. Il en ressort que les engagements pris par les banques en matière de plafonnement ont bien été respectés.

Le plafond mensuel de 25 euros de frais d’incidents bancaires s’applique à 3,3 millions de clients. Il a permis une diminution des frais pour plus d’un million de nos concitoyens. En 2019, 490 000 personnes ont bénéficié de l’offre spécifique, contre 380 000 à la fin de l’année 2017, soit une progression de plus de 100 000 personnes en quelques mois. Ces résultats sont significatifs.

Sur la base de ce bilan, nous avons amélioré le dispositif pour répondre aux attentes des différentes parties prenantes. En février dernier, nous avons obtenu l’engagement des grandes entreprises émettrices de factures de déployer d’ici à la fin de l’année 2021 des solutions, afin que les prélèvements infructueux représentés – ils peuvent générer plusieurs fois des frais – soient automatiquement identifiés. Ainsi, pourra être évitée l’application répétée de frais. Ces entreprises vont également pouvoir proposer à leurs clients de choisir librement les dates de prélèvement pour prévenir les accidents de trésorerie.

D’autres améliorations inspirées de discussions concrètes avec les acteurs de terrain vont être mises en œuvre dans les prochaines semaines.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, Bruno Le Maire s’est engagé à améliorer la définition de la fragilité financière, qui conditionne l’accès à l’offre bancaire spécifique et au plafonnement des frais d’incidents. Cette évolution vise à permettre aux personnes fragiles de bénéficier plus rapidement des effets du plafonnement, qui intervient aujourd’hui après trois mois. L’idée est de déclencher plus précocement ce repérage des personnes fragiles. Nous allons également renforcer la transparence relative à l’application du plafonnement par chaque établissement de crédit et aux résultats concrets.

Vous le voyez, le dispositif existe, il est effectif et les résultats sont au rendez-vous. Cela démontre qu’il n’est pas besoin de passer par la contrainte législative pour parvenir à des résultats concrets et puissants, et que le dispositif peut être amélioré constamment en s’appuyant sur les remontées de terrain. Nous proposons donc pragmatiquement de poursuivre dans cette voie, car elle a démontré son efficacité.

Au-delà de cette question de méthode, nous avons également une divergence de fond avec le dispositif proposé. Le texte de la proposition de loi elle-même n’est pas en accord avec l’exposé des motifs. En effet, il prévoit un plafonnement de l’ensemble des frais bancaires, et pas seulement de ceux qui sont liés à des incidents, pour toutes les clientèles, quelle que soit leur situation de revenus et de patrimoine. Cela ne nous semble pas vraiment pertinent. Il nous paraît difficile de défendre un plafonnement généralisé qui s’appliquerait de manière indiscriminée aux frais d’incidents et aux frais de fonctionnement normaux, lesquels rémunèrent des prestations habituelles fournies par les établissements bancaires. Il nous semble aussi difficile de défendre l’extension aux clientèles plus aisées d’un dispositif de plafonnement créé pour les clients fragiles.

Il n’y a rien d’anormal à ce qu’un client effectuant de nombreuses transactions bancaires et disposant de moyens financiers importants paye des frais, notamment en cas d’incident ; on peut effectivement estimer qu’il est suffisamment organisé pour éviter une telle situation.

En outre, un plafonnement généralisé aurait des effets collatéraux contre-productifs. En plafonnant tous les tarifs pour toutes les clientèles, nous risquons d’inciter les établissements à ne plus proposer certains services, qui sont quasiment gratuits aujourd’hui, comme la mise à disposition de chéquiers, mais aussi à renchérir d’autres produits, comme les crédits à la consommation ou les crédits immobiliers, pour qu’ils puissent retrouver des marges.

Une telle contrainte risquerait enfin d’accélérer la réorganisation de certains réseaux bancaires, ce qui pourrait nuire à la continuité territoriale de l’offre bancaire et à la densité des réseaux, à laquelle je sais votre assemblée à juste titre sensible.

J’ajoute enfin que cette proposition irait à l’encontre du développement de services innovants. En effet, dans le secteur bancaire, le développement d’offres alternatives favorise le consommateur. Je pense notamment aux néo-banques, qui font partie intégrante du paysage bancaire pour nombre de nos concitoyens et qui permettent d’accéder à des services bancaires de qualité pour un coût très faible.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, le Gouvernement ne soutiendra pas ce texte, qui, tant sur la méthode que sur les propositions formulées, n’améliorera pas la situation des plus fragiles.

En matière de frais bancaires, le dispositif de plafonnement des frais d’incidents mis en place par le Gouvernement en lien avec le secteur bancaire et les associations protège nos concitoyens touchés par la fragilité financière. Nous allons poursuivre la mise en œuvre de cette méthode de terrain fondée sur la concertation, qui a démontré son efficacité.

Les Français, particulièrement dans cette période difficile, attendent avant tout des résultats. C’est ainsi que nous répondrons réellement au défi social qui est devant nous.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous discutons aujourd’hui de la proposition de loi du groupe socialiste visant à renforcer le plafonnement des frais bancaires.

Les observateurs quelque peu cyniques y verront sans doute une scène écrite d’avance ; lors de ce duel annoncé entre les consommateurs, en particulier les plus modestes, et les banques, chaque côté de l’hémicycle défendra probablement un camp différent, dans un style très « ancien monde »… En réalité, il ne s’agit pas du tout de cela. C’est pourquoi je remercie le rapporteur et les auteurs de la proposition de loi d’avoir posé le problème.

Soyons précis : qu’un service proposé ait un coût, quoi de plus normal, d’autant que le jeu de la concurrence empêche les excès. Mon inquiétude porte moins sur le prix des services que sur les frais d’incidents bancaires. S’il me semble bienvenu de rappeler que le coût de gestion d’un incident de paiement ne se limite pas, pour la banque, au prix du timbre utilisé pour envoyer une lettre au client, est-il pour autant acceptable de constater que les citoyens les plus fragiles financièrement sont aussi ceux qui peuvent payer le plus de frais bancaires, au risque d’être entraînés dans une spirale sans fin ? Non, nous ne pouvons pas nous y résoudre !

Mes chers collègues, ce texte comporte néanmoins des imperfections manifestes. Outre les questions juridiques, le plafonnement proposé paraît excessif à bien des égards. Il vise ainsi l’ensemble des Français, alors que la problématique des frais bancaires ne pourra être résolue qu’au moyen d’une approche plus fine.

Quant à la suppression des frais proposée par les auteurs de cette proposition de loi durant la crise sanitaire, elle a certes le mérite d’envoyer un signal fort, mais elle ne résout en rien le problème de fond, au contraire même. Je suis d’ailleurs peu enclin à la gratuité, quelle qu’elle soit, car c’est une forme de leurre. Ce qui est gratuit a toujours un coût supporté par d’autres et a, de surcroît, un effet déresponsabilisant.

Il faut, me semble-t-il, lier ce débat à celui du modèle économique des banques dans son ensemble, notamment dans un contexte de taux bas. Si les prêts ne rapportent plus, il faut bien trouver l’argent ailleurs. Dans le retrait d’espèces ? On sait malheureusement qu’entre les zones blanches et la surabondance de distributeurs bancaires dans certains endroits, les injustices sont nombreuses.

Ne resterait-il alors que les frais bancaires pour survivre ? Non, assurément ! Et ce raisonnement simpliste doit nous conduire à nous interroger. Un plafonnement aveugle déplacerait simplement le problème, et, demain, une nouvelle proposition de loi socialiste serait peut-être déposée pour demander l’intervention de l’État face à une nouvelle étape de désengagement territorial des banques.

Le ciblage plus fin et la détection plus rapide des publics vulnérables, pour lesquels l’on pourrait ainsi réduire fortement la charge des frais bancaires pour leur éviter la spirale que j’évoquais précédemment, sans bouleverser davantage le modèle économique des acteurs bancaires, paraissent une piste intéressante. Nous avons eu l’occasion de rappeler que le taux de souscription de l’offre spécifique n’excédait pas 15 % des clients éligibles. Faut-il alors réformer le fonctionnement d’un outil considéré comme trop rigide pour ses détenteurs ? La question est posée.

Mais il est toujours délicat de faire en sorte que l’offre spécifique ne soit pas perçue comme punitive et stigmatisante. Pour autant, il ne s’agit pas d’en faire un statut comme un autre alors qu’elle signifie la fragilité du client.

Face à ce dilemme, les engagements forts négociés avec le secteur depuis la crise des gilets jaunes ont été rappelés. Dont acte. Oui, nous devons apprécier ces avancées, qui auraient bénéficié, selon vos chiffres, madame la secrétaire d’État, à un million de clients supplémentaires.

Profitons dès lors de ce texte pour traduire dans la loi les engagements mis en œuvre depuis dix-huit mois sur les frais bancaires, la loi étant par définition moins perméable aux aléas du contexte général. Le rapporteur, Michel Canevet, dont je salue une nouvelle fois le travail, propose de profiter de l’examen de ce texte pour apporter des améliorations reposant sur une logique importante, la transparence. Cette transparence paraît en effet nécessaire, ne serait-ce qu’en raison de la difficulté qu’il y a à connaître le réel montant des frais d’incidents bancaires acquittés chaque année par les Français. On le sait, derrière l’opacité, les règles de la réelle concurrence des marchés sont vite distordues ; c’est un terreau propice à certains abus.

Mes chers collègues, je pense que l’esprit de responsabilité de Sénat peut et doit imprégner cet épineux sujet, trop souvent réduit à la caricature du banquier qui se gave sur le dos des plus modestes. Sachons élever le débat au bon niveau, en évitant tout excès. Derrière les mots se cachent des réalités très différentes, et nous devons éviter de les caricaturer ou de les traiter à la légère.

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour le groupe socialiste et républicain, la crise que nous traversons n’est pas seulement une crise sanitaire et économique ; c’est aussi une bombe sociale à fragmentation. Les mesures prises par le Gouvernement depuis deux mois n’anticipent pas, malgré nos multiples alertes, cette situation dégradée qui attend notre pays et qui risque de s’installer pour de nombreuses années.

Certes, cette proposition de loi a été pensée bien avant que nous puissions imaginer la situation actuelle.

Certes, la problématique des frais bancaires est bien antérieure à la crise que nous vivons. Notre texte aurait été tout aussi pertinent il y a six mois, deux ans, voire plus encore.

Je dois le dire, même si c’est une évidence : le dispositif que nous proposons est encore plus opportun aujourd’hui. J’ai bien entendu les remarques de M. Husson, et je sais que des amendements ne manqueront pas d’être adoptés à l’occasion de notre débat. Mais nous sommes heureux de constater que ce texte d’interpellation a manifestement atteint sa cible.

Nous le savons, et l’histoire est là pour le rappeler, les crises sociales n’accouchent que rarement d’un monde d’après plus fraternel et plus solidaire. Il nous appartient de veiller à ce que cette solidarité s’inscrive dans les faits.

Si nous ne faisons rien, cette crise sera comme les autres. Les plus fragiles seront durement frappés, les inégalités augmenteront, une partie de la classe moyenne basculera dans la précarité et le populisme progressera.

La tâche qui nous attend est colossale. Deux mois de quasi-arrêt de l’économie, des échanges internationaux au plus bas, une confiance des ménages très faible : ces différents facteurs vont mécaniquement provoquer une hausse du chômage et une baisse des revenus pour de nombreux Français. Les chiffres publiés aujourd’hui par Pôle emploi sont terribles.

La crise ne pourra être évitée, mais ses conséquences doivent être réduites le plus possible. Pour cela, l’urgence la plus absolue doit être décrétée par le pouvoir exécutif. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Des mesures d’urgence ont bien été prises pour faire face au confinement et pour accompagner le déconfinement ; des aides ponctuelles ciblées ont été débloquées. Je les salue, mais les enjeux sont bien plus larges, et le thermomètre de l’explosion de la demande alimentaire doit plus que nous alerter.

Oui, l’urgence est à l’action sur le front social !

Convoquer l’esprit du Conseil national de la Résistance, comme l’a fait à plusieurs reprises le Président de la République, ne suffit pas. Il faut agir et mettre en place en urgence un nouveau pacte social national pour amortir l’effet de la crise sociale et sanitaire. Sinon, mes chers collègues, ce sont non pas des jours heureux qui nous attendent, mais des jours désastreux.

Le groupe socialiste et républicain compte sur la Haute Assemblée pour engager le travail, dès maintenant, en votant cette proposition de loi, sûrement amendée. J’espère que le Gouvernement, à la lumière de ces éléments et de la dégradation de la situation sociale, se montrera plus ouvert. Qu’il cesse de qualifier d’effet d’aubaine la limitation de ces frais, comme l’a rappelé Rémi Féraud ! Cette prise de position est calamiteuse et porte atteinte à la dignité des Français les plus en difficulté.

L’exécutif doit changer de ton et de position. Actuellement, il se contente de demander aux banques davantage d’autorégulation. Il semble donc placer la défense et la liberté d’action du secteur bancaire comme une priorité, plutôt que d’agir en direction des 80 % de nos concitoyens en situation d’endettement qui, dans les faits, ne bénéficient d’aucun plafonnement. En permettant aux banques de jouer le rôle du gendarme et, parfois, du voleur, il renforce les inégalités sociales.

La situation est grave. Actuellement, près de la moitié de la population active subit une perte substantielle de ses revenus en se retrouvant au chômage partiel, et risque de rejoindre la cohorte des Français précaires asphyxiés par des frais toujours plus importants.

Nous avons donc décidé que cette limitation des frais bancaires devait concerner non seulement les plus fragiles, mais également les Français qui subissent une perte de revenus temporaire en raison de la crise.

Notre dispositif de limitation de ces frais permet de réguler un domaine qui ne l’est pas assez et de desserrer l’étau qui empêche de nombreuses familles de sortir la tête de l’eau pour quelques centaines d’euros.

Ce n’est plus la pression des ronds-points qui doit vous pousser à agir dans ce domaine, madame la secrétaire d’État, mais la lutte contre le cataclysme social qui se dessine.

Le groupe socialiste et républicain pense que la République est légitime quand elle est sociale. Ce n’est pas un effet de tribune que de le dire. Il faut regarder les choses en face. Si nous ne faisons rien, la désespérance ne sera pas seulement sociale ; elle sera aussi démocratique, et elle entraînera des conséquences que chacun mesure parfaitement dans cette enceinte.

Aujourd’hui, mes chers collègues, vous avez le pouvoir d’agir pour le pouvoir de vivre. Ensemble, sachons saisir cette opportunité ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, rendre effectif et renforcer le plafonnement des frais bancaires est une démarche qui pourrait recueillir une très large adhésion au Parlement et sans doute être plébiscitée par nos compatriotes.

Cette initiative relève d’une bonne intention et peut avoir son utilité dans notre réflexion sur un tel sujet.

Avant de se prononcer sur ce texte, il convient de rappeler la situation du secteur bancaire et certaines caractéristiques de son fonctionnement et de son évolution.

Le modèle bancaire a changé au cours de la dernière décennie, avec un produit net bancaire en légère diminution de 3 % entre 2009 et 2016 et un équilibre de ses composantes qui s’est sensiblement modifié.

Si les banques se trouvent aujourd’hui parfois concurrencées par d’autres acteurs, notamment sur les moyens de paiement, leurs fondamentaux historiques – prêts, activités de marché, autrement dit les placements financiers, et commissions – résistent bien. Cependant, ils ne sont plus des vecteurs aussi dynamiques que par le passé, ce qui a conduit le secteur bancaire lui aussi à se diversifier, par exemple sur le marché de l’assurance.

Cette appréciation prudente de la solidité et des perspectives de ce secteur ne nous exonère cependant pas d’examiner la pertinence des méthodes et des niveaux de frais bancaires, surtout pour ceux auxquels la loi peut conférer une base légale.

Par ailleurs, il faut bien reconnaître que l’ensemble des commissions, frais, pénalités représente un vrai maquis dans lequel les clients ont souvent du mal à se retrouver et où la transparence s’affiche toujours en petits caractères.

Mais avec cette proposition de loi, nous nous intéressons moins au secteur bancaire ou financier qu’à ses clients, en particulier les plus modestes, c’est-à-dire ceux qui sont souvent les plus vulnérables pour ce qui concerne la gestion de leurs revenus et de leurs dépenses. Il est vrai que ces personnes fragiles, tout comme d’autres particuliers – travailleurs indépendants, artisans, commerçants, petites et moyennes entreprises –, sont confrontées, chacune à leur niveau, aux mêmes difficultés face aux frais bancaires, ce qui peut les entraîner dans une spirale infernale pour les uns, mais profitable pour les autres. Ainsi, l’imputation des frais et pénalités du mois précédent sur un compte peut mettre celui-ci en position de découvert ou de dépassement d’autorisation, générant ainsi de nouveaux impayés et le déclenchement de nouveaux frais bancaires. C’est le système de la cascade : petit à petit, certains clients creusent le trou de leur compte.

La facturation globale du découvert bancaire représentait bien 6,5 milliards d’euros de revenus en 2016, dont 4,9 milliards d’euros de bénéfices, soit 16 % du résultat net des banques françaises, qui s’élevait à 30,4 milliards d’euros. Ces revenus sont toutefois supportés non pas majoritairement par les catégories les plus modestes, mais par le secteur des PME, TPE et travailleurs indépendants.

J’adhère à la réflexion entourant ce texte. Pour autant, je ne me ferai pas l’avocat de cette proposition de loi, pour deux raisons essentielles. Elle me paraît en effet, d’une part, trop générale sur la notion de frais bancaires, d’autre part, trop ciblée sur le public concerné.

Sur le premier point, en termes de frais bancaires, il convient de bien faire la différence entre ce qui relève d’un contrat ou d’une prestation de services soumis naturellement à la libre concurrence et ce qui relève des pénalités – même si celles-ci portent parfois un autre nom –, lesquelles peuvent justifier un encadrement par la loi ou la réglementation. Il convient donc d’agir plus sur les principes et sur les pratiques que sur le montant des commissions ou des rémunérations.

Sur le second point, le périmètre ne doit pas être limité au seul public en difficulté, qui bénéficie déjà des protections rappelées par Mme la secrétaire d’État, car il n’y a aucune raison que les limitations ou l’encadrement aient un caractère catégoriel, suivant des normes qui ressembleraient plus à celles d’une caisse d’allocations familiales qu’à celles d’une banque, même publique ou mutualiste.

Bien évidemment, les personnes modestes, qui rencontrent, pour de multiples raisons, des difficultés, devraient être les premières bénéficiaires de nouvelles limitations ou protections, qu’il convient cependant de définir et d’adopter de manière plus générique.

Dans ces conditions, non sans avoir au préalable remercié les auteurs de cette proposition de loi de nous avoir permis de développer une réflexion sur ce sujet et le rapporteur de son analyse et de ses propositions, le groupe RDSE se ralliera, dans un souci d’efficacité, à la proposition de nouvelle rédaction de l’article unique formulée par le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des tarifs pratiqués par les établissements bancaires a fait l’objet d’une grande attention depuis plusieurs mois.

Je crois cette préoccupation partagée par toutes les couleurs politiques, et je remercie mes collègues du groupe socialiste d’avoir inscrit cette proposition de loi dans le cadre de l’ordre du jour qui leur est réservé, aux termes du règlement de notre assemblée.

La question, comme les choses de la vie, a toute sa place dans le débat parlementaire : les associations de consommateurs estiment à près de 6,5 milliards d’euros les frais payés par les Françaises et les Français aux établissements bancaires. Ce chiffre comporte des disparités au niveau individuel : les clients en difficulté financière persistante se voient prélever près de 300 euros de frais par an, contre huit à neuf fois moins – 34 euros – pour l’ensemble des clients en moyenne.

Même si les chiffres ne sont pas objectivés faute de données fiables, les ordres de grandeur sont représentatifs de la situation des Français.

Cette question a fait l’objet d’une grande attention depuis plusieurs années : depuis 2007, les tarifs bancaires liés aux incidents de paiement, c’est-à-dire le rejet par les banques d’un ordre de paiement par chèque, prélèvement ou carte, sont plafonnés, tout comme les commissions d’intervention perçues en raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire, depuis 2014. Voilà deux évolutions importantes, concrétisées sous deux majorités différentes.

En outre, et sous l’influence du droit européen, les établissements bancaires sont tenus, depuis la transposition de la directive du 23 juillet 2014, de proposer une offre spécifique comportant des services de base aux personnes en situation de fragilité financière. En sont bénéficiaires les personnes faisant l’objet d’une procédure de traitement de surendettement, les personnes inscrites au fichier central des chèques en raison d’un chèque impayé ou d’un retrait de carte bancaire par la banque et les personnes en situation de fragilité financière selon les banques.

Les mesures d’information ont également été renforcées : délai d’information avant de débiter les commissions d’intervention et présentation d’un document d’information tarifaire accessible en ligne gratuitement et distinct de la brochure tarifaire ; il s’agit de pouvoir comparer les frais bancaires d’un pays à l’autre.

Les évolutions ont aussi été liées à la colère exprimée à l’occasion du mouvement des gilets jaunes en 2018. Le Président de la République s’est largement impliqué lorsqu’il a convoqué les dirigeants des principales banques et obtenu le gel des hausses des frais bancaires en 2019.

D’autres engagements ont été pris, comme cela a déjà été souligné : plafonnement des frais d’incidents bancaires pour les personnes en situation de fragilité financière à 25 euros par mois, réduit à 20 euros par mois et à 200 euros par an pour les personnes bénéficiant de l’offre spécifique ; diffusion accélérée de l’offre spécifique pour la clientèle en situation de fragilité financière. Comme le note le rapporteur, Michel Canevet, dix-huit mois plus tard, force est de constater que ces engagements ont été tenus.

Je ne reviendrai pas sur l’article unique de la proposition de loi, le rapporteur ayant été suffisamment précis quant aux obstacles qui doivent pousser le Sénat à amender ce texte.

Les discussions entre le Gouvernement et les établissements bancaires se montrent fructueuses, sans mépris. Il me semble que les banques assument leur responsabilité dans le climat social de notre pays et répondent aux attentes toujours plus fortes et légitimes de justice.

Nous croyons, en revanche, que des précisions législatives peuvent intervenir. À ce titre, mon groupe proposera deux amendements.

Le premier vise à engager un effort de transparence des établissements bancaires quant aux critères qu’ils utilisent pour qualifier les personnes en situation de fragilité financière, lesquels relèvent à ce stade quasiment de leur libre appréciation.

Le second repose sur le constat que la transparence permise par le document d’information tarifaire, décliné en France par application de la directive du 23 juillet 2014, n’a pas conduit à une meilleure lisibilité pour les Français, tandis que disparaît progressivement l’extrait standard des tarifs.

Nous proposons donc que les banques publient dans un document unique les frais liés à douze services de base, et rien d’autre, en complément du document d’information tarifaire qui, lui, est exhaustif.

Par ailleurs, nous accueillons avec beaucoup d’intérêt les propositions du rapporteur, Michel Canevet. Il les a détaillées, et nous y reviendrons au cours du débat. À ce stade, je peux dire que nous partageons évidemment à la fois le constat du rapporteur et les pistes pour assurer une protection effective et une meilleure transparence. Ces propositions pertinentes doivent vous servir, madame la secrétaire d’État, à nourrir la réflexion sur ce sujet.

Enfin, mes chers collègues, je ne peux que rappeler la complexité de ces problèmes et des transformations qui sont à l’œuvre. La crise sanitaire a accéléré la fin de la monnaie sonnante et trébuchante des ferrailleurs de Max au profit d’un relèvement du paiement sans contact, par carte ou via smartphone. Mais elle a aussi rappelé que nombreux sont nos concitoyens exclus de ces outils. Je pense par exemple aux files d’attente devant les bureaux de poste formées de personnes désirant faire valoir leur droit à bénéficier d’allocations de solidarité. Face à cette étrange affaire, il faut travailler des solutions qui, sans doute, ne relèvent pas de la loi ; je pense notamment au développement d’applications numériques européennes et sûres pour une utilisation sur smartphone.

« La politique est une pratique créatrice », nous dit Cornelius Castoriadis. Alors, madame la secrétaire d’État, créons !

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative de mes collègues du groupe socialiste et républicain, qui nous permet de débattre en séance de la question du plafonnement des frais bancaires.

Ce texte était très pertinent dès le départ ; il l’est encore davantage aujourd’hui dans le contexte que nous connaissons. Il s’agit effectivement d’un vrai sujet, dont l’origine n’est pas vraiment récente. Ainsi, une étude sérieuse, reprise par un quotidien économique sérieux il y a quelques mois, a révélé des chiffres absolument astronomiques sur l’évolution des frais bancaires.

Le cabinet Sémaphore Conseil a étudié l’évolution des tarifs sur un panel représentatif de dix-huit banques depuis 2010 – banques nationales, mutualistes, régionales et banques en ligne. Sur ces dix années, les banques ont mis l’accent sur une stratégie de numérisation des services, l’objectif étant de diminuer globalement les prix des services assurés via internet et d’augmenter les tarifs en agence. Ainsi, les frais de consultation de compte à distance, qui étaient encore payants pour environ 70 % des banques du panel en 2010, sont désormais gratuits partout.

Dans le même temps, la gratuité des virements sur internet s’est généralisée, alors que les mêmes opérations réalisées en agence ont vu leur coût moyen augmenter de 28 % – l’étude évoque un tarif de 3,70 euros par virement.

Toujours en agence, la mise à disposition de fonds coûte aujourd’hui 61 % de plus qu’il y a dix ans. Et les frais de location de coffre-fort ont progressé de 14 %, avec une facture moyenne de 99 euros.

Selon cette même étude, les frais de tenue de compte sont désormais facturés, dans le panel concerné, 17,06 euros par an en moyenne, contre 1,43 euro dix ans plus tôt, soit une hausse vertigineuse de 1193 % en dix ans. Les banques ne baissent pas les prix des cartes, qui restent assez coûteuses pour beaucoup d’entre elles, jusqu’à 325 euros par an pour une carte Visa Infinite en 2018, et dont les cotisations annuelles ont progressé de 5,5 % à 14,8 % sur dix ans. Tel est le contexte général.

Ces sommes pourront paraître dérisoires à des gens qui n’ont pas de difficultés en fin de mois, mais elles viennent sensiblement grever les moyens limités de nos concitoyens les plus en difficulté.

Selon les associations de consommateurs, 78 % des personnes en situation d’endettement n’ont bénéficié d’aucun plafonnement et 91 % des clients touchant moins de 1 800 euros de revenus et payant plus de 40 euros de frais pour incidents par mois n’ont pas non plus bénéficié du plafonnement à 25 euros, sur lequel les banques s’étaient engagées.

Par ailleurs, certains frais sont, à nos yeux, totalement injustifiés, par exemple ceux qui sont imputés lors de la saisie à tiers détenteur – c’est une véritable double peine qu’il conviendrait, selon nous, d’interdire. Citons encore le rejet de prélèvement qui est facturé 20 euros, alors que son coût administratif n’est en réalité que de quelques centimes.

Autant d’opérations qui viennent alimenter le montant de 6,5 milliards d’euros cité par notre collègue dans l’exposé des motifs de la proposition de loi. Certes, la Fédération bancaire française semble contester ce chiffre, ce qui peut paraître surprenant pour des professionnels du chiffre au quotidien qui doivent pourtant être capables, à mon avis, de comptabiliser ces opérations ! Une commission d’enquête parlementaire serait-elle nécessaire pour obtenir ce chiffre ?

Un premier bilan établi fin 2019 montre que le principe du gel des frais bancaires a été globalement appliqué par la majorité des banques. Une analyse détaillée devrait être publiée très prochainement sur ce sujet – M. Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, en parlait récemment. Il y a donc eu quelques exceptions notables.

Sans doute faudra-t-il exercer une certaine vigilance quant à l’évolution des tarifs sur l’année en cours. En effet, il faut absolument éviter une forme de rattrapage du gel de 2019. Toute augmentation serait socialement et moralement inacceptable. La force d’une loi serait la bienvenue de ce point de vue.

La pandémie en cours a des effets économiques énormes ; dans ce contexte, les millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté seraient particulièrement exposés à ce risque.

L’action du Gouvernement pour contrer ces effets nous semble insuffisamment volontariste et les propositions des banques souvent trop complexes, voire restreintes. C’est pourquoi le groupe CRCE est d’accord avec le présent texte qui propose un encadrement global de tous les frais bancaires.

Le plafonnement proposé par ce texte permet de laisser une marge de manœuvre assez large aux négociations entre le secteur bancaire et le Gouvernement, puisqu’il sera décidé par décret et garde la forme actuelle d’un plafonnement par mois et par opération. Toutefois, un plafonnement obligatoire par an serait, selon nous, le bienvenu.

Permettre à différentes instances, comme la Banque de France ou les présidents des conseils départementaux, d’enjoindre aux banques de proposer à certaines personnes l’offre spécifique renforcerait la visibilité de cette option et du statut de fragilité financière, qui est aujourd’hui appliqué de manière plus ou moins inégalitaire selon les établissements et mériterait d’être mieux défini.

La croissance soutenue des frais bancaires sur les dernières années et les stratégies de contournement des banques pour compenser les plafonnements partiels existants sont une véritable plaie sociale qui accroît les inégalités et fait des clients une variable d’ajustement pour réaliser des marges, à l’heure où les taux sont à la baisse et alors même que les banques devraient être au service de leurs clients.

Réglementer davantage le secteur bancaire incitera les banques à limiter les coûts de gestion liés aux irrégularités et les encouragera à mieux accompagner les personnes en difficulté financière. Au-delà d’une telle réglementation, nous défendons la mise en place de sanctions pour les établissements ne respectant pas les plafonnements. Des instances comme l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’Observatoire de l’inclusion bancaire doivent être mobilisées pour aller vers plus de transparence.

Nous voterons donc cette proposition de loi de bon sens qui invite à une tarification responsable et à une meilleure inclusion bancaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais commencer par une petite histoire, celle d’une banque au rayon d’action limité – elle ne travaillait même pas sur la totalité de son département d’implantation. Un jour, cette banque a eu une idée : éduquer ses clients, en leur apprenant à bien gérer leurs comptes. Elle pensait en particulier à ceux de ses clients qui rencontraient des difficultés, par exemple ceux qui avaient de temps en temps des découverts injustifiés. Voilà comment est née la commission d’intervention !

Cette petite banque, le Crédit mutuel d’Anjou – une très belle région naturellement, puisque située à l’ouest de la France… –, a créé cette commission d’intervention dans un objectif, disons, pédagogique : faire évoluer le comportement de ses clients vers une meilleure gestion financière.

D’autres banques ont repris cette idée et la pratique s’est peu à peu généralisée, mais au fil du temps l’intervention de la banque auprès de ses clients a disparu, alors que la commission restait… Je rejoins donc l’idée qu’il faut analyser précisément à quoi correspondent les frais bancaires. Certaines commissions d’intervention atteignent aujourd’hui 17,85 %, un taux un peu fort de café, d’autant que cette commission s’ajoute aux agios, aux frais de tenue de compte et à d’autres charges.

C’est pourquoi je salue l’inscription à notre ordre du jour de cette proposition de loi qui nous permet d’ouvrir le débat sur ce sujet de fond. Comme le rapporteur l’a rappelé, la France a la chance de disposer d’un réseau de banques solide, efficace et reconnu au niveau international – beaucoup de pays peuvent nous l’envier ! –, mais il doit s’appuyer sur le développement des services rendus, pas sur des frais injustifiés.

La rentabilité des banques ne doit plus s’appuyer sur ce type de frais et nous ne pouvons pas continuer dans cette direction. C’est d’ailleurs ce que nous ont dit les Français. Pourquoi croyez-vous que le mouvement des « gilets jaunes » s’est manifesté avec autant de force ? Pas parce que tout va bien ! Sommes-nous dans un pays parfaitement juste et égalitaire ? Évidemment, non !

Certains collègues ont évoqué la dématérialisation. À quoi sert-elle finalement ? À économiser l’envoi des relevés de compte ! En outre, quand vous ne recevez plus vos relevés de compte, vous n’avez pas vraiment conscience que la banque vous a facturé une commission et prélevé des frais. Vous ne vous en rendez compte que si vous prenez l’initiative de regarder la situation de votre compte sur le site internet de la banque, soit bien trop tard.

Souvent, on demande au client de payer une intervention qui n’a en fait pas eu lieu. Pourtant, si un conseiller bancaire avait appelé le client pour l’alerter sur le dérapage en cours, celui-ci aurait pu expliquer la situation – peut-être est-ce dû à un simple retard ? – et réagir comme il faut. Faire payer une « intervention » qui n’a pas eu lieu me paraît totalement inacceptable et irrégulier et nous ne pouvons pas accréditer de tels comportements. Si la banque facture une intervention, celle-ci doit être réelle !

C’est la raison pour laquelle, je le redis, je salue l’initiative de nos collègues socialistes. Elle a été prise bien avant l’épidémie de coronavirus qui a rendu certaines situations encore plus compliquées. Ce débat est très utile et, pour y contribuer, j’ai déposé un certain nombre d’amendements, dont nous discuterons tout à l’heure. Nous avons aujourd’hui l’occasion d’examiner les choses de plus près. C’est ce que les Français attendent, parce que la situation actuelle ne peut pas leur donner entièrement satisfaction. (M. Patrick Kanner applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier le groupe socialiste et républicain d’avoir pris l’initiative d’inscrire à notre ordre du jour cette proposition de loi importante et bienvenue. Je souhaite également souligner le travail du rapporteur qui nous propose d’éliminer un certain nombre de petites imperfections de ce texte, ce qui nous permettra de le voter.

Le 23 mai dernier, un très grand professeur de droit social avec lequel j’ai beaucoup travaillé, Jean-Jacques Dupeyroux, nous quittait. Il avait à cœur de défendre les plus faibles et les plus fragiles, ceux dont nous parlons aujourd’hui, les 3,5 millions de personnes qui sont dans la précarité. Il avait l’habitude de nous parler de l’effet Matthieu : « On donnera à celui qui a et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a ». Coluche a traduit et résumé ce principe : « Moins tu peux payer, plus tu payes ! » (Sourires.)

Or c’est exactement ce qui se passe avec les frais bancaires. C’est pourquoi cette initiative doit être soutenue, même si elle présente des limites en termes de calendrier ou de navette parlementaire, comme l’ont indiqué Michel Canevet et Rémi Féraud. Il est extrêmement important que notre Haute Assemblée s’occupe des plus précaires d’entre nous dans la situation actuelle, puisqu’une véritable casse sociale risque de survenir dans les semaines ou mois à venir.

J’entends naturellement l’argument selon lequel une telle loi entraînera moins de services dans les territoires et pour les clients eux-mêmes, et nous devons regarder les choses attentivement. Des amendements ont d’ailleurs été déposés pour prendre en compte cet argument.

Pour autant, nous ne devons pas oublier qu’il a fallu attendre que la Banque centrale européenne tape du poing sur la table pour empêcher les banques, compte tenu de la situation actuelle, de distribuer en 2020 les dividendes de 2019.

Nous devons toujours viser un équilibre entre la protection des plus faibles et la non-fragilisation des banques. Les membres du groupe Union Centriste y sont très attachés. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements présentés par la commission des finances et le texte ainsi modifié.

J’espère que d’autres amendements intéressants pourront être adoptés. Je pense notamment à ceux sur la transparence des frais bancaires et sur l’information du bénéficiaire du compte.

L’information des clients est très importante et il ne faut pas oublier ceux qui n’ont pas de smartphone ou n’ont pas accès aux outils numériques.

M. Christian Cambon. Très bien !

Mme Nathalie Goulet. Souvent, les populations fragiles ne peuvent pas choisir une banque en ligne, une « néobanque » pour reprendre l’expression de Mme la secrétaire d’État. Il faut donc prévoir une information « physique » du client et être attentif à ces nouvelles pratiques qui ne sont pas accessibles à tout le monde.

La Banque postale présente justement l’intérêt de préserver un minimum de relation physique entre la banque et le client. C’est pourquoi elle conserve toute son importance.

Si cette proposition de loi est votée – je crois qu’elle le sera, nous le devons aux populations les plus fragiles –, nous devrons vérifier ensuite comment les choses se mettent en place. La commission des finances a su trouver un équilibre entre les différents principes qui doivent nous guider. C’est pourquoi le groupe Union Centriste votera des deux mains la proposition de loi amendée par les propositions de la commission.

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Allizard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce type de débat relatif aux banques est souvent l’occasion de voir se confronter deux approches. L’une présente les banques comme des acteurs incontournables au service de l’économie et les frais bancaires comme l’un des corollaires du maintien d’un réseau d’agences sur tout le territoire. L’autre verse parfois dans la critique facile d’un supposé système et dans le bank bashing, les établissements bancaires étant perçus comme des machines à produire des dividendes pour les actionnaires sur le dos des clients grâce notamment aux frais bancaires.

De fait, la perception des banques dans l’opinion me semble assez dégradée. D’ailleurs, lors de manifestations, des agences bancaires sont régulièrement attaquées, les banques étant considérées comme les agents de la financiarisation au détriment de l’économie « réelle ».

À propos des frais bancaires, quelle que soit leur catégorie, les citoyens les perçoivent souvent comme opaques, excessifs ou sans rapport avec le coût réel du service, bien qu’ils fassent l’objet de diverses réglementations restrictives. Le problème existe donc bien et l’encadrement est certainement incomplet.

Ces derniers mois, l’épidémie de coronavirus a causé d’importants dégâts à l’économie. Les particuliers, mais aussi les entreprises et les collectivités ont et auront besoin du soutien des banques pour traverser cette période difficile et assurer la reprise. Dans ce contexte dégradé, les personnes les plus en difficulté risquent d’être davantage fragilisées. Elles sont les plus exposées aux coûts des incidents bancaires et aux frais divers qui accroissent la précarisation, même si elles ne sont pas les seules.

Après les manifestations des « gilets jaunes », l’État a obtenu des banques, en complément du gel des tarifs, le plafonnement des frais d’incident, geste que certains pourraient qualifier de timide, alors que les banques évoquent un manque à gagner significatif qui pèse sur leurs résultats.

Pour autant, tout n’apparaît pas résolu, puisque le malaise subsiste entre banques et usagers. Comme pour illustrer ce dialogue de sourds, des associations de consommateurs ont relevé dans une étude publiée en 2019 que 78 % des interdits bancaires et des surendettés ne bénéficiaient d’aucun plafonnement, quand la Banque de France considère que les banques ont bien respecté leurs engagements et ont fait des progrès significatifs.

Ce qui semble certain, c’est que des banques jouent davantage le jeu que d’autres, que des disparités existent entre les réseaux et les territoires, conduisant à des inégalités, et que la baisse de revenus liée au niveau très bas des taux d’intérêt conduit les banques à chercher d’autres ressources. En attendant, nombre de personnes continuent de s’enfoncer dans les difficultés, dès lors que les frais peuvent se cumuler en cas d’incidents répétés.

Certes, comme le signale la commission des finances, cette proposition de loi est perfectible, notamment parce que ses dispositions apparaissent à la fois trop fortes dans les restrictions qu’elles apportent et trop limitées dans leur périmètre. Néanmoins, à l’instar d’autres textes examinés ici – je pense à la proposition de loi relative à l’accès à l’énergie –, il me semble nécessaire d’être vigilant sur ces sujets.

Malgré des propositions inadaptées, ce texte soulève de véritables questions qui correspondent à des difficultés du quotidien des Français. Or, en particulier dans cette période de redémarrage de l’économie, il est important d’aider nos concitoyens, notamment les plus fragiles, et de restaurer la confiance entre les banques et les usagers – cela me semble primordial. Nous constatons chaque jour les effets délétères d’une société de défiance : citoyens mécontents, ménages en difficulté, agences bancaires vandalisées. Il nous faut avant tout sortir de cette spirale, sur laquelle prospèrent les extrêmes, et créer les conditions du rétablissement de la confiance et du dialogue. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol. (M. Patrick Kanner applaudit.)

Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires. Les deux mots les plus importants sont sans doute « rendre effectif », parce que, si les ménages, sur lesquels les banques prélèvent des frais depuis tant d’années, avaient touché le montant de ces frais chaque fois qu’un gouvernement ou un ministre s’était engagé à les plafonner, à les limiter ou à les réduire, ces ménages seraient aujourd’hui très riches…

C’est vraiment une longue histoire. Cinq annonces ont déjà été faites : en 2004, en 2011, en 2014 et en septembre et décembre 2018, différents gouvernements ont annoncé que, cette fois, les banques s’étaient engagées la main sur le cœur à plafonner les frais bancaires.

Je vais d’ailleurs vous raconter une anecdote. En 2013, le Sénat a examiné un projet de loi de séparation et de régulation bancaires et j’avais déposé un amendement pour limiter les frais bancaires, preuve que je suis assez obstinée, même si je ne le suis certainement pas autant que Bercy ou les banques… Cet amendement avait été adopté par le Sénat contre l’avis du Gouvernement, mais dès le lendemain le ministre de l’économie et des finances demandait une seconde délibération, en prenant des engagements. Et aujourd’hui, nous sommes toujours en train d’en discuter…

Durant ma vie parlementaire, j’ai vu peu de sujets qui déclenchent aussi rapidement et mécaniquement autant de coups de téléphone. En temps normal, les banquiers me contactent rarement, mais dès que je dépose un amendement pour limiter les frais bancaires, cela n’arrête pas, chacun en appelant à ma responsabilité… Pour réagir aussi vite, il doit y avoir vraiment beaucoup de gens dans les établissements bancaires qui passent leur temps à suivre les débats parlementaires.

Madame la secrétaire d’État, vous faites comme vos prédécesseurs, comme Bruno Le Maire il y a quelques mois, comme le Président de la République au moment des « gilets jaunes » : vous nous dites que tout est réglé, puisque les banques se sont « engagées ».

Pourtant, entre fin 2019 et maintenant, le nombre des personnes protégées a explosé – toutefois, le dispositif de recensement des clientèles fragiles qui bénéficient d’offres spécifiques est simplement déclaratif…

Rémi Féraud et d’autres collègues ont déjà cité l’étude de l’Union nationale des associations familiales (UNAF) qui n’est pas à proprement parler une officine révolutionnaire, communiste ou socialiste,…

M. Patrick Kanner. Ou gaulliste sociale ! (Sourires.)

Mme Laurence Rossignol. … qui voudrait la peau des banques, comme on pourrait nous soupçonner de le faire. (M. Philippe Dallier ironise.)

Selon cette étude de l’UNAF, les conditions de protection des personnes fragiles ne se sont que très faiblement améliorées depuis trois ans – les chiffres ont été rappelés.

Finalement, tous ces débats ne visent qu’à une chose : éviter de légiférer. C’est la logique des banques, mais aussi de Bercy, qui souhaite laisser les banques libres d’organiser comme elles veulent la protection de qui elles veulent dans les conditions qu’elles veulent. Il est tout de même choquant pour une parlementaire d’entendre dire qu’en légiférant elle contraint, enferme, brime…

Aujourd’hui, l’équilibre des banques repose sur une solidarité inversée : en effet, les frais bancaires sont aussi élevés parce que les taux d’intérêt sont bas. Par conséquent, qui finance les intérêts de ceux qui ne payent probablement pas de frais bancaires ? Ceux qui payent beaucoup de frais bancaires, c’est-à-dire les plus fragiles !

M. Philippe Dallier. C’est un sacré raccourci !

Mme Laurence Rossignol. La hausse des frais bancaires est concomitante à la baisse des taux d’intérêt.

M. Philippe Dallier. Vous exagérez ! C’est une coïncidence temporaire !

Mme Laurence Rossignol. C’est un fait communément admis, monsieur Dallier. L’équilibre entre la baisse des taux d’intérêt et l’augmentation des frais bancaires est organisé par les banques. Vous ne voulez pas qu’on légifère, parce que vous ne voulez pas contraindre les banques. Or c’est justement un sujet sur lequel il faut fixer des règles.

Pour finir, je veux me référer à une étude publiée par des économistes de l’université de Zürich qui s’appelle Honnêteté des comportements dans les banques. Je tiens cette étude à votre disposition, elle conclut que les banques ont besoin d’être contraintes et encadrées pour être éthiques. Ainsi, avec ce texte, si nous contraignons et encadrons, c’est uniquement pour permettre aux banques d’être éthiques. C’est donc une mesure de salubrité publique ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Vincent Segouin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi a été déposée le 19 février dernier. Depuis, rappelons-le, la situation a beaucoup évolué au bénéfice des particuliers, notamment pour ceux qui sont les plus touchés par la crise.

En effet, le ministère de l’économie et des finances et la Fédération bancaire française ont signé, il y a deux semaines, un accord destiné à plafonner les frais d’incidents bancaires pour les personnes en difficulté – il prévoit un maximum de 25 euros mensuels dès le premier mois au lieu de trois mois auparavant. D’autres engagements ont été pris par les banques, comme celui de remédier à l’application répétée de frais sur un même prélèvement infructueux. Un texte devrait d’ailleurs être présenté très prochainement.

Bien que pavée de bonnes intentions, cette proposition de loi me semble donc inadaptée. Faire porter le chapeau des difficultés financières de particuliers à des entreprises privées me semble contre-productif. Rappelons-le, puisque nous avons tendance à l’oublier, les banques sont des entreprises et doivent par conséquent réaliser des bénéfices. Elles doivent aussi remplir les obligations de Solvabilité 2 fixées par le législateur.

Imposer à une entreprise une limitation de ses frais me semble inconstitutionnel. Je crois qu’il faut savoir raison garder et détailler un certain nombre de points fondamentaux.

Le secteur bancaire est constitué de deux branches : la banque de dépôt et celle d’investissement. La banque de dépôt est composée d’agences locales. Leur mission est de gérer les dépôts, d’accompagner les ménages et les entreprises dans leurs investissements et d’apporter du service.

Avec la baisse des taux, les bénéfices des banques de dépôt sont beaucoup plus faibles que ceux des banques d’investissement. De plus, les banques françaises subissent des pressions de la part du superviseur européen qui demande toujours plus de rentabilité par rapport aux autres modèles européens ou aux banques par internet – je suis pro-européen, mais j’attends autre chose de l’Europe.

Revenons à notre sujet ! Chaque année, nous constatons, impuissants, des fermetures d’agences locales, des licenciements et des services de plus en plus éloignés, sans personne physique pour nous répondre. Nous pestons de voir un système bancaire qui ne peut et ne veut résoudre les problèmes non courants, comme ouvrir un compte de campagne…

En réduisant les frais bancaires, nous diminuerons les recettes et accélérerons les fermetures des agences locales dans les territoires. Est-ce cela que nous souhaitons ? Je ne le crois pas. Souhaitons-nous augmenter les licenciements et réduire l’économie sur nos territoires ? Je n’en suis pas sûr…

Au contraire, si nous voulons que les banques de proximité continuent d’exister, il faut que le législateur contribue à consolider le modèle économique des banques de dépôt. Celles-ci veulent garder l’universalité et la relation commerciale avec tous les clients et rester des acteurs de la vie locale, quelles que soient les difficultés. Les banques sont également nécessaires pour réguler les défauts de paiement et sécuriser les échanges, en limitant les impayés par des sanctions.

Il est aussi primordial qu’elles restent de proximité pour comprendre les spécificités de chaque territoire, pour connaître leurs clients. Plus cette proximité sera mise à mal, moins les banques s’intéresseront aux dossiers complexes.

Avec une telle proposition de loi, j’ai le sentiment que nous déresponsabilisons une nouvelle fois les Français les plus en difficulté. Je ne suis pas sûr que ce soit générateur de situations pérennes. Demain, pour maintenir les réseaux, allons-nous les subventionner ? Il est temps de penser avant tout à ceux qui se lèvent chaque matin et qui sans cesse perdent du pouvoir d’achat, parce que la TVA, la CSG, l’impôt sur le revenu ou les taxes augmentent. Ces Français n’en peuvent plus de se sacrifier un peu plus. Ils souhaitent qu’on cesse de faire plus de social vers une minorité qui bénéficie déjà, et c’est tant mieux, de mesures très protectrices.

Vous l’aurez compris, je ne soutiendrai pas le texte proposé par le groupe socialiste, mais je m’associerai très volontiers à toutes les initiatives qui seront prises pour protéger les Français titulaires de comptes bancaires, sans mettre à mal le modèle économique des banques de dépôt.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je ne vais pas répondre à l’ensemble des interventions, mais simplement donner quelques chiffres relatifs aux contrôles qui ont été réalisés sur la mise en place effective du plafonnement des frais bancaires, puisque certains orateurs ont affirmé que les engagements pris étaient purement déclaratifs.

Deux organismes dont les pouvoirs sont assez étendus réalisent ces contrôles : l’ACPR et la DGCCRF.

L’ACPR a procédé à deux vagues de contrôles sur seize établissements bancaires appartenant aux cinq grands réseaux nationaux qui représentent 98 % des clients fragiles. L’Autorité a constaté un gel des tarifs appliqués en 2019 et l’absence de rattrapage en 2020. En outre, 1,1 million de clients ont bénéficié d’un plafonnement de leurs frais bancaires. Les frais d’incidents bancaires sont en moyenne de 19 euros par mois. L’offre spécifique concerne 487 000 bénéficiaires, ce qui représente une augmentation de 27 % par rapport à 2018. Les moins de 15 % de situations non conformes font l’objet d’un suivi de la part de l’ACPR et d’une mise en demeure en l’absence de régularisation.

Les engagements pris par le Gouvernement en 2018 sont donc appliqués et contrôlés ; je veux être très claire sur ce point, même si cela est peut-être différent de la situation qui prévalait auparavant…

De la même manière, la DGCCRF vérifie la bonne application de la réglementation sur les frais bancaires et la détection des publics fragiles. Sur une période de douze mois, elle a inspecté dans soixante-deux départements 1 500 comptes de particuliers.

Je ne vais pas entrer dans le détail, mais je voulais simplement apporter cette précision qui me paraissait utile. Fort heureusement, nous n’avons pas attendu la crise pour nous occuper des publics les plus fragiles !

M. le président. La discussion est générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion de l’article unique de la proposition de loi.

proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires
Article additionnel après l'article unique - Amendements n° 7 rectifié ter, n° 15 et n° 9

Article unique

I. – L’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-1-3. – I. – Les commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire et les facturations de frais et de services bancaires sont plafonnées, par mois et par opération, pour les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. Parmi ces personnes, celles qui souscrivent l’offre mentionnée au II du présent article ainsi que celles qui bénéficient du compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l’article L. 312-1 se voient appliquer des plafonds spécifiques, d’un montant inférieur au tiers du plafond mentionné au présent I.

« II. – Les établissements de crédit proposent aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels qui se trouvent en situation de fragilité, eu égard notamment au montant de leurs ressources, une offre spécifique qui comprend des moyens de paiement, dont au moins deux chèques de banque par mois, et des services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident.

« III. – La Banque de France, le Président du conseil départemental, le Président du centre communal d’action sociale ou le Président du centre intercommunal d’action sociale peuvent, pour les personnes résidant sur le territoire de leur compétence, enjoindre sous huitaine un établissement bancaire à proposer cette offre spécifique à un de leurs clients et ainsi à appliquer le plafond spécifique mentionné au I.

« IV. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à la taxe prévue à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, sur l’article.

M. Stéphane Piednoir. Comme l’ont rappelé d’autres collègues avant moi, cette proposition de loi présente un certain nombre de biais, si je puis dire. Elle a néanmoins le mérite de porter un regard appuyé, aiguisé sur les publics fragiles qui doivent faire face à des frais financiers et bancaires. Évidemment, la proposition de loi a été construite et déposée bien avant la crise sanitaire et la crise économique que nous allons aborder maintenant. Aussi, les publics fragiles auxquels vous pensiez à ce moment-là, mes chers collègues, ne sont peut-être pas ceux d’aujourd’hui.

Je voudrais particulièrement appeler votre attention sur les étudiants, qui font face à des difficultés financières, parce qu’ils n’ont pas d’emploi, par définition. De surcroît, certains d’entre eux vont finir leur cursus de formation cet été et ils vont devoir commencer à rembourser leur emprunt étudiant. À mon sens, ils devraient pouvoir bénéficier d’un report, et cette proposition de loi peut être l’occasion de nous interroger collectivement sur la pertinence d’une telle mesure. Bien que cela ne corresponde pas tout à fait à l’objet du texte, je profite de la présence de Mme la secrétaire d’État parmi nous pour lui demander s’il est envisageable, non pas de réglementer – j’ai bien entendu que nous n’étions pas toujours en phase quant à l’obligation de légiférer sur ce genre de dispositif –, mais d’interroger les organismes bancaires pour aller dans ce sens. Il me semble qu’une telle mesure est attendue dans le monde étudiant.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements et de trois sous-amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 14, présenté par M. Canevet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 312-1-1 A, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;

2° L’article L. 312-1-3 est ainsi modifié :

a) À la seconde phrase du premier alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Pour les personnes mentionnées au troisième alinéa du présent article, les frais liés aux irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire et aux incidents de paiement sont plafonnés par mois et par an. » ;

c) Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les éléments pris en compte par les établissements de crédit pour apprécier la situation de fragilité sont transmis, chaque année, à l’observatoire de l’inclusion bancaire et publiés. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Canevet, rapporteur. Comme Stéphane Piednoir vient de le dire à l’instant, il convient de bien prendre en compte des situations variées, comme celle des étudiants. Je pense qu’un contact avec les réseaux bancaires sur ce sujet pourrait être bienvenu pour apporter des réponses adaptées.

Comme je l’ai expliqué dans mon propos liminaire, les principales orientations de ce texte, déposé par le groupe socialiste et républicain, ne me semblent pas aller dans le bon sens ou, en tout cas, ne méritent pas d’être retenues en tant que telles. Je propose donc une réécriture générale de cet article unique non seulement pour intégrer des préoccupations permettant de faire évoluer le cadre législatif actuel, mais aussi pour répondre à un certain nombre d’interrogations qui sont ressorties des interventions des uns et des autres sur la nécessaire transparence et la clarté des informations provenant des établissements bancaires. Il importe que nous puissions analyser la situation et, pour cela, nous avons besoin de données extrêmement précises.

C’est pourquoi cet amendement a pour objet de prévoir, d’une part, le plafonnement global dans la loi des frais d’incident bancaire pour les personnes en situation de fragilité financière. Cela correspond aux engagements pris par la profession bancaire en décembre 2018, que nous transcrivons dans le texte. Cette mesure va permettre de protéger durablement les personnes en situation de fragilité financière contre une cascade de frais.

D’autre part, il vise à assurer la transparence des critères mis en œuvre par les banques pour identifier leurs clients fragiles en rendant obligatoire leur transmission à l’Observatoire de l’inclusion bancaire (OIB). Je rappelle qu’il existe également un Observatoire des tarifs bancaires, puisque ce problème a été évoqué tout à l’heure. Tout cela est observé effectivement, cher Éric Bocquet, mais, pour ce qui concerne les clients en situation de fragilité, c’est bien l’Observatoire de l’inclusion bancaire, lequel réunit à la fois les professionnels des établissements financiers et les organisations de consommateurs, qui constitue le lieu idoine pour appréhender cette problématique dans les meilleures conditions.

Enfin, je crois que le Gouvernement s’est engagé par ailleurs à ce que la procédure de name and shame soit utilisée, le cas échéant, si des pratiques qui ne correspondent pas aux termes de la loi étaient observées. Dans ce cas, il faut que les orientations retenues par les établissements puissent être connues de tout le monde et réprimées.

M. le président. Le sous-amendement n° 17 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Capus, Malhuret, Amiel, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled, Cadic, Cazabonne, Antiste, Chatillon, Le Nay, Luche, Lévrier et Bonhomme et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Amendement n° 14, alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les commissions d’interventions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire ne peuvent être facturées que si une intervention a été effective par un conseiller bancaire.

Monsieur Guerriau, pouvez-vous présenter en même temps les sous-amendements nos 18 rectifié bis et 19 rectifié bis ?

M. Joël Guerriau. Oui, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 18 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Capus, Malhuret, Amiel, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled, Cadic, Cazabonne, Antiste, Chatillon, Le Nay, Luche, Lévrier et Bonhomme et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Amendement n° 14, alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’établissement doit permettre au titulaire de ce compte de procéder aux ajustements nécessaires au moins cinq jours avant de procéder au prélèvement et apporter la preuve de l’avoir avisé préalablement.

Le sous-amendement n° 19 rectifié bis, présenté par MM. Guerriau, Capus, Malhuret, Amiel, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Lagourgue, Laufoaulu et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled, Cadic, Cazabonne, Antiste, Chatillon, Le Nay, Luche, Lévrier et Bonhomme et Mme Kauffmann, est ainsi libellé :

Amendement n° 14, alinéa 6

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

En cas de manquement à ces vérifications, l’établissement est sanctionné d’une pénalité d’un montant dix fois supérieur au montant prélevé. Ce montant est reversé au titulaire du compte sur lequel les commissions ont été perçues.

La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Je reviens sur ce que j’ai dit. En fait, si cet amendement de la commission était adopté, je souhaiterais qu’il soit précisé sur un certain nombre de points, ce qui nous permettrait de mieux cibler les conséquences des pratiques que l’on constate aujourd’hui, et notamment de la fameuse commission d’intervention.

À l’origine, cette pratique était louable, puisqu’il s’agissait pour les banques qui l’avaient mise en place de faire en sorte que leurs clients changent de comportement lorsqu’ils avaient une tendance à se laisser aller à des irrégularités trop fréquentes. Or il se trouve que cette commission, aujourd’hui, est bien perçue par les établissements bancaires sans qu’il y ait la moindre intervention d’un conseiller.

Je propose, de manière équitable, de laisser la possibilité de percevoir cette commission, à condition qu’elle soit la contrepartie d’un travail bancaire effectif.

Comme un de nos collègues l’a dit en parlant de questions éthiques, il est utile d’avoir un cadre qui permette d’autoriser la banque à prélever de telles commissions, à condition qu’elles correspondent à un travail effectif de sa part, et non pas à une surenchère d’agios, qui aboutit à une augmentation des découverts des clients, alors même que, dans la réalité, le banquier n’a réalisé aucun travail effectif.

Je souhaite donc que notre assemblée adopte ce sous-amendement n° 17 rectifié bis, car il ne « mange pas de pain ». Il vise simplement à enjoindre aux banques d’être raisonnables et de n’appliquer des commissions que dans la mesure où elles ont effectivement mené une action auprès du client pour le sensibiliser et le prévenir, soit par un coup de téléphone, soit par un mail, qu’il devait régulariser son compte dans les plus brefs délais.

Ce premier sous-amendement ne fait que cadrer les choses de la manière la plus régulière possible pour éviter les abus constatés, qui viennent creuser les découverts des clients en ajoutant de nouvelles commissions d’intervention, etc. On n’en finit plus ! Je souhaite simplement mettre un terme à une situation abusive en imposant un comportement éthique aux banquiers.

Imaginez que vous allez dans une pharmacie pour un mal de gorge. Vous demandez un médicament au pharmacien pour vous soigner. Plus tard, vous vous rendez compte que l’on vous a prélevé des frais médicaux sur votre compte bancaire, comme si vous étiez allé voir votre médecin. Autrement dit, on vous facture une visite chez le médecin, alors que vous ne l’avez pas vu. C’est la même chose pour les commissions d’intervention.

Les sous-amendements suivants portent sur les délais et, enfin, les pénalités, au cas où ces règles ne seraient pas respectées.

Avec le deuxième sous-amendement, je propose un délai de cinq jours pour prélever la commission d’intervention, après avoir préalablement prévenu le client du risque qu’il encourait. C’est d’autant plus nécessaire que, avec la dématérialisation, le client, très souvent, ne s’en rend pas compte. Il constate le prélèvement trop tardivement, au moment où il consulte ses comptes sur internet.

Le troisième sous-amendement porte sur les pénalités. Il s’agit de dire à la banque qui serait tentée de ne respecter ni les règles portant sur l’action effective ni les délais de prévenance qu’elle sera pénalisée. Cette pénalité correspondrait à dix fois le montant prélevé au client dès l’instant qu’elle n’aurait pas respecté les règles qui relèvent de l’éthique : premièrement, je fais effectivement le travail pour lequel je me fais rémunérer ; deuxièmement, je donne un délai aux clients pour qu’ils réagissent ; troisièmement, je suis pénalisée si je n’ai pas respecté ces règles.

Voilà, ces propositions sont très simples, basiques et de bon sens et leur adoption permettrait d’établir un cadre correct, clair et transparent.

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patriat, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cadre de leurs services proposés aux personnes vulnérables au regard de leur situation de fragilité financière, les établissements de crédits publient deux fois par an, sur leur site internet, les critères retenus, le nombre de bénéficiaires dans leur réseau, ainsi que le montant moyen des frais payés par eux. »

La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. La transparence est évidemment un sujet clé pour comparer les offres bancaires. L’objet de cet amendement est donc d’améliorer la transparence. Nous savons que les critères pour bénéficier de l’offre spécifique sont précisés par le code monétaire et financier : il s’agit des personnes inscrites au fichier central des chèques de la Banque de France pendant plus de trois mois consécutifs, à cause d’un chèque impayé ou d’un retrait de carte bancaire par leur banque, et des personnes faisant l’objet d’une procédure de surendettement.

Néanmoins, une plus grande marge de manœuvre est laissée aux banques s’agissant des personnes en situation de fragilité financière. Ainsi, les études réalisées par l’ACPR montrent que certains établissements bancaires usent de critères particulièrement restrictifs pour apprécier la fragilité de leurs clients. Ce sont par exemple uniquement ceux dont les revenus sont inférieurs à 1 200 euros par mois, quel que soit leur historique d’incidents de paiement.

Nous proposons que les banques rendent publics, notamment sur leur site internet, le nombre de clients identifiés comme vulnérables, les critères qu’elles ont retenus et le montant moyen des frais qu’ils ont payés.

Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire d’inscrire dans la loi les engagements pris par les banques en septembre 2018, c’est-à-dire le plafonnement à 250 euros par an et à 25 euros par mois des frais bancaires pour les clients les plus fragiles, et à 20 euros par mois et à 200 euros par an pour les détenteurs de l’offre spécifique. Nous pensons en revanche que cette transparence dans les critères retenus, qui seraient ainsi davantage connus de tous, pourrait permettre d’assurer une plus grande équité de traitement, et surtout de pointer du doigt les mauvaises pratiques.

Nous nous abstiendrons sur l’amendement de la commission des finances. Cette intervention vaudra explication de vote sur les autres amendements et sous-amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois sous-amendements et sur l’amendement n° 8 ?

M. Michel Canevet, rapporteur. S’agissant des sous-amendements de M. Guerriau, je voudrais rappeler que les commissions d’intervention sont plafonnées aujourd’hui à 8 euros par opération et à 80 euros par mois pour l’ensemble de la population, et à 4 euros par opération et à 20 euros par mois pour les personnes bénéficiant de l’offre spécifique.

Bien sûr, je partage tout à fait l’idée de mettre l’accent sur une démarche préventive, qui est effectivement souhaitable. Simplement, le dispositif proposé risque de ne pas être opérationnel, car il est concentré sur les seules commissions d’intervention, alors même que les frais d’incident bancaire excèdent cette seule question. Les banques tendent d’ailleurs à mélanger les commissions d’intervention avec d’autres frais. Il faut aussi souligner que la facturation actuelle des commissions d’intervention, lorsqu’elle est intégrée à un montant forfaitaire de frais de rejet, ne permet pas aux clients de visualiser le respect effectif du plafond. Enfin, je crois que le cadre législatif actuel prévoit déjà l’information préalable du client. Le sujet relève à mon avis plutôt des modalités réglementaires de mise en œuvre de cette information. J’émets donc un avis défavorable sur les trois sous-amendements, même si, je le répète, il faut accentuer la démarche préventive.

L’amendement n° 8 de M. Bargeton, qui vise à assurer la publicité des critères retenus par les établissements de crédit pour l’identification de la clientèle en situation de fragilité financière, est à mon sens satisfait par le dispositif que je propose. J’en demande donc le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. S’agissant des trois sous-amendements, je vais reprendre l’argumentaire du rapporteur. Effectivement, il y a déjà un plafonnement des commissions d’intervention. Celles-ci interviennent en regard, justement, du non-respect de la convention bancaire. Vous parlez de sanction : c’est un peu la même logique, mais appliquée aux clients et l’enjeu est de prévenir ces situations. J’émets donc un avis défavorable.

Je demande le retrait de l’amendement n° 14, en cohérence avec la position que j’ai exprimée sur l’ensemble de la proposition de loi. En fait, cet amendement est satisfait par le dispositif actuel. Il y a déjà un plafonnement et, par ailleurs, l’OIB collecte déjà les critères de fragilité utilisés par les établissements. Ceux-ci publieront dès cette année, dans leur rapport annuel, ces critères d’identification. C’est une avancée que nous mettons en place cette année, de façon à ce que non seulement l’OIB, mais également le public puissent y avoir accès.

Enfin, monsieur Bargeton, je vous suggère de retirer l’amendement n° 8 pour la même raison, c’est-à-dire qu’il est satisfait, même si la publication est prévue seulement une fois par an, au lieu de deux, comme vous le proposez. Cependant, il y aura bien, au-delà de l’OIB, l’obligation d’une publication annuelle des critères de fragilité, qui sont d’ailleurs, je le rappelle, encadrés réglementairement par l’article R. 312-4-3 du code monétaire et financier. Vous mentionnez le niveau d’approvisionnement du compte, qui reste à la main de la banque. C’est justement ce que nous voulons faire préciser.

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. Les sous-amendements sont intéressants, même s’ils abordent parfois des questions périphériques par rapport à l’objet initial de la proposition de loi. En donnant votre avis sur les sous-amendements, madame la secrétaire d’État, vous avez dit que les commissions d’intervention répondaient non pas à une logique de rémunération d’un travail, mais à une logique de sanction. C’est précisément de cette logique que nous voulons sortir.

Par ailleurs, le sous-amendement n° 18 rectifié bis vise à donner au client le temps de rattraper un oubli, à moins, évidemment, de trouver d’autres solutions. Or cela concerne non pas les clients les plus en difficulté des banques, mais, en général, ceux qui ont oublié de virer de l’argent d’un compte d’épargne vers leur compte courant. Quant au sous-amendement n° 19 rectifié bis, il a pour objet d’imposer des sanctions supplémentaires en cas de non-respect des règles. Je crois que cela va aussi dans le bon sens.

Je dirai la même chose concernant la transparence, sujet qu’aborde l’amendement n° 8 présenté par Julien Bargeton. Comme le disait Laurence Rossignol lors de la discussion générale : puisque les banques prétendent respecter ce principe, quel problème y aurait-il à l’inscrire dans la loi ? En réalité, ce refus de légiférer vise toujours à permettre d’interpréter a minima les engagements pris et, le cas échéant, de les oublier en cours de route, sur la durée. Je crois donc qu’il est important d’inscrire les obligations de transparence dans la loi.

C’est ce que permet d’ailleurs l’amendement n° 14 présenté par le rapporteur, qui constitue un véritable progrès. S’il est adopté – je n’ai guère de doute sur ce point –, cet amendement constituera la colonne vertébrale du texte que le Sénat adoptera. À partir du moment où cette colonne vertébrale existe, nous aurons permis un progrès par rapport à la situation actuelle. C’est une évidence et c’est vraiment très important. Néanmoins, cet amendement vise à réécrire notre proposition de loi, qui ne comporte qu’un article unique, tout en limitant beaucoup sa portée et son impact en la limitant aux frais pour incidents bancaires et aux publics les plus fragiles.

Je veux d’ores et déjà noter le travail sérieux et les progrès certains obtenus cet après-midi au Sénat. Toutefois, comme nous pensons qu’il faut être plus ambitieux que le rapporteur, nous ne voterons pas son amendement.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

M. Joël Guerriau. Je veux d’abord remercier M. Rémi Féraud de son interprétation de mes sous-amendements. J’ai du mal à comprendre l’intervention de M. le rapporteur. Je n’ai pas posé la question de savoir s’il fallait plafonner ; j’ai posé la question de savoir s’il fallait laisser perdurer une pratique injustifiée, qui consiste à prélever des frais pour une prestation qui n’a pas été réalisée. C’est comme si l’on acceptait finalement un vol manifeste.

Je ne comprends pas que le législateur ne réagisse pas. Comment accepter que les banques, qui admettent que la commission « d’intervention » ne correspond plus à une intervention, tentent de nous rassurer en disant qu’elle sera plafonnée ? Cela revient à autoriser une irrégularité et prétendre l’atténuer en invoquant le plafonnement. On pose une limite à un vol manifeste. Je suis désolé : s’il y a intervention, il y a facturation ; s’il n’y a pas intervention, il n’y a pas facturation ! Mon sous-amendement est extrêmement simple : l’intervention doit être effective !

Vous êtes en train d’autoriser que perdure une pratique inacceptable. Je le dis haut et fort, et si vous voulez m’attaquer, il n’y a aucun souci. Je ne manque pas de preuves.

Un de nos collègues vient de nous parler des étudiants. Figurez-vous que j’ai reçu une pétition d’étudiants qui se plaignent des commissions d’intervention. Les étudiants sont touchés par cette pratique, et en grand nombre. Ce sont même eux qui sont les premiers touchés par ces commissions d’intervention, qui ne sont justifiées par aucune intervention réelle. Je trouve inadmissible que, en tant que législateurs, nous puissions accepter cette situation en nous rassurant avec le plafonnement. Cela me choque énormément ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je vais bien évidemment soutenir l’amendement du rapporteur, mais je souhaite aussi soutenir les sous-amendements nos 17 rectifié bis et 18 rectifié bis.

S’agissant de l’intervention effective, je serai moins énergique que notre collègue auteur de ces sous-amendements, mais je voudrais rappeler, notamment à notre président de séance, qui met tellement de soin à présenter des « textes balais », que ce n’est pas le seul sujet pour lequel on prélève des frais pour des interventions qui n’existent pas. Ainsi, en matière de saisies immobilières, le créancier continue à payer une somme astronomique pour le salaire du conservateur des hypothèques, qui n’existe plus depuis des dizaines d’années. Je ne suis pas non plus d’accord pour payer des services qui n’existent pas et je soutiens donc le premier de ces sous-amendements.

En ce qui concerne le deuxième sous-amendement, c’est une question d’information, et puisque l’on a réduit le champ de cette proposition de loi par rapport à l’ambition initiale et qu’elle est tout à fait conforme à ce que voulait notre commission des finances, je pense que l’on peut ajouter un peu de transparence, car cela ne nous emmène pas trop loin. Au contraire, ce sous-amendement nous permettra d’avoir une vision plus claire de l’ensemble des frais bancaires et des prélèvements.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour me conformer à nos règles déontologiques, je vais simplement dire que je suis un employé du secteur bancaire en suspension de contrat de travail. Madame Rossignol, depuis que je suis parlementaire, personne n’a eu le culot de me passer le moindre coup de téléphone pour essayer d’orienter mon vote ou mes prises de parole. Cela aurait pu être le cas, puisque je me suis déjà exprimé sur ce sujet lors de la réunion de la commission des finances. Cela étant dit, je ferme la parenthèse.

Pour en revenir au texte de nos collègues socialistes, je le dis d’emblée, le groupe Les Républicains va soutenir la proposition de notre rapporteur, qui nous semble un bon compromis. Qu’un problème se pose, personne ne dit le contraire. Il y a eu des abus, avec des cascades de frais pour incidents bancaires, qui pénalisent effectivement trop souvent ceux qui ont déjà des difficultés. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut effectivement légiférer pour essayer de limiter ce genre de situation. Toute la question est de savoir jusqu’où aller.

