M. Jean Bizet. On peut déjà l’annoncer !
M. Didier Guillaume, ministre. Je sais que vous avez élaboré une proposition de loi, que nous examinerons ensemble. Nous verrons ce qu’elle contient. Tout à l’heure, j’ai cru comprendre que certains nous reprochaient les 840 millions d’euros d’argent frais offerts au travers de la grande distribution. Or j’ai remarqué que la suppression du seuil de revente à perte (SRP) ne figure plus dans votre proposition de loi.
Mme Sophie Primas. Elle n’y a jamais été, vous êtes mal renseigné !
M. Didier Guillaume, ministre. Dans ce cas, il sera compliqué de parvenir à une meilleure répartition de la valeur !
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas l’objet de la proposition de loi !
M. Didier Guillaume, ministre. Le Gouvernement entend tout faire pour que ceux qui nous nourrissent soient décemment rémunérés. M. Émorine l’a souligné, cela fait trente-cinq ans que les prix baissent, cela fait trente-cinq ans que les agriculteurs n’arrivent pas à se rémunérer : cela ne peut plus durer, on a atteint le plus bas du plus bas de ce qui pouvait être accepté !
M. Jean-Marc Boyer. Ce n’est pas sûr…
M. Didier Guillaume, ministre. Le budget du ministère est de 4,760 milliards d’euros, dont un peu plus de 2 milliards d’euros d’actions directes en faveur de l’agriculture. Le reste sert à payer les 31 000 fonctionnaires et l’administration. En 2020 comme l’année dernière, ce sont 21 milliards d’euros d’aides directes qui seront versées à l’agriculture française, dont 2,7 milliards d’euros en provenance du budget, 10 milliards d’euros de fonds européens, 1,9 milliard d’euros de dépenses fiscales, 5 milliards d’euros de réductions de cotisations.
Vous avez évoqué le soutien à l’installation. L’année dernière, il y a eu 12 000 installations. Il n’y en avait jamais eu autant. L’accord passé depuis des années entre les jeunes agriculteurs et le ministère veut que nous financions la totalité des installations. Cette année, il y en a plus que prévu dans le budget. J’ai annoncé très clairement que tous les jeunes souhaitant s’installer seraient aidés, sans exception. Il y va de l’avenir de notre agriculture.
Concernant le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar), les 136 millions d’euros de crédits sont sanctuarisés. Le dispositif de soutien aux agriculteurs en difficulté est maintenu.
Le dispositif de l’épargne de précaution, qui ouvre la possibilité de provisionner 150 000 euros en déduction d’impôt, est reconduit cette année. C’était une demande très forte de la profession.
La pérennisation du TO-DE a été assumée sans aucun problème cette année encore : il y a plus de moyens cette année dans le budget pour ce dispositif que l’année dernière.
Nous maintenons également l’exonération totale de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour le gazole non routier. Il en va de même pour les moyens alloués aux chambres d’agriculture, mais nous travaillons sur les contrats d’objectifs et de moyens qui doivent être mis en place.
Enfin, veiller à l’unité de nos territoires, c’est faire preuve de solidarité quand les intempéries et la sécheresse frappent. Le sénateur Gremillet a invoqué le principe du « un pour un » en matière d’assurance contre les calamités agricoles. En fait, l’année dernière, l’État a mis deux – 120 millions d’euros –, quand les agriculteurs ont mis un, soit 60 millions d’euros, mais une transformation majeure doit intervenir. M. Émorine l’a souligné, sans un nouveau système assurantiel, on ne s’en sortira pas ! C’est la raison pour laquelle je proposerai, au début de l’année 2020, je proposerai un nouveau système assurantiel mutualisé et généralisé, afin que l’ensemble des agriculteurs puissent être couverts. L’État apportera de l’argent et je m’engage à solliciter les fonds européens. Je sais que cette idée ne fait pas l’unanimité sur vos travées, mais nous allons nous engager dans cette voie.
