Mme Éliane Assassi. Alors que nos amis du groupe Gauche démocrate et républicaine de l’Assemblée nationale avaient déposé des amendements qui allaient dans le même sens que celui-ci, le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale a ironisé sur notre opiniâtreté à revenir sur certains sujets… Je ne sais pas si M. le rapporteur général émettra la même critique, mais il est vrai que nous revenons inlassablement sur la question de l’ISF et que nous militons pour son rétablissement.

Cet impôt a été abrogé par M. Macron et son gouvernement, alors que cet argent vole de continent en continent sans contrôle ou si peu. Seule la fortune immobilière demeure taxée. Deux ans et demi après, cette abrogation s’avère purement dogmatique, mais elle a quand même permis à certains de bien en profiter…

Une chose est certaine : les effets annoncés du maintien des fortunes en France ne sont aucunement avérés en matière d’emploi.

M. le président de la commission des finances a rappelé les chiffres lors d’une émission télévisée très intéressante diffusée cette semaine : en 2018, les cent plus grandes fortunes ont bénéficié d’un crédit d’impôt de 160 millions d’euros, soit une moyenne de 1,6 million d’euros par contribuable. Face à de tels chiffres, est-il encore possible de dire qu’il était urgent et nécessaire d’abroger l’ISF ? Ces chiffres parlent, ils montrent l’ampleur d’un scandale que n’accepte pas notre peuple.

Monsieur le rapporteur général, vous avez souligné, non sans un certain humour, les conséquences étonnantes et inacceptables de l’abrogation de l’ISF dans le rapport d’information que vous avez cosigné avec M. Éblé ; il y est écrit : « Paradoxalement, une stratégie indubitablement antiéconomique consistant à vendre un appartement aujourd’hui loué à titre professionnel pour laisser le produit de la vente sur son compte courant ou acheter un yacht permet ainsi d’échapper à l’ISF ». Si cela s’est produit – et je crois que c’est le cas –, c’est proprement scandaleux !

L’adoption de notre amendement s’avère donc nécessaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission et moi-même partageons une partie de l’argumentation qui vient d’être développée.

Le Gouvernement a décidé de supprimer l’ISF, et j’approuve cette mesure, parce que les inconvénients de cet impôt étaient réels – je pense notamment à ses conséquences en matière d’exil fiscal, à son caractère antiéconomique et à son taux. Il reste aujourd’hui trois pays qui ont un impôt sur la fortune – l’Espagne, la Suisse et la Norvège –, mais les taux d’imposition y sont plus bas et cet impôt, qui représente 0,2 point de PIB, ne se cumule pas, comme c’était le cas en France, avec une taxation élevée des successions, qui correspond à 0,6 point de PIB.

Je ne reviendrai pas plus avant sur les inconvénients de l’ISF, mais je voudrais aussi citer la question du financement des PME et ETI. Dans les expertises que le président Éblé et moi-même avons menées, il apparaît clairement que le défaut de financement de cette catégorie d’entreprises provient notamment du fait que les actionnaires minoritaires, lorsque l’investissement ne constituait pas leur outil de travail, étaient contraints de demander des dividendes simplement pour payer l’ISF.

En revanche, je rejoins Vincent Éblé sur l’appréciation qu’il porte sur la solution trouvée par le Gouvernement pour remplacer l’ISF. L’impôt sur la fortune immobilière était motivé par les déclarations du Président de la République qui voulait imposer tout ce qui est improductif. L’idée d’imposer ce qui est improductif pour ramener de l’argent dans l’économie est séduisante – on pourrait y souscrire.

Le seul problème, c’est qu’on a imposé l’immobilier. Or les bureaux servent quand même à l’activité économique, comme les usines et les appartements qui contribuent à loger la population. Mais on n’a pas imposé la détention de bitcoins, d’obligations asiatiques ou, comme Picsou, de diamants…

Monsieur le ministre, j’aimerais vraiment savoir en quoi le bitcoin participe davantage à l’économie que l’investissement immobilier ! Est-ce que l’investissement dans des obligations chinoises participe au financement de l’économie française ?