Or votre proposition de loi ne traite pas que des gens qui sont en difficulté. Vous voulez toucher tout le monde et toujours tout réglementer. C’est là que je vois un vrai problème ! Vous étiez en train de nous expliquer, voilà quelques instants, que, si quelqu’un qui a des moyens oublie de transférer une somme de son compte d’épargne sur son compte courant et que, tout d’un coup, survient un incident de paiement, il fallait aussi traiter ce cas dans la loi. Franchement, est-ce que vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de nous proposer, en plus de l’exemple que vous êtes en train de nous donner ?

Nous devons donc être prudents, parce que l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions.

Je suis élu d’un département compliqué, la Seine-Saint-Denis, où beaucoup d’habitants n’ont effectivement pas d’autre solution que d’aller à La Poste, qui est effectivement la seule banque qui les accepte, même si d’autres banques sont présentes. Les dispositions que vous nous proposez poseront beaucoup de difficultés. Je pense au quatrième alinéa, où vous donnez le pouvoir au président du CCAS ou du CIAS de délivrer une injonction à l’agence bancaire pour classer tel ou tel client. Mes chers collègues, imaginez-vous les conséquences possibles d’une telle disposition ? Croyez-moi, beaucoup de ces banques fermeront leurs agences dans ces territoires pour ne plus avoir à subir des réglementations de cette nature. Au bout du compte, on ne fera que pénaliser un peu plus ceux qui cherchent effectivement une solution dans une banque « classique » – je ne dis pas, pour autant, que La Banque postale n’est pas une banque classique…

En résumé, je pense que notre rapporteur nous propose un bon compromis. Avec ce que nous nous apprêtons à transcrire dans la loi, nous allons plus loin que ce qui existe aujourd’hui. C’est une bonne chose, mais, de grâce, n’allons pas jusqu’au bout des idées que vous développiez dans le texte initial. Merci de m’avoir laissé conclure, monsieur le président, même si j’ai largement dépassé mon temps de parole. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Toute la difficulté, c’est que nous avons une approche un peu parcellaire de ce sujet. Je suis sensible à ce que dit Joël Guerriau : il n’y a pas de prestation, mais on facture une prestation ! Ce sujet mérite d’être traité, mais là, on ne traite pas l’ensemble du problème.

Je vais vous citer un autre cas que j’ai découvert. Je ne savais pas que cela existait, mais il faut savoir que les banques raclent les fonds de tiroir. Pour une petite entreprise, il y a ainsi une commission de lecture de bilan, facturée 250 euros. Je l’ai découverte cette année, parce qu’elle n’était pas appliquée auparavant à ladite entreprise. On découvre toujours des nouveautés… Je pense qu’il faut plus parler des pratiques et des méthodes utilisées que du niveau des prestations, car ce dernier aspect relève du domaine de la concurrence.

Avec votre approche, on va poser quelques rustines pour essayer d’améliorer le système, puis on y reviendra, parce qu’on s’apercevra qu’il y a d’autres trous ailleurs qui ne sont pas supportables. Cette problématique mériterait un examen un peu plus large. On s’y est intéressé non pas par le biais des banques, mais par le biais d’une préoccupation sociale parfaitement justifiée à mon sens. Cependant, on va boucher trois trous et en laisser cinq ou six, sur lesquels il faudra revenir.

J’y insiste, le fonctionnement du secteur bancaire mériterait un examen plus approfondi, madame la secrétaire d’État, même si vous pensez qu’il est globalement satisfaisant. Il y a sans doute des améliorations à y apporter, en matière d’équité et de simplification pour les entreprises, mais aussi de justice sociale pour un certain nombre de familles modestes. Je me rallierai à la position de la commission, mais j’en appelle à un examen plus approfondi du fonctionnement du système bancaire vis-à-vis de ses clients. Il y a des pratiques qui peuvent ne pas être justifiées, comme l’a dit Joël Guerriau à propos des commissions d’intervention.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je souhaite rebondir sur l’intervention de M. Gabouty. Effectivement, ce texte aborde le seul cas des particuliers. Or nous venons de lancer, parce que c’est un élément qui nous a été signalé dans le cadre de la stratégie nationale pour l’artisanat et le commerce de proximité, une mission spécifique sur les frais bancaires des TPE. En effet, celles-ci ne sont pas toujours armées pour bien choisir leur banque après mise en concurrence. Parfois, elles se plaignent de leurs frais bancaires. Cela peut être dû à un défaut d’accompagnement ou à une situation où elles se voient imposer des frais bancaires qu’elles n’auraient pas à payer. En tout état de cause, ce problème fera l’objet d’un rapport dans les prochains mois.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 17 rectifié bis.

(Le sous-amendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 18 rectifié bis.

(Le sous-amendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 19 rectifié bis.

(Le sous-amendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article unique est ainsi rédigé, et les amendements nos 8, 1 rectifié, 2 rectifié, 13 rectifié, 10 rectifié, 3 rectifié, 11 rectifié et 12 rectifié n’ont plus d’objet.

Article unique
Dossier législatif : proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires
Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 16

Articles additionnels après l’article unique

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 7 rectifié ter, présenté par MM. Féraud, Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, M. M. Bourquin, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, M. Duran, Mme Féret, M. Fichet, Mme Grelet-Certenais, M. Jacquin, Mme Jasmin, M. Kerrouche, Mmes Lepage, Lubin, Meunier, Monier et Préville, MM. Roger, Tissot, Todeschini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article L. 312-1-1 du code monétaire et financier est remplacé par deux paragraphes ainsi rédigés :

« I. – Les établissements de crédit sont tenus de mettre à la disposition de leur clientèle et du public l’information sur les prix, en base annuelle, des services les plus représentatifs liés à un compte de paiement ou d’un compte de dépôt énumérés au A du I de l’article D. 312-1-1 du code monétaire et financier. Cette information est délivrée gratuitement sous forme électronique sur le site internet de l’établissement, et en libre-service dans les locaux de réception du public, sur support papier ou sur un autre support durable, de manière permanente, constante, visible, lisible, et accessible.

« …. – Les établissements de crédit sont tenus de mettre à la disposition, sur support papier ou sur un autre support durable, de leur clientèle et du public les conditions générales et tarifaires applicables aux opérations relatives à la gestion d’un compte de dépôt, selon des modalités fixées par un arrêté du ministre chargé de l’économie. »

La parole est à M. Rémi Féraud.

M. Rémi Féraud. Cet amendement nous a été inspiré par l’UFC-Que Choisir. Il vise à renforcer la transparence des informations tarifaires, parce que certains établissements éditent des documents qui comportent plusieurs centaines de prix différents et, en fonction des établissements, ces tarifs sont présentés sur une base mensuelle, trimestrielle ou annuelle. En réalité, on est face à une transparence illisible pour le consommateur, si vous me permettez cet oxymore. Pour que les consommateurs puissent plus facilement déterminer les sommes qu’ils auront à débourser et effectuer un choix éclairé au moment d’ouvrir un compte dans un établissement bancaire, nous proposons de faciliter la lisibilité des frais bancaires dans leur ensemble.

M. le président. L’amendement n° 15, présenté par M. Canevet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au I de l’article L. 312-1-1, après le mot : « dépôt », sont insérés les mots : « ainsi qu’aux frais liés aux irrégularités de fonctionnement et aux incidents de paiement » ;

2° Au I de l’article L. 314-13, après la référence : « L. 522-4 », sont insérés les mots : « ainsi qu’aux frais liés aux irrégularités de fonctionnement et aux incidents de paiement ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Canevet, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer l’information des clients sur le détail et le montant des tarifs d’irrégularités de fonctionnement et d’incidents de paiement.

Actuellement, les frais d’incidents bancaires ne figurent pas dans la liste des informations que les établissements de crédit ou de paiement sont tenus de mettre à disposition de leur clientèle et du public. Nous proposons de les y inclure.

M. le président. L’amendement n° 9, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Iacovelli, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patriat, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le I de l’article L 312-1-1 du code monétaire et financier, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Les établissements de crédit présentent, dans un document unique, notamment sur leur site internet, les tarifs applicables aux services suivants :

« 1° Abonnement à des services de banque à distance ;

« 2° Abonnement à des produits offrant des alertes sur la situation du compte par SMS ;

« 3° Tenue de compte ;

« 4° Fourniture d’une carte de paiement internationale à débit immédiat ;

« 5° Fourniture d’une carte de paiement international à débit différé ;

« 6° Fourniture d’une carte de paiement à autorisation systématique ;

« 7° Retrait d’espèces en euros dans la zone euro d’un autre établissement avec une carte de paiement internationale ;

« 8° Cotisation à une offre d’assurance perte ou vol de moyens de paiement ;

« 9° Virement SEPA occasionnel ;

« 10° Frais par paiement d’un prélèvement SEPA ;

« 11° Frais de mise en place d’un mandat de prélèvement SEPA ;

« 12° Commission d’intervention ;

« Les tarifs à mentionner sont ceux qui correspondent à ce qui est prélevé sur le compte du client : soit à l’unité, soit pour une période donnée qui est alors précisée. Si cette période n’est pas annuelle, une mention complémentaire est indiquée pour information en annualisant le tarif.

« Si plusieurs produits ou services dans l’offre proposée par l’établissement correspondent à une des définitions, un seul est retenu par l’établissement. »

La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Cet amendement, dans la lignée de ceux qui ont été présentés à l’instant, vise à renforcer la lisibilité des offres bancaires pour les particuliers.

Depuis la mise en place du nouveau document d’information tarifaire uniformisé à l’échelle européenne, les établissements bancaires ont progressivement mis de côté l’extrait standard des tarifs qui présentait de manière synthétique les principaux frais bancaires pratiqués. Cet extrait standard reposait sur une norme de droit souple adoptée par la Fédération bancaire française.

Je veux répondre d’avance à un argument de M. le rapporteur : il ne s’agit pas de reprendre ce que prévoit la partie réglementaire du code monétaire et financier, auquel cas notre amendement serait d’ores et déjà satisfait ; j’en ai bien conscience. L’objet de l’amendement est plutôt d’imposer aux banques la publication, sur leur site internet ou en agence, d’un document détaillant les frais de douze services de base : tenue de compte, cotisation à une carte de paiement, ou encore commissions d’intervention.

Il convient par ailleurs d’insister sur un point qu’a évoqué M. Féraud, même s’il peut apparaître comme un détail : nous devons inciter les banques à publier les tarifs bancaires en base annuelle ou à l’unité. Actuellement, les établissements bancaires indiquent leurs tarifs sur une base tantôt mensuelle, tantôt trimestrielle, tantôt annuelle ; cela ne facilite pas la compréhension des tarifs et engendre des malentendus inutiles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 7 rectifié ter et 9 ?

M. Michel Canevet, rapporteur. L’amendement n° 7 rectifié ter a le même objet que celui de la commission : améliorer l’information du public. Simplement, les frais d’incidents bancaires ne figurent pas dans son dispositif. C’est pourquoi je demande à M. Féraud de bien vouloir le retirer au profit de celui de notre amendement n° 15.

Quant à l’amendement n° 9, il tend, pour l’essentiel, à reprendre des dispositions qui figurent déjà dans la partie réglementaire du code monétaire et financier. Il me semble en outre toujours aussi important que les frais d’incidents bancaires puissent être intégrés au dispositif permettant de comparer les offres des différentes banques et, ainsi, de faire jouer la concurrence, comme nous le proposons. L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Il est défavorable sur ces trois amendements. En effet, le document d’information tarifaire présente bien l’ensemble des frais bancaires. Des travaux de place se sont employés à répondre à la demande de clarté, car les informations tarifaires pourraient être données de manière si précise et complète que la comparaison entre établissements serait impossible.

Je tiens à préciser que l’arrêté du 29 juillet 2009 portant application des articles L. 312-1-1 et L. 314-13 du code monétaire et financier prévoit que les informations que doivent fournir les établissements dans le cadre des conditions générales relatives à la gestion d’un compte de dépôt ou d’un compte de paiement incluent les frais d’incidents bancaires. L’amendement n° 15 est donc satisfait.

Quant à l’amendement n° 9, d’après les informations qui me sont parvenues, en particulier des associations de défense des consommateurs, il y a peut-être effectivement encore des progrès à faire autour du document d’information tarifaire ; nous pouvons poursuivre ce travail. En revanche, je ne recommande pas de faire figurer de telles dispositions dans la loi, car, outre qu’elles seraient redondantes, elles me semblent relever d’une démarche de place qui doit être poursuivie. Je m’engage en tout cas à reposer cette question.

L’action que nous menons avec la DGCCRF et l’appui que nous offrons aux associations de consommateurs témoignent de notre attachement, dans tous les domaines, à l’exercice de la transparence la plus totale, afin que le consommateur puisse comparer les offres disponibles et prendre les bonnes décisions.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. La question est peut-être redondante, madame la secrétaire d’État, mais elle n’est pas réglée ! C’est pourquoi il convient de soutenir énergiquement l’amendement n° 15 de la commission.

M. le président. Monsieur Bargeton, l’amendement n° 9 est-il maintenu ?

M. Julien Bargeton. L’amendement n° 15 aura peut-être plus de succès ; c’est pourquoi je vais retirer le nôtre. Nous voulions surtout appeler solennellement les banques à publier à nouveau l’extrait standard de leurs tarifs. J’aimerais vraiment que cette idée progresse ; en effet – nous y avons tous été confrontés –, le nouveau document d’information tarifaire est extrêmement difficile à déchiffrer. Une grille très simple qui présenterait les tarifs de douze services de la même manière d’une banque à l’autre serait un vrai plus. Cela dit, monsieur le président, je retire l’amendement n° 9.

M. le président. L’amendement n° 9 est retiré.

Monsieur Féraud, l’amendement n° 7 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Rémi Féraud. Oui, monsieur le président. S’il est rejeté, nous voterons en faveur de l’amendement de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié ter.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article unique - Amendements n° 7 rectifié ter, n° 15 et n° 9
Dossier législatif : proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires
Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 4 rectifié quater

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.

L’amendement n° 16, présenté par M. Canevet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 312-1-1 B du code monétaire et financier est complétée par les mots suivants : « , ainsi que d’évaluer la mise en œuvre du plafonnement prévu au deuxième alinéa de l’article L. 312-3 ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Canevet, rapporteur. Cet amendement vise à préciser la mission de l’Observatoire de l’inclusion bancaire, que j’ai déjà évoqué, de manière à ce qu’il évalue la mise en œuvre du plafonnement des frais d’incidents bancaires appliqué aux personnes en situation de fragilité financière. Il s’agit d’assurer le suivi du mécanisme de plafonnement. À cette fin, l’Observatoire a besoin de disposer de données fiables et exhaustives sur l’ensemble des frais d’incidents bancaires. Cela permettra l’élaboration d’un diagnostic commun.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. En cohérence avec la position que j’ai exprimée sur les autres amendements, il me faut émettre un avis défavorable, même si je reconnais qu’une telle disposition est la contrepartie logique de l’amendement n° 14 que vous avez adopté.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 16
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Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 5 rectifié quater

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article unique.

L’amendement n° 4 rectifié quater, présenté par MM. Féraud et Raynal, Mme Rossignol, MM. Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. P. Joly, Lalande et Lurel, Mmes Taillé-Polian et Blondin, M. Bérit-Débat, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, M. Duran, Mme Féret, M. Fichet, Mme Grelet-Certenais, M. Jacquin, Mme Jasmin, M. Kerrouche, Mmes Lepage, Lubin, Meunier, Monier et Préville, MM. Roger, Tissot, Todeschini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 312-1-. – Les personnes relevant du régime de l’activité partielle tel que défini par l’ordonnance n° 2020-386 du 1er avril 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d’autorisation d’activité partielle sont de fait considérées comme en situation de fragilité bancaire durant une période ne pouvant être inférieure à une année.

« Elles sont exonérées des commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire durant toute la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, ainsi que durant les trois mois suivants. »

La parole est à M. Rémi Féraud.

M. Rémi Féraud. Cet amendement, ainsi que les suivants, vise à adapter notre proposition de loi à l’état de crise sanitaire, économique et sociale que nous connaissons aujourd’hui, mais qui n’avait pas encore commencé à l’époque de son dépôt.

Le présent amendement vise à exonérer les personnes frappées par le chômage partiel de frais bancaires perçus au titre des incidents de paiement. Ce dispositif s’appliquerait durant une période limitée : celle de l’état d’urgence sanitaire ainsi que les trois mois suivants.

Ces personnes devraient également bénéficier, pendant au moins une année, du statut de personne en situation de fragilité bancaire, de manière à éviter qu’elles soient plus encore mises en difficulté.

Nous avons eu un débat similaire à l’instant au sujet des sous-amendements déposés par M. Guerriau. Si une commission d’intervention n’est pas liée à la rémunération d’un service, mais à une logique de sanction, toutes celles et tous ceux qui sont frappés, de manière très brutale, par la crise sociale actuelle ne doivent pas subir une telle sanction.

Nous avions déjà tenté d’avancer en ce sens lors de l’examen de la loi d’urgence ; j’estime nécessaire de compléter la présente proposition de loi, en particulier par cette mesure visant les salariés qui auront été en chômage partiel, mais aussi par les dispositions que contiennent les deux amendements suivants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Canevet, rapporteur. Cet amendement tend à mettre en situation de fragilité financière 12,7 millions de nos concitoyens, du serveur de bar au joueur de football professionnel ! Ce n’est pas raisonnable. La commission des finances a auditionné le gouverneur de la Banque de France, qui nous a fait état du niveau de thésaurisation de tous les livrets d’épargne : on compte plus de 60 milliards d’euros de thésaurisation supplémentaire ! Certes, certains salariés au chômage partiel rencontrent sans doute des difficultés, mais c’est loin d’être le cas de tout le monde. Pourquoi, dès lors, placer en situation de fragilité financière des gens qui n’en relèvent pas ? L’avis de la commission sur cet amendement ne peut donc être que défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Je comprends bien l’intention des auteurs de cet amendement, mais il vaut tout de même mieux toucher 4,5 fois le SMIC au titre du chômage partiel que recevoir un salaire de 1,5 SMIC ! Le critère du chômage partiel ne nous semble pas pertinent pour des mesures de ce type, d’autant qu’il a un caractère temporaire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié quater.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 4 rectifié quater
Dossier législatif : proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires
Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 6 rectifié quater

M. le président. L’amendement n° 5 rectifié quater, présenté par MM. Féraud et Raynal, Mme Rossignol, MM. Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, M. M. Bourquin, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, M. Duran, Mme Féret, M. Fichet, Mme Grelet-Certenais, M. Jacquin, Mme Jasmin, M. Kerrouche, Mmes Lepage, Lubin, Meunier, Monier et Préville, MM. Roger, Tissot, Todeschini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 312-1-. – Les personnes physiques bénéficiaires du fonds de soutien défini par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation sont de fait considérées comme en situation de fragilité bancaire durant une période ne pouvant être inférieure à une année.

« Elles sont exonérées des commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire durant toute la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face l’épidémie de covid-19, ainsi que durant les trois mois suivants. »

La parole est à M. Rémi Féraud.

M. Rémi Féraud. Le présent amendement reprend un dispositif semblable à celui du précédent amendement, mais il vise cette fois-ci les personnes physiques qui bénéficient du fonds de solidarité pendant la crise actuelle.

Nous ne nous comprenons pas, monsieur le rapporteur, à moins que nous fassions semblant de ne pas nous comprendre. Les joueurs de football professionnel, du moins les mieux payés d’entre eux, ne seront dans les faits pas concernés par ce dispositif, puisqu’ils ne connaîtront pas d’incidents bancaires. Le salarié qui touche 4,5 SMIC au titre du chômage partiel, à moins de se trouver dans une situation tout à fait particulière, ne sera pas non plus concerné. Notre proposition concerne bien les personnes qui connaissent des difficultés financières en cette période du fait de la crise sociale ; quant aux autres, ils ne bénéficieront pas d’un dispositif qui, de fait, ne les concernera pas : cela ne coûtera donc rien aux banques.

Par ailleurs, nous n’entendons appliquer ce principe d’exonération des commissions d’intervention que sur une période extrêmement restreinte. Pour le reste, il ne s’agit ni de gratuité ni de suppression, mais bien d’un plafonnement. Il en sera comme pour les personnes qui bénéficient du dispositif dit « spécifique » : celles-ci payent quand même des commissions d’intervention pour incident bancaire, mais une limite est posée de manière à ce qu’elles ne se retrouvent pas, ensuite, la tête sous l’eau pour des années.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Canevet, rapporteur. La disposition proposée vise les bénéficiaires du fonds de solidarité mis en place par l’État, mais ce fonds s’adresse à une clientèle professionnelle. La présente proposition de loi ne concerne toutefois que les particuliers, non les professionnels. Cette disposition ne s’inscrit donc pas dans l’esprit du texte. La commission a donc émis sur cet amendement un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Il est également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié quater.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 5 rectifié quater
Dossier législatif : proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires
Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié quater, présenté par M. Féraud, Mme Rossignol, MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, M. M. Bourquin, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, M. Duran, Mme Féret, M. Fichet, Mme Grelet-Certenais, M. Jacquin, Mme Jasmin, M. Kerrouche, Mmes Lepage, Lubin, Meunier, Monier et Préville, MM. Roger, Tissot, Todeschini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 312-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 312-1-. – Les bénéficiaires des aides mentionnées aux articles L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles, L. 821-1 du code de l’habitat et de la construction et L. 821-1 du code de la sécurité sociale, les personnes bénéficiant des bourses sur critères sociaux des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires ainsi que les personnes en situation de fragilité financière définies au deuxième alinéa de l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier sont exonérées des commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire durant toute la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, ainsi que durant les trois mois suivants. »

La parole est à M. Rémi Féraud.

M. Rémi Féraud. En déposant cet amendement, nous avons voulu faire confirmer par notre assemblée l’adoption, il y a deux semaines, d’un amendement similaire déposé par Mme Rossignol lors de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire.

Cet amendement visait à protéger contre les commissions d’intervention pour incidents bancaires les personnes les plus fragiles, c’est-à-dire les bénéficiaires des minimas sociaux, du RSA et de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), mais aussi les jeunes, notamment les étudiants, qui bénéficieront en juin de l’aide versée par l’État, public que nous avons déjà évoqué au cours de notre débat. Nous avions veillé à limiter le champ de cette disposition aux frais bancaires pour incidents de paiement.

Il serait à mes yeux d’une logique imparable de confirmer le vote alors exprimé par le Sénat. Par ailleurs, nous nous honorerions à vraiment prendre en compte les effets de l’état d’urgence sanitaire en la matière.

Le coût de cette mesure pour les banques ne serait d’ailleurs pas considérable ; elles ne pourraient pas l’invoquer pour justifier des fermetures d’agences, d’autant qu’elle serait très limitée dans le temps.

Cette mesure aurait en revanche une importance considérable pour l’intérêt public. Elle permettrait d’éviter que l’argent versé par la collectivité ne serve qu’à arroser le désert. Ainsi, on doit verser aux étudiants 200 euros, une seule fois, au mois de juin ; s’ils ont dû s’acquitter d’un montant à peu près équivalent en commissions d’intervention pour incidents bancaires au cours des trois mois précédents, quelle serait donc l’utilité de cet argent ? Nous pouvons demander aux banques de participer au soutien apporté aux Français les plus modestes et les plus fragiles dans la période si grave et particulière que nous traversons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Canevet, rapporteur. Cet amendement part certainement d’une très bonne intention : porter une attention particulière aux plus fragiles de nos concitoyens. C’est tout à fait légitime.

Cela dit, il faut quand même déterminer l’opérationnalité des dispositifs que nous adoptons. Mettre en place des dispositifs qui ne peuvent être opérationnels ne me semble pas être utile ou de bon sens.

Il est question dans cet amendement de la période d’urgence sanitaire, mais cette proposition de loi ne sera pas adoptée avant le 10 juillet prochain. Si de telles dispositions devaient être ainsi mises en place, ce serait a posteriori. Il me semble que ce serait extrêmement compliqué.

En outre, cet amendement vise les seules commissions d’intervention, alors qu’il aurait fallu évoquer l’ensemble des frais bancaires.

La mise en œuvre du dispositif proposé me paraît par ailleurs difficile. Pour identifier la clientèle concernée, il faudrait prendre bien des mesures et, notamment, élaborer des fichiers pour lesquels l’accord de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) serait nécessaire, dans la mesure où il s’agirait de l’identification de personnes par un processus complexe qui risque d’être stigmatisant. En tout cas, je vois mal comment tout cela pourrait être rapidement mis en œuvre : c’est pourquoi je juge que ce dispositif n’est pas opérationnel.

Enfin, une telle mesure risque de rendre difficile la situation de La Banque postale, dont la clientèle compte nombre de personnes figurant parmi les plus fragiles. Le président de La Banque postale m’a prévenu qu’il fallait veiller à ne pas priver cet établissement des moyens de continuer sa mission de service public au service de la population et, en particulier, des plus fragiles. Cette mission coûte de l’argent ; il faut donc lui donner les moyens de la remplir.

Selon moi, ce dispositif n’étant pas opérationnel, il ne serait pas bon de le faire figurer dans la loi. Je suggérerais plutôt au Gouvernement de mener des discussions avec les établissements bancaires pour bien leur faire comprendre que, dans cette période difficile, ils doivent se montrer attentifs aux situations des plus fragiles. Les publics qui bénéficient d’aides pourraient ainsi être exonérés de facto de commissions d’intervention et autres frais bancaires, de manière à ce que leur situation ne se détériore pas plus encore : tout cela relève des discussions à mener avec la Fédération bancaire française et les établissements de crédit.

Il me semble que les banques ont déjà pris des dispositions permettant de prendre en compte la situation de ces publics, comme je l’ai rappelé dans mon propos liminaire : des échéances de prêts ont été reportées, certaines cotisations ont été annulées, comme me l’ont confirmé certains établissements bancaires. Cela atteste que les banquiers ont compris la difficulté de la situation ; ils ne sont pas non plus ennemis de la bonne santé financière de leurs clients.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. L’argumentaire très complet M. le rapporteur me dispense d’apporter une autre justification à l’avis défavorable du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Je comprends bien les difficultés techniques soulevées par M. le rapporteur, mais il me semble que les banques peuvent les affronter, les gérer et les lever ; le dispositif peut également être affiné par la voie réglementaire.

Il est surtout important, selon moi, que ceux qui sont mis en difficulté dans la période actuelle, que ce soit, au mieux, parce qu’ils sont au chômage partiel, ou parce que, n’étant pas salariés et ne relevant donc pas de ce régime, ils connaissent une importante perte de revenus, soient accompagnés, au-delà de cette période, au cours de la sortie de crise, qui sera particulièrement difficile pour eux. On sait très bien que la crise actuelle constitue une trappe à pauvreté : on peut y tomber très vite et peiner à en sortir.

C’est pourquoi empêcher les banques de prélever ce qu’on appelle communément des « agios » pendant la crise sanitaire me paraît être une mesure à caractère social, de lutte contre l’accroissement et l’approfondissement de la pauvreté. Elle mérite donc d’être adoptée par notre assemblée comme elle l’a été à l’occasion de l’examen de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. Nous avions été étonnés, puis choqués, de voir la majorité de l’Assemblée nationale, qui se dit souvent sociale, accepter l’injonction du Gouvernement de revenir sur cette mesure adoptée par le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Il me faut dire quelques mots, puisque j’avais défendu, il y a deux semaines, lors de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, la position favorable du groupe Les Républicains sur un amendement à l’objet identique. J’avais porté cette idée et j’avais été suivi par mes collègues, ce dont je les remercie.

Je souhaitais vraiment saluer l’initiative de cette réflexion sur la situation des membres plus pauvres et les plus en difficulté de notre société, ceux qui touchent les minima sociaux, au regard du contexte actuel. C’est pourquoi nous avions voté, presque à l’unanimité, en faveur de cet amendement.

Cela dit, depuis deux semaines, des éléments importants sont apparus. Nous avons travaillé sur le dispositif de cet amendement, sur ses aspects techniques. La commission des finances nous a apporté son éclairage, la CNIL a également été sollicitée pour que nous puissions disposer, en quelque sorte, de son avis sur l’application d’une telle mesure.

Au regard des informations ainsi reçues, deux réelles difficultés apparaissent. D’une part, le délai qui s’impose est très court, puisque la fin de l’état d’urgence sanitaire se rapproche, même si trois mois supplémentaires sont proposés. D’autre part, une incertitude juridique demeure qui n’a pu être levée.

Pour ces raisons, le groupe Les Républicains suivra l’avis de M. le rapporteur et votera contre cet amendement, bien qu’il s’agisse selon moi d’un vrai sujet de préoccupation. Je tiens en revanche à vous saluer, mes chers collègues, pour avoir porté ce débat au sein de la Haute Assemblée ; je voulais simplement vous faire comprendre pourquoi notre vote sera différent de celui qui a eu lieu il y a deux semaines. La logique de cette maison, qui tient à adopter des lois pragmatiques, et non pas simplement des déclarations d’intentions, doit prévaloir sur le regard que vous pouvez porter sur notre vote.

Mme Laure Darcos. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Je tiens à répondre à l’intervention de M. Mouiller. Qui peut dire, mon cher collègue, que le 10 juillet l’état d’urgence sanitaire sera levé ? Personne, à ce stade ! Pour notre part, nous estimons qu’il vaut mieux prévenir que guérir ; c’est pourquoi nous avons déposé cet amendement.

Dès lors, non seulement nous le maintenons, mais nous demandons qu’il soit mis aux voix par scrutin public, de manière à ce que les choses soient claires. J’ai bien noté, mon cher collègue, que vous estimiez qu’il n’y avait pas de contradiction entre votre vote à venir et celui d’il y a deux semaines ; quant à nous, nous jugeons qu’il vaut mieux persister dans la défense de celles et ceux qui sont le plus en difficulté.

Cet amendement est très important : il est plus que symbolique, il répond à une demande très forte. Les raisons qui vous ont amenés, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, à voter en faveur d’une disposition identique il y a quinze jours, existent toujours ; la situation est même pire encore ! Alors, ne soyez pas frileux ! J’espère au moins qu’une partie d’entre vous, dans le cadre d’un scrutin public, saura nous soutenir sur ce point.

M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.

M. Rémi Féraud. M. le rapporteur n’a pas tort : la responsabilité de cette situation incombe avant tout au Gouvernement.

Le Sénat a adopté un amendement, à l’unanimité, ou presque, de manière à exprimer une préoccupation sociale qui a été jugée très légitime au-delà des clivages politiques.

Dans un deuxième temps, le Gouvernement a déposé à l’Assemblée nationale un amendement de suppression de cette disposition. Il l’a d’ailleurs défendu de manière incohérente. En effet, l’exposé des motifs de cet amendement de suppression présentait un argument de fond, selon lequel ceux qui auraient dû payer des frais d’incidents bancaires pourraient profiter d’un effet d’aubaine si ces frais étaient annulés, ce qui serait très grave, mais M. le ministre des solidarités et de la santé, lors de son examen en séance publique, a déclaré regretter cet exposé des motifs, qu’il disait découvrir en même temps que les députés : il a préféré invoquer à l’appui de la suppression de cette disposition l’argument selon lequel il s’agirait d’un cavalier législatif. Ce n’était pas, selon M. Véran, le bon moment pour adopter cette mesure, qu’il affirmait approuver sur le fond. Je résume ses propos, mais je ne crois pas les dénaturer profondément.

Enfin, aujourd’hui, alors que le Sénat revient sur ce sujet, à l’occasion de l’examen de notre proposition de loi, on nous affirme que c’est trop tard et que le dispositif n’est pas opérationnel. Eh bien, je sais que la responsabilité de la situation qui nous a conduits à déposer cet amendement revient au Gouvernement, mais j’estime qu’il n’est pas trop tard, comme l’a bien dit Patrick Kanner. Surtout, le sujet est suffisamment important pour que nous affirmions notre volonté d’avancer sur ce dispositif à l’occasion de l’examen de ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je regrette de contrarier notre cher rapporteur, mais je soutiendrai cet amendement.

En effet, premièrement, invoquer l’inopportunité de cette mesure quand on sait dans quelle situation se débat une partie de la population la plus fragile ne me paraît pas juste. On a parlé d’effet d’aubaine : il me semble qu’il n’est pas forcément là où on l’imagine ! J’ai beaucoup travaillé sur la fraude et je ne suis pas sûre que les populations dont il est aujourd’hui question profiteraient d’un tel effet d’aubaine.

En deuxième lieu, le Sénat a déjà voté en faveur de cette disposition ; nous n’avons aucune raison de nous déjuger.

Enfin, si notre vote doit être un vote de cohérence, on nous objecte l’argument du pragmatisme : on ne sait pas quand ce texte sera examiné par l’Assemblée nationale, s’il y arrive jamais. Quoi qu’il en soit, c’est le moment d’envoyer un signal fort aux populations que nous voulons aider : nous soutenons une mesure visant à les exempter de ces frais pendant la période d’urgence sanitaire. De toute façon, ce texte n’a presque aucune chance d’être examiné par l’Assemblée nationale avant la fin de l’état d’urgence ; je le soutiens simplement par principe.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Édouard Herriot disait : « Une bonne argumentation m’a parfois fait changer d’opinion, plus rarement de vote. » Eh bien, l’argumentation de M. le rapporteur, que je considère pourtant comme un ami, ne m’a fait changer ni d’opinion ni de vote ! Par cohérence avec mon intervention dans cet hémicycle il y a deux semaines, je voterai à nouveau en faveur de cette disposition.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié quater.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 106 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 307
Pour l’adoption 108
Contre 199

Le Sénat n’a pas adopté.

Vote sur l’ensemble

Article additionnel après l'article unique - Amendement n° 6 rectifié quater
Dossier législatif : proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.

M. Patrick Kanner. Nous voterons le texte amendé, mais nous aurions bien évidemment souhaité aller plus loin, notamment grâce à l’adoption de l’amendement n° 6 rectifié quater, dont l’objet semblait en cohérence avec les intentions que nous avions exprimées sur l’ensemble de ces travées voilà quinze jours, à l’occasion de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Nous le voterons, parce que toute avancée en faveur des plus défavorisés est utile pour notre pays, dans cette période de crise sociale. Nous le ferons en responsabilité.

Notre ambition était plus grande. Elle a malheureusement été ramenée à des objectifs plus restreints. Néanmoins, et tout le monde l’a rappelé dans cet hémicycle, il a été utile que nous puissions collectivement discuter et adresser des messages, notamment en direction du monde bancaire. Celui-ci doit comprendre qu’il lui faut aussi prendre sa part de l’effort national, dans le cadre de l’unité que nous souhaitons pour notre pays.

Je remercie M. le rapporteur d’avoir permis que nous examinions un texte, je le répète amoindri par rapport à notre ambition initiale, mais utile pour le pays et les plus défavorisés de nos concitoyens.

Madame la secrétaire d’État, vous avez, au nom du Gouvernement, systématiquement émis des avis défavorables sur les propositions qui ont été présentées. C’est ainsi : vous étiez d’emblée contre ce texte et les amendements déposés. Ce choix, vous devrez l’assumer, alors même que nous pensions que, dans cette période, le Gouvernement serait attentif à nos arguments. Je regrette qu’il en soit ainsi.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, modifiée.

(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à rendre effectif et à renforcer le plafonnement des frais bancaires
 

6

Conditions de la reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire

Débat organisé à la demande du groupe socialiste et républicain

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe socialiste et républicain, sur le thème : « Les conditions de la reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire. »

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous rappelle que nous devrons suspendre ce débat au terme du délai de quatre heures réservé à l’espace du groupe socialiste et républicain, soit à dix-huit heures quarante-cinq.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je vous rappelle que l’auteur de la demande du débat dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

Mme Monique Lubin, pour le groupe socialiste et républicain. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, débattre aujourd’hui des conditions de la reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire, c’est aussi définir le monde d’après.

Selon Jean-Jacques Rousseau, le souverain, c’est le peuple. La Constitution française témoigne que celui-ci s’est choisi une République sociale. Ce sont ces fondamentaux qui sont au principe de notre pacte social et qui doivent guider la politique qui nous permettra d’affronter la terrible crise qui se profile.

Le confinement a fait apparaître les vices de notre organisation sociale et économique.

Il n’a fallu que deux mois pour voir des milliers de Français basculer de la précarité dans la pauvreté ou de la pauvreté dans l’extrême pauvreté. D’ores et déjà apparaissent ceux que l’on appelle les « nouveaux vulnérables », qui représentent 4,3 millions de personnes issues des rangs des salariés les plus durement et immédiatement touchés par la crise, ceux de l’hôtellerie-restauration, de la culture, des transports entre autres. Ils viennent s’ajouter aux 400 000 pauvres supplémentaires dénombrés en 2019, du fait de la baisse de l’aide personnalisée au logement (APL), de la désindexation des pensions de retraite en 2019, de la diminution de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), de la suppression du complément de ressources – jusqu’à 170 euros par mois – aux bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), de la réforme de l’assurance chômage.

De l’alimentation au logement, la satisfaction des besoins vitaux et le respect de la dignité humaine sont des prérequis non négociables pour la septième économie mondiale. Ils n’ont pas été votre priorité.

Avant la crise, vous vous glorifiiez de résultats économiques en progression, mais, au lieu d’en élargir les bénéfices, vous en profitiez pour immédiatement réduire non pas les inégalités, mais les mesures de solidarité ou de redistribution, et pour revoir, en même temps, une politique fiscale en faveur des plus riches dans l’espoir d’un vain « ruissellement ».

Comme le dit Alain Supiot, « seul le choc avec le réel peut réveiller d’un sommeil dogmatique ». Nous y sommes. Il faut réparer maintenant. Notre pacte social national doit réhabiliter quelques fondamentaux.

Les premières mesures s’imposent et sonnent comme une évidence : rétablissement de l’impôt sur la fortune et de la compensation des dépenses à la sécurité sociale, restitution de leurs moyens aux associations, suppression de la réforme de l’assurance chômage…

Il faut aussi agir sur les inégalités structurelles par des politiques innovantes et commencer par la considération de ceux qui exercent les métiers dont la crise a révélé l’utilité immédiate et indispensable, ceux que certains croisent sur le quai d’une gare en disant qu’ils « ne sont rien » ou ceux que les mêmes renvoient implicitement parmi les « derniers de cordée », en mettant en avant les « premiers de cordée ». Bien évidemment, la considération passe par la rémunération.

Pourquoi ne pas s’intéresser à ce qui se fait au Québec depuis de très nombreuses années autour du concept d’équité salariale ? Ce principe va plus loin que le principe « à travail égal, salaire égal », puisqu’il exige un salaire égal pour un travail différent, mais équivalent. De manière générale, tous les emplois doivent être évalués à l’aune, d’une part, de leur utilité sociale, d’autre part, de quatre facteurs déterminés, qui sont les qualifications requises, les responsabilités assumées, les efforts exigés et les conditions dans lesquelles le travail est réalisé.

Le résultat conduit à une augmentation sensible des salaires correspondant aux emplois d’ordinaire les plus mal payés, parce que l’utilisation de cette grille de lecture démontre à la fois la primauté de leur utilité sociale, mais aussi les conditions souvent difficiles dans lesquelles ils sont exercés.

Ce concept a une autre vertu, et non des moindres, celle de donner toute leur place aux emplois dits féminins. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a été au départ conçu.

Je rappelle que les héros de la lutte contre le Covid-19 sont en majorité des héroïnes, structurellement en charge des emplois à la fois mal payés et indispensables au fonctionnement de notre société. Le personnel soignant est majoritairement féminin et huit dixièmes des vendeurs et caissiers sont des femmes, sans parler des personnels de l’aide à domicile et d’entretien. La place des femmes doit faire partie intégrante de l’évolution de notre pacte social.

En France, la démarche de rémunération appropriée des professionnels est au contraire assez mal engagée. Le Gouvernement a en effet répondu à l’enjeu qui s’est imposé à la suite de cette crise par la multiplication anarchique de primes à destination de certaines des différentes catégories de personnels qui ont été en première ligne.

Pour notre part, ce que nous voulons, c’est au contraire très exactement ce qu’a promis le Président de la République le 13 avril dernier : que soit mieux prise en compte l’utilité sociale des métiers, pour tous, hommes et femmes. L’enjeu est de tourner le dos à la libéralisation du marché du travail et de restaurer la démocratie sociale au sein des entreprises et de la fonction publique.

Pour rebâtir un pacte social qui nous convienne, l’enjeu du rapport à nos aînés est également central.

Le Covid-19 a ouvert les portes des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) : ce que nous y avons découvert n’est pas toujours glorieux, quand ce n’est pas carrément sordide, à l’image de ce que l’on a trouvé dans certains établissements du secteur privé lucratif.

Nous attendons le contenu de vos propositions au travers d’un projet de loi relatif au grand âge et à la dépendance et nous espérons que, contrairement à d’autres projets de loi, nous serons pleinement associés dans un temps suffisamment long pour produire un travail et, à la fin, une loi de qualité.

Quelles stratégies pour prévenir la dépendance ? Quelle implication du secteur public ? Comment offrir un service de prévention, puis de traitement de la dépendance égal, quels que soient les revenus ?

Après la survenue de la dépendance, pourquoi ne pas imaginer des transitions plus douces et la prise en compte du lien entre les différentes générations ? Il me semble qu’il serait par exemple intéressant de réfléchir à des Ehpad intégrés au domicile.

Quelles formations pour les personnels dédiés, et pas uniquement pour les personnels soignants ? La vie d’une personne âgée dépendante ne peut s’articuler seulement autour du soin et des besoins vitaux. Nombreuses sont les personnes âgées qui survivent, mais qui ne vivent plus !

Il est évident que toutes les générations doivent faire l’objet d’une attention spécifique. Or les plus démunis se trouvent aux deux extrémités de la pyramide des âges : les personnes âgées et les plus jeunes.

Alors que nous avons eu le spectacle désespérant de résidences étudiantes devenues des zones de parcage de jeunes économiquement fragiles et n’ayant pas nécessairement les moyens de se nourrir, la mise en place d’un revenu de base d’un montant suffisant s’impose comme une nécessité, pour les jeunes comme pour d’autres.

Un nombre croissant de jeunes sont laissés sur le côté pour de multiples raisons, dont la transmission intergénérationnelle de la pauvreté, avec un ascenseur social en panne et une éducation nationale qui, malgré l’implication et le dévouement de ses personnels, ne parvient pas à briser le mur séparant enfants issus d’une famille au capital socioculturel élevé et ceux qui sont pourvus d’autres richesses.

Il faut casser à la base la spirale infernale du déterminisme social. Cela passe, nous le savons tous, par des politiques d’accompagnement dès la petite enfance et par l’amélioration perpétuelle des dispositifs en faveur des jeunes tels que la garantie jeunes mise en place sous le quinquennat précédent, qui a fait largement ses preuves et dont il va falloir ouvrir les vannes pour aider les primo-demandeurs d’emploi dès maintenant. Nous savons en effet que la génération des jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi cette année sera la première sacrifiée.

Je ne peux bien évidemment pas ici brosser le tableau de tout ce qu’il est nécessaire de mettre en place dès aujourd’hui pour que n’explose pas notre vivre ensemble à la sortie de cette crise.

Je conclus en rappelant que la redéfinition de notre pacte social national doit faire coexister dans l’harmonie les différentes composantes de notre société, en assurant toujours plus de justice entre classes sociales et générations. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le groupe socialiste et républicain d’avoir inscrit à l’ordre du jour de la Haute Assemblée un débat sur notre pacte social et sur les mesures nécessaires pour le renforcer dans la période de sortie de crise sanitaire.

Avant d’envisager les évolutions futures de ce pacte qui nous unit, permettez-moi de revenir sur le rôle essentiel du pacte social français dans les dernières semaines. Je l’ai souvent répété : nous avons eu de la chance de ne pas avoir dû improviser un système de protection sociale dans l’urgence de la crise.

Le filet de protection que nous avons tendu pour protéger les Français des conséquences de l’épidémie a joué pleinement son rôle. Nous avons tout d’abord maintenu les revenus des travailleurs en mettant en place un dispositif d’activité partielle massif qui, au plus fort de la crise, a touché plus de 12 millions de salariés. La protection sociale complémentaire a également été maintenue pour l’ensemble des salariés. Nous avons créé un dispositif d’activité partielle dédié pour les particuliers employeurs, qui a notamment bénéficié aux assistants maternels, dont l’activité était particulièrement affectée. Nous avons versé des indemnités journalières à tous ceux qui devaient cesser leur activité, parce qu’ils présentaient une vulnérabilité particulière à l’égard du Covid-19 ou parce qu’ils devaient garder leurs enfants. Nous avons veillé à éviter toute rupture de droits en rendant automatique le versement des minima sociaux pour tous les bénéficiaires empêchés de faire leur déclaration pendant la période épidémique.

Nous avons travaillé avec les collectivités locales, avec les acteurs du champ social et médico-social, avec l’ensemble des services de l’État pour que, partout sur notre territoire, chacun puisse voir ses besoins essentiels satisfaits. Nous avons en particulier travaillé au maintien de l’aide alimentaire. Nous avons constitué une réserve sociale et une réserve civique pour soutenir les associations en manque de bénévoles. Nous avons demandé aux préfets de coordonner la poursuite des distributions, département par département, pour que les associations soient accompagnées dans la mise en œuvre des gestes barrières, pour que des locaux municipaux adaptés au contexte sanitaire soient mis à disposition, que les bénévoles puissent se déplacer et que les nouveaux dons alimentaires parviennent bien aux associations.

Nous avons mis en place un plan d’urgence d’aide alimentaire à hauteur de 39 millions d’euros, pour soutenir les associations à hauteur de 25 millions d’euros, d’une part, pour apporter une aide d’urgence alimentaire aux territoires en souffrance à hauteur de 14 millions d’euros, d’autre part.

En parallèle, nous nous sommes très fortement mobilisés pour maintenir le service public de l’hébergement. La trêve hivernale a été prolongée jusqu’au 10 juillet prochain. Des centres spécialisés pour sans-abri atteints de formes non graves du Covid-19 ont été ouverts sur l’ensemble de notre territoire et de nombreuses places d’hébergement ont été mobilisées par l’État dans des hôtels, dans des établissements publics, dans des bâtiments vacants. Au total, 178 000 places d’hébergement d’urgence sont ouvertes tous les jours et financées par l’État, contre 157 000 avant le début de la crise sanitaire.

Pour compléter ce dispositif, nous avons décidé de verser une aide exceptionnelle de solidarité aux ménages les plus en difficulté. Cette aide a été versée automatiquement le 15 mai dernier à 4,1 millions de foyers sans qu’aucune démarche soit nécessaire de la part des bénéficiaires.

Nous avons également souhaité apporter un soutien spécifique aux jeunes âgés de 18 à 25 ans, dont certains se sont retrouvés dans des situations de grande précarité. Une aide de 200 euros sera versée à 800 000 d’entre eux prochainement.

C’est à mes yeux un enseignement majeur de cette crise : la solidarité nationale, socle de notre pacte social, a joué pleinement son rôle. Toutefois, cette crise a également mis en valeur certaines failles de notre système de protection sociale et nous devons aujourd’hui consacrer tous nos efforts à les combler plutôt que reconstruire ou renforcer notre pacte social national.

Le constat de la pauvreté en France ne date pas de cette crise. Nous l’avons dressé dès notre arrivée au pouvoir et nous avons engagé des chantiers et des moyens inédits pour la faire reculer. Je pense tout d’abord à la stratégie de lutte contre la pauvreté, qui mobilise 8,5 milliards d’euros pour faire de l’investissement social et donner aux structures qui accompagnent les plus fragiles au quotidien les moyens de les extraire de la pauvreté. Je pense à l’augmentation des prestations et ressources financières de nos concitoyens les plus fragiles, avec la revalorisation de 100 euros par mois de l’allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse, et à l’augmentation massive de la prime d’activité qui touche les travailleurs précaires. Je pense à la complémentaire santé solidaire ou au dispositif « 100 % santé » mis en place pour que nos concitoyens les plus modestes n’aient plus à renoncer à se faire soigner.

Ce ne sont que quelques-uns des chantiers que nous avons engagés et que nous devons aujourd’hui poursuivre plus avant. C’est tout l’enjeu du plan de sortie de crise sur lequel travaille actuellement le Gouvernement.

Ces travaux ne sont pas achevés, mais je souhaite aujourd’hui vous faire part des trois axes qui me semblent les plus essentiels pour renforcer notre pacte social.

Le premier axe consiste à garantir à chacun la possibilité de répondre à ses besoins essentiels.

Je pense en particulier à la simplification de l’accès au droit et à la lutte contre le non-recours, ce qui implique notamment de développer davantage l’offre de domiciliation, les démarches d’« aller vers » des organismes de sécurité sociale.

Je pense également au déploiement d’une politique publique de lutte contre la précarité alimentaire de nature à absorber la hausse des besoins engendrés par cette crise. Il s’agit de sécuriser les financements et les approvisionnements des opérateurs, de renforcer le maillage territorial, d’étendre la tarification sociale des cantines et la distribution des petits déjeuners à de nouveaux territoires, d’articuler la politique de lutte contre la précarité alimentaire avec celle de l’insertion par l’activité économique.

Je pense à l’accès aux soins des plus fragiles, que nous devrons renforcer encore en articulant mieux les missions des acteurs sanitaires et sociaux, en augmentant les moyens humains et financiers permettant d’aller vers les publics vulnérables, en renforçant les permanences d’accès aux soins mobiles, les maraudes médicalisées.

Je pense également à l’inclusion bancaire, à l’inclusion numérique ou encore à la lutte contre le décrochage scolaire et à la vigilance toute particulière que nous devons avoir à l’égard des élèves fragilisés par la période de confinement.

Ces chantiers sont nombreux et chacun d’entre eux appelle une ambition sans équivoque. C’est celle qui m’anime depuis de longs mois pour la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté et qui continuera de m’animer dans la conception des mesures de sortie de crise.

Le deuxième axe essentiel est le soutien au pouvoir d’achat des ménages et le maintien ou le retour à l’emploi.

Je l’ai dit, nous avons décidé la semaine dernière de verser des aides financières exceptionnelles pour soutenir les publics les plus vulnérables, dans un contexte particulier. Nous devrons tirer tous les enseignements de cette période afin que nos prestations soient plus réactives et équitables et qu’elles permettent de lutter davantage contre le non-recours aux droits.

Nous devrons aussi nous donner les moyens de faire face aux conséquences de la crise sanitaire sur le marché du travail en renforçant tout particulièrement l’accompagnement des personnes en recherche d’emploi et en accordant une attention spécifique aux secteurs les plus durement touchés. Nous devrons continuer à lever les freins à l’emploi contre lesquels nous luttons depuis bientôt trois ans, développer l’accès aux modes de garde, accélérer le déploiement des crèches à vocation d’insertion professionnelle.

Pour terminer, le troisième axe doit concerner les jeunes, en particulier dans les territoires les plus fragiles. C’est l’un des principaux constats qui nous a conduits à concevoir la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le taux de chômage des jeunes demeure trop élevé. La France compte 60 000 mineurs qui ne sont ni en études, ni en formation, ni en emploi.

La sortie de crise devra être une période d’accélération des mesures dédiées à ces publics, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Nous devrons également agir pour la formation des jeunes de moins de 25 ans sortis peu ou pas qualifiés du système éducatif, développer encore l’apprentissage, renforcer le service civique.

Nous devrons nous poser la question de la place des jeunes dans notre système de protection sociale.

M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Nous devrons dans ce contexte nous interroger sur les problématiques spécifiques de certains territoires et prévoir en sortie de crise des actions ciblées, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville notamment.

Je le répète, les défis sont très nombreux. Ils exigent une mobilisation à la fois immédiate, concertée et massive. C’est le prix de notre pacte social. Nous continuerons à œuvrer en ce sens, en concertation avec l’ensemble des parlementaires.

M. le président. Merci, madame la secrétaire d’État. Vous aurez l’occasion de revenir sur certains points en réponse aux questions qui vous seront posées au cours du débat interactif.

Débat interactif

M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif sous la forme d’une série de quinze questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Philippe Mouiller.

M. Philippe Mouiller. Madame la secrétaire d’État, ma question portera sur le pacte social national dans le domaine de la santé.

En France, ce pacte garantit un droit fondamental : l’accès à la santé pour tous. Mais la présente crise sanitaire, et les nombreux appels des professionnels de santé qui l’ont précédée, ont durement démontré la nécessité d’une réforme d’ampleur.

En inaugurant le Ségur de la santé, le Premier ministre s’est engagé à procéder à des « changements radicaux », à faire « des choix forts et rapides ».

Au regard des premières annonces, je tiens à souligner que le système de santé français est en difficulté pour plusieurs raisons et que rien ne serait pire que de ne s’attaquer qu’à l’une d’entre elles.

Il faut bien évidemment revaloriser les salaires. Un médecin généraliste allemand gagne plus de quatre fois le salaire moyen de son pays, contre 2,9 fois pour un médecin français. Le salaire moyen des infirmiers français est l’un des plus faibles des pays de l’OCDE. Ces revalorisations devront viser les métiers paramédicaux, mais également l’ensemble des personnels hospitaliers.

Il est également impératif de revoir les statuts des personnels. En effet, les professionnels et les services de santé sont étranglés par les rigidités d’une fonction publique qui n’accorde aucune souplesse. Il faut valoriser les carrières, renforcer l’attractivité des hôpitaux, qui peinent à recruter et à fidéliser leurs salariés, et pour cela revoir leurs conditions de travail. Il faut s’attaquer à la « suradministration » du système de santé et donner plus de poids aux médecins.

Le fonctionnement des hôpitaux privés est éclairant. L’hôpital public a aujourd’hui besoin d’autonomie, il doit pouvoir choisir ses praticiens, adapter les rémunérations, les heures supplémentaires, le choix des équipements, l’organisation des services. Un débat sur la gouvernance est nécessaire.

Il s’agit de réformes structurelles ; partagez-vous cette ambition, madame la secrétaire d’État ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, votre question me permet de saluer à mon tour l’engagement et le dévouement de l’ensemble des professionnels de santé, dans les cabinets de ville, mais aussi dans les établissements de santé, qu’ils soient publics ou privés.

Notre système de santé a été mis à rude épreuve. Pourtant, il a tenu et s’est montré réactif, agile et d’une résilience sans pareil. Nous avons vu des professionnels de santé s’organiser pour mettre en place des parcours de prise en charge rapide des patients atteints du Covid-19 ou susceptibles de l’être.

Je tiens également à saluer le rôle majeur qu’ont joué les infirmiers libéraux dans la continuité de la prise en charge à domicile, dans des conditions souvent difficiles, notamment auprès de nos aînés.

La stratégie Ma santé 2022 nous avait permis de commencer à poser des jalons qui ont été très utiles durant la crise, notamment l’organisation des professionnels de ville grâce aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Ce dispositif a permis dans les territoires d’adapter et de réorienter le travail de l’ensemble des soignants vers les patients atteints du Covid-19.

De même, l’expérimentation du service d’accès aux soins (SAS) a permis de mieux orienter les patients dans les bons services au moment où ils en avaient besoin. Enfin, la télésanté, généralisée par la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, a permis un million de téléconsultations par semaine. Les télésoins ont pu être maintenus durant la crise, de même que les parcours de santé par les kinésithérapeutes et les infirmiers, notamment.

Face à ces constats, mais aussi parce qu’il est urgent d’aller plus vite et plus loin, le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé ont lancé le 25 mai dernier le Ségur de la santé, lequel repose sur quatre piliers : une revalorisation des salaires et de la place des soignants, une meilleure articulation entre l’administratif et le soignant, une réorganisation de la gestion de notre service hospitalier, la prise en compte des retours d’expériences des territoires. Il s’agit de permettre au système de santé de s’adapter aux besoins spécifiques des territoires.

Ces travaux sont en cours et s’achèveront à la mi-juillet.

M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.

M. Philippe Mouiller. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Nous faisons certes le même constat sur l’action des soignants durant la crise, mais je ne pense pas, contrairement à vous, que nous disposions globalement de tous les outils nécessaires ni que tout se passe relativement bien.

Il est essentiel de tirer les conséquences de la mobilisation des soignants et de la situation. Je ne pense pas que l’on puisse se satisfaire des politiques mises en place aujourd’hui par votre gouvernement et par vos prédécesseurs. Je suis en fait plutôt inquiet après votre réponse.

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, souvenons-nous, c’était il n’y a pas longtemps : le pays était tétanisé, confiné, comptait les morts.

Nous étions tous admiratifs de tous ceux qui allaient massivement au front tous les matins, allaient travailler, prenaient les transports en commun. J’ai alors espéré que la reconnaissance de ces professionnels, de leurs carrières, mais aussi la revalorisation de leurs salaires seraient une évidence au lendemain de la crise.

Je me suis toutefois étonné, lors de l’examen de la première loi d’urgence, que l’on puisse envisager de dire à ces personnes qu’elles allaient peut-être devoir sacrifier des congés.

Mes espoirs ont été de courte durée. Lorsque le Medef s’est réveillé, lorsqu’il est sorti de sa torpeur, il a déclaré qu’il allait falloir revoir la durée légale du travail. Il n’a alors plus du tout été question de reconnaissance ou de revalorisation pour les salariés de l’agroalimentaire, du commerce, des transports, des services ; il n’a alors plus été question que de sang et de larmes pour tout le monde, parce que la crise économique allait provoquer une crise sociale. On a alors compris que, dans le monde dans lequel on entrait, c’est aux mêmes que l’on continuerait de demander de faire des sacrifices.

Madame la secrétaire d’État, allez-vous encourager les revalorisations salariales pour tous ces salariés ? Allez-vous donner l’exemple dans la fonction publique en dégelant le point d’indice pour les 5 millions de fonctionnaires qui n’ont eu aucune augmentation depuis février 2017 ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, permettez-moi de rappeler l’effort important qui a été consenti pendant la crise pour préserver l’économie et les salaires : plus de 12 millions de salariés ont bénéficié du chômage partiel en France, ce qui est sans précédent. Nous avons étendu notre système de protection, notamment aux employés à domicile, afin de préserver leur emploi et leurs ressources.

Je rappelle par ailleurs que la prime d’activité compensera partiellement, pour les personnes qui en bénéficient, la baisse de leur salaire durant leur période de chômage partiel. Cela a été trop peu dit, mais la prime d’activité sert aussi à cela.

M. David Assouline. Je vous parle de revalorisation !

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. La crise sanitaire n’étant pas terminée, il est trop tôt pour établir un bilan concret et définitif de la crise sociale. Nous travaillons pour activer différents leviers, afin notamment d’éviter un accroissement de la précarité et de la pauvreté. Mon rôle au sein du Gouvernement est de travailler sur les jeunes, notamment les jeunes précaires.

Nous avons également permis la mise en œuvre du télétravail, mais nous y reviendrons, car nul doute que des questions me seront posées sur ce sujet. Je rappelle que Muriel Pénicaud, la ministre du travail, notamment dans les premiers textes qui ont été adoptés, a renvoyé cette question au dialogue social entre les employeurs et les salariés. C’est dans ce cadre-là que peuvent être discutées les évolutions de salaires que vous demandez.

Pour les soignants et l’ensemble des professionnels des secteurs médical et paramédical, ces questions seront traitées dans le cadre du Ségur de la santé lancé lundi dernier. L’objectif est bien d’augmenter les salaires, de réorganiser le temps de travail et de valoriser tout ce qui n’est pas pris en compte dans les métiers médicaux. Nous y travaillons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier nos collègues du groupe socialiste et républicain d’avoir engagé ce débat qui nous impose de réfléchir aux moyens que nous souhaitons mettre en œuvre pour soutenir les plus vulnérables.

La violence de la crise sanitaire et le confinement auront en effet mis en évidence la précarité de plusieurs millions de nos concitoyens et accentué une partie des inégalités existant au sein de notre société.

Je pense tout particulièrement aux jeunes, qui subissent la perte des « petits boulots », l’annulation des stages, la suspension des formations, une entrée difficile sur un marché du travail en berne. Quel que soit leur niveau de formation, ils sont les premiers touchés quand survient une crise économique.

Pour les plus précaires, le Premier ministre a annoncé le 4 mai dernier devant notre assemblée une aide spécifique de 200 euros, laquelle concernera 800 000 jeunes et étudiants en difficulté. Si l’on peut bien évidemment se féliciter de cette mesure ponctuelle, il nous paraît nécessaire d’activer d’autres leviers.

Dernièrement, plusieurs voix se sont élevées pour demander l’ouverture du revenu de solidarité active aux moins de 25 ans, mais cette solution ne semble pas emporter l’adhésion du secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, qui estime que « la crise économique ne doit pas donner lieu à un aménagement des aides sociales existantes ». Il évoque en revanche l’idée d’introduire des mesures pour l’emploi des jeunes dans le plan de relance prévu pour la rentrée.

Madame la secrétaire d’État, ma question est simple : quelles sont les différentes pistes envisagées par le Gouvernement pour que nos jeunes ne soient pas la « génération sacrifiée du coronavirus » ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, votre question me permet de revenir sur le troisième axe du renforcement de notre pacte social, que je n’ai pas eu le temps de présenter en détail dans mon propos liminaire, et qui porte sur la précarité des jeunes.

Vous avez évoqué les propos de mon collègue Gabriel Attal concernant la garantie jeunes. J’indique que 100 000 jeunes bénéficient de ce dispositif et, de ce fait, d’un accompagnement spécifique. Or la France compte un peu plus de 1,5 million de jeunes en situation de précarité, étudiants ou non. La garantie jeunes est donc assez « sectaire », si vous me permettez cette expression. De nombreux autres dispositifs existent, je pense aux écoles de la deuxième chance ou aux établissements pour l’insertion dans l’emploi (Epide).

Vous posez en fait la question de la place que nous donnerons aux jeunes dans notre système de protection sociale dans les semaines et les mois à venir. Pour résoudre le problème de la précarité des jeunes, je ne sais si la solution est le RSA ou le revenu universel d’activité, sur lequel des travaux ont été entamés par un comité national comprenant un collège dédié aux jeunes. Nous devrons reprendre notre réflexion sur cette base, avec les acteurs du secteur et avec les parlementaires que vous êtes, afin de trouver ensemble une solution.

Des mesures importantes ont déjà été prises, notamment dans la loi pour une école de la confiance portée par Jean-Michel Blanquer. Je pense à l’obligation d’accompagnement et de formation des jeunes âgés de 16 à 18 ans afin d’éviter les décrochages scolaires. Il s’agit de leur permettre de retrouver le chemin de l’école, de suivre une formation ou de bénéficier d’un accompagnement pour qu’ils ne deviennent pas des « invisibles ». Il faut faire de la prévention et prévoir des moyens supplémentaires, comme nous avons commencé à le faire, mais aussi éviter les sorties « sèches » de l’aide sociale à l’enfance en accompagnant les jeunes au-delà de leurs 18 ans.

Enfin, nous avons prévu des moyens d’insertion par l’activité économique dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Il s’agit là de leviers importants d’insertion pour nos jeunes.

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Madame la secrétaire d’État, la reconstruction du pacte social est un défi crucial que nous devrons relever dans les prochains mois.

Les questions, nous les connaissons : quel contrat social sommes-nous prêts à accepter aujourd’hui ? En tant que citoyens partageant un « commun », plutôt qu’entre individus partageant un intérêt, quelles solidarités devons-nous mettre en œuvre ?

Si pour certains la solidarité repose sur l’individu plutôt que sur le collectif ou sur les chaînes de solidarité – elles ont pourtant été nombreuses durant la crise –, s’ils considèrent que cette solidarité a remplacé celle de l’État, nous ne partageons pas leur analyse.

La crise qui a endeuillé la France nous a contraints à nous recentrer sur l’essentiel : la santé, la famille, la solidarité. Elle a permis de faire renaître la solidarité de tous les jours, comme en témoigne le fait que 300 000 Français aient rejoint la réserve civique via la plateforme jeveuxaider.gouv.fr.

Force est de constater que cette crise, comme les précédentes, qu’elles aient été sociales, économiques ou sociétales, ont montré que les croyances ont évolué, mais surtout que les attentes des citoyens envers la puissance publique, notamment en pareille période, sont très élevées. C’est pourquoi il est urgent de reconstruire le pacte social, qui est au cœur des solidarités collectives, tout en stimulant les solidarités individuelles mises en lumière par la crise.

Ce que révèle déjà cette pandémie, c’est que « la santé gratuite […], notre État-providence, ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe », pour reprendre les propos du Président de la République lors de son allocution du 12 mars dernier. Notre protection sociale, c’est ce qui nous permet de faire société.

Hier, le ministre des solidarités et de la santé a annoncé la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, telle qu’elle a été pensée en 1945. Attendu sur de nombreuses travées de cette assemblée, ce nouveau risque permettra la prise en charge de la perte d’autonomie.

Vouloir construire le monde d’après, ce n’est pas gérer la crise et penser l’après-crise comme le prolongement du précédent contrat social, avec plus ou moins de politiques sociales ou écologiques.

M. le président. Il faut conclure, cher collègue !

M. Xavier Iacovelli. C’est accepter de mettre en œuvre les solutions que requièrent des problématiques connues.

Ma question est donc la suivante, madame la secrétaire d’État : de quelle manière le Gouvernement entend-il sortir de cette crise et remettre les solidarités collectives au cœur du contrat social ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, permettez-moi de saluer à mon tour ce que vous avez appelé la solidarité de tous les jours, la solidarité de proximité qui a émergé tout au long de cette crise. Partout sur notre territoire, de nouveaux bénévoles se sont en effet mobilisés. Cette solidarité, qui est le fondement de la France, est un élément important de notre pacte social, d’un point de vue collectif.

Je rappelle que l’État ne peut pas tout faire tout seul. Il a besoin de son écosystème, les collectivités territoriales, et en premier lieu des départements, qui sont chefs de file de l’action sociale, des communes, des centres communaux d’action sociale (CCAS) ou encore des associations. C’est ensemble que nous devons porter ce pacte social, ce collectif de solidarité.

À titre d’exemple, j’évoquerai la contractualisation entre l’État et les départements dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Cette contractualisation permet d’octroyer des moyens supplémentaires aux départements afin qu’ils puissent réinvestir le champ de l’accompagnement et de l’insertion sociale, notamment des bénéficiaires du RSA, pour ne citer que ce public sur lequel nous ciblons en effet des sommes importantes. Ce budget s’est élevé à 135 millions d’euros en 2019 et à 175 millions d’euros en 2020. Il atteindra près de 200 millions d’euros en 2021. Je tiens à rappeler que ce budget est entièrement neutralisé dans le cadre du plan de Cahors, comme les sommes réinvesties dans les mesures de lutte contre la pauvreté en sortie de crise.

Enfin, vous l’avez rappelé, le ministre des solidarités et de la santé a annoncé la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à la dépendance. La question est de savoir quelle place nous voulons donner à nos seniors dans la société, qu’ils souhaitent vivre à domicile ou en établissement, sachant que le reste à charge dans les établissements est important.

Des travaux seront engagés à la suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, lequel prévoit 500 millions d’euros pour les services de soins à domicile, notamment.

M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Nous avons encore du travail à faire, nous y sommes prêts.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons commencer à envisager une sortie de la crise sanitaire, et je dois dire que c’est une bonne nouvelle.

En revanche, nous nous engageons dans une crise économique et sociale d’une ampleur terrible. Les chiffres sont tombés en début d’après-midi : le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a augmenté de plus de 22 % durant le mois d’avril, ce qui représente 843 000 chômeurs de plus. Le dispositif de chômage partiel doit donc être prolongé afin que des milliers d’autres personnes ne connaissent pas le même sort.

Notre pacte social est malade et le désastre économique et social pourrait s’aggraver d’ici à la fin du mois de juin, enfin pas pour tout le monde si l’on en juge par le montant faramineux du bonus dont va bénéficier le PDG d’Air France, alors que l’État prête 7 milliards d’euros à la compagnie aérienne.

Il est donc nécessaire, voire d’une urgence absolue, de changer de logiciel. On voit où la loi du marché nous a conduits !

Elle a provoqué un affaiblissement de l’hôpital et du système de santé, quitte à mettre en danger l’ensemble de la population, mais aussi de tous les services publics qui structurent la solidarité nationale. Elle a ensuite mis à genoux le cœur de l’économie : notre industrie. Tout démontre que l’argent a pris le dessus sur l’intérêt général. L’argent roi est bien la clé d’un nouveau contrat social.

Une nouvelle répartition des richesses est la voie du salut public. Le Gouvernement s’arc-boute, ne veut même pas rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), lequel a été affaibli et réduit à la portion congrue depuis dix ans. M. Le Maire se gausse même de son inefficacité.

Alors, chiche ! Allons plus loin, beaucoup plus loin ! Supprimons les dispositions qui protègent de manière éhontée le capital, comme la flat tax ; agissons de manière déterminée contre l’évasion fiscale ; ramenons l’échelle des salaires à un écart raisonnable de un à vingt ; construisons un pôle public bancaire et financier pour donner à l’État les moyens d’agir et de se dégager de l’emprise des marchés.

Pour ne pas s’écraser sur le mur social, il faut faire d’autres choix que ceux qui sont mis en œuvre depuis quarante ans. Il faut, je le répète, changer de logiciel. Qu’en pensez-vous, madame la secrétaire d’État ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, la pression fiscale ne sera pas la réponse à la crise sociale…

Mme Éliane Assassi. Pas seulement !

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. Notre pays est déjà celui de l’OCDE où la pression fiscale est la plus forte. Les Français ont exprimé ces dernières années un véritable ras-le-bol fiscal.

C’est au contraire en réduisant la pression fiscale que nous permettrons à l’économie de repartir. Ce sont des mesures comme la baisse massive des impôts annoncée l’année dernière par Gérald Darmanin, notamment pour les revenus les plus faibles, comme la baisse et la suppression progressive de la taxe d’habitation, comme l’augmentation de la prime d’activité pour nos travailleurs les plus modestes, qui permettront aux Français de conserver leur pouvoir d’achat, voire de l’augmenter. Telle est bien notre ambition.

Nos entreprises ont besoin de marges de manœuvre pour pouvoir réinvestir et recruter. C’est l’emploi qui permet de sortir de la pauvreté. Il faut permettre aux bénéficiaires des minima sociaux d’être accompagnés pour être opérationnels, pour pouvoir retravailler et sortir de la précarité dans laquelle ils sont trop souvent enfermés. Plus de la moitié des 2 millions de bénéficiaires du RSA sont dans ce dispositif depuis plus de quatre ans et plus de la moitié d’entre eux n’ont aucun accompagnement vers l’emploi. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, afin d’accompagner les départements. Il faut permettre aux allocataires des minima sociaux de sortir de la pauvreté par l’emploi. C’est ce qu’ils souhaitent, comme nos concitoyens.

Enfin, la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) a permis de préserver la justice sociale en favorisant le retour des investissements dans notre pays.

Je le répète, l’impôt n’est pas la réponse, d’autant que, comme le montrent les dépenses que nous avons engagées, l’État prend entièrement ses responsabilités pour faire vivre la solidarité nationale. L’emprunt est un outil à notre disposition, c’est un investissement sur l’avenir et sur nos forces vives. Les propositions communes du président Macron et de la chancelière Merkel vont dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Madame la secrétaire d’État, la crise a révélé les vulnérabilités de notre modèle social, mais également ses forces adaptatives, comme un catalyseur d’évolutions prêtes à émerger. Ce phénomène est flagrant dans le domaine du travail.

Entre mars et mai 2020, des millions de salariés ont poursuivi leur activité à distance. Si les grèves provoquées par la réforme des retraites ont été une sorte de répétition générale, il semble que l’épidémie de Covid-19 bouleverse durablement notre modèle traditionnel d’organisation du travail.

À l’aune de cette expérience à marche forcée, 62 % des Français plébiscitent le recours au télétravail. Si certaines entreprises annoncent vouloir recruter des télétravailleurs à temps complet, d’autres proposent un modèle hybride. Ces nouveaux modes d’organisation n’ont rien de philanthropique, la volonté affichée est bien de gagner en productivité, de fidéliser les meilleurs employés et de faciliter les recrutements dans les zones les plus éloignées.