Quant à la dotation pour aléas, si j’avais pu ne mettre que 100 millions d’euros, je l’aurais fait. Je ne confonds pas la comptabilité et les orientations politiques. Ce qui compte, ce n’est pas ce qui est inscrit en comptabilité publique, c’est ce qui est effectivement versé aux agriculteurs ! Je me suis engagé sur ce point. Cette année, les agriculteurs ont d’ailleurs touché beaucoup plus, au titre de l’indemnisation des aléas, que ce qui avait été inscrit au budget.
Enfin, vous avez souligné à plusieurs reprises l’exigence d’une alimentation saine, sûre et durable, et insisté sur les contrôles sanitaires. L’excellence alimentaire française est reconnue de tous. Le budget augmente de 6,5 %, ce qui le porte à 570 millions d’euros. Je confirme que, contrairement à ce qui a été dit, que ce sont bien 320 équivalents temps plein, soit 12,8 millions d’euros, qui sont mobilisés pour le renforcement des contrôles lié au Brexit.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai voulu concentrer mon propos sur ce qui m’apparaît être au cœur du projet de réconciliation des territoires.
Je pense que ce budget peut permettre d’aider l’agriculture à s’en sortir. Certes, il n’y suffira pas : il faudra aussi que la société change, que nos concitoyens comprennent qu’il faut faire montre de patriotisme agricole et alimentaire, qu’ils doivent poser des actes clairs quand ils font leurs courses. En ce moment même, une proposition de loi sur l’étiquetage est discutée à l’Assemblée nationale. Je présenterai, au printemps prochain, une grande loi sur ce sujet, afin que chacun puisse savoir exactement ce qu’il achète. Le patriotisme alimentaire doit guider nos comportements de consommateurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je regrette que vous ne soyez pas plus nombreux à vouloir voter ce projet de budget. J’espère néanmoins que nous nous retrouverons, quelle que soit l’issue du vote, pour faire en sorte que l’agriculture de demain soit la plus résiliente possible et, surtout, que nous ayons encore des agriculteurs, non seulement pour entretenir le paysage, mais aussi pour élever des animaux, pour cultiver la terre et, tout simplement, pour nous nourrir de la façon la plus saine, la plus sûre et la plus durable possible. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe RDSE.)
agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », figurant à l’état B.
Mes chers collègues, nous avons vingt-cinq amendements à examiner. Je devrai lever la séance au plus tard à 1 heure du matin. Si nous n’avons pas, alors, achevé l’examen de ces crédits, la fin de la discussion devra être reportée à vendredi.
ÉTAT B
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales |
2 995 245 230 |
2 941 821 464 |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
1 812 459 963 |
1 754 475 363 |
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation |
568 866 824 |
568 358 158 |
Dont titre 2 |
316 967 114 |
316 967 114 |
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture |
613 918 443 |
618 987 943 |
Dont titre 2 |
544 104 672 |
544 104 672 |
M. le président. L’amendement n° II-417 rectifié, présenté par MM. Raison, Milon, Perrin, Longuet et Mouiller, Mmes M. Mercier et Bruguière, MM. Huré, Kennel, H. Leroy et D. Laurent, Mme A.M. Bertrand, MM. Sol et Genest, Mme Chauvin, M. Brisson, Mmes Gruny, Procaccia et Imbert, MM. Bazin et Bouchet, Mme Ramond, MM. Calvet, Bonne et Morisset, Mme Morhet-Richaud, M. Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, M. Meurant, Mme Malet, MM. Vaspart et Savary, Mme F. Gerbaud, MM. Mayet, Pierre, Gremillet et Sido, Mme Deroche et M. Laménie, est ainsi libellé :
I. – Créer le programme :
Recherche appliquée et innovations agroalimentaires
II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
||||
Recherche appliquée et innovations agroalimentaires |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Michel Raison.
