M. Joël Labbé. On l’a dit, l’obsolescence programmée est un fléau tant social qu’environnemental : il faut en finir ! L’industrie saura mettre sur le marché des produits durables, dans la mesure où on le lui impose, comme elle savait le faire par le passé : les célèbres machines à laver Vedette duraient vingt ou vingt-cinq ans et avaient la réputation d’être increvables !
Il faut effectivement des actes, madame la secrétaire d’État, mais il faut aussi un calendrier. Le présent amendement vise ainsi à remplacer l’indice de réparabilité par l’indice de durabilité à compter du 1er janvier 2023, afin de parvenir à une méthode aboutie. Si l’indice de réparabilité constitue une avancée et une étape importante dans la lutte contre l’obsolescence programmée, l’indice de durabilité est plus intéressant dans la mesure où il permet d’attirer l’attention de nos concitoyens sur des produits dont le cycle de vie est plus long, au-delà de leur réparabilité.
M. le président. L’amendement n° 570 rectifié, présenté par M. Marchand, Mme Cartron, MM. Dennemont, Patriat, Amiel, Bargeton, Buis et Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Mohamed Soilihi, Patient et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger et MM. Théophile et Yung, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 541-9-2 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de l’article 2 de la présente loi, il est inséré un article L. 541-9-… ainsi rédigé :
« Art. L. 541-9-…. – Les fabricants ou importateurs d’équipements électriques et électroniques communiquent sans frais aux vendeurs de leurs produits et au consommateur leur indice de durabilité ainsi que les paramètres ayant permis de l’établir, à compter du 1er janvier 2024.
« Les vendeurs d’équipements électriques et électroniques informent le consommateur par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié physique, visible directement en magasin, en ligne ou hors ligne (pour les paramètres uniquement) de leur indice de durabilité ainsi que des paramètres ayant permis de l’établir.
« Un rapport du Gouvernement est remis au Parlement au plus tard le 1er janvier 2024 sur l’impact social, écologique et économique de l’indice de durabilité et explore la possibilité d’extension à d’autres catégories de produits.
« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article selon les catégories d’équipements électriques et électroniques. »
La parole est à M. Frédéric Marchand.
M. Frédéric Marchand. Cet amendement vise à mettre en place un indice de durabilité obligatoire à l’horizon de 2024, après une expérimentation du volet relatif à la réparabilité en 2021. Cet indice de durée de vie était prévu dans la feuille de route de l’économie circulaire. Comme mon collègue Joël Labbé l’a souligné, l’objectif principal est de lutter contre l’obsolescence programmée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. La création d’un indice de durabilité avait été étudiée lors de l’élaboration de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, qui faisait référence à des expérimentations relatives à l’affichage de la durée de vie des produits. En raison de difficultés techniques, liées en particulier à l’évaluation de la durée de vie et à la façon de présenter cette information au consommateur, les travaux de l’Ademe avaient été réorientés vers la réparabilité, ce qui aboutit à la généralisation d’un indice portant sur ce critère dans le cadre du présent projet de loi. La mise en place d’un indice de durabilité présente le même problème d’inaboutissement technique que celle d’un compteur d’usage, les deux sujets étant liés. C’est pourquoi la commission est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. J’ai déjà détaillé les raisons pour lesquelles nous travaillons en priorité sur l’élaboration d’un indice de réparabilité. La durabilité d’un produit dépend notamment des conditions d’usage, qui sont très variables et surtout difficiles à objectiver. Nous souhaitons donc d’abord nous concentrer sur la réparabilité des produits, parce qu’elle est objectivable et parce que cela permet a minima d’obtenir une forme de consensus entre les différentes parties prenantes, ce qui est, on le sait, parfois très difficile. Par ailleurs, comme je l’ai déjà précisé tout à l’heure, le comportement du consommateur est également une question importante.
Nous souhaitons procéder par étapes et commencer par travailler sur la réparabilité des produits avant de nous pencher sur la durabilité. Cela ne nous empêchera pas, bien sûr, d’inclure dans la réflexion la mise en place d’un dispositif comme le compteur d’usage. Pour l’heure, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Élaborer un indice de durabilité, comme proposé par nos collègues Labbé et Marchand, est un exercice compliqué. Il faut en effet définir des critères standardisés, reproductibles, pouvant faire l’objet d’une forme de consensus et reflétant effectivement la qualité du produit acheté par le consommateur, dont il s’agit d’améliorer l’information.
