M. le président. Monsieur Morisset, l’amendement n° I-125 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Morisset. Cet amendement a permis de vérifier qu’il existait bien un problème et de constater qu’une réflexion était en cours avec les organismes de gestion agréés, ce qui est une bonne chose.
Je retire cet amendement, en attendant d’y revenir l’année prochaine.
M. le président. L’amendement n° I-125 rectifié est retiré.
L’amendement n° I-1063, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 209-0 A du code général des impôts, il est inséré un article 209-0 A … ainsi rédigé :
« Art. 209-0 A … – I. – Pour les sociétés membres d’un groupe mentionné au II et domicilié hors de France, les bénéfices imposables sont déterminés par la part du chiffre d’affaires du groupe réalisée en France dans le total du chiffre d’affaires réalisé en France et hors de France, rapportée aux bénéfices d’ensemble du groupe.
« II. – Le groupe au sens du I comprend les entités juridiques et personnes morales établies ou constituées en France ou hors de France.
« III. – À son initiative ou par désignation de l’administration fiscale, une société membre du groupe mentionné au II est constituée seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû par l’ensemble du groupe en France.
« IV. – Pour les sociétés étrangères ayant une activité en France et dont la société mère est domiciliée à l’étranger, les bénéfices imposables sont déterminés selon les mêmes modalités.
« V. – Pour chaque État ou territoire dans lequel le groupe mentionné au II est implanté ou dispose d’activités, les sociétés mentionnées au I et les sociétés étrangères mentionnées au IV transmettent à l’administration fiscale les informations suivantes :
« 1° Nom des implantations et nature d’activité ;
« 2° Chiffre d’affaires ;
« 3° Bénéfice ou perte avant impôt.
« VI. – En cas de refus de se soumettre à l’obligation mentionné au III, les sociétés mentionnées au I et les sociétés étrangères mentionnées au IV font l’objet d’une interdiction d’exercer sur le territoire français.
« VII. – Le I s’applique au groupe mentionné au II dont le chiffre d’affaires total est supérieur à 100 millions d’euros.
« VIII. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport identifiant les conventions fiscales bilatérales qu’il convient de renégocier en vue d’éviter la double imposition. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cette année a vu la mise en place réussie du prélèvement à la source pour les particuliers.
Nous proposons d’imaginer un dispositif analogue pour les multinationales exerçant des activités sur notre territoire. Une étude récente a montré que 40 % des profits de ces sociétés échappaient à l’impôt, pour l’essentiel grâce à des transferts artificiels en direction des paradis fiscaux.
Le principe de l’amendement est simple : les multinationales, qu’elles soient actives dans le secteur du numérique ou non, doivent payer leur impôt là où elles réalisent leur activité.
Ces multinationales masquent leurs bénéfices réalisés en France via des schémas complexes d’optimisation fiscale, raison pour laquelle nous proposons d’imposer ces bénéfices avant qu’ils ne sortent du pays.
Un tel système fonctionne déjà parfaitement dans d’autres pays comme les États-Unis, l’Allemagne ou le Canada, où un impôt sur les sociétés peut aussi être perçu à l’échelon local. L’État de Californie a ainsi établi son propre impôt sur les sociétés à un taux d’environ 10 %, qui s’ajoute à l’impôt fédéral sur les sociétés, désormais fixé à 21 %. Si Coca-Cola réalise 10 % de ses ventes en Californie, alors 10 % de ses profits sont taxables dans cet État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit là d’un sujet intéressant. La commission des finances s’intéresse beaucoup à ces questions, qu’il s’agisse des directives européennes sur ce sujet ou du projet de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices – projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) –, sur lequel nous avons mené des auditions. Peut-être faudrait-il d’ailleurs que nous entendions de nouveau Pascal Saint-Amans à cet égard.
Beaucoup de discussions ont lieu en ce moment, notamment à l’OCDE, sur la localisation des profits. Il me semble que la commission des finances s’est montrée très allante et vigilante sur les questions de fiscalité numérique, de fraude et de localisation des profits.
Au-delà de son caractère assez simple, cet amendement présente quelques difficultés.
Tout d’abord, le dispositif n’est pas opérant en ce qu’il est contraire aux conventions fiscales internationales qui nous lient. La France, partie à de nombreuses conventions, ne peut unilatéralement décider de changer les règles d’imposition des profits. Ce premier argument juridique s’oppose à l’adoption de cet amendement.
