M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Nous nous retrouvons aujourd’hui pour la dernière étape du parcours parlementaire des projets de loi organique et ordinaire relatifs à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et à la prorogation du mandat des membres de la Hadopi, après l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire par l’Assemblée nationale le 11 février dernier.
Je suis heureux de constater que les députés et les sénateurs ont réussi à s’accorder sur un texte, qui, je le crois, est de nature à satisfaire toutes les travées.
Comme je l’avais exprimé devant vous au mois de décembre dernier, avec ces deux textes, l’intention du Gouvernement est double.
Concernant l’article 13 de la Constitution, il s’agit de tirer les conséquences des récentes réformes menées par le Gouvernement – je pense notamment au « paquet ferroviaire » et à la loi Pacte – pour permettre au Parlement d’exercer pleinement son rôle.
Concernant la prorogation du mandat des membres de la Hadopi, il s’agit d’éviter d’avoir à nommer de nouveaux membres pour une très courte période et de permettre à l’autorité de continuer à fonctionner convenablement.
Lors des premières lectures, le texte a été enrichi par le Sénat et l’Assemblée nationale. Vous êtes parvenus à un accord lors de la commission mixte paritaire, ce dont le Gouvernement se félicite.
Je souhaite revenir ici sur deux points qui ont suscité des débats lors des discussions.
Le Gouvernement a eu l’occasion, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, d’exprimer ses réserves sur l’ajout du président de la CADA à la liste des emplois concernés par l’alinéa 5 de l’article 13 de la Constitution, les missions de cette commission ne relevant pas du champ d’application de cet article. Sénateurs et députés sont tombés d’accord pour que cette disposition soit maintenue dans le texte final, et nous en prenons donc acte.
S’agissant des dispositions relatives à la SNCF, les modifications apportées par votre assemblée n’étaient pas conformes au droit commun des sociétés à participation publique et, tout en comprenant votre souhait d’assurer l’indépendance de SNCF Réseau, par ailleurs garantie par l’avis conforme de l’Autorité de régulation des transports sur la nomination du directeur général de cette filiale, le Gouvernement ne pouvait pas soutenir la proposition sénatoriale.
L’Assemblée nationale est revenue au texte initial du Gouvernement. Nous sommes donc heureux que la commission mixte paritaire ait maintenu les dispositions telles que le Gouvernement les avait proposées en première intention.
La commission mixte paritaire a également validé les ajouts de l’OFII, de l’ANSM et de l’Anses, issus d’amendements des députés et des sénateurs de différentes sensibilités politiques, à la liste prévue par l’article 13 de la Constitution.
Nous avons entendu les remarques exprimées au Sénat et à l’Assemblée nationale concernant les dispositions relatives à la Hadopi. Je tiens à le répéter ici, avec cette mesure, il ne s’agit en aucun cas pour le Gouvernement de « forcer la main » du Parlement ou encore de préjuger de l’adoption du projet de loi sur l’audiovisuel. Il s’agit uniquement de prévoir des dispositions pragmatiques sans lesquelles la Hadopi ne pourra plus fonctionner correctement.
Le Gouvernement se félicite donc que ces dispositions aient été maintenues dans le texte de la commission mixte paritaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où s’achève le parcours parlementaire de ces projets de loi, je tiens à vous remercier pour le travail effectué et pour les échanges fructueux que nous avons eus ces dernières semaines. Ces textes permettront un exercice effectif de votre droit de regard sur certaines nominations. Ils permettront également à la Hadopi de continuer à fonctionner d’ici à ce que le rapprochement avec le CSA soit effectif.
Le Gouvernement est donc favorable à l’adoption de ces projets de loi dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 4 février dernier, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur les projets de loi relatifs à l’application de l’article 13 de la Constitution.
Ces deux projets de loi, l’un organique, l’autre ordinaire, prévoient, d’une part, d’actualiser la liste des nominations par le Président de la République soumises à l’avis préalable des commissions parlementaires compétentes et, d’autre part, de prolonger le mandat des six membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).
Depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, le Parlement dispose d’un pouvoir de veto sur certaines nominations effectuées par le Président de la République, « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », comme le prévoit le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Ces nominations sont soumises à l’avis préalable des commissions compétentes de chaque assemblée. Le Président de la République doit y renoncer lorsque l’addition des votes négatifs représente, au total, au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Un tel contrôle parlementaire nous paraît indispensable. En effet, l’avis préalable des commissions parlementaires présente un double intérêt. D’une part, il renforce le contrôle des nominations, d’autre part, il garantit la transparence de ces nominations, notamment grâce à l’audition des candidats pressentis.
Depuis sa création en 2010, la liste des postes concernés par cette procédure n’a cessé de s’étoffer, ce qui constitue une avancée importante en matière de démocratie et de transparence.
Les textes adoptés marquent une évolution certaine du champ d’intervention du Parlement. C’est ainsi que, dorénavant, celui-ci se prononcera sur la nomination, par le Président de la République, du directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, des directeurs généraux de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, et, enfin, du président de la Commission d’accès aux documents administratifs. Au total, 55 nominations seront soumises à cette procédure de contrôle.
Je me félicite donc des améliorations que les députés et les sénateurs ont apportées à ces deux textes, s’agissant non seulement des coordinations nécessaires concernant les intitulés des organismes ou des fonctions concernés, mais aussi de l’extension de cette procédure de contrôle à certaines nominations comme celle du directeur général de l’OFII, décidée par le Sénat et approuvée en commission et en séance publique par l’Assemblée nationale.
De même, je me réjouis que le rôle de la CADA n’ait pas été minimisé. En effet, cette autorité indépendante joue un rôle fondamental pour garantir les droits des citoyens, à un moment où la demande d’accès aux documents administratifs n’a jamais été aussi forte.
La seule divergence entre nos deux assemblées concernait la SNCF, et plus particulièrement SNCF Réseau. En effet, il aurait été de l’intérêt du Parlement d’intégrer SNCF Réseau dans la procédure prévue par l’article 13, alinéa 5, de la Constitution. Il aurait été parfaitement légitime que le Parlement donne son avis au regard de l’enjeu stratégique que représente le ferroviaire dans notre pays.
Toutefois, le groupe Les Indépendants ne reviendra pas sur l’accord trouvé en commission mixte paritaire et votera ces textes. À cet égard, nous félicitons M. le rapporteur de son excellent travail.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. C’est bien de le dire !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes réunis pour discuter de deux projets de loi liés : le premier, organique, porte sur l’application de l’article 13 de la Constitution ; il est complété par le second, lequel comporte également des dispositions de prolongation des mandats des membres de la Hadopi.
En dépit de la technicité apparente de ce qui pourrait être considéré comme une simple série d’ajustements, voire de changements paramétriques, nous touchons en fait à un sujet d’une plus grande importance : la fonction constitutionnelle de contrôle du Parlement, telle qu’elle est renforcée depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008.
En effet, l’article premier du projet de loi organique modifie la liste des emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du chef de l’État, aux termes de l’article 13 de la Constitution, s’exerce après avis des commissions compétentes de chaque chambre.
Comme cela a déjà été expliqué précédemment, si les votes négatifs additionnés de chaque commission dépassent les trois cinquièmes du total, il est fait obstacle à la nomination par le Président de la République de la personne concernée. Il s’agit donc pour le Parlement d’une garantie, et finalement, d’une sorte de droit de regard.
Concrètement, aujourd’hui, un certain nombre d’organismes sont retirés ou ajoutés à cette liste, tandis que d’autres voient leur nom modifié pour mieux refléter l’évolution de ces structures.
La loi ordinaire prévoit en outre de proroger d’un an le mandat de la Hadopi afin de faciliter l’intégration de cette institution ainsi que du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux m’empêcher d’évoquer un problème de méthode, et je ne suis pas le seul, puisqu’il avait déjà été soulevé par notre rapporteur lors de la première lecture au Sénat, puis par nombre de collègues députés.
