Mme la présidente. L’amendement n° 56, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 9, première et seconde phrases
Remplacer les mots :
représentant légal
par les mots :
point de contact
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État. Cet amendement vise à substituer à la notion de « représentant légal » la notion plus adaptée de « point de contact », substitution qui tend aussi à répondre à de possibles réserves en provenance de la Commission européenne, l’obligation d’un représentant légal sur le territoire français pouvant être considérée comme une entrave injustifiée au principe de la libre prestation des services de la société de l’information dans le marché unique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. La commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement par lequel le Gouvernement revient sur la rédaction qu’il a lui-même introduite à l’Assemblée nationale.
La consistance juridique du point de contact ne me semble pas très explicite. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir un peu plus tard.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le secrétaire d’État, on revient à la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information : dans cette loi aussi, vous aviez prévu la nomination d’un représentant. Or ce dispositif n’a pas fonctionné. Vous le remplacez aujourd’hui par la notion de « point de contact ».
Expliquez-nous ! Qu’est-ce que c’est ? Est-ce une paillote dans un coin du territoire où l’on vient pour essayer de rencontrer M. Google ou M. Twitter ? (Sourires.) Je ne vois pas, d’un point de vue législatif, de quoi il retourne.
Par ailleurs, à travers l’exemple du tweet malheureux de votre collègue ministre de l’intérieur, vous avez bien vu que des sociétés qui sont installées à l’étranger pouvaient parfaitement ne pas répondre à la convocation de la justice française. Je doute que leur imposer un point de contact puisse résoudre ce problème.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.
M. Philippe Bonnecarrère. Je pense moi aussi que la notion de point de contact ajoutera une difficulté supplémentaire et ne permettra pas au Gouvernement d’atteindre ses objectifs. Il est déjà assez difficile de gérer la situation des représentants légaux de personnes morales : en ajoutant la notion de point de contact, vous introduisez un élément de complexité.
C’est l’occasion pour moi, sans refaire le débat sur l’article 1er, de vous redire à vous, monsieur le secrétaire d’État, comme à ceux qui font preuve de bonne volonté et qui souhaitent le succès de ce texte, que le franchissement de l’obstacle de la constitutionnalité est déjà un problème. Le franchissement de l’obstacle de la conventionnalité en est un autre, mais nous avons eu trop peu de temps pour aborder tous ces points lors de la discussion générale.
Vous vous heurtez à un problème d’articulation avec le droit pénal des personnes morales. Sur ce sujet, je vous souhaite bien du courage, d’autant que je ne vois pas très bien comment un magistrat pourra se tirer d’affaire si, un jour, il doit appliquer ce texte.
Pour faire simple, l’article 121-2 du code pénal, qui porte sur le principe général de responsabilité pénale des sociétés, émet une réserve : les personnes morales peuvent être sanctionnées pénalement du fait des actes qui ont été commis, à condition qu’ils soient intervenus « pour leur compte ». Je suis curieux de voir comment un magistrat arrivera à démontrer que la non-suppression d’un acte illicite sur un site, dans un délai de vingt-quatre heures, peut être considérée comme ayant été faite « pour le compte » de la personne morale en cause.
M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr !
M. Philippe Bonnecarrère. Encore une fois, monsieur le secrétaire d’État, deux lectures auraient permis d’être un peu plus précis juridiquement.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis de la commission de la culture. Tout à fait !
M. Philippe Bonnecarrère. Il s’agit de savoir si vous voulez produire un texte qui tient la route ou si vous voulez poser un acte politique. Je ne suis pas opposé à ce que vous posiez des actes politiques, mais, pour la crédibilité du Gouvernement, il faut le faire bien. (M. Pierre Ouzoulias applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. J’ai d’abord cru, parce que je n’ai pas la compétence de certains d’entre nous dans ce domaine, que le point de contact était une notion que je ne connaissais pas. Je suis un petit peu ancien monde ! (Exclamations amusées.) Eh oui, il faut toujours être lucide !
Je vois à peu près ce qu’est un représentant légal. En revanche, je viens de vérifier, le point de contact n’existe pas juridiquement ! Or il est question ici de responsabilité. Comment faire dans ces conditions ? Personnellement, je voterai contre cet amendement pour cette raison.
Le plus intéressant dans cet amendement, monsieur le secrétaire d’État, c’est l’exposé des motifs. Il signe le naufrage de votre législation. Je le relis : « Cet amendement vise à substituer à la notion de “représentant légal” la notion plus adaptée de “point de contact”, substitution qui tend aussi à répondre à de possibles réserves en provenance de la Commission européenne, l’obligation d’un représentant légal sur le territoire français pouvant être possiblement considérée comme une entrave injustifiée au principe de la libre prestation des services de la société de l’information dans le marché unique. »
M. Patrick Kanner. C’est un aveu !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Fin du game, comme on dit ! (Sourires sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Nous sommes donc en train de débattre, de manière très passionnée, d’une législation qui n’a absolument aucune possibilité d’être jamais appliquée.