En effet, l’enjeu sous-jacent est celui de l’égalité territoriale : 75 % des salariés intéressés par un télétravail à temps complet envisageraient de déménager. Cela nous conduit à considérer le télétravail comme un moyen de désengorger les centres urbains surpeuplés et pollués, où les loyers sont hors de prix. Il est donc un moyen d’offrir à la France une nouvelle politique d’aménagement de son territoire.

Dans cette perspective, un cadre national est indispensable afin d’éviter que la généralisation du télétravail ne se traduise par une délocalisation des emplois qualifiés vers des pays à bas salaires.

Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement est-il prêt à prendre pour encadrer le recours au télétravail afin qu’il permette d’instaurer en France un nouvel équilibre territorial et qu’il ne soit pas un facteur supplémentaire de délocalisation ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, permettez-moi de rappeler que les outils du télétravail sont issus des ordonnances relatives au travail de 2017, lesquelles ont fait de la législation française l’une des plus favorables au télétravail en simplifiant considérablement ses modalités de mise en œuvre. Elles ont fait du télétravail un véritable droit pour le salarié.

C’est ainsi que, vous l’avez rappelé, plus de 5 millions de salariés ont pu recourir au télétravail durant le confinement. Alors que le télétravail reste préconisé dans les semaines à venir, un guide opérationnel a récemment été publié pour faciliter sa mise en œuvre par les employeurs et les salariés.

Les partenaires sociaux pourraient également se saisir prochainement de cette question, tout comme les employeurs et les salariés. C’est par le biais du dialogue social que nous pourrons trouver ensemble la meilleure solution.

Cela étant, vous avez raison, nous devons être vigilants et veiller à ce que le télétravail n’entraîne pas de délocalisations des emplois locaux dans d’autres pays.

C’est l’homogénéité de nos territoires et l’accès au télétravail partout dans notre pays qui permettra d’instaurer en France un nouvel équilibre entre les différents bassins de vie.

Je rappelle que, en juin 2019, le ministère de cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a lancé le programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens », doté d’un budget important de 45 millions d’euros. Ce programme permet aux collectivités et aux acteurs privés de créer des tiers-lieux, c’est-à-dire des espaces de travail ou de vie où les gens peuvent bénéficier d’une connexion à internet et se retrouver sur des temps spécifiques afin de ne pas rester isolés chez eux. De tels outils permettent aux salariés de travailler dans de bonnes conditions. Enfin, c’est le dialogue avec l’employeur qui permet d’éviter d’éventuelles dérives. Nous serons attentifs à ces questions.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.

M. Joël Guerriau. Merci, madame la secrétaire d’État, de votre réponse.

Il me vient une réflexion sur le télétravail au sein des services de l’État. Je pense par exemple aux services des impôts, à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), qui exercent des activités de contrôle. Ces contrôles pourraient très bien être effectués en télétravail. Une telle réflexion est-elle à l’ordre du jour du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je vois au moins quatre conditions pour reconstruire le pacte social national que souhaite le groupe socialiste et républicain : du travail, du pouvoir d’achat, du dialogue social et, bien évidemment, de la solidarité.

Je limiterai mon propos à l’amélioration du pouvoir d’achat. Plusieurs pistes peuvent être étudiées. La généralisation de l’intéressement peut être une des voies de relance après la crise sanitaire. Il existe déjà des plans d’intéressement dans les entreprises, mais cet outil est sous-utilisé. Relançons-le en l’améliorant.

Une telle mesure ne coûterait pas un euro aux finances publiques et associerait pleinement chaque salarié au redressement du pays.

Autre piste : le projet de loi sur les retraites. Le Gouvernement a décidé de surseoir à son examen. Néanmoins, un certain nombre d’avancées sociales avaient été actées : le minimum retraite, la lutte contre les effets pervers des carrières hachées, notamment pour les femmes, et la revalorisation des retraites des agriculteurs.

Toutes ces questions ne sont pas derrière nous. Elles sont toujours présentes, et peut-être plus que jamais. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à l’automne prochain, devrait nous permettre d’avancer, madame la secrétaire d’État. Une conférence sociale pourrait se tenir à la même période afin d’en préciser le contour et le contenu.

Enfin, face à la pauvreté et à l’exclusion sociale que la crise risque d’exacerber, la question de la mise en place du revenu universel de base mérite d’être à nouveau débattue. Pourquoi ne pas expérimenter cette mesure afin de lutter notamment contre la précarité des plus jeunes et soutenir les ménages les plus pauvres et les travailleurs les plus fragiles ?

Madame la secrétaire d’État, je crois que ne pas transformer notre modèle social serait une erreur historique. Pour réussir, il faudra, à l’instar de ce que proclamait Danton en 1792 : « De l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace ! » (Mme Annick Billon applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. En ce qui concerne l’amélioration du pouvoir d’achat des Français, monsieur le sénateur, nous avons consacré plus de 6 milliards d’euros à la hausse des minima sociaux, dont l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ou encore la prime d’activité.

Vous évoquez à juste titre la nécessité de promouvoir l’intéressement pour améliorer le partage de la richesse au sein des entreprises. Ce constat vous a amené à adopter la loi Pacte, voilà un an. Ce texte comporte une série de mesures qui visent à inciter les entreprises à mettre en œuvre des accords d’intéressement. Je pense notamment à la suppression du forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés et sur la participation pour les entreprises de moins de 50 salariés. La loi Pacte prévoit également des accords d’intéressement types négociés au niveau de la branche et adaptés aux secteurs d’activité pour faciliter leur déploiement dans les petites et moyennes entreprises. Il s’agit de mesures qui vont dans le bon sens et que vous défendez.

En ce qui concerne vos interrogations sur le projet de loi sur les retraites, il ne me revient pas aujourd’hui de m’exprimer à titre personnel. Les arbitrages sont en cours sur le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je ne peux m’étendre davantage sur ce sujet.

Comme je l’ai dit, les travaux sur le revenu universel d’activité ont été interrompus en raison de la crise du Covid-19. Nous devrons nous poser la question de la précarité des jeunes dans notre système de protection sociale, comme celle du montant des minima sociaux. Ces sujets seront débattus et nous pourrons vous convier à travailler sur ces questions avec nous, si vous le souhaitez.

La question de l’expérimentation du revenu de base est extrêmement complexe. Chaque caisse d’allocations familiales ayant son propre fichier, il faudrait modifier tout le système informatique pour mener une expérimentation, même sur deux ou trois territoires seulement.

M. Jean-François Husson. Il ne faut pas se cacher derrière l’informatique !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour la réplique.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Merci de vos réponses, madame la secrétaire d’État. J’ai bien noté quelques ouvertures.

J’ai encore une suggestion à vous faire pour financer tous ces projets : la suppression – déjà bien entamée – des cotisations salariales et patronales, hors retraites, et leur remplacement par une contribution légère sur l’ensemble des paiements scripturaux dont l’assiette est plus large et solidaire, ce qui ne coûterait pas un euro à l’État. Une contribution de 2 % suffirait à dégager 400 milliards d’euros pour payer les prestations sociales et renforcer ainsi la solidarité.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je vous livre cette proposition de la Fédération pour la défense du pouvoir d’achat et de l’emploi…

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Avec cette crise sanitaire et la crise économique à venir, l’entrée des jeunes sur le marché de l’emploi est une vraie source d’inquiétude.

L’apprentissage est également en danger. J’ai la conviction que cette filière d’excellence doit être soutenue. Dans la réflexion sur le pacte social, il est indispensable de consacrer un volet de soutien à l’apprentissage, faute de quoi la France manquera de main-d’œuvre qualifiée dans les prochaines années.

L’apprentissage, dans ma région des Pays de la Loire, c’est presque 30 000 jeunes formés dans cinquante-quatre centres de formation. Les Pays de la Loire se positionnent ainsi en tête des régions pour leur nombre d’apprentis parmi les jeunes de 16 à 25 ans.

Mais l’entrée en apprentissage s’annonce fortement impactée : les prévisions de baisse du nombre de contrats en apprentissage se situent entre 30 % et 50 %. En effet, les entreprises, fragilisées par la baisse d’activité, vont être très frileuses pour recruter des apprentis. Cette baisse va elle-même entraîner un problème de financement des centres de formation : c’est un cercle infernal qui va entraîner des fermetures de classes et, in fine, un risque de disparition de compétences pour les métiers. Vous le comprenez, l’apprentissage est en danger.

Les régions ont fait la preuve de leur agilité et de leur réactivité lorsqu’elles exerçaient cette compétence, mais vous avez souhaité modifier cette gestion. En période de crise, cette transition va être difficile, notamment à cause des lourdeurs administratives.

Il me semble donc aujourd’hui nécessaire de sécuriser les parcours des apprentis, d’alléger le coût financier pour les entreprises, pour lesquelles recruter des apprentis dans ce contexte particulier représentera un effort, et de sécuriser les centres de formation afin qu’ils maintiennent l’activité et les compétences.

Il est urgent d’agir et de mettre en place, dès maintenant, des outils pour accompagner les entreprises qui feront le choix de recruter et de maintenir des apprentis. Il faut envisager, par exemple, d’allonger la durée du statut de scolaire alternant aux candidats à l’apprentissage qui ne parviendraient pas à trouver une entreprise.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Guillaume Chevrollier. Madame la secrétaire d’État, que compte faire le Gouvernement pour préserver l’entrée en apprentissage ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Merci de votre question, monsieur le sénateur, qui soulève un sujet important.

Muriel Pénicaud a longtemps œuvré pour le développement de l’apprentissage. Ce travail commençait à porter ses fruits. Malheureusement, avec la crise, nous craignons également de constater une baisse. Ce serait fort dommage, car il s’agit d’un levier important, notamment pour l’entrée dans la vie active de nos jeunes. Il est nécessaire et important de lier formation théorique et en entreprise.

Muriel Pénicaud est au fait de cette question. Elle travaille en lien avec l’ensemble des régions pour favoriser, maintenir et continuer à développer l’apprentissage.

La question se pose aussi de l’orientation des jeunes et de leur éventuel décrochage scolaire. En période de crise, la fermeture des écoles nous fait craindre une augmentation du nombre de jeunes décrocheurs. C’est la raison pour laquelle nous avons, avec Jean-Michel Blanquer et Muriel Pénicaud, rédigé un courrier à l’attention des préfets et des recteurs de façon à travailler en amont de la rentrée scolaire. Il s’agit, en lien avec les régions, d’aller chercher les jeunes qui ne donnent plus signe de vie dans les classes virtuelles ou dans les établissements qui ont rouvert, de les accompagner, de s’assurer qu’ils sont présents à la rentrée et de les réorienter, si besoin, vers l’apprentissage.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Dans votre propos liminaire, madame la secrétaire d’État, vous avez commencé par faire le panégyrique de l’action du Gouvernement avant la crise. Je voudrais juste vous rappeler que, à tout mettre bout à bout, politique fiscale et politique sociale, on constate un enrichissement des 5 % les plus riches et un appauvrissement des 5 % les plus pauvres de nos concitoyens. Voilà qui pose les bases.

La crise a montré toutes les failles de notre système, notamment la précarité extrême d’une grande partie de la population, et particulièrement de la jeunesse. On a même entendu des préfets craindre des émeutes de la faim. Cette situation provoque un risque majeur d’augmentation de l’endettement et un basculement d’un grand nombre de personnes dans la pauvreté. Et nous avons assisté, cet après-midi, à l’indifférence totale de votre collègue secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances face aux agios bancaires que se verront appliquer certains de nos compatriotes en difficulté.

Les aides que vous avez apportées sont trop faibles. Le Président de la République a appelé à des décisions de rupture. Nous vous appelons donc à l’ouverture de l’expérimentation du revenu de base. De nombreux départements sont prêts à le faire pour lutter contre le non-recours, contre la pauvreté, pour permettre une existence enfin sereine. Le revenu de base est un outil pour l’autonomie, pour la dignité de chacune et de chacun des citoyens de notre pays. Quand allez-vous enfin permettre cette expérimentation ?

Nous vous appelons également à ne pas entrer dans une politique de création de pauvreté avec la réforme de l’assurance chômage, encore susceptible de s’appliquer à la rentrée. Il faut annuler cette réforme.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, la crise a montré des failles, mais elle a aussi montré la solidarité de notre système de protection sociale. J’en ai longuement détaillé les aspects, je n’y reviendrai pas.

La crise a eu un impact particulier sur les précaires, ce qui pose de manière indiscutable la question de notre système de soutien aux revenus des plus précaires.

J’ai reçu les présidents de département socialistes, ainsi que les députés qui avaient déposé une proposition de loi visant à expérimenter l’instauration d’un revenu universel. Je les ai invités à venir travailler avec nous sur le revenu universel d’activité. Nous partageons l’objectif de lutte contre le non-recours, sujet important sur lequel nous avons consenti des efforts et auquel le revenu universel d’activité, tel que nous le concevons – plus juste, plus lisible et plus pilotable –, permettrait de répondre avec une seule prestation et un seul dossier pour chaque Français.

Comme je l’ai souligné, nous devons nous poser la question de la place de nos jeunes et du montant des minima sociaux dans notre système de protection sociale. Je vous le dis clairement : nous poserons la question, comme nous avons commencé à le faire dans le cadre de notre réflexion sur le revenu universel d’activité.

Je n’étais pas d’accord avec les auteurs de la proposition de loi sur la question de l’inconditionnalité. Toute prestation doit être couplée à un accompagnement qui permet aux personnes concernées de s’inscrire dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle afin de sortir de la pauvreté. Une prestation permet de vivre quand on est en situation de pauvreté, mais pas de sortir de la pauvreté.

C’est donc par le travail que nous pourrons permettre à ces personnes d’en sortir, de gagner des revenus beaucoup plus décents, de garder leur dignité et de trouver une place dans la société. Nous avons contractualisé avec 99 départements pour développer un meilleur accompagnement des bénéficiaires du RSA dans un délai d’un mois quand il fallait attendre entre quatre et six mois pour obtenir un premier rendez-vous.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.

Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la secrétaire d’État, l’inconditionnalité est extrêmement importante. Il faut arrêter de mettre les gens en situation d’aller, tous les trois mois, réclamer et remplir des dossiers. On met les personnes en difficulté. On leur demande perpétuellement de venir se justifier au lieu de les aider à construire leur projet de manière positive.

Le revenu de base inconditionnel, c’est justement la possibilité d’accéder enfin à la sérénité pour construire. Nous, nous faisons confiance aux gens, nous ne pensons pas qu’il faille leur mettre le couteau sous la gorge, comme avec votre réforme de l’assurance chômage, pour les remettre au travail !

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Sophie Taillé-Polian. Ils ont envie de se construire un avenir. Et c’est justement ce que permettra le revenu universel d’existence ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno.

M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le confinement mis en place pour lutter contre le développement du Covid-19 restera une période dont il faudra longtemps pour mesurer les conséquences sanitaires, mais aussi économiques et sociales.

En parallèle de ce combat contre la maladie, une nouvelle révolution se déroule sous nos yeux : l’accélération de la digitalisation de la société dont nous sommes, au Sénat, les premiers témoins et même des acteurs. L’organisation de nos travaux a changé depuis maintenant plusieurs semaines, dans des proportions que nous n’aurions jamais imaginées jusqu’ici.

Le phénomène du télétravail modifie et va modifier en profondeur notre manière d’appréhender nos vies et aura un impact significatif. Les atouts du télétravail sont nombreux : gain de temps, économie d’espace et de transport – ce qui est appréciable en cette période si particulière –, meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, réévaluation du lieu de notre domicile, comme cela a déjà été souligné.

Mais le développement du télétravail inquiète également. Il engendre de nombreuses conséquences sociales en termes de management, avec des risques d’isolement, en termes de relations sociales et de construction d’un projet collectif d’entreprise, mais aussi de représentation des salariés. Il représente une mutation profonde et accélérée de notre environnement économique et social.

Madame la secrétaire d’État, comment voyez-vous l’évolution du paritarisme et du dialogue social dans ces conditions ? N’est-il pas l’heure d’organiser une grande conférence sociale et, pourquoi pas, de proposer de nouvelles lois sociales refondées afin d’aborder, dans le dialogue social, ces mutations profondes ? (M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Comme je l’ai déjà souligné, un guide opérationnel a récemment été publié sur le télétravail afin de faciliter son approbation par les employeurs et les salariés. Il est d’ailleurs préconisé de continuer le télétravail dans les semaines à venir.

Dans les secteurs d’activité qui correspondent davantage à mon périmètre – je pense à tous les métiers de l’accompagnement social –, nous avons essayé, autant que faire se peut, de poursuivre le travail par téléphone. Mais cette situation ne peut perdurer. En outre, dans certains métiers où la relation humaine est importante, comme pour les professionnels de la petite enfance, par exemple, le télétravail n’est pas possible.

Laissons nos forces vives, salariés et employeurs, mais aussi administrations, dialoguer et travailler ensemble pour trouver le juste équilibre. Faut-il revenir de temps en temps dans un lieu commun ? Doit-on développer les tiers lieux ? Tout le système est à réinventer. Cette crise permet des avancées majeures sur ce sujet.

Je ferai part à Muriel Pénicaud, qui est pleinement mobilisée sur l’accompagnement des salariés et des entreprises, de votre proposition de conférence sociale.

M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.

M. Olivier Henno. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État.

La cohésion sociale va subir de nombreux chocs. Bruno Le Maire a déclaré ce matin que cette crise pourrait être d’une ampleur proche de celle de 1929. Eu égard aux chocs sanitaires, économiques, sociaux et technologiques à venir dans cette période si particulière, tous les moyens doivent être mis en œuvre pour associer les partenaires sociaux.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton.

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, par une ordonnance du 22 février 1945, la France instaurait un pacte social national.

Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 fondant la sécurité sociale visaient à créer un modèle social pour les travailleurs salariés qui avaient particulièrement souffert socialement durant la Seconde Guerre mondiale.

Le 15 mars dernier, le président de la République a qualifié de guerre cette crise sanitaire sans précédent qui a aggravé la situation économique déjà très fragile.

Le 25 avril 2019, le Président de la République avait annoncé une série de mesures prises en réponse à la crise des « gilets jaunes » et tenant compte des résultats du grand débat national. La mise en œuvre de ces mesures a été freinée par la crise sanitaire. Il faut désormais les réinvestir politiquement, les faire mûrir et les évaluer.

Tout le monde a subi cette crise. Ce fut un choc symétrique. Certains, il est vrai, l’ont subi plus fortement que d’autres. Mais il ne s’agit pas de prévoir une aide financière conjoncturelle en une seule fois. Il faut envisager la reconstruction sur le long terme, aux côtés des institutions et des entreprises. Ce nouveau paradigme de société passe par trois points : l’alliance des secteurs public et privé pour l’intérêt général, la solidarité entre Français et l’implication de nos collectivités territoriales.

Sur ce dernier point, les mesures du Gouvernement doivent nécessairement être le fruit des remontées du terrain, avec les maires comme premiers interlocuteurs qui enrichissent la réflexion à l’échelle nationale. À l’échelon local, il devient nécessaire de créer une cellule de veille sanitaire et sociale.

Madame la secrétaire d’État, après le grand débat et cette crise sans précédent, quels outils comptez-vous mettre en place auprès des collectivités territoriales pour faire face, de manière pérenne, aux risques sociaux et sanitaires ? C’est une question que beaucoup d’élus se posent.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Dans la relation entre l’État et les collectivités territoriales, tous les échelons s’investissent dans le champ social et médico-social : régions, départements, communes et EPCI. Le ministère de la cohésion du territoire mène ce travail constant avec l’ensemble des représentants des collectivités territoriales dans le partage et les évolutions de compétences.

Je consulte régulièrement l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités (AMF), l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas) et l’Assemblée des départements de France (ADF) sur la stratégie de lutte contre la pauvreté et sur les questions de solidarité et de politique de la petite enfance. Sur ces dernières, et bien qu’il s’agisse d’une compétence optionnelle, les caisses d’allocations familiales sont aux côtés des collectivités pour le compte de l’État.

C’est ensemble que nous pourrons amener cet écosystème à travailler par contractualisation, à travers des schémas de réorientation. Nous devons surtout mettre en œuvre concrètement des compétences sans superposition des uns et des autres. Chacun doit pouvoir s’y retrouver, nos concitoyens au premier chef, pour savoir qui fait quoi et où aller dans le champ social et médico-social.

Des travaux ont été amorcés dans ce cadre-là. Je travaille avec l’ADF pour apporter des moyens financiers supplémentaires aux communes et aux régions pour assurer un meilleur accompagnement en matière de lutte contre la pauvreté.

Dans le champ social, je crois que formation, développement économique et accompagnement des demandeurs d’emploi ou des bénéficiaires du RSA forment un triptyque à même d’offrir une vraie visibilité sur un bassin d’emplois, un bassin de vie.

Les formations financées par les régions doivent bien aller aux demandeurs d’emploi et aux bénéficiaires du RSA, accompagnés par les collectivités ou par nos services,…

M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. … et répondre aux besoins de nos entreprises en termes de recrutement.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin.

M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le confinement a rendu visible ce que vous ne voulez pas voir : la précarité des travailleurs « ubérisés », dépendants des plateformes de livraison, et les chauffeurs de VTC, dont le droit dit régulièrement qu’ils sont de faux indépendants. La Cour de cassation, dans un arrêt du 4 mars dernier, a même utilisé le terme d’indépendant « fictif » – c’est grave ! – avant de requalifier l’emploi du plaignant en emploi salarié.

Madame la secrétaire d’État, vous bricolez et tergiversez depuis 2017 en cherchant à créer un tiers statut entre ceux de salarié et d’indépendant, avec des chartes et que sais-je encore dont le droit dit également régulièrement qu’elles ne conviennent pas. Ces travailleurs ne peuvent plus attendre. Après la crise, le salariat doit s’imposer dans certains secteurs.

Nous avons proposé une coopérative d’activités et d’emplois pour réguler beaucoup mieux l’activité des plateformes numériques, auxquelles nous ne sommes pas opposés, et apporter de vraies garanties aux travailleurs. Ces plateformes doivent immédiatement assumer leurs responsabilités réelles, qu’elles soient sanitaires ou financières.

Vos chartes et solutions sont de toute part, et notamment dans cet hémicycle, considérées comme aussi précaires que les plateformes que vous tentez de protéger. Il est temps de revoir les choses. Nos collègues du groupe CRCE vont présenter, la semaine prochaine, une autre solution que celle de la coopérative d’activités et d’emplois, mais toujours autour du salariat. Créer de vrais statuts de travailleurs indépendants peut être une autre piste, comme le souligne un rapport de la commission des affaires sociales.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, Muriel Pénicaud a lancé une mission sur les travailleurs numériques en mars dernier, à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation que vous évoquiez. Nous nous sommes pleinement saisis de cette question.

Le statut d’autoentrepreneur et d’indépendant est parfois le premier pas vers une réinsertion sociale et professionnelle. Certaines structures comme l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE), par exemple, accompagnent des autoentrepreneurs dans leur création d’entreprise. Je pense encore à un dispositif comme « Lulu dans ma rue » qui va aider des autoentrepreneurs à trouver quelques heures de travail et à commencer un parcours d’insertion. Il ne faut pas généraliser et qualifier nécessairement tous ces parcours de « précaires ». Il s’agit aussi de parcours d’insertion.

Ces autoentrepreneurs qui déclarent leurs revenus peuvent bénéficier de la prime d’activité, ce qui nous permet aussi de mieux les accompagner.

Peut-être faut-il encore améliorer certains dispositifs. Muriel Pénicaud y travaille. Certaines personnes souhaitent continuer à profiter de ce statut qui constitue un premier pas vers une reprise d’activité avant de pouvoir d’évoluer, notamment grâce aux dispositifs que j’ai cités.

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.

M. Olivier Jacquin. J’ai bien entendu votre réponse en deux temps, madame la secrétaire d’État.

Vous évoquez la fameuse mission Frouin qui est bien en peine, avec cette crise, d’avancer sur les sujets qui lui ont été confiés. Du peu que je sache, ses membres sont parfaitement dubitatifs, en raison de l’arrêt de la Cour de cassation du 4 mars dernier qui met en l’air toute une partie de la stratégie que vous envisagiez.

L’autre partie de votre réponse consiste à dire que ces plateformes offrent petits boulots et parcours d’insertion à certains. Des études encore rares montrent que les livreurs à vélo étaient bien souvent, au début, des étudiants sympathiques qui arrondissaient leurs fins de mois ou des personnes qui cherchaient un revenu complémentaire. Mais on est passé aujourd’hui aux précaires de Seine-Saint-Denis, par exemple, ou aux migrants qui utilisent des comptes détournés.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Olivier Jacquin. Cette situation n’est pas acceptable. Il faut mettre les gens devant leurs responsabilités, et vous en premier !

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet.

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, crise financière, crise écologique, crise démocratique et aujourd’hui crise sanitaire : nous sommes bien devant une crise durable.

D’un côté, les plus forts d’entre entre nous, une minorité très qualifiée, de mieux en mieux payée ou vivant de la spéculation et non du travail ; de l’autre, les plus faibles qui fournissent, dans le meilleur des cas, des biens et des services locaux ou qui vivent de l’assistance apportée par l’État- providence. Entre les deux, une solidarité qui s’effrite inexorablement.

L’addition est lourde : mécontentement généralisé des citoyens vis-à-vis de la démocratie représentative, accusée d’être impuissante ; sécession sociale et morale des élites ; sécession territoriale des pays ou régions les plus riches.

Mais voilà qu’aujourd’hui tout doit être sacrifié sur l’autel du sacro-saint pragmatisme : il n’est plus nécessaire de parlementer indéfiniment pour savoir si une politique est bonne ou mauvaise, il faut seulement savoir si elle est efficace ou non. Une fois cela posé, il n’y a plus de débat idéologique possible, mais seulement des questions techniques qui ne concernent alors plus les citoyens, mais les experts, ceux qui savent comment fonctionne la machine d’État. Ainsi la démocratie s’achève-t-elle en technocratie. Nous y sommes précisément !

L’heure n’est plus au bricolage et à l’accumulation de dispositifs incompréhensibles. Il est maintenant extrêmement urgent de définir enfin ce que nous considérons comme une priorité à respecter, une ressource à préserver et comme un bien à conserver. Dans ce contexte, réhabiliter la Nation peut paraître contre-intuitif aux bonnes consciences humanistes, progressistes, sociales-démocrates, écologistes, et j’en passe… Il nous faut pourtant non seulement réhabiliter la Nation, mais la réinventer. Nous devons redéfinir le pacte social national afin de le mettre tout entier au service d’une pratique sobre et apaisée de la conversation civique et de la décision publique.

C’est à ce prix que l’on réconciliera l’économie mondialisée avec la promesse démocratique et la sobriété écologique. Partagez-vous cette ambition, madame la secrétaire d’État ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Je partage l’ambition d’un équilibre entre le partage et la redistribution des richesses. C’est la redistribution des richesses qui est importante et qui constitue le socle de notre pacte de solidarité. Je l’ai dit et le redis, face à la crise, notre système de solidarité a tenu. Les filets de protection, qui ont joué le rôle d’amortisseur – je pense à l’activité partielle, au maintien des droits, aux arrêts de travail pour garder les enfants, à la sécurisation des personnes en longue maladie par rapport à une épidémie qui peut être fatale – ont fonctionné.

Pour autant, nous ne devons pas nous arrêter là. Il convient en effet d’analyser les failles du système. C’est l’objet du travail en cours, notamment pour ce qui concerne les solidarités avec la question de la précarité des jeunes, de l’accès et du maintien à l’emploi et de l’accompagnement. Quelle place pour l’ensemble de nos concitoyens, qu’ils soient jeunes, moins jeunes ou seniors – je pense à la création d’une cinquième branche pour couvrir le risque lié à la dépendance ?

Le Président de la République a évoqué une protection du XXIe siècle. La crise en révèle les failles et, à ce titre, permettra d’introduire des réformes, conformément à notre ambition concernant le pacte de solidarité nationale.

Nous avons commencé à construire cette protection du XXIe siècle, en particulier dans le cadre du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais nous devons aller plus loin pour ce qui concerne les familles et les modes de garde. C’est un ensemble qu’il faut construire, pour que tous nos concitoyens, quels que soient leur situation ou leurs besoins, se retrouvent dans cette solidarité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. Je vous entends, madame la secrétaire d’État. Je vois que le Gouvernement a mis en place, dans une situation très critique, des éléments qu’il fallait mettre en place. Ma réflexion va bien plus loin. Vous devez mettre les 67 millions de Français devant leurs responsabilités : ont-ils encore envie de vivre ensemble, grâce à quelque chose que l’on appelle la solidarité, mais qui dépasse de loin les bricolages technocratiques ? Sur ce point, il faut un vrai grand débat. (M. Jean-François Husson applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde.

Mme Christine Lavarde. Madame la secrétaire, pour illustrer la suite de mon propos, j’évoquerai tout d’abord deux entrepreneurs de Boulogne-Billancourt.

Le premier, Patrice Kretz, est le dirigeant de la chaîne Chantelle. Il a répondu très rapidement à l’appel du Gouvernement, en réorientant ses outils de production pour fabriquer des masques dans ses usines de Cachan et des blouses dans ses usines d’Épernay.

Le second, Emmanuel Nizard, atteint du Covid-19, s’est rendu compte qu’il était impossible de se procurer des masques en France. Il s’est donc décidé à changer de métier et à devenir lui-même fabricant. Aujourd’hui, à Meudon, dans une usine créée de toutes pièces pour répondre à l’urgence sanitaire, on sort 50 000 masques par semaine, l’objectif étant fixé à 200 000 d’ici au mois de septembre.

Ces deux exemples se résument en deux mots : réactivité et proximité, caractéristiques du « produire en France » ou made in France, qui répond à trois objectifs : il permet de s’éloigner d’une trop forte dépendance des autres économies, notamment dans le domaine alimentaire, risque mis en avant par la crise sanitaire ; il répond aux besoins d’emplois, alors même que notre pays connaît une crise économique sans précédent – l’Insee annonçait hier que le PIB pourrait chuter de 20 % au deuxième trimestre de cette année – ; il répond aussi aux souhaits de nos concitoyens, qui ont envie de consommer localement et durablement. Ainsi l’usine installée à Meudon permet-elle de produire des masques dont le bilan carbone est inférieur de 98 % à ceux qui, fabriqués en Chine, arriveraient en France.

Au regard de ces éléments, que compte faire le Gouvernement pour renforcer le made in France, alors même que nos propres coûts de production sont très élevés ? Les produits fabriqués en France doivent bénéficier à l’ensemble de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. En effet, le made in France est une révélation de la crise, mais le phénomène était déjà sous-jacent. Dans ce domaine, on le voit, il est nécessaire de lever certains freins, dans le cadre d’actions combinées du public et du privé. Il ne semble pas opportun d’opposer l’un à l’autre, pas plus que les producteurs historiques aux nouveaux entrants.

Sur la question de la production de masques, nous avons pu répondre aux besoins de nos concitoyens. Nous atteindrons, d’ici à octobre, 50 millions d’unités.

Le made in France fait partie du made in Europe et n’est pas opposé à la mondialisation. En effet, la production française doit songer à l’export, car il n’est pas possible de « s’autosuffire ». C’est dans ce cadre que nous devrons travailler ensemble.

Je prendrai l’exemple de la politique de l’aide alimentaire et du travail que j’ai commencé à mener avec les associations pour cesser d’acheter des produits européens, alors que nous pourrions avoir une production locale.

Notre production d’aide alimentaire permettra de répondre aux besoins des agriculteurs et offrira aux personnes les plus précaires la possibilité de manger local et, parfois, bio ou, au moins, en respectant le développement durable. Sur tous ces sujets, il convient de mener une réflexion. Si certaines thématiques sont plus faciles que d’autres, c’est l’intelligence des consommateurs et des producteurs qui fera coïncider l’offre et la demande, à des coûts raisonnables. Ces travaux à venir sont importants. Ils font écho à la loi Égalim, qui prévoyait en substance de mieux rémunérer et d’acheter local. C’est ainsi que notre société deviendra souveraine.

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Mme Christine Lavarde. Je vois que nous partageons la même volonté. Ma question portait également sur le coût du travail, qui freine aujourd’hui l’industrie française.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-François Husson. Après la crise inédite des « gilets jaunes » et la réforme tumultueuse des retraites, nous sommes entrés dans une crise sanitaire également inédite, qui, si elle révèle les ressources profondes de notre pays, n’en menace pas moins son unité.

Cette crise a souligné des carences : pénurie de masques, incapacité de tester massivement les populations, dysfonctionnements dans la chaîne de commandement entre les agences régionales de santé et les préfectures, appels dans l’urgence aux collectivités territoriales.

Néanmoins, nous pouvons être fiers du sens civique manifesté par les Français et de l’esprit de responsabilité des élus locaux. Notre République, lorsqu’elle traverse des crises ou est prise de convulsions, a toujours su puiser dans ses ressources pour en ressortir plus forte. Si nos institutions ont été et demeurent solides, l’esprit qui les fait vivre doit être renouvelé. Le pacte social qui nous maintient unis malgré nos différences ne peut plus fonctionner avec les recettes d’hier.

J’entends donc savoir comment le Gouvernement entend concilier urgence sociale, redressement économique, protection et sécurité sanitaire et impératifs écologiques. Compte-t-il s’appuyer concrètement sur l’ensemble des corps intermédiaires, bien malmenés depuis 2017 ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, votre question est double.

S’agissant de notre système de santé, il est toujours loisible de critiquer. Pour autant, j’estime que nous n’avons pas à rougir des actions mises en œuvre pour gérer cette crise inédite. Nous le voyons, notre système de santé a fonctionné et nous avons trouvé et apporté ensemble des solutions.

Pour ce qui concerne la gestion de la crise, je rappelle que celle-ci n’est pas encore achevée. Le virus continuant de circuler, il convient d’être prudent. Nous ne sommes pas encore à l’heure du bilan. Dans la mesure où nous commencerons à avoir quelques aperçus des conséquences, nous préparerons, dans un cadre interministériel, l’après-crise. Ce travail est d’ores et déjà en cours, quels que soient les sujets : solidarités, éducation, logement et finances.

L’État ne pourra pas répondre seul à toutes ces questions. En matière de santé, il faut analyser le maillage du territoire et l’écosystème que constitue l’ensemble des activités des collectivités publiques et du privé. L’État ne peut qu’interagir dans un écosystème. C’est ensemble que nous pourrons apporter les réponses.

C’est en respectant les compétences des uns et des autres, en ne superposant pas les dispositifs et en n’ajoutant pas une couche dans la couche que nous trouverons la bonne réponse. Ce qu’attendent nos concitoyens, c’est d’avoir une lisibilité et une visibilité sur ce qu’il est possible de faire, à leur niveau, pour s’intégrer dans notre société et faire nation.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. En effet, madame la secrétaire d’État, ce qui doit nous rassembler, c’est de faire France ensemble. Cela signifie prendre appui sur les collectivités dans le cadre d’une politique de décentralisation conjuguant compétences, moyens et responsabilités.

Ensemble, cela veut dire retrouver le goût du dialogue social, qui ne peut plus être vu comme un reste de l’ancien monde. Ce dialogue, comme l’activité du Parlement, est non pas un obstacle aux réformes et à leur rapidité, mais un passage utile et obligé pour que les réformes proposées puissent être enrichies et marquées d’une légitimité plus grande.

Ensemble, cela veut dire aussi conjuguer une politique écologique qui ne pénalise pas les plus modestes,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-François Husson. … mais vise, à l’inverse, à offrir une valeur ajoutée écologique à de nouvelles dynamiques économiques.

Ensemble, cela veut dire oser le débat, souffrir la contradiction, reconnaître avec humilité que l’on s’est trompé et préférer à la disruption jupitérienne la concorde républicaine, socle incontournable de la reconstruction de notre pays, pour autant qu’elle soit le fruit d’un pacte de confiance scellé au préalable.

Conclusion du débat

M. le président. Pour clore ce débat, la parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe auteur de la demande.

Mme Laurence Rossignol, pour le groupe socialiste et républicain. Je formulerai plusieurs remarques.

Tout d’abord, je veux saluer, madame la secrétaire d’État, l’introduction de votre propos. Vous avez en effet indiqué que, grâce à notre système de protection sociale, nous avions pu amortir les effets de la crise pour les plus fragiles. Je me réjouis de cet hommage que vous rendez à notre système de protection sociale. Pour tout vous dire, je préfère que vous en parliez ainsi plutôt que d’entendre le Président de la République évoquer un « pognon de dingue » à propos des allocations familiales.

Nous sommes au moins d’accord sur le fait qu’il faut un système de protection sociale fort pour protéger les plus fragiles. Ce système doit d’ailleurs être tellement fort que vous avez dû revenir sur vos propres décisions, en suspendant l’application de la réforme de l’indemnisation du chômage. Vous vous êtes en effet rendu compte que cette réforme, sans doute acceptable dans un pays ayant atteint un taux de chômage résiduel, était néfaste dans un pays encore soumis à la pauvreté, à la crise et à la fragilité.

On peut également se réjouir que la crise sanitaire vous ait amené à suspendre, pour une durée que nous espérons définitive, votre réforme du système d’assurance vieillesse, que vous estimiez trop généreux et que vous avez si souvent discrédité depuis trois ans.

Je souhaite faire une remarque sur un sujet qui n’a pas été évoqué, à savoir la suspension d’une nouvelle phase du déploiement de l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa). Nous en parlerons peut-être tout à l’heure à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire.

Vous aviez annoncé, avec une communication importante, un service public des pensions alimentaires. Pour ma part, j’ai toujours pensé qu’une telle appellation était un peu exagérée, dans la mesure où il ne s’agit que d’une intermédiation entre le débiteur et le créancier des pensions alimentaires. Ce n’est pas l’État qui paie les pensions alimentaires !

Cette intermédiation, qui prolongeait la création, en 2017, de l’Aripa, aurait dû se mettre en place au 1er juin. Elle concerne les familles monoparentales, c’est-à-dire celles qui ont été le plus touchées par la crise, leur pauvreté s’accroissant et leurs difficultés de vie augmentant. Pourtant, vous avez décidé de reporter cette mesure ! Comment avez-vous pu accepter une telle décision, extrêmement préjudiciable, vous qui avez la charge de ce dossier ? Comment avez-vous pu dire « oui » à Bercy s’agissant de cette agence ?

Les familles monoparentales souffriront six mois de plus, puisqu’elles ne pourront pas faire appel à l’intermédiation de l’Aripa.

On le sait bien, les effets de la crise sont à venir. Les chiffres du chômage en témoignent : ceux qui paient cash la crise sanitaire, ce sont les intermittents du travail. Pour eux, le chômage sera plus douloureux.

On vous a demandé à plusieurs reprises d’anticiper les effets de la pauvreté. Dans les éléments que vous avez donnés jusqu’à présent, vous ne nous avez pas dit que vous renonciez à la réforme de l’assurance chômage. C’est pourtant ce qu’attendent de nombreuses personnes, en particulier les salariés intermittents, les précaires du monde du travail, qui sont déjà les plus durement frappés par cette réforme.

Enfin, comme les effets sont à venir, il faut aussi penser aux 700 000 jeunes qui arriveront sur le marché du travail dans des conditions dramatiques, alors même que la situation est déjà compliquée en temps normal pour un certain nombre d’entre eux. Il faut aller vite pour leur garantir un revenu minimum d’existence, un « RSA jeune », quelque chose qui soit plus que la garantie jeunes, mais pas non plus la prime d’activité, qui n’est pas adaptée à des jeunes qui sont intermittents.

Enfin, la crise nous l’a appris, le travail au noir est une réalité en France. Ainsi, on a vu dégringoler tous ceux qui ont des petits boulots payés au noir. Il faudra s’en occuper, madame la secrétaire d’État, après l’état d’urgence et après les mesures provisoires que vous avez prises.

Il y a donc encore beaucoup à faire. J’espère que vous renoncerez à ce qui a été votre dogme au cours des deux dernières années, c’est-à-dire l’idée selon laquelle nous vivrions dans un pays dans lequel les personnes précaires, les personnes âgées et les jeunes sont trop protégés. Il suffirait, pour trouver un travail, de « traverser la rue ».

Or il n’y a pas de rue à traverser, mais des mains à tendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « Les conditions de la reconstruction du pacte social national dans le cadre de la sortie de la crise sanitaire. »

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

7

Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution

M. le président. Mes chers collègues, par courrier en date de ce jour, M. Jean-Claude Requier, président du groupe du RDSE, demande que la proposition de résolution visant à encourager le développement de l’assurance récolte, initialement inscrite à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du 28 mai, soit inscrite à l’ordre du jour de l’espace réservé à son groupe du mercredi 24 juin, en remplacement du débat sur le thème : « La crise du Covid-19 révélatrice d’un besoin renforcé de déconcentration et de décentralisation ».

Acte est donné de cette demande.

8

Article 1er quater (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er quater

Diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (projet n° 440, texte de la commission n° 454, rapport n° 453, avis nos 444 et 451).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er quater, à l’examen des amendements nos 102 rectifié et 236 rectifié ter, qui font l’objet d’une discussion commune.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er quinquies

Article 1er quater (suite)

Le livre III de la troisième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 3312-5 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Par dérogation au I du présent article, l’employeur d’une entreprise de moins de onze salariés dépourvue de délégué syndical ou de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique peut également mettre en place, par décision unilatérale, un régime d’intéressement pour une durée comprise entre un et trois ans, à la condition qu’aucun accord d’intéressement ne soit applicable ni n’ait été conclu dans l’entreprise depuis au moins cinq ans avant la date d’effet de sa décision. Il en informe les salariés par tous moyens.

« Le régime d’intéressement mis en place unilatéralement en application du présent II vaut accord d’intéressement au sens du I du présent article et au sens de l’article 81 du code général des impôts. Les dispositions du présent titre s’appliquent à ce régime, à l’exception des articles L. 3312-6 et L. 3314-7. » ;

2° Le titre IV est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« Intéressement mis en place unilatéralement

« Art. L. 3347-1. – Les dispositions du présent titre en tant qu’elles concernent les accords d’intéressement s’appliquent aux régimes d’intéressement mis en place unilatéralement en application du II de l’article L. 3312-5, à l’exception de celles prévues aux sections 1 à 3 du chapitre Ier et aux articles L. 3344-2, L. 3344-3 et L. 3345-4. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 102 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Lévrier, Iacovelli, Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Au terme de la période de validité, le régime d’intéressement ne peut être reconduit dans l’entreprise concernée qu’en empruntant l’une des modalités prévues au I. » ;

La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. J’associe aux trois prochains amendements que je défendrai les collègues de mon groupe également membres de la commission des affaires sociales.

L’article 1er quater a pour objet de faciliter l’accès des salariés des très petites entreprises aux dispositifs d’épargne salariale, en cohérence avec les réformes précédentes sur la place des salariés dans l’entreprise. Il est ainsi prévu qu’un régime d’intéressement peut être mis en place, dans certains cas, par une décision unilatérale de l’employeur pour une durée comprise entre un an et trois ans.

Toutefois – c’est un point important –, la rédaction initiale prévoyait que, à l’issue de la durée que je viens de mentionner, le régime d’intéressement devait être reconduit selon les modalités prévues par le code du travail.

La commission ayant supprimé cette précision, cet amendement vise à la rétablir, afin que soit borné dans le temps l’effet de la décision unilatérale de l’employeur, dans l’intérêt du dialogue social auquel le mécanisme d’intéressement concourt.

M. le président. L’amendement n° 236 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Requier, Arnell, Artano, Cabanel, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Gold, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mmes Laborde et Pantel, MM. Roux, Vall et Bonnecarrère, Mme Loisier, MM. Kern, Cadic, Capus, Chasseing, Danesi, Moga et Canevet, Mme Gatel, M. Guerriau, Mme Lamure, M. Le Nay, Mme Joissains et MM. Delcros, Longeot, Maurey et Decool, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les entreprises de plus de dix salariés et de moins de cinquante salariés, au terme de la période de validité, le régime d’intéressement mis en place par décision unilatérale ne peut être reconduit qu’en empruntant l’une des modalités prévues au I du présent article. » ;

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Il s’agit d’un amendement de conséquence. Je me réfère à notre débat d’avant-hier soir, interrompu par la fin de séance. Il semble que mon collègue Julien Bargeton n’ait pas adapté son amendement à la rédaction adoptée en séance.

Je le rappelle, le dispositif proposé d’intéressement par décision unilatérale a été étendu par le Sénat aux entreprises de dix à cinquante salariés. L’amendement que je vous propose, mes chers collègues, est en cohérence avec ce qui a été adopté avant-hier. Je le précise, les entreprises de moins de onze salariés demeurent dispensées de cette contrainte restrictive. En revanche, elle est rétablie pour les entreprises de dix à cinquante salariés, dans la mesure où le régime dérogatoire pour cette catégorie d’entreprises a vocation à inciter celles-ci à conclure, au terme de trois ans, un contrat d’intéressement dans des conditions classiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Des modifications sont effectivement intervenues dans le dispositif d’intéressement.

L’amendement n° 102 rectifié porte sur l’interdiction de la reconduction tacite d’un dispositif d’intéressement mis en place par voie unilatérale. Comme le Sénat l’avait fait en mars dernier, la commission a souhaité qu’un accord d’intéressement mis en place par voie unilatérale puisse être reconduit tacitement. En effet, la mise en place de dispositifs d’intéressement par voie unilatérale n’est prévue que dans le cas où l’entreprise serait dépourvue de délégués syndicaux à même de négocier un accord. Les choses ont évolué, puisqu’il s’agissait des entreprises de moins de onze salariés.

Si, au terme des trois ans de validité du dispositif, l’employeur ne dispose toujours pas d’interlocuteurs de négociation, il serait dommage d’interdire la reconduction de la mesure.

Cet amendement me semble donc contraire à l’objectif visé, à savoir favoriser le développement des accords et de la discussion. C’est la raison pour laquelle nous avions émis un avis défavorable.

Sur l’amendement n° 236 rectifié ter de coordination avec l’amendement n° 234 rectifié bis, la commission avait émis un avis défavorable, mais l’amendement n° 234 rectifié bis a été adopté.

Ainsi, dans la mesure où il est important de toujours inciter à la négociation, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 102 rectifié, qui vise à préciser les modalités de reconduction du régime d’intéressement mis en place par décision unilatérale de l’employeur à l’issue de sa période de validité de un, deux ou trois ans.

Après cette première période d’application, les employeurs et les salariés auront pu s’approprier ce dispositif. Il est donc pour nous cohérent que la reconduction s’effectue par voie négociée, par exemple via la ratification d’un accord à la majorité des deux tiers des salariés, qui ne constituera plus, dès lors, une difficulté.

Sur l’amendement n° 236 rectifié ter, après le débat nourri que nous avons mardi soir, je reste cohérent avec la position du Gouvernement et émets donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 102 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 236 rectifié ter.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 153 rectifié, présenté par Mmes Morhet-Richaud et Dumas, MM. Vaspart, Karoutchi, Frassa, Vogel, Panunzi et Piednoir, Mme Imbert, MM. Bascher, Daubresse et Mandelli, Mme Noël, MM. Danesi, Lefèvre, Pierre et Segouin, Mme Eustache-Brinio, MM. Gremillet, Babary et Brisson, Mme Gruny, MM. B. Fournier, Perrin, Raison et Cuypers, Mmes M. Mercier et Lamure, MM. Regnard et Bonne, Mme Deromedi, MM. Cardoux et Courtial, Mme Raimond-Pavero, M. Chaize, Mme F. Gerbaud, M. Longuet, Mme Micouleau, M. Kennel, Mmes Chain-Larché, Bonfanti-Dossat et Puissat, MM. H. Leroy, Dallier et Calvet, Mme Berthet et M. Sido, est ainsi libellé :

I. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – L’article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 est ainsi modifié :

1° Au A du I, après le mot : « employeurs », sont insérés les mots : « de moins de onze salariés et par les employeurs » ;

2° Au début du 3° du II, sont ajoutés les mots : « Pour les employeurs d’au moins onze salariés, ».

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jérôme Bascher.

M. Jérôme Bascher. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à pérenniser la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat pour les TPE, avec la suppression de la condition, instaurée sur proposition du Gouvernement, consistant à lier cette prime à l’intéressement, même pour les petites entreprises.

Cette prime est présentée comme un moyen plus souple pour les employeurs d’intéresser leurs salariés aux résultats de l’entreprise.

Il est vrai que le Sénat a déjà eu l’occasion d’adopter un amendement identique, mais la commission des affaires sociales est toujours réticente face à la création de niches sociales et fiscales dont l’impact pour les finances publiques n’a pas été mesuré en amont.

En effet, contrairement à la prime exceptionnelle, les sommes versées au titre de l’intéressement sont, comme tous les revenus, assujetties à la CSG, à la CRDS et à l’impôt sur le revenu. Il me semble qu’un dispositif d’exonération totale ne doit être qu’exceptionnel, sous peine de créer un précédent dangereux, voire de traiter de manière inéquitable les salariés en fonction de la taille de leur entreprise.

J’ajoute que la difficulté, pour les employeurs qui souhaitent proposer des dispositifs d’intéressement, est grandement réduite par la publication d’accords types mis à disposition par l’administration.

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à introduire un dispositif pérenne et non pas lié à la période de crise.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Sur le principe, je serais plutôt favorable à ce dispositif ; mais il fait concurrence à la position qui a été prise par la commission des affaires sociales du Sénat de simplifier le régime d’intéressement dont peuvent bénéficier les salariés des entreprises de moins de onze salariés, et de le rendre reconductible sans autre formalité. La disposition adoptée par la commission des affaires sociales enlève un peu de son intérêt à cet amendement.

J’ajoute quand même, à l’intention de M. le ministre et de M. Bargeton, la remarque suivante : je veux bien que l’on reprenne le dialogue social, mais soyez réalistes ! Si vous visitez des entreprises de moins de onze salariés, ce dont je ne doute pas, vous constatez que le dialogue social s’y fait directement entre le chef d’entreprise et ses salariés, tous les matins voire plusieurs fois par jour. C’est pourquoi, très souvent, on n’y trouve pas d’instance représentative du personnel, parce que le dialogue y est permanent. Et lorsqu’on veut formaliser, on crée bien plutôt des blocages. Le dialogue social, dans la vie réelle des entreprises de moins de onze salariés, se fait naturellement ; le dialogue social formalisé n’y aurait pas vraiment de sens.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Sans y avoir été invité, je vais retirer cet amendement.

Je rappelle simplement que cette idée est née au moment de la crise des « gilets jaunes ». Le Gouvernement avait été bien content, à ce moment-là, de pouvoir compter sur le Parlement pour concevoir cette grande mesure de pouvoir d’achat. L’année d’après, comme d’habitude, il s’est empressé de restreindre le dispositif, dont l’initiateur avait été non pas Serge, chantre de la participation, mais Olivier Dassault, du côté de l’Assemblée nationale.

Une fois de plus, on a coupé les ailes d’une bonne idée en recomplexifiant un système efficace.

M. le président. L’amendement n° 153 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er quater, modifié.

(Larticle 1er quater est adopté.)

Article 1er quater
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Article 1er sexies

Article 1er quinquies

I. – L’avant-dernier alinéa de l’article 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour le calcul de la durée d’interruption entre deux contrats, la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré sur le fondement de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique n’est pas prise en compte. »

II. – L’avant-dernier alinéa du II de l’article 3-4 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour le calcul de la durée d’interruption entre deux contrats, la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré sur le fondement de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique n’est pas prise en compte. »

III. – L’avant-dernier alinéa de l’article 9 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour le calcul de la durée d’interruption entre deux contrats, la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré sur le fondement de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique n’est pas prise en compte. »

IV (nouveau). – Le présent article entre en vigueur à compter du 23 mars 2020. – (Adopté.)

Article 1er quinquies
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Article 1er septies AA (nouveau)

Article 1er sexies

I. – La seconde phrase du II de l’article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est complétée par les mots : « , ou auprès de l’un des établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ».

II. – La seconde phrase du II de l’article 49 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est complétée par les mots : « , ou auprès de l’un des établissements mentionnés à l’article 2 de la présente loi ».

III (nouveau). – L’article L. 162-23-14 du code de la sécurité sociale est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° La valorisation des mises à disposition sans remboursement d’agents publics à des établissements publics de santé effectuées dans le cadre du II de l’article 42 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, du II de l’article 61-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ou du II de l’article 49 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. Est également détaillé le coût de ce dispositif pour les personnes publiques ayant mis ces agents à disposition des établissements publics de santé. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 70, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 1, 2 et 4

Compléter ces alinéas par les mots :

, lorsque la mise à disposition est prononcée pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire déclaré sur le fondement de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique et en lien avec la gestion de la crise sanitaire

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à limiter la mise à disposition à titre gratuit des agents territoriaux ou hospitaliers auprès des établissements de santé, hôpitaux, établissements médico-sociaux, établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), etc., à la période de la crise sanitaire.

Pérennisée, cette faculté risque d’être utilisée par l’État comme facteur supplémentaire de désengagement financier dans les hôpitaux et dans les Ehpad. Il s’agit certes d’une mesure de bon sens en période d’épidémie, où l’on peut comprendre le besoin de mobiliser toutes les forces vives ; quant à la pérenniser, certainement pas !

M. le président. L’amendement n° 103 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Lévrier, Iacovelli, Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 et 2

Compléter ces alinéas par les mots :

, lorsque la mise à disposition est prononcée pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire déclaré sur le fondement de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique et en lien avec la gestion de la crise sanitaire

La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Je m’exprime toujours au nom des collègues de mon groupe membres de la commission des affaires sociales.

La dérogation au remboursement des mises à disposition des agents des fonctions publiques hospitalière et territoriale au bénéfice des établissements de santé et médico-sociaux, pendant la période de l’état d’urgence sanitaire, a tout son sens dans ce projet de loi d’urgence. Elle a, dans un objectif de clarté et d’efficacité, été inscrite dans ce texte.

Toutefois, la commission a étendu cette dérogation au-delà de la durée de l’état d’urgence sanitaire. Une telle modification permanente devrait impliquer un dialogue avec les instances représentatives et les collectivités. D’ailleurs, la réflexion plus générale sur l’organisation hospitalière que cette pérennisation appelle interviendra dans le cadre des concertations du Ségur de la santé.

Cet amendement vise donc à rétablir, sur ce point, l’article dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, limitant le dispositif à la durée de l’état d’urgence et à la gestion de la crise sanitaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. La commission, sur l’initiative de Mme Catherine Di Folco et de M. Loïc Hervé, qui avaient, je le rappelle, beaucoup travaillé sur le statut de la fonction publique, a proposé que cette pratique, ayant eu cours pendant la crise sanitaire et consistant, pour les collectivités territoriales – qu’elles en soient remerciées ! – à mettre à disposition leurs personnels auprès des hôpitaux, soit possible et pérennisée.

Je rappelle tout de même que cela se fait sur la base du volontariat entre les hôpitaux et les collectivités territoriales ; en aucun cas ces dernières ne seront dans l’obligation de mettre leurs personnels à disposition pour pallier une quelconque défaillance de l’État.

Je rappelle aussi que ce dispositif n’est pas neuf : il existe déjà, puisque les agents de l’État peuvent déjà être mis à disposition des hôpitaux, de sorte que l’extension de ce dispositif pérenne ne paraissait pas poser de difficulté.

Avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. L’amendement de M. Mohamed Soilihi, que vous avez présenté, monsieur Bargeton, vise à rétablir l’article qui permet la mise à disposition des agents de la fonction publique en limitant cette possibilité à la période de l’urgence sanitaire.

La dérogation à l’obligation de remboursement en cas de mise à disposition d’agents des fonctions publiques hospitalière et territoriale est destinée à faciliter le renfort des établissements pendant une situation d’état d’urgence sanitaire ; elle ne peut être considérée comme un moyen permanent de renforcer les effectifs de ces établissements.

Pour cette raison, le Gouvernement est favorable au rétablissement de la version initiale du texte, qui limitait la possibilité de déroger à l’obligation de remboursement aux seules situations d’urgence sanitaire.

Avis favorable, donc, sur l’amendement n° 103 rectifié ; quant à l’amendement n° 70, madame Lubin, je vous demande de bien vouloir le retirer et, à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable – la rédaction que vous proposez est en effet un peu différente : vous appliquez la limitation proposée à un alinéa supplémentaire.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Madame la rapporteure, j’entends votre raisonnement, mais il est malheureusement évident que la pérennisation de cette disposition hors des situations d’état d’urgence sanitaire peut soulever des suspicions légitimes. Il convient de circonscrire cette possibilité à des moments exceptionnels comme celui que nous avons vécu. Nous voterons ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Les maires et les responsables de nos collectivités locales se sont très fortement investis pendant cette période d’urgence sanitaire. Ils ont engagé beaucoup de moyens et vont aussi constater, malheureusement, la perte d’un certain nombre de recettes. Autant, pendant cette période, il paraissait logique que nos collectivités viennent en appui des hôpitaux et des Ehpad – un certain nombre d’entre elles l’ont fait, sans que cela concerne pour autant des milliers et des milliers d’employés –, autant, demain, elles commenceront par regarder l’état de leurs finances.

Le problème est à la fois celui du bornage dans le temps de cette disposition et celui de la gratuité de la mise à disposition. Je n’imagine guère les élus locaux, demain, accepter de mettre à disposition sans demander le remboursement. Si l’État peut se permettre de le faire, dont acte. Mais je ne pense pas que les collectivités puissent le faire. C’est la raison pour laquelle nous voulons borner cette possibilité à la période de l’état d’urgence sanitaire.

M. le président. Madame Lubin, l’amendement n° 70 est-il maintenu ?

Mme Monique Lubin. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 70 est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 103 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er sexies, modifié.

(Larticle 1er sexies est adopté.)

Article 1er sexies
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er septies A

Article 1er septies AA (nouveau)

I. – Dans la fonction publique, le médecin de prévention peut procéder à des tests de dépistage du covid-19, selon un protocole défini par un arrêté du ministre chargé de la santé.

II. – La loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique est ainsi modifiée :

1° Au premier alinéa de l’article 91, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six » ;

2° Au premier alinéa de l’article 93, l’année : « 2025 » est remplacée par l’année : « 2026 ».

M. le président. L’amendement n° 69 rectifié, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Dans le cadre de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions a été voté et mis en œuvre un dispositif de santé publique de gestion des malades du Covid-19 et de leurs cas contacts autour de « brigades sanitaires ».

Les campagnes de dépistage doivent relever de ce dispositif, y compris lorsqu’il s’agit de contamination en milieu professionnel. Cela a été le cas tout récemment, dans des établissements scolaires par exemple.

Il n’y a donc pas lieu, à nos yeux, d’étendre la faculté de procéder à des tests de dépistage du Covid-19 aux médecins de prévention de la fonction publique, d’autant que l’objet de cet amendement adopté en commission et devenu article 1er septies AA justifiait cette extension par référence à ce qui a été prévu pour les médecins du travail. Or le Gouvernement a finalement annoncé que ces derniers ne pourraient y procéder, puisque les campagnes de dépistage sont interdites en entreprise. Le décret d’application de l’ordonnance n’a donc pas rendu effective cette faculté pourtant ouverte par ordonnance. Le Gouvernement a dû faire machine arrière, du fait du risque de non-respect du secret médical.

Rien ne justifie donc le dépistage du Covid-19 par les médecins de prévention de la fonction publique. Les fonctionnaires doivent relever du droit commun et d’un dépistage par le système de santé publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. C’est précisément à cause de ce type de raisonnement, me semble-t-il, qu’on échoue à lutter contre le coronavirus. Au lieu de mobiliser toutes les forces médicales qui sont à notre disposition pour tester, action qui devrait évidemment faire partie de tout plan de lutte, nous nous contentons de faire appel à un dispositif de santé publique. Nous avons déjà assez pâti de cette logique en mettant un temps infini à avoir recours aux laboratoires départementaux au motif qu’ils étaient des laboratoires d’analyses vétérinaires ; nous recommencerons à en pâtir si nous suivons ce type de raisonnement.

Le texte de la commission est, une fois encore, issu d’un amendement de Mme Catherine Di Folco et de M. Loïc Hervé, qui ont travaillé sur le statut de la fonction publique. Les médecins de prévention sont des médecins indépendants, soumis, comme tous les médecins, au secret médical. Il ne s’agit pas d’obliger les agents de la fonction publique à se faire tester ; il s’agit juste de répondre aux demandes des agents qui pourraient vouloir se faire tester, ce qui paraît tout à fait légitime. On comprendrait mal pourquoi le corps médical dans son entier, quel que soit son statut, ne serait pas mobilisé.

J’émets donc évidemment, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Madame la sénatrice, votre amendement vise à la suppression de la disposition prévoyant la possibilité pour les médecins de prévention de la fonction publique de procéder à des tests de dépistage du Covid-19. Le Gouvernement partage votre souhait de supprimer cette disposition. Dans le secteur privé, une ordonnance du 1er avril 2020 prévoit que le médecin du travail peut procéder à des tests de dépistage du Covid-19 suivant un protocole défini par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail.

Ce dispositif a été adopté afin de régler la participation des médecins du travail au dépistage du Covid-19, dans un contexte qui couvre la fonction publique hospitalière et qui, à ce titre, appelait des aménagements. Un ensemble de mesures a ainsi été élaboré, prévoyant d’encadrer les pratiques de dépistage, qui ne peuvent être mises en œuvre sans un protocole précis.

Il est à noter que les dispositions de cette ordonnance sur la question des dépistages sont temporaires et applicables jusqu’au 31 août 2020 au plus tard.

Cette approche s’explique par la nature même des tests, les tests virologiques constituant des gestes invasifs très techniques et difficilement réalisables dans le cadre de la médecine du travail et les tests sérologiques n’ayant pas été retenus dans la stratégie nationale comme outils de détection privilégiés.

Pour toutes ces raisons, il n’est pas envisagé d’adopter pour la fonction publique une mesure similaire à celle qui a été adoptée en mars pour le secteur privé. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur votre amendement, madame la sénatrice.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 69 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er septies AA.

(Larticle 1er septies AA est adopté.)

Article 1er septies AA (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er septies A - Amendement n° 229 rectifié

Article 1er septies A

(Non modifié)

À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 1er de la loi n° 2013-1118 du 6 décembre 2013 autorisant l’expérimentation des maisons de naissance, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six ».

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.

Mme Laurence Cohen. Nous allons voter cet article, qui émane d’un amendement du Gouvernement déposé à l’Assemblée nationale. Autant nous avons quelques doutes sur le caractère urgent de certaines mesures contenues dans ce projet de loi, autant, en l’espèce, il s’agit effectivement d’une urgence, qui aurait d’ailleurs pu faire l’objet de davantage d’anticipation.

Cet article porte sur les maisons de naissance, plus précisément sur la prolongation de leur expérimentation, puisque celle-ci arrive à son terme le 23 novembre prochain. Sans mesure législative, les autorisations d’existence de ces structures sanitaires auraient été caduques ; cette incertitude a rendu difficile l’exercice de leurs missions ces derniers mois.

J’avais moi-même attiré sur ce problème l’attention du Gouvernement, en février dernier, par le biais d’une question écrite ; j’avais demandé que ces structures puissent être pérennisées. Tel est également le sens de la proposition de loi de notre collègue Bernard Jomier, qui devait être examinée le 3 juin par la Haute Assemblée.

Comme vous le savez, une maison de naissance est un lieu d’accueil et de suivi de grossesse et d’accouchement géré par des sages-femmes où les femmes enceintes sont reçues dès lors qu’elles ne présentent pas de facteur de complications, ce qui est le cas pour la plupart des accouchements. Huit maisons de naissance existent actuellement sur le territoire, et 649 femmes ont été prises en charge par ces structures en 2018. En 2013, lors de l’adoption de la proposition de loi les créant, notre groupe avait émis quelques doutes, notamment sur leur structure juridique, et insisté sur le fait qu’elles constituaient non pas des alternatives aux maternités, mais des structures complémentaires.

Une première étude menée notamment par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a été rendue publique en décembre 2019 pour évaluer les résultats de ces structures, notamment en termes de qualité, de sécurité et de pertinence des soins. Même si cette étude est relativement restreinte, il est intéressant de noter les chiffres suivants : plus de 90 % des femmes accompagnées en maison de naissance pendant le travail ont accouché par voie basse spontanée ; seules 3 % d’entre elles ont eu une césarienne, 3,3 % une épisiotomie, et moins de 3 % une rupture artificielle de la poche des eaux ; 62 % d’entre elles ont pu s’hydrater.

On le voit : ces données reflètent un certain confort pour les femmes, ce qui n’est pas à négliger, eu égard notamment à certaines pratiques gynécologiques et obstétricales qui sont aujourd’hui de plus en plus considérées comme des violences, et donc dénoncées comme telles.

C’est pourquoi nous voterons cet article qui prolonge d’un an leur existence, en attendant un texte plus complet pour préciser le rôle de ces maisons de naissance et proposer leur généralisation sur le territoire.

M. le président. L’amendement n° 68, présenté par Mmes Rossignol et Lubin, MM. Jomier, Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Jasmin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. – Au début de l’article 4 de la même loi n° 2013-1118, les mots : « Un an » sont remplacés par les mots : « Dix-huit mois ».

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Comme vient de le dire très bien à l’instant notre collègue Laurence Cohen, les maisons de naissance ont un bilan positif pour les mères, pour les pères et aussi, semble-t-il, pour les bébés qui y naissent. L’expérimentation devait prendre fin à la fin de l’année 2020. Mon collègue Bernard Jomier a déposé une proposition de loi dont je devais être rapporteure, qui devait être examinée dans le cadre d’une des niches du mois de juin ; l’amendement du Gouvernement à l’origine de l’article reporte en quelque sorte la discussion de fond sur la période post-expérimentation. Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait décidé de prolonger l’expérimentation.

Pour autant, un petit amendement me semble nécessaire. Il était prévu que le Gouvernement remette au Parlement un rapport d’évaluation un an avant la fin de l’expérimentation, c’est-à-dire en novembre 2019 ; nous sommes en mai 2020, nous n’avons pas reçu ce rapport. Ce rapport existe, nous le savons, mais il n’est pas communiqué. Il ne faudrait pas que la transmission du rapport soit reportée autant que l’expérimentation…

Mon amendement vise donc à modifier le délai de remise du rapport – il serait fixé à dix-huit mois avant la fin de l’expérimentation –, afin que celui-ci soit enfin transmis aux parlementaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Nous entendons la logique : il est en effet important que nous puissions enfin disposer du rapport. De novembre 2019, date initiale de remise du rapport, on passe à mai 2021, ce qui nous permettra de prendre des décisions avant novembre 2021, et de gagner une année.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Madame la sénatrice Rossignol, le rapport est prêt ; il m’a été indiqué que le rapport sur la première partie de l’expérimentation serait communiqué avant l’été 2020, quoi qu’il en soit de la prolongation de l’expérimentation. Il me semble donc que votre amendement est satisfait, et j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable. Mais il va être satisfait ! Et je prends l’engagement devant vous que l’évaluation que vous demandez sera communiquée avant l’été.

M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 68 est-il maintenu ?

Mme Laurence Rossignol. Oui, je le maintiens, monsieur le président. Le rapport aurait dû être remis en novembre 2019. J’entends l’engagement de M. le ministre, qui me paraît extrêmement sincère, mais la réalisation de ce rapport ne dépend pas totalement de lui, puisque c’est la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et le ministère des solidarités et de la santé qui doivent s’en charger. Je préfère que nous sécurisions votre engagement par le vote d’un amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 68.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er septies A, modifié.

(Larticle 1er septies A est adopté.)

Article 1er septies A
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er septies A - Amendements n° 211 rectifié et n° 53 rectifié bis

Articles additionnels après l’article 1er septies A

M. le président. L’amendement n° 229 rectifié, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Lévrier, Iacovelli, Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I – L’article 7 de l’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Au deuxième alinéa, les mots : « Jusqu’à cette même date, » sont supprimés ;

b) Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« À compter du 1er mai 2021, un laboratoire de biologie médicale ne peut plus réaliser les examens de biologie médicale correspondant aux lignes de portée pour lesquelles il n’est pas accrédité sans avoir déposé auprès de l’instance nationale d’accréditation mentionnée au I de l’article 137 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, une demande d’accréditation portant sur ces lignes de portée. Une ligne de portée correspond à un ensemble d’examens de biologie médicale ayant des caractéristiques communes mobilisant une méthodologie commune d’accréditation. Les laboratoires de biologie médicale fournissent à l’instance nationale d’accréditation tous les éléments strictement nécessaires à l’instruction de leur demande d’accréditation. Après la décision de l’instance nationale d’accréditation, les examens de biologie médicale correspondant aux lignes de portée pour lesquelles le laboratoire de biologie médicale n’est pas accrédité ne peuvent plus être réalisés. » ;

2° À la première phrase du II, les mots : « l’accréditation du laboratoire et au plus tard jusqu’à la date mentionnée au IV » sont remplacés par les mots : « la décision d’accréditation du laboratoire mentionnée au cinquième alinéa du I » ;

3° Au IV, les mots : « sont abrogées au 1er novembre 2020 » sont remplacés par les mots : « demeurent valables jusqu’à la décision d’accréditation du laboratoire mentionnée au cinquième alinéa du même I ».

II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 6221-1 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« L’accréditation porte sur la totalité de l’activité de biologie médicale réalisée par le laboratoire, en tenant compte des trois phases de l’examen définies à l’article L. 6211-2, et suivant les modalités prévues par arrêté du ministre chargé de la santé. » ;

b) Au troisième alinéa, les mots : « ou examens » sont supprimés ;

c) Au 2°, les mots : « les examens » sont remplacés par les mots : « l’activité » et après le mot : « pathologiques », sont insérés les mots : « , pour les examens » ;

2° Au II de l’article L. 6221-2, les mots : « aux examens ou » sont remplacés par les mots : « à la totalité des ».

La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Je prends une nouvelle fois la parole au nom de mes collègues de la commission des affaires sociales.

Les laboratoires de biologie médicale sont très mobilisés, dans le cadre de la crise sanitaire, pour la réalisation de tests de dépistage. Or une ordonnance du 13 janvier 2010 avait prévu qu’à compter du 1er novembre 2020 les laboratoires de biologie médicale ne pourraient fonctionner sans disposer d’une accréditation portant sur la totalité des examens de biologie médicale.

Du fait de leur activité particulièrement dense dans la lutte contre l’épidémie, il est à craindre que ces laboratoires ne soient pas en capacité de satisfaire à cette obligation dans de tels délais. Il est prévisible qu’ils ne seront pas non plus en mesure de déposer leurs dossiers d’accréditation au 31 octobre 2020, obligation prévue par le projet de loi d’accélération et de simplification de la vie publique, dit ASAP, adopté par notre assemblée.

C’est pourquoi nous proposons d’assouplir le calendrier de l’accréditation, en reportant à 2021 la définition du terme de la période transitoire pour la mise en œuvre de cette obligation, et d’en aménager la procédure. Cette proposition nous paraît cohérente eu égard à l’activité inédite des laboratoires de biologie médicale dans le contexte de la crise sanitaire que nous traversons – j’en profite d’ailleurs pour dire que nous les remercions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Cet amendement nous a valu un certain nombre de discussions avec les représentants des biologistes, l’ordre des médecins et celui des pharmaciens, les syndicats, les jeunes biologistes, etc. Ces discussions vont permettre d’avancer et, je l’espère – M. le ministre nous le confirmera –, de mettre tout le monde d’accord.

Cette proposition fait écho à une disposition introduite par le Sénat dans le projet de loi ASAP examiné en mars dernier et toujours en cours de navette. Un amendement voté sur l’initiative du président Milon tendait en effet à assouplir la procédure d’accréditation des laboratoires de biologie médicale. C’est dans le même esprit que l’amendement n° 229 rectifié a été déposé ; mais celui-ci vise en outre à repousser l’échéance fixée au 1er novembre 2020 à la date du 1er mai 2021.