Je voudrais rappeler ce qui a été fait en matière d’alimentation avec le Nutri-Score, indice qui agrège différents critères pour déterminer un classement selon cinq lettres – A, B, C, D et E – extrêmement lisible pour le consommateur. Cet indice a donné lieu, évidemment, à polémiques de la part notamment d’une partie de l’industrie agroalimentaire, mais, en fin de compte, il est en voie de s’imposer, non seulement en France, mais aussi dans d’autres pays européens.
Pour parvenir à mettre au point un indice de ce type, il faut du temps et de la concertation. Je note que les échéances légèrement différentes – 2023 et 2024 – prévues par les deux amendements permettent justement de donner aux parties prenantes le temps de la concertation pour définir dans de bonnes conditions cet indice de durabilité. Voilà pourquoi je voterai ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Il importe à nos yeux de nous donner un calendrier. Je retire mon amendement au profit de l’amendement n° 570 rectifié, qui fixe l’échéance à 2014, afin de donner davantage de temps à la concertation. Nous sommes d’accord pour que l’on procède par étapes et que l’on recherche un consensus, mais n’oublions pas que nous sommes en situation d’urgence à l’échelle planétaire. Il faut envoyer des signaux, avoir conscience du rapport de force avec l’industrie, qui saura toujours trouver des arguments pour expliquer qu’elle ne peut plus élaborer des produits durables comme par le passé. Si nous mettons l’industrie au pas, tout le monde sera gagnant, y compris l’industrie elle-même !
M. le président. L’amendement n° 670 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 570 rectifié.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4 ter.
L’amendement n° 170 rectifié, présenté par M. Gontard, Mmes Assassi et Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 111-1 du code de la consommation, il est inséré un article L. 111-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111-1-…. – Le fabricant ou l’importateur de biens meubles informe le consommateur de la période pendant laquelle les logiciels et systèmes d’exploitation indispensables à l’utilisation des biens sont disponibles sur le marché. Il informe également le consommateur de la nature des mises à jour, distinguant les mises à jour correctives et évolutives, et les conséquences attendues sur le fonctionnement général du bien. Cette information est délivrée obligatoirement au consommateur par le fabricant de manière lisible avant toute installation. Les mises à jour évolutives peuvent être refusées par le consommateur. Un tel refus ne peut entraîner de dégradation des performances du bien.
« La définition des mises à jour correctives et évolutives est renvoyée à un décret. »
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Nous abordons une série d’amendements importants relatifs à l’obsolescence logicielle. Pour la clarté de nos débats, je précise qu’il s’agit des méthodes par lesquelles un fabricant rend inutilisable un appareil électronique en imposant une évolution logicielle, particulièrement du système d’exploitation, inadaptée à ses capacités techniques – puissance, stockage, mémoire vive.
Par exemple, les vieux ordinateurs ne sont pas suffisamment puissants pour faire tourner les nouvelles versions de Windows. De la même manière, les vieux téléphones portables ne tolèrent pas toujours les mises à jour récentes de leur système d’exploitation. Dès lors, l’appareil périclite, notamment à cause de failles de sécurité qui ne sont plus corrigées. Une variante consiste en une mise à jour trop lourde pour la puissance de l’appareil, qui, du coup, fonctionne mal, voire plus du tout.
Notre amendement n° 169 relatif à l’obsolescence logicielle des ordinateurs a été jugé irrecevable parce que constituant un cavalier. En revanche, nos amendements sur l’obsolescence logicielle des téléphones portables ont été acceptés. J’avoue ne pas bien comprendre à quoi tient cette distinction… L’amendement n° 169 était important et j’aurais aimé proposer son pendant pour les téléphones. Je souhaite au moins attirer l’attention du Sénat et de la secrétaire d’État sur cette problématique.
Pour lutter contre l’obsolescence logicielle, il y a deux solutions : imposer des contraintes aux fabricants de système d’exploitation – c’est l’objet de nos amendements nos 170 rectifié et 172 rectifié – ou installer un autre système d’exploitation sur la machine, tout particulièrement un logiciel tiers ou logiciel libre. Ces logiciels gratuits et en libre accès sont en général peu gourmands en mémoire et en puissance. Pour les ordinateurs, le plus connu d’entre eux est Linux. Pour les téléphones portables, le phénomène est plus récent, mais il se développe.
