M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Claude Nougein. Il est inutile, car le Sénat dans sa sagesse, j’en suis convaincu, repoussera une telle initiative, très dangereuse pour notre pays. Il est nuisible, car ce message donne un signal fort à la communauté économique nationale et internationale d’instabilité fiscale et d’irresponsabilité !
Mes chers collègues, nous avons un choix crucial à faire entre prospérité économique ou idéologie fiscale égalitaire. C’est l’un ou l’autre. Il nous appartient de choisir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je rappelle que les articles 3, 4, 5, 9 et 10 font l’objet d’une procédure de législation en commission. Le vote sur l’ensemble de ces articles est donc réservé jusqu’avant le vote sur l’ensemble du texte.
proposition de loi visant à adapter la fiscalité de la succession et de la donation aux enjeux démographiques, sociétaux et économiques du xxie siècle
Chapitre Ier
Favoriser les transmissions intergénérationnelles
Article 1er
La section II du chapitre Ier du titre IV de la première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifiée :
1° Le V de l’article 779 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque le légataire n’a pas de descendance en ligne directe, cet abattement est porté à 50 000 €. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 790 B, le montant : « 31 865 € » est remplacé par le montant : « 70 000 € ».
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, sur l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le secrétaire d’État, il s’agit d’un appel. J’ai déposé en commission un amendement à l’article 3, examiné grâce à la procédure de législation en commission. Malheureusement, cet amendement a été déclaré sans objet, puisque l’article 3 a finalement été supprimé.
Je souhaite attirer votre attention sur une situation qui me choque particulièrement, quand, à la suite du décès de l’un des deux parents, des enfants réclament leur part au parent restant. À ce jour, les époux peuvent choisir le régime matrimonial de la communauté universelle en intégrant une clause d’attribution intégrale au survivant. Ils peuvent également opter pour la dotation au dernier vivant. Le conjoint survivant récupère alors la quotité disponible. Mais la part de cette quotité dépend du nombre d’enfants et peut donc être très réduite.
Si les enfants réclament leur part au parent restant, celui-ci peut être conduit à vendre certains de ses biens – voiture ou maison. Cela entraîne de surcroît des frais notariaux nécessairement pénalisants.
Dès lors que le patrimoine a été constitué par les deux parents, il n’est pas juste que les successibles puissent demander leur part avant le décès du second parent survivant. Afin de protéger ce dernier, mon amendement visait à faire de la clause au dernier vivant le principe de droit commun. Cette mesure permettait d’éviter aux parents d’aller chez le notaire et les protégeait du comportement d’enfants les contraignant à se séparer de leurs biens. Par ailleurs, seuls étaient concernés, en l’espèce, les couples mariés.
Je respecte le sort qui a été réservé à mon amendement ; d’ailleurs, je n’ai pas le choix… (Sourires sur les travées du groupe UC.)
Je comprends que cela modifie beaucoup le code civil. Toutefois, monsieur le secrétaire d’État, on ne peut pas continuer ainsi, pour des raisons évidentes qui tiennent à la fois à la justice et au bon sens. C’est pourquoi j’ai souhaité appeler votre attention sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Procaccia, M. Regnard, Mmes Bruguière et Micouleau, MM. Cambon et Houpert, Mmes Sittler et Deroche, M. Bouchet, Mmes Ramond et Deromedi, MM. Brisson, Grand et Piednoir, Mme Duranton, MM. Lefèvre et Savary, Mme Lassarade, MM. Longuet et Babary, Mme L. Darcos, M. Pellevat, Mme Bories, MM. Paccaud, Dallier, Daubresse, Pierre, B. Fournier et Mayet, Mme Chauvin et M. Bonne, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 1
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° L’article 779 est ainsi modifié :
a) Aux premier, deuxième et dernier alinéas du I, après le mot : « enfants », sont insérés les mots : « et petits-enfants » ;
b) Au V, après les mots : « neveux et nièces », sont insérés les mots : « , petits-neveux et petites-nièces » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Je souscris à l’objectif de cette proposition de loi d’aider à l’installation, en favorisant l’héritage de la génération des petits-enfants.
Or cette proposition de loi évoquait aussi les neveux. Afin que cet héritage transgénérationnel puisse être réellement effectif, je propose que, après les mots « neveux et nièces », soient insérés les mots « petits-neveux et petites-nièces ». En effet, les neveux et les nièces sont en général aussi vieux que les enfants.