Les laboratoires de biologie médicale sont en première ligne dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19, la stratégie de tests étant montée en puissance avec le déconfinement.

Il est apparu sage à la commission, dans ce contexte de crise sanitaire, de reporter une réforme qui s’avère lourde à mener à son terme. Par cohérence avec la position défendue par le Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi ASAP, la commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Cependant, je dois ajouter que les représentants de la profession de biologiste nous ont récemment fait part de certaines inquiétudes.

Au détour d’un report de calendrier que nous ne pouvons qu’approuver, une modification plus structurelle de la procédure d’accréditation des laboratoires est introduite par les auteurs de cet amendement ; elle aurait mérité, peut-être, un examen plus approfondi que ce que permet l’examen de ce projet de loi d’urgence. De surcroît, certaines modalités de cette procédure essentielle pour la qualité et la rigueur des examens de biologie médicale sont renvoyées à un arrêté – c’est le II de l’amendement.

Il serait utile que le Gouvernement puisse nous confirmer que l’évolution proposée est bien conforme à ses échanges en cours avec les biologistes et aux orientations souhaitées par la profession.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur le rapporteur pour avis, l’objectif des auteurs de cet amendement est de simplifier l’accréditation des laboratoires de biologie médicale, dans le prolongement de dispositions – vous l’avez fort justement rappelé – votées ici même au Sénat. Cet amendement vise à préciser les modalités de mise en œuvre de l’accréditation définitive des laboratoires de biologie médicale déjà accrédités à au moins 50 % des examens de biologie médicale qu’ils réalisent.

Compte tenu des efforts déjà consentis par les laboratoires en activité pour atteindre le plus haut niveau possible de qualité, il s’agit de simplifier le processus d’accréditation sans pour autant mettre en cause la qualité et la fiabilité des examens de biologie médicale. Il sera demandé aux laboratoires de biologie médicale d’être accrédités non pas sur 100 % des examens qu’ils réalisent, mais sur 100 % de leurs lignes de portée. Avec cette accréditation, le Comité français d’accréditation (Cofrac) reconnaît la compétence des laboratoires à réaliser des examens dont les caractéristiques méthodologiques répondent à la norme internationale d’accréditation en vigueur pour les laboratoires de biologie médicale.

C’est pourquoi, monsieur Bargeton, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement déposé par votre groupe.

Pour répondre à la sollicitation de M. le rapporteur pour avis, il existe un accord unanime des biologistes sur les procédures de simplification. Des échanges qui ont eu lieu hier soir et ce matin l’ont encore confirmé.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 229 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er septies A - Amendement n° 229 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er septies A - Amendements n° 58 rectifié bis et n° 210 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er septies A.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 211 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume, Assassi, Prunaud, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique, après les mots : « diagnostic prénatal », sont insérés les mots : « ou d’un praticien ou d’un service de gynécologie-obstétrique ou d’un centre listé à l’article L. 2212-2, lorsque le danger résulte d’une situation de détresse psychosociale ».

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Nous proposons, d’une part, d’élargir la liste des structures permettant une prise en charge au titre de la pratique d’une interruption médicale de grossesse (IMG) et, d’autre part, d’ajouter le caractère de détresse psychosociale aux situations autorisant ces IMG.

En effet, la situation sanitaire actuelle, liée à l’épidémie de Covid-19 et au confinement, rend plus difficile – vous le savez – les conditions d’accès aux IVG (interruptions volontaires de grossesse) et aux IMG, comme nous l’avons vu à l’occasion de l’examen d’autres amendements. Dans la rédaction actuelle de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique, la validation de la demande des patientes par une équipe comprenant un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, limite l’accès à ce dispositif, car de telles équipes ne sont pas présentes de manière équitable sur l’ensemble du territoire.

Ce qui est vrai en temps normal l’est encore davantage dans la période actuelle. Parmi les femmes concernées, certaines sont mineures ou dans une précarité extrême, ce qui les place dans une situation de détresse psychosociale et retarde d’autant plus leur prise en charge. C’est pourquoi le critère psychosocial doit être pris en compte et ajouté à la définition de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique relatif aux modalités d’autorisation de l’interruption médicale de grossesse. Cet ajout permettrait à ces femmes ou jeunes filles en détresse de ne pas se retrouver bloquées par le délai de quatorze semaines, dans l’impossibilité, faute d’argent ou du fait des restrictions de circulation, d’être prises en charge.

Je rappelle que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) indique qu’une poursuite de grossesse peut mettre en danger la santé de certaines femmes et retient, en la matière, le critère de la souffrance psychologique et sociale. En adoptant cet amendement, nous ferions évoluer les critères de définition même des IMG ; nous serions ainsi au plus près de la réalité vécue par ces femmes et de leurs besoins. Il est donc important qu’ensemble nous le votions.

M. le président. L’amendement n° 53 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, de la Gontrie et Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mme Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, et jusqu’à trois mois après sa cessation, par dérogation à l’article L. 2213-1 du code de la santé publique, lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril la santé de la femme (péril pouvant résulter d’une détresse psychosociale), l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme comprend au moins quatre personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, ou, en cas de détresse psychosociale d’un service de gynécologie-obstétrique ou d’un centre listé à l’article L. 2212-2 du même code, un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, un médecin choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue. Le médecin qualifié en gynécologie-obstétrique et le médecin qualifié dans le traitement de l’affection dont la femme est atteinte doivent exercer leur activité dans un établissement de santé.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement est quasiment identique à celui que vient de présenter Mme Cohen. Je voudrais simplement rappeler l’état actuel du droit.

Lorsque le délai légal de l’IVG est dépassé – nous reviendrons à l’occasion de l’amendement suivant sur la question du délai légal –, il est possible de recourir à une interruption dite médicale de grossesse quand la santé de l’enfant à naître ou la santé de la mère sont en danger.

L’interprétation faite par les équipes médicales de cette disposition relative à l’interruption médicale de grossesse a conduit à élargir la question de la santé de la mère à ce qu’on appelle la détresse psychosociale. Pour faire simple, il s’agit de cas de viols, d’incestes, de femmes handicapées mentales, de situations d’extrême précarité ou de désespoir : les cas où l’on sent que la santé psychologique de la mère est mise en danger par des conditions sociales spécifiques ou par des conditions qui relèvent de la manière dont la grossesse s’est engagée.

Le collège de médecins qui prend la décision – ce n’est pas la femme qui la prend – doit comprendre quatre médecins, dont l’un est spécialisé en médecine fœtale et en diagnostic prénatal. Depuis le début du confinement, mes chers collègues, j’imagine que vous avez tous été, comme moi, alertés par les médecins, d’abord, puis par les journalistes : le Collège national des gynécologues et obstétriciens français comme le ministre de la santé ont conseillé aux médecins d’utiliser l’interruption médicale de grossesse pour répondre aux situations liées aux reports d’IVG pendant la crise sanitaire.

Mais l’exigence de présence dans le collège d’un médecin de médecine fœtale, qui n’a pas de raison d’être dans des cas où la question est uniquement celle de la détresse psychosociale de la mère, alourdit considérablement la prise de décision. La collégialité a tout son sens lorsqu’il s’agit d’une interruption réellement médicale de grossesse et lorsqu’il faut, donc, identifier les risques pour le fœtus et pour la mère, ce qui n’est pas le cas dans les situations qu’ici nous avons en vue.

Dans ce genre de situations, les médecins nous demandent de substituer au médecin de médecine fœtale un médecin gynécologue-obstétricien pour former le collège des quatre médecins qui vont prendre la décision. Pendant la période de la crise sanitaire, les services sont désorganisés et ces médecins sont rares ; on entre en outre dans la période estivale, période toujours assez défavorable, de manière générale, à la pratique des interruptions volontaires de grossesse.

L’objet de cet amendement est donc circonscrit à la question du médecin de médecine prénatale et à la durée de la crise sanitaire allongée de trois mois – il faudra le temps, en effet, que les choses se remettent en ordre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. L’amendement n° 211 rectifié et l’amendement n° 53 rectifié bis visent à modifier l’équipe pluridisciplinaire pour les IMG pour motifs de détresse psychosociale.

Il convient de rappeler que les gynécologues-obstétriciens exerçant en centre de diagnostic prénatal ont l’habitude de traiter des demandes d’IMG pour détresse psychosociale. Il n’y a donc pas lieu de les exclure de cet examen. D’ailleurs le Collège national des gynécologues et obstétriciens français a lui-même insisté en octobre 2019 sur la nécessité de prendre en compte l’expertise des centres de diagnostic prénatal sur l’IMG psychosociale, cette expertise ne se limitant pas à la seule médecine fœtale.

Enfin, la modification proposée au travers de l’amendement n° 211 rectifié aurait un caractère non pas temporaire et limité à l’épidémie, mais permanent puisqu’il tend à modifier directement l’article du code de la santé publique régissant les conditions d’examen des demandes d’interruption médicale de grossesse.

Ces deux arguments me conduisent à donner un avis défavorable sur l’amendement n° 211 rectifié.

En ce qui concerne l’amendement n° 53 rectifié bis, j’émets également un avis défavorable dans la même logique. Il vise à modifier l’équipe pluridisciplinaire pour la période de crise. Il est vrai que la détresse psychosociale a été particulièrement prégnante durant la période active de l’épidémie. Or, et c’est tant mieux, les choses s’arrangent puisque beaucoup de départements sont passés au vert et que les activités ont déjà largement repris.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Je suis également défavorable à ces deux amendements.

Mesdames les sénatrices, vous souhaitez simplifier la procédure de recours à l’interruption médicale de grossesse. Je voudrais avant toute chose rappeler, mais vous le savez aussi bien que moi, qu’il convient de bien distinguer l’IVG de l’interruption médicale de grossesse. Or ces deux amendements font d’une certaine façon un lien entre les deux, le second ne pouvant être le prolongement du premier.

Si j’en comprends bien le sens, ces amendements sont en faveur non seulement d’une simplification des procédures d’IMG, mais également d’une extension des conditions pour lesquelles il est possible d’y avoir recours.

Les évolutions proposées soulèvent des questions que vous avez clairement évoquées. Il s’agit de sujets importants, mais qui ne nous paraissent pas avoir leur place dans un texte comme celui-ci, d’autant qu’il existe d’autres véhicules législatifs. (Mmes Laurence Cohen et Laurence Rossignol sesclaffent.) Je pense, par exemple, aux lois bioéthiques.

Par ailleurs, je souhaite rappeler la différence entre l’IMG et l’IVG. Pour l’IMG, il n’y a pas de délai légal ; cette interruption se pratique s’il y a un risque pour le fœtus ou pour la mère ; la décision est collégiale. Pour l’IVG, il s’agit d’une décision libre, qui relève du choix de la femme.

Pour ces deux motifs, en complément des explications du rapporteur pour avis, j’émets un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. J’ai bien entendu les arguments qui ont été avancés. J’ai aussi très attentivement écouté les explications de notre rapporteur pour avis, et j’ai eu l’impression, peut-être subjective, qu’il a eu quelques difficultés à contrecarrer nos arguments.

Monsieur le ministre, vous n’ignorez pas que les sénateurs et les sénatrices connaissent bien la différence entre IMG et IVG.

M. Marc Fesneau, ministre. Je l’ai dit.

Mme Laurence Cohen. J’aimerais qu’à l’occasion de ce débat nous puissions réfléchir ensemble au fait que les problèmes psychosociaux, psychologiques et autres des femmes sont aussi des problèmes extrêmement importants à prendre en compte pour la santé physique, mentale, psychique de la mère et du fœtus. Ne balayons pas d’un revers de main ces souffrances, car elles ont un impact bien réel sur la santé des femmes.

Par ailleurs, monsieur le ministre, puisque je vous ai senti attentif, j’aimerais quand même que nous puissions disposer à un moment donné d’un véhicule législatif pour aborder toutes ces questions. Nous sommes quelques-unes et quelques-uns, au Sénat, à avoir tenté de présenter de tels amendements à différentes occasions. Bien souvent, ils sont frappés d’irrecevabilité ou, quand ils arrivent à franchir la barre, ce n’est pas le bon véhicule : il y a un problème !

Je souhaiterais que le Gouvernement soit attentif à cette difficulté et prenne les choses en main, si je puis m’exprimer ainsi, afin que nous puissions légiférer pour allonger les délais.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. J’ai un peu de mal à comprendre le raisonnement. Depuis le 23 mars, nous sommes dans un état de dérogation permanente. Nous dérogeons à la dérogation, en général. Et là, sur un cas qui est circonscrit, tout du moins pour ce qui concerne l’amendement n° 53 rectifié bis, et alors que les conséquences sociales sont très importantes, vous nous expliquez qu’il n’est en l’espèce spécifiquement pas possible d’entendre ces détresses familiales et d’en tenir compte ! Je ne pense pas que votre argumentation soit recevable au vu des conséquences que cela peut entraîner pour l’ensemble des femmes concernées. Il me semble au contraire urgent de voter ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Il est vrai qu’en ce moment, pour reprendre des mots beaucoup utilisés ces derniers temps, on « prolonge », on « proroge », on « assume », etc.

J’ai justement assumé dans cette période de voter hier le StopCovid, car je me suis dit : à situation exceptionnelle, dispositif exceptionnel. Aujourd’hui, on m’annonce que les choses ne sont peut-être pas si exceptionnelles. À en croire M. le Premier ministre, qui s’est exprimé tout à l’heure, tout va mieux, c’est le bonheur. S’il nous avait dit ça hier, je n’aurais peut-être pas voté le StopCovid !

Arrêtons les discours et les contre-discours. J’assume, puisque c’est le mot à la mode, mon propos : j’aimerais que vous votiez les uns et les autres le prolongement demandé de trois mois ; ce n’est pas si terrible. Soit on est pour, soit on est contre quand c’est douze semaines. Soit on est pour, soit on est contre quand c’est quatorze semaines en période exceptionnelle ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Si je puis me permettre, madame Laborde, vous parlez de l’amendement suivant.

Mme Françoise Laborde. C’est vrai, mais je le voterai aussi !

M. Marc Fesneau, ministre. Madame Cohen, loin de moi l’idée de vous donner des leçons ou de vous expliquer ce que vous savez déjà, car je n’ignore pas que vous êtes très impliquée et que vous connaissez mieux le sujet que moi. Il me semblait seulement intéressant de rappeler, dans le débat public, la différence entre IMG et IVG.

De plus, monsieur Kerrouche, il n’y a pas de contraintes de délai en ce qui concerne l’IMG. D’ailleurs, ces amendements ne portent pas sur les délais – nous aurons bientôt ce débat –, mais ils visent à changer la nature même des motifs pour lesquels on aurait recours à l’IMG, et ce pas du tout pendant l’état d’urgence puisqu’ils tendent à inscrire la mesure en dur dans le code de la santé publique : eh oui monsieur Kerrouche !

Ce que j’essaie d’expliquer ici, c’est qu’il s’agit d’inscrire une disposition définitive et non pas au titre d’un problème conjoncturel. Par conséquent, on change la nature même de la disposition législative qui permet d’avoir recours à l’IMG.

Pour ne pas laisser Mme Cohen sans réponse, oui le Gouvernement, comme je l’ai souligné, est également attentif à ces questions et il est prêt à ouvrir le débat. Mais c’est un sujet suffisamment puissant, puisqu’il s’agit d’inscrire en dur dans la loi une disposition qui vise à être pérenne, pour qu’on ait un débat propre. Ce n’est pas dans un texte de cette nature que nous pourrons le faire. Voilà pourquoi j’ai émis un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 211 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 107 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 312
Pour l’adoption 87
Contre 225

Le Sénat n’a pas adopté.

La parole est à Mme Rossignol, pour explication de vote sur l’amendement n° 53 rectifié bis.

Mme Laurence Rossignol. Il ne s’agit pas de deux amendements identiques, monsieur le ministre. Seul l’amendement de Mme Cohen visait à modifier le code de la santé publique, pas celui que j’ai présenté avec mes collègues du groupe socialiste et républicain. Ce dernier est totalement circonscrit à la période de la crise sanitaire, plus trois mois. Mais comme je ne suis pas certaine que cet argument suffira à changer le vote, je vais être généreuse avec l’organisation du débat et je retire l’amendement, monsieur le président !

Article additionnel après l'article 1er septies A - Amendements n° 211 rectifié et n° 53 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er septies A - Amendements n° 4 rectifié bis et n° 114

M. le président. L’amendement n° 53 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 58 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol, M. Filleul, de la Gontrie et Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mme Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mme Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation aux articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire, et jusqu’à trois mois après sa cessation, l’interruption de grossesse peut être pratiquée jusqu’à la fin de la quatorzième semaine de grossesse.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Je remercie M. le ministre, qui a annoncé à ma collègue Laurence Cohen un grand débat sur les conditions d’accès à l’interruption de grossesse, et plus globalement sur les droits sexuels et la santé reproductive. C’est un vaste sujet. Mais ce n’est pas du tout l’objet de l’amendement que je défends à cet instant.

Cet amendement est totalement circonscrit sur la période de la crise sanitaire, plus trois mois. Pourquoi trois mois ? Tout simplement parce que certains sujets sont un peu longs à se remettre en place. C’est le cas des grossesses non désirées.

Nous savons tous à quel point la crise sanitaire a eu un effet délétère sur l’accès à l’IVG et sur l’augmentation des grossesses non désirées, et ce pour des raisons simples. D’abord pour des raisons d’enfermement domestique et familial : il n’est pas si facile que ça de se faire une petite autorisation de sortie et d’expliquer à sa famille, surtout quand on est une jeune femme ou une jeune fille, que l’on s’absente non pas pour aller à la boulangerie, mais pour se rendre dans un centre hospitalier afin de pratiquer une IVG. Certaines femmes ne se sont donc pas déplacées.

D’autres femmes ont eu peur de se rendre à l’hôpital. C’est ce que l’on a constaté pour les cancers, les infarctus, les AVC, les reports de soins. Cela a aussi joué pour l’accès à l’IVG.

Par ailleurs, nous nous sommes tous mobilisés ici, au Sénat, contre les violences intrafamiliales pendant la crise sanitaire. Pardonnez-moi de le dire, mais je suis presque sûre que, quand il y a violence intrafamiliale et violence conjugale contre les femmes, il y a viol également. Ces violences donneront aussi lieu à des grossesses non désirées.

De surcroît, je l’ai évoqué il y a un instant, l’été n’est pas un bon moment pour l’activité de tous ces services d’orthogénie et d’IVG.

Enfin, l’un de nos collègues a évoqué le fait que l’on était en train de sortir de la crise sanitaire. Pour autant, tout le monde n’est pas sorti de la crise puisque l’Île-de-France reste en zone orange. Or c’est la région dans laquelle il y a le plus de tension sur l’accès à l’IVG actuellement.

Ma demande d’allonger de deux semaines les délais d’IVG pendant la période de la crise sanitaire, plus trois mois, est une demande qui émane des médecins. N’obligez pas les médecins à se mettre hors la loi pour répondre à la détresse des femmes ! Il faut entendre ce que nous demandent les médecins. Ce sont eux qui le demandent, ce n’est pas moi, ni les militants ou les associations : ce sont les médecins, qui suivent ces dossiers.

M. le président. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Laurence Rossignol. Pendant encore plusieurs semaines et plusieurs mois – trois minimum au-delà de la crise sanitaire –, il va falloir assumer des IVG avec un peu de dépassement de délai. C’est pourquoi il serait raisonnable pour nous tous voter ce délai de deux semaines supplémentaires.

M. le président. L’amendement n° 210 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume, Assassi, Prunaud, Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation aux articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique, jusqu’au 10 juillet 2020, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire qui nécessite d’ordonner cette mesure, l’interruption de grossesse peut être pratiquée jusqu’à la fin de la quatorzième semaine de grossesse.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Cet amendement est presque identique à celui de ma collègue Laurence Rossignol, si ce n’est que nous n’avons pas été jusqu’à prévoir ce délai de « plus trois mois ».

Les échanges que nous avons pu avoir montrent effectivement qu’un tel délai est nécessaire pour que le système hospitalier et le système de santé puissent se réadapter. Nous sommes alertés, mes chers collègues, par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français. Les plannings familiaux nous informent qu’ils enregistrent une baisse d’activité parce que les femmes ont peur.

Par ailleurs, en raison de la crise sanitaire que nous avons vécue et que nous continuons quand même de traverser, les hôpitaux qui pratiquent les IVG ont été conduits à demander aux femmes de ne pas s’y présenter. Ils étaient mobilisés contre le Covid-19 et ils ne pouvaient pas faire face. Nous le savons tous, la logique a voulu qu’un certain nombre de soins et d’opérations soient reportés. Or il s’avère que l’IVG fait partie de ces reports. Ceux qui ont continué à les pratiquer ont été complètement débordés.

On ne peut pas aborder, comme nous le faisons dans notre hémicycle, avec sérieux toutes les raisons pour lesquelles nos hôpitaux sont débordés, qu’il s’agisse des opérations, du suivi, des soins, et refuser d’admettre que cet état de fait a aussi eu un impact sur l’interruption volontaire de grossesse. Ces amendements me semblent donc appropriés : il est très important de les voter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. L’amendement n° 58 rectifié bis vise à allonger temporairement jusqu’à trois mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire le délai légal pour réaliser une IVG, en le portant de la fin de la douzième semaine de grossesse à la fin de la quatorzième semaine.

Le Gouvernement a déjà mis en place un dispositif pour adapter l’accès des femmes à l’IVG pendant l’épidémie en assouplissant le recours à l’IVG médicamenteuse et en rappelant, pour les recours tardifs à l’IVG instrumentale, la possibilité de recourir à l’IMG pour motif de détresse psychosociale de la femme.

Toutefois, la commission a estimé qu’une IMG est une procédure lourde, qui requiert au préalable l’accord de deux médecins, après une concertation pluridisciplinaire. Elle peut prendre du temps, parfois une semaine, voire plus.

L’IMG pour motif de détresse psychosociale ne lui est donc pas toujours apparue pertinente pour des femmes confrontées à des difficultés de prise en charge pendant la crise sanitaire.

L’amendement visant à un allongement du délai strictement temporaire justifié par le caractère exceptionnel de la crise sanitaire que nous traversons, il ne saurait donner lieu à une remise en cause pérenne du délai légal de l’IVG, qui doit, dans l’absolu, à l’issue de la crise, toujours rester limité à douze semaines de grossesse. Moyennant cette condition, la commission a émis un avis favorable.

En revanche, elle est défavorable à l’amendement n° 210 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Permettez-moi une réponse globale sur ces deux amendements, en rendant justice au préalable à M. Kerrouche et à Mme Rossignol : les deux amendements précédents n’étaient effectivement pas identiques.

Mesdames les sénatrices, comme vous l’avez souligné, l’épidémie de Covid-19 a mis en tension notre système de santé. Elle nous a contraints à déprogrammer de nombreuses activités hospitalières et à conseiller de reporter un certain nombre de soins non urgents, le cas échéant.

Dans ce contexte, nous avons craint des difficultés d’accès à l’avortement ; c’est le retour que nous ont fait un certain nombre de professionnels de santé et les associations comme le planning familial. Ici même, sur ces travées, et à l’Assemblée nationale les parlementaires se sont fait le relais de ces craintes et de ces difficultés.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a agi très rapidement et très fortement, de façon dérogatoire, le temps de l’urgence sanitaire. Nous avons permis la réalisation de l’ensemble des consultations obligatoires sous forme de télémédecine, y compris la consultation de prise des pilules contraceptives, ce qui a nécessité de changer le circuit du médicament, désormais accessible en pharmacie.

Pour garantir le secret des avortements pour les jeunes filles mineures, nous avons modifié les attestations de déplacement en période de confinement pour que n’y figure plus l’autorisation parentale. Pour davantage simplifier les démarches, le ministre des solidarités et de la santé a demandé à la Haute Autorité de santé si nous ne pouvions pas allonger la période durant laquelle il était possible de réaliser un avortement médicamenteux hors hôpital. Le 7 avril, il a écrit à la Haute Autorité de santé et trois jours plus tard, le 10 avril, donc dans un délai très bref, nous avions un avis favorable pour permettre l’utilisation de la pilule abortive jusqu’à la neuvième semaine d’aménorrhée, contre sept semaines en temps normal. Le 14 avril, soit quatre jours plus tard, nous avons pris un arrêté allongeant le délai de l’avortement médicamenteux réalisable à domicile.

J’entends que certains veulent aller plus loin dans cette période de crise et allonger le délai de l’IVG, mais le Gouvernement n’y est pas favorable. C’est un débat que vous avez déjà mené dans cet hémicycle, mais qui est beaucoup plus global. Il ne nous paraît pas en adéquation avec les mesures que nous avons essayé de prendre et qui ont été prises formellement pour tenter de résoudre la situation d’un certain nombre de femmes pouvant se trouver en difficulté par rapport à l’accès à l’avortement – vous avez parfaitement décrit leur situation.

Je souhaite donner un dernier argument. Depuis le 11 mai, nous sommes en période de déconfinement. Au fond, je ne vois pas, je le dis très sincèrement devant des personnes beaucoup plus expertes que moi, compte tenu du fait que la période de confinement a duré un peu moins de deux mois, à quelle catégorie de femmes pourraient s’appliquer votre amendement, madame Cohen, puisque, contrairement à l’autre, il se limite à la période d’urgence sanitaire et ne vise pas à prolonger la mesure trois mois après le terme de celle-ci.

Néanmoins, dès lors que depuis le 11 mai un certain nombre d’activités hospitalières sont remises en route, je ne vois pas la difficulté. Certes, madame Rossignol, j’entends votre argument et nous allons en débattre de nouveau, mais la durée de trois mois, par nature, ne s’impose pas. Par ailleurs, en ce qui concerne l’état d’urgence sanitaire, les dispositifs que nous avons pu mettre en place visaient à répondre aux difficultés que vous évoquez.

Ce sont des débats qui sont constants et qu’il est bien normal que nous ayons, forts des nombreuses convictions ici comme à l’Assemblée nationale ou à l’extérieur des hémicycles parlementaires. Mais les amendements dans leurs deux versions ne sont pas opérants ou conformes avec les dispositifs existants.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour explication de vote.

Mme Muriel Jourda. Nous pouvons reconnaître à notre collègue Laurence Rossignol une certaine constance dans ses idées et dans son travail puisqu’un amendement similaire a déjà été déposé il y a un an pour obtenir une extension de ce délai d’IVG de douze à quatorze semaines.

Il est redéposé aujourd’hui à des fins dérogatoires à l’occasion de l’épidémie de Covid-19, mais je ne crois pas qu’en votant cet amendement le délai ainsi accordé sera réellement dérogatoire. Certes, comme M. le ministre l’a fait valoir, la période de confinement a sans doute créé des difficultés, il ne s’agit pas de le nier, mais elle a permis au Gouvernement de prendre des mesures.

Aujourd’hui, nous sommes sortis du confinement. Ce texte, s’il va en commission mixte paritaire, reviendra au Sénat le 10 juin, ce qui signifie qu’il sera applicable plus d’un mois après la sortie du confinement. S’agissant de rendre la mesure applicable jusqu’à trois mois après l’état d’urgence sanitaire, dans l’hypothèse où l’état d’urgence sanitaire se limiterait au 10 juillet, nous sommes en train de parler d’enfants qui ne sont pas encore conçus. Cela signifie que nous visons un public qui n’est pas celui qui a été atteint par le confinement. Nous savons donc pertinemment que si nous mettons un tel délai en place nous ne pourrons jamais revenir en arrière.

Devons-nous prendre une telle décision ce soir, au détour d’un amendement sur un texte portant diverses dispositions ? Il ne s’agit même pas de dire que ce n’est pas le bon véhicule législatif ; il s’agit simplement de rappeler que le débat ne fait pas consensus dans l’hémicycle parce qu’il ne fait pas consensus dans la société !

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. C’est vrai !

Mme Muriel Jourda. Votons-nous cela ce soir, au détour d’un amendement, alors que l’Assemblée nationale – je le rappelle – n’en aura pas débattu et qu’elle prendra connaissance de cette disposition au mieux dans le cadre d’une commission mixte paritaire ? Est-ce cela que nous attendons du débat démocratique ? Je ne le crois pas !

Passer de douze à quatorze semaines de grossesse pour le délai d’IVG n’est pas une décision anodine, elle doit se prendre – si elle se prend – dans le cadre d’un débat démocratique digne de ce nom, pas au détour d’un amendement à l’occasion d’un projet de loi d’urgence visant à prendre des dispositions diverses. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. Il est difficile de prendre la parole après Muriel Jourda, car ses arguments m’ébranlent. Il y a un flou par rapport à ce que l’on a appelé le confinement. Je m’apprêtais, comme une grande majorité des membres de mon groupe, à voter en faveur de ces deux amendements. J’ai connu en Essonne durant le confinement des cas épouvantables de jeunes filles qui n’ont pas pu aller avorter. Ce n’est pas de gaîté de cœur que je m’apprêtais à voter ces amendements.

Mais quid de l’état d’urgence et de la fin du confinement ? Oui, l’argument m’a beaucoup touchée : au 10 juillet, la mesure concernerait des enfants qui ne sont pas encore conçus.

Mme Laure Darcos. C’est pourquoi je suis davantage favorable à l’amendement de ma collègue Laurence Cohen, qui concerne l’état d’urgence à proprement parler et non les trois mois qui suivent puisque nous sommes sortis du confinement.

Pour autant, n’y a-t-il pas un moyen de trouver une solution ? Vous êtes nombreux à être en province, mais je puis vous assurer que le problème est encore bien réel en Essonne et en Île-de-France. Les médecins et le planning familial nous alertent. Comment trouver un système pour les aider ? Ces enfants à naître, si c’est pour qu’ils soient à l’aide sociale à l’enfance plus tard, cela pose question !

Je n’aurais jamais imaginé parler un jour d’allonger ce délai à quatorze semaines… Nous avons des discussions très riches et passionnées au sein de la délégation aux droits des femmes, et je ne partagerai jamais les positions de certaines d’entre nous. Mais, en l’occurrence, il s’agit de prendre une mesure à titre exceptionnel.

Je ne sais pas ce que l’on peut faire dans les prochaines semaines pour ces jeunes filles qui attendent des enfants non désirés, et cela me perturbe beaucoup. Je ne suis plus très sûre de mon vote…

Nous avons vécu un moment exceptionnel que, j’espère, nous ne connaîtrons jamais plus. Il faut avoir conscience des témoignages de détresse que nous avons pu recevoir.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. Quelles que soient nos convictions et notre approche de la détresse des femmes face à une grossesse non désirée, nous pouvons tout de même nous entendre sur le droit. Je rappelle que c’est précisément cette détresse qui a conduit à l’adoption de la loi Veil. Nous en sommes toutes convaincues : une femme qui ne veut pas mener une grossesse à son terme l’interrompra de toute façon, même si la loi ne lui donne pas la possibilité de le faire. Et c’est parce qu’il fallait mettre fin aux avortements clandestins que la loi Veil a été votée !

Au-delà de nos convictions différentes, madame Jourda, je le répète, nous pouvons tout de même nous entendre sur le droit. Notre amendement vise à prolonger le délai permettant de pratiquer une IVG pendant la durée de l’état d’urgence et jusqu’à trois mois après sa cessation. Cela signifie qu’il n’y aura nul besoin de revenir devant le Parlement pour abroger cette disposition : trois mois après la fin de l’état d’urgence, elle ne sera plus valide ; nous fixons sa date d’extinction dans la loi. N’agitons pas des peurs qui n’ont pas lieu d’être ! L’adoption de cet amendement n’entraînera pas une durabilité des dispositions qu’il contient.

Pour répondre à M. le ministre, qui disait ne pas comprendre le délai prévu, je précise que la fin du confinement n’équivaut pas entièrement à la reprise de la vie normale. La situation dans les services hospitaliers étant toujours aussi tendue, en particulier en Île-de-France, des retards s’accumulent pour l’accueil des femmes.

Chaque année, entre 2 000 et 5 000 femmes se rendent dans des pays qui pratiquent des avortements hors délai, ce que notre pays accepte puisqu’il n’engage pas de poursuite à l’encontre de ces femmes. Je préférerais que la fin du confinement ne signifie pas la réouverture des frontières pour celles qui auront les moyens d’aller à l’étranger pratiquer des IVG que la France n’autoriserait pas dans les prochaines semaines.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Le sujet de l’IVG, celui du corps des femmes en général, est toujours difficile à aborder dans cet hémicycle, et nous savons que nous pouvons avoir des divergences de fond.

Au groupe communiste républicain citoyen et écologiste, nous nous prononçons toujours pour la défense des femmes et « profitons » de différents véhicules législatifs pour présenter nos amendements en ce sens, à l’instar de Laurence Rossignol et de nos collègues du groupe socialiste.

Autant je trouve normal que nous ayons un désaccord, madame Jourda, car c’est le débat démocratique, autant j’ai du mal à admettre le prétexte que vous invoquez. Je ne reviendrai pas sur la démonstration faite par Laurence Rossignol, mais, encore une fois, quelque chose me gêne.

Nous sommes dans une période exceptionnelle durant laquelle nous avons été invités à voter des mesures d’urgence, que vous avez adoptées et auxquelles mon groupe s’est opposé. Pour nous rassurer, vous nous avez dit qu’il fallait surtout ne pas nous inquiéter, car ces dispositions valaient pour la seule durée de la situation d’urgence et que tout était bordé.

Hier, lors du débat sur l’application StopCovid, on nous a dit la même chose : « Tout est bien bordé, il n’y aura pas de remise en cause des libertés ; ne vous inquiétez pas, rien n’est pérenne, cela ne s’appliquera qu’à la situation d’urgence ! »

Mme Laurence Cohen. Pour s’adapter à ce temps de l’urgence, des mesures exceptionnelles sont donc prises. Or, quand nous parlons de la détresse des femmes et que nous envisageons un dépassement des délais pour l’IVG du fait de la situation sanitaire de notre pays, vous nous rétorquez que nous voulons faire entrer par la fenêtre un allongement des délais dont vous ne voulez pas !

Il faut être logique et ne pas faire deux poids, deux mesures ! Les dispositions que nous défendons, et qui n’ont pas vocation à perdurer, répondent à la situation de femmes en détresse et en danger dont nous refusons qu’elles soient pénalisées, et qui ne pourront pas se faire avorter à l’étranger parce qu’elles n’en ont pas les moyens financiers ou parce que les frontières ne seront pas encore ouvertes.

Le délai que nous proposons vaut pour la période de l’épidémie de Covid. Ne nous dites pas qu’il sera pérenne ! Pourquoi n’avez-vous pas dit la même chose à propos de toutes les mesures d’urgence que vous avez votées avec allégresse ?

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Il faut reconnaître à Muriel Jourda sa rigueur constante. Cela étant dit, il faut faire attention lorsqu’on utilise des arguments d’autorité.

Si l’on considère l’évolution de l’opinion publique de 1975 à nos jours s’agissant de l’IVG, on constate un contraste incroyable.

M. Jérôme Bascher. Même chose pour la peine de mort !

M. Éric Kerrouche. Actuellement, plus des trois quarts des Français sont favorables à l’IVG, sans restriction. En quarante ans, cette évolution a été phénoménale, et elle concerne aussi bien les hommes que les femmes, la seule variable provenant éventuellement des catholiques pratiquants. Mis à part ce cas particulier, il y a dans la société une large tendance à l’acceptation.

J’en viens aux conséquences. Le fait d’avoir un enfant non désiré peut représenter un poids, une détresse dont il faut tenir compte dans le cadre que nous avons circonscrit. Ne faisons pas comme si cette détresse n’existait pas ! Elle existe, et il faut la regarder en face en prévoyant cette dérogation qui ne doit pas, j’en suis d’accord, perdurer dans le temps.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je prends la parole avec beaucoup de précautions, car il s’agit là de sujets humains touchant à la détresse et à l’éthique. J’ai été très sensible aux arguments de Muriel Jourda, mais je suis, pour ma part, préoccupée par un problème de fond, de principe.

Je suis profondément favorable à l’IVG, et je crois que nous devons sans cesse rendre hommage au travail et au courage de Simone Veil. Il est hors de question de revenir, à un moment ou un autre, sur ce droit fondamental des femmes. Je suis aussi sensible à la détresse des femmes qui ont été confrontées à une grossesse non voulue durant la période de confinement, et que vous avez eu raison d’évoquer, madame la ministre Rossignol. Mais nous ne sommes pas en train de proroger un dispositif fiscal ou un logiciel de traçage numérique ! Nous parlons d’un être âgé de douze ou quatorze semaines. Or douze semaines, cela représente un tiers de la vie d’un embryon.

Moi qui suis profondément favorable à l’IVG, je vous le dis avec émotion, je me pose cette question : doit-on encore prolonger ce délai ? Je sais que la période est compliquée, et je respecte votre combat, madame Rossignol, mais il s’agit, outre de la détresse des femmes, d’un être de quatorze semaines.

Bien sûr, madame Cohen, nous devrons avoir ce débat. Je le répète avec sincérité, je m’interroge profondément sur cette durée de quatorze semaines, sur la détresse des femmes, mais aussi sur celle de ces enfants en devenir. Je ne voterai donc pas l’amendement n° 58 rectifié bis.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. J’interviendrai avec beaucoup de calme, après m’être précédemment emballée au mauvais moment…. Pour autant, je ne change pas un mot de ce que j’ai dit.

Le confinement se termine, et le déconfinement se poursuit. Parallèlement ont lieu des viols, des incestes, un certain nombre d’horreurs, car on ne parle pas seulement de femmes « qui n’ont pas fait attention » ! Il est important de le dire et de le redire, car il y a des non-dits…

Je suis favorable au maintien du délai de quatorze semaines durant quelque temps, notamment pour que les médecins, qui ont beaucoup donné d’eux-mêmes, puissent se reposer. Des services ont fermé, et, pour certains hôpitaux, l’IVG n’est pas prioritaire. C’est normal, on a tellement réanimé…

Il faut entendre toutes les détresses. Il y a des moments où il faut savoir faire de la réanimation et aussi des IVG.

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

M. Joël Guerriau. Ce débat touche nos sensibilités individuelles, plus que politiques. Dans cette période exceptionnelle, il était important de soulever cette question : cela peut nous prémunir dans le futur, si une telle situation devait se reproduire.

J’ai entendu les arguments qui tiennent à la situation de fait, cruelle, que nous avons connue : il était très difficile d’obtenir des rendez-vous médicaux, tout le monde était focalisé sur le Covid-19, et des personnes sont décédées. J’ai moi-même perdu un cousin qui ne souffrait pas du coronavirus, mais a été traité comme tel… En tout état de cause, la période était extrêmement compliquée. Des femmes sont ainsi en détresse, car elles ont subi des violences qui les conduisent désormais à envisager l’avortement.

Le fait que cette situation puisse se reproduire justifie la création d’une forme de référentiel pour nous prémunir à l’avenir. Et parce que l’amendement n° 58 rectifié bis prévoit une limitation dans le temps, je le voterai !

Je comprends que l’on puisse s’interroger sur l’allongement du délai de douze à quatorze semaines. Pour autant, nous parlons d’êtres vivants, de femmes qui n’ont pas pu, dans une période donnée, réaliser ce qu’elles souhaitaient intimement faire. Il faut donc accorder ce délai supplémentaire.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 58 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 108 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 299
Pour l’adoption 143
Contre 156

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 210 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Article additionnel après l'article 1er septies A - Amendements n° 58 rectifié bis et n° 210 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er septies A - Amendement n° 164 rectifié bis

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 109 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 321
Pour l’adoption 133
Contre 188

Le Sénat n’a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 4 rectifié bis est présenté par Mme Laborde, MM. Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, MM. Labbé et Léonhardt, Mme Pantel et MM. Requier, Roux et Vall.

L’amendement n° 114 est présenté par Mmes Billon, Doineau, C. Fournier et Saint-Pé et MM. Cadic, Canevet, Capo-Canellas, Delcros, Détraigne, D. Dubois, Le Nay, Longeot et Moga.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 200 quindecies du code général des impôts, il est inséré un article 200 sexdecies ainsi rédigé :

« Art. 200 sexdecies.  Ouvrent droit à un crédit d’impôt sur le revenu égal à la totalité de leur montant les dépenses relatives à l’interruption de grossesse, lorsqu’elle a lieu après la douzième semaine de grossesse et jusqu’à la quatorzième semaine, par dérogation aux articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique. »

II. – L’article 200 sexdecies du code général des impôts, dans sa rédaction résultant du I du présent article, est abrogé le 30 septembre 2020.

III. – Le I du présent article n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

IV. – La perte de recettes pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié bis.

Mme Françoise Laborde. Cet amendement aurait été justifié si l’allongement du délai de douze à quatorze semaines dans le cadre de l’état d’urgence avait été adopté, ce qui n’a pas été le cas. Craignant de nous voir opposer l’article 40 de la Constitution, nous avions inventé un système de crédit d’impôt afin que notre proposition ne soit pas retoquée.

Cet amendement n’ayant plus lieu d’être, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 4 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 114.

M. Michel Canevet. Je le retire également, monsieur le président.

Article additionnel après l'article 1er septies A - Amendements n° 4 rectifié bis et n° 114
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er septies

M. le président. L’amendement n° 114 est retiré.

L’amendement n° 164 rectifié bis, présenté par MM. Lafon et Canevet, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé est ainsi modifiée :

1° L’article 2 est ainsi modifié :

a) Le VII est ainsi modifié :

- aux A et B, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2021 » ;

- au même B, l’année : « 2022 » est remplacée par l’année : « 2023 » ;

b) Au VIII, l’année : « 2021-2022 » est remplacée par l’année : « 2022-2023 » ;

c) Au XI, l’année : « 2024 » est remplacée par l’année : « 2025 » ;

d) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Pour les étudiants accédant à la première année du deuxième cycle des études de médecine à compter de la rentrée universitaire 2020, les dispositions du code de l’éducation en vigueur antérieurement à la présente loi s’appliquent en ce qui concerne l’accès au troisième cycle des études de médecine par les épreuves classantes nationales. Les modalités de validation du deuxième cycle des études de médecine ainsi que le programme des épreuves classantes nationales sont fixés par arrêté des ministres en charge de la santé et de l’enseignement supérieur. » ;

2° Au 1° du II de l’article 5, les mots : « d’un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;

3° Au II de l’article 13, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « vingt » ;

4° L’article 37 est ainsi modifié :

a) Au premier du A du III, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « vingt » ;

b) Aux V et VI, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2022 » ;

5° Au III et au B du VIII de l’article 70, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2022 ».

II. – L’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 est ainsi modifié :

1° Le IV est ainsi modifié :

a) Au A, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2022 » ;

b) Le B est ainsi modifié :

- au premier alinéa, la date : « 1er octobre 2020 » est remplacée par la date : « 30 juin 2021 » ;

- aux deuxième et dernier alinéas, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2022 » ;

2° Le V est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la date : « 1er octobre 2020 » est remplacée par la date : « 30 juin 2021 » ;

b) Au dernier alinéa, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2022 ».

La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a prévu de nombreuses réformes, qui étaient en cours de discussion avec l’ensemble des acteurs : professionnels libéraux, praticiens hospitaliers, praticiens à diplôme hors Union européenne, ARS, etc. La crise du Covid ayant interrompu toutes ces réformes, l’amendement vise à prolonger les délais y afférents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prolonger les délais d’entrée en vigueur de plusieurs chantiers ouverts par loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Le récent bilan de l’application des lois établi par la commission des affaires sociales a fait état d’un faible taux d’application de cette loi, monsieur le ministre : 30 % au 31 mars 2020, soit six mois après sa promulgation, et aucune des onze ordonnances prévues n’a été publiée.

Force est de constater que la crise sanitaire ne constitue pas, depuis le début de l’année, un contexte propice à l’avancée des concertations et des travaux sur de nombreux sujets. C’est la raison pour laquelle la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. J’ai bien noté votre appel, monsieur le rapporteur pour avis, concernant les ordonnances. Nous aurons l’occasion d’en reparler au mois de juin lors du débat sur le bilan de l’application des lois, puisque c’est moi qui serai au banc du Gouvernement.

Le présent amendement vise à reporter l’échéance de plusieurs réformes importantes prévues dans la dernière loi Santé. Au moment où débutent les travaux du Ségur de la santé, ce report paraît en effet pertinent. L’avis est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 164 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er septies A.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.

Article additionnel après l'article 1er septies A - Amendement n° 164 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er septies - Amendement n° 83 rectifié bis

Article 1er septies

(Non modifié)

I. – L’article 109 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase du VII, la date : « 1er septembre 2020 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2021 » ;

2° À la fin du IX, la date : « 1er janvier 2021 » est remplacée par la date : « 1er septembre 2021 ».

II. – À la fin de l’article 9 de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, la date : « 1er octobre 2020 » est remplacée par la date : « 31 mars 2021 ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 3 rectifié est présenté par M. Kennel, Mme Sittler et MM. Reichardt, Jacques Bigot et Kern.

L’amendement n° 215 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

L’amendement n° 3 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 215 rectifié.

Mme Laurence Cohen. Le troisième alinéa de l’article 1er septies reporte la date d’entrée en vigueur des dispositions relatives à la mise en place de la juridiction unique des injonctions de payer. Un report est en effet la moindre des choses, mais, plus qu’un report, nous souhaitons un recul, car, selon nous, cette juridiction ne devrait tout simplement pas voir le jour.

La création de cette juridiction va à l’encontre du projet de société que nous portons. Elle favorisera davantage encore les compagnies d’assurances ainsi que les banques, qui émettent d’ores et déjà près de 80 % des requêtes en injonction de payer. Elle marginalisera, en contrepartie, des personnes aux faibles moyens financiers. Ces « petits litiges », pour les premiers, représentent pour ces dernières des sommes considérables et peuvent parfois ruiner des vies entières, le tout dans une logique purement gestionnaire.

Rappelons que nous nous étions déjà opposés à cette création lors de l’examen du projet de loi de réforme pour la justice de Mme Belloubet. Nous souhaitons que le Gouvernement revienne sur cette mesure, a fortiori dans le cadre de la situation sanitaire catastrophique que nous connaissons.

J’y insiste, la dématérialisation intégrale des petits litiges nécessite la comparution physique de personnes qui disposent souvent de moyens financiers limités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La réforme en question n’est pas tout à fait celle que dépeint Mme Cohen, mais peu importe… L’alinéa 3 de l’article reporte son entrée en vigueur au motif que celle-ci n’est pas prête – Mme le garde des sceaux nous en dira sans doute plus –, ce que je peux aisément comprendre.

Il ne me paraît pas anormal de reporter les effets de cette réforme si nous voulons qu’elle entre en vigueur dans de bonnes conditions. L’avis est donc défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Sans revenir sur le débat que nous avions eu lors de l’examen de la loi de réforme pour la justice, je rappelle que cette juridiction unique des injonctions de payer que nous envisagions de créer reposait sur deux éléments : un outil numérique, afin de traiter ces dossiers de manière plus cohérente et harmonieuse, et la localisation de la juridiction à côté du tribunal de Strasbourg.

La mise en place de cette juridiction suppose, bien sûr, de libérer des locaux, mais aussi de mobiliser une cinquantaine ou une soixantaine de greffiers. C’est un peu compliqué… Nous ne sommes pas en retard s’agissant de l’outil numérique, qui vient d’être mis en place. Il est plus difficile, en revanche, de réunir tous les greffiers requis dans le contexte actuel de sortie de crise du Covid.

Nous avons besoin de quelques mois supplémentaires, au plus tard jusqu’en septembre 2021, mais il me semble inutile d’aller au-delà. J’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 215 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 19 rectifié est présenté par MM. Reichardt, Houpert, de Nicolaÿ, Mandelli, Grand et D. Laurent, Mmes Deroche et Duranton, M. Gremillet, Mme Billon, MM. Kern, Daubresse, Lefèvre, Regnard, Savin, Milon, Frassa, Cardoux et Danesi, Mme Lassarade, M. Segouin, Mme Puissat, M. Brisson, Mme Vullien, M. Cuypers, Mmes Deromedi, Vermeillet, Raimond-Pavero et Thomas, MM. Louault, Charon et Kennel, Mme N. Goulet, M. Chatillon et Mme Renaud-Garabedian.

L’amendement n° 74 rectifié bis est présenté par MM. Bizet, Bascher, Bazin, Bouchet et Calvet, Mme Bruguière, MM. Cambon et Chaize, Mme Chauvin, MM. Dallier et de Legge, Mme Dumas, M. B. Fournier, Mme Gruny, MM. Huré et Laménie, Mme Lamure, MM. Longuet et Magras, Mme M. Mercier, MM. Paul, Piednoir, Pierre, Rapin et Sido, Mme Troendlé et MM. Vaspart et Vogel.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… Au VI, la date : « 1er janvier 2021 » est remplacée par la date : « 1er avril 2021 ».

L’amendement n° 19 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l’amendement n° 74 rectifié bis.

M. Jean Bizet. Cet amendement a pour objet de reporter la date d’entrée en vigueur d’une partie de la loi du 23 mars 2019. En effet, les problématiques liées à la Covid-19 ne permettront pas de réaliser un certain nombre d’opérations de numérisation, notamment celles qui concernent la transmission des actes d’huissier de justice aux établissements bancaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ce report de trois mois de l’entrée en vigueur d’une mesure retardée par le Covid-19 me paraît tout à fait justifié. L’avis est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 74 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 43 est présenté par MM. Jacques Bigot, Marie et Kerrouche, Mme Lubin, MM. Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sutour et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mmes Rossignol et Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 218 est présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 43.

M. Jean-Pierre Sueur. La justice des mineurs est un sujet essentiel. Le débat passionné de ce matin sur la proposition de loi de Mme Costes sur l’enfance en danger le montre.

Madame le garde des sceaux, certaines pratiques ne peuvent plus continuer. Vous nous avez demandé de pouvoir légiférer par ordonnance sur ce sujet immense, énorme, central, très important. Vous avez naturellement assorti cette demande d’un discours indiquant qu’il y aurait un vaste et grand débat au Parlement et que l’on ne ferait rien sans lui.

On peut comprendre qu’il faille recourir à des ordonnances – c’est pourquoi nous avons voté certaines habilitations –, en raison de situations particulières, comme celle que nous connaissons en ce moment, mais, lorsque la rédaction de l’ordonnance prend beaucoup de temps – tellement de temps qu’il aurait été évidemment plus rapide de déposer un projet de loi –, on ne comprend plus…

Je vous signale, mais vous le savez déjà, que votre ordonnance a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le 30 octobre 2019 : avant cette date, aucune concertation avec les parlementaires ;…

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Si !

M. Jean-Pierre Sueur. … après cette date, aucun débat de ratification, ni à l’Assemblée nationale ni au Sénat. Je rends d’ailleurs hommage au président Philippe Bas, qui a organisé, au sein de la commission des lois, des débats pour préparer la chose.

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Pierre Sueur. Puisque je n’ai plus le temps de développer, je conclus très simplement. Il faut revenir au bon sens : soumettez-nous un projet de loi, il y aura ainsi un débat parlementaire.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’alinéa 4 de l’article.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 218.

Mme Laurence Cohen. Le II de l’article 1er septies reporte l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs. Cette entrée en vigueur, initialement prévue le 1er octobre 2020, est reportée au 31 mars 2021. Un texte de ratification de cette ordonnance aurait dû être présenté au Parlement l’été prochain, mais, en raison de la crise sanitaire que nous connaissons, le Gouvernement a repoussé l’échéance, dans un souci de faisabilité matérielle.

Nous nous sommes déjà exprimés pour dire notre désaccord quant au fond, désaccord d’autant plus important qu’il s’agit d’une refonte du code pénal pour les mineurs par voie d’ordonnance. En réalité, ce que vous proposez, madame la garde des sceaux, c’est de faire davantage avec des moyens absolument indigents pour la justice des enfants, dans le cadre d’une accélération de la répression pénale, au détriment du temps éducatif.

Un collectif de professionnels de la justice et de personnalités a écrit une lettre ouverte aux parlementaires et à vous-même, madame la garde des sceaux, pour dire que la « crise sanitaire que nous traversons est, malheureusement, venue exacerber toutes ces difficultés déjà criantes. Partout, les services de milieu ouvert, en protection de l’enfance comme à la protection judiciaire de la jeunesse, peinent à fonctionner dans des conditions sanitaires protectrices pour tous, professionnels comme usagers, et se trouvent de fait fortement ralentis, voire à l’arrêt dans certains territoires, au détriment de l’accompagnement éducatif des enfants ».

Pour toutes ces raisons, nous demandons, non un report, mais carrément l’abandon du texte.

M. le président. L’amendement n° 44, présenté par MM. Jacques Bigot, Marie et Kerrouche, Mme Lubin, MM. Kanner et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Leconte, Sutour et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mmes Rossignol et Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer la date :

31 mars 2021

par la date :

1er janvier 2022

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vais défendre cet amendement, mais je me demande si c’est bien utile, madame le garde des sceaux, parce que je pense que vous aurez été convaincue de la nécessité de changer de chemin. S’entêter, sur un sujet aussi sensible, à faire une ordonnance, dont la préparation va durer très longtemps – plus longtemps que l’élaboration d’un projet de loi –, et nous parler d’un vaste débat pour la ratification, alors que celle-ci n’est pas inscrite à l’ordre du jour, ni à l’Assemblée nationale ni au Sénat, ce n’est quand même pas très sérieux.

J’ai donc confiance, madame le garde des sceaux… Je vous vois sourire, comme si c’était une clause de style – « on peut parler, mais ça n’aura pas d’effet »… –, mais je pense pour ma part que cela pourrait avoir un effet, que ce serait une bonne chose si vous nous disiez ce soir que, par respect pour le Parlement, sur un sujet aussi fort, aussi sensible, on aura un débat parlementaire.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ce n’est pas Noël !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes là pour ça !

Si vous n’entendez pas ces arguments, je vous propose un amendement de repli.

Je salue notre ami Jacques Bigot, qui est à l’origine de ces amendements, parce qu’il tient à cela, avec son esprit et avec son cœur. Il nous a expliqué que vous comprendriez bien l’enjeu, que vous ne vous défausseriez pas devant le débat parlementaire, que vous ne vous accrocheriez pas à l’ordonnance. Néanmoins, il a prévu, pour le cas où il y aurait quelque 5 % ou 10 % de chances qu’on ne puisse vous persuader,…

M. Jean Bizet. Ce n’est pas impossible ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. … que vous vous accrochiez à l’ordonnance et que vous vous défaussiez par rapport au débat parlementaire, un amendement de repli.

Voyez comme nous sommes bons, madame le garde des sceaux (Sourires.), nous vous proposons un amendement de repli tendant à reporter cela au 1er janvier 2022 ; peut-être que, d’ici à cette date, vous nous aurez présenté un projet de loi de ratification qui aura donné lieu à un immense débat auquel nous aurons participé.

Cela dit, je le répète, il y a un bon chemin, et vous avez toutes les raisons de l’emprunter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Vous aurez saisi que ces amendements visent soit à supprimer le report demandé par le Gouvernement pour l’entrée en vigueur du code de la justice pénale des mineurs, soit à repousser la date du report.

Notre collègue M. Sueur et le groupe socialiste ont été bons pour le Gouvernement, mais la commission a été plus généreuse, puisqu’elle a émis un avis défavorable sur tous ces amendements (Sourires.), en maintenant la disposition demandée par le Gouvernement.

Pour autant, je dois le dire, nous avons tous été assez ébranlés par les arguments du président Sueur, parce que nous y adhérons. C’est vrai, si nous avons été d’accord pour que vous puissiez légiférer par ordonnance sur ce sujet essentiel qu’est la justice pénale des mineurs, madame le garde des sceaux, c’était évidemment en contrepartie de l’engagement que vous aviez pris de venir, tant devant le Sénat que devant l’Assemblée nationale, en discuter dans le cadre de la ratification de cette ordonnance. Or, effectivement, si ce projet de loi de ratification a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, il n’a pas encore été inscrit à son ordre du jour.

Cela dit, comme nous ne pensons pas que vous soyez venue jurer devant nous une main sur le cœur et les doigts croisés dans le dos que nous aurons ce débat, nous sommes persuadés qu’il aura lieu, mais, je l’ai indiqué à M. le ministre Fesneau, il serait bon que vous vinssiez avec une date. Avez-vous des éléments à nous apporter de nature à nous rassurer quant à l’exécution certaine des engagements que vous avez pris ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Effectivement, nous demandons le report de la date d’entrée en vigueur de ce code de la justice pénale des mineurs, puisque, telle que vous l’avez adoptée au travers de la loi de réforme pour la justice, cette réforme devait entrer en vigueur au mois d’octobre 2020, c’est-à-dire dans quelques mois. Or la crise du Covid-19 a entraîné une forme de stocks non traités.

Pour que cette réforme puisse entrer en vigueur de manière tout à fait correcte, il importe que nous puissions mettre à niveau l’ensemble des stocks existants dans les tribunaux pour enfants. Pour cela, nous avons pris les moyens nécessaires : au 1er septembre prochain arrivent, dans les tribunaux pour enfants, soixante-dix juges des enfants supplémentaires et cent greffiers supplémentaires. Cela nous permettra de travailler sur les affaires qui restent à traiter.

Par ailleurs, j’ai toujours dit que je souhaitais qu’il y ait, sur ce sujet important, un débat parlementaire, non que les parlementaires n’aient pas été régulièrement tenus informés de la rédaction de l’ordonnance, car j’ai constitué un groupe à cette fin.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n’est pas notre boulot d’être « informé » !

M. le président. Vous n’avez pas la parole, monsieur Sueur !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Vous avez dit qu’il n’y avait eu aucune concertation ; je vous réponds donc, monsieur le président Sueur.

Ainsi, il y a eu, à mes côtés, un groupe de parlementaires, réuni à sept ou huit reprises, voire plus, qui n’avait pas vocation à être représentatif, mais qui était composé de sénateurs et de députés d’origines diverses – une sénatrice Les Républicains, une sénatrice LaREM, des députés de différents partis politiques –, et nous avons travaillé ensemble à l’élaboration de cette ordonnance.

Je l’ai toujours dit, je souhaite un débat parlementaire sur ce sujet. C’est la raison pour laquelle ce texte, adopté en conseil des ministres, a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. Reporter de six mois l’entrée en vigueur du texte nous permettra de tenir ce débat parlementaire. Je ne suis pas en mesure de vous donner une date exacte, madame le rapporteur, mais j’imagine qu’il pourra se tenir, si ce n’est en fin d’année 2020, au moins en tout début d’année 2021, car le sujet le mérite effectivement.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 et 218.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 44.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er septies, modifié.

(Larticle 1er septies est adopté.)

Article 1er septies
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er octies A

Article additionnel après l’article 1er septies

M. le président. L’amendement n° 83 rectifié bis, présenté par MM. Bascher et Mandelli, Mme Lavarde, MM. Dufaut, Regnard, Bonhomme et Bonne, Mmes Gruny, Deroche et Eustache-Brinio, MM. Lefèvre et de Nicolaÿ, Mme Duranton, M. Gremillet, Mme Bruguière, MM. Karoutchi, Piednoir, Pierre, Frassa, Cardoux et Cambon, Mme Di Folco, MM. Charon et Chatillon et Mmes Imbert et Deromedi, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin du b du 2° du IV de l’article 25 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2023 ».

La parole est à M. Jérôme Bascher.

M. Jérôme Bascher. Cet amendement a pour objet de modifier la loi Sapin II relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Vous le savez sans doute, lorsque nous rencontrons des représentants d’intérêts, il faut l’inscrire dans un répertoire numérique national. On a inscrit tout cela en dur dans le droit, mais, une fois que l’on s’est fait plaisir, on s’aperçoit que c’est un peu plus difficile à mettre en pratique que prévu. Ainsi, l’application, qui était prévue pour 2018, a déjà été repoussée au 1er janvier 2021.

La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – nous venons d’entendre en audition le brillant préfet Pierre Steinmetz, proposé par Gérard Larcher pour appartenir au collège de cette institution – nous indique, dans son rapport annuel, que c’est effectivement problématique. On pense pourtant qu’il faudrait élargir ces obligations aux collectivités locales !

Mme Sophie Primas. Oh là là !

M. Jérôme Bascher. Ce n’est pas prêt aujourd’hui pour les institutions nationales, mais, c’est sûr, ce sera vraiment prêt pour les 35 000 communes de France, y compris pour les villages de 200 habitants… Ce n’est pas sérieux !

Nous demandons donc très simplement un report de deux ans de l’entrée en vigueur de cette loi d’incantation. Il faut d’abord tester l’affaire ; ce n’est pas possible de continuer comme cela.

Donnons-nous un petit peu de temps ; on peut penser que l’idée est juste – en vérité, les ayatollahs de la transparence nuisent parfois à la bonne économie locale –, mais commençons par bien tester l’affaire à l’échelon des parlementaires, à l’échelon national, avant de l’étendre aux collectivités territoriales. Donnons-nous deux ans !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Notre collègue Jérôme Bascher l’a brillamment expliqué, le Covid-19 a reporté la possibilité de faire entrer en vigueur ce texte. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. L’avis est défavorable.

M. Marc Fesneau, ministre. Je suis désolé de vous décevoir…

Tout d’abord, il s’agirait non d’un premier mais d’un deuxième report. En 2018, le Gouvernement avait entendu les objections émanant des chambres, en particulier de celle-ci, quant aux difficultés à mettre en œuvre cette législation ; on avait donc déjà reporté l’entrée en vigueur à 2021. Vous proposez maintenant de la différer d’encore deux ans, pour des motifs que l’on peut entendre, mais, d’une part, à force, les sujets deviennent, sans vouloir être désobligeant, quelque peu déliés de la situation liée au Covid-19 et, d’autre part, on ne peut pas reporter une mesure de deux ans, sachant qu’on a déjà procédé à un report de trois ans, au motif que nous avons cette crise. À un moment, les lois votées doivent être appliquées. Il s’agit, si j’ai bonne mémoire, d’un texte de 2016 ; cela entraînerait donc un report de sept ans de la mise en œuvre de cette réforme.

Ensuite, le droit actuel prévoit une entrée en vigueur en 2021, mais nous ne sommes qu’en 2020 ; il reste donc quand même un an pour essayer de mettre en œuvre cette règle.

Enfin, si vous me le permettez, ayant une petite expérience d’élu local, il me semble que, au moment où l’on procède au renouvellement municipal, il ne faudrait pas reporter cette entrée en vigueur à une date correspondant quasiment à la mi-mandat d’un certain nombre d’élus municipaux, sauf à dire que le temps donné serait tellement long que cette réforme ne serait jamais appliquée.

Sans être un ayatollah de la transparence – vous me connaissez –,…

M. Jérôme Bascher. Oui, je sais bien !

M. Marc Fesneau, ministre. … il ne me semble pas inconcevable que cette réforme, qui avait des fondements justes, puisse être appliquée.

Le Gouvernement, vous pouvez lui en faire crédit, avait accepté un report en 2018, mais, pour le coup, deux ans de plus, cela me paraît excessif.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

M. Arnaud Bazin. D’abord, une entrée en vigueur en 2021 suppose que, dès 2020, toutes les informations soient recueillies par les représentants d’intérêts pour les faire figurer dans le registre et dans leur rapport annuel de 2021. Cela motive cette proposition de report.

Ensuite, inclure maintenant, dans ce recueil d’informations, les collectivités locales posera un énorme problème à la Haute Autorité, qui le souligne elle-même, à savoir la masse d’informations sous laquelle elle va crouler. Elle a déjà des difficultés à absorber toutes les inscriptions dans le registre qui lui viennent de ces représentants d’intérêts, mais, si l’on ajoute les collectivités locales, cela fera une masse supplémentaire. Nous craignons donc que trop d’information nuise à l’information, puisqu’on ne pourra plus lire les informations intéressantes.

Enfin, cette loi a été prévue pour qu’on puisse tracer l’impact du travail des lobbies sur l’élaboration de la norme. Autant il est normal que l’on suive le travail des parlementaires, des cabinets ministériels et de la haute administration, autant on peut s’interroger sur l’intérêt de tracer les rapports entre les représentants de terrain et les élus locaux pour l’élaboration de la norme, puisque ces derniers sont encadrés par celle-ci et ne participent pas du tout à son élaboration. Ils sont déjà encadrés par tout un ensemble de règles, notamment celles des marchés publics, pour évoquer les choses les plus sensibles, mais également toutes les lois qui traitent du fonctionnement des collectivités.

C’est pourquoi il nous a paru raisonnable de proposer cet amendement, que je soutiens.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Je déteste les lois d’incantation.

On peut dire que l’on nous a donné du temps et que ce sera le 1er janvier 2021, mais on vient de le voir avec la justice des mineurs : quand il n’y a pas le temps, quand les conditions ne sont pas réunies, il faut savoir se donner un délai pour que la loi soit bel et bien efficace et appliquée. Il ne faut pas dire « ce sera à compter de telle date… » ; cela ne marche pas ! C’est un peu comme si un Président de la République avait dit qu’on reconstruirait la cathédrale Notre-Dame de Paris encore plus belle en cinq ans… On le sait très bien, on ne le fera pas. Ça ne sert à rien de lancer des incantations si on ne fait pas les choses.

Ainsi, nous demandons, très simplement, un report pour pouvoir, justement, faire les choses. Le test n’a pas pu avoir lieu, on ne sait pas si ça fonctionne ni comment. Donnons-nous au moins le temps de voir comment les choses marchent pour les parlementaires. Étendre cette mesure à l’infini n’est pas possible, comme l’a expliqué, encore mieux que moi, Arnaud Bazin, dont la grande sagesse sur ce genre de sujet devrait vous conduire, monsieur le ministre, à réviser votre jugement.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Il nous semble que les arguments développés par nos collègues auteurs de cet amendement sont les bons. Par conséquent, nous le voterons.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je veux aller dans le même sens que nos collègues.

D’abord, il faut effectivement faire les choses progressivement, pour qu’elles soient bien faites. Si on les fait mal au début, on risque de décrédibiliser l’ensemble d’un processus, qui est pourtant essentiel pour que les citoyens aient confiance dans la vie politique et dans la manière dont les décisions sont prises.

Ensuite, la Haute Autorité est chargée, cette année, de missions nouvelles sur la déontologie de la fonction publique, et elle n’a pas eu les moyens financiers de faire face à l’augmentation de sa charge de travail. Par conséquent, il n’est probablement pas raisonnable de lui demander de faire autre chose sans évaluer la manière dont elle arrivera à faire face à l’augmentation progressive du périmètre de son action.

Il est donc raisonnable, je le répète, de faire les choses par étapes pour les réussir.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Au risque de décevoir M. Bascher, je maintiens ma position.

Par ailleurs, je ne résiste pas, non au plaisir, mais au besoin, de rappeler que cette loi n’a pas été adoptée sous ce gouvernement.

M. Marc Fesneau, ministre. Vous aviez prévu, en 2016, une entrée en vigueur en 2018, et vous dites maintenant que, 2023, ce serait mieux. C’est intéressant…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 83 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er septies.

Article additionnel après l'article 1er septies - Amendement n° 83 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er octies B

Article 1er octies A

(Non modifié)

I. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 4 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas géométriques dans les départements d’outre-mer, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2022 ».

II. – L’article 27 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit des outre-mer est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du III, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2022 » ;

2° Le IV est abrogé ;

3° Au V, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2021 ».

III. – Le chapitre II du titre Ier du livre Ier de la cinquième partie du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5112-1, la date : « 1er janvier 2019 » est remplacée par la date : « 1er juillet 2021 » ;

2° À la fin du deuxième alinéa de l’article L. 5112-5 et du troisième alinéa de l’article L. 5112-6, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2021 ».

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, sur l’article.

M. Éric Kerrouche. Je souhaite porter la voix de nos collègues ultramarins, notamment Maurice Antiste et Catherine Conconne, pour dire que le groupe socialiste et républicain est favorable à cet article, qui prolonge d’un an l’existence des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques en Martinique et en Guadeloupe.

Ces agences n’ont, à ce jour, pas encore mené à bien leur mission, principalement pour des raisons de moyens, sans aucun lien avec la situation actuelle. Ce report est nécessaire, mais, selon nos collègues, il doit également servir à lancer rapidement une concertation forte sur la concrétisation des trois objectifs assignés à ces agences : la résorption du retard caractérisé d’équipements des quartiers et la lutte contre l’habitat indigne, la régularisation des habitations sans titre de propriété construites sur la zone des cinquante pas géométriques et le transfert de la gestion de la zone urbanisée de l’État aux collectivités locales.

Sans cette concertation et sans mesures complémentaires, un report d’un an ne ferait, selon nos collègues, que repousser les problématiques liées à ces zones particulières. Si l’on prend le cas de la Martinique, il y a 7 000 constructions non encore régularisées et il reste à réaliser entre 250 millions et 300 millions d’euros de travaux d’équipement de base, tels que l’assainissement, l’accès à l’eau potable ou les routes d’accès aux quartiers de la zone des cinquante pas géométriques.

Nous demandons, avec nos collègues, une action rapide de l’État sur ce sujet particulier.

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er octies A.

(Larticle 1er octies A est adopté.)

Article 1er octies A
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er octies B - Amendement n° 237 rectifié bis

Article 1er octies B

(Non modifié)

À la fin de l’avant-dernier alinéa de l’article 35-1 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2022 ». – (Adopté.)

Article 1er octies B
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er octies B - Amendements n° 99 rectifié bis et n° 134 rectifié bis

Articles additionnels après l’article 1er octies B

M. le président. L’amendement n° 237 rectifié bis, présenté par MM. Marseille et Maurey, Mme Vérien, MM. Kern, Médevielle, Détraigne, Canevet, Prince et Cigolotti, Mme Guidez, MM. Cadic, Delahaye, Le Nay et Bockel, Mme Dindar, M. Moga, Mmes Férat, Vermeillet et Vullien, M. Capo-Canellas, Mme Perrot, M. Janssens, Mme Létard, M. Louault, Mme de la Provôté, M. Mizzon, Mme Saint-Pé, MM. Laugier et Delcros, Mme Joissains, M. Longeot, Mme Billon, M. Vanlerenberghe, Mme Morin-Desailly, M. Cazabonne, Mme N. Goulet, M. P. Martin, Mme C. Fournier et M. L. Hervé, est ainsi libellé :

Après l’article 1er octies B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 581-14-3 du code de l’environnement, après les mots : « dix ans », sont insérés les mots : « et six mois ».

La parole est à M. Loïc Hervé.

M. Loïc Hervé. Je vous ferai grâce, mes chers collègues, du développement technique relatif à cet amendement d’Hervé Marseille ; ce sujet est déjà traité dans la loi Engagement et proximité.

Il s’agit de reporter de six mois la caducité des règlements locaux de publicité de première génération au-delà du 14 juillet 2020, pour une fin de validité fixée au 13 janvier 2021, donc une caducité à partir du 14 janvier 2021.

Mme Sophie Primas. Excellent amendement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Notre collègue Loïc Hervé a exposé très rapidement les enjeux, mais c’est très compréhensible ; en tout cas, ça l’est pour la commission.

Le report est assez modéré – six mois –, et il permettra d’éviter un certain nombre de caducités, ce qui aurait été tout de même dommage au regard du travail accompli. La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le sénateur Hervé nous a invités à la concision et Mme la rapporteure également, je serai donc bref.

Il y a effectivement un risque de caducité, et la durée du report proposé est raisonnable ; le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

M. Loïc Hervé. Merci, monsieur le ministre !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 237 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er octies B - Amendement n° 237 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er octies B - Amendements n° 45 rectifié bis et n° 196

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er octies B.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 99 rectifié bis est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Marchand et les membres du groupe La République En Marche.