M. Michel Raison. Monsieur le ministre, je vais vous faire plaisir : cet amendement, soutenu par de nombreux collègues, tend à consacrer une préconisation formulée dans le cadre des États généraux de l’alimentation, qui avaient d’ailleurs demandé qu’on relève le seuil de revente à perte. Les membres du groupe de suivi de la loi Égalim ont, pour leur part, jugé qu’il convenait de ne pas toucher à ce seuil, qui ne leur a pas semblé poser de problème particulier. Il serait préférable, monsieur le ministre, que vous preniez vos informations au Sénat plutôt qu’à la FNSEA ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Cet amendement vise à soutenir l’innovation dans le secteur agroalimentaire en créant un nouveau programme intitulé « Recherche appliquée et innovations agroalimentaires » et en le dotant de 20 millions d’euros. La formation de nos agriculteurs est un gage de la pérennité du métier et la recherche est primordiale. Si nous voulons que les consommateurs puissent continuer à acheter à bas prix, car les revenus d’une grande partie des Français ne vont pas augmenter d’un coup de baguette magique, il importe de développer la recherche dans le secteur de l’agroalimentaire. Nous proposons de diminuer les crédits de l’action n° 21 pour abonder ce nouveau programme. Je suis persuadé que vous allez donner un avis favorable, monsieur le ministre ! (Sourires. – Mme Marie-Christine Chauvin et M. Jackie Pierre applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Nous allons étudier vingt-cinq amendements de crédits. Ils présentent un intérêt certain et méritent débat, mais la commission des finances, la commission des affaires économiques et la plupart des groupes ont décidé de rejeter les crédits de cette mission, les jugeant insuffisamment ambitieux. Par conséquent, la commission demandera le retrait de tous les amendements de crédits.
Concernant le présent amendement, il tend à augmenter les possibilités de soutenir les instituts techniques agroindustriels via une modification de nomenclature et des transferts de crédits aux effets ambigus. J’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Raison, l’amendement n° II-417 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Raison. Je ne suis pas du tout convaincu par les explications du rapporteur spécial, et encore moins par celles du ministre, puisqu’il n’en a pas donné… (Sourires.) Je maintiens l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Je comprends tout à fait la motivation de cet amendement visant à doter la recherche de crédits suffisants, mais je m’inquiète que ces crédits soient pris sur le programme destiné à soutenir la compétitivité de l’agriculture et d’un secteur dont on a très peu parlé pendant la discussion générale mais qui est pourtant important, celui de la pêche.
La France étant la deuxième puissance maritime au monde, il est légitime que la pêche et l’aquaculture soient, elles aussi, suffisamment soutenues. Le rapport établi par les rapporteurs spéciaux fait apparaître que les crédits prévus à ce titre – somme toute extrêmement modestes, puisque de l’ordre de 50 millions d’euros – n’ont pas été entièrement consommés en 2019. Il ne faudrait pas qu’ils soient réduits pour 2020, d’autant que les besoins sont encore très importants, notamment pour renouveler et moderniser la flottille, en particulier outre-mer et sur la façade atlantique : certains navires ont de plus de trente ans.
Il importe également de soutenir l’ensemble de la filière et de mener des actions pour encourager les jeunes à s’orienter vers les métiers de la pêche, qui permettent aujourd’hui de gagner très bien sa vie. Comme pour l’agriculture, le manque d’hommes est l’un des facteurs limitants du maintien et du développement de ce secteur d’activité.
Je souhaiterais que le ministre soit particulièrement attentif à cette question, parce qu’il y va de l’avenir de la pêche et de l’aquaculture françaises.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Je voterai bien sûr cet amendement. Il faut ouvrir des perspectives à l’agriculture.
Monsieur le ministre, vous dites qu’il faut maintenir l’unité nationale des territoires, mais elle n’a jamais été autant attaquée que ces trois dernières années ! En effet, votre discours, celui du gouvernement auquel vous appartenez, celui de votre président a toujours été paradoxal. Le « en même temps », qui est la marque de fabrique du macronisme, vaut particulièrement pour l’agriculture. Le président de la République a donné, avec son discours de Rungis, de l’espoir aux agriculteurs, mais la mise en œuvre des dispositions du titre Ier de la loi Égalim, qui devait normalement aboutir à revaloriser le revenu des agriculteurs, est un échec. Vous pouvez bien attendre trois mois de plus, monsieur le ministre : ce sera toujours un échec !