Tous les orateurs avant moi ont souligné combien le régime successoral en France était confiscatoire. Nous avons payé toute notre vie des impôts sur nos revenus. Ce qu’il reste, ce sont nos économies ! Pourquoi ne pourrions-nous pas les transmettre ?
Cette proposition de loi visait à faire un petit effort pour permettre à tout un chacun de transmettre plus facilement son patrimoine. Je regrette que nous ne puissions aller plus loin.
Il n’est pas étonnant après cela que ceux qui en ont les moyens, comme Johnny Halliday ou autres, se déclarent résidents dans d’autres pays ! Mais nos concitoyens qui disposent d’un patrimoine moyen ne peuvent le faire. Ce sont donc eux qui payeront les droits de succession. Le système confiscatoire qui existe en France ne favorise pas les donations et les successions des patrimoines moyens !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur. Cette proposition aurait un coût massif pour les finances publiques. En effet, elle ne s’accompagne pas de la suppression concomitante des abattements spécifiques aux petits-enfants, ce qui aboutirait à un cumul d’abattement déraisonnable. À titre d’exemple, deux grands-parents pourraient donner, s’ils avaient quatre petits-enfants, jusqu’à un 1,6 million d’euros en franchise totale d’impôts tous les quinze ans.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je saisis l’occasion qui m’est donnée par cet amendement pour répondre à l’appel pressant de Mme Guidez.
Votre question, madame la sénatrice, comportait en elle-même une partie de la réponse : votre proposition bouleverse considérablement le code civil. Tout cela renvoie au débat mené par la garde des sceaux sur la question de la réserve héréditaire. Le groupe de travail qui a été mis en place sera l’occasion, au-delà de la seule réserve héréditaire, d’aborder les questions de donation ou d’usufruit au dernier vivant. Nous pourrions ainsi donner suite à votre réflexion.
En ce qui concerne cet amendement, j’émets le même avis que M. le rapporteur, pour les mêmes raisons et en cohérence avec les arguments qui m’ont amené à émettre un avis défavorable sur l’ensemble des dispositions de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Pourquoi nous répondez-vous toujours en évoquant des sommes mirobolantes ? Ici, deux grands-parents pourraient donner jusqu’à 1,6 million d’euros !
Si vous souhaitez favoriser les transmissions intergénérationnelles, proposez un plafond, mais ne nous répondez pas : il y a deux grands-parents, quatre grands-parents, huit petits-enfants, etc. Car ce n’est pas forcément toujours le cas !
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé tout à l’heure de 400 000 euros. Pourquoi pas ? Mais ne dites pas que nos amendements tendent à donner des sommes fabuleuses exemptées de tout impôt. Je le répète : il s’agit de favoriser la transmission des patrimoines moyens. Avec ce système, ce sont ceux qui ont le plus d’argent qui sont favorisés, puisqu’ils peuvent s’exiler !
Je maintiendrai donc mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 4, présenté par M. Delahaye, Mme Guidez, MM. Moga, Laugier, Laurey et Henno, Mme de la Provôté et MM. Le Nay et Longeot, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 et 3
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° Aux IV et V de l’article 779, les montants : « 15 932 € » et « 7 967 € » sont remplacés par le montant : « 100 000 € » ;
II. – Alinéa 4
Remplacer le montant :
70 000 €
par le montant :
100 000 €
III. – Compléter cet article deux alinéas ainsi rédigés :
…° À l’article 790 D, le montant : « 5 310 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € » ;
…° Aux articles 790 E et au premier alinéa de l’article 790 F, le montant : « 80 724 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € ».
IV. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I à III, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Le présent amendement tend à unifier le montant des abattements en fonction des liens de parenté. Pourquoi y aurait-il des abattements différents ? Il s’agit donc de porter à 100 000 euros le montant de l’ensemble des abattements familiaux existants.
La commission et notre excellent rapporteur m’ont fait savoir que l’adoption de cet amendement coûterait très cher, sans me citer un montant exact. Il serait utile ici, monsieur le secrétaire d’État, de faire tomber la forteresse de Bercy et d’obtenir des informations… Comment faire des propositions si nous ignorons tout des coûts ?