Mais une question de fond se pose également : comment déterminer le bon critère de taxation des profits ? Choisir le lieu où est réalisé le chiffre d’affaires, comme vous le proposez, me semble clairement très dangereux. Beaucoup d’entreprises françaises, notamment dans le luxe, réalisent la majorité de leur chiffre d’affaires en Asie ou aux États-Unis. Je pense à LVMH, par exemple, mais aussi à Airbus – 80 % des avions sont aujourd’hui destinés à l’Asie, comme en témoigne ce qui s’est passé au salon de Dubaï – ou encore à Total… La France ne représentant parfois que 5 % du marché de ces entreprises, les pertes de recettes pour l’État seraient considérables.
La question de la répartition des résultats est si importante que l’OCDE s’en est saisie. Je sais, pour avoir auditionné Pascal Saint-Amans, qu’elle a réalisé des avancées très importantes dans le projet qu’elle mène. Je suis particulièrement attentif à cette question. Je m’y suis de nouveau penché lors des discussions sur la taxe GAFA. Les choses avancent bien.
En matière de lutte contre la fraude et l’optimisation, l’État français a fait beaucoup de mousse, beaucoup de baratin, voté beaucoup de textes, dont j’ai pu être le rapporteur. La réalité, c’est que les choses n’ont véritablement avancé qu’avec l’OCDE et les États-Unis, comme pour la fin du secret fiscal… L’évolution des règles internationales joue beaucoup plus que les initiatives isolées des États.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Comme vient de le souligner le rapporteur général, les grands groupes multinationaux ne réalisent en règle générale que 10 % à 15 % de leur chiffre d’affaires en France et n’y ont que 20 % à 30 % de leurs effectifs. L’essentiel est à l’extérieur et l’adoption de cet amendement priverait l’État de recettes fiscales.
Par ailleurs, le bénéfice généré par une entreprise est aussi lié à ses charges, lesquelles varient selon les pays. Ne taxer que le chiffre d’affaires ne rend pas compte de la réalité de la génération du bénéfice. Cela reviendrait à taxer davantage les entreprises dans les pays où le coût du travail est élevé. Je ne pense pas qu’une telle situation serait acceptée par les autres États.
Enfin, ce dispositif serait d’application quasi nulle en raison des conventions fiscales bilatérales conclues par la France, qui interdisent toute double imposition des bénéfices. Appelons les choses autrement, il s’agit en fait d’un amendement d’appel.
Le travail que mène l’OCDE, soutenue par la France, est très important. Nous ne faisons pas que de la mousse, monsieur le rapporteur général, nous travaillons aussi beaucoup. (M. le rapporteur général s’exclame.) Des avancées très concrètes ont eu lieu récemment. Je pense notamment à la liste des paradis fiscaux que nous avons dressée et que la Commission européenne va prochainement mettre à jour.
L’OCDE s’est aussi engagée, notamment sous l’impulsion de la France, à proposer un régime de taxation minimale reposant sur deux piliers : la taxation des plateformes numériques et la taxation minimale du bénéfice réalisé dans un pays – il s’agit d’un dispositif similaire à celui que vous proposez, monsieur Bocquet, mais conçu à l’échelle internationale, ce qui nous libère des contraintes liées aux conventions fiscales – afin de compenser un taux d’imposition trop faible. Le délai pour y parvenir a été fixé à 2020 par l’OCDE.
Pour ces raisons, le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je remercie le groupe communiste d’avoir déposé cet amendement d’appel.
Il est nécessaire de remettre régulièrement cette question sur le tapis. Nos concitoyens, comme tous ceux qui s’intéressent à la macro-économie, ont le sentiment que les règles nationales n’existent plus ou qu’elles n’ont plus de force et que les multinationales guident, par leurs organisations et par leurs décisions, la fiscalité internationale.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Nous sommes dans un monde ouvert !
M. Claude Raynal. Je ne voterai pas cet amendement d’appel – je m’abstiendrai, par sympathie –, mais je crois important de garder cette idée en tête. Les Français se disent que les États ne parviennent plus à contrôler ces questions fiscales. On peut se tourner vers eux, car il est facile de les trouver ; il est beaucoup plus difficile de se tourner vers les multinationales qui inventent leurs propres règles, font pression sur les États, imposent des rapports de force dans lesquels nous apparaissons bien faibles.
Le véritable objet de cet amendement, madame la secrétaire d’État, est de vous inviter à continuer de faire avancer ces sujets.
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.
