M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 17 décembre dernier, par ma voix, le groupe CRCE a exposé les raisons de son opposition à ces projets de loi organique et ordinaire.
Nous avions rappelé alors les limites du contrôle parlementaire des nominations proposées par le Président de la République. En effet, la nécessité de recueillir trois cinquièmes de votes contre au sein des deux commissions concernées, à l’Assemblée nationale et au Sénat, limite considérablement ce pouvoir de contrôle.
Nous avons toujours proposé l’inverse : exiger trois cinquièmes de votes positifs supposerait un vrai consensus sur ces nominations.
À l’occasion des débats dans les deux chambres, y compris en commission mixte paritaire, beaucoup se sont émus d’une certaine violence faite au Parlement, ce qui est malheureusement monnaie courante ces temps-ci, avec la référence à des ordonnances concernant la nouvelle organisation de la direction de la SNCF. En effet, le Parlement est censé élargir son contrôle sur des nominations concernant des postes dont la création par ordonnance n’a même pas été ratifiée, ce qui est un comble.
Comment ne pas penser, dans ces conditions, au projet de loi sur les retraites, qui comprend vingt-neuf habilitations à légiférer par ordonnance ? Le Gouvernement dit au Parlement : « Ne vous inquiétez pas, vous les ratifierez. » On voit bien ce qu’il en est dans la réalité…
La possibilité de légiférer par ordonnance est un pouvoir exorbitant conféré au Gouvernement, qui peut avoir une raison d’être dans des situations de crise exceptionnelle. C’était le cas en 1945 ou en 1958. Aujourd’hui, selon nous, rien ne justifie démocratiquement le recours à un tel autoritarisme constitutionnel.
Justement, parce qu’il est temps de faire respecter les droits des assemblées, nous pensons qu’il faut vite rééquilibrer les pouvoirs entre exécutif et législatif. Or ce n’est certainement pas en acceptant de perpétuer la soumission au pouvoir présidentiel de nomination, cadre dans lequel ce texte s’inscrit, que nous irons dans le sens de la réhabilitation des pouvoirs parlementaires.
Nous faisons donc entendre une voix dissonante dans cet hémicycle ce soir en confirmant notre vote contre ces deux textes, même si je tiens à saluer le travail du rapporteur et de nos collègues de la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.
M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au départ était la révision constitutionnelle de 2008. C’est grâce à elle que nous sommes amenés à examiner une liste de nominations, qui sont donc soumises à l’avis préalable de nos commissions. C’est un contrôle auquel nous sommes maintenant habitués. Dans la période récente, cette procédure a été suivie pour la nomination du président Migaud à la tête de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
C’est aussi un contrôle qui est effectué de manière bienveillante. Nous savons tous qu’il n’y a jamais eu d’opposition manifestée à l’égard d’une nomination proposée par le Président de la République. Est-ce, madame la présidente Assassi, un acte de soumission du Parlement ? (Mme Éliane Assassi sourit.) La formule est un peu sévère, mais cela s’explique par le fait que, depuis 2008, nous n’avons pas connu de situation de cohabitation. Il reste à voir comment ces dispositions fonctionneraient en cas de cohabitation, avec, par conséquent, des répartitions de majorité différentes, même si, encore une fois, pour ne pas retenir une proposition du Président de la République, la majorité à réunir est assez forte.
J’ai aussi tendance à considérer, sur un mode humoristique, que les conditions de nomination après avis préalable du Parlement sont devenues un élément honorifique qui rehausse le statut des intéressés. En bénéficiant de l’audition par le Parlement, ils peuvent voir en quelque sorte leur fonction requalifiée. Je ne sais pas si les intéressés le voient ainsi, mais vu de notre côté, cela y ressemble.
Les débats importants qui ont eu lieu entre les deux assemblées ont porté sur le passage des emplois publics concernés de 51 à 55. Est-ce un grand succès remporté par le Sénat ? C’est peut-être excessif (Sourires.), même si nous apprécions que les deux apports du Sénat, au titre de l’OFII et la CADA, aient été retenus. Par ailleurs, nos collègues de l’Assemblée nationale ont eu le bon goût de retenir l’ajout de deux importantes autorités sur le plan sanitaire, dont le rôle justifie effectivement ce processus de désignation. Je ne reviens pas sur la coordination calendaire concernant la Hadopi.
Reste le débat sur la SNCF, qui n’était pas inintéressant pour des juristes qui réfléchissent sur l’article 13, alinéa 5, de la Constitution. L’Assemblée nationale a procédé à une interprétation que je qualifierai de littérale en considérant que, les filiales étant détenues non pas par l’État, mais par la SNCF, sous forme de société anonyme, il n’y avait pas de contrôle direct par l’État. Le Sénat avait une interprétation plus téléologique, comme nous disons en langage juridique, en prenant en compte le « contrôle d’origine », si je puis dire, par l’État. Nous connaissons la solution qui a été retenue, seul le directeur général de la SNCF restant soumis à ce contrôle.
Cela ne me choque pas pour une autre raison, qui n’est plus juridique, mais qui est tout simplement lié au fait que, dans nos grands établissements publics, nous avons souvent souffert d’une forme de balkanisation, avec des filiales qui étaient peu contrôlées. Dans ce domaine, il est important qu’il y ait un patron. Dans ces conditions, que seule la nomination du directeur général soit soumise à l’examen par une commission parlementaire, objectivement, ne me choque pas particulièrement.