L’amendement n° 134 rectifié bis est présenté par MM. Corbisez, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mmes Laborde et Pantel et MM. Requier, Roux et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er octies B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa du V de l’article 19 de la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur est ainsi rédigé :

« Dans un délai de deux ans à compter de la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre en mode numérique auprès d’au moins 20 % de la population française, cette obligation s’applique à tous les terminaux permettant la réception de services de radio. »

La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 99 rectifié bis.

M. Julien Bargeton. L’envergure du plan de soutien à la filière automobile, présenté cette semaine par le Président de la République, répond à une réalité ; la filière automobile a été particulièrement ébranlée par la crise sanitaire, d’où ce plan de 8 milliards d’euros annoncé.

Dans ce contexte, certaines adaptations paraissent nécessaires, et ce projet de loi s’y prête. Ainsi, en application de la loi du 5 mars 2007 et en conséquence d’un communiqué du CSA du 20 décembre 2018, la vente aux particuliers de véhicules équipés de la radio numérique terrestre devrait être obligatoire à compter du mois de juin prochain. Or le stock de véhicules n’intégrant pas ce dispositif technique et dont l’écoulement a été perturbé par la crise sanitaire reste très important. C’est pourquoi nous proposons de reporter de six mois l’application de cette obligation, afin de permettre la poursuite de la vente de modèles non équipés jusqu’au mois de décembre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 134 rectifié bis.

M. Jean-Claude Requier. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit, là encore, d’un délai raisonnable pour un sujet qui mérite qu’on y prête attention. La commission a donc émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 99 rectifié bis et 134 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

Article additionnel après l'article 1er octies B - Amendements n° 99 rectifié bis et n° 134 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er octies B - Amendement n° 267 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er octies B.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 45 rectifié bis est présenté par Mme Estrosi Sassone, MM. Karoutchi, Vaspart, Bascher, Husson, Daubresse, Poniatowski et Cuypers, Mmes Micouleau, Chauvin et Puissat, M. de Legge, Mmes Noël et Richer, MM. D. Laurent, J.M. Boyer, Duplomb et Mandelli, Mmes Lavarde et Bruguière, M. Piednoir, Mmes L. Darcos et Lopez, MM. Cambon et Brisson, Mme Duranton, MM. Babary, de Nicolaÿ, Bonhomme, Bizet, Cardoux, Lefèvre, Forissier et Vial, Mmes Berthet, Deroche et Imbert, MM. Bazin et Pierre, Mme Di Folco, M. Chaize, Mme Lassarade, MM. Kennel, Gremillet, Milon, Calvet, Danesi et Ginesta, Mmes Troendlé et Gruny, MM. Leleux, Bouchet, Schmitz, Chatillon, Mouiller, B. Fournier, Savin et Vogel, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Saury et Dallier, Mme Raimond-Pavero, M. Rapin et Mmes Thomas, Canayer et Renaud-Garabedian.

L’amendement n° 196 est présenté par Mmes Lienemann et Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 1er octies B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est ainsi modifiée :

1° Au III de l’article 111, l’année : « 2021 » est remplacée par l’année : « 2022 » ;

2° Au IV de l’article 114, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».

La parole est à M. Michel Vaspart, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié bis.

M. Michel Vaspart. La crise sanitaire affecte la mise en place du système de cotation rendu obligatoire dans les territoires visés par la loi ainsi que la mise en conformité des conventions de réservation qui ne portent pas exclusivement sur un flux annuel de logements. En effet, la mise en place de la cotation nécessite un travail transversal des acteurs participant à la réflexion sur les modalités de sa mise en œuvre, définies dans le plan partenarial de gestion de la demande et d’information des demandeurs : intercommunalités, communes, bailleurs sociaux. Dans les circonstances actuelles, ce travail de concertation est de facto plus compliqué à initier.

Pour ce qui concerne la mise en conformité des conventions de réservation, les bailleurs doivent tout d’abord informer simultanément tous les réservataires de la localisation, du nombre et des typologies de logements sociaux réservés par réservataire, dans le département. Il est ensuite nécessaire d’entamer une étape de négociation avec tous les réservataires, avant de signer de nouvelles conventions.

Si celles-ci ne sont pas transmises avant la date du 24 novembre 2021, fixée par le décret du 20 février 2020 relatif à la gestion en flux des réservations de logements locatifs sociaux, les logements réservés en stock s’ajoutent au flux annuel de logements réservés par l’État, jusqu’à la conclusion d’une convention conforme.

Compte tenu du risque de sanction encouru par les bailleurs, qui n’auraient pas, en raison du contexte actuel de crise, finalisé leurs négociations, il semble plus raisonnable et plus efficient de repousser d’une année le délai initialement prévu.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 196.

M. Fabien Gay. Je ne serai pas long : il s’agit du même amendement que celui de Mme Estrosi Sassone, qui vient d’être défendu par notre collègue Michel Vaspart et auquel elle tenait.

C’est une mesure de bon sens. Le scoring est rendu obligatoire, cela demande beaucoup de négociations, vous le savez bien vous-même, monsieur le président. C’est pourquoi nous demandons un report d’un an, et je pense qu’on peut tous se mettre d’accord là-dessus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. On peut en effet se mettre d’accord ; la commission a émis un avis favorable sur cet amendement, au regard de l’enjeu de l’application de la loi ÉLAN.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même si l’on peut comprendre le fondement de ces amendements, il nous semble que la mise en conformité des conventions de réservation est importante et que les organismes qui devaient y procéder ont déjà disposé d’un temps suffisant pour le faire.

On voit bien, depuis le début de l’examen de ce texte, combien la crise du Covid-19 a profondément impacté la mise en œuvre administrative d’un grand nombre de réformes et ralenti les processus. En l’occurrence, le Gouvernement ne trouve pas justifié que le délai soit repoussé d’un an – une année, ce n’est pas rien.

Il nous semble par ailleurs que, compte tenu des enjeux existant autour du logement social, la temporalité du dispositif doit être maintenue.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 45 rectifié bis et 196.

(Les amendements sont adoptés.)

Article additionnel après l'article 1er octies B - Amendements n° 45 rectifié bis et n° 196
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er octies C

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er octies B.

L’amendement n° 267 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 1er octies B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au III de l’article 179 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, les mots : « le 1er janvier 2021 » sont remplacés par les mots : « au plus tard au 1er juillet 2021, à une date fixée par décret ».

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. L’article 179 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ÉLAN », a rendu opposables, à partir du 1er janvier 2021, les diagnostics de performance énergétique.

Il est proposé de prévoir l’entrée en vigueur de l’opposabilité des DPE au plus tard le 1er juillet 2021, soit un décalage d’une durée maximale de six mois. Cette date pourrait être avancée par décret si la situation le permettait. En effet, les filières professionnelles concernées, en particulier celle des diagnostiqueurs, devront à la fois assurer la reprise de l’activité des transactions immobilières dans les plus brefs délais, après un arrêt important de l’activité, avec la fragilisation qui en résulte, et se former aux nouvelles pratiques imposées par la réforme.

Il nous semble que ce délai de six mois supplémentaire est nécessaire compte tenu de la difficulté créée par la situation sanitaire liée au Covid-19.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 267 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er octies B.

Article additionnel après l'article 1er octies B - Amendement n° 267 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er octies D

Article 1er octies C

I. – Les opérations prévues aux articles 261-1 et 263 du code de procédure pénale peuvent être valablement réalisées jusqu’à la fin de l’année 2020, sans respecter le calendrier prévu aux mêmes articles 261-1 et 263. Dans ce cas, l’information adressée, en application du deuxième alinéa de l’article 261-1 du même code, aux personnes tirées au sort doit leur laisser un délai d’au moins quinze jours pour demander d’être dispensées des fonctions de jurés. Le maire procédant au tirage au sort prévu à l’article 261 dudit code ainsi que le magistrat procédant au tirage au sort prévu à l’article 266 du code de procédure pénale peuvent limiter la présence du public pouvant assister à ces opérations, en raison des risques sanitaires pouvant en résulter, ou, en raison de ces risques, décider que ces opérations n’auront pas lieu publiquement. Le fait qu’avant la publication de la présente loi, ces opérations n’aient pas été réalisées publiquement ne constitue pas une cause de nullité de la procédure.

II. – Par dérogation à l’article 266 du code de procédure pénale, pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire et jusqu’au 31 décembre 2020, les listes des jurés de session pour les assises devant se tenir à partir du mois suivant la publication de la présente loi sont composées de quarante-cinq jurés tirés sur la liste annuelle et de quinze jurés suppléants tirés sur la liste spéciale. Ces nombres peuvent être portés jusqu’à cinquante et jusqu’à vingt par arrêté du ministre de la justice. Si le tirage au sort prévu au même article 266 a déjà été réalisé, un tirage au sort complémentaire est effectué pour compléter la liste de session ; il peut intervenir quinze jours avant l’ouverture des assises.

III – Lorsque la cour d’assises chargée de statuer en appel a été désignée en application de l’article 380-14 du code de procédure pénale, le premier président de la cour d’appel dans le ressort duquel se trouve cette cour d’assises peut, d’office ou sur requête du ministère public, s’il lui apparaît qu’en raison de la crise sanitaire cette juridiction n’est pas en mesure de juger cet appel dans les délais légaux :

1° Soit désigner une autre cour d’assises du ressort de sa cour, après avoir recueilli les observations écrites du ministère public et des parties ou de leurs avocats ;

2° Soit, si aucune cour d’assises de son ressort n’est en mesure d’examiner l’appel, saisir le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation, ou le conseiller désigné par lui, afin que ce dernier désigne une cour d’assises située hors de son ressort, après avoir recueilli les observations écrites du ministère public et des parties ou de leurs avocats.

Le présent III est applicable jusqu’au 31 décembre 2020. En cas de prorogation de l’état d’urgence sanitaire après cette date, l’application du présent III peut être prorogée par décret pour une durée ne pouvant excéder trois mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

IV. – (Supprimé)

(nouveau). – Le présent article est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.

M. le président. L’amendement n° 128 rectifié bis, présenté par MM. Bignon, Amiel, Bonhomme, Bonnecarrère, Capus, Chasseing, Daubresse et Decool, Mme N. Delattre, MM. Frassa, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et Malhuret, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Thomas et M. Wattebled, est ainsi libellé :

Alinéa 1, troisième phrase

Remplacer les mots :

limiter la présence du public pouvant assister à ces opérations, en raison des risques sanitaires pouvant en résulter, ou, en raison de ces risques, décider que ces opérations n’auront pas lieu publiquement

par les mots :

fixer les conditions de la présence du public pouvant assister à ces opérations, en raison des risques sanitaires pouvant en résulter

La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. On peut comprendre que la crise sanitaire nécessite de faire évoluer nos procédures judiciaires. Pour autant, nous considérons que la présence du public est essentielle lors du tirage au sort des jurés d’assises.

Tel est le sens de cet amendement, qui vise à permettre un aménagement, tout en requérant une présence du public minimale. C’est à nos yeux une règle d’or pour la bonne conduite de notre administration judiciaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le tirage au sort des jurés est effectivement un moment important.

Pour autant, il me semble que l’absence de public, qui a été la règle pendant le confinement et qui, selon le Gouvernement, pourrait encore l’être à l’avenir, n’entache pas d’irrégularités cette opération, sauf à penser que le maire n’en ferait pas un tirage honnête. Au reste, je rappelle que l’on peut toujours récuser un juré lors d’une session d’assises.

Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 128 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 129 rectifié bis, présenté par MM. Bignon, Amiel, Bonhomme, Bonnecarrère, Capus, Chasseing, Daubresse et Decool, Mme N. Delattre, MM. Frassa, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu et Malhuret, Mme Mélot, M. Menonville, Mme Thomas et M. Wattebled, est ainsi libellé :

Alinéa 1, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Bien que je me doute du sort qui lui sera réservé, je vais présenter cet amendement, auquel son auteur, Jérôme Bignon, tient beaucoup.

L’impartialité est l’une des conditions essentielles de la justice. Elle est notamment fondée sur le tirage au sort public des jurés d’assises. Sans publicité, la sincérité de ce tirage au sort n’est pas garantie.

Le présent amendement vise à supprimer une disposition qui a pour effet de couvrir rétroactivement d’éventuelles nullités de procédure tirées de ce que la publicité de certains tirages au sort de jurés d’assises n’aurait pas été assurée. Une telle disposition ne peut se justifier. Les règles de procédure – celle-ci, en particulier – visent à garantir un procès équitable aux intéressés. Leur violation se fait donc nécessairement au détriment de la défense de l’accusé. On ne saurait justifier que cette dernière pâtisse du non-respect des règles de procédure par ceux qui sont chargés de procéder au tirage.

En outre, cette disposition apparaît contraire au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

Pour ces raisons, il convient de supprimer cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je suis moi-même fort attachée aux règles de défense des accusés, mais, comme je l’ai dit précédemment, je ne pense pas que la défense soit entachée par la mesure qu’il nous est proposé de voter.

Au reste, mes chers collègues, avez-vous souvent vu du public dans les mairies pour le tirage au sort des jurés ?

M. Didier Marie. Le tirage au sort revenant à la mode, on ne sait jamais…

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Pour ma part, je n’en ai jamais vu.

L’avis de la commission est défavorable

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. La disposition que nous vous proposons est évidemment justifiée par des raisons techniques.

Comme l’a expliqué Mme le rapporteur, il s’agit de sécuriser des procédures de tirage au sort des jurés, au moment où nous avons particulièrement besoin de pouvoir être certains que les sessions des cours d’assises se tiendront dans de bonnes conditions.

C’est vraiment une question de sécurisation juridique liée au contexte particulier de crise. Il n’y a absolument aucune atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi pénale.

Le Gouvernement est donc lui aussi défavorable à l’amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 129 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 35, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

les listes des jurés de session pour les assises devant se tenir à partir du mois suivant la publication de la présente loi sont composées de quarante-cinq jurés tirés sur la liste annuelle et de quinze jurés suppléants tirés sur la liste spéciale

par les mots :

si le président de la cour d’assises l’estime nécessaire au regard du risque qu’en raison de l’épidémie de covid-19 un nombre important de jurés de session ne répondent pas à leur convocation ou soient dispensés, il est tiré au sort quarante-cinq noms de jurés titulaires sur la liste annuelle et quinze noms de jurés suppléants sur la liste spéciale

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cet amendement vise à préciser que l’augmentation du nombre de jurés de session ne constituera qu’une faculté, qui pourra être utilisée par le président de la cour d’assises s’il l’estime nécessaire. Il s’agit de tenir compte du risque qu’un nombre important de jurés ne répondent pas à leur convocation ou puissent être dispensés en raison de l’épidémie de Covid-19.

L’augmentation ne nous semble pas justifiée dans un certain nombre de départements, notamment ruraux, où la quasi-totalité des jurés convoqués répond actuellement aux convocations. Elle obligerait à procéder à des tirages au sort complémentaires et compliquerait inutilement la tâche des juridictions.

Il s’agit d’apporter une souplesse et de répondre aux nombreuses demandes qui ont été formulées en ce sens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a estimé que cette souplesse était bienvenue. Son avis est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 35.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 34, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rétablir le IV dans la rédaction suivante :

IV. – Au premier alinéa du III de l’article 63 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « trente ».

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’espère que Mme la rapporteure, sur sa lancée, émettra également un avis favorable sur cet amendement… (Sourires.) Celui-ci tend à rétablir l’extension de l’expérimentation des cours criminelles départementales, que votre commission des lois a supprimée.

La loi de programmation et de réforme pour la justice de 2019 a prévu qu’une expérimentation serait possible dans dix départements. Nous souhaitons désormais la rendre possible dans trente départements, soit moins d’un tiers des départements français.

Je sais, madame la rapporteure, que le débat sur l’extension, en commission, a été nourri. Je souhaite apporter quelques éléments supplémentaires pour répondre aux remarques qui ont conduit à sa suppression.

Premièrement, le dispositif reste expérimental. Un bilan sera évidemment établi au bout de trois ans, ainsi que cela a été prévu. Ce bilan nous permettra à la fois de mesurer l’activité et d’évaluer l’effectivité et la qualité des décisions de justice qui auront été rendues. C’est sur cette base que le Parlement pourra, ensuite, voter ou non la généralisation du dispositif. Le Gouvernement ne pourra et ne voudra rien acter sans le Parlement.

Deuxièmement, nous souhaitons conforter un dispositif dont le premier bilan, bien qu’incomplet – la mesure a à peine un an –, est prometteur.

Ce dispositif fonctionne actuellement. Il a concerné un peu plus de quarante affaires. Les premiers retours sont très encourageants. Je note d’ailleurs que, alors que leur représentation nationale est plutôt critique sur la création des cours criminelles départementales, les avocats qui travaillent concrètement dans ces juridictions considèrent qu’elles fonctionnent bien.

L’audiencement devant la cour criminelle garantit un temps d’audience suffisant pour examiner les affaires comme elles le méritent, les accusés déjà renvoyés devant les cours d’assises ne peuvent être jugés par une cour criminelle qu’avec leur accord et le taux d’appel des arrêts rendus par les cours criminelles départementales est moins élevé que celui des cours d’assises. Les cours criminelles sont donc une réponse complémentaire aux cours d’assises. Je vous rappelle qu’elles interviennent uniquement en première instance et pour juger des crimes passibles de moins de vingt ans de réclusion. Au-delà de cette durée et en appel, ce sont les cours d’assises qui sont compétentes.

Les cours criminelles départementales permettent aux justiciables, victimes comme accusés, d’obtenir des réponses plus rapides et tout aussi pertinentes dans l’affaire dans laquelle ils sont parties prenantes.

Troisièmement, je ne cache pas du tout que nous avons besoin de ce dispositif pour faire face aux difficultés que vont rencontrer les cours d’assises dans certains départements dans le contexte de reprise d’activité lié au Covid-19. Vous le savez, il est difficile aujourd’hui de trouver des jurés, raison qui a justifié l’adoption des amendements précédents. Il va falloir trouver un certain nombre de solutions complémentaires.

En outre, dans certains départements, les assises sont engorgées. C’est une autre raison de notre volonté d’étendre l’expérimentation. J’y insiste, nous avons besoin de trouver une palette de réponses pour que les situations puissent être jugées. D’ailleurs, au moment où je vous parle, nous avons reçu de nombreuses demandes d’expérimentation des cours criminelles de la part de chefs de cour pour faire face à la situation, inédite, dans laquelle nous nous trouvons.

Je pense que le Parlement aurait une responsabilité particulière si nous ne mettions pas en œuvre toutes les solutions permettant d’éviter un enlisement des cours d’assises et la correctionnalisation des affaires qui pourrait en résulter, au détriment des victimes.

Comme l’avait justement souligné le rapporteur François-Noël Buffet lors de l’examen de la loi de programmation et de réforme pour la justice, « l’allongement préoccupant des délais de jugement aux assises nécessite de rechercher des solutions innovantes » et « l’encombrement des assises conduit à la correctionnalisation massive de certains crimes, en matière de viol par exemple, ce qui ne permet pas de sanctionner ces crimes au niveau qui convient ». Sur cette base, votre collègue nous avait apporté son appui.

Les cours criminelles constituent donc une réponse solide, bien que toujours expérimentale à ce stade. Je vous propose que cette solution innovante puisse être mise à profit dans le contexte actuel, ce qui permettra de démontrer de façon plus approfondie leur efficacité et leur intérêt. Au terme de l’expérimentation, en 2022, nous pourrons dresser un bilan. Le Parlement sera alors amené à se prononcer à nouveau sur ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Je vais expliquer pourquoi.

Nous ne sommes pas opposés à l’expérimentation de la cour criminelle, qui va juger des crimes passibles de quinze à vingt ans de réclusion criminelle sans jury populaire. Cependant, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’une révolution dans le système judiciaire français tel qu’il existe depuis fort longtemps. En effet, je rappelle que, si la justice est essentiellement rendue par des magistrats, elle l’est toujours « au nom du peuple français ». C’est d’ailleurs par cette formule que commencent toutes les décisions de justice.

Les cours d’assises sont l’occasion unique pour le peuple français de venir rendre la justice, qui, d’habitude, est rendue en son nom, mais en son absence. Ce n’est pas folklorique : c’est essentiel. Que le peuple français soit mis en dehors des lieux de justice est, à cet égard, extrêmement important symboliquement.

Nous ne nous sommes pas opposés à l’expérimentation, assortie d’une évaluation au bout de trois ans, qui consistait à créer dix cours. Dans un premier temps, ce sont sept cours qui ont été créées, puis neuf. Le quota attribué, si je puis m’exprimer ainsi, n’est pas encore atteint. Quelques mois plus tard, nous en sommes à une quarantaine de procès.

Si nous ne sommes pas hostiles à cette expérimentation, nous ne voulons pas qu’elle devienne, même momentanément, une solution de remplacement au système judiciaire tel qu’il existe aujourd’hui. Or, si le nombre de cours passait de dix à trente, conformément à votre souhait, c’est presque le tiers des départements qui seraient concernés.

Sur la base d’un bilan de six mois d’activité, nous sommes en train de remplacer le système des cours d’assises par un modèle dont nous ne connaissons ni les vices ni les vertus. Il nous semble que ce n’est pas ainsi que l’on transforme le système judiciaire français, en touchant à l’une de ses composantes qui n’est pas la plus négligeable.

Pour résumer, nous disons oui à l’expérimentation, mais non au remplacement.

Vous ne dissimulez pas que cette réforme s’explique par une simple raison de gestion de stocks ; je n’en disconviens pas. De fait, c’est à cette difficulté que le système judiciaire français doit faire face aujourd’hui. Nous ne souhaitons pas que l’on fasse évoluer aussi considérablement le système judiciaire français sans connaître exactement la portée de cette réforme.

Comme vous l’avez dit, cette question a été abondamment discutée en commission, parce qu’elle est primordiale pour la justice.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes bien entendu opposés à cet amendement. Je suis d’ailleurs très étonné que vous nous le présentiez, madame le garde des sceaux. En effet, vous n’avez pas pu ignorer les débats qui ont eu lieu notamment au sein de notre commission.

Votre raisonnement pose de nombreux problèmes.

Premièrement, nous avions cru comprendre que les dispositions de ce projet de loi étaient liées à la situation d’urgence. Or tout votre discours montre qu’il s’agit, en réalité, d’instaurer un dispositif nouveau. Il ne s’agit pas d’une mesure limitée dans le temps et visant à parer à l’urgence. Vous profitez de la situation pour opérer un bouleversement de notre système judiciaire.

Deuxièmement, alors que toutes les instances nationales représentant les avocats sont naturellement réticentes à cette extension, vous affirmez tout à fait froidement que, pris individuellement, les avocats seraient très contents de ces nouvelles juridictions. Je prends acte de cet argument de la bizarrerie des avocats…

Troisièmement, le jury populaire est très important dans l’histoire de la justice française. Or il est clair que, si on laisse les choses se faire comme vous le souhaitez, on aboutira à sa disparition. On ne saurait l’accepter dans ces circonstances, sans qu’ait lieu un large débat. En effet, la justice est rendue au nom du peuple français, y compris quand elle l’est par des professionnels. De nombreuses personnalités, notamment des magistrats, sont intervenues dans la presse pour dire combien ce jury populaire était important.

Enfin, madame le garde des sceaux, alors que la majorité du Sénat a souscrit à une expérimentation concernant dix juridictions sur cent une et qu’aucune évaluation n’a été portée à notre connaissance, vous nous proposez de faire passer ce chiffre à trente, c’est-à-dire, pratiquement, d’instaurer un nouveau système. Ce n’est pas sérieux. Je suis sûr que vous en êtes consciente.

Pour ces raisons, vos arguments ne nous convainquent pas du tout. Nous voterons donc contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Je ne souhaite pas prolonger excessivement ce débat, mais je crois que nous parvenons à une étape très importante de notre discussion. Nous ne pouvons pas l’escamoter.

Madame la garde des sceaux, vous avez engagé une expérimentation. À peine a-t-elle commencé que vous voulez l’étendre, sans l’avoir même évaluée. Pourquoi n’avez-vous pas immédiatement annoncé au Parlement que votre intention n’était pas d’expérimenter ? Il semble que vous aviez depuis le début l’intention d’acclimater une nouvelle manière de procéder au jugement des criminels.

Cette question est essentielle. Notre tradition du jury d’assises remonte à la Révolution française. Tous les régimes qui se sont succédé l’ont respectée. Elle repose sur des fondements solides. Nous n’avons pas l’intention de l’abandonner pour des motifs de convenance judiciaire.

Nous pouvons partager votre préoccupation, fondée sur les moyens et l’organisation des cours d’assises. Nous pouvons nous inquiéter avec vous de la difficulté à réunir les cours d’assises en France depuis quelques années. Nous pouvons nous inquiéter du report des procès. Si vous en discutez à cœur ouvert avec nous, vous remarquerez que nous partageons votre souci de trouver une solution à ces problèmes réellement très angoissants pour l’exercice de la justice.

Pour autant, si nous entrons, à la faveur de la crise sanitaire, dans un processus d’accélération de l’élimination des cours d’assises, pour les remplacer par des tribunaux criminels, cela signifie que nous préférons, pour juger de crimes dont les accusés peuvent être exposés à de très lourdes peines de prison ou, au contraire, être relaxés, un jugement professionnel à un jugement en humanité. Je ne dis pas que les magistrats ne sont pas capables d’humanité. Dieu merci, ils le sont ! Toutefois, le choix du jury d’assises, c’est le choix de Français désignés parmi les Français, c’est le choix du citoyen-juge,…

M. Loïc Hervé. Exactement !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … qui ne se fonde pas seulement sur une appréciation en droit. Le citoyen-juge entend les témoins. Il entend les experts. Il ne se contente pas de lire un dossier. Des débats aux assises émerge, chez lui, un sentiment profond, qu’on appelle « l’intime conviction ».

Si l’on fait confiance au citoyen français, à sa capacité d’exercer des responsabilités, au suffrage universel, il faut faire confiance aux jurés d’assises. Face aux difficultés qui vous assaillent pour juger les criminels en France, il ne faut pas perdre de vue ces principes essentiels, qu’aucun de nos prédécesseurs, dans le Parlement de la République, n’a jamais abandonnés.

Voter votre réforme reviendrait à considérer que, après tout, le jury d’assises n’est pas si important, que le procès d’assises, qui, par son oralité, permet l’expression des passions, ne l’est pas non plus et que l’on peut fort bien s’acheminer vers un autre système. Ce serait la première fois depuis la Révolution française !

Madame la garde des sceaux, quel que soit notre désir d’être utile à la résolution des problèmes d’encombrement de la justice, nous ne pouvons pas accepter cette évolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Viviane Artigalas et M. Loïc Hervé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je veux dire à mon tour que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste est opposé à cette mesure et à la méthode que le Gouvernement utilise pour l’imposer.

Madame la garde des sceaux, avant d’envisager de modifier en profondeur la façon dont la justice doit être rendue dans ce pays, il faudrait d’abord dresser le bilan des neuf expérimentations qui ont été conduites.

Selon nous, la justice doit être rendue par le peuple.

Cet après-midi, j’ai assisté, avec mes collègues de la délégation aux droits des femmes du Sénat, à l’audition, en visioconférence, de M. Luc Frémiot, que vous connaissez très bien. Il a défendu ardemment cette justice du peuple. Je vous encourage à entendre sa voix.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Permettez-moi de reprendre la parole, car les sujets de ce qu’est notre institution judiciaire, de la manière dont elle fonctionne et de la justice qui est rendue au nom du peuple français sont à la fois extrêmement sensibles et tout à fait essentiels.

Il se trouve que j’ai déjà souhaité, dans le cadre d’autres instances, que la justice puisse être rendue au nom du peuple français. Sur ce point important, les choses n’ont pas évolué comme je l’aurais voulu.

Madame la rapporteure, vous avez raison : que la justice puisse être rendue au nom du peuple français est plus que symbolique, c’est tout à fait essentiel. Loin de moi l’idée de vouloir mettre fin aux cours d’assises. Cela n’est pas pensable. Cela n’est pas possible. Cela n’est pas souhaitable. Cela n’est pas envisageable. Je le dis très clairement ici.

Nous restons bien, à ce stade, dans l’idée d’une expérimentation – rien ne préjuge du bilan qui en sera fait en 2022. Nous ne voulons pas aller vers un « remplacement », pour reprendre le mot que vous avez utilisé.

En passant de dix à trente, le nombre de départements concerné reste inférieur au tiers. C’est toujours, de mon point de vue, une expérimentation.

Au demeurant, la mise en place expérimentale des cours criminelles départementales répond aux demandes extrêmement fortes des chefs de cour, dans toute la France. Ces derniers se font les porte-voix de la communauté judiciaire, à Reims, Rennes, Rouen, Toulouse, Cayenne, Fort-de-France, Grenoble, Angers, Versailles ou encore Paris.

Pour terminer, il ne s’agit pas seulement, madame la rapporteure, de gérer des stocks. Ce serait absurde.

Je n’ai pas caché que nous nous trouvions dans une situation singulière, monsieur Sueur. Il s’agit d’apporter aux victimes ou aux accusés une réponse différente, complémentaire, plus adaptée, notamment dans le temps, pour éviter que les crimes soient correctionnalisés. Nous avons eu l’occasion d’exprimer, au cours de l’examen du projet de loi de réforme pour la justice, ce souci de limiter les correctionnalisations.

Ce n’est donc pas une question de défiance ou de confiance, monsieur le président de la commission. C’est une question de vérité judiciaire : nous voulons, par ces dispositifs multiples, servir la vérité judiciaire dans toute son ampleur, sans que soit porté atteinte à la cour d’assises. Il est important qu’un crime puisse être jugé en tant que tel, que ce soit par une cour criminelle ou par une cour d’assises.

Monsieur Sueur, ce n’est pas un dispositif nouveau, puisqu’il résulte de la loi de 2019. Vous l’avez d’ailleurs dit dans la seconde partie de votre propos.

Vous affirmez que l’urgence ne justifie pas cette extension. Pourtant, Mme la directrice des affaires criminelles et des grâces m’indique que 167 sessions de cours d’assises, d’une durée moyenne de quinze jours, ont été renvoyées pour cause de Covid-19. Il va bien falloir traiter les affaires ! À cet égard, la cour criminelle départementale peut, dans certains cas, constituer une réponse adaptée et de qualité.

Pour terminer, monsieur le président de la commission, et pour rester dans un débat très respectueux des positions de chacun, non, nous n’avions pas d’intention cachée depuis le début : le nombre de cours criminelles départementales serait resté à dix si la crise du Covid-19 ne nous avait pas obligés à trouver des solutions.

Les premiers bilans ont montré que le fonctionnement de ces cours criminelles pouvait présenter des atouts. Utilisons cette possibilité pour résoudre les difficultés que nous rencontrons. Nous n’avons pas du tout l’intention d’abandonner la justice des cours d’assises, fort au contraire. C’est une justice essentielle. C’est la justice du peuple français.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 34.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er octies C, modifié.

(Larticle 1er octies C est adopté.)

Article 1er octies C
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er octies D - Amendement n° 212 rectifié

Article 1er octies D

I. – Pour toutes les procédures correctionnelles ou contraventionnelles concernant des majeurs ou des mineurs dont les juridictions pénales de jugement ont été saisies avant la date de publication de la présente loi et pour lesquelles l’audience sur le fond n’est pas encore intervenue, le président du tribunal judiciaire ou le juge par lui délégué peut, sur requête du procureur de la République adressée avant le 31 décembre 2020, décider, par ordonnance prise, dans l’intérêt de la bonne administration de la justice, au moins un mois avant la date prévue pour l’audience, de renvoyer la procédure au ministère public afin que celui-ci apprécie à nouveau la suite à y donner conformément aux dispositions des 1° et 2° de l’article 40-1 du code de procédure pénale. Ces dispositions sont également applicables en cas de saisine d’un juge des enfants aux fins d’une mise en examen.

Cette ordonnance constitue une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours. Elle peut être commune à plusieurs procédures. Elle est portée par tout moyen à la connaissance du prévenu et de la victime, le cas échéant en même temps que ceux-ci sont informés de la suite de la procédure nouvellement décidée en application du même article 40-1.

Le présent I n’est pas applicable si le prévenu est placé en détention provisoire, assigné à domicile sous surveillance électronique ou placé sous contrôle judiciaire, si le tribunal correctionnel a été saisi par une ordonnance du juge d’instruction ou sur citation directe délivrée par la partie civile.

Si la victime avait été avisée de l’audience ou s’était déjà constituée partie civile devant la juridiction, le procureur de la République s’assure que la procédure qu’il retient lui permet de demander et d’obtenir son indemnisation. S’il a recours à la procédure de l’ordonnance pénale ou à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, et si la victime avait déjà formé une demande de réparation, le juge doit statuer sur cette demande conformément aux articles 495-2-1 ou 495-13 du code de procédure pénale.

II. – Hors les cas prévus au troisième alinéa du I du présent article, le procureur de la République peut, pour toutes les procédures correctionnelles ou contraventionnelles concernant des majeurs ou des mineurs dont les juridictions pénales de jugement ont été saisies avant la date de publication de la présente loi et pour lesquelles l’audience sur le fond, prévue avant ou après cette date, n’a pas pu se tenir ou ne pourra pas se tenir en raison de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 au plus tard au 10 juillet 2020 inclus, apprécier à nouveau la suite à y donner conformément aux 1° et 2° de l’article 40-1 du code de procédure pénale et du 3° du même article 40-1 s’il n’y a pas de victime avisée de l’audience. Dans ce cas, le dernier alinéa du I du présent article est applicable.

III (nouveau). – Le présent article est applicable sur l’ensemble du territoire de la République. – (Adopté.)

Article 1er octies D
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Article 1er octies E (supprimé)

Article additionnel après l’article 1er octies D

M. le président. L’amendement n° 212 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume, Assassi, Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er octies D

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation à l’article 515-12 du code civil, les mesures mentionnées à l’article 515-11 du même code et dont le délai a été allongé par l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété sont prolongées de soixante jours.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Chacun a pu le constater, les violences conjugales ont explosé en France durant la période de confinement. Les chiffres qui nous ont été envoyés voilà deux jours par le cabinet de la secrétaire d’État, notamment le nombre de signalements, le confirment.

Une fois n’est pas coutume, je tiens à saluer le Gouvernement – je pense en particulier à Marlène Schiappa –, qui a très vite réagi et pris des mesures face aux conséquences du confinement sur les violences intrafamiliales. Des dispositifs d’alerte ont été mis en place.

Je souligne également le rôle des associations de terrain, qui ont dû agir malgré le confinement, parfois avec peu de moyens, pour répondre à ces femmes, les accompagner et les mettre à l’abri en toute urgence.

L’article 12 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 a prolongé de deux mois la durée de validité de certaines ordonnances de protection dont le délai expirait prochainement. C’était une nécessité. À défaut, de nombreuses femmes auraient été exposées à encore plus de dangers. Certes, j’ai l’impression que cette mesure est quelque peu passée inaperçue…

Nous proposons une nouvelle prolongation du délai, de deux mois. En effet, compte tenu du ralentissement de l’activité des tribunaux durant la période que nous venons de connaître – vous y avez fait allusion, madame la garde des sceaux –, des femmes qui souhaitent faire une nouvelle requête auprès des juges aux affaires familiales risquent d’être confrontées à des délais d’attente et de se retrouver sans protection dans l’intervalle. Afin de leur éviter cette nouvelle démarche et cette attente, sources de stress, il convient de prolonger de deux mois supplémentaires les ordonnances de protection, faute de quoi celles-ci expireront très prochainement.

Les ordonnances de protection, qui existent depuis dix ans, ont fait la preuve de leur efficacité. Durant cette période lourde de dangers en matière de violences conjugales, il convient de les adapter aux réalités que vivent des femmes victimes et de faciliter leur délivrance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le souci qu’exprime notre collègue Laurence Cohen est tout à fait honorable et justifié. Les difficultés dont elle fait part sont réelles.

Néanmoins, cet amendement me semble satisfait en fait et en droit. En fait, les ordonnances de protection font l’objet d’une procédure prioritaire. En droit, en application de l’ordonnance du 25 mars 2020 – vous l’avez mentionnée, ma chère collègue –, les ordonnances de protection sont prorogées jusqu’au 10 octobre prochain. Elles n’arrivent donc pas à expiration prochainement.

La protection des femmes me paraît ainsi déjà assurée. Dans ces conditions, la commission sollicite le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, pour les raisons que Mme la rapporteure vient d’exposer.

Comme vous l’avez rappelé, madame Cohen, la question des violences intrafamiliales a été prioritaire, y compris pendant le confinement. Cela faisait partie des contentieux de l’urgence qui étaient toujours traités dans les juridictions même quand elles étaient fermées pour d’autres activités. Les dispositions relatives à la prolongation des ordonnances de protection que Mme la rapporteure a rappelées me semblent satisfaire votre amendement.

M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 212 rectifié est-il maintenu ?

Mme Laurence Cohen. Non, je le retire, car il est effectivement satisfait dès lors que les ordonnances de protection sont prolongées jusqu’au mois d’octobre.

Je me réjouis que nous ayons pu aborder le sujet. Nous avons toutes et tous été beaucoup sollicités sur cette problématique pendant le confinement. Nous sommes extrêmement préoccupés. Il est bien que ces dispositifs soient prolongés quand c’est nécessaire.

M. le président. L’amendement n° 212 rectifié est retiré.

Article additionnel après l'article 1er octies D - Amendement n° 212 rectifié
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Article 1er octies F

Article 1er octies E

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 241 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L’article 8 de la loi n° 2019-707 du 5 juillet 2019 portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – »

2° Le mot : « janvier » est remplacé par le mot : « septembre » ;

3° Sont ajoutés deux paragraphes ainsi rédigés :

« II. – Par dérogation au I, les agents non titulaires de l’État régis par le droit privé travaillant pour le compte d’un service public administratif en Polynésie française peuvent choisir, dans un délai de six mois à compter de la date mentionnée au I, de conserver le bénéfice des stipulations de leur contrat de travail de droit privé.

« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment les dispositions générales et les conditions d’emploi applicables aux agents non titulaires de l’État régis par le droit public en Polynésie française. »

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Il s’agit d’un amendement de compromis. Le Sénat a supprimé le report d’un an du passage des agents non titulaires de l’État en Polynésie française vers un régime de droit public que l’Assemblée nationale avait prévu. Nous proposons un report de huit mois, afin de garantir que ce passage s’effectue dans des conditions satisfaisantes. Je sais que Mme la rapporteure a déposé un sous-amendement visant à en réduire encore la durée.

M. le président. Le sous-amendement n° 266 rectifié, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Amendement n° 241 rectifié, alinéa 4

Remplacer le mot :

septembre

par le mot :

juillet

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le statut des agents de la Polynésie française est effectivement un peu particulier. Ils sont sous l’empire d’une convention collective qui a mon âge ; autant dire qu’elle n’est pas récente ! (Sourires.) La loi avait prévu de leur donner la possibilité d’opter pour un statut d’agent contractuel de l’État au 1er janvier prochain.

Le report de l’entrée en vigueur du dispositif que le Gouvernement avait demandé avait quelque peu courroucé nos collègues de Polynésie, car ils n’avaient pas le sentiment que les travaux avaient beaucoup avancé. Nous l’avions donc refusé.

Aujourd’hui, le Gouvernement nous tend la main en proposant de ramener la durée du report à neuf mois. Pour notre part, nous proposons une durée de six mois. L’idée n’est pas d’entrer dans une discussion de marchands de tapis. Simplement, une durée de six mois me paraît raisonnable au regard de la nécessité de régulariser ces agents tout en laissant à l’administration française le temps d’effectuer le travail qui s’impose.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 266 rectifié ?

M. Marc Fesneau, ministre. La proposition de Mme la rapporteure oblige, dans le bon sens du terme, le Gouvernement à respecter des délais plus restreints et raisonnables. C’est conforme à l’esprit dans lequel nous essayons de travailler sur ce projet de loi. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 266 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 241 rectifié, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 1er octies E est rétabli dans cette rédaction.

Article 1er octies E (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er octies G (supprimé)

Article 1er octies F

(Non modifié)

Le premier alinéa du VIII de l’article 72 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 est ainsi rédigé :

« VIII. – Les 2° et 3° ainsi que les trois derniers alinéas du II de l’article 373-2-2 du code civil dans sa rédaction résultant du I du présent article, le 2° du III, le troisième alinéa du c du 2° et le 4° du V ainsi que le VI entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2021. »

M. le président. L’amendement n° 52, présenté par Mmes Lubin, Rossignol et de la Gontrie, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mme Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Nous souhaitons la suppression de cet article, car il remet en cause le nouveau dispositif qui permet une récupération plus rapide des pensions alimentaires pour les personnes qui en sont privées. Celui-ci devait entrer en vigueur le 1er juin. Or il est reporté aux calendes grecques. Je n’ai même pas vu de date.

On nous explique que c’est à cause de la crise sanitaire que ce dispositif n’est pas prêt. J’ai tout de même un peu de mal à imaginer que des mesures censées entrer en application le 1er juin n’aient pas été préparées avant le 15 mars.

Nous parlons de personnes confrontées à de grandes difficultés, qui plus est aggravées par la crise. Je ne comprendrais pas qu’on ne trouve pas de solution dans les délais prévus.

Franchement, ce qui nous est proposé est, pour le moins – je préfère ne pas utiliser le mot qui me vient à l’esprit –, regrettable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales s’est penchée sur l’important problème des impayés de pensions.

L’article 1er octies F reporte au 1er janvier au plus tard l’entrée en vigueur du dispositif d’intermédiation financière pour les caisses d’allocations familiales pour le versement des pensions alimentaires qui devait être progressivement déployé à compter du 1er juin 2020. Le report ne concerne que la première phase de la mise en œuvre, pour les nouvelles séparations et les impayés déjà constatés, étant donné que la deuxième phase devait avoir lieu à partir du 1er juin. C’est reporté à cette date pour toutes les familles séparées. En d’autres termes, une partie seulement des familles sont concernées. En attendant, celles qui font face à un impayé de pensions peuvent toujours recourir à l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, l’Aripa, qui continue d’exercer ses missions.

Pour apprécier l’opportunité du report, j’ai interrogé les services du ministère des solidarités et ceux de la CNAF. Les CAF ont bien recruté les personnels supplémentaires pour assurer le service d’intermédiation, mais une partie de ces effectifs ont été mobilisés sur les mesures exceptionnelles mises en place depuis le début de la crise. Compte tenu du confinement, la formation du personnel recruté ne pourra pas être achevée d’ici au 1er juin.

La mise en œuvre du dispositif nécessite aussi des échanges d’informations entre les tribunaux et la CAF. Sur ce point, les travaux de développement informatique ont été suspendus depuis le début du mois d’avril pour se concentrer sur les outils nécessaires aux mesures exceptionnelles des CAF. La formation des greffes des tribunaux n’a pu être mise en œuvre.

C’est pourquoi nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Madame la sénatrice, je peux partager votre sentiment ; la situation est effectivement « regrettable ». Simplement, comme M. le rapporteur pour avis vient de l’expliquer, les personnels ont bien été recrutés – la volonté était donc là –, mais ils ont été mobilisés sur des missions liées à la crise du Covid-19, et non sur celles pour lesquelles ils avaient été embauchés. C’est regrettable – vous avez raison –, mais c’est ainsi ; il a fallu faire face à des événements totalement inattendus. Nous proposons donc un décalage de six mois, ce qui permettra d’engager la première phase de la réforme dans de bonnes conditions.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er octies F.

(Larticle 1er octies F est adopté.)

Article 1er octies F
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er octies G - Amendements n° 54 rectifié et n° 257 rectifié bis

Article 1er octies G

(Supprimé)

Article 1er octies G (supprimé)
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Article 1er octies H

Article additionnel après l’article 1er octies G

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 54 rectifié, présenté par Mmes Taillé-Polian et Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur, Sutour, Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er octies G

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° À l’article L. 2312-83, après le mot : « maritime », sont insérés les mots : « ainsi que les indemnités versées en application de l’article L. 5122-1 du code du travail, » ;

2° À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 2315-61, après le mot : « maritime », sont insérés les mots : « ainsi que les indemnités versées en application de l’article L. 5122-1 du code du travail ».

II. – Le I du présent article prend effet à compter de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Le chômage partiel a été très largement utilisé, ce qui est une excellente chose, pour préserver les liens qui unissent les entreprises à leurs salariés. Cependant, cette situation entraîne un certain nombre de conséquences connexes.

Les budgets des comités sociaux et économiques (CSE) étant indexés sur la masse salariale, ils risquent de baisser fortement du fait du nombre très important de salariés qui ont été placés en chômage partiel, alors que ces instances sont des outils majeurs de dialogue social. C’est pourquoi nous proposons que les budgets puissent être abondés à la même hauteur. Si vous le souhaitez, cela peut éventuellement être limité à la période de l’état d’urgence sanitaire ; c’est le sens de l’amendement n° 257 rectifié bis, que je présenterai dans quelques instants.

L’important est d’avoir des outils de dialogue social. Ils sont peut-être imparfaits – nous en avons beaucoup débattu –, mais ils existent. Les moyens à leur disposition doivent être maintenus, afin que les salariés et leurs organisations représentatives puissent diligenter des expertises, par exemple sur la situation des entreprises ou la santé au travail ; nous voyons bien que les besoins en la matière vont être très importants.

Nous proposons donc que les budgets des CSE soient préservés.

M. le président. L’amendement n° 257 rectifié bis, présenté par Mmes Taillé-Polian et Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur, Sutour, Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er octies G

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° À l’article L. 2312-83, après le mot : « maritime », sont insérés les mots : « ainsi que les indemnités versées en application de l’article L. 5122-1 du code du travail, » ;

2° À l’avant-dernier alinéa de l’article L. 2315-61, après le mot : « maritime », sont insérés les mots : « ainsi que les indemnités versées en application de l’article L. 5122-1 du code du travail ».

II. – Le I du présent article prend effet à compter de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, et ce jusqu’à décembre 2020.

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian. Il s’agit d’un amendement de repli.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Malgré la bienveillance avec laquelle nous avons examiné ces deux amendements, notre avis est défavorable.

Il nous est proposé de prendre en compte les indemnités d’activité partielle pour le calcul des budgets des comités sociaux et économiques des entreprises, celles-ci n’étant pas comprises dans la masse salariale brute qui sert à la base de calcul.

L’amendement n° 54 rectifié est rédhibitoire. En effet, nous avons essayé de lier dans la mesure du possible les dérogations au contexte de crise et de ne pas introduire de dispositions permanentes dans le code du travail. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement. Nous pourrons toujours revenir sur le sujet à l’occasion d’un débat consacré aux CSE ou aux entreprises.

L’amendement n° 257 rectifié bis, qui vise à limiter la prise en compte des indemnités d’activité partielle à l’année 2020, est recevable. Toutefois, il ne semble ni urgent de modifier pour l’an prochain la détermination du budget des CSE ni opportun d’augmenter la contribution des employeurs dans le contexte actuel. De plus, l’activité partielle n’aura pas d’impact sur le budget des activités sociales et culturelles des CSE. En effet, le code du travail prévoit que la contribution versée chaque année par l’employeur pour financer des institutions sociales ne peut pas être inférieure aux dépenses sociales de la meilleure des trois dernières années. Il y a donc un verrou. C’est pourquoi nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. Je regrette que l’approche bienveillante de la commission des affaires sociales sur le sujet n’ait pas suffi à la convaincre.

Il y a constamment des reculs. Auparavant, les études et les expertises réalisées en cas de dangers graves ou imminents ou de réorganisations sérieuses, notamment sur la santé au travail, étaient directement prises en charge par les employeurs. Aujourd’hui, cela relève des budgets des CSE. Si ceux-ci diminuent fortement, alors que les entreprises peuvent être amenées à se réorganiser face à des difficultés ou à anticiper des crises sanitaires susceptibles de survenir, il n’y aura pas suffisamment de moyens.

Cela me paraît vraiment dommageable pour le dialogue social et la protection des salariés. Les sommes concernées n’ont rien d’extravagant au regard des aides qui ont, et c’est bien normal, été apportées aux entreprises. Je regrette donc la position qui est la vôtre.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 257 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er octies G - Amendements n° 54 rectifié et n° 257 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er octies

Article 1er octies H

Les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, les autres établissements publics administratifs d’enseignement supérieur et les autres établissements publics administratifs dont les statuts prévoient une mission d’enseignement supérieur ou de recherche sont autorisés à prolonger des contrats afin de poursuivre les activités et travaux de recherche en cours pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et directement affectés par celle-ci, y compris lorsque toute possibilité de prolongation en application des dispositions qui les régissent est épuisée.

Ces contrats sont les suivants :

1° Contrats doctoraux conclus en application de l’article L. 412-2 du code de la recherche ;

2° Contrats conclus en application de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, ayant pour objet une activité ou un travail de recherche, incluant les contrats d’attachés temporaires d’enseignement et de recherche inscrits en vue de la préparation du doctorat ou d’une habilitation à diriger des recherches ou n’ayant pas achevé leur doctorat.

Les prolongations définies au présent article peuvent prendre effet au plus tôt à compter du 12 mars 2020.

S’agissant des contrats doctoraux conclus en application de l’article L. 412-2 du code de la recherche et des contrats mentionnés au 2° du présent article, la prolongation autorisée en application du présent article est accordée selon les modalités procédurales de droit commun applicables à ces contrats. Cette prolongation supplémentaire n’est comptabilisée ni au titre du nombre de possibilités de renouvellements ou prolongations autorisés, ni au titre de la durée maximale d’exercice de fonctions en qualité de doctorant contractuel autorisée par les dispositions qui les régissent.

S’agissant des contrats conclus en application de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, ayant pour objet une activité ou un travail de recherche, la durée de cette prolongation n’est pas comptabilisée au titre de la durée de services publics de six ans prévue à l’article 6 bis de la même loi, dans la limite de la durée de l’état d’urgence sanitaire.

Les agents contractuels concernés ont jusqu’à la fin de la période de l’état d’urgence sanitaire pour présenter leur demande motivée de prolongation.

Le présent article est applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.

M. Pierre Ouzoulias. Cet article pose un cadre juridique pour permettre la prolongation des recherches scientifiques interrompues du fait de l’épidémie.

Le Conseil d’État avait instamment demandé de compléter l’étude d’impact du projet de loi avant sa transmission au Parlement. Le Gouvernement avait répondu que cela serait fait dans une fiche d’impact de l’ordonnance. Or celle-ci a été supprimée, puisque les dispositions sont à présent directement introduites dans la loi. Il aurait été de bonne politique de nous fournir les informations budgétaires dans le cadre de ce nouvel article.

Mme Frédérique Vidal a déclaré à l’Assemblée nationale que l’État prendra ses responsabilités vis-à-vis des établissements concernés, c’est-à-dire accordera les financements nécessaires aux prolongations de contrat. Je demande donc de manière assez solennelle quels moyens budgétaires le Gouvernement dégagera pour permettre la prolongation des contrats.

Mes chers collègues, ce sont 50 000 contractuels dont les travaux de recherches ont été interrompus du fait de la crise. Il est absolument essentiel pour la recherche française et pour le rayonnement de nos universités de leur permettre de reprendre leur travail. Toutes et tous ont besoin de cette prolongation de contrat. Malheureusement, les moyens des universités ne leur permettront pas de la prendre à leur charge. Il y a absolument besoin d’une enveloppe budgétaire ministérielle.

M. le président. L’amendement n° 189, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

prolonger

insérer les mots :

, sous les mêmes conditions et garanties,

La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement est, vous l’avez bien compris, un amendement d’appel.

Si les contrats sont prolongés, ils doivent l’être dans les mêmes conditions et avec les mêmes garanties que lors de leur conclusion, c’est-à-dire avec la demande de l’étudiant, la réponse du directeur de thèse et, bien entendu, l’avis de l’école doctorale.

L’essentiel – c’est un point fondamental – est que toutes les demandes soient traitées de manière homogène sur le territoire national. Il ne faut pas qu’il y ait des traitements spécifiques par université. Pour ce faire, la conférence des présidents d’université vous demande que les moyens financiers destinés à cette prolongation ne fassent pas l’objet d’une négociation « de gré à gré » entre le ministère et chaque établissement ; elle souhaite que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche définisse une enveloppe budgétaire spécifique.

Encore une fois, il y a urgence. Les recherches ont été interrompues. Elles ont besoin de reprendre. Il ne s’agit pas de petites sommes. Environ 12 000 contrats doctoraux ont été interrompus. Leur coût mensuel pour l’employeur est d’environ 2 600 euros. Dès lors, une prolongation des contrats de trois mois nécessite un budget d’environ 100 millions d’euros. Les universités ne peuvent évidemment pas assumer une telle dépense.

Je demande donc une nouvelle fois quels sont les moyens que le Gouvernement veut mettre à disposition des universités pour permettre la prolongation de ces contrats de recherche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Tout d’abord, je remercie notre collègue Pierre Ouzoulias de soulever cette question importante ; nous avons effectivement besoin d’éclaircissements en la matière.

Il est proposé dans l’amendement de faire référence aux « mêmes conditions et garanties ». Pour les conditions, cela me semble satisfait : les contrats sont prorogés du fait de dispositions qui existent déjà dans le code selon les mêmes garanties procédurales. Les garanties pécuniaires sont plus spécifiquement exposées dans l’amendement n° 57, au profit duquel je suggère le retrait de l’amendement de notre collègue Pierre Ouzoulias. J’indique d’ores et déjà que je solliciterai l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 57 : c’est un engagement gouvernemental qui conduira à proroger les contrats. Dans l’immédiat, je demande le retrait de l’amendement n° 189.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. À l’instar de Mme la rapporteure, je ne crois pas utile de faire référence aux « mêmes conditions et garanties » dans le texte. Cette préoccupation est déjà satisfaite par l’alinéa 6, aux termes duquel la prolongation autorisée est accordée « selon les modalités procédurales de droit commun ».

Au demeurant, ce ne serait sans doute pas très cohérent. L’article a pour objet de déroger aux règles pour prolonger rétroactivement certains contrats tombés, dépasser des limitations en matière de durée globale et de nombre de prolongations et neutraliser les effets de l’état d’urgence sur le déroulement des contrats. L’amendement proposé ne nous paraît ne pas aller dans ce sens. De toute manière, nous allons devoir déroger à un certain nombre de choses.

Je ne veux pas laisser l’intervention de M. Ouzoulias sans réponse. Le Gouvernement a bien la volonté d’accompagner financièrement les acteurs concernés et d’être à la hauteur des enjeux liés à l’état d’urgence sanitaire. Néanmoins, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Ouzoulias, l’amendement n° 189 est-il maintenu ?

M. Pierre Ouzoulias. Non, je le retire au profit de l’amendement n° 57, qui est en effet plus complet.

Je souhaite faire une précision technique. Dans beaucoup de formations, il y a l’obligation d’un nombre minimum d’années de thèse. Vous ne pouvez vous présenter à des concours qu’à la condition d’avoir passé votre thèse en deux ans ou trois ans. Un étudiant qui n’aurait pas pu faire sa troisième année de thèse et qui serait obligé d’en faire une quatrième doit avoir les mêmes garanties que s’il avait pu réaliser sa troisième année.

M. le président. L’amendement n° 189 est retiré.

L’amendement n° 56, présenté par Mme S. Robert, MM. Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. P. Joly, Kanner, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes de la Gontrie, Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer les mots :

et directement affectés par celle-ci

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Cet amendement vise à élargir le périmètre des contrats doctoraux qui pourront être prolongés. La précision selon laquelle ces derniers doivent avoir été directement affectés par la crise du Covid-19 risque d’aboutir à une complexification administrative inopportune et à un resserrement du nombre de bénéficiaires peu pertinent sur le fond.

Dans les faits, il y a eu des fermetures de laboratoires et de bibliothèques. Concrètement, il est évident qu’une fermeture d’un mois ou de deux mois d’un laboratoire peut remettre complètement en cause un travail doctoral qui était en cours. Compte tenu de la difficulté de faire une thèse – cela reste une épreuve relativement importante et ardue –, c’est tout le parcours du doctorant qui peut être remis en cause.

À nos yeux, c’est un vrai problème. Au demeurant, les précaires de la police et de la gendarmerie sont, semble-t-il, traités différemment des précaires de l’enseignement supérieur. Leurs contrats peuvent être prolongés pendant six mois après l’état d’urgence sanitaire – bien entendu, les métiers de la sécurité sont importants –, alors que les contrats doctoraux ne peuvent l’être que dans les limites de l’état d’urgence sanitaire.

Il faut tenir compte de la difficulté forte que la situation a représentée pour l’ensemble des doctorants et en tirer les conséquences.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la mention selon laquelle les contrats qui pourraient être prolongés doivent avoir été directement affectés par la crise du Covid-19. Cette disposition implique effectivement de démontrer un lien direct de causalité.

Avec la fermeture des établissements, des bibliothèques et des laboratoires, on ne voit pas bien quels travaux n’auraient pas été affectés par la crise du Covid-19. Il me semble donc que la preuve demandée peut se présumer. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement est tout à fait conscient des difficultés que la crise a créées. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de dispositions relatives à la situation spécifique des doctorants ont été intégrées dans le projet de loi.

Reste que cet amendement pose un problème : il tend à fixer une règle absolue et générale. Or si beaucoup de doctorants, certainement la majorité, sont concernés, tous ne le sont pas forcément. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 56.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 57, présenté par Mme S. Robert, MM. Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. P. Joly, Kanner, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes de la Gontrie, Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

modalités procédurales

insérer les mots :

et conditions matérielles

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Il n’est pas nécessaire que je développe outre mesure : tous les arguments ont déjà été donnés par Pierre Ouzoulias, qui a retiré son amendement au profit du nôtre.

Nous souhaitons bien évidemment que cette disposition importante soit adoptée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit d’assurer les conditions matérielles des doctorants dont les contrats sont prolongés. Je reconnais que le terme « conditions matérielles » est un peu vague, même si nous partageons tous la proposition de fond développée dans cet amendement. C’est pourquoi j’ai indiqué vouloir solliciter l’avis du Gouvernement. Vous avez indiqué que l’État serait au rendez-vous, monsieur le ministre. Mais dans quels termes le sera-t-il ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Il me semble que nous partageons le même objectif, mais que cette adjonction est inutile, compte tenu de la nature de la mesure proposée.

S’agissant de la prolongation des contrats, le niveau des rémunérations et des droits afférents applicables est, en l’absence de dispositions plus favorables, celui du contrat que l’on prolonge. Cette précision devrait vous rassurer.

En conséquence, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Kerrouche, l’amendement n° 57 est-il maintenu ?

M. Éric Kerrouche. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Cette précision me semble essentielle.

Les travaux d’un grand nombre de docteurs se déroulent en bibliothèque. Lorsque celle-ci rouvre, ils peuvent reprendre leurs travaux. Toutefois, un certain nombre de chercheurs, en biologie par exemple, effectuent leurs analyses sur des cohortes d’animaux. Je suis désolé de vous le dire aussi abruptement, mes chers collègues, mais ces animaux ont été tués. Il faut donc reconstituer la totalité des cohortes. Si le contrat de l’étudiant est prolongé, mais que celui-ci n’a pas les moyens matériels de reconstituer les conditions de sa recherche, à quoi cela va-t-il lui servir ?

À travers cet amendement, mon collègue demande donc très justement que la prolongation des contrats doctoraux s’accompagne de crédits de recherche pour permettre la réalisation des projets qui n’ont pu aller jusqu’à leur terme. Cela me semble absolument essentiel.

Monsieur le ministre, vous nous dites que le Gouvernement fait face à ses engagements, mais j’aurais aimé avoir des chiffres. La CPU a fourni une estimation autour de 100 millions d’euros. Ce n’est pas une petite somme pour l’enseignement supérieur.

Je vous rappelle que votre collègue ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Mme Vidal, a promis que, dans un élan budgétaire historique, elle abonderait le budget de la recherche en 2021 d’une somme de 400 millions d’euros. Vous voyez donc exactement quel budget est nécessaire cette année, de toute urgence, pour éviter un drame majeur dans la recherche française. J’entends bien votre engagement, mais nous aimerions que vous nous précisiez à quel niveau il va se situer.

Encore une fois, l’impact de cette crise pour la recherche est majeur. On risque de perdre des chercheurs et, in fine, le rayonnement intellectuel de notre pays.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 57.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 95 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, MM. Perrin, Raison et Grosdidier, Mme Lavarde, MM. Sol, D. Laurent, Grand, Bonne, Pemezec, Brisson, Leleux et Bonhomme, Mmes Micouleau, Gruny et Deroche, MM. Lefèvre et Sido, Mme Primas, M. Gremillet, Mme Bruguière, MM. Daubresse et B. Fournier, Mme M. Mercier, MM. Karoutchi et Savin, Mme Estrosi Sassone, M. Piednoir, Mme Richer, MM. Vaspart, Vogel et Schmitz, Mme Lamure, MM. Pierre, Frassa, Cardoux, Mandelli et Cambon, Mmes Deseyne et de Cidrac, M. Saury, Mmes Di Folco, Puissat, Lopez, Imbert, Deromedi, Delmont-Koropoulis, Chauvin et Canayer, M. Dallier, Mme Raimond-Pavero, MM. Rapin et Milon, Mmes Dumas et Thomas, M. Bazin, Mmes Troendlé et Morhet-Richaud, MM. Longuet, Kennel et H. Leroy, Mme Renaud-Garabedian et MM. Calvet et J.M. Boyer, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer les mots :

la période de l’état d’urgence sanitaire

par les mots :

l’année en cours

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Je partage évidemment les préoccupations de Pierre Ouzoulias. Il y a certes les ressources supplémentaires que l’on peut prévoir cette année, mais il faudra surtout aider notre ministre de la recherche – elle est à mon avis elle-même convaincue de la nécessité de cet effort – à convaincre Bercy de débloquer beaucoup de fonds dans le projet de loi de finances pour 2021 et pour les trois années de compensation.

Le présent amendement a pour objet de permettre aux doctorants et jeunes chercheurs dont les travaux ont été retardés par la crise sanitaire de pouvoir déposer leur demande de prolongation jusqu’à la fin de l’année en cours. Ce délai supplémentaire doit permettre aux chercheurs concernés de pouvoir se préoccuper, en première intention, de relancer leurs recherches. Comme M. Ouzoulias l’a souligné, des doctorants en sciences humaines ou en biologie n’ont certainement pas vécu leurs travaux de la même façon pendant le confinement. Il doit également faciliter le travail de traitement des établissements en leur accordant plus de temps, dans une période où leurs effectifs sont déjà très largement mobilisés par la crise sanitaire actuelle, puis par la préparation de la prochaine rentrée.

Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai dans la foulée l’amendement n° 92 rectifié.

M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 92 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, MM. Perrin, Raison et Grosdidier, Mme Lavarde, MM. Sol, D. Laurent, Grand, Bonne, Pemezec, Brisson, Leleux et Bonhomme, Mmes Micouleau, Gruny et Deroche, MM. Lefèvre et Sido, Mme Primas, M. Gremillet, Mme Bruguière, MM. Daubresse et B. Fournier, Mme M. Mercier, MM. Karoutchi et Savin, Mme Estrosi Sassone, M. Piednoir, Mme Richer, MM. Vaspart, Vogel et Schmitz, Mme Lamure, MM. Pierre, Frassa, Cardoux, Mandelli et Cambon, Mmes Deseyne et de Cidrac, M. Saury, Mmes Di Folco, Puissat, Lopez, Imbert, Deromedi, Delmont-Koropoulis, Chauvin et Canayer, M. Dallier, Mme Raimond-Pavero, MM. Rapin et Milon, Mmes Dumas et Thomas, M. Bazin, Mmes Troendlé et Morhet-Richaud, MM. Longuet, Kennel et H. Leroy, Mme Renaud-Garabedian et MM. Calvet et J.M. Boyer, et ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Par dérogation à l’article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration, les établissements mentionnés au premier alinéa ont un délai de trois mois pour statuer sur leur demande. Au-delà de ce délai, le silence de l’administration vaut décision de rejet.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Laure Darcos. L’article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration dispose que le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet, notamment dans les relations entre l’administration et ses agents, ou si la demande présente un caractère financier, ce qui est le cas en l’occurrence, puisque tous les contrats concernés par cet article sont rémunérés.

Comme la demande de prolongation doit être présentée à l’administration au plus tard le 10 juillet 2020, date à ce jour de la fin de la période d’état d’urgence sanitaire, nombre de décisions implicites de rejet pourraient survenir d’ici au 10 septembre 2020, alors que les universités seront fermées au mois d’août. Afin de permettre un traitement serein et équitable des demandes de prolongation d’un contrat doctoral ou d’un contrat de recherche, le présent amendement vise à ce que les établissements disposent d’un délai de trois mois pour répondre avant que leur silence ne puisse être considéré comme une décision de rejet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’amendement n° 95 rectifié me semble positif pour les doctorants, qui doivent pouvoir se concentrer sur leur travail plutôt que sur la prolongation de leur contrat. La commission a donc émis un avis favorable, de même d’ailleurs que sur l’amendement n° 92 rectifié, qui me semble opportunément sécuriser la situation des doctorants qui demandent une prorogation de leur contrat, sans obérer celle des universités qui doivent y répondre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Nous comprenons l’objectif de l’amendement n° 95 rectifié, madame Darcos.

À ce stade, la fin de l’état d’urgence est envisagée au 10 juillet 2020. Le Parlement devra évidemment prochainement délibérer de cette question, mais, en l’état du texte, la demande de prolongation des contrats doit en effet être déposée au plus tard à cette date.

Cela étant, ce choix résulte d’un équilibre entre les intérêts des personnels concernés et des établissements employeurs. On ne peut repousser trop loin dans le temps l’échéance d’une prolongation éventuellement rétroactive des contrats. Les jeunes chercheurs doivent savoir rapidement quel sera leur avenir et les établissements doivent connaître leurs engagements contractuels pour la rentrée.

La date que vous proposez me paraissant très tardive, je sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement n° 92 rectifié vise à laisser trois mois aux établissements d’enseignement supérieur pour répondre aux demandes de prolongation des contrats doctoraux. Cette proposition est favorable aux doctorants contractuels et aux bénéficiaires d’un contrat de recherche comme aux instances dirigeantes des établissements d’enseignement supérieur et de recherche, qui auraient un délai supplémentaire avant que l’absence de réponse à une demande de prolongation ne devienne une décision implicite de rejet. En conséquence, l’avis est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 95 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 92 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 60 est présenté par Mme S. Robert, MM. Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. P. Joly, Kanner, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes de la Gontrie, Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, MM. Raynal et Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 190 est présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les bénéficiaires des contrats doctoraux conclus en application de l’article L. 412-2 du code de la recherche et prolongés au titre du présent article sont exonérés des droits d’inscription dus au titre de l’article 48 de la loi de finances pour l’exercice 1951 (n° 51-598 du 24 mai 1951), pour l’année supplémentaire de scolarité en vue de la préparation du doctorat.

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…- La perte de recettes résultant pour les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, les autres établissements publics administratifs d’enseignement supérieur et les autres établissements publics administratifs dont les statuts prévoient une mission d’enseignement supérieur ou de recherche du présent article est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Éric Kerrouche, pour présenter l’amendement n° 60.

M. Éric Kerrouche. Nous avons précédemment établi des distinctions selon les matières des doctorats en fonction des effets de la pandémie sur les travaux de recherche en cours.

Les doctorants en sciences dures – biologie, physique, etc. – ont sans doute été plus touchés. Pour autant, des tests et des expérimentations sont également nécessaires en sociologie ou en psychologie sociale.

Le panel des doctorants dont les travaux ont été interrompus par cette pandémie me semble donc extrêmement large, et comme une période de deux mois se rattrape difficilement dans le cadre d’une thèse, certains étudiants devront se réinscrire pour l’année à venir. Étant donné la situation, nous proposons qu’ils puissent être exonérés du paiement des droits d’inscription pour l’année supplémentaire qui sera nécessaire à la préparation de leur doctorat.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 190.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, vous aurez remarqué que la recherche est traitée de façon consensuelle dans cet hémicycle et que les différents « cantons » de notre assemblée expriment finalement les mêmes préoccupations.

Au sein de la commission de la culture, nous avons en effet le sentiment que la recherche est aujourd’hui dans une situation d’extrême gravité. Je citerai juste un chiffre : la France est le seul pays de l’OCDE dans lequel le nombre de docteurs baisse tous les ans depuis dix ans. C’est évidemment un signal catastrophique pour notre recherche.

S’inscrire en thèse, c’est lourd financièrement, l’équivalent de 500 euros en moyenne. En raison du niveau élevé des droits d’inscription, il se pourrait bien malheureusement que des étudiants n’arrivent pas à se réinscrire, parce qu’ils n’en auront pas les moyens. Cette exonération leur permettra de continuer leur travail, alors que, cette année, ils ont payé 500 euros, mais ont reçu de l’université un service extrêmement défaillant. Je ne présenterai donc pas cette mesure comme une exonération, mais plutôt comme une indemnisation.

Le 13 mai dernier, Mme la ministre de l’enseignement supérieur a écrit en ces termes à tous les chercheurs : « C’est ensemble que nous participerons à construire un avenir pour la France et à faire connaître plus encore les valeurs portées par notre communauté. Notre pays a plus que jamais besoin de vous, de votre énergie et de votre talent. » Aujourd’hui, les chercheurs ont surtout besoin de cette exonération !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. On a bien compris la difficulté qui consisterait, pour les doctorants dont les contrats seraient prolongés, à s’acquitter des frais de scolarité. Ces amendements prévoient donc qu’ils ne s’en acquittent pas, la moins-value pour le budget des universités étant compensée par une dotation de l’État.

Toutefois, je crains fort, mes chers collègues, qu’il ne soit pas possible de prendre une telle mesure hors d’une loi de finances. Quel que puisse être l’intérêt de ce dispositif, je sollicite donc le retrait de ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Vous proposez, à travers ces amendements, d’exonérer les doctorants contractuels de droits d’inscription universitaires.

Monsieur Ouzoulias, vous avez souligné la volonté unanime du Sénat de défendre la recherche et, à travers elle, les doctorants. Le Gouvernement partage cet objectif, puisqu’il a précisément introduit une disposition dans le présent projet de loi.

Vous nous invitez au fond à aller plus loin sur les droits d’inscription. Au-delà du fait, souligné par Mme la rapporteure, que c’est une affaire de loi de finances, le dispositif de prolongation que nous proposons me semble satisfaisant. Je rappelle que la prolongation pourra aller jusqu’à un an si nécessaire, alors que la période d’état d’urgence sanitaire est pour l’instant prévue pour durer un peu moins de quatre mois.

Notre dispositif permet donc de répondre à votre sollicitation. Le doctorant contractuel étant rémunéré, la compensation de l’empêchement dû au Covid-19 est donc réelle sur toute cette période, sans qu’il soit besoin d’y ajouter l’exonération de droits d’inscription pour la prochaine année universitaire.

Par ailleurs, une telle exonération, réservée aux seuls doctorants contractuels prolongés, me semble discutable en termes d’égalité de traitement et d’égal accès à l’instruction, des principes encore rappelés récemment par le Conseil constitutionnel.

Pour ces différents motifs, l’avis est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. En effet, nous ne sommes pas dans le cadre d’une loi de finances, et j’en suis désolée pour mon ami Pierre Ouzoulias.

En revanche, nous sommes nombreux à attendre avec beaucoup d’impatience la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, qui, je l’espère, sera présentée au Parlement, si ce n’est à la fin de l’année, tout du moins l’année prochaine. L’un de ses buts premiers est de pouvoir revaloriser les doctorants. Nous attendons donc ce texte avec impatience au Sénat, en espérant que nous aurons gain de cause.

M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le ministre, bien évidemment, je souhaite que tous les doctorants profitent de cette indemnisation – je préfère le dire ainsi –, mais je suis obligé de ne viser que les contrats doctoraux, sinon mon amendement serait considéré comme un cavalier dépourvu de tout lien avec le texte et déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution. Mais si vous voulez faire profiter tous les doctorants de cette exonération, je suis d’accord !