Cependant, certains appareils sont construits de sorte à ne pas autoriser l’installation d’un autre système d’exploitation que celui prévu par le fabricant. C’est le cas de certains ordinateurs et d’à peu près tous les modèles de téléphones portables. Il faut donc interdire toute obstruction à l’installation de logiciels tiers pour les ordinateurs et les téléphones. Cette pratique est honteuse. C’est un vaste combat, que j’invite Mme la secrétaire d’État à mener à Bruxelles.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Déjà examiné en commission, cet amendement vise à imposer des conditions vraiment spécifiques d’information du consommateur sur les mises à jour du système d’exploitation des appareils électroniques. Définir un régime spécifique à ce sujet dans la législation française paraît avoir une portée limitée. Intervenir sur ces questions nécessiterait de mener un travail d’expertise spécifique, pour établir un état des lieux clair des pratiques existantes et des facultés offertes par le droit en vigueur pour y répondre. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. La mise en œuvre du dispositif de cet amendement poserait un problème complexe, car elle reviendrait à figer plusieurs étapes de la vie d’un logiciel – une par mise à jour évolutive – et ensuite à délivrer des mises à jour correctives pour chacune des mises à jour évolutives. Cela complexifierait énormément la gestion de ces logiciels. Quand bien même on la renverrait au décret, la définition de ces deux types de mises à jour et leur séparation par le droit seraient très complexes. C’est une question de mécanique juridique. Il faut que l’on travaille encore plus sur ce sujet en amont, avec les fabricants. À ce stade, j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Certes, le sujet n’est pas forcément simple, mais il est au cœur du texte et je m’étonne qu’il n’ait pas été davantage étudié en amont. Cet amendement ne me paraît pas si compliqué : il s’agit uniquement de donner la possibilité au consommateur de choisir entre des mises à jour correctives ou des mises à jour évolutives, afin de pouvoir garder son appareil plus longtemps.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 115 rectifié est présenté par MM. Gontard et Ouzoulias, Mmes Assassi et Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 348 rectifié bis est présenté par M. Joël Bigot, Mme M. Filleul, MM. Kanner et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville et Tocqueville, M. Duran, Mme S. Robert, MM. Antiste et Temal, Mme Harribey, MM. Montaugé, Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 565 rectifié est présenté par M. Marchand, Mme Cartron, MM. Dennemont, Patriat, Amiel, Bargeton, Buis et Cazeau, Mme Constant, MM. de Belenet, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Mohamed Soilihi, Patient et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger et MM. Théophile et Yung.
L’amendement n° 669 rectifié bis est présenté par MM. Labbé, A. Bertrand, Corbisez et Dantec, Mme N. Delattre, M. Gabouty, Mme Guillotin et M. Léonhardt.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 213-4-1 du code de la consommation, il est inséré un article L. 213-4-1-…. ainsi rédigé :
« Art. L. 213-4-1-…. – Toute technique, y compris logicielle, par laquelle un metteur sur le marché vise à rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d’un appareil hors de ses circuits agréés est interdite.
« La réparabilité du produit est considérée comme une des caractéristiques essentielles du bien ou du service tel que défini aux articles L. 111-1 et suivants. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 115 rectifié.
M. Pierre Ouzoulias. Sans revenir sur l’argumentation développée par mon collègue Guillaume Gontard, je rappellerai simplement que deux causes fondamentales empêchent la réutilisation, le recyclage ou la réparation de certains biens, notamment des ordinateurs. La première est d’ordre technique : les composants sont soudés et ne peuvent être changés. La seconde cause tient aux logiciels. Je citerai à cet égard un exemple concret. Une communauté Emmaüs que je connais récupère de nombreux ordinateurs en parfait état de fonctionnement, mais dont la carte mère contient un dispositif qui empêche de redémarrer l’appareil avec un système d’exploitation autre que celui d’origine. Bien évidemment, les personnes à qui ces ordinateurs sont donnés ne sont pas en mesure d’acheter les licences à la société dont le nom commence par M… Ces machines finissent donc à la poubelle, car ils ne peuvent être réutilisés.
Par le passé, de tels dispositifs n’existaient pas. L’objet de notre amendement est d’interdire le couplage entre la carte mère et le système d’exploitation, pour permettre la réutilisation de l’ordinateur via des systèmes d’exploitation tiers. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement « Emmaüs ».