M. Jean Bizet. Absolument !
M. Laurent Duplomb. Ce qui n’échoue pas, en revanche, c’est la mise en œuvre des dispositions du titre II, lequel a fait l’objet de 2 500 amendements à l’Assemblée nationale, prévoyant l’installation de vidéos et de caméras dans les abattoirs ou l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytosanitaires, comme si les agriculteurs étaient si peu intelligents qu’il fallait leur supprimer la possibilité de négocier le prix de ces produits pour qu’ils ne les utilisent plus !
Le discours que vous tenez depuis trois ans a abouti à la critique incessante de l’agriculture. Qui a été à l’origine d’une double surtransposition de la directive sur le glyphosate ? Tandis que l’Union européenne a renvoyé à cinq ans la décision quant à une éventuelle interdiction du glyphosate, la France, par la voix d’un président voulant laver « plus blanc que blanc », a annoncé que le glyphosate serait purement et simplement interdit dans trois ans !
M. Jean Bizet. Et sans fondement scientifique !
M. Laurent Duplomb. Qui, monsieur le ministre, a parlé des zones de non-traitement à Biarritz, cette ville que vous souhaitez peut-être conquérir ? Emmanuel Macron, qui, dans la même phrase, a encore fait du « en même temps », en disant que le maire avait eu tort de prendre un arrêté interdisant l’usage des pesticides, mais qu’il fallait se poser la question… (Marques d’impatience sur les travées du groupe SOCR.) Voilà comment on ouvre la porte à la multiplication des critiques !
Soyez-en conscient, monsieur le ministre, car si aujourd’hui l’agriculture va mal, c’est à cause de vous ! (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-620 est présenté par Mme Préville.
L’amendement n° II-685 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec, Corbisez et Gontard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
+ |
- |
+ |
- |
|
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
20 000 000 |
20 000 000 |
||
TOTAL |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
20 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° II-620.
Mme Angèle Préville. Nous devons être « capables de coexister avec notre puissance », comme le dit Hubert Reeves.
Nous sommes face à une situation inédite dans l’histoire de l’humanité, l’enjeu ultime étant notre existence même en tant qu’espèce, menacée comme les autres. L’important est non pas d’être optimiste ou pessimiste, mais déterminé, et d’enclencher des politiques volontaristes en révisant nos actions à l’aune des changements nécessaires.
Cet amendement prévoit le lancement d’une expérimentation portant sur 100 territoires « Ambition + pour sortir des pesticides », l’objectif étant d’en finir avec l’affrontement sur la question des pesticides.
Les maires sont de plus en plus nombreux à prendre des arrêtés interdisant l’utilisation des pesticides à moins de 150 mètres des habitations et 96 % de nos citoyens soutiennent cette démarche ; il s’agit de répondre à ces attentes. Cela relève du principe de précaution.
Beaucoup d’agriculteurs sont désireux de changer leurs pratiques, mais ils peuvent se retrouver en difficulté du fait de l’accroissement de la concurrence internationale et du déséquilibre des relations commerciales, la loi Égalim n’ayant pas répondu à leurs attentes. Ils ont besoin d’accompagnement pour satisfaire aux exigences sociétales et environnementales.
S’il faut accompagner la transition à l’échelle mondiale, il est aussi indispensable d’agir dès maintenant au niveau national. En effet, pouvons-nous faire comme s’il n’y avait pas de problème ?
Nous proposons, à cette fin, que l’État lance dès 2020 le déploiement de 100 territoires « Ambition + pour sortir des pesticides ». Sur ces territoires volontaires, des moyens nouveaux seraient accordés aux agriculteurs, à l’échelle d’une commune ou d’un groupement de communes, pour accélérer leur sortie de l’utilisation des produits phytosanitaires, s’agissant en priorité des parcelles proches des habitations.
Il faudra un cadre clair et pragmatique : des objectifs de résultats,…
Mme Sophie Primas. Et aussi de résultats économiques !
Mme Angèle Préville. … un calendrier défini par les agriculteurs et les acteurs locaux, une évaluation.