L’amendement n° I-42 rectifié bis est présenté par M. D. Laurent, Mmes Imbert, Micouleau, Lassarade, Troendlé et Dumas, MM. Lefèvre, Dallier, Chatillon, Cambon, Bonhomme, Longeot, B. Fournier et Longuet, Mme L. Darcos, MM. Genest et Ginesta, Mmes Loisier et Bruguière, MM. Houpert, Mayet et Brisson, Mmes Gruny et Deromedi, MM. Bouchet, Laménie, Sido et Cuypers, Mmes F. Gerbaud, Chain-Larché, Chauvin et Férat, MM. Poniatowski, Détraigne, Babary, Bonne, Fouché, Pointereau et Gremillet, Mmes Lamure, Thomas, N. Delattre et Berthet et M. de Nicolaÿ.
L’amendement n° I-229 rectifié bis est présenté par M. Kern, Mmes Doineau, Guidez, C. Fournier, Vérien, Vullien et Goy-Chavent, MM. Le Nay et Henno, Mme Perrot, M. Kennel, Mmes Sittler et Billon et MM. Moga, P. Martin, Janssens, Reichardt, Cazabonne et L. Hervé.
L’amendement n° I-321 rectifié bis est présenté par M. Bérit-Débat, Mme Harribey, MM. Lalande, Montaugé, Gillé, Botrel, Leconte, Tourenne, P. Joly et Duran, Mme Conway-Mouret, MM. Daudigny, Temal, Mazuir et Antiste et Mme Monier.
L’amendement n° I-438 rectifié est présenté par MM. Capus, Malhuret, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Laufoaulu, Lagourgue et A. Marc, Mme Mélot et MM. Menonville et Wattebled.
L’amendement n° I-475 rectifié est présenté par MM. Longeot et Bonnecarrère.
L’amendement n° I-664 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, MM. A. Bertrand et Cabanel, Mme Costes et M. Gabouty.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 209-0 B du code général des impôts, il est inséré un article 209-0 … ainsi rédigé :
« Art. 209-0 …. – I. – Les sociétés dont la moyenne du chiffre d’affaires hors taxe des trois exercices précédents provient pour 90 % au moins d’activités agricoles, telles que définies à l’article 63, ont la possibilité de pratiquer une déduction pour épargne de précaution dans les conditions fixées aux I et II de l’article 73.
« II. – Si à la clôture de l’un des dix exercices suivant l’exercice de déduction, le chiffre d’affaires moyen agricole, tel que déterminé au I du présent article, devient inférieur au seuil de 90 %, la fraction de déduction non encore rapportée, est immédiatement rapportée au résultat de cet exercice, majorée d’un montant égal au produit de cette somme par le taux de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° I-42 rectifié bis.
M. Philippe Dallier. Je ne suis pas un grand spécialiste des calamités agricoles. (Sourires) En Seine-Saint-Denis, il y a d’autres calamités… (Mêmes mouvements.) Je défends donc cet amendement au nom de Daniel Laurent.
Dans le cadre de la loi de finances pour 2019, un nouveau dispositif de déduction pour épargne de précaution a été mis en œuvre pour permettre aux entreprises agricoles et viticoles de faire face aux aléas climatiques et économiques.
Cette avancée notable reste réservée aux entreprises imposées à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles selon un régime réel d’imposition, excluant de fait les entreprises agricoles ayant fait le choix du régime d’imposition sur les sociétés. Or ces entreprises sont tout autant sujettes aux divers aléas climatiques et économiques et à la nécessité de se constituer des réserves de précaution pour y faire face.
Alors que les entreprises agricoles sont encouragées à choisir l’imposition sur les sociétés, il apparaît contradictoire d’empêcher celles d’entre elles qui font ce choix d’utiliser le dispositif d’épargne de précaution.
Cet amendement vise à étendre le bénéfice de la déduction pour épargne de précaution aux sociétés exerçant une activité agricole prépondérante, c’est-à-dire celles dont le chiffre d’affaires agricole moyen représente 90 % du chiffre d’affaires global.
M. le président. L’amendement n° I-229 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° I-321 rectifié bis.
M. Jean-Yves Leconte. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, pour présenter l’amendement n° I-438 rectifié.
Mme Colette Mélot. Cet amendement a été parfaitement défendu par Philippe Dallier. (Sourires.)
M. le président. L’amendement n° I-475 rectifié n’est pas soutenu, non plus que l’amendement n° I-664 rectifié.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’agriculture de Seine-Saint-Denis a été remarquablement défendue par Philippe Dallier ! (Sourires.)
Comme l’an dernier, la commission des finances est favorable à ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ce dispositif a pour objectif de lisser une taxation par rapport à des tranches de taux de chiffres d’affaires. Il n’est donc pas possible de l’étendre à l’impôt sur les sociétés, lequel répond à un principe de taxation flat.
Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements inopérants ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-42 rectifié bis, I-321 rectifié bis et I-438 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 13.