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, pour présenter l’amendement n° 348 rectifié bis.
M. Alain Duran. Cet amendement vise à lutter contre l’obsolescence programmée et à allonger la durée de vie des produits en interdisant tout procédé technique visant à rendre irréparable ou non reconditionnable un produit.
Il s’agit de soutenir non pas seulement les bricoleurs du dimanche, mais également les professionnels de la réparation et du réemploi, qui sont des piliers de l’économie circulaire, en luttant contre des pratiques industrielles totalement opposées à l’économie circulaire.
Entre 2014 et 2017, le volume des produits ménagers réemployés ou réutilisés a augmenté de 30 %. Selon certains sondages, les trois quarts des Européens préfèrent réparer un appareil que le changer. Ce marché en pleine expansion et générateur d’emplois doit être soutenu. Il apparaît donc nécessaire de lutter contre toute technique industrielle visant à rendre un produit ou un bien irréparable ou non reconditionnable.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour présenter l’amendement n° 565 rectifié.
M. Frédéric Marchand. Si demain mon téléphone portable, dont je ne citerai pas la marque, m’échappait malencontreusement des mains et tombait en panne, je pourrais découvrir, en tentant de le faire réparer, que ses composants sont collés ou soudés, ce qui est de nature à empêcher toute réparation, même par des professionnels.
Pourtant, le reconditionnement et la réparation apparaissent comme des piliers de l’économie circulaire. Il est donc problématique de ne pas pouvoir changer un composant d’un appareil qui devrait pouvoir se réparer aisément.
L’amendement tend donc à sanctuariser le droit à la réparation en interdisant toutes pratiques visant à rendre impossible la réparation hors des circuits agréés.
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 669 rectifié bis.
M. Joël Labbé. Comme les précédents, cet amendement vise à interdire les techniques employées par certains fabricants pour programmer l’obsolescence des biens qu’ils fournissent.
Nous le savons, c’est devenu un sport international : certains fabricants mettent en œuvre des procédés qui rendent les biens qu’ils produisent absolument irréparables. C’est ce phénomène qui a amené la naissance de l’association Halte à l’obsolescence programmée, à l’origine de cet amendement. La cofondatrice de cette association, Laetitia Vasseur, fut la collaboratrice parlementaire de notre ancien collègue Jean-Vincent Placé, qui a défendu dans cette assemblée la première proposition de loi concernant l’obsolescence programmée.
Par exemple, les smartphones, ordinateurs ou tablettes numériques sont parfois conçus avec des composants collés ou soudés, ce qui empêche toute réparation, même par des professionnels. Comment peut-on encore autoriser ce genre de pratiques, au regard des enjeux environnementaux auxquels nous faisons face ? Il est essentiel d’inscrire dans la loi un droit à la réparation, en faisant de la réparabilité d’un produit une de ses caractéristiques essentielles.
Ce n’est qu’en rendant possible dans tous les cas la réparation que nous pourrons en finir avec la culture de l’usage unique, du jetable, créer des emplois locaux dans ces filières et développer une véritable économie circulaire.
J’y insiste, il importe d’adresser des signes positifs à nos lycéennes et lycéens qui marchent dans la rue pour nous interpeller.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Ces amendements identiques portent sur un sujet connexe à l’obsolescence programmée, puisqu’ils visent à interdire les techniques, notamment en matière de logiciels, qui tendent à rendre la réparation ou le reconditionnement d’un appareil impossible hors circuits agréés.
Les techniques qui sont déployées par certains fabricants pour entraver ou empêcher la réparation de leurs produits, en particulier électroniques, sont évidemment inacceptables, notamment lorsque l’objectif est de s’assurer que le produit ne pourra être pris en charge que par un marché restreint et contrôlé de réparateurs. Néanmoins, l’infraction d’obsolescence programmée recouvre potentiellement ces pratiques, sans qu’il paraisse nécessaire d’insérer une disposition spécifique à ce sujet. En outre, il faut considérer que certaines des pratiques parfois mises en cause visent à garantir certaines qualités du produit attendues par le consommateur, comme l’étanchéité ou la solidité.
La commission est donc défavorable à ces quatre amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Là encore, nous nous heurtons à d’importantes difficultés.