S’agissant maintenant du problème budgétaire, si mon amendement est passé sous les fourches caudines de l’article 40 de la Constitution, c’est parce qu’il est gagé. Vous pouvez néanmoins lever le gage, ce qui résoudrait le problème et nous éviterait d’aller jusqu’à la loi de finances rectificative, dont je doute qu’elle comporte des mesures budgétaires pour permettre la prolongation de ces contrats.

Je voudrais terminer par une information technique un peu complexe. Quand vous êtes en dernière année de thèse, vous avez l’obligation de soutenir votre thèse avant le mois de décembre. Si vous ne le faites pas, vous devez alors vous réinscrire pour une année supplémentaire. Les trois ou quatre mois de confinement peuvent donc obliger certains doctorants à différer leur soutenance de thèse et à repayer 500 euros pour deux ou trois mois de retard seulement. Nous voulons éviter une mesure qui apparaîtrait discriminatoire pour celles et ceux qui n’ont pas pu soutenir dans les délais leur thèse de doctorat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 60 et 190.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er octies H, modifié.

(Larticle 1er octies H est adopté.)

Article 1er octies H
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Article 1er nonies

Article 1er octies

(Non modifié)

I. – À titre exceptionnel et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions prévues à l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, les montants de la cotisation annuelle mentionnée au IV de l’article L. 421-8 du code de l’environnement, les statuts mentionnés à l’article L. 421-9 du même code ainsi que le montant des contributions mentionnées à l’article L. 426-5 dudit code sont fixés par le conseil d’administration des fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs en lieu et place de leur assemblée générale, lorsque l’assemblée générale ne peut être réunie du fait de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

À titre exceptionnel et jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée, les statuts mentionnés à l’article L. 429-28 du code de l’environnement sont adoptés par le comité des fonds départementaux d’indemnisation des dégâts de sanglier des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, en lieu et place de leur assemblée générale, lorsque l’assemblée générale ne peut être réunie du fait de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

II. – Le I entre en vigueur le 12 mars 2020. – (Adopté.)

Article 1er octies
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Article additionnel après l'article 1er nonies - Amendement

Article 1er nonies

Par dérogation à l’article L. 2195-4 du code de la commande publique, l’acheteur ne peut procéder à la résiliation unilatérale d’un marché public au motif que le titulaire est admis à la procédure de redressement judiciaire instituée par l’article L. 631-1 du code de commerce ou à une procédure équivalente régie par un droit étranger si cette admission intervient avant le 10 juillet 2021 inclus.

Le présent article est applicable aux marchés publics conclus par l’État et ses établissements publics dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

M. le président. L’amendement n° 119 rectifié, présenté par MM. Capus, Malhuret, Menonville et Guerriau, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Wattebled, Bignon, Chasseing, Fouché, Amiel, Decool, Laufoaulu et A. Marc, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Cet article dispense, pendant toute la période d’état d’urgence sanitaire, un opérateur économique de l’obligation de notifier à l’acheteur public son éventuel placement en redressement judiciaire.

En temps normal, l’acheteur public peut suspendre l’exécution d’un contrat dès lors qu’il est informé que l’exécuteur fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire sans en avoir notifié l’acheteur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’article dont il est demandé la suppression tend à ce qu’un acheteur ne puisse pas résilier un marché public au seul motif que son cocontractant serait en redressement judiciaire. On sait en effet qu’un assez grand nombre d’entreprises vont connaître des difficultés, et il ne faudrait pas les pousser à la liquidation en résiliant les contrats pour ce seul motif.

Pour autant, d’autres motifs permettront de mettre fin à ce contrat, notamment la non-exécution de la prestation.

Il a semblé à la commission que cet article reposait sur un équilibre raisonnable pour l’économie des entreprises de ce pays. C’est pourquoi elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Il est défavorable, pour les mêmes motifs.

Contrairement à ce que vous indiquez dans l’objet de votre amendement, monsieur Guerriau, l’article 1er nonies ne dispense pas le titulaire d’un marché public placé en situation de redressement judiciaire d’informer l’acheteur de cette situation. Sur ce point, il ne déroge ni à l’article L. 2195-4 du code de la commande publique ni aux dispositions du code de commerce. L’objectif de l’article 1er nonies est uniquement de faire obstacle à la possibilité offerte à l’acheteur de résilier le marché au seul motif du défaut d’information de la part de l’entreprise.

Comme l’a dit Mme la rapporteure, de nombreuses entreprises risquent de passer en procédure de redressement judiciaire, compte tenu de la crise. Il convient de leur permettre de poursuivre l’exécution de leurs marchés publics, ce qui représente bien souvent le seul moyen pour elles d’éviter la liquidation judiciaire. Nous y voyons une mesure de sauvegarde des entreprises.

M. Joël Guerriau. Je retire l’amendement !

M. le président. L’amendement n° 119 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er nonies.

(Larticle 1er nonies est adopté.)

Article 1er nonies
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Article additionnel après l'article 1er nonies - Amendement n° 96 rectifié

Articles additionnels après l’article 1er nonies

Article additionnel après l'article 1er nonies - Amendement
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Article additionnel après l'article 1er nonies - Amendement n° 98

M. le président. L’amendement n° 96 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Après l’article 1er nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la consommation est ainsi modifié :

1° L’article L. 741-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « non professionnelles » sont remplacés par les mots : « , professionnelles et non professionnelles, » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

2° L’article L. 742-22 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « non professionnelles » sont remplacés par les mots : « , professionnelles et non professionnelles, » ;

b) Le second alinéa est supprimé.

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. La période actuelle appelle une vigilance toute particulière sur les risques de surendettement des particuliers. Sur ce sujet, une incohérence de fond émerge.

À l’exception de celles résultant d’un engagement de caution pris en faveur d’une société, les dettes professionnelles sont en effet exclues de tout effacement dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel, ce alors même qu’elles sont prises en compte dans d’autres procédures.

Cela comporte plusieurs effets pernicieux à notre sens.

Premièrement, les débiteurs concernés se trouvent incités à privilégier d’autres mesures de traitement du surendettement que cette procédure de rétablissement personnel.

Deuxièmement, un privilège indu peut apparaître au profit des créanciers professionnels.

L’exclusion des dettes professionnelles de la procédure de rétablissement personnel est d’autant plus problématique que cette procédure se caractérise par sa finalité de redressement. C’est pourquoi nous souhaitons, par le présent amendement, harmoniser la prise en compte des dettes professionnelles dans le traitement du surendettement des particuliers.

Une telle mise en cohérence se justifie particulièrement dans le contexte que nous connaissons, qui n’est pas sans effet sur la capacité des particuliers à faire face à leurs obligations.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je ne l’apprends à personne, un certain nombre de chefs d’entreprise vont se trouver en difficulté dans les mois et peut-être même les années à venir.

Suivant le statut sous lequel ils exercent, certaines de leurs dettes pourront n’être prises en compte ni par les procédures civiles de rétablissement personnel ni par les procédures commerciales, dites « procédures collectives ». Cet amendement vise à pouvoir prendre en compte cette catégorie de dettes. L’adopter m’apparaîtrait de bonne justice. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 96 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er nonies - Amendement n° 96 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er nonies - Amendement n° 256 rectifié

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er nonies.

L’amendement n° 98, présenté par M. Patriat et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Après l’article 1er nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Jusqu’au 10 juillet 2021, les acheteurs soumis au code de la commande publique peuvent passer un marché public, y compris un marché public de défense ou de sécurité, négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables portant sur des travaux, fournitures ou services répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes.

Lorsqu’ils font usage de cette faculté, les acheteurs veillent à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin.

II. – Le présent article s’applique aux marchés publics conclus par l’État ou ses établissements publics en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Cet amendement a pour objet de permettre la relance de la commande publique, essentielle pour nos établissements publics et pour nos TPE-PME dans cette période particulière.

Cet amendement d’appel vise donc à adapter temporairement les règles de la commande publique.

M. le président. Le sous-amendement n° 270, présenté par M. Requier et Mmes Costes et Laborde, est ainsi libellé :

Amendement n° 98

I. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

Jusqu’au 10 juillet 2021

par les mots :

Pour la durée et durant l’année suivant la date à laquelle il est mis fin à l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19

II. – Alinéa 4

Après le mot :

offres

insérer les mots :

, y compris émanant des opérateurs admis à la procédure de redressement judiciaire instituée par l’article L. 631-1 du code de commerce ou à une procédure équivalente régie par un droit étranger,

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. L’absence de publicité pour la commande publique me dérange quelque peu dans l’amendement n° 98.

Avec votre permission, monsieur le président, je traiterai ensemble les sous-amendements nos 270, 271 et 272.

M. le président. Le sous-amendement n° 271, présenté par M. Requier et Mmes Costes et Laborde, est ainsi libellé :

Amendement n° 98, alinéa 3

Remplacer les mots :

Jusqu’au 10 juillet 2021

par les mots :

Pour la durée et l’année suivant la date à laquelle il est mis fin à l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19

Le sous-amendement n° 272, présenté par M. Requier et Mmes Costes et Laborde, est ainsi libellé :

Amendement n° 98, alinéa 4

Après le mot :

offres

insérer les mots :

, y compris émanant des opérateurs admis à la procédure de redressement judiciaire instituée par l’article L. 631-1 du code de commerce ou à une procédure équivalente régie par un droit étranger,

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Jean-Claude Requier. Je vais commencer par retirer les sous-amendements nos 270 et 271, monsieur le président.

M. le président. Les sous-amendements nos 270 et 271 sont retirés.

M. Jean-Claude Requier. En revanche, je maintiens le sous-amendement n° 272, qui vise à admettre dans les appels d’offres des opérateurs soumis à une procédure de redressement judiciaire.

M. le président. Le sous-amendement n° 275, présenté par Mme Laborde, est ainsi libellé :

Amendement n° 98, alinéa 3

1° Supprimer les mots :

publicité ni

2° Remplacer le mot :

préalables

par le mot :

préalable

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. L’amendement n° 98 risque d’apporter une mauvaise réponse à une vraie question, celle de la relance économique. Le présent sous-amendement vise donc à conserver les mesures de publicité, afin de permettre à toutes les entreprises de connaître les marchés en cours.

Sous prétexte d’accélérer les choses, cet amendement introduirait de l’opacité, seules les PME et les TPE proches des collectivités concernées ayant connaissance des marchés publics. Plutôt que de supprimer la publicité, il est préférable d’en assouplir les modalités.

En tant que membre de la commission de la culture, je pense à la presse. Cet amendement risquerait d’avoir un impact négatif immédiat et important sur les ressources des éditeurs, notamment de PQR et PHR. Ils sont très inquiets et n’ont pas besoin de cela en ce moment. Nous devons donc trouver un équilibre.

M. le président. Le sous-amendement n° 276, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :

Amendement n° 98, alinéa 3

1° Supprimer les mots :

publicité ni

2° Remplacer le montant :

100 000

par le montant :

90 000

La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. L’amendement vise à instituer un seuil de 100 000 euros, qui n’existe pas actuellement dans le code des marchés publics. Je propose donc me référer au seuil connu de 90 000 euros, ce qui éviterait la multiplication des seuils.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’heure est venue de me couvrir la tête de cendres : je n’avais pas vu que l’amendement de M. Patriat était de nature réglementaire, et non législative.

M. Loïc Hervé. C’est ballot !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Cela m’étonne de vous ! (Sourires.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission des lois du Sénat ne peut évidemment pas permettre une telle infraction à la Constitution.

Pour me couvrir une deuxième fois la tête de cendres, je dois dire que je m’en suis aperçue à la suite de l’interpellation de M. Fesneau, qui, lui, l’avait vu !

M. Loïc Hervé. Il mériterait d’être sénateur !

M. André Gattolin. Voire ministre !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je ne dirai pas si souvent du bien d’un membre du Gouvernement, profitons-en ! (Sourires.)

Pour respecter les articles 34 et 37 de la Constitution, je me dois donc nécessairement de formuler une demande de retrait auprès de l’auteur de l’amendement n° 98.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Je rougis aux compliments de la rapporteure, mais je ne suis pas certain qu’ils dureront… (Sourires.)

Cet amendement aborde un sujet de fond, mais il pose un problème de constitutionnalité. Or je sais que le Sénat veille toujours à ne pas légiférer dans ce qui relève du domaine réglementaire. En l’espèce, la loi fixe le principe de l’existence d’un seuil pour les marchés publics, mais c’est au pouvoir réglementaire d’en déterminer le montant.

Pour autant, l’amendement du président Patriat nous interpelle sur la nécessité d’assouplir un certain nombre de procédures pour faire en sorte que la commande publique, qui est un outil puissant de notre activité économique, participe pleinement à la relance des travaux publics. J’en profite pour souligner le rôle majeur que jouent les collectivités locales en la matière.

Je crois que nous partageons tous l’alerte émise par le président Patriat sur la nécessité de faciliter la commande publique durant cette période particulière, et le Gouvernement y sera très vigilant, mais les réponses passent par la voie réglementaire. C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.

Madame Laborde, je connais votre attachement à la presse, notamment à la presse quotidienne régionale, et je le partage, mais votre sous-amendement revient en fait à introduire la publicité au-dessous du seuil de 40 000 euros, ce qui aurait pour conséquence d’alourdir les procédures. Cela ne me semble pas souhaitable sur le fond.

M. le président. Mes chers collègues, il est minuit, et il nous reste cinquante amendements à examiner. Je vous propose de prolonger nos travaux cette nuit pour achever l’examen de ce texte.

Il n’y a pas d’observation ?…

Il en est ainsi décidé.

Monsieur Gattolin, l’amendement n° 98 est-il maintenu ?

M. André Gattolin. Non, je le retire. Je réponds ainsi à la demande de notre très brillant ministre, ce qui résout dans le même temps mon embarras. En effet, cet amendement, qui soulevait une question constitutionnelle, posait également un problème de fond pour la presse – c’est un sujet auquel je suis moi aussi très attaché. Je note surtout que le Gouvernement examinera avec bienveillance l’appel que représente finalement cet amendement.

Article additionnel après l'article 1er nonies - Amendement n° 98
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Article additionnel après l'article 1er nonies - Amendement n° 258 rectifié bis

M. le président. L’amendement n° 98 est retiré.

En conséquence, les sous-amendements nos 272, 275 et 276 n’ont plus d’objet.

L’amendement n° 256 rectifié, présenté par Mmes Lamure et Berthet, M. Bouchet, Mmes Chain-Larché et Estrosi Sassone, MM. Kennel, Le Nay et D. Laurent, Mmes Loisier et Morhet-Richaud, MM. Paul et Vaspart, Mme Billon, M. Cadic, Mme Deromedi, M. Gabouty, Mmes Gruny et Ramond, MM. de Nicolaÿ, Regnard et Piednoir, Mme Puissat, MM. Karoutchi et Houpert, Mme Chauvin, M. Reichardt, Mmes Noël et Bruguière, MM. B. Fournier, Savin et Pierre, Mme Dumas, MM. Chevrollier et Gremillet, Mmes Lassarade et L. Darcos, MM. Frassa, Sido et Bizet, Mme Lopez, MM. Mandelli, Daubresse, Lefèvre, Bascher, Segouin et Vogel, Mme de Cidrac, M. Chatillon, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Bonne et Cambon, Mme Troendlé, MM. Courtial et Dallier, Mme Raimond-Pavero, M. Huré, Mme Di Folco, MM. Rapin, Bazin et Brisson, Mme A.M. Bertrand, MM. Charon, Genest, Babary, Chaize et Longuet, Mmes F. Gerbaud, Thomas et Bonfanti-Dossat, MM. Gilles, H. Leroy, Canevet et Calvet, Mme C. Fournier, M. Pointereau, Mmes Procaccia et Renaud-Garabedian et M. Saury, est ainsi libellé :

Après l’article 1er nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Jusqu’au 31 décembre 2020 :

1° Pour déterminer la composition des comités de créanciers mentionnés à l’article L. 626-30 du code de commerce ainsi que, par dérogation à la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 626 30-2 du même code, le montant des créances détenues par leurs membres, l’administrateur peut être autorisé par le juge commissaire, en cas d’urgence, à se fonder sur les déclarations du débiteur et les documents comptables existants ;

2° À la demande du débiteur ou de l’administrateur, le juge-commissaire peut réduire à huit jours le délai mentionné aux deux premières phrases du troisième alinéa du même article L. 626-30-2 ;

3° Sous réserve des secrets protégés par la loi, les informations détenues par l’administration et nécessaires à la reconstitution de l’actif du débiteur placé en liquidation judiciaire sont transmises au liquidateur sous forme dématérialisée. Lui sont transmises sous la même forme les pièces déposées au greffe du tribunal relatives à ce débiteur.

II. – Le présent article est applicable aux procédures en cours à la date de publication de la présente loi.

III. Le présent article est applicable à Wallis-et-Futuna.

La parole est à M. Michel Vaspart.

M. Michel Vaspart. À la suite des auditions menées pendant le confinement par la délégation aux entreprises du Sénat et afin de faire face aux conséquences économiques des mesures prises pour limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19, cet amendement vise à accélérer et à simplifier des procédures du livre VI du code de commerce, qui traite des difficultés des entreprises.

Peu de procédures collectives sont actuellement engagées, mais il pourrait en être différemment à brève échéance. De nombreuses défaillances d’entreprises sont, hélas ! à envisager. Notre droit des procédures collectives doit s’adapter, il doit être plus réactif et agile afin de permettre de sauver un maximum d’entreprises et d’emplois.

Cet amendement tend à proposer à cet effet, jusqu’à la fin de l’année 2020, des dérogations temporaires et exceptionnelles à certaines dispositions fixées par le code de commerce relatives au redressement des entreprises. Dans une perspective d’accroissement significatif du nombre de faillites à venir, il s’agit de rendre les procédures collectives plus efficaces et plus rapides.

L’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie poursuit le même objectif avec des dispositions applicables pour l’essentiel jusqu’à la fin de 2020. Cet amendement va, sur certains points, plus loin. Il propose, jusqu’au 31 décembre 2020 – l’ensemble des délais prévus tant par l’ordonnance que par l’amendement auront sans doute vocation à être prorogés le moment venu –, d’accélérer un délai des plans de sauvegarde, de permettre à l’administrateur de se voir autoriser par le juge-commissaire, en cas d’urgence, à se fonder sur les déclarations du débiteur et les documents comptables existants et de permettre aux professionnels un accès simplifié et exhaustif aux données pour faciliter l’accélération des procédures collectives.

Par ailleurs, il faut souligner que l’objectif de déstigmatiser les entreprises, dont l’activité s’est arrêtée du jour au lendemain de façon involontaire, non en raison d’une faute de gestion, mais de décisions de l’État, nécessite de permettre aux entreprises un rebond rapide. Dans ce but, l’article 8 de l’ordonnance du 20 mai 2020 ramène le délai au terme duquel est radiée du registre du commerce et des sociétés la mention d’une procédure collective, lorsque le plan arrêté est toujours en cours, de deux ans à un an. Cette disposition est certes d’ordre réglementaire, mais nous estimons qu’une réduction à six mois, voire trois mois, aurait été préférable afin de faciliter la reprise économique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Notre économie va souffrir. C’est pourquoi cet amendement vise à rendre les procédures collectives plus rapides pour faciliter le rebond, ce qui me paraît nécessaire. La commission a donc émis un avis favorable.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Dans le cadre de l’article 38 de la Constitution, le Parlement a déjà habilité le Gouvernement à prendre des dispositions de nature législative pour répondre aux difficultés rencontrées par les entreprises. Comme cela a été rappelé, deux ordonnances ont été prises sur cette base le 27 mars et le 20 mai.

L’amendement tend à introduire des règles relatives aux comités de créanciers. Il s’agit de questions complexes – les explications données par M. Vaspart le montrent bien. Qui plus est, des dispositions nouvelles seront en tout état de cause adoptées l’année prochaine pour assurer la transposition de la directive Insolvabilité – nous serons dans l’obligation de la transposer, et elle prévoit de créer des classes de créanciers, comme cela existe dans d’autres pays. Une telle réforme ne peut pas être décidée dans l’urgence.

En outre, nous considérons que, dans cette période de crise sanitaire, il faut plutôt simplifier le droit des entreprises en difficulté, en permettant à tous les professionnels de trouver des solutions efficaces. Introduire une notion nouvelle, celle des comités de créanciers, ne me semble pas pertinent dans cette période particulière.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 256 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er nonies - Amendement n° 256 rectifié
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Article 1er decies

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er nonies.

L’amendement n° 258 rectifié bis, présenté par Mmes Lamure, Billon et Berthet, MM. Bouchet, Cadic et Canevet, Mme Chain-Larché, M. Danesi, Mmes Deromedi et Estrosi Sassone, M. Forissier, Mme C. Fournier, M. Gabouty, Mme Gruny, MM. Kennel et D. Laurent, Mme Morhet-Richaud, MM. Paul, Pierre et Vaspart, Mme Ramond, M. Piednoir, Mmes Puissat, Chauvin, Noël, Bruguière, Dumas et L. Darcos, MM. Frassa, Lefèvre, Bascher, Segouin, Vogel, Bonne, Dallier et Huré, Mme Di Folco, MM. Rapin, Brisson et Babary, Mmes F. Gerbaud et Bonfanti-Dossat, MM. Saury et Calvet, Mmes Renaud-Garabedian et Procaccia, MM. Raison et Perrin, Mme Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mme Deroche, MM. Houpert et Regnard, Mme Imbert, MM. Mouiller, Milon et Meurant, Mme M. Mercier, MM. Hugonet, Mandelli et Grosperrin, Mme Duranton, M. Gremillet, Mmes Micouleau, de Cidrac et Thomas et MM. J.M. Boyer, Duplomb, Allizard et Sido, est ainsi libellé :

Après l’article 1er nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Jusqu’au 31 décembre 2020, en cas de vente d’un fonds de commerce réalisée en application de l’article L. 642-19 du code de commerce, l’article L. 1224-1 du code du travail n’est pas applicable aux contrats de travail rompus en application de la décision ouvrant ou prononçant la liquidation.

II. – Le présent article est applicable aux procédures en cours à la date de publication de la présente loi.

III. – Le présent article est applicable à Wallis-et-Futuna.

La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. À la suite des auditions menées pendant le confinement par la délégation aux entreprises du Sénat et afin de faire face aux conséquences économiques des mesures prises pour limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19, la question de la reprise de tout ou partie des salariés d’un fonds de commerce qui serait cédé a été évoquée.

Cet amendement vise à assurer la préservation de l’emploi. Actuellement, il est juridiquement impossible au cessionnaire d’un fonds de commerce en liquidation judiciaire sans poursuite d’activité de reprendre tout ou partie des salariés de l’entreprise.

La jurisprudence de la Cour de cassation relative à l’article L. 1224-1 du code du travail, qui impose à l’acquéreur d’une entreprise de reprendre les contrats de travail avec le risque subséquent d’une possible réintégration de salariés licenciés antérieurement à une cession de fonds de commerce, incite paradoxalement les mandataires judiciaires en quête de sécurité juridique à licencier tous les salariés avant de procéder à la cession du fonds de commerce en l’absence de plan de cession.

Le système actuel favorise en réalité un « tout ou rien » en matière d’emplois qui risque d’avoir des effets désastreux à l’heure du déconfinement. Des milliers d’emplois sont en jeu, et ils pourraient être sauvegardés si la procédure était aménagée. Il convient donc de préciser l’article L. 642-19 du code de commerce afin de prévoir un maintien de tout ou partie des salariés de l’entreprise, malgré la cessation d’activité, en cas de cession du fonds de commerce.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit là encore de prendre en compte une situation économique difficile, en permettant à un liquidateur ou à un mandataire judiciaire de définir un périmètre de cession et de le sécuriser. La commission estime que cette adaptation sera positive pour l’économie. C’est pourquoi elle a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je comprends les intentions des auteurs de cet amendement – elles sont louables –, mais je crois que, dans cette période de crise, les acteurs économiques demandent plutôt de la sécurité juridique.

Or l’adoption de cet amendement permettrait de céder une entreprise déjà liquidée, même après les licenciements, ce qui me semble très dangereux pour la sécurité juridique du cessionnaire : soit l’entreprise n’est pas encore liquidée, et on peut la céder avec les contrats de travail, soit la liquidation a produit ses effets, et on ne peut alors céder que les actifs, c’est-à-dire les machines et les immeubles – dans ce cas, il n’est pas possible de céder l’entreprise, puisqu’elle n’existe plus et que les contrats de travail ont été résiliés.

Je ne crois pas que nous devions revenir sur ce principe, en tout cas pas maintenant, car cela fragiliserait la sécurité juridique dont les entreprises ont besoin. C’est pour cette raison que je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Madame Darcos, l’amendement n° 258 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Laure Darcos. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 258 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er nonies.

Article additionnel après l'article 1er nonies - Amendement n° 258 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er undecies (nouveau)

Article 1er decies

I. – Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de l’épidémie de covid-19, jusqu’au 31 décembre 2020 et par dérogation aux articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4 du code du travail, un accord collectif d’entreprise peut :

1° Fixer le nombre maximal de renouvellements possibles pour un contrat de travail à durée déterminée. Ce nombre ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Le présent 1° n’est pas applicable aux contrats de travail à durée déterminée conclus en application de l’article L. 1242-3 du code du travail ;

2° Fixer les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats, prévu à l’article L. 1244-3 du même code ;

3° Prévoir les cas dans lesquels le délai de carence prévu au même article L. 1244-3 n’est pas applicable.

II. – Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de l’épidémie de covid-19, jusqu’au 31 décembre 2020 et par dérogation aux articles L. 1251-12, L. 1251-35, L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail, un accord collectif d’entreprise conclu au sein de l’entreprise utilisatrice mentionnée au 1° de l’article L. 1251-1 du même code peut :

1° Fixer le nombre maximal de renouvellements possibles pour un contrat de mission. Ce nombre ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice ;

2° Fixer les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats, prévu à l’article L. 1251-36 dudit code ;

3° Prévoir les cas dans lesquels le délai de carence prévu au même article L. 1251-36 n’est pas applicable.

III. – Les stipulations de l’accord d’entreprise conclu en application des I et II du présent article sont applicables aux contrats de travail conclus jusqu’au 31 décembre 2020.

IV. – Par dérogation à l’article L. 2253-1 du code du travail, les stipulations de l’accord d’entreprise conclu en application des I ou II du présent article prévalent sur les stipulations éventuellement applicables d’une convention de branche ou d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large ayant le même objet.

M. le président. L’amendement n° 65, présenté par Mmes Lubin et Taillé-Polian, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur, Sutour, Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. L’article 1er decies adapte, par accord d’entreprise, certaines modalités du régime des contrats à durée déterminée et des contrats de mission. Il autorise l’assouplissement des conditions de recours aux contrats courts, en particulier les contrats à durée déterminée et d’intérim, et permet de déroger aux accords de branche.

La possibilité de fixer, via une convention d’entreprise, le nombre maximal de renouvellements possibles pour un contrat de travail à durée déterminée, de fixer les modalités de calcul du délai de carence entre deux CDD et de prévoir les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable va à l’encontre des droits des salariés.

Il en est de même concernant les contrats de mission. La possibilité de fixer, via une convention d’entreprise, le nombre maximal de renouvellements possibles pour un contrat de mission, de fixer les modalités de calcul du délai de carence entre deux contrats et de prévoir les cas dans lesquels le délai de carence n’est pas applicable va à l’encontre des droits des salariés.

Le dispositif pourrait être envisageable s’il se limitait à prolonger les relations de travail qui n’ont pu se dérouler dans les conditions attendues du fait de la suspension des contrats, notamment en raison du recours à l’activité partielle. Or le dispositif ne limite pas ces dérogations aux entreprises ayant eu recours à l’activité partielle. Cette possibilité d’ouverture de manière dérogatoire pour les contrats en cours de modification des dates d’échéance doit respecter le principe selon lequel un contrat court ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Cet assouplissement des règles va encourager la multiplication des contrats courts. Les plus précaires, déjà fragilisés par la crise sanitaire, vont être directement touchés par ces mesures. L’allongement des CDD ne doit pas devenir la norme, au détriment des CDI, qui sécurisent davantage les salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Sur cet article, la commission a poursuivi sa logique, en le modifiant pour veiller notamment à ce que ses dispositions soient limitées à l’année 2020 et aux conséquences de la crise. Il s’agit donc d’une souplesse encadrée. C’est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Madame Lubin, nous ne partageons pas la même lecture de cet article. Le dispositif prévu permet de proroger des contrats de travail qui se termineraient, si nous ne modifiions pas les règles. Il n’est pas question de déroger aux règles générales de recours aux CDD. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, vos explications correspondent à ce que j’avais d’abord compris, mais cet article introduit quand même une souplesse injustifiée, puisqu’il ne concerne pas seulement les entreprises qui ont fait appel à l’activité partielle.

René-Paul Savary parle d’une souplesse encadrée ; je suis certainement moins souple que lui et, en l’espèce, je préfère qu’il n’y ait pas de souplesse du tout. La souplesse prévue est tout simplement une brèche dans le droit du travail. Or certaines brèches ne se referment jamais ! Il n’est pas acceptable que les salariés servent de pions, de variables d’ajustement, alors même qu’ils fournissent d’importants efforts dans le cadre de cette crise.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Nous avons appris aujourd’hui même que le chômage avait augmenté de manière phénoménale en avril : 870 000 personnes de plus sont sans emploi, soit une hausse de plus de 20 %. Or la multiplication des possibilités de recours à des contrats à durée déterminée n’est pas une manière durable de lutter contre le chômage. C’est pourquoi nous voulons encadrer ce type de disposition. Tel est l’esprit de l’amendement présenté par Mme Lubin.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 65.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 140 rectifié, présenté par Mmes Primas et Berthet, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 5

Après les mots :

par dérogation aux articles

insérer la référence :

L. 1251-6,

II. – Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

… Autoriser le recours à des salariés temporaires dans des cas non prévus par l’article L. 1251-6 du même code.

La parole est à Mme Sophie Primas.

Mme Sophie Primas. Il existe des différences politiques entre nous, je les respecte, et il est normal qu’elles s’expriment. C’est le cas ici, puisque je vais présenter un amendement qui va exactement dans le sens inverse de celui que nous venons d’examiner, ce qui n’étonnera personne.

Mme Sophie Primas. En ce qui nous concerne, nous pensons que, dans cette période remplie d’incertitudes, nous devons apporter de la flexibilité au code du travail, tant pour les entreprises que pour les salariés.

Cette flexibilité est nécessaire pour les entreprises d’abord, car nul ne sait comment va évoluer l’activité. Dans certains secteurs, la reprise est lente, dans d’autres, elle est dynamique, mais personne ne connaît la durée du phénomène. Cette activité n’est ni durable ni sécurisée, si bien qu’elle ne peut pas être un critère de décision pour embaucher des salariés. Cela concerne à la fois les grandes entreprises et les TPE-PME.

Cette flexibilité me paraît également nécessaire, car la mise en place des mesures de protection sanitaire conduit à une baisse de productivité de 5 % à 10 %, notamment dans l’industrie. Cette baisse de productivité ne permet pas aux entreprises d’embaucher, y compris en CDD.

Enfin, cette flexibilité est nécessaire pour les salariés. Nul n’ignore les difficultés sociales qui approchent. En avril, 843 000 demandeurs d’emploi supplémentaires sont venus gonfler un taux de chômage déjà trop élevé. Par conséquent, il me semble que tout dispositif, même temporaire, est intéressant.

C’est pourquoi je propose d’ouvrir la possibilité, sous réserve d’un accord avec les partenaires sociaux et uniquement pour la période allant jusqu’à la fin de 2020, de recourir à des CDD pour des raisons qui ne sont pas codifiées aujourd’hui à l’article L. 1251–6 du code du travail. Bien évidemment, nous devrons ensuite revenir au droit commun.

M. Didier Marie. Bah voyons !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Cet amendement correspond pleinement à la logique de la commission : adopter des mesures dérogatoires, spécifiques qui contribuent au redémarrage de notre économie. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Il me semble que nous pouvons tout à fait, de manière exceptionnelle et pour une durée limitée, déroger à certaines règles. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Vous avez raison, madame la présidente Primas, il existe toujours des différences au sein d’un hémicycle, et le Gouvernement se doit de tenir une position d’équilibre,…

Mme Sophie Primas. Un équilibre bienveillant ! (Sourires.)

M. Didier Marie. « En même temps »…

M. Marc Fesneau, ministre. … ce dont vous devriez vous réjouir. (Nouveaux sourires.)

En tout cas, il me semble que les dispositions qui sont prévues dans cet article suffisent et que l’assouplissement du cadre de recours à l’intérim n’est pas la voie à suivre.

L’objet de votre amendement indique que l’intérim pourrait constituer une première étape vers un CDI. Or les cas actuellement prévus pour recourir à l’intérim, notamment le remplacement d’un salarié absent ou l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise utilisatrice, sont tout à fait appropriés pour répondre aux besoins en ressources humaines en cette période d’incertitude. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Je n’ai pas encore pris la parole, mais je commençais à bouillir !

Précédemment, vous ne vouliez pas de dispositions temporaires qui auraient permis de garantir les droits des femmes, mais, quand on parle des droits des salariés, là, ça ne vous gêne pas, y compris si ces mesures passent demain dans le droit commun. Votre projet politique, c’est de détricoter le code du travail pour être compétitif sur le grand marché international !

Monique Lubin a raison : avant, il y avait un code du travail qui s’appliquait à tout le monde de la même manière. Ensuite, sont venus les accords de branche. Maintenant, vous voulez passer à des accords d’entreprise. Or il est évident, en particulier dans la période actuelle, que les accords d’entreprise sont extrêmement défavorables aux salariés.

Je vais vous donner un seul exemple : l’entreprise Derichebourg, qui compte 1 600 salariés dans l’aéronautique. À peine le confinement terminé, la direction a convoqué une réunion extraordinaire du CSE pour dire aux représentants du personnel : soit 750 personnes sont lourdées dès juin dans le cadre d’une procédure qui porte bien mal son nom, un plan de sauvegarde de l’emploi – il vaudrait mieux l’appeler plan de licenciement –, soit, en signant un accord de compétitivité, un accord d’entreprise, les salariés acceptent de renoncer à leur treizième mois, aux primes de transport et de repas et, là, éventuellement, en septembre, peut-être que le PSE, ce plan de licenciement, ne touchera que 300 à 350 personnes…

Voilà comment les choses se passent quand un accord d’entreprise suffit ! Et ce type d’accord va se multiplier dans la période que nous vivons ! Ce n’est rien d’autre qu’un chantage à l’emploi pour revenir sur l’ensemble des conquêtes sociales. C’est pour cette raison que nous préférons que les choses soient garanties par le code du travail ou, à défaut, par un accord de branche.

Au regard de l’augmentation de 22 % du chômage, soit plus de 800 000 personnes supplémentaires, et s’il y a assez d’activité pour envisager des CDD, il faut d’abord interdire les licenciements – nous avons déposé deux amendements en ce sens – et ensuite adopter un plan de relance. Mettre en place de nouvelles dérogations ne créera nullement de l’emploi et aura pour seule conséquence de continuer de dégrader les conditions de vie des salariés de ce pays.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Madame Primas, vous avez prononcé des mots qui, pour nous, font figure d’épouvantail : modifier le code du travail. Cela n’est pas acceptable, parce que nous ne vivons pas dans un monde merveilleux, et vous le savez très bien. Même si les raisons qui justifient un recours accru aux contrats à durée déterminée sont excellentes, chacun comprend ce que cela signifie pour la suite. Vous parlez du 31 décembre 2020, mais nul ne sait ce qui se passera ensuite. Rien n’est garanti !

Fabien Gay a évoqué la société Derichebourg ; malheureusement, ce type d’annonce va se multiplier dans les jours et semaines qui viennent.

Si des mesures exceptionnelles sont nécessaires au-delà du 31 décembre 2020 pour sauver un grand nombre d’entreprises, nous devrons mettre en place des garanties. Vous avez parlé de dialogue social – j’en prends acte, car c’est effectivement très important –, c’est justement au nom du dialogue social et du rôle des organisations syndicales que nous ne pouvons pas ouvrir de telles brèches dans le code du travail.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 140 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er decies, modifié.

(Larticle 1er decies est adopté.)

Article 1er decies
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er duodecies (nouveau)

Article 1er undecies (nouveau)

Le livre V du code de la consommation est ainsi modifié :

1° L’article L. 511-10 est ainsi modifié :

a) Les mots : « (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs » sont remplacés par les mots : « (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004 » ;

b) Après les mots : « Union européenne », sont insérés les mots : « ou par la Commission européenne » ;

2° Le premier alinéa de l’article L. 512-18 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « européenne », sont insérés les mots : « et à la Commission européenne » ;

b) Après le mot : « informations », est inséré le mot : « et » ;

c) Après le mot : « infractions », sont insérés les mots : « et des manquements » ;

d) Les mots : « CE n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil du 27 octobre 2004 modifié relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs » sont remplacés par les mots : « (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n° 2006/2004 » ;

3° Le chapitre II du titre II est ainsi modifié :

a) L’intitulé est complété par les mots : « et transaction administrative » ;

b) Après l’article L. 522-9, il est inséré un article L. 522-9-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 522-9-1. – L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut, en même temps qu’elle informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée à son encontre dans les conditions prévues à l’article L. 522-5, lui adresser une proposition de transaction administrative. Cette proposition de transaction suspend le délai mentionné au même article L. 522-5.

« La proposition de transaction précise le montant de la somme à verser au Trésor par la personne mise en cause. Ce montant est déterminé en tenant compte des engagements pris par l’auteur du manquement en considération du troisième alinéa du présent article. Il est inférieur au montant maximum de la sanction pécuniaire encourue.

« Cet accord comporte des obligations tendant à faire cesser les manquements, à éviter leur renouvellement et, le cas échéant, à réparer le préjudice subi par des consommateurs.

« L’accord mentionné au précédent alinéa peut faire l’objet d’une mesure de publicité.

« En l’absence d’accord, la procédure de sanction administrative est engagée dans les conditions prévues aux articles L. 522-1 à L. 522-9. » ;

4° Le chapitre III du même titre II est ainsi modifié :

a) L’intitulé est complété par le mot : « pénale » ;

b) L’article L. 523-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La proposition de transaction précise le montant de l’amende transactionnelle. Ce montant est déterminé en tenant compte des engagements pris par l’auteur de l’infraction en considération du dernier alinéa du présent article. Il est inférieur au montant maximum de la sanction pécuniaire encourue.

« Cet accord comporte des obligations tendant à faire cesser les infractions, à éviter leur renouvellement et, le cas échéant, à réparer le préjudice subi par les consommateurs. »

M. le président. L’amendement n° 252 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 123, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 9

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

… La section 1 du chapitre Ier du titre II est complétée par un article L. 521-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 521-3-1. – Afin de prévenir tout risque de préjudice grave pour les intérêts des consommateurs, et lorsqu’aucun autre moyen efficace n’est disponible pour faire cesser le manquement ou l’infraction aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7 ou au livre IV du présent code, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut ordonner des mesures de restriction d’accès au contenu manifestement illicite d’un service de communication au public en ligne, ou qu’un message d’avertissement s’y affiche clairement lorsqu’ils y accèdent.

« Cette autorité administrative peut aussi, sous les mêmes conditions, ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d’enregistrement de domaines de supprimer un nom de domaine complet et de lui permettre de l’enregistrer.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

II. – Alinéa 15

1° Après le mot :

comporte

insérer les mots :

, le cas échéant,

2° Supprimer les mots :

, le cas échéant,

III. – Alinéa 17

Après les mots :

En l’absence d’accord

insérer les mots :

ou en cas de non-respect de celui-ci

IV. – Alinéa 22

1° Après le mot :

Comporte

insérer les mots :

, le cas échéant,

2° Supprimer les mots :

, le cas échéant,

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement est favorable au remplacement de l’habilitation qui figurait aux alinéas 27 à 29 de l’article 1er du projet de loi voté en première lecture à l’Assemblée nationale par des dispositions inscrivant directement dans la loi les mesures qu’il était prévu d’adopter par voie d’ordonnance, comme cela a été voté par la commission des affaires économiques du Sénat. Tel est l’objet du nouvel article 1er undecies.

Toutefois, cet article ne comporte pas une disposition importante et nouvelle – l’injonction administrative de restriction d’accès – et prive d’effet utile une autre disposition – la transaction administrative –, alors que ces dispositions avaient été adoptées en première lecture dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dit DDADUE. Le présent amendement a pour objet de rétablir la première disposition et d’améliorer la rédaction de la seconde.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cet article a pour objet de transcrire un règlement communautaire ; celui-ci est d’application immédiate, mais il ouvre des options en matière de droit de la consommation, et il convient de procéder à des choix. Nous avons déjà évoqué cette question lors de l’examen du projet de loi dit DDADUE, qui n’a pas pu terminer son parcours parlementaire.

Tout d’abord, cet amendement vise à permettre à la DGCCRF d’intervenir pour pouvoir bloquer ou restreindre l’accès à des sites internet.

Monsieur le ministre, vous m’avez tout à l’heure évité une inconstitutionnalité ; je voudrais vous en éviter une à mon tour. En effet, il me semble qu’il est de jurisprudence constitutionnelle constante que l’administration ne peut s’octroyer de tels droits et que la loi ne peut pas plus lui en octroyer. Pour ce type de sanction, il faut qu’une juridiction se prononce. C’est ce que nous avions introduit dans le texte.

Ensuite, l’amendement a trait au droit de la consommation et à une procédure transactionnelle qui peut avoir lieu entre la DGCCRF et une autre partie cocontractante. Sur ce point, vous proposez un élément que nous ne souhaitons pas introduire dans la loi, car il ne nous paraît pas raisonnable que, lorsqu’une transaction a été passée par la DGCCRF, celle-ci puisse sanctionner sa non-exécution. Elle serait à la fois juge et partie, ce qui nous paraît extrêmement difficile à admettre. Il revient là aussi au juge de pouvoir apprécier si une transaction a été ou non exécutée par l’une des parties.

De ce fait, monsieur le président, je propose au Sénat un vote par division : j’émets un avis défavorable sur les paragraphes I et III de cet amendement, qui présentent à notre sens un risque d’inconstitutionnalité, et un avis favorable sur ses paragraphes II et IV, qui introduisent, ce que nous n’avions pas fait, une plus grande capacité pour les parties de transiger et de négocier.

M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 11, du règlement, le vote par division peut être demandé dans les questions complexes. Il est de droit lorsqu’il est demandé par la commission.

Nous allons procéder au vote par division.

Je mets aux voix le I de l’amendement n° 123.

(Le I nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le II de l’amendement n° 123.

(Le II est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le III de l’amendement n° 123.

(Le III nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le IV de l’amendement n° 123.

(Le IV est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de l’amendement n° 123, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er undecies, modifié.

(Larticle 1er undecies est adopté.)

Article 1er undecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er duodecies - Amendement n° 97 rectifié

Article 1er duodecies (nouveau)

L’ordonnance n° 2020-388 du 1er avril 2020 relative au report du scrutin de mesure de l’audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés et à la prorogation des mandats des conseillers prud’hommes et membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles est ainsi modifiée :

1° L’article 1er est ainsi modifié :

a) Au I, les mots : « arrêté du ministre chargé du travail » sont remplacés par le mot : « décret » ;

b) Il est ajouté un III ainsi rédigé :

« III. – Par dérogation à l’article L. 2122-10-1 du code du travail, l’intervalle séparant les deux prochains scrutins visant à mesurer l’audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés peut être réduit par décret d’une durée n’excédant pas six mois. » ;

2° L’article 2 est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Par dérogation à l’article L. 1441-1 du code du travail, la durée du mandat des conseillers prud’hommes nommés à l’occasion du renouvellement général mentionné au I du présent article est réduite de la durée de la prorogation du mandat prévue au même I. »

3° L’article 3 est ainsi modifié :

a) À la seconde phrase, après le mot : « commissions », sont insérés les mots : « en cours à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La durée du mandat des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles désignés à l’occasion du renouvellement mentionné au premier alinéa est réduite de la durée de la prorogation du mandat prévue au même premier alinéa. »

M. le président. L’amendement n° 230, présenté par MM. Mohamed Soilihi, Lévrier, Iacovelli, Théophile et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Après la référence :

I,

insérer les mots :

les mots : « le prochain scrutin » sont remplacés par les mots : « les deux prochains scrutins », les mots : « est organisé » sont remplacés par les mots : « sont respectivement organisés », après les mots : « au premier semestre de l’année 2021 » sont insérés les mots : « et au deuxième semestre de l’année 2024 » et

II. – Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Le cycle quadriennal de la mesure de l’audience syndicale auprès des salariés des très petites entreprises, celles de moins de onze salariés, a été perturbé par la crise sanitaire. Une autre conséquence de cette crise a été le report du renouvellement des membres des conseils de prud’hommes et de la commission paritaire régionale interprofessionnelle. Il était donc indispensable de prendre des mesures d’adaptation. C’est ce qu’a fait la commission.

Le présent amendement s’inscrit dans la même démarche, tout en proposant une modification de l’intervalle entre les deux prochains scrutins. L’objectif est d’éviter toute rigidité inopportune sur la date d’organisation du scrutin en fixant ce dernier au cours du deuxième semestre de 2024. Dans le contexte actuel, il nous semble primordial de conserver des marges de manœuvre sur la date précise de son organisation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. C’est une modification légère, mais assez efficace, puisqu’elle apporte plus de souplesse au texte voté par la commission. L’avis est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 230.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er duodecies, modifié.

(Larticle 1er duodecies est adopté.)

Article 1er duodecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er terdecies (nouveau)

Article additionnel après l’article 1er duodecies

M. le président. L’amendement n° 97 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Après l’article 1er duodecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le c du 3° de l’article 33 de l’ordonnance n° 2017-1491 du 25 octobre 2017 portant extension et adaptation de la partie législative du code du travail, et de diverses dispositions relatives au travail, à l’emploi et à la formation professionnelle à Mayotte est complété par les mots : « , à l’exception des sections 1 à 4 du chapitre 1er et du chapitre III du titre IV du livre IV de la première partie, qui sont applicables à compter du 1er janvier 2021 ».

II. – La première désignation des conseillers prud’hommes de Mayotte est organisée selon les dispositions prévues par le code du travail, sous réserve des adaptations suivantes :

1° Par dérogation à l’article L. 1441-1 du code du travail, les conseillers prud’hommes sont nommés au plus tard le 31 décembre 2021 pour la durée fixée au 2° du présent II conjointement par le garde des sceaux, ministre de la justice, et le ministre chargé du travail par collège et section, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles ;

2° Le mandat des conseillers prud’hommes de Mayotte nommés en application du 1° s’achève à la date du renouvellement général des conseillers prud’hommes prévu au I de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-388 du 1er avril 2020 relative au report du scrutin de mesure de l’audience syndicale auprès des salariés des entreprises de moins de onze salariés et à la prorogation des mandats des conseillers prud’hommes et membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles ;

3° L’article L. 1441-2 du code du travail n’est pas applicable ;

4° Pour l’application de l’article L. 1441-4 du même code, les mesures de l’audience prises en compte sont celles qui ont été effectuées en 2017.

III. – Le chapitre IV du titre II du livre V de la première partie du code du travail est complété par des articles L. 1524-… et L. 1524-… ainsi rédigés :

« Art. L. 1524-…. – Pour son application à Mayotte, l’article L. 1423-1-1 est ainsi rédigé :

« “Art. L. 1423-1-1. – Sous réserves des dispositions relatives à la section encadrement, les affaires sont réparties entre les sections du conseil des prud’hommes dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.”

« Art. L. 1524-…. – Pour son application à Mayotte, l’article L. 1441-16 est ainsi rédigé :

« “Art. L. 1441-16. – L’appartenance des salariés candidats à une section autre que celle mentionnée aux articles L. 1441-14 et L. 1441-15 est déterminée par décret en Conseil d’État.” »

IV. – Par dérogation au 2° de l’article L. 1442-2 du code du travail, les employeurs accordent aux salariés de leur entreprise désignés membres du conseil de prud’hommes de Mayotte en application du II du présent article, au titre de la formation continue, dans la limite de six jours, des autorisations d’absence qui peuvent être fractionnées.

V. – L’article 16 de l’ordonnance n° 2011-337 du 29 mars 2011 modifiant l’organisation judiciaire dans le Département de Mayotte est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« …. – Les procédures en cours devant le tribunal du travail et des prud’hommes de Mamoudzou à la date mentionnée au I sont transférées en l’état devant la formation de jugement du conseil de prud’hommes mentionnée à l’article L. 1423-13 du code du travail présidée par le juge mentionné à l’article L. 1454-2 du même code dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. »

La parole est à M. André Gattolin.

M. André Gattolin. Cet amendement vise à tirer les conséquences pour Mayotte du report prévu par l’ordonnance du 1er avril 2020 du renouvellement général des conseillers prud’homaux à une date fixée au plus tard au 31 décembre 2022. L’objectif est de prévoir plusieurs coordinations et adaptations afin de maintenir l’échéance de la création du conseil de prud’hommes de Mayotte au 1er janvier 2022, et non au 31 décembre 2022, cette installation étant essentielle et ayant déjà fait l’objet de trois reports.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a bien entendu ces arguments. L’avis est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Cela fait longtemps – depuis 2011, je crois – que la Chancellerie souhaite parvenir à l’installation d’un conseil de prud’hommes à Mayotte. Cette disposition y contribue. L’avis est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 97 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er duodecies.

Article additionnel après l'article 1er duodecies - Amendement n° 97 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er quaterdecies (nouveau)

Article 1er terdecies (nouveau)

I. – Par dérogation à l’article L. 411-5 du code de la sécurité intérieure, les adjoints de sécurité dont le contrat arrive à échéance pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, ou dans les six mois à compter de son terme, sont éligibles à un renouvellement de leur contrat, par reconduction expresse, pour une durée maximale d’une année.

Le présent I est applicable en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 445-1, L. 446-1 et L. 447-1 du code de la sécurité intérieure.

II. – Par dérogation au II de l’article L. 4139-16 du code de la défense, les volontaires dans les armées en service au sein de la gendarmerie nationale, dont le maintien en service pour une période d’une année au-delà de la limite de durée de service, accordé sur le fondement du cinquième alinéa du même II, arrive à échéance pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, ou dans les six mois à compter de son terme, peuvent, sur demande agréée, être maintenus en service pour une seconde période d’une année.

III. – La prolongation au-delà d’une durée de six ans des contrats des adjoints de sécurité et des volontaires dans les armées en application des I et II du présent article n’ouvre pas droit à la conclusion d’un contrat à durée indéterminée en application de l’article 6 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. – (Adopté.)

Article 1er terdecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er quindecies (nouveau)

Article 1er quaterdecies (nouveau)

I. – Par dérogation à l’article L. 411-11 du code de la sécurité intérieure, la durée maximale d’affectation des réservistes mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 411-7 du même code est portée, pour l’année 2020 :

1° Pour les retraités des corps actifs de la police nationale, à deux cent dix jours ;

2° Pour les autres réservistes volontaires, à cent cinquante jours ;

3° Pour les réservistes mentionnés au 2° du même article L. 411-7, à deux cent dix jours.

II. – Le contrat d’engagement des réservistes mentionnés aux 2° et 3° du I du présent article peut être modifié, par la voie d’un avenant, pour tenir compte de l’augmentation des durées maximales d’affectation conformément au même I.

Il ne peut être procédé à la modification du contrat d’engagement du réserviste salarié dans les conditions du premier alinéa du présent II qu’après accord de son employeur.

III. – Les I et II du présent article sont applicables en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 445-1, L. 446-1 et L. 447-1 du code de la sécurité intérieure. – (Adopté.)

Article 1er quaterdecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er sexdecies (nouveau)

Article 1er quindecies (nouveau)

I. – Par dérogation au 1° de l’article L. 4139-14 du code de la défense, les militaires sous contrat, commissionnés ou de carrière, en activité de service dans les forces armées et les formations rattachées, dont la limite d’âge ou de durée de service intervient pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, ou dans les six mois à compter de son terme, peuvent, sur demande agréée, être maintenus en service pendant une période qui ne peut excéder une année.

La prolongation de service prévue au premier alinéa du présent I est prise en compte au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension. Cette disposition ne s’applique pas aux militaires commissionnés en ce qui regarde le bénéfice d’avancement.

II. – Pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et au cours des six mois à compter de son terme, les anciens militaires de carrière radiés des cadres en application de l’article L. 4139-13 du code de la défense ou du 8° de l’article L. 4139-14 du même code dans l’année précédant cette déclaration de l’état d’urgence sanitaire, peuvent, sur demande agréée, après constatation de leur aptitude médicale et par dérogation aux articles L. 4132-3 et L. 4132-4 dudit code, être réintégrés dans les cadres des officiers, des sous-officiers ou des officiers mariniers de carrière, avec le grade et l’échelon qu’ils détenaient lors de leur radiation des cadres.

Ne sont pas éligibles à la dérogation prévue au premier alinéa du présent II les militaires ayant bénéficié d’une pension afférente au grade supérieur calculée selon les modalités prévues par l’article 36 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale ou perçu le pécule modulable d’incitation au départ institué par l’article 38 de la même loi.

III. – Les services accomplis au titre du recrutement prévu par le II du présent article sont pris en compte au titre des droits à avancement, ainsi qu’au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension.

Pendant la durée de ces services, les obligations du militaire au titre de la disponibilité prévue au III de l’article L. 4211-1 du code de la défense sont suspendues. Le terme de cette suspension intervient à leur radiation des cadres, pour la durée restant à accomplir.

IV. – Le versement de la pension militaire de retraite dont le militaire recruté au titre du II du présent article est titulaire est suspendu pendant la durée des services effectués au titre du recrutement prévu par le présent article.

Cette pension est révisée au moment de la radiation définitive des cadres, pour tenir compte des services accomplis au titre du recrutement prévu au II du présent article. Le montant de l’ancienne pension, s’il est plus avantageux, est garanti aux intéressés.

V. – Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du présent article.

M. le président. L’amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

1° Première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

ainsi qu’au titre des droits à avancement d’échelon et de grade

2° Compléter cet alinéa une phrase ainsi rédigée :

Par dérogation au premier alinéa du présent I, la durée des services du militaire de carrière bénéficiant d’un avancement de grade pendant la période de son maintien au service, est fixée par la limite d’âge du grade auquel il est promu.

II. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le militaire recruté au titre du II du présent article peut bénéficier, sur demande agréée, des dispositifs, de la formation et de l’accompagnement vers l’emploi prévus à l’article L. 4139-5 du code de la défense, aux conditions prévues dans cet article. À cette fin, il est tenu compte des services effectifs rendus avant radiation des cadres et depuis le recrutement au titre du II du présent article.

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. L’amendement vise à rétablir le droit à avancement des militaires admis à prolonger leur service. La disposition sera incitative à l’égard des militaires utiles aux armées qui seraient statutairement éligibles à l’avancement au cours de cette prolongation.

Il s’agit de tenir compte de l’effet d’une promotion intervenue au cours de la prolongation de service au-delà de la limite d’âge sur la durée de service du militaire de carrière promu à un grade auquel serait attachée une nouvelle limite d’âge et de garantir un droit à la reconversion aux militaires de carrière réintégrés dans leur statut de militaire de carrière.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cet amendement complète heureusement le travail de la commission : avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 38.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er quindecies, modifié.

(Larticle 1er quindecies est adopté.)

Article 1er quindecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er sexdecies - Amendement n° 120 rectifié

Article 1er sexdecies (nouveau)

I. – Pendant l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et pendant six mois à compter de son terme, il est mis fin, sur demande agréée, au congé de reconversion ou au congé complémentaire de reconversion des militaires nécessaires aux forces armées. Le cas échéant, ces militaires sont placés en position d’activité.

Les 2° et 3° du III de l’article L. 4139-5 du code de la défense ne s’appliquent pas aux militaires dont il a été mis fin au congé de reconversion ou au congé complémentaire de reconversion dans les conditions prévues à l’alinéa précédent.

II. – Les militaires placés en congé de reconversion ou en congé complémentaire de reconversion dans les conditions prévues à l’article L. 4139-5 du code de la défense dont la formation ou la période de reconversion est interrompue en raison de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, peuvent, par dérogation au III de l’article L. 4139-5 du code de la défense, être maintenus en service pour le temps nécessaire à l’achèvement des actions de formation prévues pendant leur congé de reconversion ou complémentaire de reconversion. Leur radiation des cadres ou des contrôles intervient à l’issue de cette période.

III. – Les militaires mentionnés au II du présent article qui atteignent, pendant la période de l’état d’urgence sanitaire, la limite d’âge ou de durée de service prévue à l’article L. 4139-16 du code de la défense peuvent bénéficier, à la seule fin d’achever leur formation ou leur période de reconversion, d’un report de la limite d’âge ou de durée de service.

Les dates auxquelles sont atteintes la limite d’âge ou la limite de durée de service et la date de radiation des cadres ou des contrôles d’activité de ces militaires sont reportées au jour de l’achèvement des actions de formations qui ont été interrompues par l’état d’urgence sanitaire.

IV. – La situation statutaire des militaires mentionnés aux II et III du présent article dont la durée des services ou dont la date de radiation des cadres ou des contrôles est reportée, est maintenue jusqu’à l’achèvement de leur période de formation professionnelle ou d’accompagnement vers l’emploi.

M. le président. L’amendement n° 39, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 1, première phrase, et alinéa 3

Après le mot :

covid-19

insérer les mots :

et prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions

II. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le militaire dont le congé de reconversion ou complémentaire de reconversion a été interrompu dans les conditions prévues au présent I peut à nouveau bénéficier, sur demande agréée, des dispositifs, de la formation et de l’accompagnement vers l’emploi prévus à l’article L. 4139-5 du code de la défense, aux conditions prévues dans cet article.

III. – Après l’alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La prolongation de service prévue au présent III est prise en compte au titre de la constitution et de la liquidation du droit à pension.

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement a pour objet d’ajouter à la version rédigée par la commission deux éléments : l’intégration dans les services, ouvrant droit à pension, du temps de prolongation de service qui permet aux militaires d’achever les formations de reconversion suspendues par l’épidémie de Covid-19 et la garantie du maintien de l’intégralité du droit à la reconversion au militaire qui a accepté de cesser sa reconversion ou de la différer pour rester en service.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission l’aurait fait elle-même si elle ne s’était pas vue opposer une irrecevabilité financière. Si le Gouvernement le fait, cela ne pose aucune difficulté : avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 39.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er sexdecies, modifié.

(Larticle 1er sexdecies est adopté.)

Article 1er sexdecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er septdecies (nouveau)

Article additionnel après l’article 1er sexdecies

M. le président. L’amendement n° 120 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 1er sexdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par exception à l’article 4 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, les missions relevant de la réserve civique peuvent être proposées, jusqu’à six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, par toute personne morale chargée d’une mission de service public pour collaborer à l’organisation particulière de ce service durant cette période. Le présent article est applicable à compter du 1er avril 2020.

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. La réserve civique permet l’engagement bénévole et occasionnel de citoyens étrangers résidant régulièrement sur le territoire français. Ses membres s’engagent dans des projets qui peuvent concerner différents domaines d’action : la solidarité, le vivre ensemble, l’éducation, l’insertion, la santé, le sport, l’environnement, la mémoire et la citoyenneté, la coopération internationale.

Actuellement, ces missions sont bénévoles et ne peuvent concerner que des activités d’intérêt général au sein d’organismes publics.

Compte tenu des circonstances exceptionnelles que nous connaissons, le Gouvernement souhaite que les missions relevant de la réserve civique puissent être exceptionnellement et temporairement proposées jusqu’à six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire pour toute personne morale chargée d’une mission de service public. Elles pourraient être exceptionnellement élargies à des actions, notamment, de régulation de flux et de distribution de masques.

M. le président. Le sous-amendement n° 265, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Amendement n° 120 rectifié, alinéa 3

1° Première phrase

Remplacer les mots :

six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire

par les mots :

la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19

2° Dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le Gouvernement souhaite que les personnes qui servent dans cette réserve civique puissent intervenir auprès des personnes morales qui exercent une mission de service public. La commission n’y est pas opposée, à trois conditions.

Tout d’abord, il doit bien s’agir de missions de service public, et non pas de missions à caractère commercial ou concurrentiel – La Poste avait été évoquée –, pour lesquelles il serait anormal que la réserve civique intervienne.

Ensuite, cette possibilité doit être strictement limitée au temps que va durer l’état d’urgence sanitaire.

Enfin, l’application de cette mesure ne peut être rétroactive.

Le sous-amendement vise à intégrer ces deux derniers éléments dans l’amendement, le premier ayant déjà été retenu par le Gouvernement. Nous souhaitons que l’application de cette dérogation soit limitée à la seule période d’état d’urgence, sans aller au-delà, car cela ne se justifie pas, et qu’elle ne soit pas rétroactive au 1er avril, car nous n’en voyons pas la nécessité.

La commission est donc favorable à l’amendement du Gouvernement, sous réserve de l’adoption de son sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ce sous-amendement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Nous en souhaitons le retrait, faute de quoi l’avis sera défavorable.

L’adoption de l’amendement du Gouvernement permettrait de faire appel à la réserve civique pour faire face à la crise sanitaire. Il permettrait aussi de recourir à ce dispositif pour l’organisation du déconfinement, qui va prendre beaucoup plus de temps que l’état d’urgence sanitaire stricto sensu. Nous souhaitons donc que les missions relevant de la réserve civique puissent être exceptionnellement et temporairement proposées jusqu’à six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Par ailleurs, la rétroactivité s’applique à ce dispositif, comme à la plupart des mesures qui ont déjà été prises.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 265.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 120 rectifié, modifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er sexdecies.

Article additionnel après l'article 1er sexdecies - Amendement n° 120 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er septdecies - Amendements n° 208 rectifié bis, n° 209 rectifié bis et n° 71 rectifié

Article 1er septdecies (nouveau)

À l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-324 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail, la date : « 12 mars 2020 » est remplacée par la date : « 1er mars 2020 ».

M. le président. L’amendement n° 121 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article 1er de l’ordonnance n° 2020-324 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. 1er. – Les demandeurs d’emploi qui épuisent leur droit à l’une des allocations mentionnées aux articles L. 5422-1, L. 5423-1, L. 5424-1 et L. 5424-21 du code du travail à compter du 1er mars 2020 bénéficient à titre exceptionnel d’une prolongation fixée par arrêté du ministre chargé de l’emploi et au plus tard jusqu’au 31 mai 2020 de la durée pendant laquelle l’allocation leur est versée.

« La prolongation mentionnée au premier alinéa s’applique jusqu’à une date précisée par arrêté du ministre chargé de l’emploi et au plus tard jusqu’au 31 août 2021 pour les artistes et techniciens intermittents du spectacle mentionnés à l’article L. 5424-22 du même code.

« La prolongation mentionnée au premier alinéa s’applique jusqu’à une date précisée par arrêté du ministre chargé de l’emploi et au plus tard jusqu’au 31 juillet 2020 pour les demandeurs d’emploi résidant à Mayotte.

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement reprend, en le complétant, le dispositif de l’ordonnance du 25 mars 2020 visant à prolonger l’indemnisation des demandeurs d’emploi qui arrivent à l’épuisement de leurs droits au cours de la période de crise sanitaire.

Cet amendement inscrit en dur dans la loi des dispositions de cette ordonnance en procédant à plusieurs adaptations. Il a pour objet de différencier cette prolongation des droits en fonction du régime d’indemnisation dont relève le demandeur d’emploi et, ainsi, de tenir compte des difficultés spécifiquement éprouvées dans la période par les artistes et techniciens intermittents du spectacle pour reprendre une activité professionnelle.

Pour ces intermittents du spectacle, l’amendement permettra, s’il est adopté, de garantir un maintien de l’indemnisation jusqu’au 31 août 2021, conformément aux engagements pris par le Président de la République. L’amendement reprend en outre la mesure de sécurisation juridique adoptée en commission tendant à sécuriser le maintien de l’indemnisation des demandeurs d’emploi dont les droits sont arrivés à échéance depuis le 1er mars – on fait ici de la rétroactivité… –, et non depuis le 12 mars.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Cet amendement avait reçu à l’origine un avis défavorable de la commission des affaires sociales, parce que sa rédaction était vraiment trop large. Nous avons eu par la suite des discussions qui ont permis de mieux cibler le dispositif, en reconduisant les droits des demandeurs d’emploi jusqu’à mai 2020 – notre logique est de rester dans le cadre de la crise –, et non pas jusqu’à mai 2021.

Pour autant, des engagements ont été pris par le Président de la République vis-à-vis des intermittents du spectacle pour prolonger leurs droits au-delà de la fin de l’année 2020, et il revient à la loi de prendre des mesures de différenciation selon les professions.

Le Gouvernement a rectifié son amendement, comme nous l’avions demandé. Cette nouvelle version permet de prendre en compte les préoccupations des intermittents du spectacle, ainsi que les particularités de Mayotte, où la période de confinement est un peu plus longue.

Je le répète, pour que les choses soient claires, la commission avait donné un avis défavorable au départ sur un amendement différent. Maintenant, à titre personnel, je trouve intéressant d’adhérer aux rectifications proposées, qui vont vraiment dans le bon sens, me semble-t-il.

M. Loïc Hervé. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.

M. Jean-Raymond Hugonet. Ne voyez pas dans mon intervention une quelconque revendication corporatiste.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Quoique… (Sourires.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Quand on parle santé ou bioéthique, les médecins, nombreux sur toutes nos travées, s’expriment ; dès que l’on parle éducation, les professeurs, les enseignants, nombreux également, s’expriment ; lorsque l’on parle de justice, les avocats et autres magistrats illustres de cet hémicycle s’expriment. Permettez donc au saltimbanque que je suis de témoigner, pour une fois, de la pertinence d’un amendement gouvernemental.

M. André Gattolin. En musique !

M. Jean-Raymond Hugonet. J’aurais juste préféré que, lorsque cette ordonnance a été prise, avec cette date ridicule du 12 mars, on manifeste un peu plus d’estime pour les intermittents du spectacle. Si le Gouvernement avait pris la peine de connaître leur travail, il aurait intelligemment retenu le 1er mars comme référence et l’année blanche. Cela aura au moins permis à M. le Président de la République de s’exprimer pour honorer les intermittents du spectacle. Je suis heureux qu’à notre tour, cette nuit, à une heure où je suis plus souvent dans un studio d’enregistrement que dans cet hémicycle, on les remette à la place qu’ils méritent dans ce pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Je resterai dans la lignée de ce que vient de dire mon collègue Hugonet, avec qui je siège à la commission de la culture.

On voit mieux les choses avec deux yeux. Je pense que la commission des affaires sociales a eu besoin de l’éclairage de notre commission sur les intermittents. Nous connaissons leurs particularités ; nous savons combien ces emplois sont essentiels à nos territoires, à l’activité des festivals.

Il faut savoir aussi que les termes longs n’ont pas été retenus par hasard. Les projets culturels – théâtraux, cinématographiques, audiovisuels – courent non pas sur quelques mois, mais sur un ou deux ans. Dès lors, la date du 31 août 2021 n’est pas irréaliste. Nous soutenons donc pleinement l’amendement du Gouvernement au sein de la commission de la culture.

Par ailleurs, nous le savons, les mesures de soutien aux personnes sont les plus efficaces. Quand on envisage un soutien aux structures, ce sont toujours les plus grosses qui en profitent. Il y a de la déperdition, et les petites structures accèdent moins bien aux aides publiques.

De surcroît, cette mesure de soutien aux intermittents est neutre budgétairement. Dans le cadre de cette crise, nous avons déjà engagé presque 24 milliards d’euros pour le soutien aux salariés, et c’est une bonne chose. En prolongeant les droits des intermittents à travers l’année blanche, nous aurons exactement le même solde de dépenses, j’en fais le pari, dans les comptes de l’Unedic. Nous ne sommes pas en train d’augmenter les dépenses publiques ; nous sommes en train de garantir des droits pour une population qui est parmi les plus touchées par la crise du Covid-19, ce qui risque de durer encore quelques mois.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Je ne veux pas prolonger inutilement les débats à une heure aussi tardive, mais je souhaite profiter un peu de ce consensus au sein de notre hémicycle.

Je ne vais pas entrer dans le détail de cet amendement, que nous soutiendrons. Je dis « nous », car je m’exprime au nom de la commission de la culture. Catherine Morin- Desailly est bien triste de ne pas être parmi nous ce soir. Je suis sûre qu’elle est devant sa télé. Grâce au virtuel, les membres de la commission de la culture ont pu se réunir aujourd’hui, se parler et se dire que c’était un amendement qu’il fallait soutenir.

Cette année blanche est importante pour les intermittents du spectacle. Le spectacle vivant a été l’un des premiers secteurs frappés par les mesures prises pour lutter contre la propagation du Covid-19, et il figurera sans doute parmi les derniers qui seront autorisés à reprendre une activité pleine et entière. Je tiens vraiment à remercier M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales d’avoir su négocier cet accord. (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. À mon tour, je veux dire que, contrairement à un certain nombre d’autres amendements du Gouvernement, celui-ci est excellent. Je tiens à le dire, monsieur le ministre, parce qu’il concrétise un engagement qui a été pris par le Président de la République.

Vous le savez, tous les intermittents, les acteurs de la culture sont extraordinairement inquiets. Comme il n’y a plus de représentations, de manifestations, de festivals depuis trois mois, et pour encore un certain temps, ils n’ont plus de revenus. Ils voient véritablement l’avenir en noir.

Cette année blanche pour les intermittents du spectacle répond à une demande. Le groupe socialiste et républicain soutient cette mesure. Notre collègue Sylvie Robert a même téléphoné et écrit de nombreuses fois pour nous dire de tout faire pour que cet amendement soit voté, car il est vital pour tous les acteurs de la culture.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je veux saluer le travail commun qui a été fait. Comme l’a dit M. le rapporteur pour avis, le Gouvernement a su amender son texte pour l’améliorer, dans un esprit constructif. Je pense que le secteur culturel, les intermittents du spectacle et les habitants de Mayotte seront reconnaissants de ce travail de coconstruction qui fait honneur à la Nation.

M. Jean-Pierre Sueur. Merci, madame la ministre !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 121 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je constate que l’amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

En conséquence, l’article 1er septdecies est ainsi rédigé.

Article 1er septdecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er septdecies - Amendement n° 61 rectifié bis

Articles additionnels après l’article 1er septdecies

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 208 rectifié bis, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3131-14 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les licenciements sont interdits durant l’état d’urgence sanitaire et jusqu’à la fin des mesures d’accompagnement des entreprises. »

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Nous proposons d’interdire les licenciements dans la période actuelle. Lors des questions d’actualité au Gouvernement la semaine dernière, vous nous aviez répondu, madame la ministre, que ce n’était pas le bon système et que c’était même peut-être impossible. Nous pensons le contraire : c’est un système qui peut fonctionner, qui va fonctionner, si nous l’accompagnons d’un schéma plus global.

Nous avons déjà mis 415 milliards d’euros sur la table en prêts garantis par l’État, en chômage partiel – je rappelle qu’il ne s’agit pas d’une nationalisation des salaires, comme je l’entends trop souvent, ou d’une chance, mais d’un droit activé par les cotisations sociales – ou dans le fonds de solidarité pour les petites et moyennes entreprises.

Nous proposons de pérenniser ce fonds jusqu’au 31 décembre pour un certain nombre de filières, par exemple l’hôtellerie et la restauration. Une date vient d’être annoncée pour ce secteur, mais, vous le savez, plus d’un tiers de ces commerçants pourraient ne pas rouvrir et plus de la moitié pourrait licencier, Il y a peut-être 300 000 à 400 000 emplois en jeu, rien que dans ce secteur d’activité, lesquels s’ajoutent aux 800 000 chômeurs supplémentaires que l’on vient d’annoncer aujourd’hui.