L’amendement n° I-1064, présenté par MM. Bocquet et Savoldelli, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 209 B du code général des impôts, il est inséré un article 209 … ainsi rédigé :
« Art. 209 … – I. – 1. Aux fins de l’impôt sur les sociétés, un établissement stable est réputé exister dès lors qu’il existe une présence numérique significative par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité.
« 2. Le 1 s’ajoute, sans y porter atteinte ni en limiter l’application, à tout autre critère conforme au droit de l’Union européenne ou à la législation nationale permettant de déterminer l’existence d’un établissement stable dans un État membre aux fins de l’impôt sur les sociétés, que ce soit spécifiquement en relation avec la fourniture de services numériques ou autre.
« 3. Une présence numérique significative est réputée exister sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’activité exercée par son intermédiaire consiste, en tout ou en partie, en la fourniture de services numériques par l’intermédiaire d’une interface numérique, définie comme tout logiciel, y compris un site internet ou une partie de celui-ci, et toute application, y compris les applications mobiles, accessibles par les utilisateurs, et qu’une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies en ce qui concerne la fourniture de ces services par l’entité exerçant cette activité, considérée conjointement avec la fourniture de tels services par l’intermédiaire d’une interface numérique par chacune des entreprises associées de cette entité au niveau consolidé :
« a) La part du total des produits tirés au cours de cette période d’imposition et résultant de la fourniture de ces services numériques à des utilisateurs situés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition est supérieure à 7 000 000 € ;
« b) Le nombre d’utilisateurs de l’un ou de plusieurs de ces services numériques qui sont situés sur le territoire national membre au cours de cette période imposable est supérieur à 100 000 ;
« c) Le nombre de contrats commerciaux pour la fourniture de tels services numériques qui sont conclus au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs sur le territoire national est supérieur à 3 000.
« 4. En ce qui concerne l’utilisation des services numériques, un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur utilise un appareil sur le territoire national au cours de cette période d’imposition pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis. Ces derniers sont définis comme services fournis sur l’internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d’une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en l’absence de technologie de l’information.
« 5. En ce qui concerne la conclusion de contrats portant sur la fourniture de services numériques :
« a) Un contrat est considéré comme un contrat commercial si l’utilisateur conclut le contrat au cours de l’exercice d’une activité ;
« b) Un utilisateur est réputé être situé sur le territoire national au cours d’une période d’imposition si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés sur le territoire national au cours de cette période d’imposition ou si l’utilisateur est résident aux fins de l’impôt sur les sociétés dans un pays tiers mais dispose d’un établissement stable sur le territoire national au cours de cette période d’imposition.
« 6. L’État dans lequel l’appareil de l’utilisateur est utilisé est déterminé en fonction de l’adresse IP de l’appareil ou, si elle est plus précise, de toute autre méthode de géolocalisation.
« 7. La part du total des produits mentionnée au a du 3 est déterminée par rapport au nombre de fois où ces appareils sont utilisés au cours de cette période d’imposition par des utilisateurs situés n’importe où dans le monde pour accéder à l’interface numérique par l’intermédiaire de laquelle les services numériques sont fournis.
« II. – 1. Les bénéfices qui sont attribuables à une présence numérique significative ou au regard d’une présence numérique significative sur le territoire national sont imposables dans le cadre fiscal applicable aux entreprises.
« 2. Les bénéfices attribuables à la présence numérique significative ou au regard de la présence numérique significative sont ceux que la présence numérique aurait réalisés s’il s’était agi d’une entreprise distincte et indépendante exerçant des activités identiques ou analogues dans des conditions identiques ou analogues, en particulier dans ses opérations internes avec d’autres parties de l’entreprise, compte tenu des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés, par l’intermédiaire d’une interface numérique.
« 3. Aux fins du 2 du présent II, la détermination des bénéfices attribuables à la présence numérique significative ou au regard de la présence numérique significative repose sur une analyse fonctionnelle. Afin de déterminer les fonctions de la présence numérique significative et de lui attribuer la propriété économique des actifs et les risques, les activités économiquement significatives exercées par cette présence par l’intermédiaire d’une interface numérique sont prises en considération. Pour ce faire, les activités réalisées par l’entreprise par l’intermédiaire d’une interface numérique en relation avec des données ou des utilisateurs sont considérées comme des activités économiquement significatives de la présence numérique significative qui attribuent les risques et la propriété économique des actifs à cette présence.
« 4. Lors de la détermination des bénéfices attribuables conformément au 2, il est dûment tenu compte des activités économiquement significatives exercées par la présence numérique significative qui sont pertinentes pour le développement, l’amélioration, la maintenance, la protection et l’exploitation des actifs incorporels de l’entreprise.