Ces deux projets de loi tirent les conséquences d’ordonnances qui n’ont pas encore été ratifiées.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. François Bonhomme. On nous dira sans doute que leur ratification éventuelle est une affaire entendue, et qu’il existe un accord plus ou moins large autour de leur contenu, mais cela ne change rien au fait que, en présentant aujourd’hui ces deux projets de loi, le Gouvernement présume de l’accord futur du Parlement sur d’autres textes. Pour tout dire – vous en conviendrez aisément – cela fait un peu désordre.
Nous nous sommes néanmoins prêtés à l’exercice d’autant plus attentivement que le texte aurait initialement fait passer le nombre d’emplois soumis à l’avis préalable des commissions compétentes de 54 à 51. Notre position concernant l’importance du rôle de contrôle du Parlement étant constante, il aurait été incohérent de laisser ce dernier reculer, fût-ce légèrement.
Nous avons donc enrichi ces textes en première lecture en incluant dans les emplois soumis à avis le président de la CADA et le directeur général de l’OFII et en sécurisant le rôle de contrôle du Parlement dans ces nominations.
La question de l’avis sur le personnel dirigeant des chemins de fer avait en particulier donné lieu à des amendements de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et ce afin de bien inclure les quatre dirigeants de la SNCF.
Nous sommes heureux de constater que les députés ont largement partagé notre vision des choses, en conservant plusieurs de nos apports, et qu’ils ont même ajouté les dirigeants de l’ANSM et de l’Anses à la liste des emplois soumis à la procédure de l’article 13 de la Constitution. Je salue cet heureux mouvement de convergence vers la protection et le renforcement de la fonction de contrôle du Parlement.
En revanche, je regrette que nos homologues de l’Assemblée nationale n’aient pas reconsidéré en commission mixte paritaire notre proposition d’inclure le directeur général de SNCF Réseau – ancien établissement public Réseau ferré de France – dans la liste des emplois soumis à l’avis des commissions.
La mission particulière de SNCF Réseau en fait, me semble-t-il, un acteur stratégique essentiel au transport en France, et l’y inclure aurait été très judicieux, comme notre collègue Didier Mandelli, rapporteur pour avis, l’avait à l’époque exposé au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Néanmoins, du fait de la logique de la commission mixte paritaire, il n’est pas toujours possible de parvenir à un accord sur l’ensemble des points. À regret, nous renonçons donc pour aujourd’hui à l’inclusion du directeur général de SNCF Réseau dans cette loi.
Enfin, si le Sénat était opposé à la privatisation de la Française des jeux, la chose étant désormais réalisée, nous avons logiquement fait le choix d’agréer, dès la première lecture, le retrait de son dirigeant de la liste des emplois soumis à la procédure de l’article 13 de la Constitution.
En somme, grâce au remarquable travail de nos rapporteurs, ces deux textes finaux me semblent tout à fait satisfaisants. Il n’y a donc aucune raison pour que mes collègues du groupe Les Républicains et moi-même ne les votions pas. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon propos en saluant le travail de l’ensemble de nos collègues lors de la discussion de ces textes et l’accord intervenu en commission mixte paritaire, preuve de la volonté de tous les groupes de nos deux assemblées d’aboutir.
Nous saluons nos collègues députés de La République En Marche, qui n’ont pas suivi la position du Gouvernement, en commission puis en séance, et enfin au cours des travaux de la commission mixte paritaire sur les deux ajouts importants opérés dès le stade de l’examen en commission au Sénat par notre groupe, sous l’impulsion nette de Jean-Yves Leconte, que je salue.
Je salue également notre rapporteur pour les avis favorables qu’il a donnés sur deux questions importantes : le président de la Commission d’accès aux documents administratifs et le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration ont ainsi été intégrés à la liste des nominations devant relever de cette procédure spéciale. C’est une belle avancée démocratique que nous apprécions tous.
Une pierre d’achoppement a toutefois persisté jusqu’à la fin de la réunion de la commission mixte paritaire, comme l’ont rappelé les précédents orateurs, à savoir la nomination du directeur général de SNCF Réseau, le gestionnaire des 30 000 kilomètres d’infrastructures ferroviaires de notre pays. Il s’agit ni plus ni moins que d’un recul des droits du Parlement, qu’il s’inflige paradoxalement lui-même ; on lui retire la faculté de s’opposer.