M. Roger Karoutchi. Il est évident que non !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La solution choisie par le Gouvernement est donc mauvaise. C’est pourquoi je vous proposerai en seconde partie du projet de loi de finances de remplacer l’IFI par … l’IFI, l’impôt sur la fortune immobilière par l’impôt sur la fortune improductive, ce qui ramènera dans l’économie des liquidités qui aujourd’hui dorment. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Si vous êtes capable de nous expliquer en quoi l’investissement en bitcoins ou en liquidités contribue plus à l’économie que celui dans une usine, dans une boutique ou dans un appartement, je suis prêt à souscrire à votre dispositif.

En attendant, l’avis de la commission est évidemment défavorable sur ces trois amendements : rétablir, d’une manière ou d’une autre, l’ISF serait catastrophique.

Pour autant, je partage avec Vincent Éblé le constat selon lequel on ne peut pas en rester là. Il suffit de regarder la crise immobilière et le niveau de production de logements cette année, notamment dans le secteur social. En théorie, le marché de l’immobilier est pur et parfait, mais moins il y a d’investisseurs, moins il y a d’offre, ce qui contribue à la crise du logement. Vous matraquez l’immobilier, et on en voit les résultats !

Le Gouvernement a fait une partie du travail – supprimer un mauvais impôt –, mais l’a remplacé par un autre qui, par bien des aspects, est beaucoup plus néfaste. Il a beaucoup d’inconvénients : il est complexe, il pèse particulièrement sur les « petits » riches, etc.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je serai bref, car nous parlons de ce sujet depuis de nombreuses années maintenant… Nous aurons en outre l’occasion d’en reparler lors de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances.

Tout d’abord, pour répondre à M. le rapporteur général, le Président de la République a indiqué que nous allions évaluer en 2020 et 2021 le nouveau dispositif.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances l’a déjà fait !

M. Gérald Darmanin, ministre. Non, cela n’a pas été fait, monsieur le rapporteur général !

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Mais si !

M. Gérald Darmanin, ministre. Pas du tout, monsieur le président. Il me semble surtout que votre idéologie bloque une partie de l’évaluation… Comment voulez-vous évaluer…

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Ils sont au Gouvernement, les idéologues !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je vous ai écouté avec attention, monsieur le président, sans vous couper la parole ! Vous avez tendance à interrompre les gens qui ne sont pas d’accord avec vous, mais souffrez que je dise quelques mots !

L’impôt de solidarité sur la fortune a été supprimé par la loi de finances pour 2018 – personnellement, je n’étais pas redevable à cet impôt –, si bien que l’année dernière était la première année d’application. Nous avons donc supprimé un impôt depuis à peine un an et vous voulez déjà en tirer des conclusions. Ce n’est pas raisonnable !

Évidemment, nous évaluerons la suppression de l’ISF.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. C’est vous qui avez donné la date d’évaluation, pas nous !

M. Gérald Darmanin, ministre. Est-il possible de s’exprimer, madame la présidente ?

Mme la présidente. Seul le ministre a la parole, mes chers collègues.

M. Gérald Darmanin, ministre. Il est tout à fait faux de dire que la commission a procédé à une évaluation. Dans le rapport qu’elle a publié, il est même écrit qu’il est trop tôt pour la faire !

Nous constatons tout de même un certain nombre de choses, mais peut-être sont-elles liées à la magie ou au hasard… Est-ce vraiment un hasard si le chômage baisse, si les investissements privés et les créations d’entreprises augmentent, si le secteur industriel repart ?

Par ailleurs, il y a un chiffre que vous ne citez pas, monsieur le président de la commission des finances. En 2013, 2014 et 2015, c’est-à-dire lorsque votre parti était aux responsabilités, le nombre de départs à l’étranger était autour de 1 000 par an. En 2017 – nous n’avons pas de statistique plus récente pour l’instant –, nous sommes tombés à environ 200 départs. Ces mouvements ne s’expliquent pas uniquement par des raisons fiscales, mais celles-ci y contribuent.

Les indications dont nous disposons à ce stade me semblent donc positives, mais je ne me cache pas derrière une idéologie et nous allons attendre de disposer d’un peu de recul pour évaluer précisément la manière dont les choses se sont passées. À peine un an après la suppression de l’ISF, vous en tirez déjà la conclusion que la fille de Molière est muette !

Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. En politique comme en pédagogie, l’art de la répétition est une vertu, non pas seulement pour réussir à vous convaincre – nous y parviendrons peut-être un jour –, mais surtout parce que la répétition signifie la constance.

