M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord remercier l’ensemble des orateurs de la discussion générale, des deux rapporteurs en passant par ceux qui sont intervenus lors de la présentation de la motion, laquelle a été rejetée par votre assemblée, jusqu’au dernier à s’être exprimé.

Monsieur Bonhomme, je commencerai par un clin d’œil, puisque vous n’avez pas manqué d’en faire dans votre intervention. Vous m’avez demandé ce que j’aurais fait il y a deux ans : j’aurais voté ce projet de loi, comme l’ensemble ou la quasi-totalité de mon groupe, tout comme mon groupe de l’époque avait voté en faveur du projet de loi qui réformait le code du travail. Peut-être y a-t-il là une forme de continuité que vous observerez au fil du débat.

J’ai bien noté, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’au cours des heures et des jours que nous allons passer ensemble un certain nombre de sujets reviendront de manière assez prégnante.

D’abord, la question du statut. Je réitère mon affirmation : le présent texte ne remet pas en cause les principes fondamentaux de ce statut ; nous procédons à sa modernisation.

En lien avec cette modernisation se posera aussi la question à la fois de la place, du rôle et de l’ampleur du recrutement des contractuels. Un certain nombre de dispositions adoptées par votre commission des lois peuvent paraître, en l’état des expressions des associations d’élus, contradictoires avec les attentes de ces derniers, notamment sur la fonction publique territoriale.

Nous devrons aussi revenir, au-delà de la question de l’ampleur de l’ouverture des recrutements contractuels, sur le rôle de ceux-ci. Je le rappelle par avance – nous aurons le débat dans quelques instants lors de l’examen d’un amendement déposé par Mme Assassi –, l’article 32 de la loi de 1983 précise que les agents contractuels sont assujettis aux mêmes devoirs et bénéficient des mêmes droits que les agents titulaires, garantissant ainsi leur indépendance et leur plein rattachement, si vous me permettez cette expression, au statut.

Nous devrons aussi débattre du dialogue social et du rôle des commissions administratives paritaires, comme de notre volonté de décentraliser, de déconcentrer, le dialogue social, en autorisant des accords majoritaires locaux. C’est une disposition à laquelle j’ai dit tout mon attachement.

Nous devrons également discuter des questions relatives au handicap, puisque Mme la rapporteur a saisi opportunément et légitimement l’occasion de l’examen du texte par la commission pour intégrer des dispositions sur lesquelles nous pouvons avoir quelques nuances ou divergences. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes – nous y reviendrons au cours de la discussion des articles –, monsieur Durain, j’ai trouvé votre jugement sévère et injuste, puisque le protocole que nous transposons dans la loi a été salué par l’ensemble des organisations syndicales, y compris les non-signataires, et les employeurs territoriaux comme marquant une avancée en la matière.

Non seulement nous allons poursuivre la trajectoire visant à renforcer l’obligation de nominations équilibrées de femmes et d’hommes à un certain nombre de postes de direction, mais nous introduisons une nouveauté. Il s’agit de l’obligation d’une répartition entre les femmes et les hommes des avancements et des promotions au choix qui soit proche de celle des corps et des cadres d’emploi concernés, pour permettre l’accès à l’encadrement intermédiaire. C’est par l’accès à ce type d’encadrement que l’on nourrit les viviers permettant un accès plus facile à des emplois de direction.

M. Bonhomme et d’autres intervenants qui me pardonneront de ne pas les citer nommément ont évoqué la question du concours. Nous y travaillons, ainsi que sur la question du recrutement des titulaires dans la fonction publique : concours adaptés, concours de la troisième voie, révision du format et de la nature même des épreuves ou des matières soumises à concours. L’ensemble des questions relatives aux concours relève du champ réglementaire : c’est la raison pour laquelle nous n’avons introduit aucune disposition dans le texte de loi. Mais les travaux sont en cours ; nous en sommes à la deuxième ou troisième réunion de travail avec les organisations syndicales sur ce sujet.