« 5. Les activités économiquement significatives exercées par la présence numérique significative par l’intermédiaire d’une interface numérique comprennent, entre autres, les activités suivantes :
« a) La collecte, le stockage, le traitement, l’analyse, le déploiement et la vente de données au niveau de l’utilisateur ;
« b) La collecte, le stockage, le traitement et l’affichage du contenu généré par l’utilisateur ;
« c) La vente d’espaces publicitaires en ligne ;
« d) La mise à disposition de contenu créé par des tiers sur un marché numérique ;
« e) La fourniture de tout service numérique non énuméré aux a à d. Un décret en Conseil d’État peut compléter cette liste.
« 6. Pour déterminer les bénéfices attribuables au titre des 1 à 4, le contribuable utilise la méthode de partage des bénéfices, à moins que le contribuable ne prouve qu’une autre méthode fondée sur des principes acceptés au niveau international est plus adéquate eu égard aux résultats de l’analyse fonctionnelle. Les facteurs de partage peuvent inclure les dépenses engagées pour la recherche, le développement et la commercialisation, ainsi que le nombre d’utilisateurs et les données recueillies par État membre.
« III. – Les données qui peuvent être recueillies auprès des utilisateurs aux fins de l’application du présent article sont limitées aux données indiquant l’État dans lequel se trouvent les utilisateurs, sans permettre l’identification de l’utilisateur. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Il s’agit également d’un amendement appel, dans le même esprit que celui qu’a défendu voilà quelques instants mon collègue Éric Bocquet. Il vise à créer la notion d’établissement stable pour les entreprises ayant une présence numérique significative en France. Il s’agit d’éviter que ces entreprises n’échappent aux impôts dont s’acquittent nos entreprises traditionnelles.
Selon la Commission européenne – je prends ce chiffre avec prudence, madame la secrétaire d’État, et j’imagine que vous disposez d’éléments beaucoup plus fiables –, en 2015-2016, les GAFA payaient moitié moins d’impôts que les entreprises dites traditionnelles, celles de l’« ancien » modèle économique. Il s’agit donc d’un vrai sujet.
Nous pensons qu’il faut quantifier cette activité sur le territoire français. Nous proposons donc de discuter d’un premier seuil pour ouvrir le débat : 100 000 utilisateurs français et 3 000 contrats conclus avec des acteurs français.
Je rappelle – je ne le dis pas du tout pour vous forcer la main – qu’une telle disposition a déjà été adoptée à une large majorité au Sénat.
Si nous avons déposé cet amendement d’appel, c’est pour que l’on se mette au travail sur cette question. Nous devons réussir, par la loi, à faire disparaître les différences d’imposition entre les multinationales, en particulier les GAFA, et les entreprises françaises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je remercie Pascal Savoldelli d’avoir rappelé qu’un tel amendement d’appel a déjà été adopté. Depuis lors, les choses ont d’ailleurs évolué. Dans le cadre de l’examen de la loi portant création d’une taxe sur les services numériques, dont j’étais rapporteur, j’ai effectué de multiples auditions et procédé à de nombreuses investigations, notamment auprès de la Commission européenne et de l’OCDE.
La difficulté, c’est que la notion d’établissement stable numérique n’existe pas dans les conventions fiscales. Sinon, ce serait très simple ! Nombre de pays ont l’intention d’imposer davantage les entreprises numériques, qui paient – personne ne le conteste – moins d’impôts que les entreprises traditionnelles. Si cette notion existait, ils taxeraient ces entreprises.
La Commission européenne avait proposé une taxe applicable aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros à l’échelon mondial et de 50 millions par pays. Ce projet n’ayant pas fait l’unanimité, il n’est pas allé plus loin. La France l’a repris à l’échelon national et a adopté la loi portant création d’une taxe sur les services numériques, dans laquelle le Sénat a d’ailleurs obtenu un certain nombre d’avancées. La commission mixte paritaire avait d’ailleurs été conclusive. On ne peut donc pas dire que les choses n’ont pas avancé.
Depuis lors, l’OCDE a repris le projet à l’échelon international.
Une réponse a donc été apportée à l’appel qui avait été lancé. Le sujet n’est désormais plus nié, contrairement à ce qui se passait auparavant. L’ensemble des pays développés souhaitent s’atteler à une plus juste répartition de la taxation des bénéfices.
À mes yeux, cet amendement d’appel n’est pas opérant, la notion d’établissement stable numérique étant aujourd’hui purement théorique. La commission demande donc son retrait. À défaut, elle émettra un avis défavorable.