Nous proposons également de prolonger le chômage partiel, parce que, si on le coupe trop vite, comme vous l’aviez envisagé au départ, alors que, pendant trois mois, nous avons aidé nos entreprises, nous allons avoir des licenciements massifs.

Nous proposons donc d’interdire les licenciements et d’accompagner cette interdiction de l’ensemble de ces dispositifs.

Ensuite, il y aura un plan de relance économique. Nous avons déjà eu ce débat ici hier ou avant-hier, mais il faut le poursuivre. Il y a de vraies questions autour des prêts garantis par l’État. Nous pensons, par exemple, qu’il serait préférable, plutôt que de les comptabiliser en dette, de les transformer en capitaux propres et en investissements pour les petites entreprises. Sinon, elles vont se retrouver face à un mur de la dette l’an prochain et elles devront licencier.

En revanche, pour les très grandes entreprises, vous le savez, nous sommes pour des prises de participation et des nationalisations ; pour les moyennes entreprises, nous serions plutôt favorables à des prêts participatifs.

Vous le voyez, nous avons un plan de relance global, mais il nous a paru opportun, pour éviter le massacre social et la saignée qui est déjà en cours, d’interdire les licenciements.

M. le président. L’amendement n° 209 rectifié bis, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 3131-14 du code de la santé publique est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Pendant la crise sanitaire, les licenciements sont interdits pour :

« 1° Les entreprises qui versent des dividendes à ses actionnaires durant la même période ;

« 2° Les entreprises dont des filiales ou établissements sont établis dans des États et territoires non coopératifs. »

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. C’est un amendement de repli. Nous portons depuis longtemps l’interdiction des licenciements boursiers pour les entreprises qui versent des dividendes.

Récemment, le ministre de l’économie a appelé à la modération s’agissant des versements de dividendes. Force est de constater qu’il a été peu, voire pas du tout suivi. Total, grande entreprise française qui n’a fait ni chômage partiel ni PGE, vient d’annoncer qu’elle mettait 7 milliards d’euros sur la table pour l’année 2019. Dassault Systèmes a annoncé 186 millions d’euros de dividendes voilà deux jours, alors que beaucoup de ses filiales ont eu recours au chômage partiel. Vous aviez dit que cela serait impossible, et pourtant…

Je pourrais multiplier les exemples : Vivendi, le groupe Korian, qui gère des Ehpad. Alors qu’il y aurait beaucoup à dire sur leur gestion, les dirigeants de ce groupe avaient annoncé le versement de 58 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires. Devant le tollé, ils ont été obligés de rebrousser chemin.

L’annonce la plus insupportable pour nous est venue de l’assemblée générale d’Air France hier. Alors que le groupe a bénéficié de 7 milliards d’euros d’aides – 4 milliards d’euros de PGE et 3 milliards d’euros d’avances d’actionnaires –, le PDG, qui a déjà une rémunération fixe de 900 000 euros annuels, vient de se voir accorder un revenu, qu’on appelle revenu flexible ou part variable, de 765 000 euros pour avoir atteint 70 % de ses objectifs. Dans le même temps, ce groupe s’apprête, avec le soutien du Gouvernement, à mettre en place un plan de restructuration et de licenciements massifs, y compris dans la filiale Hop !

C’est quand même insupportable, et pas seulement pour nous. Pensez donc aux salariés ou aux simples citoyens ! C’est d’autant plus incompréhensible que les Pays-Bas ont voté contre cette part variable lors de l’assemblée générale d’Air France-KLM, tandis que les représentants de la France, nommés par le Gouvernement, ont voté pour.

Quand nous soulevons la question de la critérisation et du conditionnement des aides publiques, notamment au regard de l’emploi et des questions environnementales, vous n’en voulez pas, mais, avec cette annonce, l’indécence a été poussée à son paroxysme.

M. le président. Il faut conclure !

M. Fabien Gay. Nous attendons des réponses, madame la ministre.

M. le président. L’amendement n° 71 rectifié, présenté par M. Marie, Mme Lubin, MM. Daudigny, Kanner et Kerrouche, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les entreprises du CAC 40 ayant bénéficié des dispositifs de soutien économique exceptionnel de l’État ne peuvent licencier durant toute la période de l’état d’urgence sanitaire excepté si le licenciement est un licenciement disciplinaire.

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Souvent, lorsque l’on parle d’interdiction des licenciements, on est pointé du doigt et désigné comme de purs idéologues. Pour autant, quand on regarde autour de nous, depuis le début de cette terrible crise, on constate que des pays tout à fait raisonnables ont mis en œuvre ces dispositions. L’Italie a interdit les licenciements pendant toute la période de crise sanitaire ; l’Espagne a fait de même.

Il ne s’agit pas d’interdire tout licenciement dans toute situation, mais, a minima, de réserver cette mesure aux entreprises du CAC 40, qui distribuent des milliards de dividendes, dès lors qu’elles reçoivent des aides de l’État.

Je vais prendre un exemple dans mon département, mais il concerne en fait toute la France. Renault demande une aide de 5 milliards d’euros au Gouvernement. Je ne sais si le chèque est déjà signé, mais, dans le même temps, la Régie annonce la fermeture d’un certain nombre de sites, notamment celui de Dieppe, dans lequel ont été investies des dizaines de millions d’euros dernièrement avec l’aide des collectivités territoriales. C’est un site qui compte 350 employés, qui ne connaissent pas aujourd’hui leur avenir.

Le ministre de l’économie a été saisi de ces questions. Il a déclaré qu’il demanderait des contreparties, qu’il aurait des exigences. Cependant, aujourd’hui, je le répète, les salariés de Renault à Dieppe ne savent pas ce que sera demain leur situation. C’est valable aussi à Flins et ailleurs.

Nous considérons que, dans ces situations, le Gouvernement doit avoir une attitude très claire en disant : « Aucun licenciement pendant une période donnée, dès lors que vous avez bénéficié des aides de l’État. »

Tel est l’objet de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Ces trois amendements, malgré quelques petites différences, visent à interdire les licenciements pendant la période d’état d’urgence sanitaire.

L’amendement n° 208 rectifié bis tend à interdire tout licenciement non seulement pendant la période d’état d’urgence sanitaire, mais aussi au-delà, puisque cette disposition serait applicable tant que des mesures d’accompagnement des entreprises seraient en vigueur.

On ne lutte pas contre les licenciements en proclamant une interdiction générale, mais en soutenant les entreprises en difficulté afin qu’elles soient en mesure de conserver leurs salariés. Or il peut arriver que ce soutien soit insuffisant et que les entreprises soient tout de même conduites à licencier certains salariés pour en conserver d’autres.

De plus, je note que cet amendement vise tous les motifs de licenciement, y compris les licenciements pour motif personnel, par exemple pour faute. Je vois mal ce qui justifie cette interdiction absolue.

Par ailleurs, je me permets de faire remarquer que l’Espagne n’a pas interdit les licenciements. Un décret prévoit seulement que les difficultés économiques liées au Covid-19 ne peuvent constituer à elles seules un motif de licenciement dans la mesure où un dispositif de chômage partiel existe. C’est différent.

L’amendement n° 209 rectifié bis est un amendement de repli, mais il n’est pas non plus acceptable. (M. Fabien Gay sesclaffe.) Il vise les entreprises qui distribuent des dividendes ou qui ont une filiale dans un territoire non coopératif.

Je note qu’une entreprise peut avoir fait des bénéfices une année, en avoir reversé une partie à ses actionnaires et se trouver aujourd’hui, en raison de la crise, contrainte de licencier pour ne pas disparaître, la crise étant particulièrement brutale. Les dividendes versés peuvent d’ailleurs être sans commune mesure avec les difficultés rencontrées du fait de l’épidémie. Cet amendement a une portée générale et ne semble donc pas pertinent.

S’agissant des paradis fiscaux, le fait d’avoir des filiales à l’étranger n’a pas nécessairement d’impact sur la situation de l’entreprise en France. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.)

L’amendement n° 71 rectifié ne vise à interdire que les licenciements économiques et uniquement dans les entreprises du CAC 40 ayant bénéficié d’aides de l’État.

Je note qu’il introduit une rupture d’égalité injustifiée entre les salariés d’une entreprise du CAC 40 et ceux dont l’entreprise n’est pas cotée ou est cotée sur une autre place boursière. Pour reprendre l’exemple cité par ses auteurs, cet amendement protégerait temporairement les salariés de Renault, mais pas ceux de Toyota.

Il pose en outre un problème de sécurité juridique s’il doit s’appliquer rétroactivement depuis le début de l’état d’urgence sanitaire.

Enfin, encore une fois, ce n’est pas parce qu’une entreprise a bénéficié d’une aide publique que sa situation est viable pour autant.

Telles sont les raisons qui ont conduit la commission des affaires sociales à émettre un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements. Je ne vais pas reprendre les arguments très bien développés par M. le rapporteur pour avis, je veux simplement revenir de façon un peu plus globale sur le fond du sujet.

Nous avons tous le même objectif : préserver et sauver l’emploi, le plus possible, à un moment où notre pays connaît, à la suite de la crise sanitaire, une crise économique et sociale qui ne fait que commencer et qui va être profonde, dure. Nous en avons eu aujourd’hui les premiers effets avec l’augmentation forte du flux des demandeurs d’emploi, non pas parce qu’il y a de nouvelles inscriptions, mais parce que ceux qui sont à Pôle emploi n’arrivent plus à retrouver un poste, compte tenu de la baisse très forte des recrutements.

Grâce au bouclier social que constitue le chômage partiel depuis deux mois et demi, on ne constate pas du tout de vagues de licenciements en France aujourd’hui. Le problème n’est pas le licenciement ; le problème est que tous ceux qui avaient des contrats précaires – CDD ou intérim – ne se sont pas vu proposer de renouvellement. Comme beaucoup d’entre vous l’ont dit précédemment, ce sont essentiellement des salariés travaillant dans le secteur de la culture ou de l’hôtellerie-restauration qui viennent grossir les rangs de Pôle emploi. Aussi, le défi est non pas pour aujourd’hui, mais pour demain.

L’histoire a prouvé que l’interdiction des licenciements, qui peut paraître satisfaisante, rassurante au moment où l’on en prend la décision, devient vite une arme à double tranchant, pouvant se retourner contre les salariés, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, une telle interdiction incite les employeurs à ne pas recruter et à généraliser l’intérim. Les salariés se trouvent dès lors précarisés, puisque les entreprises n’embauchent plus en CDI, mais n’ont plus recours qu’à des contrats précaires, au terme desquels elles peuvent se séparer des salariés sans devoir les licencier.

En second lieu, si une entreprise connaît de lourdes difficultés et n’est plus en mesure de payer les salaires, l’interdiction des licenciements la conduit à une situation de défaillance.

Dès lors, pour atteindre notre but commun, à savoir préserver l’emploi le plus possible, il nous faut trouver des instruments qui soient à la fois plus efficaces économiquement et tout aussi justes socialement qu’une interdiction qui n’aurait ni utilité ni portée réelle. Vous aurez l’occasion, tout à l’heure, d’y contribuer, en adoptant l’amendement n° 278 du Gouvernement, par lequel nous vous proposerons un mécanisme révisé et plus précis d’activité partielle de longue durée. Ce dispositif permettra aux entreprises qui connaissent des difficultés, mais peuvent raisonnablement émerger de cette période de crise, de bénéficier d’un accompagnement de longue durée par le biais de l’activité partielle, la contrepartie étant évidemment le maintien dans l’emploi. Il me semble qu’il convient d’aller dans cette voie.

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 209 rectifié bis et 71 rectifié.

Concernant la concomitance éventuelle entre versement de dividendes aux actionnaires et licenciements, monsieur Gay, notre conviction est que, de toute façon, le modèle d’entreprise qui s’avérera le plus robuste et le plus durable, c’est celui où il y a un juste partage de la valeur entre les parties prenantes. L’actionnaire a besoin de recevoir un retour sur son investissement ; sinon, demain, il n’y aura plus d’actionnaires, et donc plus d’investissement dans les entreprises. Les clients et les fournisseurs ou sous-traitants doivent également être traités justement : il est important de le rappeler, car les petites entreprises sous-traitantes ne le sont pas toujours dans les relations contractuelles. Enfin, les salariés, dont le travail contribue fortement à la création de valeur, ne doivent évidemment pas être oubliés.

Pour aborder ce sujet, il faut prendre en compte la diversité de la situation des entreprises. La gouvernance doit jouer son rôle, mais il faut privilégier une approche au cas par cas, plutôt que d’édicter des principes généraux : c’est ainsi que nous protégerons l’emploi et que nous le ferons progresser sans mettre à mal l’avenir des entreprises. Pour avoir de l’emploi demain, il faut des entreprises saines, capables de prendre des marchés et de réussir.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention et je pourrais partager certains de vos propos : de façon générale, vous dites des généralités…

Ayant été chef d’entreprise, je peux comprendre cette logique, mais nous sommes dans un moment très particulier. Ce que nous devons surmonter aujourd’hui, ce n’est pas une crise qui dure depuis des années, mais un arrêt volontaire de l’économie. Des moyens énormes sont mis en place et sont encore discutés au niveau européen pour parer le plus possible aux conséquences de cet arrêt.

La question posée au travers de ces amendements est la suivante : les pouvoirs publics sont-ils en mesure d’accompagner les entreprises de manière qu’elles puissent faire face aux effets des décisions politiques liées à la crise sanitaire qui ont arrêté leur activité et reprendre celle-ci comme auparavant ? Il s’agit ici non pas d’entreprises mal gérées, sans perspectives, mais des conséquences d’un arrêt volontaire de l’économie : c’est tout à fait différent !

Les généralités que vous venez d’exposer et que l’on nous sert depuis de nombreuses années pour justifier la dérégulation du marché du travail ne valent donc pas en l’occurrence. Il s’agit de savoir si les moyens que nous donnons aux entreprises pour faire face à cette crise suffiront pour éviter les conséquences sociales que l’on commence à voir apparaître. Il convient d’aider suffisamment les entreprises pour qu’elles n’aient pas à licencier.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Madame la ministre, nous avons un point d’accord : ce sont les travailleurs qui créent la richesse, et non les actionnaires. Quand les travailleurs se mettent en grève, il n’y a plus de production, et plus de valeur à partager.

Certes, les 800 000 nouveaux chômeurs sont, pour beaucoup d’entre eux, des travailleurs dont les contrats précaires ont pris fin, mais il y a tout de même eu des vagues de licenciements : on a compté 53 plans de sauvegarde de l’emploi entre le 1er mars et le 17 mai, pour 2 853 postes supprimés. Je tiens cette information d’une très bonne source, le Figaro d’avant-hier. (M. Jérôme Bascher sexclame.) Selon ce journal, beaucoup de PSE vont encore être annoncés.

Nous vous faisons une dernière proposition. Vous ne voulez pas interdire les licenciements ; très bien. Raymond Soubie, dont on ne peut pas dire qu’il est proche de notre groupe politique, puisque c’est un ancien conseiller de Nicolas Sarkozy (M. Loïc Hervé sexclame.), a appelé, dans un entretien accordé aux Échos, à « repenser d’urgence les règles des plans sociaux ».

Depuis les décrets Macron de 2017, les plans de licenciement peuvent être activés au regard d’un seul motif. La perte de chiffre d’affaires, même partielle ou artificielle, que connaissent aujourd’hui nombre d’entreprises suffit donc à justifier un plan social, alors qu’il fallait auparavant un faisceau concordant de facteurs. Si vous ne revenez pas d’urgence sur les décrets de 2017, nous connaîtrons une vague de licenciements ! Nous ne sommes pas seuls à le dire ! Est-ce une piste que vous pouvez envisager ?

Enfin, vous ne m’avez pas répondu sur la prime de près de 800 000 euros reçue par Ben Smith. Nous continuerons à vous interroger sur ce point, ainsi que M. Le Maire.

M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour explication de vote.

M. Michel Vaspart. Je ne voterai pas ces amendements.

Ayant été chef d’entreprise pendant plus de vingt ans, j’estime que, pendant une crise économique aussi importante que celle que nous allons vivre, il faut à l’évidence que les entreprises qui, malheureusement, n’auront pas suffisamment de commandes pour faire travailler tous leurs salariés puissent éventuellement ajuster leur effectif. Sinon, c’est l’ensemble des emplois qui seront sous la menace d’un dépôt de bilan. Voilà pourquoi je ne soutiendrai pas ces amendements.

En revanche, madame la ministre, ce qui est insupportable, c’est que des entreprises qui reçoivent des aides importantes de l’État distribuent des dividendes. C’est même particulièrement indécent ! Ce faisant, elles affaiblissent leurs fonds propres plutôt que de les consolider, ce qui les aiderait à passer la crise. Je ne comprends donc pas pourquoi le Gouvernement n’a pas conditionné l’octroi des aides publiques à l’absence de distribution de dividendes ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Éliane Assassi et M. Fabien Gay applaudissent également.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 208 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 209 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 71 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er septdecies - Amendements n° 208 rectifié bis, n° 209 rectifié bis et n° 71 rectifié
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er octodecies (nouveau)

M. le président. L’amendement n° 61 rectifié bis, présenté par MM. Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er septdecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, le 31 août 2020 au plus tard, un rapport relatif à l’adaptation des règles d’assurance chômage au cours de l’état d’urgence sanitaire prévu par l’article L. 3131-15 du code de la santé publique.

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Demander un rapport n’est sûrement pas, madame la ministre, de bonne méthode législative. Pour autant, c’est le seul moyen que nous ayons trouvé pour vous alerter une nouvelle fois sur la nécessité absolue d’abroger la réforme de l’assurance chômage prévue par la loi du 5 septembre 2018, intitulée, dans la novlangue gouvernementale, « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».

Dans le département des Landes, ce mois-ci, le taux de chômage a augmenté de 40 % ! La mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage, qui est seulement suspendue à l’heure actuelle, causerait à l’évidence des difficultés majeures pour toutes les personnes qui tomberaient dans le chômage, car leur indemnisation diminuerait drastiquement. Cela concernerait d’abord les travailleurs les plus fragiles, notamment dans des secteurs d’activité touchés de plein fouet, tel celui du tourisme.

Face à la crise actuelle, vous avez pris la décision de reporter au mois de septembre prochain la réforme de l’indemnisation du chômage, qui devait entrer en vigueur en avril. Néanmoins, l’autre partie de cette réforme est déjà entrée en vigueur en novembre 2019, ce qui a déjà privé de leurs droits beaucoup d’allocataires.

C’est pourquoi nous vous demandons, au travers de cet amendement, de ne pas appliquer cette réforme, au vu des perspectives économiques et des conséquences qu’elle entraînerait pour tous ceux qui, malheureusement, seront amenés à émarger à l’assurance chômage dans les semaines à venir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Notre commission a pour principe d’émettre un avis défavorable sur les demandes de rapport.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Il est également défavorable. Vous avez reconnu vous-même, monsieur Kerrouche, que la multiplication des rapports n’améliorait pas forcément la qualité du travail législatif.

La réforme de l’assurance chômage a un sens économique et un sens social. Nous sommes dans un contexte particulier. J’en suis à ma dix-huitième réunion téléphonique avec les partenaires sociaux depuis le début de la crise. Nous abordons tous les sujets relatifs à la santé et à l’emploi. Une nouvelle rencontre est prévue au mois de juin. Évidemment, nous discuterons aussi de l’assurance chômage, afin de déterminer quelles adaptations son régime doit recevoir dans le contexte actuel.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 61 rectifié bis.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er septdecies - Amendement n° 61 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er novodecies (nouveau)

Article 1er octodecies (nouveau)

Par dérogation au deuxième alinéa de l’article L. 612-6 du code de la sécurité sociale, les organisations candidates mentionnées au premier alinéa du même article L. 612-6 déclarent, pour la prochaine mesure de leur audience, le nombre de travailleurs indépendants adhérents à leur organisation au titre de l’année 2019. – (Adopté.)

Article 1er octodecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er novodecies - Amendement n° 278

Article 1er novodecies (nouveau)

Jusqu’au 31 décembre 2020, les dispositions du titre IV du livre II de la huitième partie du code du travail sont applicables dans les conditions suivantes :

1° La convention mentionnée au 2° de l’article L. 8241-2 peut porter sur la mise à disposition de plusieurs salariés ;

2° L’avenant au contrat de travail mentionné au 3° du même article L. 8241-2 peut ne pas comporter les horaires d’exécution du travail. Il précise dans ce cas le volume hebdomadaire des heures de travail durant lesquelles le salarié est mis à disposition. Les horaires de travail sont fixés par l’entreprise utilisatrice avec l’accord du salarié.

M. le président. L’amendement n° 66, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Combien d’entreprises n’ont pu faire aboutir une convention de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif depuis le début de l’état d’urgence sanitaire ? L’étude d’impact est muette sur le sujet.

En quoi un assouplissement du cadre du prêt de main-d’œuvre entre entreprises se justifie-t-il ? Aucun élément ne figure non plus dans l’étude d’impact sur ce point.

Plus globalement, combien d’entreprises et combien de salariés ont été concernés par ce dispositif dans sa forme actuelle, et dans quels secteurs ? Nous ne disposons là encore d’aucun élément nous permettant de répondre à ces questions.

Les organisations syndicales ont-elles été consultées sur l’évolution inscrite dans le texte par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ?

Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif entre entreprises est un dispositif très spécifique, qui place le salarié dans une situation atypique : son contrat de travail n’est ni rompu ni suspendu, mais il doit travailler dans une autre entreprise, hors de son cadre habituel de travail. C’est pourquoi ce dispositif est très encadré par le code du travail. Ce que d’aucuns nomment « formalisme » garantit la protection des travailleurs.

L’article 1er novodecies vise à « assouplir » le dispositif, c’est-à-dire à réduire la protection des salariés concernés. Une même convention de prêt pourrait concerner plusieurs salariés : que vaudrait un refus individuel dans ce cadre collectif ? Serait-il même encore possible, dans le rapport de force entre employeur et salarié ?

En outre, l’avenant au contrat de travail ne fixerait plus les horaires de travail dans l’entreprise utilisatrice. Dès lors, rien ne garantit que le volume horaire hebdomadaire resterait le même pour le salarié prêté à l’entreprise utilisatrice.

Non seulement la nécessité de cet assouplissement n’est démontrée par aucun élément probant, mais il porte en plus atteinte aux droits des salariés.

Cet amendement s’inscrit dans la lignée de l’amendement n° 65 que j’ai défendu tout à l’heure. Je le répète, les salariés sont tout à fait conscients de la gravité de la situation actuelle. Ils en seront de toute façon les premières victimes et sont donc prêts à faire des efforts, mais pas à n’importe quel prix ! On a vraiment l’impression ici qu’il s’agit de se prêter des salariés comme on se prêterait n’importe quel outil de travail !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Mme Lubin a raison de relever que l’étude d’impact est particulièrement muette sur ce dispositif. En revanche, il est clair que ces prêts de salariés ne peuvent se faire qu’avec l’accord de ceux-ci. On peut comprendre le besoin de souplesse suscité par l’épidémie. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Monsieur le rapporteur pour avis, que vaut l’accord du salarié en une telle période ? Pensez-vous réellement qu’un salarié peut se permettre, dans les circonstances actuelles, de ne pas donner son accord ? On ne vit pas dans un monde merveilleux ! J’ai parfois l’impression qu’on a tendance à l’oublier dans cet hémicycle…

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Nous avions expliqué, lors de la discussion générale, que certaines mesures de ce texte pouvant paraître anecdotiques posaient en fait des difficultés majeures. C’est le cas du dispositif de cet article. En effet, petit bout par petit bout, on organise une flexibilité accrue du travail, on remet en cause certains droits des salariés. Pour l’instant, cela ne vaut que pour une période donnée, celle de l’état d’urgence sanitaire, mais on sait très bien que ce qui a ainsi été mis sur la table pourra l’être à nouveau ultérieurement.

Nous sommes donc extrêmement inquiets que toute une série de mesures viennent détricoter, certes partiellement, les droits des salariés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 66.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 67, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. L’amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. L’alinéa que cet amendement tend à supprimer contient des dispositions relatives aux horaires de travail, qui peuvent être précisés dans les conventions de prêt, là encore avec l’accord du salarié. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 67.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 127, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

3° L’information et la consultation préalables du comité social et économique mentionnées aux douzième et quatorzième alinéas dudit article L. 8241-2 peuvent être remplacées par une consultation sur les différentes conventions signées, effectuée dans le délai maximal d’un mois à compter de la signature de la convention de mise à disposition ;

4° Lorsque l’intérêt de l’entreprise utilisatrice le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 et qu’elle relève de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale déterminés par décret, les opérations de prêt de main-d’œuvre n’ont pas de but lucratif au sens de l’article L. 8241-1 pour les entreprises utilisatrices, même lorsque le montant facturé par l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice est inférieur aux salaires versés au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de sa mise à disposition temporaire ou est égal à zéro.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. L’objet de cet amendement est de compléter les dispositions qui ont été introduites par la commission des affaires sociales pour faciliter le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif et autoriser, dans des secteurs définis par décret, le prêt de main-d’œuvre sans refacturation intégrale des coûts salariaux à l’entreprise utilisatrice.

De fait, de nombreuses initiatives ont été prises, depuis le début de cette crise, pour assurer le maintien de l’emploi et éviter le chômage partiel et les licenciements. Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif est l’un des outils à la disposition des entreprises et des associations. Si elles sont confrontées à une baisse ou à une interruption de leur activité, elles peuvent prêter temporairement un ou plusieurs de leurs salariés à une autre entreprise qui aurait des besoins de main-d’œuvre. Cela se fait évidemment avec l’accord des salariés.

Les coûts salariaux – salaire, cotisations sociales et frais professionnels – sont refacturés à l’entreprise utilisatrice pour garantir le caractère non lucratif : il ne s’agit pas d’organiser une sorte de nouveau marché du travail.

Cependant, malgré l’appui du ministère du travail et les conventions types mises à disposition, notamment les avenants aux contrats de travail disponibles en ligne, certaines initiatives se heurtent à des difficultés d’application du cadre légal dans un contexte d’urgence économique.

L’amendement du Gouvernement vise à compléter les dispositions introduites sur l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, de manière à adapter les modalités de consultation et d’information des instances représentatives du personnel, afin d’accélérer la mise en œuvre des dispositions relatives au prêt de main-d’œuvre.

Nous proposons également, par l’insertion d’un nouveau 4°, de déroger à l’interdiction du prêt de main-d’œuvre à but lucratif, dans un champ qui sera limité par décret, en permettant des mises à disposition qui ne donneront pas lieu à une refacturation intégrale des coûts salariaux. Cela peut concerner une entreprise voulant aider une association sans refacturer intégralement les coûts salariaux ou des établissements sociaux et médico-sociaux souhaitant mettre des personnels formés, disponibles et volontaires à disposition d’autres établissements du même groupe connaissant des besoins temporaires et hétérogènes de main-d’œuvre liés à une surcharge de travail mais ne pouvant pas assumer la totalité des coûts salariaux.

Cette faculté s’exercera sous la surveillance des instances représentatives du personnel et sur la base du volontariat des salariés concernés. Dans un contexte de crise, cela permettra de répondre à des besoins de main-d’œuvre et de sauvegarder des emplois, pour que l’ensemble du marché du travail puisse fonctionner le mieux possible dans la situation actuelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Ces dérogations complémentaires vont dans le sens de l’assouplissement. Il s’agit d’essayer de trouver des solutions dérogatoires au droit dans une situation difficile. Il s’agit bien de dérogations liées à la crise, et non de dispositions pérennes. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 127.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er novodecies, modifié.

(Larticle 1er novodecies est adopté.)

Article 1er novodecies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 1er novodecies - Amendement n° 46 rectifié

Articles additionnels après l’article 1er novodecies

M. le président. L’amendement n° 278, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 1er novodecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’entreprise ou l’établissement, mentionné au I de l’article L. 5122-1 peut bénéficier d’un régime d’activité partielle spécifique sous réserve de la conclusion d’un accord collectif ou de l’élaboration d’un plan d’activité réduite pour le maintien en emploi définissant le champ d’application de l’activité partielle spécifique, les réductions de l’horaire de travail pouvant donner lieu à indemnisation à ce titre et les engagements spécifiquement souscrits en contrepartie, notamment pour le maintien de l’emploi.

Un décret en Conseil d’État précise le contenu de l’accord ou du plan.

II. – À défaut d’accord mentionné au I du présent article, un document élaboré par l’employeur après consultation du comité social et économique, lorsqu’il existe, fixe le contenu du plan d’activité réduite pour le maintien en emploi et précise les éléments prévus au même I.

Les conditions d’application et de renouvellement du plan sont précisées par décret.

III. – L’accord collectif mentionné audit I ou le plan mentionné au II est transmis à l’autorité administrative pour validation de l’accord ou homologation du plan.

IV. – L’autorité administrative valide l’accord collectif mentionné au I dès lors qu’elle s’est assurée :

1° des conditions de validité et de la régularité de la procédure de négociation et le cas échéant, de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique ;

2° de la présence dans l’accord de l’ensemble des dispositions mentionnées au I.

La procédure de validation est renouvelée en cas de conclusion d’un avenant de révision.

V. – En l’absence d’accord collectif, l’autorité administrative homologue le plan élaboré par l’employeur mentionné au II, après avoir vérifié :

1° la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique ;

2° la présence et la conformité de l’ensemble des dispositions mentionnées au I ;

3° l’adéquation des mesures retenues avec la situation de l’entreprise.

La procédure d’homologation est renouvelée en cas de reconduction ou d’adaptation du plan.

VI. – L’autorité administrative notifie à l’employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l’accord collectif mentionné au I et la décision d’homologation dans un délai de vingt et un jours à compter de la réception du plan élaboré par l’employeur mentionné au III.

Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires. La décision prise par l’autorité administrative est motivée.

Le silence gardé par l’autorité administrative pendant les délais prévus au premier alinéa du présent VI vaut décision d’acceptation de validation ou d’homologation. Dans ce cas, l’employeur transmet une copie de la demande de validation ou d’homologation, accompagnée de son accusé de réception par l’administration, au comité social et économique et, si elle porte sur un accord collectif, aux organisations syndicales représentatives signataires.

La décision de validation ou d’homologation ou, à défaut, les documents précités et les voies et délais de recours sont portés à la connaissance des salariés par voie d’affichage sur leurs lieux de travail ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine à cette information.

VII. – Pour l’application du présent article, le pourcentage de l’indemnité et le montant de l’allocation peuvent être majorés dans des conditions et dans les cas déterminés par décret.

VIII. – Le présent article est applicable aux accords collectifs et aux plans d’activité transmis à l’autorité administrative pour validation ou homologation, dans les conditions prévues au III, au plus tard le 30 juin 2022.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Je reviens ici sur un sujet particulièrement important.

Nous avions présenté, mardi dernier, un amendement qui visait à permettre la mise en œuvre d’un dispositif alternatif à l’activité partielle de manière à accompagner les entreprises durablement affectées par la situation sanitaire et économique. Le Sénat a jugé que l’objet de cet amendement, dont le dispositif prenait la forme d’une habilitation à légiférer par ordonnance, manquait de précision.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous avons écoutés, nous vous avons entendus. Je vous présente donc ce soir un amendement afin de préciser clairement « en dur » le dispositif que nous envisageons de mettre en œuvre.

Nous avons su transformer l’activité partielle rapidement et efficacement, pour en faire le dispositif le plus protecteur d’Europe : il a permis de protéger 12 millions de salariés et 1 million d’entreprises.

Toutefois, l’État ne saurait payer durablement les salaires de millions d’employés du secteur privé. Il ne vous aura pas échappé que nous entrons à présent dans une autre phase de la crise. Dans cette nouvelle phase, les contraintes économiques pesant sur les entreprises pourront conduire à des arbitrages affectant l’emploi. Nous avons tous conscience que le retour à la pleine activité sera plus ou moins rapide selon les secteurs ; dans bien des cas, il ne pourra être immédiat, ni même rapide. Selon la durée des cycles de production, il pourra prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. On a parlé de l’industrie automobile ; on pourrait tenir les mêmes propos au sujet du secteur aéronautique, du tourisme, de la culture ou du sport, secteurs dont l’activité est largement saisonnière. Il est clair que ces secteurs seront très affectés, non seulement en 2020, mais encore en 2021.

Alors, que faire pour protéger l’emploi, pour permettre aux entreprises de préserver leurs compétences et aux salariés de garder leur emploi ?

Il nous paraît nécessaire de mettre très rapidement en place de nouveaux dispositifs de préservation de l’emploi et des compétences. Ces dispositifs permettront aux entreprises d’ajuster à la baisse leur capacité de production, en fonction de la demande, et de limiter les coûts économiques et sociaux, tout en préservant l’emploi et les compétences pendant cette période.

Très concrètement, ces entreprises pourront, par accord avec les organisations syndicales, diminuer le temps de travail et pratiquer la modération salariale, à condition de maintenir intégralement l’emploi. Une aide de l’État viendra compenser en partie la perte de pouvoir d’achat des salariés, sur une durée assez longue.

Cela représente un effort pour les salariés, pour les entreprises et pour l’État, mais tout le monde y gagne aussi. En effet, quelle serait l’alternative pour ces entreprises qui vont connaître six, douze ou dix-huit mois difficiles, sinon le licenciement d’une partie de leur personnel ?

Une réduction du temps de travail, compensée en partie par un système d’activité partielle financé par l’État, vaut mieux que des licenciements. À la fin, il y aura moins de chômeurs et nos entreprises garderont leurs compétences : l’argent public aura été bien investi.

Cette mesure présente un certain caractère d’urgence. En effet, on constate, dès aujourd’hui, que des entreprises, des secteurs entiers, commencent à éprouver de lourdes difficultés en dépit des prêts garantis par l’État, du recours massif au chômage partiel et des reports de charges sociales. Il y a des limites à l’exercice : à un moment donné, il faut un marché et des clients pour pouvoir préserver l’activité économique et l’emploi.

Dès lors, pour prévenir le risque d’une multiplication des PSE, nous vous proposons de mettre en place un dispositif d’activité partielle de longue durée, reposant sur un effort partagé entre les entreprises, les salariés et l’État. Il est très important de pouvoir disposer de ce dispositif pour répondre de manière pragmatique aux demandes de secteurs et d’entreprises qui, dans quelques semaines, risquent de se trouver en difficulté. Ainsi, des négociations pourront s’ouvrir dès maintenant au sein des entreprises concernées.

Le décret d’application précisera que, dans les entreprises où un accord majoritaire pourra être trouvé, le taux de prise en charge par l’État sera plus important. Nous voulons encourager un dialogue social renforcé.

Notre boussole, c’est la préservation de l’emploi. Nous voulons permettre à ces entreprises et à ces salariés de continuer de croire en l’avenir. Nous sommes dans une situation de crise et d’urgence, ce qui requiert agilité et réaction. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous vous avons écoutés ; j’espère que vous nous soutiendrez dans cette approche, car il y a beaucoup d’emplois à la clé !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Madame la ministre, vous nous donnez les précisions que nous appelions de nos vœux. Vous voyez : quand vous le voulez, tout se passe bien ! Il convient de travailler en bonne entente avec le Parlement : votre projet était flou, et le Sénat, sous l’égide du président de sa commission des lois, l’avait balayé d’un revers de main, mais cela vous permet aujourd’hui de nous apporter ces précisions.

Cet amendement prévoit donc un régime d’activité partielle spécifique, conditionné à la conclusion d’un accord collectif ou, à défaut, à l’élaboration par l’employeur d’un plan d’activité réduite pour le maintien en emploi. Cet accord ou ce plan devra comporter des engagements en matière d’emploi en contrepartie des aides reçues ; il devra être homologué par l’autorité administrative, ce qui nous paraît tout à fait normal.

Ce dispositif spécifique coexistera avec le régime d’activité partielle ordinaire. Il vise à apporter un accompagnement de plus long terme à des entreprises confrontées à une baisse d’activité durable, mais disposant de réelles perspectives de reprise.

Dans ce cadre, l’indemnité d’activité partielle et l’aide versée par l’État et l’assurance chômage pourront être majorées par rapport au dispositif d’activité partielle ordinaire.

L’aide pourrait également être majorée en cas d’accord collectif par rapport à un document élaboré par l’employeur. Par ailleurs, le contrôle de proportionnalité de l’administration pourrait être plus poussé en cas de plan d’activité unilatérale. Bien que le texte ne le précise pas, nous vous incitons à aller dans ce sens, madame la ministre.

De tels accords ou plans pourront être conclus ou établis jusqu’au 30 juin 2022. Nous tenions à cette précision : ainsi, ce dispositif rentre bien dans le cadre du plan d’urgence. Il s’agit d’un délai suffisant, me semble-t-il, pour que le mécanisme soit opérant.

Madame la ministre, vous avez précisé vos intentions. Nos échanges ont été constructifs. Toutefois, je regrette qu’un dispositif aussi important soit présenté par le biais d’un amendement de séance déposé il y a quelques minutes. Reste qu’il est nécessaire d’avoir des dispositifs couvrant toutes les situations. Si celui-ci peut aider un certain nombre d’entreprises, nous en serons très heureux !

La commission des affaires sociales n’ayant pu examiner cet amendement, j’exprime, à titre personnel, un avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Madame la ministre, le dispositif que vous proposez est intéressant, dès lors qu’il s’agit de sauvegarder des emplois en évitant des licenciements secs. Pour autant, prévoyez-vous des garde-fous ? L’exemple d’Air France cité par Fabien Gay est parlant : les entreprises qui verseront des compléments de salaire exorbitants pourront-elles aussi bénéficier de ce type d’aide ? Ces entreprises seront également confrontées à des difficultés et elles feront certainement appel à un tel dispositif, sous le prétexte, légitime, de sauvegarder les emplois. Y aura-t-il une contrepartie ou va-t-on continuer à verser des aides aussi importantes, au nom du maintien de l’emploi, à des entreprises qui se livrent à de telles pratiques ?

Par ailleurs, les contrôles seront-ils accrus ? Nous sommes aujourd’hui presque quotidiennement saisis – et ce n’est sans doute qu’un début – par des salariés qui, n’ayant jamais cessé de travailler, ont découvert, par exemple en consultant leur bulletin de salaire, qu’ils avaient été placés en chômage partiel, avec tout ce que cela implique.

M. Albéric de Montgolfier. Il y a énormément de fraude !

Mme Monique Lubin. Je suis favorable à ce genre de dispositif, mais quels garde-fous et quels contrôles avez-vous prévus ? La fraude existe dans toutes les strates de la société.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Monique Lubin a posé la question la plus importante : au respect de quels critères ce dispositif sera-t-il conditionné ?

Nous sommes tous conscients qu’il va falloir trouver un système pour accompagner la reprise de l’activité. Pour notre part, nous proposons par exemple que le chômage partiel puisse être un temps de formation pris en charge. Voilà une idée innovante pour faciliter le retour à l’emploi et la conversion des emplois !

Madame la ministre, vous nous dites que le recours au dispositif sera conditionné à un accord d’entreprise. Or le texte de l’amendement précise que, à défaut d’accord, c’est l’employeur qui a la main. Qu’en est-il précisément ? En cette période, ce sont les employeurs qui ont la main dans la négociation des accords d’entreprise, pas les salariés. Vous insistez beaucoup sur les accords d’entreprise et le dialogue social, mais, vous le savez fort bien, le dialogue social est actuellement extrêmement défavorable aux salariés. Beaucoup d’entreprises vont profiter de la crise pour licencier : c’est le cas de Camaïeu, d’Alinéa ou de General Electric, pour ne citer qu’elles. Des dizaines de milliers d’emplois sont en jeu.

Enfin, madame la ministre, vous avez déclaré que, en cas de conclusion d’un accord majoritaire, l’État mettra davantage au pot. Quid en l’absence d’accord ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le dispositif prévoit une validation en cas d’accord et une homologation renforcée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l’emploi (Direccte) dans tous les autres cas. C’est un premier garde-fou.

Le second garde-fou, c’est le dialogue social. Par expérience, j’y crois beaucoup. Dans le contexte que nous connaissons, le dispositif fonctionnera le mieux quand il y aura un accord. Tout accord doit être majoritaire : je vous rappelle que nous avons renforcé le rôle du dialogue social dans les entreprises au travers des ordonnances de 2017. L’accord peut être négocié à l’échelon d’une entreprise ou à celui d’une branche. Voilà quelques jours, un accord très intéressant, dont le contenu est très proche de ce dispositif et qui offre un cadre de référence pour l’ensemble de la branche métallurgie, a été signé par une majorité d’organisations syndicales et par les organisations patronales. Il prévoit notamment un engagement de maintien de l’emploi et une négociation sur la réduction du temps de travail.

Monsieur Gay, je ne l’ai pas indiqué tout à l’heure, mais il sera également possible d’utiliser le temps de travail libéré pour la formation. Je prendrai l’exemple du secteur automobile. Dès avant la crise sanitaire, il était en profonde mutation, du fait de la transition écologique et de la transformation numérique. Puisque l’on va réduire le temps de travail, autant profiter du temps libéré pour accélérer les montées en compétences. Le soutien de l’État portera à la fois sur la formation et sur le complément de rémunération.

Madame Lubin, la question du contrôle est effectivement importante. Dès la mise en place du chômage partiel, j’avais déclaré que nous faisions confiance a priori et que nous contrôlions a posteriori. Si nous n’avions pas fait confiance a priori, pensez-vous que nous aurions pu étudier en quelques semaines les dossiers d’un million d’entreprises ? Non, ce qui signifie que nous aurions alors laissé de très nombreux salariés sur le carreau. Le chômage partiel est en effet un dispositif d’aide à l’entreprise qui ne sert qu’à protéger l’emploi, donc les salariés.

Par conséquent, il était important de faire confiance a priori et de mettre en place un dispositif accessible de manière systématique, ouverte et rapide. D’ailleurs, je salue à cette occasion les services de mon ministère, à l’échelon tant régional que central, et l’agence de paiement. En huit jours, ils ont mis en place un système à la hauteur des besoins.

Vient maintenant le temps du contrôle. J’ai demandé à mes services de mettre en place un important plan de contrôle, sur pièces ou sur place selon les cas, qui permet de vérifier que l’argent public est bien utilisé comme il se doit. (M. Fabien Gay sexclame.)

Si une entreprise pratique la fraude au chômage partiel, il s’agit de travail illégal et elle s’expose à des sanctions financières, administratives et, potentiellement, pénales. Certaines entreprises, notamment parmi les plus petites, qui recouraient au chômage partiel pour la première fois, ont pu commettre de bonne foi des erreurs dans le calcul du taux horaire. Nous regarderons ces situations avec bienveillance, dans l’esprit de la loi pour un État au service d’une société de confiance, et les entreprises concernées rembourseront les aides perçues.

Mais il y a aussi des entreprises qui organisent la fraude.

M. Fabien Gay. Cela représente 28 % des cas !

Mme Muriel Pénicaud, ministre. C’est de la délinquance et, dans ce cas, les sanctions s’appliqueront. Nous avons commencé à procéder à un certain nombre de recoupements, notamment administratifs, qui nous permettent de réaliser des contrôles à distance. Nous procédons aussi à des visites d’entreprise. Quand nous sommes alertés par des comités socio-économiques, des organisations syndicales ou des salariés, nous contrôlons systématiquement.

Je ne crois pas du tout que la majorité des entreprises fraudent, mais, dans tout secteur, il s’en trouve toujours quelques-unes qui trichent. Il n’est pas question que l’argent public soit détourné et serve à autre chose qu’à la protection de l’emploi. Ces entreprises seront évidemment sanctionnées.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Madame la ministre, sur le fond, j’entends l’intérêt du dispositif, mais, sur la forme, il est difficilement acceptable qu’une mesure aussi importante nous soit soumise par voie d’amendement, à cette heure. Il nous aurait fallu beaucoup plus de temps pour l’examiner correctement. Cette situation est tout à fait regrettable.

M. Fabien Gay. C’est vrai !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 278.

(Lamendement est adopté.)

Article additionnel après l'article 1er novodecies - Amendement n° 278
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 2

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er novodecies.

L’amendement n° 46 rectifié, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 1er novodecies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Par dérogation à la durée fixée à l’article L. 3262-5 du code du travail, les titres émis en 2020 qui n’ont pas été présentés au remboursement par un restaurant ou un détaillant en fruits et légumes avant la fin du quatorzième mois suivant l’expiration de leur période d’utilisation sont définitivement périmés.

La parole est à Mme Monique Lubin.

Mme Monique Lubin. Si nous partageons l’objectif de soutenir le secteur de la restauration au travers du fonds imaginé par le Gouvernement et financé par les titres-restaurant périmés, le mécanisme présente un double inconvénient.

D’une part, il ne sera effectif qu’à la date d’expiration des titres émis en 2020, soit au mois de mars 2021. Or nombre de restaurateurs risquent malheureusement d’avoir mis la clef sous la porte avant cette date.

D’autre part, il fait reposer ce geste de solidarité sur les salariés, y compris les plus mal payés, alors que les titres-restaurant sont un avantage acquis lié au contrat de travail qui doit leur revenir.

C’est pourquoi nous proposons un dispositif nettement plus simple, plus rapide et plus efficace, qui permettrait de conjuguer soutien aux restaurateurs et maintien du bénéfice des titres-restaurant pour les salariés : il s’agit tout simplement de prolonger d’un an la validité des titres émis en 2020. Cela donnerait du pouvoir d’achat aux salariés, tout en profitant directement aux restaurateurs et aux commerces habilités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. La commission avait rejeté les dispositions concernant les tickets-restaurant proposées par le Gouvernement, car elles prenaient effet en 2021. Il sera toujours temps, en fin d’année, à l’occasion d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative ou d’un projet de loi de finances rectificative, de revoir le dispositif des tickets-restaurant. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.

Il est proposé d’étendre de quatorze mois la validité des titres émis en 2020, ce qui signifie qu’ils seraient valables jusqu’à la fin du mois de février 2022. Cette mesure n’est pas nécessaire, dans la mesure où les titres n’ayant pas été utilisés durant leur période de validité peuvent être restitués par le salarié à l’employeur et échangés gratuitement contre un nombre égal de titres nouvellement émis. Il n’y a donc pas de risque de préjudice pour le salarié.

Par ailleurs, il faut que les titres-restaurant puissent être utilisés le plus rapidement possible, pour aider nos restaurateurs, qui savent, depuis aujourd’hui, qu’ils pourront rouvrir à certaines conditions. Il faut donc au contraire encourager l’utilisation des titres-restaurant. C’est d’ailleurs dans cet esprit que le Gouvernement prendra prochainement un décret portant de 19 à 38 euros par jour le montant de titres-restaurant utilisable, afin d’aider au redémarrage des restaurants. Nos restaurateurs ont beaucoup souffert. Il faut les aider à repartir.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Si j’ai bien compris, l’intention première du Gouvernement était que les titres-restaurant périmés donnent lieu à remboursement et que l’argent aille directement à un fonds de soutien aux restaurants. La mesure que nous proposons me paraît plus juste : tout en permettant d’aider les restaurants, elle donne du pouvoir d’achat aux salariés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 46 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er novodecies - Amendement n° 46 rectifié
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Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 37

Article 2

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi ainsi que, le cas échéant, à les étendre et les adapter aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution, afin :

1° et 2° (Supprimés)

3° De prolonger, au-delà de la période initialement fixée, la durée de la délégation de gestion prévue pour la gestion des programmes européens à l’article 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, en prévoyant les adaptations de la gestion de ces programmes rendues nécessaires par les évolutions du droit de l’Union européenne ;

4° D’adapter les missions des comités d’agence et des conditions de travail des agences régionales de santé prévus à l’article L. 1432-11 du code de santé publique pour définir leurs compétences et déterminer leurs ressources en matière d’activités sociales et culturelles ;

5° (Supprimé)

II. – (Supprimé)

III. – Pour chacune des ordonnances prévues au présent article, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de sa publication.

M. le président. L’amendement n° 226 rectifié, présenté par Mmes Prunaud, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann et MM. Ouzoulias et Savoldelli, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’amendement est retiré, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 226 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 253, présenté par M. Ravier, n’est pas soutenu.

L’amendement n° 232, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

six

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, par un amendement adopté en commission, vous avez réduit les délais d’habilitation pour prendre les ordonnances.

Si le délai de trois mois que vous proposez pouvait se justifier pour plusieurs dispositions, cela n’est pas le cas pour la disposition spécifique aux fonds européens, qui seule subsiste dans cet article. Il convient en effet d’attendre les évolutions du droit de l’Union européenne s’agissant du cadre financier pluriannuel et de la structuration des fonds européens, qui, en ce moment même, sont toujours en cours de négociation. Il faudra encore plusieurs mois avant qu’elles soient adoptées. Par conséquent, un délai de trois mois serait certainement trop court.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. De manière générale, la commission avait été attentive à ce que les délais des habilitations soient brefs. À l’article 2, il ne subsiste plus qu’une seule habilitation, qui a trait à des domaines relevant d’une négociation européenne, toutes les autres dispositions ayant été inscrites en clair dans le texte. Le Gouvernement demande un délai de six mois. Cela semble raisonnable s’agissant d’une négociation européenne. La commission émet par conséquent un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 232.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement vise à supprimer la demande d’habilitation prévue à l’alinéa 4, afin que les dispositions prévues par l’amendement suivant puissent être inscrites directement dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission émet bien sûr un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 36.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
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Article 2 bis A (nouveau)

Article additionnel après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 37, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article L. 1432-11 du code de la santé publique est ainsi complété :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il bénéficie d’une subvention de fonctionnement dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État. » ;

2° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans le champ des activités sociales et culturelles, le comité d’agence et des conditions de travail exerce les compétences prévues aux articles L. 2312-78 à L. 2312-80, au second alinéa de l’article L. 2312-81 et aux articles L. 2312-83 et L. 2312-84 du code du travail.

« Les ressources du comité d’agence et des conditions de travail en matière sociale et culturelle sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;

3° L’avant-dernier alinéa du 1 est ainsi modifié :

a) Après les mots : « 2° et 3° », sont insérés les mots : « et au septième alinéa » ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Pour l’exercice de ces compétences, la commission spécialisée peut, par délégation du comité d’agence et des conditions de travail, disposer de prérogatives précisées par décret en Conseil d’État. »

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement a pour objet de clarifier et de compléter le code de la santé publique, pour permettre la mise en place des nouvelles instances consultatives des personnels des agences régionales de santé au plus tard le 1er janvier 2021.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 37.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 37
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article additionnel après l'article 2 bis A - Amendement n° 199

Article 2 bis A (nouveau)

I. – À titre expérimental et pour une durée de quatorze mois, les dispositions du présent article sont applicables à compter de leur date d’entrée en vigueur mentionnée au VI.

II. – Le prix d’achat effectif défini au deuxième alinéa du I de l’article L. 442-5 du code de commerce est affecté d’un coefficient de 1,10 pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie revendus en l’état au consommateur.

III. – A. – Les dispositions du présent III s’appliquent aux avantages promotionnels, immédiats ou différés, ayant pour effet de réduire le prix de vente au consommateur de denrées alimentaires ou de produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie.

B. – Les avantages promotionnels, le cas échéant cumulés, mentionnés au A du présent III, accordés au consommateur pour un produit déterminé, ne sont pas supérieurs à 34 % du prix de vente au consommateur ou à une augmentation de la quantité vendue équivalente.

C. – Ces avantages promotionnels, qu’ils soient accordés par le fournisseur ou par le distributeur, portent sur des produits ne représentant pas plus de 25 % :

1° Du chiffre d’affaires prévisionnel fixé par la convention prévue à l’article L. 441-3 du code de commerce ;

2° Du volume prévisionnel prévu par un contrat portant sur la conception et la production de produits alimentaires selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l’acheteur ;

3° Des engagements de volume portant sur des produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l’aquaculture.

Pour l’application des dispositions du présent C, la convention mentionnée au 1° et le contrat mentionné au 2° fixent respectivement un chiffre d’affaires prévisionnel et un volume prévisionnel.

D. – Ne s’appliquent pas :

1° Aux produits périssables et menacés d’altération rapide, à condition que l’avantage promotionnel ne fasse l’objet d’aucune publicité ou annonce à l’extérieur du point de vente, les B et C du présent III ;

2° Aux denrées alimentaires dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, figurant sur une liste définie par les autorités compétentes, le C du présent III.

E. – Tout manquement aux obligations du présent III par le fournisseur ou le distributeur est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € ou la moitié des dépenses de publicité effectuées au titre de l’avantage promotionnel pour une personne morale. L’amende est prononcée dans les conditions prévues à l’article L. 470-2 du code de commerce. Le maximum de l’amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.

IV. – Les dispositions du présent article ne sont pas applicables dans les collectivités de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de La Réunion et de Mayotte, ni dans les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

V. – A. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, peut suspendre l’application des dispositions prévues aux II et III, le cas échéant jusqu’au terme de la période définie au I, pour tout ou partie des denrées ou produits mentionnés aux II et III, si les conditions prévues au B du présent V sont remplies. Dans ce cas, l’Assemblée nationale et le Sénat en sont informés sans délai.

B. – Les dispositions du A du présent V sont applicables si le comportement d’un nombre significatif d’acheteurs de denrées ou produits mentionnés aux II et III, lors de la négociation ou de l’exécution des conventions et des contrats mentionnés au C du III, est de nature à compromettre sensiblement l’atteinte de l’un des objectifs de rétablissement de conditions de négociation plus favorables pour les fournisseurs, de développement des produits dont la rentabilité est trop faible, et de meilleur équilibre dans les filières alimentaires.

VI. – A. – Les dispositions du II entrent en vigueur le 1er janvier 2021.

B. – Les dispositions du III entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er mars 2021.

VII. – Avant le 1er octobre 2021, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les effets du présent article sur la construction des prix de vente des denrées alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie revendus en l’état au consommateur et le partage de la valeur entre les producteurs et les distributeurs.

Ce rapport prend en compte les éléments d’appréciation de la pertinence des mesures en cause, fournis par l’ensemble des acteurs économiques concernés de la filière alimentaire.

M. le président. L’amendement n° 254 n’est pas soutenu.

L’amendement n° 231, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi ainsi que, le cas échéant, à les étendre et les adapter aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution, afin de prolonger, pour une période ne pouvant excéder vingt-quatre mois, la durée pendant laquelle sont applicables en tout ou partie les dispositions de l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires, de renforcer le contrôle du respect des dispositions de la même ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 et de modifier les dispositions du III de l’article 3 de la même ordonnance, dans l’objectif de faciliter la commercialisation de certains produits et d’établir des conditions de négociation plus favorables pour les fournisseurs et de meilleur équilibre dans les filières alimentaires.

II. – Le projet d’ordonnance pris sur le fondement du I du présent article est dispensé de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire.

III. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de sa publication.

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Il s’agit de rétablir la disposition relative aux modalités de la prolongation de la durée d’application des mesures de l’ordonnance du 12 décembre 2018 dans la rédaction issue du texte voté par l’Assemblée nationale, mais pour une durée de vingt-quatre mois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Nous avions rédigé en clair et conformément à l’avis de la commission des affaires économiques un amendement relatif aux seuils de revente à perte et l’encadrement des promotions. Le Gouvernement veut revenir sur une décision quasiment unanime du Sénat. J’ose espérer que le Sénat n’a pas changé d’avis sur ce point….

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement croit nécessaire de procéder à une modification de l’ordonnance du 12 décembre 2008 par voie d’ordonnance afin de prendre en considération, d’une part, le rapport qui doit être remis au Parlement au plus tard au mois d’octobre prochain, et, d’autre part, les résultats de la concertation qui va être menée avec les acteurs économiques afin de définir au mieux les modifications qui doivent être apportées à cette ordonnance, notamment en ce qui concerne l’encadrement des promotions de volume.

Dans la rédaction résultant du texte voté par la commission des affaires économiques du Sénat, les dispositions de l’ordonnance seraient reconduites à l’identique, avec une exception pour les produits saisonniers. Or le contenu précis des aménagements qu’il conviendra de prévoir pour ces dispositions ne pourra être défini qu’à la lumière de l’évaluation qui est en cours et fera l’objet du rapport précité et d’une concertation très approfondie avec l’ensemble des acteurs.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Je remercie la commission des lois de son soutien.

Monsieur le ministre, je comprends bien vos arguments, mais il y a urgence pour un certain nombre de produits, notamment les produits festifs. C’est la raison pour laquelle le Sénat tient beaucoup à conserver le dispositif tel qu’il a été adopté, ce qui n’empêchera ni de mener des concertations ni d’ajouter des dispositions.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 231.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 260 rectifié, présenté par MM. Gabouty, Arnell, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Corbisez, Mme Costes, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde, M. Léonhardt, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Remplacer le mot :

fournisseurs

par le mot :

producteurs

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le terme « fournisseurs » ne semble pas le mieux adapté, dans la mesure où il peut s’agir d’un grossiste, d’un importateur ou d’un autre intermédiaire. Or la mesure doit profiter de façon prioritaire aux producteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Tous les fournisseurs peuvent être concernés. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. Jean-Claude Requier. Je retire l’amendement, monsieur le président !

M. le président. L’amendement n° 260 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 2 bis A.

(Larticle 2 bis A est adopté.)

Article 2 bis A (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 2 bis

Article additionnel après l’article 2 bis A

M. le président. L’amendement n° 199, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Gay, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 2 bis A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions de l’article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime sont élargies à l’ensemble des produits agricoles et alimentaires.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Un coefficient multiplicateur encadre le rapport entre le prix de vente au consommateur et le prix d’achat aux producteurs, pour limiter les marges des intermédiaires – transformation et distribution notamment – et permettre ainsi un meilleur partage de la valeur ajoutée, ce qui était l’un des objectifs des états généraux de l’alimentation.

Ce dispositif existe déjà ; son application est limitée à trois mois pour les fruits et légumes périssables en cas de crise, mais, dans les faits, il n’est jamais activé. Dans la période actuelle, les producteurs indiquent être moins payés, à hauteur de 10 %, par la grande distribution et l’on observe quelques flambées des prix, jusqu’à 18 % pour certaines catégories de produits frais.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Le problème est réel, mais il semblerait que ce dispositif ne soit pas la solution. Alors qu’il existe depuis 2005, il n’a pas été mis en place une seule fois, car il est extrêmement complexe et inefficace.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 199.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 bis A - Amendement n° 199
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 2 ter

Article 2 bis

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article L. 122-4 du code du service national est ainsi rédigé :

« Les volontaires internationaux participent à l’action de la France dans le monde en matière d’aide publique au développement, d’action culturelle et d’environnement, de développement technique, scientifique et économique, d’action humanitaire, de diplomatie d’influence et d’attractivité. Ils contribuent également à l’action de la France en faveur du développement de la démocratie et des droits de l’homme, éléments indissociables d’une politique de paix, et à la mise en œuvre de la politique de la France en matière d’asile. Ils concourent aux missions et au bon fonctionnement des services de l’État à l’étranger. »

M. le président. L’amendement n° 41, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. Kanner, Todeschini, Boutant et Devinaz, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Vallini, Vaugrenard et Leconte, Mme Lepage, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin et Carcenac, Mme Conconne, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Jomier, Lalande, Lozach, Lurel, Magner et Manable, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mme Préville, M. Raynal, Mmes S. Robert et Rossignol, MM. Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Tocqueville, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Mme Hélène Conway-Mouret. Je précise que j’ai toujours soutenu les programmes VIA – volontariat international en administration – et VIE – volontariat international en entreprise. J’ai même contribué, dans d’autres fonctions, à assouplir les critères du VIE afin de le rendre plus attractif pour les entreprises et pour les jeunes.

Ces programmes constituent pour les jeunes diplômés une formidable opportunité d’acquérir une expérience à l’international dans l’administration, en ce qui concerne le VIA, ou en entreprise, en ce qui concerne le VIE, formatrice et enrichissante sur le plan linguistique. Cette expérience peut aussi constituer un tremplin professionnel.

En demandant la suppression de cet article, nous n’entendons nullement priver les plus de 650 VIA déployés aujourd’hui dans les réseaux du ministère de cette expérience ; il s’agit plutôt de limiter le champ de ce que l’on peut leur demander.

S’il est nécessaire de faire évoluer le cadre législatif actuel pour mettre en cohérence le droit et la pratique, l’extension des missions des VIA au domaine de la diplomatie d’influence prévue par cet article va beaucoup trop loin. La diplomatie d’influence mise en œuvre par les chefs de poste et relayée par notre politique culturelle s’inscrit dans le temps long et demande de la continuité dans les actions menées. L’organisation d’un festival du film ou du livre francophone ou une programmation culturelle se préparent généralement un à deux ans avant la tenue de l’événement. Or la durée d’immersion des VIA est limitée : le renouvellement fréquent des effectifs est incompatible avec une telle mission.

Lors de mes déplacements dans ma circonscription, je rencontre des VIA et j’ai pu noter que, faute de personnel en nombre suffisant, à la suite des coupes répétées dans la masse salariale pratiquées depuis plus de vingt ans, qui ont entraîné des suppressions de postes, certains d’entre eux étaient chargés de tâches pour lesquelles ils n’avaient ni les connaissances ni la formation nécessaires. La belle expérience internationale se transforme alors vite en cauchemar, et tout le monde y perd. Les réductions d’effectifs les plus importantes ayant porté sur la coopération et l’action culturelle, l’article 2 permettrait d’affecter les VIA à ces missions. En tout cas, la tentation serait grande…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission partageait entièrement l’analyse de Mme Conway-Mouret et de ses collègues signataires de l’amendement. Toutefois, dans l’intervalle, le Gouvernement a déposé un amendement visant à préciser les choses d’une façon qui me paraît tout à fait raisonnable au regard de l’argumentation qui vient d’être développée. C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement au profit de celui du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Nous avons effectivement tenu compte des inquiétudes qui se sont exprimées ; l’amendement n° 274 a pour objet d’y répondre de façon claire.

Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Madame Conway-Mouret, l’amendement n° 41 est-il maintenu ?

Mme Hélène Conway-Mouret. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 41 est retiré.

L’amendement n° 274, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le premier alinéa de l’article L. 122-4 du code du service national est ainsi rédigé :

« Au titre de la coopération internationale, les volontaires internationaux participent à l’action de la France dans le monde, notamment en matière d’aide publique au développement, d’environnement, de développement technique, scientifique et économique et d’action humanitaire. Ils contribuent également à l’action de la France en faveur du développement de la démocratie et des droits de l’homme, éléments indissociables d’une politique de paix et à la mise en œuvre de la politique de la France en matière d’asile. Ils concourent aux missions et au bon fonctionnement des services de l’État à l’étranger. »

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Le Gouvernement a souhaité intégrer un dispositif concernant les VIA dans le projet de loi relatif aux diverses dispositions mentionnées. Sur l’initiative de Mme Conway-Mouret, un amendement visant à supprimer cette disposition a été déposé ; il a été retiré à l’instant.

La disposition prévue ici consiste à sécuriser le statut des VIA à la suite d’une décision du tribunal administratif, sans étendre leur recours. Il ne s’agit donc ni de confier aux VIA des fonctions nécessitant une durée d’affectation longue ni de les substituer aux agents titulaires du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Par cette disposition, le Gouvernement souhaite uniquement faire coïncider le droit et la pratique, comme le relève le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi.

Cette disposition vise à donner une base juridique solide aux différents types de missions actuellement confiées aux VIA, en particulier dans les services informatiques et dans les services immobiliers, où la contribution de ces jeunes diplômés à des fonctions d’exécution sous l’autorité d’agents d’encadrement est très appréciée.

Je tiens d’ailleurs à préciser que, d’un strict point de vue arithmétique, loin d’accroître le nombre de VIA au détriment de celui de ses propres agents, le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a, depuis 2014, réduit de 15 % le nombre de VIA, celui-ci passant de 711 à 605. Voilà qui témoigne de son souci de cibler les fonctions les plus adaptées à cette forme de volontariat.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Mme Hélène Conway-Mouret. Monsieur le ministre, je note avec satisfaction que la disposition prévue limite le champ des affectations possibles et va dans le sens de ce que nous souhaitons.

Il est vrai que les VIA doivent renforcer les équipes et non se substituer aux agents titulaires, voire être affectés à des postes de travail permanents. Il est important de le rappeler.

Il est bon aussi que ces jeunes diplômés puissent mettre en pratique ce qu’ils ont appris dans les domaines scientifique, économique ou juridique. Ils apportent une contribution précieuse aux tâches administratives, et il importe que leur travail soit limité aux heures de bureau. C’est un rappel important, quand on sait que les 1 250,56 euros d’indemnité qu’ils perçoivent chaque mois ne leur permettent guère de se loger près du centre-ville, où se trouve leur lieu de travail. Il ne leur est pas toujours facile de rentrer chez eux tard le soir.

Évidemment, cela ne doit pas les empêcher de soutenir les projets culturels, sans en être ni les organisateurs ni les exécutants.

Je conclurai par une observation qui sera sans doute partagée par mes collègues représentant les Français établis hors de France et les membres de la commission des affaires étrangères.

Nous nous efforçons chaque année de contenir les efforts budgétaires demandés au ministère de l’Europe des affaires étrangères, qui se traduisent malheureusement toujours par des suppressions de postes et des cessions de biens immobiliers. La pandémie a notamment mis en lumière la nécessité de pouvoir s’appuyer sur un service public solide, pourvu des moyens nécessaires. Notre réseau consulaire a été exemplaire pendant cette pandémie : d’ailleurs, les équipes sont aujourd’hui épuisées ! Elles ont assuré au mieux le rapatriement de 186 000 Français qui étaient bloqués à l’étranger et elles continuent aujourd’hui à travailler pour les communautés françaises qu’elles servent. Je tenais à leur rendre hommage.

Monsieur le ministre, dans la mesure où votre amendement répond aux inquiétudes que nous avons exprimées, mon groupe le soutiendra.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 274.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 2 bis, modifié.

(Larticle 2 bis est adopté.)

Article 2 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 3 (supprimé)

Article 2 ter

(Non modifié)

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, le b du 2° du I de l’article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 est applicable aux demandes déposées devant le comité d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires avant l’entrée en vigueur de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 précitée.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L’amendement n° 29 est présenté par Mme Préville, MM. Sueur, Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. Kanner et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini et Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.

L’amendement n° 107 rectifié bis est présenté par MM. Prince et Moga, Mmes Sollogoub et Guidez, MM. Janssens, Kern et Louault, Mmes Billon et Doineau, MM. Le Nay, Mizzon, Canevet, Longeot, P. Martin et Vanlerenberghe, Mmes Vérien et Saint-Pé, MM. Delcros et Laurey et Mme C. Fournier.

L’amendement n° 207 est présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 238 rectifié est présenté par Mme Bories, MM. D. Laurent et Pellevat, Mme Noël, M. Regnard, Mme Deroche, MM. de Legge, Pierre et Gremillet, Mme Duranton, MM. Mandelli, Danesi, Lefèvre et Cuypers, Mmes Imbert et Deromedi, MM. Dallier et Milon, Mme Thomas, M. Longuet, Mme Lopez et M. Piednoir.

L’amendement n° 259 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Cazabonne.

Ces cinq amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 29.

Mme Angèle Préville. Nous abordons ici un sujet particulièrement sensible.

Il est de notre responsabilité et de notre devoir moral de sécuriser le dispositif d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, eu égard au préjudice de santé subi par ces vétérans.

La route a été longue avant que ne leur soit enfin reconnu le statut de victime d’essais nucléaires et qu’une indemnisation ne soit prévue. Lors des essais, on n’avait ni imaginé ni anticipé les conséquences de l’exposition aux rayonnements ionisants, que l’on sait désormais nocifs pour la santé.

L’Association des vétérans des essais nucléaires, l’AVEN, souligne que, depuis la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, des critères plus stricts de recevabilité des demandes d’attribution d’indemnisation faites auprès de la Commission d’indemnisation des victimes d’essais nucléaires, la Civen, ont été instaurés, notamment en ce qui concerne la dose minimale de rayonnements ionisants reçus.

Or l’article 2 ter du présent projet de loi prévoit d’appliquer les nouveaux critères pour l’instruction des demandes d’indemnisation faites auprès de la Civen avant le 28 décembre, donc avant l’entrée en vigueur de la loi précitée. Autrement dit, cet article instaure une rétroactivité. Les personnes ayant sollicité la Civen avant cette date se verront appliquer les mêmes règles que ceux qui ont formulé leur demande après le 28 décembre.

Enfin, cet article n’a aucun rapport avec la crise due à la pandémie. Sachant que c’est au moins la troisième fois que nous sont soumises des dispositions concernant l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, je m’interroge… En tout état de cause, un tel article est pour le moins déplacé dans ce projet de loi.

M. le président. L’amendement n° 107 rectifié bis n’est pas soutenu.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 207.

Mme Éliane Assassi. À l’instar de Mme Préville, nous considérons que l’article 2 ter n’a aucun lien avec la crise du Covid-19. Il constitue selon nous un cavalier législatif et porte gravement atteinte aux intérêts des victimes d’essais nucléaires.

En somme, Paris souhaite faire le tri entre les cancers résultant d’une exposition à la radioactivité lors d’essais nucléaires et ceux qui sont provoqués par d’autres causes. C’est pourquoi au critère de « risque négligeable » a succédé celui du millisievert : il s’agit de l’unité légale d’équivalent de dose qui permet de rendre compte de l’effet biologique produit par une dose absorbée donnée sur un organisme vivant.

Derrière cet amendement de suppression, il y a des hommes et des femmes qui demandent que soient reconnues les séquelles des essais nucléaires réalisés en Polynésie sous différents gouvernements français. Leur combat ressemble à celui des victimes de l’amiante ou du colonialisme dans le monde.

L’État ne doit pas se défausser de sa responsabilité. Il doit au contraire reconnaître ses erreurs et indemniser les victimes.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour présenter l’amendement n° 238 rectifié.

Mme Corinne Imbert. Il serait injuste que les victimes d’essais nucléaires ayant déposé leur dossier avant le 28 décembre 2018 dans des conditions juridiques précises pâtissent des modifications prévues par l’article 2 ter du projet de loi que nous examinons ce soir.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 259 rectifié bis.

Mme Françoise Laborde. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Comme l’a indiqué Mme Préville, l’indemnisation des victimes d’essais nucléaires est un sujet sensible.

La Civen, créée par une loi de 2017 et présidée par notre collègue de Polynésie Lana Tetuanui, avait notamment pour mission de déterminer une méthode d’indemnisation uniforme de toutes les victimes d’essais nucléaires. C’est précisément ce qu’elle a fait.

L’article dont la suppression est demandée prévoit que cette méthode unique soit appliquée, quelle que soit la date de dépôt des dossiers de demande d’indemnisation.

Il se trouve que nous avons déjà voté cette disposition le 3 mars dernier, lors de l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. Il me semblerait assez normal de la revoter aujourd’hui. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Sur l’ensemble de ces amendements, le Gouvernement a lui aussi émis un avis défavorable, pour les motifs exposés par Mme la rapporteure.

L’article 2 ter reprend les dispositions adoptées par le Sénat sur proposition du Gouvernement le 3 mars 2020, lors de l’examen en première lecture du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dit ASAP, afin de préciser l’interprétation qui doit être faite de l’article 232 de la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

Pour rappel, cette disposition avait fait l’objet d’un amendement gouvernemental et d’un amendement parlementaire, défendu par Mme Lana Tetuanui, sénatrice du groupe Union Centriste et par ailleurs présidente de la commission instituée par l’article 113 de la loi du 28 février 2017 chargée de proposer les mesures destinées à réserver l’indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires. Les travaux de cette commission ont abouti à la présentation de l’article 232 de la loi de finances pour 2019.

Aucune circonstance nouvelle de droit ou de fait n’est intervenue depuis ce vote. Faute, pour le législateur, d’avoir prévu expressément des dispositions transitoires pour l’application de cet article lors du vote de la loi, le Conseil d’État a jugé, dans deux décisions du 27 janvier, que ses dispositions n’étaient applicables qu’aux demandes présentées devant le Civen postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de finances.