Enfin, je termine par un mot, puisque beaucoup d’entre vous ont manifesté leur attention quant à la présence de services publics de proximité…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui !

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. … et exprimé leur volonté que l’État puisse réinvestir les territoires. Ce désir rencontre la volonté du Gouvernement, exprimée par le Président de la République et par le Premier ministre, à la fois d’identifier les services pouvant être exercés, parce que ce sont des services d’instruction, dans des territoires ruraux ou périurbains, et de rappeler, comme il le fait depuis 2018, et encore récemment par la circulaire du 12 juin dernier, que l’échelon départemental lui paraît être le plus pertinent pour organiser l’intervention de l’État dans les territoires.

M. Laurent Duplomb. Ce n’est pas le parti socialiste qui voulait supprimer les départements ?…

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. En revanche, après vingt ans de diminution des effectifs dans la fonction publique d’État, avec un tropisme qui a toujours conduit à supprimer des postes plutôt dans les services déconcentrés que dans les administrations centrales, il est nécessaire de mener une véritable entreprise de déconcentration et d’accompagner les mouvements fonctionnels et géographiques des agents. Le texte que je présente devant vous permettra de faire cet accompagnement dans de bonnes conditions, et pour ces derniers et pour les services.

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le secrétaire d’État, je ne voudrais pas laisser sans suite la grande ouverture d’esprit dont vous avez témoigné dans votre réponse à mes collègues qui se sont exprimés à la tribune. Je veux souligner que la matérialisation de cette ouverture d’esprit, de mon point de vue de président de la commission des lois, et mes collègues auront certainement leur propre opinion en l’espèce, devrait porter sur un certain nombre de points du texte tel que nous avons essayé de le retravailler.

Nous avons abordé l’examen de ce projet de loi avec un préjugé qui n’était pas défavorable. Mais certains sujets nous tiennent à cœur, et je vais les citer en vrac, pour que vous soyez bien averti de ce qui est important pour nous : l’apprentissage, notamment dans les collectivités locales, de nouvelles souplesses de gestion pour les exécutifs locaux, la fin d’un certain nombre d’abus qui n’ont pas été corrigés par les gouvernements successifs, notamment s’agissant des personnes momentanément privées d’emploi – mais il y a d’autres exemples –, et un effort plus important pour l’insertion des personnes handicapées – sur ce point, je veux de nouveau saluer le travail qui a été fait par Catherine Di Folco et André Marie ici présent.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Didier Marie !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Pardonnez-moi, mon cher collègue. Il y a eu un André Marie très prestigieux sous la IVe République, donc vous pouvez assumer l’héritage !

Il y aura également la question de l’habilitation à légiférer par ordonnances – plusieurs demandes figurent dans votre texte, monsieur le secrétaire d’État –, procédure à laquelle nous sommes généralement défavorables. Nous sommes là pour légiférer : c’est ce que prévoit la Constitution.

Parmi les habilitations, il y en a une que nous pourrons accepter, si toutefois vous vous montrez disposé à ce que son périmètre soit mieux défini : celle qui fait l’objet de la mission qui a été confiée par le Gouvernement à M. Frédéric Thiriez ; nous ne voulons pas vous signer un chèque en blanc dans ce domaine et nous aurons à cœur de nous expliquer de manière approfondie sur ce point.

M. le président. Nous passons à la discussion du texte de la commission.

projet de loi de transformation de la fonction publique

TITRE Ier

Promouvoir un dialogue social plus stratégique et efficace dans le respect des garanties des agents publics

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de transformation de la fonction publique
Article additionnel après l'article 1er - Amendement n° 96 rectifié

Article 1er

(Non modifié)

Le premier alinéa de l’article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi rédigé :

« Les fonctionnaires participent par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l’organisation et au fonctionnement des services publics, à l’élaboration des règles statutaires, à la définition des orientations en matière de politique de ressources humaines et à l’examen de décisions individuelles dont la liste est établie par décret en Conseil d’État. »

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.