D’abord, il n’est pas aisé de démontrer qu’une technique, surtout une technique logicielle, vise spécifiquement à empêcher la réparation hors des circuits agréés. Il est très difficile de prouver de façon irréfutable qu’un fabricant a intentionnellement rendu son produit irréparable.
Ensuite, l’obsolescence programmée est déjà considérée comme un délit dans la loi française.
Enfin, le droit communautaire énumère limitativement les caractéristiques essentielles des produits. Or la réparabilité ne figure pas dans cette liste. Sa réintroduction en droit français serait fragile juridiquement.
J’émets un avis défavorable sur ces quatre amendements.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Le débat est décevant, madame la secrétaire d’État. Il aurait été intéressant de réfléchir à un horizon d’attente.
Concernant les ordinateurs et les téléphones portables, nous partageons tous ici un objectif, certes lointain : la neutralité des terminaux à l’égard des différents systèmes d’exploitation.
En déposant ces amendements, nous sommes restés modestes : nous souhaitons simplement un retour à la situation ante diem, quand l’achat d’un ordinateur était disjoint du choix d’un système d’exploitation. Aujourd’hui, les deux sont liés : on a donc reculé par rapport à une époque, pas si lointaine, où le recyclage était facile.
Je ne comprends pas votre position, madame la secrétaire d’État. Vous me permettrez de ne pas rejoindre le lobby de Microsoft. Des entreprises solidaires comme Emmaüs doivent pouvoir reconditionner les ordinateurs pour leur donner une nouvelle vie. Or cela leur est impossible aujourd’hui : c’est un pur scandale, surtout au moment où l’on essaie de résorber la fracture numérique ! Il y a des gens qui ont besoin de ces ordinateurs pour accomplir des démarches administratives, mais il leur est aujourd’hui impossible de les utiliser, madame la secrétaire d’État, parce que vous protégez les intérêts de Microsoft ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 115 rectifié, 348 rectifié bis, 565 rectifié et 669 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.) – (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4 ter.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 172 rectifié est présenté par MM. Gontard et Ouzoulias, Mmes Assassi et Cukierman, M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 268 rectifié ter est présenté par M. Jomier, Mmes Préville et Taillé-Polian et MM. Iacovelli, Lurel, Temal, Devinaz, Antiste et Daunis.
L’amendement n° 291 rectifié ter est présenté par M. Longeot, Mme Morin-Desailly, MM. Henno, Mizzon, Détraigne, Canevet, Le Nay, Prince, Delahaye, Vanlerenberghe et L. Hervé, Mme Vermeillet et MM. Delcros et Cigolotti.
L’amendement n° 419 rectifié bis est présenté par MM. Gold, Dantec, Labbé, Arnell, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Gabouty, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Roux et Vall.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 4 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre VII du titre Ier du livre II du code de la consommation est complété par une section ainsi rédigée :
« Section …
« Garantie logicielle
« Art. L. 217- …. – Les fabricants de téléphones mobiles et de tablettes tactiles sont tenus de proposer à leurs clients des mises à jour correctives du système d’exploitation utilisé par leurs appareils compatibles avec tous les modèles de leur gamme jusqu’à dix ans après leur mise sur le marché.
« Au besoin, le fabricant est tenu de proposer autant de mises à jour correctives que nécessaire pour que chacun des modèles dont la mise sur le marché est antérieure à dix années puisse bénéficier de mises à jour correctives adaptées à sa puissance et à ses capacités de stockage tout en conférant à l’appareil des capacités et une performance suffisante, notamment en matière de sécurité.
« Le non-respect de la présente obligation est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 euros. »
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 172 rectifié.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement fait suite à la demande de rapport que notre assemblée a adoptée sur l’excellente proposition de nos collègues Joël Bigot et Jean-François Longeot. Il a pour objet d’empêcher l’obsolescence logicielle.
Nous avons travaillé sur ce sujet, madame la secrétaire d’État, et nous vous proposons un système intéressant qui renverse la charge de la preuve : il s’agit d’imposer aux constructeurs de logiciels la permanence pendant dix ans du système d’exploitation, de manière à assurer une durée de vie plus longue aux téléphones portables et aux ordinateurs.
Malheureusement, la durée de vie de ces machines n’est pas de dix ans, mais nous voulons au moins permettre à chacun d’utiliser plus longtemps son téléphone portable, alors qu’aujourd’hui on est submergé par des remises à niveau qui, tout doucement, rendent l’appareil obsolète.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 268 rectifié ter.