Mme Sonia de la Provôté. Et voilà !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État. Madame de la Gontrie, il est vrai que la notion de point de contact n’existe pas à ce stade…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Génial !
M. Cédric O, secrétaire d’État. C’est une innovation. Il fut un temps où vous n’étiez pas contre l’innovation, temps dépassé maintenant !
M. Patrick Kanner. Cela n’a rien à voir, monsieur le secrétaire d’État !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Définissez-la !
M. Cédric O, secrétaire d’État. En l’espèce, cette notion est issue d’une discussion qui a eu lieu avec la Commission européenne, laquelle estimait que la notion de représentant légal pourrait créer un risque de non-conventionnalité, dans la mesure où c’est le représentant légal qui serait pénalement responsable.
Nous avons besoin d’un point de contact, non responsable pénalement, qui soit un intermédiaire dans les discussions souvent informelles que nous pourrions avoir avec ces plateformes, notamment les plateformes russes, qui s’installent à Malte, ou d’autres au Luxembourg.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. On fait du droit, là !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Dans l’état actuel de la législation, y compris sur des sujets problématiques, nous avons besoin d’avoir ces discussions, car une partie des réponses repose sur la bonne volonté. C’est d’ailleurs pour cela que nous faisons cette loi-là.
Nos discussions avec la Commission européenne – là, j’ai une appréciation un peu différente de celle du sénateur Bonnecarrère – visent justement à diminuer le risque de non-conventionnalité. Si vous estimez que c’est une innovation qui n’a pas lieu d’être, vous en tirerez les conséquences.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Définissez ce que c’est !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Je viens de vous le dire, madame de la Gontrie, nous avons besoin d’avoir quelqu’un avec qui discuter.
M. Patrick Kanner. Vous battez en retraite avec le point de contact !
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je ne suis pas spécialiste en droit, mais je sais qu’à partir du moment où vous parlez de point de contact dans la loi vous devez créer cette notion juridique. Vous ne pouvez pas vous contenter d’affirmer qu’il s’agit d’une innovation. Je suis pour l’innovation, mais il faut qu’elle soit sécurisée juridiquement.
Cette façon de travailler et de vouloir aller vite, c’est du bricolage. Résultat, cette loi finira dans le mur. Pourquoi ? Parce qu’il y en a qui ne bricolent pas, le Conseil constitutionnel par exemple.
Si les plateformes veulent créer des contentieux, notamment à l’échelon européen, ne pensez-vous pas que leurs armées d’avocats saisiront toutes les imprécisions de cette loi pour la remettre en cause ? Qui sera battu ? Pas votre loi – à la rigueur, je n’en ai pas grand-chose à faire –, mais l’intention de ses auteurs, qui est louable.
Si, parce que vous avez mal ficelé ce texte, il apparaît qu’il n’est pas possible de lutter contre les contenus haineux et si ce texte, qui sera brandi comme un étendard, devient ridicule aux yeux de l’opinion, imaginez les dégâts que cela provoquera ! Imaginez la difficulté à corriger ces faiblesses avec des outils à même de créer un véritable rapport de force avec les plateformes !
Ce bricolage n’est pas anodin, parce qu’il peut faire reculer le combat contre les contenus haineux, alors que l’objectif était d’avancer. Et je ne doute pas que c’était votre objectif.
Mme la présidente. L’amendement n° 23 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, Babary, Bascher et Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bouchet et Brisson, Mme Bruguière, MM. Buffet et Calvet, Mme Canayer, MM. Cardoux, Chaize, Charon, Chatillon, Courtial, Cuypers et Danesi, Mmes L. Darcos, Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Dufaut, Mmes Dumas, Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Ginesta, Gremillet, Guené et Hugonet, Mme Imbert, M. Laménie, Mmes Lamure, Lassarade et Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge, Le Gleut et Leleux, Mmes Lherbier, Malet, M. Mercier et Micouleau, M. Milon, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, Nachbar, Nougein, Paul, Pellevat, Perrin et Piednoir, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero et MM. Raison, Reichardt, Savin, Schmitz, Sido, Sol, Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Ils mettent en place les moyens nécessaires à la suppression des comptes de leurs utilisateurs ayant fait l’objet d’un nombre de notifications par plusieurs personnes faisant apparaître, au vu de ce faisceau d’indices, une contravention sérieuse aux infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la présente loi et aux troisième et quatrième alinéas de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette suppression peut être contestée par l’utilisateur dans les conditions prévues au 5° du présent article. Elle intervient sans préjudice de leurs obligations relatives à la conservation des données associées à ces comptes pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales. »
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Il est désormais de notoriété publique que certains pays, voire certaines entreprises, abritent de véritables centrales d’où sont pilotés des groupes de faux comptes, connues sous l’expression imagée d’« usines à trolls ». Or, à une époque où une part croissante de nos concitoyens a recours aux réseaux sociaux et aux plateformes en ligne pour accéder à de l’information, la prolifération des faux comptes, créés uniquement à des fins de dissémination d’informations douteuses et parfois même haineuses, constitue une menace majeure pour la liberté d’expression et la bonne information des citoyens. Ce texte ne saurait ignorer cet aspect du problème.