M. Maurice Antiste. Peu de temps après l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé nous est proposé ce projet de loi de transformation de la fonction publique qui vise à moderniser le statut et les conditions de travail dans la fonction publique, en assouplissant les modalités de recrutement des agents publics.

En effet, il s’agit là de la réponse du Gouvernement à la dégradation des services publics.

Les services publics d’aujourd’hui sont-ils en adéquation avec les besoins des usagers ? Non !

Faut-il redonner toute leur place aux services publics dans toute leur diversité ? Bien entendu !

Ce projet de loi est-il la réponse adaptée ? Je n’en suis pas sûr !

Je tiens à rappeler à cette assemblée le rapport annuel sans concession du Défenseur des droits, Jacques Toubon, qui insiste sur l’explosion des inégalités, de la précarité, de la pauvreté.

Il dénonce principalement la réduction du périmètre des services publics, fruit de la privatisation des services organisés en réseau – la poste, les télécommunications, l’eau, le gaz, etc. ; le désengagement de l’État de ses obligations, par le recours à la délégation massive de certains services publics ; les restrictions budgétaires frappant les services publics demeurés dans le giron de l’État.

D’ailleurs, les chiffres sont éloquents : plus de 140 000 demandes d’interventions ou de conseils auprès du Défenseur des droits, 95 000 dossiers de réclamations, dont 55 785 concernant les relations avec les services publics, soit une augmentation de 10,3 % en 2018, sachant que le nombre de réclamations était de 38 091 en 2010. On voit bien qu’il est urgent d’agir.

Mais le texte qui nous est proposé sera, en l’état, générateur d’insécurité juridique en raison du manque de précisions sur certaines notions et certains dispositifs, notamment le contrat de projet. De la même manière, que se passera-t-il si un fonctionnaire refuse un détachement ?

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, sur l’article.

M. Didier Marie. Le dialogue social peut se définir comme l’ensemble des processus d’échanges organisés entre représentants des employeurs et des salariés. Cette définition s’applique aussi bien au secteur privé qu’au secteur public. Mais les spécificités de la fonction publique singularisent largement le dialogue social qui s’exerce en son sein, les fonctionnaires étant soumis à un régime juridique exorbitant du droit commun.

La conception française du rôle de l’État dans la société a déterminé le mode de régulation des rapports de celui-ci avec ses agents. La place reconnue à la puissance publique dans la définition de l’intérêt général justifie la prédominance du principe hiérarchique dans son organisation, et donc la situation statutaire des fonctionnaires. C’est l’État employeur qui fixe unilatéralement les conditions d’emploi de ses agents, ainsi que l’étendue de leurs droits et de leurs obligations.

Ce dialogue social dans la fonction publique doit ainsi emprunter un chemin de crête entre principe hiérarchique et participation. En 1946, le dialogue social fut conçu comme un compromis visant à contrebalancer la rigidité de la subordination statutaire par une consécration des garanties individuelles et collectives des fonctionnaires. Ce principe de participation veut que les agents soient associés aux mesures qui les concernent, qu’elles soient individuelles ou collectives.

C’est l’application à la fonction publique du principe posé par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Cette participation des fonctionnaires est mise en œuvre selon le premier alinéa l’article 9 du titre Ier de leur statut général par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans les organes consultatifs. Au-delà de la reconnaissance du droit syndical, ce principe de participation affirmé par l’article 9 susvisé s’étend de la vie institutionnelle à la gestion de la fonction publique.

C’est ce principe de participation, qui a pourtant été réaffirmé comme principe général du droit par le Conseil constitutionnel en juillet 1977, que l’article 1er du présent projet de loi attaque en réduisant la capacité d’intervention des délégués du personnel, en les privant notamment, par le dessaisissement des CAP, de l’examen des situations individuelles et en réduisant leur champ d’action dans le domaine de la prévention de la santé des agents par la fusion des comités techniques et des CHSCT.