Oui, le groupe socialiste et républicain présente, cette année encore, un amendement pour rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune.

Je ne reviendrai pas sur le choc d’injustice qu’a constitué la suppression de cet impôt dans l’opinion. Ce sujet avait animé nos débats l’an dernier, je vous propose de les relire aujourd’hui – certains comprendraient peut-être le ras-le-bol citoyen qui s’est manifesté alors, et pendant des mois.

Le portrait social de la France présenté récemment par l’Insee devrait en tout état de cause vous conduire à conclure que la théorie du ruissellement dont vous vous prévalez ne marche pas.

Je vais insister sur deux points cette année.

D’abord, je vous demande de considérer, avant de voter, les modifications que nous avons apportées dans notre amendement au dispositif de l’ISF. Nous avons entendu les critiques de certains sur le dispositif passé et nous proposons de les corriger, tout en rétablissant une justice fiscale et une solidarité nationale.

Les études économiques internationales montrent clairement que la très grande richesse est loin d’apporter à la société ce que l’organisation de la solidarité par la puissance publique est capable de faire. En d’autres termes, le monde sans puissance publique, sans État régulateur et sans solidarité nationale est un monde d’inégalités croissantes. Notre amendement va contre cette société d’inégalités et corrige les biais passés de l’ISF.

Ensuite, je veux insister sur les recettes. Nous proposons de récupérer d’un coup d’un seul 5 milliards d’euros. Nous les apportons librement au budget de la Nation. Servez-vous-en pour financer ce que nos concitoyens réclament ! Un plan Hôpital d’envergure, une revalorisation des prestations familiales qui serait rendue possible par une compensation aux comptes sociaux des mesures visant à répondre à la crise des « gilets jaunes ». Des moyens adéquats pour l’université et l’éducation nationale. Une augmentation de l’enveloppe du revenu universel d’activité pour que cette réforme soit socialement utile, et non motivée par des considérations budgétaires. Un plan de transition écologique massif. Vous pourriez même éviter de creuser la dette, comme vous le faites aujourd’hui.

Bref, adoptez notre amendement ou expliquez enfin aux Français quels avantages il y a à ce que les très riches ne contribuent pas à la mesure de leurs capacités à la solidarité nationale et à la construction de la société de demain !

Mme Sophie Primas. L’ISF, ce n’était pas seulement les très riches !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-1106.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-744.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-1018.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRCE.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 41 :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 306
Pour l’adoption 88
Contre 218

Le Sénat n’a pas adopté.

M. Éric Bocquet. C’est le début de quelque chose !

M. Rachid Temal. En tendance longue ! (Sourires.)

Article additionnel après l'article 2 quinquies (précédemment réservé) - Amendement n° I-1018
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Article additionnel après l'article 2 quinquies (précédemment réservé) - Amendement n° I-1209

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° I-745 est présenté par MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, M. M. Bourquin, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Daudigny, Devinaz, Fichet et Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, M. Jacquin, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Leconte, Mme Lepage, M. Marie, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, MM. Sueur et Temal, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° I-1015 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 2 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les articles du code général des impôts modifiés par les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

II. – Les articles du code monétaire et financier modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

III. – Les articles du code de la construction et de l’habitation modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

IV. – Les articles du code de la sécurité sociale modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

V. – Les articles du livre des procédures fiscales modifiés par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont rétablis dans leur rédaction antérieure à la publication de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

VI. – Les articles 28 et 29 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 sont abrogés.

La parole est à M. Claude Raynal, pour présenter l’amendement n° I-745.

M. Claude Raynal. Cet amendement, mes chers collègues, était un amendement de repli au cas où l’excellente proposition du président Vincent Éblé n’ait pas trouvé écho auprès de vous. Il tend à supprimer le prélèvement forfaitaire unique (PFU), autrement appelé flat tax, mis en place par l’article 28 de la loi de finances pour 2018.

La création de cette flat tax, n’en déplaise au ministre, n’a pas encore eu les effets escomptés sur la croissance économique française. C’est le moins que l’on puisse dire ! Le taux de croissance est passé de 2,3 % en 2017 à 1,2 % ! Imaginez ce qu’il en sera l’année prochaine…

Cet amendement se justifie d’autant plus que le Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital a remis en octobre dernier un rapport indiquant que les gains fiscaux issus de la mise en place de la flat tax sont concentrés – et, là, ils ont été immédiats – sur les 15 % des ménages les plus aisés, particulièrement, sur le tiers supérieur, 5 %, d’entre eux.