Permettez-moi de m’expliquer sur ce malentendu, voire cette incohérence : les députés de la majorité ont opposé au maintien de cette audition parlementaire l’argument du droit commun, puisque SNCF Réseau est filiale de la SNCF. Le rapporteur M. Euzet a fait valoir que « si l’on convenait d’une situation inverse, on établirait une sorte de double légitimité qui pourrait poser des difficultés en termes de gouvernance ». Pourtant, dans la phrase suivante, M. Euzet renvoie sur l’Autorité de régulation des transports pour s’assurer que les décisions de la SNCF respectent l’indépendance de SNCF Réseau. Vous saisissez le paradoxe, sinon la contradiction ! M. Euzet est sans nul doute un juriste reconnu, mais il méconnaît manifestement le nouveau pacte ferroviaire et les intenses discussions qui ont prévalu à ce sujet.
J’étais impliqué dans ce débat au cours duquel nous nous sommes collectivement battus, au Sénat, pour transformer huit ordonnances en un véritable texte de loi avec un véritable volet social. Cette question avait pourtant été fort bien expliquée dès la discussion générale du texte par le rapporteur pour avis Didier Mandelli.
De trois auditions, nous ne conservons qu’une. Si certains y voient une marque d’intégration du nouveau groupe ferroviaire, nous nous inquiétons de la fragilité de ce que la ministre Élisabeth Borne qualifiait elle-même de « muraille de Chine » qui devait s’ériger entre SNCF Réseau et les autres parties du groupe pour garantir son indépendance à l’heure de la fin du monopole et de l’ouverture à la concurrence. C’est au nom de cette indépendance que nous demandions de garder un droit de regard sur cette nomination, qui aurait permis de mettre de la distance dans la relation hiérarchique évidente entre la SNCF et SNCF Réseau, entre M. Luc Lallemand et M. Jean-Pierre Farandou, qui l’a nommé.
Cette question de l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure est au centre à la fois de nos débats et de l’avenir du système ferroviaire français. Je veux mettre en garde le Gouvernement contre une possible hâte en la matière, et lui suggérer de prendre le temps de réunir toutes les garanties et accords des parties, au premier titre celui de l’Autorité de régulation des transports, qui, comme de nombreux professionnels du secteur ou observateurs avisés, exprimait des doutes sur ces dispositions.
Le président de cette autorité, Bernard Roman, a d’ailleurs bien précisé que l’avis préalable des commissions parlementaires serait de nature à accroître l’indépendance et la légitimité des candidats retenus, et plus largement, de l’entreprise SNCF Réseau, en particulier au regard des autres entités de la SNCF.
Permettez-moi de citer mon collègue Jean-Pierre Sueur : « Pourquoi se donner tant de mal pour réduire les pouvoirs du Parlement ? Quel inconvénient y aurait-il à soumettre le directeur général de SNCF Réseau à la procédure du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution ? Chacun conviendra qu’il n’y avait rien de dramatique à voir chaque groupe politique, au sein des commissions parlementaires concernées, formuler une position. Si le vote devait être négatif, une autre personne serait pressentie. Serait-ce si grave ? »
Pour en revenir à ce qui nous réunit ce soir, ce texte n’était pas une priorité, mais il existe, et il a fait l’objet d’un accord. Le groupe socialiste et républicain le votera, car en matière de commission mixte paritaire, un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras ». (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est finalement parvenue à un accord, non sans susciter une certaine déception chez ceux qui défendent le maintien d’un réseau de transport de qualité, accessible à l’ensemble des citoyens quelle que soit leur localisation sur le territoire.
D’apparence assez anodine, ces textes ont en effet des implications politiques importantes, puisqu’ils définissent les périmètres de contrôle des nominations à des emplois et fonctions clés de notre société pour les libertés, mais également pour le secteur économique.