C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons les amendements de suppression de cet article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 15 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 97 rectifié bis est présenté par MM. Marie, Durain et Kanner, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur, Sutour, Tourenne, Antiste, Bérit-Débat, Montaugé, Temal et Raynal, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 15.

Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, nous proposons de supprimer le premier article du projet de loi que nous examinons.

En effet, sous couvert de réaffirmer le principe constitutionnel de participation des agents publics, notamment par l’intermédiaire de leurs délégués, au fonctionnement des services publics, l’article 1er vise en réalité à supprimer la mention conférant aux syndicats l’examen des décisions individuelles relatives aux carrières des fonctionnaires.

Le mécanisme est habile, puisque cet article renvoie à un décret la définition des décisions individuelles qui relèvent de ce principe de participation, remplaçant ce dernier par un principe général de participation à la définition des orientations en matière de politique de ressources humaines, ce qui est – vous me l’accorderez – totalement différent.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le principe de participation est né après-guerre, inspiration ayant été prise notamment des travaux du Conseil national de la Résistance participant à reconnaître des droits économiques et sociaux collectifs, et qu’il constitue l’un des piliers de notre démocratie comme principe général du droit, reconnu comme tel en 1977.

Dans la lignée idéologique de l’ensemble du projet de loi, le dispositif proposé réduit néanmoins de manière significative la démocratie sociale au sein de la fonction publique, en amenuisant de fait le rôle des commissions administratives paritaires, même si la commission des lois a rétabli ces commissions dans certaines de leurs prérogatives.

Cette décision est tout à fait symptomatique de la volonté du Gouvernement de transformer cette instance paritaire en lieu de consultation purement formelle et d’en limiter le nombre. Le dessein au fond est bien celui-là, tel qu’exposé dans l’étude d’impact, puisqu’il est indiqué que la réforme des CAP devrait se traduire par une incidence budgétaire positive. Cette disposition va donc dans le sens de l’austérité budgétaire réalisée sur le dos de la démocratie sociale.

Je rappelle que les commissions administratives paritaires sont pourtant essentielles à la vitalité du dialogue social au sein de la fonction publique. Elles constituent un rempart contre les intérêts particuliers et contre l’arbitraire auquel peuvent être soumis un certain nombre de fonctionnaires.

Nous demandons donc la suppression de l’article 1er, afin que les syndicats puissent continuer d’influer sur les décisions relatives aux carrières des fonctionnaires, et ainsi concourir au bon fonctionnement des services publics.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 97 rectifié bis.

M. Didier Marie. L’article 1er, qui chapeaute les suivants, permet la fusion des instances du dialogue social et puise directement son inspiration dans les dispositions qui ont été appliquées aux entreprises privées, il y a un peu plus de dix-huit mois. Je tiens à faire le parallèle et à vous alerter, mes chers collègues, sur ce point.

Le constat des organisations syndicales, que nous avons consultées pour faire le point sur les dispositions en vigueur depuis leur adoption il y a dix-huit mois, est unanime. Quand nous leur demandons si la fusion des instances a été de nature à renforcer le dialogue social, elles répondent sans équivoque que tel n’est pas le cas, que les accords conclus sont de piètre qualité, et que, si les entreprises qui bénéficiaient d’un dialogue social de bonne qualité l’ont conservé, on se contente, pour le reste, du minimum légal.

Je crains que l’erreur qui a été commise à l’égard du secteur privé ne finisse par contaminer la fonction publique, dont la réforme s’inspire de cette fusion des instances du dialogue social. Je le dis en particulier s’agissant de la suppression des CHSCT, parce que je redoute que la question de la sécurité et de la santé au travail ne finisse par devenir secondaire dans la discussion menée par un certain nombre des partenaires sociaux au sein de ces instances regroupées.

Je suis d’ailleurs intéressé de connaître la position de M. le secrétaire d’État, qui, me semble-t-il, a changé d’avis en quelque temps sur ce sujet.