Ces derniers ont ainsi bénéficié, en 2018, d’un cadeau fiscal de 1 000 euros en moyenne, une somme à rapprocher des gains fiscaux que représente la baisse de 5 milliards d’euros pour l’ensemble des ménages. On le voit, les ordres de grandeur ne sont absolument pas les mêmes.

Dans un contexte de hausse de la pauvreté en France, ce cadeau fiscal fait aux plus aisés n’a pas de justification.

En l’absence d’accord sur le rétablissement d’un impôt de solidarité sur la fortune réactualisé et revu, et d’un prélèvement forfaitaire unique ajusté, nous estimons préférable de supprimer ce dispositif. Tel est l’objet du présent amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° I-1015.

M. Éric Bocquet. Par cet amendement, nous proposons de supprimer l’une des mesures phares du quinquennat de M. Emmanuel Macron, le prélèvement forfaitaire unique, plus communément appelé flat tax, dans cette magnifique langue de Shakespeare pour laquelle j’ai le plus grand amour. (Sourires.)

Cette contribution permet de taxer les revenus du capital au taux unique de 30 %. Sont concernés les plus-values de cessions mobilières, les intérêts, les dividendes, les obligations et les revenus issus de l’assurance vie.

Pour l’essentiel, la flat tax porte sur les dividendes, qui échappent ainsi à un impôt progressif. Son effet est dévastateur. Sur le plan purement budgétaire, d’abord, c’est une somme de 1,6 milliard d’euros qui échappe annuellement à la collectivité française. Ensuite, comme Louis-Samuel Pilcer l’indique dans un récent article du Monde, « les entreprises disposant de fonds propres ont chaque année le choix entre les investir, ou verser des dividendes à leurs actionnaires » – et souvent à eux-mêmes, pourrais-je ajouter !

Nos collègues Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier ont noté, dans leur rapport consacré à feu l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, et au PFU, les dangers de ce dernier. Ils ont même rappelé la nécessité de mettre en place un dispositif anti-abus, ce qui semble être la moindre des choses. Nous avancerons la même proposition dans le cadre d’un amendement de repli.

Je me permets de les citer : « il serait préférable d’adopter dès à présent une mesure anti-abus similaire à celle proposée par le Sénat fin 2017, afin de se prémunir d’un risque pour les finances publiques dont la concrétisation apparaît probable ».

Pour bien nous prémunir, mes chers collègues, nous vous proposons de supprimer purement et simplement le PFU, mesure injustifiable sur le plan tant économique que social. C’est plus sûr !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. M. le ministre nous a expliqué qu’il n’y avait pas d’évaluation du nouveau dispositif. Il me semblait pourtant que le Gouvernement en avait demandé une.

D’ailleurs, on nous avait invités à participer à ces travaux, mais d’une manière un peu étrange. Comme vous le savez, mes chers collègues, les commissions des finances, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, sont copilotées par la majorité et l’opposition – cela me paraît être une règle démocratique de bon sens, eu égard, notamment, à nos pouvoirs de contrôle. Eh bien, nous n’avons reçu qu’une seule invitation pour participer à ce comité d’évaluation !

Cela a conduit le président du Sénat à proposer que nous menions notre propre évaluation, ce que nous avons fait.

Comme toute évaluation, la nôtre est évidemment imparfaite et je suis d’accord pour dire qu’il est sans doute trop tôt pour mesurer les effets de la réforme de l’IFI, notamment en matière de ruissellement.

Pour autant, je persiste à penser que l’IFI, dans sa forme actuelle, est un mauvais impôt, qui n’est pas contributif à l’économie française – pas de ruissellement, en tout cas –, en particulier du fait de l’exonération des liquidités.

Sur la question du prélèvement forfaitaire unique, un point ressort très clairement du rapport que nous avons réalisé, Vincent Éblé et moi, sur le sujet et des très nombreuses auditions que nous avons menées.

Lorsqu’en 2013 – le PFU n’est ni totalement extraordinaire ni totalement nouveau ; il existait jusqu’en 2013, avant que la gauche ne le supprime – on a rendu obligatoire l’imposition au barème pour tous les revenus du capital, on annonçait une progression de 400 millions d’euros de l’impôt sur le revenu. Il n’en a rien été ! Nous l’indiquons dans le rapport, et cela a été montré par une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP), l’impact budgétaire de la mise au barème des dividendes et autres revenus mobiliers a eu un effet négatif à l’époque.