Je retire cet amendement, monsieur le président, mais j’aimerais à l’avenir avoir davantage d’outils de simulation.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ai dit en commission que nous étions disposés travailler avec les parlementaires sur la réserve héréditaire, entre autres, donc à leur fournir les chiffres nécessaires.
Vous souhaitez déverrouiller, libérer Bercy, voire me libérer de Bercy… Je vous en remercie, mais je vous assure que j’y suis bien ! (Sourires.) Quoi qu’il en soit, nous vous y accueillerons avec plaisir pour partager les chiffres et les éléments d’information qui vous permettront de travailler.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Segouin, Pellevat et Regnard, Mme Eustache-Brinio, M. Lefèvre, Mmes Micouleau et Bruguière, MM. J.M. Boyer et Vaspart, Mme Deromedi, MM. Grand, Piednoir et Brisson, Mme Gruny, MM. Babary, Paccaud, Mandelli et Ginesta, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier, Charon, Pierre, B. Fournier, H. Leroy, Bonne, Kennel et Bonhomme, Mme Deroche et M. Laménie, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par sept alinéas ainsi rédigés :
...° L’article 790 A bis est ainsi rédigé :
« Art. 790 A bis. – I. – Quel que soit le lien de parenté existant entre le donateur et le donataire, les dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété, sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit dans la limite de 100 000 euros si les conditions suivantes sont réunies :
« Les sommes sont affectées avant la fin de la deuxième année suivant la date du transfert :
« 1° Soit à la souscription au capital initial d’une société répondant à la définition des petites et moyennes entreprises figurant à l’annexe I au règlement (CE) n° 70/2001 de la Commission, du 12 janvier 2001 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État en faveur des petites et moyennes entreprises, modifié par le règlement (CE) n° 364/2004 de la Commission du 25 février 2004, modifiant le règlement (CE) n° 70/2001 en ce qui concerne l’extension de son champ d’application aux aides à la recherche et au développement. Le donataire exerce son activité professionnelle principale dans la société ou l’entreprise pendant une période de cinq ans à compter de l’affectation desdites sommes. Pendant cette même durée, l’activité de la société ou de l’entreprise est industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ;
« 2° Soit à l’acquisition de biens meubles ou immeubles affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle répondant à cette définition.
« Le donataire ne peut bénéficier du dispositif qu’une seule fois par donateur.
« II. – Le I du présent article s’applique aux sommes versées entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2025. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Segouin.
M. Vincent Segouin. Le présent amendement vise à exonérer de droits de mutation dans la limite de 100 000 euros, quel que soit le lien de parenté existant entre le donateur et le donataire et dans les conditions suivantes : soit si les 100 000 euros sont investis à la souscription au capital initial d’une société répondant à la définition des petites et moyennes entreprises, à condition que le donateur exerce son activité professionnelle, au moins pendant une période de cinq ans ; soit à l’acquisition de biens meubles ou immeubles affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle répondant à cette définition.
M. le président. Le sous-amendement n° 16, présenté par M. Vogel, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 5
A. – Alinéas 1 à 8
Rédiger ainsi ces alinéas :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
...° L’article 790 A bis est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– au premier alinéa, le montant : « 30 000 € » est remplacé par le montant : « 70 000 € » ;
– au a, les mots : « à la définition des petites et moyennes entreprises qui figure à l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d’exemption par catégorie) » sont remplacés par les mots : « aux conditions prévues au 1 bis du I de l’article 885-0 V bis, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2017 » ;
– le c est abrogé ;
b) Après le mot : « janvier », la fin du II est ainsi rédigée : « 2020 et le 31 décembre 2025. » ;
B. – Alinéa 10
Remplacer les mots :
du présent article
par les mots :
de la possibilité de bénéficier d’une exonération de droits de mutation à titre gratuit en cas de donation de sommes d’argent affectées à la création ou à la reprise d’une entreprise
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur. L’amendement n° 5 vise à réactiver l’exonération de droits de mutation prévue à l’article 790 A bis du code général des impôts en cas de donation de sommes d’argent affectées à la création ou à la reprise d’une PME. En l’état, cet amendement présente toutefois deux difficultés.
D’une part, ses dispositions ne tiennent pas compte des évolutions des règles européennes en matière d’aides d’État intervenues depuis lors.