Cet amendement vise donc à faciliter la lutte contre ces faux comptes. Il crée, pour cela, une obligation de moyens à destination des plateformes, afin que celles-ci se dotent des capacités de ciblage et de suppression des comptes que l’on soupçonne être des faux, utilisés pour répandre des contenus haineux. Pour cela, nous proposons de retenir la technique du faisceau d’indices, qui, malgré son origine prétorienne, s’applique d’ores et déjà dans le domaine des marchés publics.
Afin de ne pas porter atteinte aux équilibres du texte, ces suppressions de comptes pourraient donner lieu à des réclamations similaires à celles qui sont prévues à l’article 2 pour les suppressions de certains contenus. Les informations associées seraient également préservées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer les obligations des réseaux sociaux en matière de fermeture des comptes uniquement dédiés à la diffusion de contenu illicite. Les plateformes sont encouragées à avoir recours à un faisceau d’indices, notamment au nombre des notifications et des retraits.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Sans blague !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Je suis un peu étonné de la position du rapporteur sur cet amendement au regard de ses interventions précédentes.
S’il y a un problème sur les contenus, vous estimez qu’il faut le régler contenu par contenu. Or, supprimer un compte, c’est vraiment aller bien au-delà ! En effet, dès lors que vous supprimez un compte, vous supprimez tous les contenus qui y figurent.
Au-delà de l’échange que j’ai pu avoir avec Bruno Retailleau, il s’agit là d’un véritable sujet : nous connaissons l’importance des faux comptes, notamment aux États-Unis, dans la propagation des fake news. Alors que nous avons déjà du mal à trouver une ligne de crête lorsqu’il est question des contenus, il s’agit ici de prévoir la suppression de comptes au regard du nombre de notifications recensées. Or la sur-notification de vidéos, notamment sur YouTube, ou de contenus sur Facebook par des groupes organisés pour déréférencer des contenus et leur nuire est déjà très organisée.
Par conséquent, certains groupes organisés et des utilisateurs malveillants pourraient être enclins à sur-notifier des comptes pour les faire disparaître : à la suite d’un assaut extrêmement organisé et massif, la plateforme, par défaut, supprimera un certain nombre de comptes.
Dans ces conditions, le problème que cela pose en termes de liberté d’expression est significativement supérieur à tout ce dont nous avons discuté jusqu’à présent.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Article 3 bis
Au premier alinéa des 1 et 2 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée, le montant : « 75 000 Euros » est remplacé par le montant : « 250 000 euros ». – (Adopté.)
Chapitre III
Rôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel dans la lutte contre les contenus haineux en ligne
Article 4
I. – Après l’article 17-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 17-3 ainsi rédigé :
« Art. 17-3. – I. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille au respect des dispositions des articles 6-2 et 6-3 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique par les opérateurs mentionnés à l’article 6-2 de la même loi.
« À ce titre, il adresse aux opérateurs mentionnés au même article 6-2 des recommandations visant à assurer le respect des dispositions mentionnées au premier alinéa du I du présent article.
« Il s’assure du suivi des obligations reposant sur ces opérateurs.
« Il publie chaque année un bilan de l’application de ces dispositions par les opérateurs de plateforme en ligne et de leur effectivité.
« Il recueille auprès des opérateurs mentionnés à l’article 6-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée toutes les informations nécessaires au contrôle des obligations prévues à l’article 6-3 de la même loi.
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut mettre en demeure un opérateur de se conformer, dans le délai qu’il fixe, aux dispositions mentionnées au premier alinéa du I du présent article.
« Dans l’appréciation du manquement de l’opérateur, le Conseil supérieur de l’audiovisuel prend en compte le caractère insuffisant ou excessif du comportement de l’opérateur en matière de retrait des contenus portés à sa connaissance ou qu’il constate de sa propre initiative.