Comme le prévoit le troisième alinéa de l’article 13 de la Constitution, une grande partie des nominations indispensables à la conduite de la politique du Gouvernement n’est pas soumise au contrôle du Parlement. Cela vaut pour les conseillers d’État, les ambassadeurs, les préfets ou encore les directeurs d’administrations centrales, dont le rôle a pris une importance accrue.
Tel n’est pas le cas aux États-Unis, où les ambassadeurs font, par exemple, l’objet d’une audition par le Sénat avant leur prise de fonctions. Le système des dépouilles y est nettement plus étendu, et l’audition parfois d’ailleurs dévoyée à des fins politiques ou politiciennes pour mettre en difficulté le président.
L’exercice consiste donc à trouver un équilibre entre la mise en place d’un contrôle parlementaire efficace sur les nominations dans l’intérêt des Français, et la nécessité de garantir des marges de manœuvre au Gouvernement pour conduire sa politique.
Cet objectif justifie que les emplois et les fonctions soumis à ce contrôle parlementaire fassent l’objet d’une liste exhaustive, à condition qu’ils entrent dans l’un des deux cas de figure prévus au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, à savoir « l’importance pour la garantie des droits et libertés ou pour la vie économique et sociale de la Nation ».
Comme l’ont montré nos débats, cette qualification n’est pas toujours consensuelle. Nous avons eu par exemple des échanges animés à propos de la Commission d’accès aux documents administratifs. L’importance de ces fonctions et emplois est susceptible de varier selon l’évolution des compétences attribuées par la loi à ces instances, ou même, plus prosaïquement, en fonction du zèle des personnes nommées. Certaines personnalités ont ainsi marqué durablement leur institution – je pense au Défenseur des droits ou à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides.
C’est pourquoi il importe d’actualiser régulièrement cette liste, afin qu’elle coïncide pleinement avec l’intérêt général de notre pays – une notion, on le sait, en constante évolution.
Dans le champ économique, nos débats ont aussi montré que le contrôle parlementaire est désormais limité par un deuxième obstacle : la remise en cause de l’intervention de l’État dans l’économie. Du fait de la privatisation d’entreprises détenues par l’État et de la marginalisation de l’État actionnaire, le pouvoir de nomination étatique disparaît et avec lui, incidemment, le contrôle du Parlement sur ces nominations.
Le critère relatif à l’importance « pour la vie économique et sociale de la Nation » nous semble encore devoir être précisé : s’agit-il d’une importance systémique, en fonction de la taille, ou alors catégorielle, selon le secteur d’activité ? S’agit-il encore de protéger les monopoles naturels, que certains économistes contestent depuis bien longtemps ?
Si l’on comprend facilement qu’il n’est pas utile de maintenir un droit de regard sur les nominations au sein d’entreprises soumises au droit de la concurrence, il paraît néanmoins contestable de priver le Parlement d’un contrôle sur la direction d’entreprises stratégiques pour l’aménagement du territoire, a fortiori dans un contexte où l’égalité et la cohésion des territoires sont devenues des questions prégnantes. C’est justement le cas avec SNCF Réseau.
Le groupe du RDSE a toujours abordé la question ferroviaire sans dogmatisme économique, mais, au contraire, avec une forte volonté de pragmatisme et d’efficacité. Peu importent les théories de tel ou tel économiste : notre préoccupation est de lutter contre la dégradation du réseau, notamment celle des petites lignes ferroviaires.
Nous pensons donc que si le droit de la concurrence s’oppose à ce que les nominations au sein de SNCF Réseau fassent l’objet d’un contrôle parlementaire, il demeure indispensable de trouver d’autres moyens de renforcer le contrôle du respect par cette entreprise de son obligation de service public sur l’ensemble du territoire de la République.
Malgré cette petite dissonance, nous voterons les deux textes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi et le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui, tels qu’ils résultent des arbitrages de la commission mixte paritaire, revêtent – je le crois – une double importance pour notre Haute Assemblée.
Ces deux textes portent sur l’application d’une disposition constitutionnelle renforçant les pouvoirs de contrôle du Parlement et contribuant, de fait, à ce que, pour reprendre les mots de Montesquieu dans De l’esprit des lois, « le pouvoir arrête le pouvoir ».