D’autre part, il vise à élargir considérablement le dispositif, en augmentant le montant de l’exonération de 30 000 euros à 100 000 euros et en supprimant la restriction du champ des bénéficiaires au cercle familial.
Le présent sous-amendement a pour objet de mettre cet amendement en conformité le dispositif avec le droit de l’Union européenne, de restreindre son champ au cercle familial et de ramener le montant de l’exonération à 70 000 euros.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ai indiqué dans la discussion générale les raisons qui ont amené le Gouvernement à être défavorable à cet amendement.
Les dispositions du sous-amendement de la commission vont évidemment dans le bon sens, dans la mesure où elles amoindrissent les effets de l’amendement que nous contestions. Cependant, elles nous paraissent élargir encore trop les dispositions que j’ai évoquées.
J’émets donc un avis défavorable, tant sur le sous-amendement que sur l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Segouin, Pellevat et Regnard, Mme Eustache-Brinio, MM. Lefèvre et Houpert, Mmes Micouleau et Bruguière, MM. J.M. Boyer et Vaspart, Mme Deromedi, MM. Grand et Piednoir, Mme Procaccia, M. Brisson, Mmes Gruny et Lassarade, MM. Saury, Babary et Paccaud, Mme Bories, MM. Mandelli et Ginesta, Mme Morhet-Richaud, MM. Dallier, Charon, Pierre, B. Fournier, H. Leroy, Bonne, Kennel, Bonhomme et Mayet, Mme Deroche et M. Laménie, est ainsi libellé :
I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° Le 1° du I de l’article 790 G est abrogé.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vincent Segouin.
M. Vincent Segouin. En raison de l’allongement de la vie, le vieillissement de la population et conformément à l’esprit de la présente proposition de loi dont le constat et les ambitions sont justes, il semble raisonnable de supprimer l’alinéa qui dispose que le donateur soit âgé de moins de 80 ans au jour de la transmission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Pierre Vogel, rapporteur. L’adoption de cet amendement irait à l’encontre de l’objectif d’encourager la circulation anticipée du patrimoine vers les jeunes générations.
Je rappelle que la condition d’âge a déjà été significativement assouplie, puisqu’elle avait initialement été fixée à soixante-cinq ans en 2007. Aller plus loin risquerait de dénaturer le dispositif, dont l’objet consiste précisément à encourager les transmissions précoces. Après quatre-vingts ans, le donateur pourra toujours bénéficier de l’abattement de droit commun pour donner à ses petits-enfants, dont le niveau a été fortement relevé par la commission des finances.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Je suis prudent sur les termes employés. La condition d’âge qui a été fixée, au-delà de la modification entre les soixante-cinq ans en 2007 et les quatre-vingts ans en vigueur aujourd’hui, est aussi un outil de droit pour éviter les stratégies de contournement quant aux droits de succession. Puisque l’on parle ici de vies d’hommes et de femmes, il faut faire extrêmement attention aux mots employés. C’est pour moi une raison supplémentaire d’émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je ne comprends pas pourquoi à quatre-vingts ans on ne pourrait pas faire des donations à des petits-neveux, à des petits-enfants ou à des arrière-petits-enfants de vingt ou de trente ans ! En quoi l’âge devrait-il être déterminant ?
Avec les divorces et les remariages, des couples se forment tardivement, ce qui fait que, à quatre-vingts ans, on peut avoir des enfants trentenaires !
M. Roger Karoutchi. D’abord ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Segouin, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. Vincent Segouin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 6 est retiré.
Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – La section II du chapitre Ier du titre IV de la première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du dernier alinéa de l’article 776 A, après les mots : « la donation-partage », sont insérés les mots : « , ou moins de dix ans lorsque le donataire est âgé de moins de quarante ans au jour de la transmission, » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article 784, après le mot : « ans, », sont insérés les mots : « ou plus de dix ans lorsque le donataire est âgé de moins de quarante ans au jour de la transmission, » ;
3° Le premier alinéa du I de l’article 790 G est complété par les mots : « , et tous les dix ans lorsque le donataire est âgé de moins de quarante ans au jour de la transmission » ;
4° Le troisième alinéa de l’article 793 bis est complété par les mots : « , ou plus de dix ans lorsque le donataire est âgé de moins de quarante ans au jour de la transmission ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État de l’intégration dans le champ du présent article des donations-partages, des transmissions de parts de groupements fonciers agricoles, de groupements agricoles fonciers, et des biens ruraux donnés à bail cessible ou à long terme, est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Panunzi, sur l’article.