« Lorsque l’opérateur faisant l’objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut, dans les conditions prévues à l’article 42-7 de la présente loi, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant doit prendre en considération la gravité des manquements ainsi que, le cas échéant, leur caractère réitéré, sans pouvoir excéder 4 % du chiffre d’affaires mondial total de l’exercice précédent.
« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut rendre publiques les mises en demeure et sanctions qu’il prononce. Il détermine dans sa décision les modalités de cette publication, qui sont proportionnées à la gravité du manquement. Il peut également ordonner leur insertion dans des publications, journaux et supports qu’il désigne, aux frais des opérateurs faisant l’objet de la mise en demeure ou de la sanction.
« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.
« III. – Le Conseil supérieur de l’audiovisuel encourage les opérateurs mentionnés à l’article 6-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée à mettre en œuvre :
« – des outils de coopération et de partage d’informations dans la lutte contre les infractions mentionnées au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la même loi ;
« – des dispositifs techniques proportionnés facilitant, dans l’attente du traitement de la notification d’un contenu illicite, la désactivation ou la limitation temporaire des fonctionnalités qui permettent de multiplier ou d’accélérer l’exposition du public à ce contenu, et notamment les possibilités de partage, d’interaction, ou d’envoi de messages liés à ce dernier ;
« – des standards techniques communs d’interopérabilité entre services de communication au public en ligne, conformes à l’état de l’art, documentés et stables, afin de favoriser le libre choix des utilisateurs entre différentes plateformes. »
I bis A. – Le 1° de l’article 19 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« – auprès des opérateurs mentionnés à l’article 6-2 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, toutes les informations nécessaires au contrôle des obligations mentionnées à l’article 6-3 de la même loi ; ».
I bis. – (Non modifié) Au premier alinéa et à la deuxième phrase du 6° de l’article 42-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, après le mot : « prévues », sont insérés les mots : « au II de l’article 17-3 ainsi qu’ ».
I ter. – Le chapitre II du titre Ier de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Le troisième alinéa de l’article 6-1 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– les mots : « la Commission nationale de l’informatique et des libertés » sont remplacés par les mots : « le Conseil supérieur de l’audiovisuel » ;
– à la fin, les mots : « dans cette commission » sont remplacés par les mots : « au Conseil » ;
b) La deuxième phrase est supprimée.
II. – (Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis de la commission de la culture. Cet article constituera probablement l’héritage le plus durable et utile de la proposition de loi, puisqu’il pose les bases d’une régulation des acteurs du numérique menée par un CSA dont le champ de compétences sera significativement étendu par la future loi sur l’audiovisuel.
Comme je le signalais dans mon propos introductif, nous sommes favorables à cette régulation, dont on parle depuis un certain temps d’ailleurs, et nous pensons que le CSA, qui deviendra bientôt l’Arcom, si la loi est bien inscrite à l’ordre du jour des travaux du Parlement dans les mois qui viennent, est le plus à même d’accomplir cette mission.
Je tiens à souligner que le texte que nous examinons ne confie à aucun moment au CSA la responsabilité de juger du caractère licite ou non des contenus. Sa mission est bien de s’assurer des moyens mis en œuvre et de l’efficacité dans l’application des règles fixées par la loi.
Je formulerai trois autres observations.
Premièrement, je remercie la commission des lois d’avoir réservé une suite favorable aux amendements de la commission de la culture. Nous avons simplement cherché à mieux encadrer l’intervention du régulateur et je crois que le texte est meilleur sur ce point.
Deuxièmement, comme l’ont fait d’autres orateurs avant moi, j’insiste sur la nécessité de doter le CSA des moyens nécessaires, juridiques, techniques, mais aussi financiers, pour lutter à armes égales contre les grandes plateformes. Le régulateur va vite se trouver confronté à des acteurs qui sont, je n’hésite pas à le dire, dénués de scrupules, mais qui disposent aussi des meilleurs experts et de moyens illimités.
Troisièmement, monsieur le secrétaire d’État, afin de tracer une perspective plus large sur l’avenir des plateformes, puisque cet article pose les bases de leur régulation, je vous incite à regarder de près les réflexions en cours aux États-Unis sur le démantèlement des plateformes.
La Federal Trade Commission – ce n’est pas rien ! – s’intéresse actuellement de très près au projet de Facebook de fusion des infrastructures techniques du réseau social avec WhatsApp et Instagram.