Les présents textes visent ainsi à modifier et actualiser une loi organique et une loi du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution conférant au Parlement un pouvoir de contrôle et d’opposition sur certaines nominations décidées par le Président de la République.
Ce contrôle du pouvoir de nomination du chef de l’État, issu de la révision constitutionnelle d’ampleur du 23 juillet 2008 et précisé par le législateur organique en 2010, constitue une avancée pour notre démocratie à plusieurs égards.
Tout d’abord, l’audition publique qui précède l’avis de la commission permanente compétente est une garantie de transparence dans l’évaluation des compétences de la personne auditionnée.
Ensuite et surtout, le contrôle du Parlement permet de garantir l’indépendance dans l’exercice de ses fonctions de la personne ainsi nommée.
À ce titre, l’examen dont ces textes ont fait l’objet au cours de la navette illustre bien le travail de coconstruction entre les deux chambres sur un sujet d’une telle importance.
Je voudrais aussi saluer l’accord élaboré en commission mixte paritaire, à la construction duquel a contribué notre collègue rapporteur au Sénat Yves Détraigne, que je remercie. Cet accord traduit l’implication conjointe de l’Assemblée nationale et du Sénat s’agissant des pouvoirs de contrôle du Parlement. Celle-ci transparaît dans les textes élaborés par la commission mixte paritaire à plusieurs égards.
Tout d’abord, les apports importants du Sénat ont été conservés par l’Assemblée nationale et la commission mixte paritaire. C’est le cas de l’extension du champ d’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution à la présidence de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) et à la direction générale de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII).
C’est également le cas de l’actualisation de l’intitulé de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), ainsi que de l’extension aux membres suppléants de la Hadopi de la prorogation du mandat prévue pour plusieurs membres titulaires.
Ensuite, les deux chambres sont parvenues à dépasser leurs désaccords sur la nomination des dirigeants de la SNCF en retenant la rédaction de l’Assemblée nationale. Cette solution n’est pas un échec pour le Sénat. Elle participe au contraire d’une actualisation juridique cohérente en tirant les conséquences, comme le fait le projet de loi organique sur d’autres points, de la transformation de la SNCF en une société unifiée depuis le 1er janvier 2020. Ainsi, le texte de la commission mixte paritaire de même que le projet de loi organique initial et le texte de l’Assemblée nationale prévoient que seul le directeur général de la SNCF est nommé par le Président de la République après avis du Parlement. Ce dispositif est conforme au droit commun des sociétés détenues directement à plus de 50 % par l’État.
Un autre point de divergence résidait dans la nomination à la présidence du conseil d’administration de SNCF Réseau, désormais filiale de la SNCF. La nomination selon la procédure du cinquième alinéa de l’article 13 n’a pas été retenue par la commission mixte paritaire, et ce en cohérence avec le nouveau pacte ferroviaire. Je souhaite, à ce titre, rappeler que le code des transports offre des garanties à l’indispensable indépendance de SNCF Réseau en disposant que « l’Autorité de régulation des transports veille à ce que les décisions de la SNCF respectent l’indépendance de SNCF Réseau ». En tout état de cause, la nomination, le renouvellement et la révocation de ses dirigeants devront faire l’objet d’un avis conforme de l’Autorité de régulation des transports.
Enfin, la commission mixte paritaire a utilement prévu la compétence de la commission des affaires sociales pour la nomination de la direction générale de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Elle a également procédé à une coordination calendaire nécessaire s’agissant de la prorogation des membres de la Hadopi.
Finalement, mes chers collègues, les textes de la commission mixte paritaire offrent un équilibre pertinent. En portant à 55 le nombre de postes soumis à la procédure de nomination du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, il confirme et conforte le pouvoir de contrôle du Parlement, tout en garantissant la cohérence de notre ordonnancement juridique.
Pour toutes ces raisons, et en saluant de nouveau le travail de conciliation accompli, notamment par M. le rapporteur, le groupe La République En Marche votera ces deux textes.