Ces territoires pourraient aussi mobiliser les outils existants, comme les contrats de transition écologique (CTE) ou les plans alimentaires territoriaux (PAT), et s’appuyer sur des techniques pour cultiver sans pesticides aux abords des habitations, des écoles et des zones de captage d’eau potable…
Mme Sophie Primas. C’est déjà interdit !
Mme Angèle Préville. … qui ont fait leurs preuves depuis longtemps.
La mise en place de ces 100 premiers territoires « Ambition + pour sortir des pesticides » nécessiterait un investissement de 20 millions d’euros. Elle serait propre à donner de la force à la transition écologique. Nous nous devons d’apporter des réponses concrètes. Faisons confiance aux agriculteurs pour inventer l’agriculture de demain !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° II-685 rectifié.
M. Joël Labbé. Cet amendement a été préparé avec Matthieu Orphelin, député de Maine-et-Loire,…
M. Jean Bizet. Une référence !
M. Joël Labbé. … en lien avec les maires qui ont pris, en toute responsabilité, des arrêtés anti-pesticides. Il s’agit de mettre en place des territoires expérimentaux où s’exprimerait le volontarisme des élus locaux et de l’ensemble du monde agricole, qu’il soit conventionnel ou bio.
Il avait été proposé, à l’Assemblée nationale, de mettre en place 200 territoires pilotes, pour un investissement de 50 millions d’euros. Après débat, l’amendement a été rejeté. Notre proposition, plus modeste, de créer 100 territoires, pour un budget de 20 millions d’euros, répond véritablement à une attente. Cette expérimentation permettra de démontrer qu’une telle évolution est possible. Je vous remercie d’y prêter la plus grande attention !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur spécial. Je n’aime pas le mot « pesticides », parce qu’il est anxiogène.
L’agriculture n’est pas seule concernée par l’emploi de ces produits : les aéroports, la SNCF, les particuliers et les collectivités territoriales le sont également. Il n’y a pas de motif évident de faire supporter cette dépense par le budget du ministère de l’agriculture.
Je demande le retrait de ces deux amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Guillaume, ministre. Mme Préville a dit que plus en plus de maires prenaient des arrêtés d’interdiction de l’utilisation des pesticides à moins de 150 mètres des habitations. Pourquoi pas 200, 300 ou 400 mètres ? Selon moi, un élu de la République doit se référer aux Lumières et ne pas pencher vers l’obscurantisme. Ce qui compte, c’est la science !
M. Laurent Duplomb. Exactement !
M. Didier Guillaume, ministre. La science doit dire ce qu’il en est. Certains peuvent prendre des postures politiques à l’approche des élections municipales, mais un maire qui prend un tel arrêté se met dans l’illégalité.
Pour ce qui concerne les zones de non-traitement (ZNT), c’est le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française, qui a demandé au Gouvernement de mieux protéger les riverains. Après avoir sollicité l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), dont les préconisations s’étageaient entre trois et dix mètres selon les cultures, nous avons fixé la distance minimale par rapport aux habitations à dix mètres pour les épandages sur les cultures hautes et à cinq mètres pour ceux sur les cultures basses. J’ai un immense respect pour les maires, mais je ne vois pas comment un maire saurait mieux que des scientifiques, des chercheurs ou des médecins ce qu’il faut faire pour protéger les riverains !
C’est donc pour des raisons rationnelles que je ne peux approuver ces deux amendements. En outre, je l’ai déjà dit, ce n’est pas en en rajoutant toujours plus d’argent que nous résoudrons les problèmes. L’agriculture française est aujourd’hui engagée dans la transition agroécologique. Ne lui en imposons pas davantage, laissons-la avancer au rythme actuel vers cette transition. L’avis est défavorable.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° II-685 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Oui, monsieur le président.
Monsieur le rapporteur spécial, nous travaillons sur la question de l’utilisation des pesticides hors du monde agricole. La loi « Labbé » interdit déjà l’emploi des pesticides dans les espaces publics, mais il reste encore des « trous dans la raquette » : je pense aux cimetières, aux terrains de sport, aux logements collectifs, aux voies de la SNCF et de la RATP. En effet, la question des pesticides ne concerne pas seulement l’agriculture, mais aussi les espaces non agricoles.