Des politiques militent aujourd’hui pour une application très stricte du droit de la concurrence aux géants du numérique, à l’instar de ce qui a été fait avec la Standard Oil en 1914 ou AT&T en 1982, ces exemples ayant permis de stimuler à terme la concurrence et l’innovation technique.
Il ne faudrait pas que l’Europe soit une nouvelle fois contrainte de suivre et de subir. Nous serions bien inspirés d’anticiper ce qui semble être une évolution inéluctable.
Je vous ai entendu parler de ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, mais je ne partage pas tout à fait votre point de vue. Le problème, c’est que ces oligopoles gèrent tout à notre désavantage.
Les États-Unis eux-mêmes s’interrogent, comme les fondateurs des réseaux.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. L’article 13 de la loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information – j’y reviens, j’en suis désolé – prévoit, afin de faciliter le travail du CSA, que « les opérateurs de plateforme en ligne désignent un représentant légal exerçant les fonctions d’interlocuteur référent ». Si j’ai bien compris votre analyse, cet article pourrait aujourd’hui être anticonstitutionnel. Vous ouvrez la voie à une question prioritaire de constitutionnalité intéressante !
J’ai déposé un amendement sur l’article 4 visant à permettre au CSA de recevoir de manière effective les algorithmes des plateformes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, mais cet amendement a été déclaré irrecevable par la commission des finances au titre de l’article 40 de la Constitution, la commission ayant estimé, à raison, que cet amendement entraînerait une charge financière supplémentaire pour le Conseil. Le CSA n’a pas aujourd’hui les moyens financiers d’exercer totalement sa mission, notamment de vérifier les algorithmes, qu’il ne reçoit pas – j’y insiste.
Le CSA nous a remis une étude très récente sur cette question. Pour tester les algorithmes, il en est réduit à se connecter à YouTube pour effectuer des requêtes. Ces analyses pratiques lui permettent de déduire le comportement des algorithmes.
Il serait tout de même plus simple, monsieur le secrétaire d’État, que vous exigiez des plateformes qu’elles transmettent leurs algorithmes, conformément à la loi, même sous le sceau du secret professionnel. J’avais proposé qu’elles les transmettent à un tiers de confiance. Il est absurde que le CSA, qui est chargé de la régulation et de l’examen des algorithmes, soit obligé d’avoir recours à des méthodes aussi rudimentaires pour effectuer ses tests.
Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes sincère dans votre lutte contre les Gafam, je n’en doute pas, alors faites appliquer la loi ! Obtenez des Gafam qu’ils transmettent les algorithmes au CSA. Nous avons besoin de savoir ce que contiennent ces boîtes noires. Aujourd’hui, ce sont elles qui jouent le rôle de chambre d’écho, ce sont elles qui amplifient les phénomènes que nous combattons ce soir.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.
M. David Assouline. Avant d’évoquer des amendements précis, je tiens à dire que j’adhère à l’appel qui vient d’être lancé. La question de la transparence des algorithmes est posée. Il s’agit d’une question démocratique, de l’un des prochains enjeux de la révolution numérique, laquelle exige un tant soit peu de régulation.
Lorsque l’on demande à accéder au code source, on nous oppose le secret des affaires. L’article 4 est une réponse. On demande aux Gafam non pas de remettre leur code source au premier venu, mais de le confier à une instance de régulation chargée de le vérifier. Si ce n’est pas fait, tout le monde se fera balader, y compris le CSA.
Vous savez mieux que quiconque, monsieur le secrétaire d’État, que, aujourd’hui, les plus grands ingénieurs, les plus grands spécialistes travaillent pour les plateformes – Catherine Morin-Desailly et moi l’avons rappelé –, et que le CSA, même quand on lui donnera, ce que j’espère, les moyens financiers, n’aura pas la possibilité d’embaucher dans l’immédiat de tels profils, voire de débaucher les meilleurs d’entre eux, sachant en outre qu’ils sont difficiles à trouver. Les meilleurs se vendent à ceux qui payent le plus ! Or les plateformes disposent de moyens illimités. Heureusement, certains spécialistes sont guidés non par l’appât du gain, mais par l’intérêt général. Le combat n’est donc pas perdu. En tous les cas, la question du CSA est posée.
Je dois dire que nous faisons les choses de manière complètement folle. Nous avons, dans le cadre de l’examen d’un autre texte, prorogé les mandats des membres de la Hadopi, anticipant ainsi l’adoption de la loi sur l’audiovisuel et la fusion du CSA et de la Hadopi. Et là, nous légiférons en vitesse ; nous actons le fait que le CSA pourra agir sur le net ; nous lui confions des missions qu’il n’aura pas, en l’état actuel, les moyens d’assumer, si la loi est promulguée en début d’année !