De plus, avec cet article, on court le risque de réduire les commissions administratives paritaires à peu de chose, alors qu’elles étaient auparavant consultées sur les situations individuelles sans toutefois disposer de pouvoir de décision. Elles étaient, en revanche, un facteur de transparence, un moyen d’éviter que l’arbitraire ne s’immisce dans l’avancement des agents – je mets ce risque de favoritisme en regard de l’usage inconsidéré que vous voulez faire du contrat en concurrence avec le statut et, surtout, avec le concours, monsieur le secrétaire d’État.

Chaque fois que vous affaiblissez les protections statutaires, vous affaiblissez non pas tant la protection des agents que celle de l’ordre public et de l’intérêt général que ceux-ci défendent.

Vous mettez en danger la défense de cet intérêt général par les fonctionnaires, et c’est la raison pour laquelle nous souhaitons que cet article soit supprimé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer l’article 1er qui modifie la formulation du principe de participation des agents au sein de la loi Le Pors.

Le projet de loi issu des travaux de la commission des lois ne reprend pas l’ensemble des modifications relatives aux organes paritaires des trois versants de la fonction publique, notamment en ce qui concerne les compétences des CAP, comme Mme Cukierman l’a elle-même rappelé.

Néanmoins, les options que nous avons retenues rendent nécessaire la modification prévue à l’article 1er, en particulier en ce qui concerne la mention des décisions individuelles.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement souhaite profondément modifier l’organisation du dialogue social dans la fonction publique. Il veut passer d’une organisation en trois instances à une organisation en deux instances, en fusionnant les comités techniques et les CHSCT, sans qu’il y ait de perte de compétences en matière d’hygiène et de sécurité, et ce pour deux raisons.

Actuellement, seuls les membres des CHSCT sont assujettis à une obligation de formation aux questions d’hygiène et de sécurité ; demain, l’intégralité des membres de la nouvelle instance y sera soumise.

Par ailleurs, nous prévoyons qu’à partir de 300 équivalents temps plein dans la fonction publique d’État et la fonction publique hospitalière et de 200, à la demande de l’AMF particulièrement, dans la fonction publique territoriale une formation spécialisée soit chargée de traiter les questions d’hygiène et de sécurité, ce qui devrait rassurer M. Marie.

J’en viens au principe de participation, auquel nous avons veillé ; il est maintenu. Aux termes du neuvième considérant de son avis, « le Conseil d’État souligne qu’il s’agit d’une véritable refonte des instances de dialogue social dans la fonction publique. Il considère que la création de cette nouvelle instance, en lieu et place des instances existantes, ne méconnaît aucun principe constitutionnel, notamment pas le principe de participation. Il estime que l’institution des comités sociaux permettra, de surcroît, de simplifier les conditions du dialogue social entre les administrations et les représentants des agents, s’agissant par exemple des évolutions futures de l’organisation du travail induites par les nouvelles technologies. »

Enfin, j’ajoute que nous avons prévu que cette nouvelle instance couvre l’ensemble des compétences des comités techniques et des CHSCT et que lui soit ajoutée une compétence nouvelle : la définition des lignes directrices de gestion des ressources humaines, les sujets concernant la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ou encore les règles d’accès à la mobilité et à la formation.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que le principe de participation et le dialogue social sont garantis. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

M. Didier Marie. J’apporterai simplement deux précisions.

Tout d’abord, ni les organisations syndicales ni les organisations d’employeurs n’étaient demanderesses de cette refonte du dialogue social. Monsieur le secrétaire d’État, vous citez le Conseil d’État : un peu plus loin dans son avis, il indique que s’il ne s’oppose pas aux propositions du Gouvernement, il n’en appelle pas moins à la vigilance quant à la qualité du dialogue social une fois ces instances fusionnées.