M. le ministre en appelle à la science… Il faudrait aussi évoquer la science médicale, qui a conclu à l’impact négatif de l’exposition aux pesticides sur la santé, désormais avéré. Il s’agit d’ailleurs aussi de protéger les agriculteurs, qui sont les plus exposés !
Il faut également tenir compte de l’incidence de l’emploi des pesticides sur la biodiversité. Dans leur dernier rapport, les scientifiques de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) démontrent le lien entre l’utilisation de ces produits et l’effondrement de la biodiversité.
C’est donc en toute responsabilité que nous maintenons notre amendement, qui se veut constructif.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. C’est à cause de tels discours que nous en sommes là !
Nous ne sommes plus capables, dans notre pays, d’avoir une vision objective. Étymologiquement, les pesticides sont des substances qui permettent de lutter contre la peste. Imaginez que l’on déclare demain qu’il est néfaste pour la santé de prendre des antibiotiques !
L’alternative est simple : soit on fait preuve d’un dogmatisme qui s’apparente à l’obscurantisme du Moyen Âge, soit on dote le ministère de l’agriculture de moyens financiers suffisants pour trouver des solutions.
En cinq ans, nous avons déjà diminué jusqu’à 30 % la quantité de produits phytosanitaires utilisés pour certaines cultures. Si l’on continue à faire évoluer les produits et les matériels, au moyen par exemple de l’intelligence embarquée ou du développement de nouveaux pulvérisateurs, nous serons demain en mesure de diminuer le volume de produits phytosanitaires utilisés de près de 90 %. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le syndicat des constructeurs de matériels agricoles !
Monsieur Labbé, je vous renvoie au récent rapport des députés qui ont travaillé sur la question du glyphosate. Selon ces parlementaires, qui ne sont pas obligatoirement vendus aux lobbyistes de la FNSEA ou de Monsanto, l’interdiction du glyphosate aurait pour conséquence l’impossibilité de traiter certaines cultures, sauf à revenir à la pioche ! Mon cher collègue, venez chez moi, prenez une pioche, montrez l’exemple et je vous suivrai ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Nous voilà une fois de plus engagés dans des échanges conflictuels, alors que nous devrions favoriser, dans cet hémicycle, le dialogue entre les parties en vue d’améliorer nos systèmes de production en restant dans l’épure d’une agriculture compétitive ! Je suis fatiguée de ces confrontations absolument stériles !
On a évoqué les maires qui prennent des arrêtés « courageux » ; ce sont surtout des arrêtés opportunistes, pris à l’approche des élections municipales ! Mieux vaudrait organiser une concertation entre les agriculteurs et les riverains, demander aux agriculteurs d’ouvrir leur ferme et d’expliquer leur métier, et aux riverains de participer à la vie agricole de leur village. Ce serait bien plus bénéfique : il y aurait une discussion entre les uns et les autres, pour le profit de tous.
En ce qui concerne l’épandage de pesticides dans des zones non agricoles, j’avais soutenu l’adoption de la loi « Labbé » visant à éviter l’utilisation de produits phytosanitaires par les collectivités territoriales. Il est vrai que tout n’est pas réglé, mais je connais de nombreux maires qui ont déjà décidé de végétaliser le cimetière de leur commune et d’interdire l’épandage de pesticides sur les terrains de sport. Laissons donc faire les maires au lieu de légiférer sans cesse : ils répondent d’eux-mêmes à la demande de leurs administrés.
Enfin, monsieur le ministre, il faut protéger l’outil absolument formidable qu’est l’Anses. C’est une agence que tous les autres pays européens nous envient. Elle compte des scientifiques de haut vol, aujourd’hui complètement exempts de tout soupçon de liens d’intérêt. Faisons-leur confiance ! En quoi un juge, dont le métier est de dire le droit, ou un maire serait-il plus apte à se prononcer sur la dangerosité d’un produit qu’un scientifique ? Cela suffit, chacun son métier, et cessons d’être systématiquement dans la confrontation ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Indépendants.)