La situation qui résulte de ces décisions est caractérisée par une atteinte à l’égalité de traitement des demandeurs, ainsi qu’à la sécurité juridique de l’ensemble des décisions désormais prises par le Civen. Elle met en jeu l’existence même du dispositif.

L’adoption de ces amendements de suppression remettrait en cause l’ensemble du processus et des dispositions votées récemment, y compris par votre assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Il est des instances qui sont infaillibles, mais il peut arriver au Sénat de faire des erreurs ou de mal apprécier la portée de ce qu’il vote. Quand tous les groupes politiques déposent un même amendement, c’est le signe que quelque chose ne va pas.

En l’espèce, il y a deux solutions. On peut considérer, comme vous le faites, madame la rapporteure, monsieur le ministre, que, le dispositif ayant été voté, il n’y a pas à y revenir : circulez, il n’y a rien à voir ! Mais on peut aussi admettre que l’on a eu tort.

L’Association des vétérans des essais nucléaires a accompli un travail considérable. Les différents gouvernements l’ont écoutée, mais il lui a fallu attendre bien longtemps avant qu’un dispositif satisfaisant ne soit adopté. Or voilà que les victimes vont découvrir qu’elles n’obtiendront pas ce qu’elles croyaient avoir obtenu !

En outre, il est patent que cet article n’a rien à voir avec l’objet du texte. Nous avons là une nouvelle occasion de constater que l’application de l’article 45 de la Constitution est à géométrie très variable…

Cela étant, puisque le Gouvernement introduit ce sujet dans le débat, nous allons tous ensemble, monsieur le ministre,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Jean-Pierre Sueur. … corriger l’erreur commise, afin que les victimes des essais nucléaires bénéficient d’une réparation.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29, 207, 238 rectifié et 259 rectifié bis.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 2 ter est supprimé.

Article 2 ter
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Article additionnel après l'article 3 (supprimé) - Amendement n° 78 rectifié ter

Article 3

(Supprimé)

M. le président. L’amendement n° 124, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi destinées, afin d’améliorer la gestion de la trésorerie de l’État, à prescrire, sous réserve de l’article 26 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le dépôt sur le compte du Trésor des disponibilités des personnes morales soumises aux règles de la comptabilité publique et d’organismes publics ou privés chargés d’une mission de service public, à l’exclusion des organismes qui gèrent un régime de retraite.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Cet amendement vise à rétablir l’article 3, qui prévoit la centralisation des trésoreries publiques et a été supprimé en commission.

Je ne reviendrai pas sur les motifs qui ont conduit le Gouvernement à introduire cet article. Je rappellerai simplement que plusieurs dispositions législatives ou réglementaires spécifiques ont accordé une exemption à des organismes publics relevant du champ de l’article 1er du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, ainsi qu’à d’autres organismes publics ne relevant pas de ce décret, ce qui fait obstacle à la mise en œuvre de l’obligation qui leur est faite de déposer leurs fonds au Trésor.

La centralisation des trésoreries publiques a permis de réduire l’endettement public. On estime ainsi que depuis sa mise en place, au début des années 2000, elle a permis de faire l’économie de 200 milliards d’euros d’emprunts publics.

Les acteurs actuellement concernés sont notamment l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les hôpitaux. L’État ne détient pas leur trésorerie, il n’en prend pas possession, et les entités dont la trésorerie est centralisée peuvent l’utiliser à tout moment pour leurs dépenses. Si les collectivités territoriales se trouvaient spoliées par la centralisation de leur trésorerie, cela se saurait !

Je rappelle que le dépôt des fonds des collectivités locales sur le compte du Trésor est prévu par l’article 26 de la loi organique relative aux lois de finances et précisé par loi de finances. Il n’est donc pas possible de modifier les dispositions relatives aux collectivités territoriales par cette ordonnance.

Les régies d’avances et de recettes des collectivités territoriales déposent également leur trésorerie sur le compte du Trésor, puisqu’elles sont un service des collectivités locales, sauf lorsqu’elle est constituée d’espèces.

Les offices d’HLM bénéficient d’une exemption, sur laquelle le Gouvernement n’entend pas revenir. Les dépôts des collectivités territoriales sur le compte du Trésor atteignent 60 milliards d’euros, soit la moitié du total de ce compte, qui est de près de 130 milliards d’euros actuellement.

Le Gouvernement n’entend pas soumettre les caisses de retraite et les ordres professionnels à l’obligation de dépôt des fonds sur le compte du Trésor. Il n’entend pas introduire de nouvelles exceptions dans la loi, mais il a accepté qu’il y soit inscrit, par voie d’amendements à l’Assemblée nationale, que les caisses de retraite ne sont pas concernées.

À titre d’exemples, pourraient être concernés par les dispositions de cet article l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs et le Commissariat à l’énergie atomique.

La critique formulée par la commission des finances du Sénat se concentre sur la portée très générale de l’habilitation. Il s’agit principalement de recenser les organismes qui devraient normalement entrer dans le champ du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et déposer leurs disponibilités sur le compte du Trésor. La mesure permettra donc de faire respecter ce principe tout en octroyant des dérogations.

L’autorisation d’ouverture des comptes en dehors du Trésor est appréciée au regard de critères essentiellement opérationnels. Elle ne soulève aucune difficulté de principe ou de jugement en opportunité. La centralisation des trésoreries publiques produit des effets, mais il faut du temps pour s’y préparer, ce qui explique la durée de l’habilitation. Le Gouvernement souhaite se concerter en amont avec les organismes concernés, en particulier pour l’instruction technique, chaque organisme ayant vocation à entrer au fil de l’eau dans le mécanisme de centralisation. Le principe même de la mesure ne permet donc pas de présenter au Parlement un recensement exhaustif de ces organismes.

M. le président. Le sous-amendement n° 277, présenté par M. Patient, n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission des finances sur l’amendement n° 124 ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis de la commission des finances. J’ai bien écouté M. le ministre, mais je n’ai pas été convaincu par son argumentation. Un certain nombre d’interrogations ont été soulevées à l’Assemblée nationale, où de nombreux amendements visant à supprimer l’article 3 ont été déposés.

L’article 3 posait le principe de la centralisation au Trésor public des trésoreries d’organismes publics, mais également d’organismes privés chargés de missions de service public : le champ peut être vaste, et inclure par exemple des maisons de retraite ou des associations.

Le Gouvernement est incapable de nous fournir ne serait-ce qu’une liste indicative des organismes qui pourraient être concernés. C’est pour cette raison que le champ de l’habilitation apparaît très large. La commission des lois a délégué l’examen de l’article 3 à la commission des finances, mais je pense que son président est, de façon générale, opposé aux habilitations trop larges. Or, en l’espèce, le Gouvernement nous demande de lui donner une sorte de blanc-seing.

Je propose une méthode plus simple : que le Gouvernement élabore une liste des organismes concernés, et nous nous prononcerons lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative prévu pour juin prochain.

En l’état, le dispositif suscite évidemment de nombreuses interrogations, à tel point d’ailleurs que vous avez dû préciser, à l’Assemblée nationale, que les caisses de retraite ne seraient pas concernées. Mais quid des mutuelles, des entreprises publiques, de la RATP, des maisons de retraite ? Le caractère trop large du dispositif alimente tous les fantasmes…

Le Gouvernement étant incapable de nous apporter des précisions, la commission des finances est défavorable au rétablissement de l’article 3. Encore une fois, nous ne sommes pas opposés par principe à la centralisation des trésoreries, qui peut être utile, mais la méthode n’est pas satisfaisante. J’ajoute que le Trésor public n’offre pas tous les services d’une banque.

M. le président. La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.

M. Patrice Joly. Je partage le point de vue du rapporteur pour avis. Nous ne sommes pas opposés au principe de la centralisation des trésoreries, mais on ne voit pas bien le lien entre le dispositif proposé et l’état d’urgence sanitaire, économique et sociale lié à l’épidémie. Il s’agit plutôt, à nos yeux, d’une sorte de cavalier législatif permettant de faire adopter des dispositions qui seraient sans doute rejetées en d’autres circonstances. Cette manière de contourner la procédure législative n’est pas acceptable, au regard de l’étendue du champ de l’habilitation sollicitée ; on n’en connaît pas précisément le périmètre, ce qui suscite des interrogations.

En outre, l’urgence ne justifie pas cette disposition, dont la mise en œuvre, complexe, demandera du temps.

Enfin, on ne voit pas bien l’intérêt financier d’une telle mesure, l’État se finançant actuellement parfois à des taux négatifs.

Dans ces conditions, le groupe socialiste et républicain votera contre cet amendement visant à rétablir l’article 3.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur de Montgolfier, si nous avions une liste, nous aurions inscrit la mesure directement dans le texte, mais la diversité de l’action administrative et des établissements concernés font que nous ne pouvons pas établir une telle liste à ce stade. Le Gouvernement a tout à fait conscience que le périmètre de l’habilitation demandée est large, mais cela permettra d’inclure des organismes au cas par cas dans le champ du dispositif, en fonction de considérations techniques ou autres.

Je le répète, aucune entité ne s’est trouvée pénalisée ou mise en difficulté du fait de la centralisation de sa trésorerie. Au total, 130 milliards d’euros sont aujourd’hui inscrits sur le compte du Trésor public, la moitié de ce montant provient des collectivités locales. C’est un dispositif qui fonctionne.

Monsieur le rapporteur général, vous proposez de revenir sur ce sujet lors de l’examen du prochain projet de loi de finances rectificative, mais, dans dix ou dix-sept jours, nous n’aurons pas davantage avancé sur l’établissement d’une liste, pour les raisons que je viens d’évoquer.

Enfin, monsieur le sénateur Joly, le besoin de financement de l’État en 2020 est, à ce stade, de l’ordre de 300 milliards d’euros, contre 200 milliards d’euros l’année dernière. Aucun pays, la France pas plus que les autres, n’est à l’abri d’un retournement de tendance en matière de taux d’intérêt. Il est nécessaire de crédibiliser notre démarche auprès des marchés financiers, alors que nous sommes face à un mur d’endettement colossal, compte tenu de la situation créée par l’épidémie de Covid-19. Tel est aussi l’objet du dispositif que nous vous proposons. On nous demande, de façon légitime, de prendre des mesures en faveur de telle ou telle catégorie, de tel ou tel secteur d’activité, afin de favoriser la relance, mais on ne saurait considérer qu’il nous sera facile demain d’emprunter sur les marchés financiers sans une démarche crédible. Ce qui se passe en France et dans le monde actuellement, ce n’est pas rien !

Nous demandons une large habilitation parce qu’il nous est impossible, je le répète, d’établir une liste, compte tenu de la multiplicité des établissements susceptibles d’être concernés. Je précise que la RATP ne peut pas l’être, car il s’agit d’un établissement public à vocation commerciale.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Ce n’est pas ce que l’on nous a dit !

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Le groupe Union Centriste est également très préoccupé par le manque de clarté du dispositif de cet amendement. Il est tout à fait logique que les collectivités territoriales aient recours à ce compte, puisque c’est la direction générale des finances publiques qui engage les dépenses et perçoit les recettes, mais bon nombre d’opérateurs privés du secteur sanitaire et social et les chambres consulaires, par exemple, sont inquiets. Il faut clarifier les choses. Notre groupe votera contre cet amendement visant à rétablir l’article 3.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Il est compréhensible qu’un organisme financé par l’impôt soit inclus dans le champ d’un tel dispositif, mais c’est plus problématique, y compris en termes de crédibilité, quand il s’agit d’un établissement public administratif dont la plus grande partie des recettes provient de son activité. En l’état, nous ne pouvons pas voter cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 124.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 3 demeure supprimé.

Article 3 (supprimé)
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Article additionnel après l'article 3 (supprimé) - Amendement n° 85 rectifié

Articles additionnels après l’article 3

M. le président. L’amendement n° 78 rectifié ter, présenté par Mme Pantel, MM. Requier, Arnell, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Roux et Vall, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au I de l’article 27 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2021 ».

II. – À l’article 7 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2021 ».

III. – La majoration du montant de la péréquation postale prévue au II de l’article 6 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom ne s’applique pas à compter du 1er janvier 2020 pour les communes bénéficiant de la prorogation.

IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

VI. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

VII. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement vise à prolonger jusqu’au 31 décembre 2021 le classement actuel des communes en zones de revitalisation rurale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Cet amendement me paraît un peu prématuré. Il aurait davantage sa place dans un projet de loi de finances rectificative. Par ailleurs, il tend à prolonger le zonage, mais pas le dispositif lui-même, ce qui le prive de tout effet. J’en demande donc le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 78 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.

Article additionnel après l'article 3 (supprimé) - Amendement n° 78 rectifié ter
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Article 4

M. le président. L’amendement n° 78 rectifié ter est retiré.

L’amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. Sueur, Kanner et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny et Daunis, Mme de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article 200 quindecies du code général des impôts, il est inséré un article 200 sexdecies ainsi rédigé :

« Art. 200 sexdecies. – I. – Ouvrent droit à un crédit d’impôt sur le revenu égal à la totalité de leur montant les dépenses relatives à l’achat de masques adaptés contre la propagation du virus covid-19 effectués par les contribuables domiciliés en France au sens de l’article 4 B.

« II. – Le présent article s’applique pour l’achat de masques relevant du K bis de l’article 278-0 bis. »

II. – L’article 200 sexdecies du code général des impôts est abrogé au 1er janvier 2022.

III. – Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

IV. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Éric Kerrouche.

M. Éric Kerrouche. Cet amendement vise à assurer la gratuité des masques propres à lutter contre la propagation du coronavirus. Afin de garantir sa recevabilité financière, est prévue la création d’un crédit d’impôt égal à 100 % des dépenses effectuées par les Français pour l’achat de ces masques.

Il n’est pas nécessaire de revenir sur la saga des masques, d’autant moins utiles que nous n’en avions pas… Les commissions d’enquête parlementaires reviendront sur ce point.

De multiples prises de position de l’Organisation mondiale de la santé ou de l’autorité sanitaire américaine ont souligné que le port de masques était nécessaire pour lutter contre la pandémie. Le Conseil scientifique, dans différents avis, a également affirmé que ces équipements contribuaient à la prévention et devaient être utilisés pour éviter un rebond de l’épidémie.

Alors que ces masques sont indispensables, leur coût n’est pas supporté de la même façon par l’ensemble de la population. Des inégalités évidentes, détaillées dans l’objet de l’amendement, existent en fonction de la composition et des ressources de la famille. Il nous semble donc nécessaire que les masques soient remboursés. C’est une condition de la réussite du déconfinement.

Monsieur le ministre, faites comme le Président de la République : enfourchez le tigre, et rendez les masques gratuits !

M. le président. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Cet amendement vise en fait non pas à instaurer la gratuité des masques, mais à créer un crédit d’impôt pour leur achat. Imaginez le coût de gestion d’un tel dispositif par l’administration fiscale ! Chacun devrait conserver tous ses tickets attestant de l’achat de masques dont le prix moyen est aujourd’hui d’environ 60 centimes. Il faudrait créer une sorte d’application Julia des masques…

Par ailleurs, de nombreuses collectivités offrent aujourd’hui des masques gratuitement. Il est aussi possible de confectionner soi-même des masques réutilisables en tissu.

Je rappelle enfin que si le Parlement a baissé, sur mon initiative, le taux de la TVA sur les équipements de protection, le Gouvernement n’a toujours pas pris l’arrêté fixant la liste de ces équipements. Que l’on ne nous dise pas, madame de Montchalin, que c’est un problème européen, car un rescrit fiscal dispense de TVA les dons de tenues de protection, qui sont donc définies par ailleurs par l’administration fiscale.

Qui est donc le ministre de l’économie et des finances ? Est-ce le directeur de l’administration fiscale ? Le secrétaire général du Gouvernement ? Est-ce l’administration qui dirige ce pays ? Le Parlement fixe-t-il encore le taux des impositions, comme le prévoit la Constitution ? Le fait que les collectivités territoriales se voient toujours appliquer le taux de TVA de 20 % et que les industriels n’obtiennent pas de réponses à leurs questions commence à m’énerver ! Le Gouvernement prendra-t-il enfin un jour les décrets permettant d’appliquer les dispositions votées par le Parlement ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) Sur l’amendement, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. M. de Montgolfier vient d’émettre deux avis défavorables, l’un sur l’amendement de M. Kerrouche, l’autre sur la mise en œuvre de la mesure que le Sénat a votée voilà quelques semaines.

Il est exact que, contrairement à ce que j’avais indiqué de bonne foi, la baisse du taux de TVA s’applique déjà aux masques et aux gels, mais pas encore aux tenues. Je comprends votre énervement, monsieur de Montgolfier, mais j’espère que la question sera réglée rapidement, avant ma prochaine venue au Sénat.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour avis. Je l’espère aussi !

M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur Kerrouche, j’ai bien compris que vous aviez envie de parler des masques, mais vous proposez un système techniquement ingérable, pour ceux qui voudraient bénéficier de ce crédit d’impôt comme pour l’administration fiscale. C’est une usine à gaz !

Par ailleurs, les collectivités locales, l’État ou d’autres acteurs mettent souvent gratuitement des masques à disposition, ce qui est beaucoup plus simple. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Comment expliquera-t-on à nos concitoyens qu’ils doivent garder leurs tickets de caisse attestant de l’achat de masques pour pouvoir bénéficier du dispositif à partir d’un certain montant ? Nous visons au contraire la simplification. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Il n’est pas l’heure de s’énerver, monsieur le ministre, mais à qui la faute, si c’est compliqué ? À vous ! Vous êtes incapables de proposer un dispositif qui rendrait les masques gratuits. Nous sommes donc obligés d’élaborer une solution, qui n’est pas satisfaisante, et vous nous le reprochez ensuite ! Mais c’est vous qui avez créé le problème !

Il est assez incroyable que l’on balaye ainsi d’un revers de main le problème du coût des masques pour les Français. Monsieur de Montgolfier, je veux bien entendre qu’il y aura un coût de gestion pour les finances publiques, mais il y a aussi un coût pour les familles françaises, qui ne sont pas toutes dans la même situation financière.

Monsieur le ministre, il est assez fabuleux que vous vous appuyiez, dans votre réponse, sur le fait que les collectivités locales se sont mobilisées et distribuent des masques gratuitement. Encore une fois, l’État manque à son devoir de protection de la population. Nous maintenons notre amendement. Le dispositif proposé n’est peut-être pas bon, mais votre réponse n’est pas à la hauteur. Elle ne l’a d’ailleurs jamais été depuis le début de la crise !

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.

Mme Laure Darcos. J’irai dans le sens de M. Kerrouche.

Certes, monsieur le ministre, l’État, et surtout les collectivités locales, ont distribué des masques gratuitement. À cette heure tardive, peut-être parviendrai-je à vous convaincre : l’État ne pourrait-il faire en sorte de rembourser à hauteur de 50 % les masques payés par les collectivités locales avant le 15 avril ? D’une certaine manière, le choix arbitraire de la date du 15 avril pénalise tous les bons élèves – régions, départements, intercommunalités, communes – qui ont anticipé les difficultés depuis le début du confinement en passant des commandes massives de masques. C’est injuste ! Le Gouvernement a d’ailleurs reçu des centaines de lettres émanant de collectivités et de parlementaires dénonçant cette situation.

M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.

Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, je trouve que votre réponse est empreinte de beaucoup de désinvolture. (M. le ministre le conteste.)

Vous balayez d’un revers de main les difficultés que les familles avec enfants rencontrent pour s’équiper en masques. Je vois des sourires sur certaines travées, mais c’est le quotidien de nos compatriotes ! Les masques coûtent cher pour beaucoup de personnes, surtout pour celles qui subissent une baisse de salaire en raison d’une mise au chômage partiel.

À vous entendre, le fait que les collectivités distribuent gratuitement des masques règle le problème. Je me souviens des premières réunions des comités Covid, en préfecture : on nous a annoncé qu’il faudrait que la population porte des masques, mais que l’État ne pouvait rien faire, alors qu’il s’agit pourtant d’une question de santé publique, relevant donc de sa compétence. Nous avons dû commander et payer des masques, sans attendre que vous nous proposiez une quelconque solution. Et heureusement que nous avons agi ainsi ! Les premiers masques, ce sont les collectivités locales qui les ont fournis. Même à près de 3 heures du matin, il n’y a pas lieu de manifester une telle désinvolture au travers de vos réponses, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Madame la sénatrice, ne caricaturez pas mes propos ni mon attitude : je n’ai jamais employé un ton désinvolte.

Je suis moi-même élu d’une commune de 700 habitants, et je sais très bien ce qui a été fait par les collectivités locales. Est-ce désinvolte de vous dire que vous ne m’apprenez rien sur ce plan ? Le Gouvernement dit simplement que le dispositif proposé ne répond pas à l’objectif. Sa mise en œuvre créerait en outre des problèmes de gestion, y compris pour nos concitoyens. Exprimer son désaccord avec un dispositif n’est pas faire montre de désinvolture.

Madame Darcos, je crois que nous aurons quelques rendez-vous avec les collectivités locales pour évoquer les questions financières et fiscales…

M. Loïc Hervé. C’est probable, et même certain !

M. Marc Fesneau, ministre. Il sera alors intéressant de regarder le sujet dans son entièreté. Je n’ignore pas les difficultés de recettes – et parfois de dépenses – des collectivités locales, et vous n’ignorez pas celles de l’État – de recettes, mais surtout de dépenses ! Je ne doute pas que nous aurons de très intéressants débats sur les vertus et les difficultés de l’autonomie fiscale des collectivités territoriales…

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 85 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 3 (supprimé) - Amendement n° 85 rectifié
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Article 5

Article 4

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et afin de préserver les intérêts de la France, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de sept mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour tirer les conséquences de la fin de la période de transition prévue à l’article 126 de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique et visant à :

1° (Supprimé)

2° Assurer la poursuite, par les bénéficiaires de licences et d’autorisations de transfert de produits et matériels à destination du Royaume-Uni, délivrées en application des articles L. 2335-10 et L. 2335-18 du code de la défense avant la fin de la période de transition mentionnée au premier alinéa du présent I, des prospections et négociations engagées ainsi que de la fourniture de ces produits et matériels jusqu’à l’expiration du terme fixé par ces licences et autorisations ;

3° Sécuriser les conditions d’exécution des contrats d’assurance conclus antérieurement à la perte de la reconnaissance des agréments des entités britanniques en France et assurer la continuité des pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution vis-à-vis des entités ayant perdu ces agréments ;

4° Introduire des règles adaptées pour la gestion de placements collectifs et pour les plans d’épargne en actions dont l’actif ou l’emploi respecte des ratios ou règles d’investissement dans des entités européennes.

II. – (Supprimé)

III. – Pour chacune des ordonnances prévues au présent article, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de sa publication.

IV (nouveau). – Après le mot : « compter », la fin du dernier alinéa de l’article L. 2221-1 du code des transports est ainsi rédigée : « de la fin de la période de transition prévue à l’article 126 de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique et uniquement dans le cas où aucune instance internationale ne peut être qualifiée d’autorité nationale de sécurité au sens du droit communautaire. »

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, sur l’article.

M. Jean Bizet. L’article 4 comporte notamment deux demandes d’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances sur deux questions qui vont se poser à la fin de la période de transition, quand le Royaume-Uni quittera l’Union européenne : l’une concerne la possibilité, pour un assureur britannique, d’honorer les contrats signés auparavant au sein de l’Union européenne ; l’autre la possibilité de conserver dans un plan d’épargne en actions (PEA) des titres de sociétés britanniques, à l’issue de la période de transition, sachant qu’un PEA ne doit aujourd’hui contenir que des titres de sociétés des États membres de l’Union européenne.

Il s’agit donc d’autoriser le Gouvernement à prendre des mesures qui seraient éventuellement nécessaires, à la fin de cette période de transition, si aucun accord n’était conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Il s’agit de protéger les épargnants français contre des pertes financières en cas de survenue d’un Brexit « dur » au 31 décembre 2020 – une hypothèse qui, au regard de la conjoncture, n’est nullement exclue.

Se pose la question de l’étendue et de l’exhaustivité des mesures envisagées. En ce qui concerne les services financiers, une habilitation couvrant un domaine bien plus large avait été prévue dans la loi d’habilitation du 19 janvier 2019, dont notre collègue Ladislas Poniatowski était le rapporteur. À l’époque, il s’agissait de se préparer à un Brexit sans accord transitoire au titre de l’article 50. L’ordonnance du 6 février 2019, prise sur le fondement de cette loi, était explicitement destinée à parer à un tel scénario, qui ne s’est finalement pas produit. L’accord euro-britannique trouvé au titre de l’article 50 a de facto rendu caduque cette ordonnance.

Or les deux mesures envisagées par le présent projet de loi ne couvrent qu’une partie infime des questions qui vont se poser en matière de services financiers en cas de Brexit sans accord à la fin de 2020. Lors de sa récente audition par la commission des finances du Sénat, Robert Ophèle, le président de l’Autorité des marchés financiers, s’inquiétait précisément que le régime applicable à l’issue de cette période de transition, le 1er janvier prochain, ne soit pas encore défini.

L’habilitation demandée n’est-elle donc pas trop étroite ? N’est-elle pas également trop précoce ? Ne pourrait-on intégrer ces dispositions dans une loi de finances rectificative, plutôt que de légiférer par ordonnances ? Nous en avons encore le temps d’ici au 31 décembre 2020.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, sur l’article.

Mme Hélène Conway-Mouret. Je profite de l’examen de cet article pour attirer l’attention sur l’importance de la coopération en matière de défense que la France entretient de longue date avec le Royaume-Uni et de l’implication du Parlement, non seulement dans le suivi de cette coopération, mais également dans sa concrétisation.

L’année 2020 est particulière pour la coopération franco-britannique en matière de défense : nous fêterons, à l’automne, les dix ans des accords de Lancaster House, qui ont mené à un approfondissement sans précédent de la coopération engagée en 1995 avec la déclaration de Christchurch, aussi bien dans le domaine nucléaire qu’en matière de projection de forces d’interopérabilité ou d’intégration industrielle.

Cette coopération est aujourd’hui solide. Elle s’est développée dans un nombre important de secteurs qui font l’objet de nombreux contrats. Le dixième anniversaire des accords de Lancaster House doit être l’occasion d’un renouvellement des engagements, mais aussi d’une nouvelle réflexion sur la convergence stratégique, l’achèvement du projet de force expéditionnaire conjointe et le développement des piliers de la coopération bilatérale dans de nouveaux domaines, comme la cyberdéfense, la stratégie spatiale, l’intelligence artificielle et la coopération dans la gestion des menaces hybrides.

Réussir le sommet bilatéral prévu à cette date est d’autant plus nécessaire qu’avec le Brexit la France jouera un rôle pivot dans l’arrimage du Royaume-Uni à son ambition d’une défense européenne. Le Royaume-Uni reste également indispensable au maintien de son autonomie et de sa souveraineté stratégique.

Dans cette perspective, il nous paraît essentiel que le Parlement, et en particulier le Sénat, puisse disposer de toute la latitude nécessaire pour exercer son rôle de contrôle vigilant de cette coopération et de son évolution. Le Gouvernement doit comprendre que le Parlement joue un rôle central dans le renouvellement de la confiance nécessaire à la poursuite de cette coopération. Il sait les liens étroits tissés par les commissions compétentes du Sénat avec leurs homologues britanniques et leur rôle dans le suivi des négociations du Brexit ces quatre dernières années.

Dans ces circonstances, il nous paraît important que le Parlement conserve tous ses droits dans sa mission de contrôle des négociations du futur accord de partenariat ou des conséquences d’un échec de ces négociations sur la coopération en matière de défense. C’est tout l’objet de l’amendement de notre groupe que défendra Didier Marie.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. En ce qui concerne le périmètre des habilitations, je rappelle que, en l’absence d’accord, les questions financières rentreront dans le champ des compétences de l’Union européenne. Ce n’est pas aux États membres de s’engager sur ce terrain, qui relèvera de la compétence collective des Vingt-Sept.

Si nous n’inscrivons pas ces dispositions dans un projet de loi de finances rectificative, c’est parce que je ne suis pas en mesure aujourd’hui, pas plus que je ne le serai dans quinze jours ou dans trois mois, de vous dire s’il sera vraiment nécessaire de les adopter – un miracle peut toujours advenir –, quand il faudrait les appliquer et pendant combien de temps, puisqu’il s’agit, par définition, de mesures ayant vocation à être transitoires. Il est donc, encore une fois, difficile de les inscrire « en dur » dans un projet de loi de finances rectificative.

Il ne faut pas non plus exclure l’idée que, si un accord est trouvé et s’il inclut un certain nombre de dispositions qui me semblent d’ailleurs relever plutôt du code monétaire et financier, nous puissions là aussi avoir des marges de manœuvre. Cette demande d’habilitation vise à donner de la souplesse sur des critères identifiés qui relèvent du droit national et que nous aurions à appliquer une fois le calendrier clarifié.

Madame Conway-Mouret, le dixième anniversaire des accords de Lancaster House marque effectivement un moment important de notre relation bilatérale avec le Royaume-Uni en matière de défense, et le Parlement a bien évidemment un grand rôle à jouer.

Je tiens à vous rappeler que la défense ne figure pas dans le champ de la négociation que mène Michel Barnier. Je pourrais évoquer les discussions portant sur la politique de sécurité commune, mais, à ce stade, les Britanniques n’ont pas souhaité parler de ce sujet. Il existe évidemment un lien avec les sujets de défense, mais ceux-ci sont davantage abordés dans un cadre bilatéral. Il n’y a donc pas de raison que les instances existant aujourd’hui en matière de défense soient affectées par les négociations sur le Brexit.

M. le président. L’amendement n° 42, présenté par MM. Marie et Kerrouche, Mme Lubin, MM. Kanner et Leconte, Mme Harribey, MM. Fichet et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, MM. Durain, Sueur, Sutour et Todeschini, Mme Conway-Mouret, MM. Boutant et Devinaz, Mme G. Jourda, M. Mazuir, Mme Perol-Dumont, MM. Roger, Temal, Vallini et Vaugrenard, Mme Lepage, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin et Carcenac, Mme Conconne, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Jomier, Lalande, Lozach, Lurel, Magner et Manable, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mme Préville, M. Raynal, Mmes S. Robert, Rossignol et Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Tocqueville, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Didier Marie.

M. Didier Marie. Madame la secrétaire d’État, nous avons entendu vos arguments lors de la discussion générale, mais nous persistons à souhaiter la suppression de cet article. Nous estimons que ces demandes d’habilitation sont prématurées, principalement pour des raisons de méthode.

Tout d’abord, la situation d’urgence sanitaire ne peut être invoquée pour justifier que le Parlement n’aurait pas le temps d’examiner d’ici à décembre les dispositions législatives nécessaires en cas de conclusion ou pas d’un accord avec le Royaume-Uni. Le Parlement, et notamment le Sénat, a démontré, depuis le début de l’état d’urgence, sa capacité à légiférer dans des délais très brefs. Nous pensons que la négociation d’un accord international de partenariat est très éloignée du champ des dispositions à prendre dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

Ensuite, la décision quant à la durée effective de la période de transition sera prise le 1er juillet prochain. C’est à cette date que l’on pourra évaluer s’il est nécessaire ou pas de légiférer rapidement, comme nous l’avons fait l’an dernier en élaborant la loi de janvier 2019 sur le Brexit, qui vous a permis de prendre toutes les dispositions nécessaires. D’ailleurs, une partie des mesures adoptées à l’époque et des ordonnances qui ont suivi pourraient, si nécessaire, être rapidement réactualisées à l’automne.

Enfin, ces habilitations priveraient le Parlement de tout droit de regard sur les dispositions qui seront négociées en vue d’un accord de partenariat avec le Royaume-Uni ou en l’absence d’accord. Comment voulez-vous légiférer sans connaître les mesures équivalentes qui seront prises par le Royaume-Uni ni le dispositif effectivement retenu au niveau européen ? Pourquoi donner une habilitation avant de connaître l’issue des négociations sur, par exemple, l’autorité de sécurité du tunnel sous la Manche ?

En l’état actuel des négociations, rien n’est arrêté pour ce qui concerne les règles de concurrence équitable. L’Union européenne vient seulement de recevoir, le 9 mai dernier, les 400 pages de propositions britanniques. Selon nous, madame la secrétaire d’État, il est urgent d’attendre.

Dans la perspective d’un accord qui aurait des conséquences systémiques, nous estimons au contraire que le Gouvernement serait bien inspiré d’associer le Parlement, qui a, depuis quatre ans, exercé un contrôle permanent et vigilant sur le processus du Brexit et joué un rôle de pédagogie et de relais auprès de nos concitoyens, en particulier ceux concernés par les conséquences du futur accord.

En conclusion, si nous avons déposé cet amendement de suppression, ce n’est pas pour empêcher le Gouvernement d’agir rapidement ; c’est parce que nous considérons que l’établissement de nouvelles relations avec le Royaume-Uni devra faire l’objet d’un projet de loi, qui permettra au Parlement de débattre et d’arrêter les dispositions nécessaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous pouvons partager un certain nombre des propos de notre collègue Didier Marie. Il est notamment parfaitement légitime que le Parlement ne souhaite pas être court-circuité. Il travaille en effet beaucoup sur le Brexit. Je tiens à saluer le travail du comité de suivi présidé par MM. Jean Bizet et Christian Cambon.

Pour autant, la demande du Gouvernement ne me paraît pas anormale sur le principe. Nous avons d’ailleurs très largement encadré les délais : dans le projet de loi initial, le Gouvernement sollicitait une habilitation à légiférer par ordonnances pendant trente mois, durée que nous avons réduite en commission à sept mois, ce qui me paraît beaucoup plus raisonnable. De même, nous avons circonscrit les thèmes.

Pour ces raisons, monsieur Marie, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat. Avis défavorable.

Notre intention n’est absolument pas de court-circuiter le Parlement. D’ailleurs, au début de 2019, une procédure semblable a été suivie, qui n’a en rien empêché un dialogue constant, précis, détaillé entre le Gouvernement et le Parlement sur la manière dont les négociations étaient menées en notre nom à tous par Michel Barnier.

En ce qui concerne le caractère d’urgence, je vous rappelle que les négociations ont été suspendues pendant près de deux mois du fait de la crise sanitaire. Certains négociateurs ont même été touchés par la maladie. Elles reprennent aujourd’hui en visioconférence, c’est-à-dire dans des conditions très difficiles. La probabilité de parvenir à un accord d’ici au 31 décembre 2020 s’amenuise, et le calendrier est entouré de nombreuses incertitudes.

Je crois qu’il est du rôle du Gouvernement sur les points qui relèvent strictement du droit national, et non pas européen, et où nous identifions un besoin de protection d’un certain nombre d’acteurs, de prendre le plus en amont possible les dispositions nécessaires, parce que les Français, les entreprises, les acteurs concernés attendent un signal de réassurance. Ils ne doivent pas subir une double peine, les conséquences du Brexit venant s’ajouter à la crise économique qui s’annonce parce que nous aurions failli à prendre des dispositions. Je sais la Haute Assemblée particulièrement vigilante à l’exercice par le Gouvernement de son devoir d’anticipation.

Quant aux ordonnances prises en 2019, elles sont aujourd’hui caduques, et nous ne pouvons donc plus en appliquer les dispositions. Il importe donc de nous permettre d’agir sans délai pour protéger nos concitoyens et nos entreprises. Construire un accord ambitieux et équilibré portant sur un champ aussi large demandera du temps et des compromis ; cela suppose des moments d’incertitude et des difficultés. C’est pourquoi il nous semblait de notre responsabilité de vous soumettre aussi tôt que possible ce projet de loi d’habilitation.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

M. André Gattolin. Mes chers collègues, vous n’en serez sans doute pas surpris, le groupe La République En Marche ne votera pas cet amendement du groupe socialiste et républicain.

Je dois avouer que je tombe de ma chaise, quand j’entends ce gloubi-boulga : les négociations sur la sortie du Royaume-Uni relèvent de l’Union européenne ! La France ne traite pas directement ce sujet. Par contre, effectivement, les accords de Lancaster House relèvent bien des relations bilatérales. Je me demande parfois si nos éminents représentants du groupe socialiste et républicain au sein de la commission des affaires européennes sont très présents aux réunions… Les négociations sur la sortie du Royaume-Uni sont conduites par l’Union européenne, les parlements nationaux pouvant présenter des propositions de résolution et, in fine, choisir de ratifier ou non le texte. Le droit européen est ainsi !

Comme je l’ai déjà souligné à propos du sujet des intermittents du spectacle, il est toujours mieux de regarder avec deux yeux. Si les rapporteurs ici présents discutaient avec les membres de la commission des affaires européennes, ils se rendraient compte que réduire le délai des habilitations à sept mois est totalement irréaliste ! Vous n’avez jamais suivi de négociations européennes, pour tenir un discours aussi théorique, qui ne tient pas la route en pratique ! À un moment, il faut se réveiller, discuter et mener un travail inter-commissions. Une commission prend toujours le dessus pour décider selon ses préceptes, qui sont toujours bons, puisque ce sont les siens, mais il serait peut-être intelligent de travailler davantage ensemble. Vous vous rendriez alors compte, madame Jourda, qu’un délai de sept mois, ça ne tient pas la route !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Cher André Gattolin, vos propos sonnent bizarrement, comme une provocation. Sur quels sujets les demandes d’habilitation portent-elles ? Le seul sujet, me semble-t-il, qui relève de la négociation européenne, c’est celui du tunnel sous la Manche.

M. Jean-Yves Leconte. Les autres ne figurent pas dans le mandat de négociation confié à M. Barnier ou sont d’ordre bilatéral.

En tout état de cause, il faudrait que l’on cesse, en France, de croire qu’une négociation sera menée plus efficacement si elle se déroule hors de tout contrôle parlementaire. Dans cette grande démocratie parlementaire qu’est la Grande-Bretagne, ce contrôle s’exerce de façon très pointilleuse. Devrions-nous dire au négociateur qu’il peut agir comme bon lui semble, notre rôle se bornant à ratifier le texte qui en résultera ? Certainement pas : notre vigilance doit s’exercer à chaque instant. Les habilitations demandées portent sur des sujets qui nous concernent, hormis, je le redis, celui du tunnel sous la Manche, le seul qui relève exclusivement de la négociation menée à l’échelon européen.

Il n’y a aucune donc logique à nous reprocher notre position de cette manière, monsieur Gattolin. Nous souhaitons pouvoir exercer notre contrôle à chaque instant. La plupart des sujets ne relevant pas de la négociation européenne, inscrivons les dispositions concernées en dur dans le texte !

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il ne faut pas tout confondre. Nous n’avons jamais prétendu que les négociations européennes seraient terminées dans sept mois ; nous savons qu’une telle affaire prend du temps. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici : ce qui nous occupe, c’est de définir le délai pendant lequel le Parlement accepte de se dessaisir de son pouvoir législatif pour le laisser exercer par l’exécutif. Nous sommes maîtres de nos choix sur cette question, qui est totalement indépendante du fond des négociations. Nous savons très bien que le Gouvernement peut parfaitement les mener quel que soit le délai prévu par l’habilitation à légiférer par ordonnances.

Ne confondons donc pas les deux sujets. Aujourd’hui, nous traitons de la question du délai. Pour aller au bout du raisonnement, si nous proposons un délai de sept mois, c’est parce que l’accord transitoire en vigueur arrivera à expiration à la fin de l’année – ou pas, nous le saurons en juillet. Au terme de ce délai, il sera toujours temps, pour le Gouvernement, de revenir vers nous. Nous ne faisons pas preuve de mauvaise volonté quant au principe même de l’habilitation ; simplement, il convient de la limiter dans le temps. Fixer le délai à sept mois ne signifie aucunement que la France s’arrêtera de négocier à l’échéance. Je ne crois pas que Boris Johnson soit suspendu à mes propos et en tire une telle conclusion. (Exclamations amusées.)

M. Jean Bizet. Ce n’est pas sûr !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je le redis, ne confondons pas entre, d’un côté, le rapport entre l’exécutif et le Parlement, et, de l’autre, les négociations européennes, dans lesquelles le Gouvernement fait pour l’instant bien ce qu’il veut !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement ne fait pas ce qu’il veut dans les négociations…

Monsieur Leconte, je vous rencontre très régulièrement lorsque je suis auditionnée par la commission des affaires européennes, notamment sur les sujets ayant trait au Brexit. Vous le savez, le Gouvernement n’a nullement décidé de priver le Parlement national d’un quelconque droit de contrôle. Les Vingt-Sept, dont la France, ont choisi de confier à Michel Barnier, le 27 février dernier, un mandat très complet, sur lequel j’ai été auditionnée au Sénat. M. Barnier se rend d’ailleurs dans toutes les assemblées de l’Union européenne où il est invité. Si vous voulez avoir des informations de première main, il se rendra disponible pour venir vous les fournir. Le président Bizet l’invite d’ailleurs régulièrement. La France n’a privé aucun de ses parlementaires d’un quelconque droit d’information. Je tiens vraiment à l’affirmer, ayant l’impression que certains se sentent victimes d’un processus qui n’existe pas.

Par ailleurs, il y a bien un lien entre le PEA, l’assurance-vie et les autres sujets de la négociation : c’est la date à partir de laquelle nous avons besoin de pouvoir nous appuyer sur les mesures concernées. Comme je l’expliquais au président Bizet, j’aurais bien sûr aimé pouvoir inscrire celles-ci dans un texte de loi modifiant le code monétaire et financier, afin de permettre par exemple que, de manière transitoire, les titres de sociétés britanniques demeurent éligibles au PEA et que les épargnants ne soient pas obligés de liquider ces actifs. Dans la période actuelle, je ne suis pas certaine que nos compatriotes aient très envie de vendre des titres d’entreprises dans la précipitation à seule fin de pouvoir rester dans le cadre fiscal du PEA…

Les dispositions que nous devons prendre ne s’appliqueraient qu’au terme de la période de transition : ce sera peut-être le 1er janvier 2021, peut-être le 1er janvier 2022, voire le 1er janvier 2023, puisque les Britanniques ont la possibilité, jusqu’au 1er juillet, de demander une extension d’une ou deux années de la période de transition.

Par conséquent, il existe bien un lien entre les différents sujets, qui tient non pas au contenu des dispositions à prendre, mais au calendrier. Il est très important pour les épargnants, les transporteurs, les acteurs, notamment ceux des secteurs de la défense et l’espace, que nous puissions prendre les mesures nécessaires, liées à des négociations qui sont à la fois incertaines et complexes. Ces négociations, nous entendons bien sûr les mener avec fermeté ; je le dis très clairement, nous n’accepterons pas que les intérêts de nos pêcheurs et de nos agriculteurs soient sacrifiés en raison d’une décision politique qui n’est ni de leur fait ni du nôtre !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Madame la secrétaire d’État, si nous adoptions un délai de quinze mois, une partie des problèmes que vous rencontrez avec le délai de sept mois seraient susceptibles de se poser de la même façon. En effet, au bout de quinze mois, la négociation avec le Royaume-Uni pourrait fort bien ne pas avoir davantage abouti qu’au bout de sept mois. En ce cas, une fois les quinze mois écoulés, vous ne manqueriez pas de présenter un nouveau projet de loi d’habilitation à prendre des ordonnances, car vous en auriez besoin ; votre explication était à cet égard très convaincante.

Nous avons juste une différence d’appréciation avec vous sur la durée pendant laquelle nous vous laissons les mains libres pour prendre des ordonnances. Nous ne vous disons pas que, à l’expiration de ce délai de sept mois, nous refuserons de vous renouveler l’habilitation à prendre des ordonnances. Vous devez souffrir que, quand elle se dessaisit du pouvoir législatif que lui reconnaît la Constitution, la représentation nationale entende poser des conditions suffisamment étroites pour qu’elle puisse garder le contrôle.

En vous assignant un délai de sept mois, nous ne vous disons pas que vous devrez avoir conclu un accord à cette échéance. Nous vous disons simplement que, si cet accord doit être conclu, vous aurez les moyens de prendre les mesures nécessaires par ordonnances et que, s’il ne doit pas être conclu, nous serons alors à votre disposition pour délibérer de nouveau et apprécier si, oui ou non, nous vous donnons la possibilité de conserver cette compétence législative pendant plus longtemps.

Au fond, c’est ici notre seul point de débat. Nous sommes vraiment à vos côtés pour que les positions et les intérêts de la France et de tous les acteurs économiques que vous avez mentionnés soient défendus. Nous sommes tous unis dans cette négociation sur le Brexit, nous sommes tous sur le même bateau européen et nous avons tous intérêt à éviter un Brexit « dur ». Nous n’entendons pas, par un vote sur l’habilitation à légiférer, exercer la moindre influence sur la conduite de la négociation.

Par conséquent, vous n’avez pas à vous inquiéter. Le Sénat de la République est à vos côtés dans cette négociation, comme il est aux côtés de Michel Barnier, avec lequel nous sommes nombreux à avoir des contacts très étroits et amicaux. En tout état de cause, que la durée de l’habilitation soit de sept mois ou de quinze mois, la probabilité que vous reveniez nous voir me semble assez élevée…

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. Madame la secrétaire d’État, ne vous méprenez pas sur nos propos. Je vous l’ai dit, en janvier 2019, nous avons répondu aux sollicitations du Gouvernement et, dans le cadre de la commission spéciale alors en place, traité sa demande d’habilitation à légiférer par ordonnances dans des délais extrêmement contraints. Nous l’avons fait pour que nous soyons prêts, collectivement, dans l’hypothèse d’un Brexit « dur » en mars.

Nous sommes tout à fait capables de le faire de nouveau, dès lors que nous connaîtrons la décision du Royaume-Uni de prolonger ou non la période de transition. Nous demandons en somme que l’on attende le 1er juillet ; c’est bientôt. S’il faut, en août, en octobre ou avant décembre, vous habiliter à légiférer, nous saurons le faire ; il n’y a aucun problème.

Par ailleurs, nous souhaitons aussi connaître le contexte : la négociation s’engage-t-elle véritablement ? Nos partenaires britanniques font-ils preuve de bonne volonté ?

Comme l’a indiqué le président Bas, nous entendons être pleinement associés. Je ne doute pas de votre volonté de nous informer, mais nous voulons plus que cela : le Parlement doit être partie prenante.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 42.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 75 rectifié, présenté par MM. Bizet, Cambon, Reichardt, Rapin, Danesi et Huré, Mme Duranton, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Kennel, Bazin, Bouchet, Calvet et Brisson, Mme Bruguière, MM. Chaize et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Dallier, de Legge et de Nicolaÿ, Mmes Deroche, Deromedi, Di Folco et Dumas, MM. B. Fournier et Laménie, Mmes Lamure et Lassarade, MM. Lefèvre, Longuet et Magras, Mme M. Mercier, MM. Milon, Piednoir, Pierre et Poniatowski, Mmes Puissat, Raimond-Pavero et Ramond, MM. Regnard et Sido, Mme Thomas et MM. Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Remplacer le mot :

sept

par le mot :

dix-huit

La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Cet amendement a pour objet de porter le délai proposé par la commission des lois de sept mois à dix-huit mois. Permettez-moi de le dire, Londres ne manifeste pas toujours une grande volonté d’avancer. Prévoir un délai de dix-huit mois reporterait l’échéance à la fin de décembre 2021.

Aujourd’hui, nos amis Britanniques ne semblent pas souhaiter une extension de la période de transition, pour deux raisons. D’une part, ils ne veulent pas mettre le petit doigt dans l’engrenage du futur cadre financier pluriannuel, et donc devoir s’acquitter de leur quote-part à l’Union européenne. Sur ce point, les choses sont en train de s’arranger, si j’en crois mes dernières discussions avec Michel Barnier. D’autre part, ils ne souhaitent pas rester trop longtemps sous l’autorité de la Cour de justice de l’Union européenne. Sur ce sujet, pour le moment, il y a blocage.

Il n’est pas impossible que, demain, l’on parle d’une période non plus de transition, mais d’expérimentation. Il est peu probable, je le sais, que Boris Johnson soit suspendu aux paroles de Mme le rapporteur, dont je salue la pertinence. Comme l’a dit le président Bas, si, au bout de sept mois, la négociation n’a pas abouti, vous reviendrez devant le Parlement, madame la secrétaire d’État, et je sais que le Sénat fera preuve d’ouverture.

Je ne suis pas un adepte des ordonnances. Certains pourront considérer que je suis « imprudent » de vouloir laisser la bride sur le cou au Gouvernement pendant une période aussi longue. D’autres me trouveront naïf, estimant que ma proposition revient à adresser aux Britanniques et à Michel Barnier le message qu’ils peuvent négocier à leur aise. En fait, je ne suis ni naïf ni imprudent, je suis plutôt inquiet, inquiet de la tournure des événements, car, pour le moment, on se dirige plutôt vers une absence d’accord.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 79 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 228 est présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 1

Remplacer le mot :

sept

par le mot :

quinze

La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 79.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat. Présenter cet amendement, qui a pour objet de reprendre le compromis trouvé à l’Assemblée nationale, me permettra de répondre au président Bizet et au président Bas.

Au fond, si je suivais votre logique, monsieur le président Bizet, nous en reviendrions à ce qui avait été proposé initialement par le Gouvernement, c’est-à-dire un délai de trente mois, qui recouvre la durée maximale de la période de transition, dont les Britanniques peuvent demander l’extension de deux ans.

Le Parlement jugeant cette durée trop longue, nous avons proposé dix-huit mois, comme le président Bizet aujourd’hui. Une longue discussion s’est tenue à l’Assemblée nationale, au cours de laquelle furent d’ailleurs avancés les arguments que vous avez développés, monsieur le président Bas. Il s’agissait de déterminer la période la plus restreinte possible pendant laquelle, pour reprendre votre comparaison équine, on pouvait nous laisser la bride sur le cou. Un compromis a été trouvé pour fixer le délai à quinze mois.

J’émets un avis de sagesse sur l’amendement du président Bizet, dont le dispositif est cohérent. Néanmoins, par respect pour le vote de l’Assemblée nationale et les prérogatives du Parlement, il me semble raisonnable de vous proposer de reprendre le compromis adopté par les députés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le redis, un délai de sept mois me paraît incompatible à la fois avec le calendrier de négociation et avec la volonté d’expérimentation, évoquée par le président Bizet, qui semble se faire jour. Je ne suis absolument pas en mesure, aujourd’hui, de vous dire si la négociation durera trois mois, six mois, neuf mois, douze mois ou plus, d’où l’intérêt de permettre une certaine flexibilité. Je suis absolument ravie et honorée de savoir que le Sénat restera à nos côtés sur ce sujet, comme il l’a été depuis le début, mais je ne suis pas sûre qu’il soit très utile de recommencer le même débat dans sept mois.

Croyez bien que les Britanniques nous regardent et suivent de très près nos discussions. Il importe d’envoyer le bon signal ce soir. Dans cet esprit, il me semblerait délicat de donner à penser que nous serions prêts, collectivement, à raccourcir les délais à la seule fin d’avancer plus vite, alors que notre objectif doit être avant tout de protéger les Français et nos acteurs économiques, qui voient arriver avec beaucoup d’inquiétude cette fracture d’un marché intérieur dans lequel nous avons vécu pendant près de trente ans.

M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour présenter l’amendement n° 228.

M. André Gattolin. À peu près tous les arguments ont été donnés. On parle souvent de l’imprévisibilité de la crise du Covid-19 ; celle du Gouvernement britannique n’est pas moindre ! Il a même répondu au geste d’apaisement consistant à ne pas soumettre à quarantaine les ressortissants des pays membres de l’Union européenne, y compris ceux du Royaume-Uni, en imposant cette mesure aux citoyens français souhaitant entrer au Royaume-Uni !

Pour ma part, je m’attends donc à tout dans les mois à venir. Au regard des difficultés économiques, sociales, politiques dans lesquelles le Gouvernement du Royaume-Uni va se trouver plongé, compte tenu de l’ampleur de la crise actuelle, du nombre des décès et des dysfonctionnements du système de santé, je m’attends à une négociation très rude !

L’intérêt du Gouvernement n’est pas de cacher des choses au Parlement ; il est d’être le plus efficace possible. Dans ce genre de négociation, il faut savoir se montrer un peu dur. Je pense que l’on peut faire confiance au Gouvernement pour défendre les intérêts de la France et de l’Union européenne face au Royaume-Uni. Dans cette perspective, prévoir un délai de quinze ou de dix-huit mois me paraît pertinent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. S’il s’agit de se montrer durs, alors fixons le délai à sept mois ! Nous pourrions en discuter à l’infini…

Si les Britanniques suivent effectivement ce débat, madame la secrétaire d’État, j’espère qu’ils auront entendu le président Bas : nous voulons tous un accord et nous serons aux côtés du Gouvernement dans la négociation.

Je crois que, encore une fois, nous ne parlons pas de la même chose : ne confondons pas délai de négociation et délai d’habilitation. La commission a opté pour un délai d’habilitation de sept mois, pour des raisons exposées à maintes reprises et qui découlent de l’article 38 de la Constitution, lequel ne nous permet pas de déléguer trop longtemps notre pouvoir législatif à l’exécutif – nous ne le souhaitons d’ailleurs pas.

La commission des lois ayant retenu un délai de sept mois, son avis est défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 75 rectifié ?

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat. Mesdames, messieurs les sénateurs, début 2019, dans le cadre d’un débat similaire avec Mme Loiseau, vous étiez arrivés à la conclusion, en mobilisant les mêmes arguments qu’aujourd’hui, qu’il convenait d’habiliter le Gouvernement à légiférer pour une durée de douze mois. Apparemment, les mêmes arguments ne conduisent pas toujours au même résultat !

Effectivement, délai d’habilitation et délai de négociation ne sont pas la même chose. J’estimais cohérent de faire converger ces deux délais, pour mettre en place un cadre unifié.

Comme je l’ai indiqué, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 75 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Nous avons besoin de réinventer cinquante ans d’interdépendance avec le Royaume-Uni. Nous parlons de durée d’habilitation à légiférer par ordonnances sur les sujets de négociation qui ont été identifiés, mais j’ai la conviction que, au cours des prochains mois, nous en découvrirons d’autres. Par conséquent, ce n’est pas la fin de l’histoire !

Lorsque vous êtes venue nous voir voilà deux mois, madame la secrétaire d’État, voilà deux mois, pour évoquer la proposition de résolution présentée par Jean Bizet et Ladislas Poniatowski, la question des droits des citoyens européens semblait avoir été totalement traitée dans l’accord de retrait. Il semble aujourd’hui que ce ne soit pas tout à fait vrai…

Certes, on peut discuter du délai d’habilitation, mais, quoi qu’il arrive, vous serez obligée de revenir vers nous pour évoquer tel ou tel sujet nouvellement identifié. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire de fixer une trop longue durée d’habilitation : dans le cadre du processus de reconstruction de la relation franco-britannique, nous n’avons pas encore identifié tous les sujets à traiter. Ne laissons pas croire aujourd’hui que, pour peu que nous prévoyions une durée d’habilitation plus ou moins longue, le Gouvernement sera en mesure de négocier tous les éléments de notre relation future avec le Royaume-Uni. Ce n’est pas vrai, car, progressivement, nous découvrirons d’autres sujets.

M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski, pour explication de vote.

M. Ladislas Poniatowski. J’ignore pourquoi mon om figure dans la liste des cosignataires de l’amendement de mon collègue Jean Bizet. En effet, je suis tout à fait opposé à cet amendement, comme je suis également opposé aux deux amendements identiques. Je partage la position de la commission des lois.

Je rappelle que nous avons tous adopté la loi du 19 janvier dernier. Habiliter, ce n’est pas un gros mot. Permettre au Gouvernement de prendre un certain nombre de mesures urgentes et nécessaires par voie d’ordonnances n’est pas malvenu ; c’est même très bien !

Je le dis au passage, les Britanniques ne nous regardent absolument pas ! (Sourires.) Ils se fichent éperdument de la décision que prendra le Parlement français. Pour eux, le débat est ailleurs, d’autant que leur pays est dirigé par un M. Boris Johnson qui est capable de faire n’importe quoi, comme il l’a encore prouvé vendredi dernier.

La négociation entre le Royaume-Uni et les Vingt-Sept n’a rien à voir avec ce que nous allons décider et voter. Néanmoins, il est bon de permettre au Gouvernement de prendre des mesures par ordonnances.

Je comptais déposer, au nom de la commission des affaires étrangères, un amendement visant à inscrire dans la loi un délai de douze mois, faisant ainsi un pas de plus par rapport à la position de l’Assemblée nationale, qui ne vous avait déjà pas plu, madame la secrétaire d’État. Constatant que la commission des lois proposait un délai de sept mois, ce qui est peut-être un peu court, j’ai décidé, en accord avec le président Christian Cambon, d’y renoncer.

Adopter un délai de sept mois ouvrira une marge de négociation entre le Sénat et l’Assemblée nationale en commission mixte paritaire. Il ne faut surtout pas fixer un délai de trente mois, parce qu’il importe de maintenir, comme l’a dit M. Marie, un contrôle du Gouvernement par le Parlement.

Nous avons montré, lors de la discussion de la loi du 19 janvier, que nous étions capables d’être réactifs, de décider très vite de permettre au Gouvernement de prendre des mesures par ordonnances. Demain, en cas de pépin, nous saurons le refaire.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.

M. Jean Bizet. Une certaine rationalité semble devoir conduire à retenir un délai de quinze mois ou de douze mois, plutôt que de dix-huit mois. Je suis tout à fait prêt à retirer mon amendement pour me rallier à celui du Gouvernement, en espérant que la commission saura faire le même geste en commission mixte paritaire… (M. le président de la commission des lois rit.)

M. le président. L’amendement n° 75 rectifié est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 79 et 228.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 80, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :

1° Désigner l’autorité nationale de sécurité, au sens de la directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire pour la partie de la concession du tunnel sous la Manche située en territoire français ;

II. – Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat. Cet amendement vise en premier lieu à rappeler quel est notre objectif commun dans le cadre de la négociation : permettre la continuité du transport dans le tunnel sous la Manche, et cela même en l’absence d’accord spécifique à l’issue de la période de transition.

Nous sommes tous convaincus, en effet, que ce tunnel est une infrastructure à la fois incontournable et symbolique ; elle voit passer plus de 22 millions de passagers par an et plus de 140 milliards d’euros de marchandises. Afin de préserver son bon fonctionnement, la priorité – je le dis ici très formellement – est bien de maintenir cette conférence intergouvernementale comme unique organe, binational, de gouvernance du tunnel.

Nous n’envisageons donc la désignation d’une autorité nationale pour la sécurité ferroviaire de la seule partie française du tunnel que comme une option de repli, qui ne devrait être mise en œuvre qu’en dernier recours. Je tiens à le préciser devant vous, car vous avez eu des discussions sur ce point en commission : une telle option ne peut être inscrite « en dur » dans la loi, car son entrée en vigueur présente un caractère extrêmement hypothétique, dès lors que la mesure envisagée dans l’habilitation dépend de plusieurs conditions soumises chacune à des calendriers différents, qui ne peuvent être anticipés avec certitude.

Il faudra réviser une directive européenne ; il faudra conclure un accord avec le Royaume-Uni permettant la continuité de l’application du droit de l’Union européenne sur l’ensemble du tunnel ; il faudra aussi réviser le traité de Cantorbéry. Vu le niveau d’incertitude, nous souhaitons donc rétablir la rédaction initiale de cette habilitation, qui nous donnerait la faculté d’utiliser la solution de repli que je vous présente, qui est vraiment une solution de dernier recours, au cas où nous n’arriverions pas à franchir les trois étapes que je viens de décrire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’avis de la commission ne saurait être que défavorable sur cet amendement. Nous avons eu à cœur d’inscrire en clair dans le texte, au maximum, le contenu des habilitations qui nous étaient demandées par le Gouvernement. Ne pas revenir sur ce que nous nous sommes imposé : c’est presque une question de principe.

En l’espèce, j’entends bien l’aspect hypothétique de ce que nous avons inscrit dans la loi : nous ne savons pas si, à l’issue de la période de transition, l’autorité binationale de contrôle de la sécurité du tunnel sous la Manche pourra être maintenue, comme il serait souhaitable, car nous ne maîtrisons pas certains éléments, la modification d’une directive européenne notamment.

Cet article permet de poser le principe que, si l’autorité binationale ne peut être maintenue, nous aurons une autorité nationale qui régira la sécurité dans la moitié du tunnel sous la Manche, ce qui n’est pas une solution idéale. Faut-il ne pas l’inscrire parce que c’est hypothétique ? Je ne le crois pas. C’est d’ailleurs le Gouvernement lui-même qui nous en a donné l’idée : l’article L. 2221-1 du code des transports vise une solution tout aussi hypothétique en lien avec le Brexit.

Manifestement, inscrire cette solution hypothétique dans la loi ne posait pas de difficulté lorsque le Gouvernement a pris l’ordonnance du 30 avril 2019 ; cela n’en pose pas davantage aujourd’hui. Je propose que nous soyons fidèles à nous-mêmes, c’est-à-dire que nous maintenions inscrit en clair dans le texte le contenu de cette habilitation.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 80.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 81, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rétablir le II dans la rédaction suivante :

II. – Dans les conditions et aux fins prévues au premier alinéa du I, le Gouvernement est également habilité à prendre par ordonnances toute autre mesure relevant du domaine de la loi nécessaire à la préservation de la situation des ressortissants britanniques résidant en France ou y exerçant une activité, des personnes morales établies au Royaume-Uni ou de droit britannique exerçant une activité en France à la date de la fin de la période de transition, ainsi que, sous la même réserve, des personnes morales établies en France, dont tout ou partie du capital social ou des droits de vote est détenu par les personnes établies au Royaume-Uni.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat. Cet amendement vise à rétablir une disposition qui a été supprimée par la commission.

Le seul objectif qui sous-tend cette disposition est de protéger les ressortissants britanniques en France et de leur donner la possibilité de poursuivre des activités susceptibles d’être mises à mal à la fin de la période de transition.

Je reprends votre argument, monsieur le sénateur Leconte : il peut y avoir des sujets que nous avons du mal, aujourd’hui, à identifier très précisément ; c’est pourquoi la rédaction proposée est large. Le Gouvernement souhaite, dans l’intérêt des entreprises et des citoyens qui seraient concernés, être en mesure de prendre toutes les dispositions nécessaires pour apporter sans délai une réponse à des situations qui ne sauraient être aujourd’hui toutes identifiées, en particulier parce que s’enchevêtrent le droit des personnes et le droit des entreprises, concernant notamment les professions libérales.

Il ne s’agit en aucun cas d’accorder un blanc-seing au Gouvernement ; comme l’a admis le Conseil d’État dans son avis, notre rédaction répond parfaitement aux exigences de l’article 38 de la Constitution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Madame la secrétaire d’État, vous avez la franchise de nous dire que vous ne savez pas exactement à quoi vous servira cette habilitation, puisque, pour l’heure, nous n’avons pas identifié les problèmes qui pourraient surgir et qui nécessiteraient, selon vous, de prendre des ordonnances. Malheureusement, la rédaction que vous nous proposez n’est pas des plus précises.

L’article 38 de la Constitution autorise le Parlement à se dessaisir de son pouvoir législatif au profit de l’exécutif, mais les demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances doivent être circonscrites à des pans du droit définis. Or vous nous indiquez que vous ne savez pas exactement sur quoi porte ce que vous nous demandez. Des exemples sont certes donnés dans l’exposé des motifs, mais rien ne figure dans le texte.

La commission des lois persiste donc à dire que, dans la mesure où elle n’est pas précise, cette demande d’habilitation ne peut être acceptée, car nous ne pouvons pas savoir quels sont exactement les domaines dans lesquels nous transférerions au Gouvernement notre pouvoir de légiférer. Si des demandes plus précises étaient formulées, nous les examinerions d’un œil tout à fait bienveillant.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat. Par correction envers les personnes qui ont écrit ce texte, je veux souligner que sa finalité est très claire : préserver la situation des ressortissants britanniques résidant en France ou y exerçant une activité, des personnes morales établies au Royaume-Uni ou de droit britannique exerçant une activité en France à la date de la fin de la période de transition, ainsi que, sous la même réserve, des personnes morales établies en France, dont tout ou partie du capital social ou des droits de vote est détenu par des personnes établies au Royaume-Uni.

Le Conseil constitutionnel exige seulement, au regard de l’article 38 de la Constitution, que le Gouvernement indique la finalité et le domaine d’intervention des habilitations demandées, mais aucunement qu’il précise la teneur des ordonnances envisagées. Il ne me semble pas qu’il n’y ait de difficulté à ce que nous cherchions à préserver la situation des ressortissants britanniques qui résident en France ou y exercent une activité selon les conditions que nous avons précisées.

M. Ladislas Poniatowski. Cela n’est pas de votre compétence, mais de celle de Michel Barnier !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je dois dire que j’ai été assez surpris de voir évoquer les droits des citoyens britanniques en France. Jusqu’à présent, en effet, nous avions tous posé comme principe que les droits des citoyens européens au Royaume-Uni et, réciproquement, ceux des citoyens britanniques dans les pays de l’Union étaient traités dans l’accord de retrait. D’ailleurs, pour cette raison, cette question ne figure pas dans l’actuel mandat de négociation de Michel Barnier.

J’ai compris que vous aviez commencé à identifier un certain nombre de nouveaux sujets de négociation, madame la secrétaire d’État. C’est un peu inquiétant : il y a quelques mois, on pensait que cela était réglé… Je partage votre objectif de sécuriser la situation des ressortissants britanniques qui résident ou exercent une activité sur notre territoire, mais, en tant que sénateur représentant les Français de l’étranger, je voudrais que l’on sécurise aussi, réciproquement, la situation des ressortissants français qui résident ou exercent une activité sur le territoire britannique.

Je veux bien que l’on fasse preuve de toute la bonne volonté du monde pour assurer la continuité des droits des ressortissants britanniques, mais j’aimerais aussi que, du côté du Royaume-Uni, il en aille de même s’agissant de nos ressortissants. D’ailleurs, compte tenu de la dévolution, en particulier à l’Écosse, je ne suis pas sûr que la question relève exclusivement de la compétence du Gouvernement britannique.

Je m’inquiète vraiment de voir potentiellement ressurgir des sujets que l’on considérait jusqu’à présent comme ayant été traités dans l’accord de retrait et qui n’entrent pas dans le champ du mandat de négociation de Michel Barnier.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 81.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 82, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

six

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire dÉtat. Il s’agit de rétablir un délai de six mois pour la ratification des ordonnances. Nous considérons qu’un délai de deux mois seulement serait insuffisant pour permettre au Gouvernement et au Parlement de tirer tous les enseignements des débuts de la mise en œuvre des mesures et pour permettre au Gouvernement de proposer au Parlement d’ajuster celles-ci aux besoins dans le cadre de la loi de ratification.

Un tel délai donnerait au Parlement la capacité d’amender les mesures adoptées par le Gouvernement à la lumière de leur mise en œuvre pratique ; eu égard aux incertitudes dans lesquelles cette période et ce sujet nous plongent, il me semble qu’il faut prévoir un délai suffisamment long pour avoir le temps de procéder aux éventuels ajustements nécessaires de manière exhaustive. Vous pouvez naturellement compter sur moi pour revenir aussi souvent que vous le jugerez nécessaire vous présenter les mesures qui auront été prises et vous informer de la manière dont elles auront été mises en œuvre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je crois que nous ne nous comprenons pas sur cet amendement, madame la secrétaire d’État. Il me semble que le délai pendant lequel le Gouvernement peut modifier son texte est purement et simplement le délai d’habilitation. Au-delà, le Gouvernement ne peut plus toucher à son texte. Il y a ensuite un délai de dépôt du projet de loi de ratification. Vous souhaitiez qu’il soit fixé à six mois ; nous l’avons ramené à deux mois, comme tous les autres délais de dépôt d’un projet de loi de ratification prévus dans le reste du texte.

Déposer un projet de loi de ratification dans ce délai est une obligation, mais cela ne signifie pas que le texte devra être examiné dans les deux mois. Son examen peut intervenir plus tard, ou même jamais, d’ailleurs : la plupart du temps, les projets de loi de ratification ne sont jamais soumis au Parlement. (M. Ladislas Poniatowski renchérit.) La seule obligation du Gouvernement est de déposer le projet de loi de ratification dans le délai prescrit. En tout état de cause, si ce texte nous était soumis, nous aurions eu le temps d’étudier les modifications éventuelles à y apporter, l’initiative du Parlement étant requise.

Trois délais différents sont à distinguer. Si vous comptez sur un délai long de dépôt du projet de loi de ratification pour modifier le texte, je pense que vous faites erreur : vous ne pourrez plus le modifier à l’issue du délai d’habilitation.

Avis défavorable, donc, sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 82.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 est adopté.)

Article 4
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Discussion d'article

Article 5

L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai et de manière circonstanciée des mesures règlementaires d’application prises par le Gouvernement dans le cadre des ordonnances prises sur le fondement de la présente loi. Ils sont également informés de manière régulière de leur état de préparation et peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.

M. le président. L’amendement n° 227, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les présidents des assemblées, des commissions et des groupes parlementaires disposent des droits et prérogatives exposés dans cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’amendement est défendu, monsieur le président. (Marques de satisfaction.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’amendement est satisfait ; j’en demande le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis.

Mme Éliane Assassi. Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 227 est retiré.

Je mets aux voix l’article 5.

(Larticle 5 est adopté.)

Article 5
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 6

(Supprimé)

Vote sur l’ensemble

Discussion d'article
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de ce texte que d’aucuns qualifiaient de gloubi-boulga. (Sourires.)

Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à André Gattolin, pour explication de vote. (Protestations sur de nombreuses travées.)

M. André Gattolin. Compte tenu de la situation et en guise d’encouragement à trouver un compromis positif avec l’Assemblée nationale, le groupe La République En Marche votera ce texte. (Exclamations ironiques.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre. Je voudrais remercier les rapporteurs, ainsi que le président Bas, pour sa vigilance et son exigence. Je remercie également tous les sénateurs et sénatrices qui ont pris part à ce débat, dont je salue la qualité.

Monsieur le président, vous avez rappelé le nom d’un gâteau resté célèbre pour ses ingrédients nombreux et son goût assez infâme. (Sourires.) En l’espèce, les ingrédients de ce texte étaient nombreux, certes, mais je crois que nous avons fait du bon travail. Le résultat final est intéressant ; il répond à de très nombreuses questions concrètes qui concernent les demandeurs d’emploi, les salariés, les chefs d’entreprise, les étudiants, les travailleurs saisonniers, les demandeurs d’asile, les Français de l’étranger, etc.

Le Gouvernement a tenu sa promesse d’inscrire avec vous dans le texte le contenu d’un maximum des quarante habilitations à légiférer par ordonnance initialement prévues. Il reste ainsi moins de dix demandes d’habilitation.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est encore trop !

M. Marc Fesneau, ministre. Peut-être, mais celles qui restent me paraissent justifiées.

Je vous remercie pour la qualité de nos travaux, ainsi que pour l’exigence et la bienveillance qui ont été les vôtres tout au long de ces débats. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe Les Républicains.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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9

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 2 juin 2020 :

À quatorze heures trente et le soir :

Proposition de loi tendant à définir et à coordonner les rôles respectifs des assurances et de la solidarité nationale dans le soutien des entreprises victimes d’une menace ou d’une crise sanitaire majeure, présentée par MM. Jean-François Husson, Vincent Segouin, Mme Catherine Dumas et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 460, 2019-2020) ;

Proposition de loi tendant à sécuriser l’établissement des procurations électorales, présentée par M. Cédric Perrin (texte de la commission n° 468, 2019-2020).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 29 mai 2020, à trois heures quarante.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

ÉTIENNE BOULENGER

Chef de publication