M. Jean-Jacques Panunzi. Si les quatre premiers amendements que j’ai déposés ont connu une issue satisfaisante, ce n’est pas le cas des deux derniers, qui ont été jugés irrecevables en commission.
Il s’agissait en quelque sorte d’amendements d’appel visant à atteindre l’objectif de l’assainissement cadastral des territoires soumis à un désordre foncier, au premier rang desquels la Corse, territoire métropolitain le plus touché par l’indivision informelle et l’absence de titres de propriété. C’est un phénomène que l’on retrouve de façon plus marginale dans des départements tels que l’Ardèche ou la Lozère.
Cette volonté d’assainissement avait débouché sur l’adoption d’une loi, votée d’ailleurs par le Sénat à l’unanimité en février 2017, dont l’article 2 prévoit que, pour les indivisions constatées dès la reconstitution du titre de propriété sur le fondement de l’article 1er de la même loi flottante, le ou les indivisaires titulaires de plus de la moitié des droits indivis peuvent effectuer des actes de gestion et de conservation, et que ceux qui sont titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent effectuer tout acte de disposition.
Cette dérogation à la règle de l’unanimité est temporaire ; elle ne concerne que les actes établis jusqu’au 31 décembre 2027. Aussi cruciale soit-elle, elle est à ce jour inapplicable et inusitée, alors même que la période décennale est entamée de deux années.
Concrètement, les professionnels du notariat ne disposent pas d’une méthodologie permettant de mettre en œuvre cette disposition. Plusieurs sollicitations ont été adressées à la Chancellerie pour demander la publication d’une simple circulaire, en vain.
Par le présent amendement, je voulais interpeller le Gouvernement, afin d’établir par voie réglementaire les modalités d’application de cet article capital pour la Corse et les autres territoires en proie au désordre foncier. J’attends donc la réponse du Gouvernement sur ce point précis.
Les dispositions de l’autre amendement, qui a été jugé irrecevable, reposent sur le fait qu’il arrive souvent que les frais de reconstitution soient plus importants que la valeur vénale du bien faisant l’objet du titrement. Les frais attachés à la reconstitution des titres de propriété et aux attestations immobilières établies conformément au décret du 5 janvier 1955 concentrent plusieurs taxes dont le produit revient à l’État. La neutralisation de ces quatre taxes ne pourrait avoir qu’un impact positif en faveur de la dynamique de titrement.
Sensibilisé au problème lors de son déplacement en Corse le 22 octobre 2018, et mesurant l’impérieuse nécessité d’encourager la création de titres de propriété, Bruno Le Maire a fait valoir à juste titre que lorsqu’un usager prenait l’initiative de reconstituer un titre de propriété, il devait le faire à moindre coût, voire quasi gratuitement.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement est-il prêt à s’engager en ce sens ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, le Gouvernement tout entier est sensible à cette question.
Vous avez évoqué la visite de Bruno Le Maire. J’ai eu l’occasion, il y a quelques mois, de me rendre moi-même en Corse. Parmi les sujets de discussion avec les élus locaux, il a grandement été question de la titrisation, de la fiabilité des documents d’urbanisme et donc des difficultés pour mettre en place des PLU et des PLU-H.
Néanmoins, tous les sujets que vous avez abordés ne relèvent pas du champ de compétence du ministère de l’action et des comptes publics. La Chancellerie est aussi concernée. Je puis néanmoins vous assurer que les services de l’État seront mobilisés aux côtés des élus locaux corses comme aux côtés des services déconcentrés en Corse pour continuer à avancer, à fiabiliser et à faire en sorte que nous ayons une forme de photographie réelle, plutôt qu’une photographie de la réalité.
Je réitère donc l’engagement pris par le Gouvernement. Le Président de la République lui-même avait été sensibilisé à ces questions lors de sa dernière visite en Corse.
En revanche, je ne puis vous laisser dire qu’il existe un désordre foncier en Ardèche. Un important travail a été fait, je puis en témoigner !