Je crois qu’il y a là un véritable problème. Nous mesurerons d’ici quelque temps, malheureusement, les dégâts occasionnés. À mon sens, il s’agit d’un affaiblissement très important du dialogue social qui est à la fois néfaste bien évidemment pour les agents, mais aussi pour les employeurs, car, dans le cadre du dialogue social actuel, les échanges permettaient également de les protéger.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. C’est ni plus ni moins que la mise en place du comité social et économique, le CSE, dans la fonction publique ! Monsieur le secrétaire d’État, nous rencontrons de nombreux syndicalistes d’entreprises privées, lesquelles ont jusqu’au 31 décembre prochain pour mettre en place les CSE. Un certain nombre d’entre elles l’ont déjà fait, et comme vient de le dire mon collègue, tous les syndicalistes – à moins que vous ne me contredisiez – nous disent que la qualité du dialogue social s’est amenuisée. Voilà la réalité !

Avant, nous pouvions aborder toutes les questions dans les CHSCT, avec les délégués du personnel et ainsi approfondir le dialogue social dans l’entreprise ; maintenant, certaines instances représentatives ayant été fusionnées, les représentants sont malheureusement moins nombreux. Cela signifie qu’un certain nombre de syndicalistes ont été « professionnalisés », ce qui nuit à la qualité du dialogue social.

Dans la fonction publique, vous faites exactement la même chose, alors que vous n’avez même pas encore établi le bilan de ce que vous avez réalisé dans les entreprises privées.

Pouvez-vous nous dresser un premier bilan de la mise en place des CSE ? Que vous en ont dit les syndicats ? Est-ce, comme vous nous le racontez, un dispositif assez exceptionnel ? Car nous devons confronter nos idées et nos points de vue avant d’adopter sa mise en place dans la fonction publique.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 et 97 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 507, présenté par Mme Jasmin et MM. Lurel et Antiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

statutaires

insérer les mots :

et de déontologie

La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Il s’agit d’un amendement de repli, le précédent n’ayant pas été adopté.

Cet amendement vise à inscrire explicitement la déontologie dans le champ des orientations soumises à la participation des fonctionnaires ou de leurs représentants au sein de la nouvelle instance consultative créée par le présent projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire explicitement la déontologie dans le champ des orientations soumises à la participation des fonctionnaires.

Or la déontologie des fonctionnaires relève de la seule compétence du législateur pour ce qui est de fixer les règles applicables, et de l’autorité de l’administration et de la HATVP, pour en apprécier l’application.

Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 507.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 216, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

décisions individuelles

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Nous souhaitons supprimer la disposition qui indique qu’à l’avenir un décret établira une liste des décisions individuelles sur lesquelles les CAP se concentreront, et donc en creux toutes les décisions qui ne relèveront plus de ces instances.

Il s’agit en réalité de réduire le périmètre du principe de participation des agents. Nous tenons alors à vous alerter. Que va-t-il se produire en l’absence de consultation des commissions administratives paritaires ? Le doute va s’installer sur l’arbitraire de la décision, qui a souvent de lourds impacts personnels. Nous pouvons craindre une augmentation du contentieux, et par conséquent de la conflictualité au sein de l’administration.

En fait, une telle réforme aboutira à une moins bonne prise en compte des situations individuelles et collectives, à un manque de transparence et in fine à un accroissement des tensions au sein des administrations.

Est-ce réellement cela la modernisation des instances de dialogue social ? Nous ne le croyons pas, particulièrement dans un contexte social déjà extrêmement compliqué.

D’ailleurs, les syndicats représentatifs se sont unanimement opposés à cette disposition qui remet en cause non seulement le principe de participation, mais également leur utilité au bénéfice de ces mêmes agents. Nous vous demandons donc de renoncer à ces économies d’échelle, comme vous dites, monsieur le secrétaire d’État, qui sont en réalité des économies de pacotille, et de conserver les instances de dialogue social, qui ont fait leurs preuves par leur composition paritaire pour traduire les principes fondateurs de la fonction publique de responsabilité et d’impartialité.

Nous demandons par cet amendement la suppression du renvoi au décret pour la définition des décisions individuelles qui ne relèveraient plus du principe de participation.