Là, nous ne sommes pas dans la prospective, mes chers collègues ! Nous ne regardons pas dans une boule de cristal ! C’est un résultat que l’on a pu concrètement mesurer !

Le dispositif actuel est en fait un retour à une situation antérieure, la correction de ce qui a sans doute été une erreur, à savoir cette imposition au barème des revenus du capital.

D’ailleurs, je remarque que, au sein d’une Europe ayant inscrit dans ses règles fondatrices la libre circulation des capitaux, de nombreux pays disposent d’un système de prélèvement forfaitaire unique.

Pour l’ensemble de ces raisons, l’avis de la commission est défavorable sur ces deux amendements tendant à supprimer le PFU.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-745 et I-1015.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Article additionnel après l'article 2 quinquies (précédemment réservé) - Amendements n° I-745 et n° I-1015
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Article additionnel après l'article 2 quinquies (précédemment réservés) - Amendement n° I-161 rectifié bis

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° I-1209, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l’article 2 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le chapitre II bis du titre IV de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa de l’article 964, le montant : « 1 300 000 € » est remplacé par le montant : « 1 313 000 € » ;

2° L’article 977 est ainsi modifié :

a) Le tableau constituant le second alinéa du 1 est ainsi rédigé :

«

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine

Tarif applicable (en pourcentage)

N’excédant pas 808 000 €

0

Supérieure à 808 000 € et inférieure ou égale à 1 313 000 €

0,5

Supérieure à 1 313 000 € et inférieure ou égale à 2 595 700 €

0,7

Supérieure à 2 595 700 € et inférieure ou égale à 5 050 000 €

1

Supérieure à 5 050 000 € et inférieure ou égale à 10 100 000 €

1,25

Supérieure à 10 100 000 €

1,5

» ;

b) Le 2 est ainsi modifié :

– le montant : « 1 300 000 € » est remplacé par le montant : « 1 313 000 € » ;

– le montant : « 1 400 000 € » est remplacé par le montant : « 1 413 000 € » ;

– le montant : « 17 500 € » est remplacé par le montant : « 17 663 € ».

II. – La perte de recettes résultant pour l’État de l’indexation du barème de l’impôt sur la fortune immobilière est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’ai déjà signalé que l’IFI présentait un certain nombre d’inconvénients, parmi lesquels se trouve la non-indexation de son barème. Celui de l’impôt sur le revenu, pour prendre cet exemple, est bien indexé, et ce pour tenir compte de l’inflation.

Cette absence d’indexation accroît de fait le nombre de contribuables assujettis à l’impôt. D’ailleurs, on peut constater que les résultats obtenus en matière de rendement de l’IFI sont bien supérieurs à ce que l’on nous avait initialement annoncé.

Il est donc tout à fait anormal de ne pas revaloriser le barème de l’impôt sur la fortune immobilière.

C’est ce que nous proposons par le biais de cet amendement n° I-1209. Les trois tranches du barème seraient ainsi modifiées : 1 313 000 euros, au lieu de 1 300 000 euros ; 1 413 000 euros, au lieu de 1 400 000 euros ; 17 663 euros, au lieu de 17 500 euros.

Ce n’est que justice, mes chers collègues !

L’indexation à laquelle nous avons procédé repose simplement sur l’évolution de l’indice des prix hors tabac entre 2018 et 2019, soit 1 %, et nous adaptons le mécanisme de décote en conséquence.

Article additionnel après l'article 2 quinquies (précédemment réservé) - Amendement n° I-1209
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Article additionnel après l'article 2 quinquies (précédemment réservé) - Amendements n° I-692 rectifié, n° I-1211 et n° I-820 rectifié bis

Mme la présidente. L’amendement n° I-161 rectifié bis, présenté par MM. Delahaye, Prince, P. Martin, Le Nay, Longeot, Henno, Janssens, Laugier, Kern, Laurey, Louault, Moga et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l’article 2 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 977 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …. Les montants mentionnés aux 1 et 2 du présent article sont actualisés, le 1er janvier de chaque année, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu et arrondis à l’euro le plus proche. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Vincent Delahaye.