En tout cas, il y a eu un accord en commission mixte paritaire. C’est bien. Doit-on pour autant parler de coconstruction ? C’est peut-être, là aussi, un peu excessif, mais on peut toujours y voir un début.
Je voudrais, comme mes prédécesseurs l’ont fait, remercier M. Détraigne de son travail, et vous confirmer le vote favorable du groupe centriste, mais le suspense n’était pas vraiment exceptionnel.
Pour conclure, comme ma collègue du groupe du RDSE, je tiens à rappeler que nous restons très attachés, dans cette maison, à une réduction du nombre des autorités administratives indépendantes, pas forcément par disparition, mais au moins par fusion.
Nous sommes toujours étonnés par un phénomène extraordinaire que nous observons dans nos propres conseils municipaux quand un élu municipal siège dans un syndicat : par une mutation tout à fait étonnante, à partir du moment où il n’est plus simplement élu municipal, mais élu municipal dans un syndicat, il devient non pas représentant de sa commune dans le syndicat, mais le représentant du syndicat dans la collectivité – le même constat vaut pour des élus départementaux ou régionaux. On assiste un peu au même phénomène, toute ironie mise à part, dans notre institution, et nous savons que nos collègues désignés dans les autorités administratives indépendantes en deviennent ensuite les meilleurs défenseurs. Pour autant, nous ne cesserons pas de dire qu’il faudrait réduire le nombre de ces autorités, tout en appréciant que le contrôle parlementaire sur les nominations puisse être un jour renforcé.
En résumé, pour le groupe centriste, il faut moins d’autorités administratives indépendantes et plus de désignations avec le contrôle parlementaire ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants.)
M. le président. La discussion générale commune est close.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat examinant après l’Assemblée nationale les textes élaborés par les commissions mixtes paritaires, il se prononce par un seul vote sur l’ensemble de chacun des textes.
Nous passons d’abord à la discussion, dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire, du projet de loi organique.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la constitution
Article unique
Le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié :
1° A Après la neuvième ligne, sont insérées deux lignes ainsi rédigées :
« |
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé |
Direction générale |
|
Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail |
Direction générale |
» ; |
1° La quatorzième ligne est ainsi rédigée :
« |
Autorité de régulation des transports |
Présidence |
» ; |
1° bis À la fin de la quinzième ligne de la première colonne, les mots : « et des postes » sont remplacés par les mots : « , des postes et de la distribution de la presse » ;
2° La seizième ligne est ainsi rédigée :
« |
Autorité nationale des jeux |
Présidence |
» ; |
2° bis Après la vingt-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
Commission d’accès aux documents administratifs |
Présidence |
» ; |
3° La trente-cinquième ligne est supprimée ;
3° bis Après la quarante-sixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
Office français de l’immigration et de l’intégration |
Direction générale |
» ; |
3° ter À la fin de la quarante-neuvième ligne de la première colonne, les mots : « BPI-Groupe » sont remplacés par le mot : « Bpifrance » ;
4° L’avant-dernière ligne est ainsi rédigée :
« |
Société nationale SNCF |
Direction générale |
» |
M. le président. Sur l’article unique du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur cet article ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la constitution.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultats du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 92 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 324 |
Contre | 16 |
Le projet de loi organique est définitivement adopté.
Nous passons maintenant à la discussion, dans le texte élaboré par la commission mixte paritaire, du projet de loi.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
projet de loi modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la constitution et prorogeant le mandat des membres de la haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet
Article 1er
Le tableau annexé à la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution est ainsi modifié :
1° A Après la neuvième ligne, sont insérées deux lignes ainsi rédigées :
« |
Direction générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé |
Commission compétente en matière de santé publique |
|
Direction générale de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail |
Commission compétente en matière de santé publique |
» ; |
1° La première colonne de la seizième ligne est ainsi rédigée : « Présidence de l’Autorité nationale des jeux » ;
1° bis Après la vingt-troisième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
Présidence de la Commission d’accès aux documents administratifs |
Commission compétente en matière de libertés publiques |
» ; |
2° La trente-cinquième ligne est supprimée ;
2° bis Après la quarante-sixième ligne, est insérée une ligne ainsi rédigée :
« |
Direction générale de l’Office français de l’immigration et de l’intégration |
Commission compétente en matière de libertés publiques |
» ; |
3° À la première colonne de la cinquante-deuxième ligne, les mots : « Présidence du conseil de surveillance de la » sont remplacés par les mots : « Direction générale de la société nationale » ;
3° bis Les cinquante-troisième et avant-dernière lignes sont supprimées ;
3° ter, 3° quater et 4° (Supprimés)
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Article 2
(Pour coordination)
Les mandats des membres, titulaires et suppléants, de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet expirant le 30 juin 2020 sont prolongés jusqu’au 25 janvier 2021.
Article 3
(Supprimé)
M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet.
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 3 mars 2020 :
À neuf heures trente :
Trente-six questions orales.
À quatorze heures trente :
Explications de vote puis vote solennel sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée (texte de la commission n° 336, 2019-2020).
À quinze heures quarante-cinq et le soir :
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à modifier les modalités de congé de deuil pour le décès d’un enfant (texte de la commission n° 350, 2019-2020) ;
Projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (procédure accélérée ; texte n° 307, 2019-2020).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)
nomination de membres de commissions
Le groupe La République En Marche a présenté des candidatures pour siéger au sein de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires sociales.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, ces candidatures sont ratifiées :
Mme Patricia Schillinger est membre de la commission des affaires économiques ;
M. Xavier Iacovelli est membre de la commission des affaires sociales.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication