Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mmes Agnès Canayer, Françoise Gatel.
2. Convocation du Parlement en session extraordinaire
3. Communication relative à une commission mixte paritaire
4. Clarification et actualisation du règlement du Sénat. – Discussion d’une proposition de résolution dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Philippe Bas, président de la commission des lois, rapporteur
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
Clôture de la discussion générale.
5. Mise au point au sujet de votes
6. Clarification et actualisation du règlement du Sénat. – Suite de la discussion d’une proposition de résolution dans le texte de la commission
Amendement n° 13 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 4 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 12 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles 2 à 7 (examinés dans le cadre de la législation en commission) – Réservés.
Amendement n° 5 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
7. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
8. Clarification et actualisation du règlement du Sénat. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de résolution dans le texte de la commission modifié
Amendement n° 6 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 10 rectifié ter de M. Roger Karoutchi
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 10 rectifié ter de M. Roger Karoutchi (suite). – Retrait.
Amendement n° 40 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 16 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 17 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 15 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 14 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles 9 à 12 (examinés dans le cadre de la législation en commission) – Réservés.
Amendement n° 22 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 19 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 18 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 37 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 38 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 23 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 9 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 29 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 8 de M. Patrick Kanner. – Rejet.
Amendement n° 25 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 27 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 24 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 28 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 26 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 15
Amendement n° 35 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 30 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Article 16 (examiné dans le cadre de la législation en commission) – Réservé.
Amendement n° 32 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 3 rectifié bis de Mme Françoise Férat. – Retrait.
Amendement n° 11 rectifié ter de M. Alain Fouché. – Rejet.
Amendement n° 33 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 39 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 7 de M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles 18 à 26 (examinés dans le cadre de la législation en commission) – Réservés.
Articles additionnels après l’article 26
Amendement n° 36 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 34 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Vote sur les articles examinés selon la procédure de législation en commission
Articles 2 à 7, 9 à 12, 16 et 18 à 26 (réservés) – Adoption.
Adoption de la proposition de résolution dans le texte de la commission, modifié.
9. Modification de l’ordre du jour
10. Transformation de la fonction publique. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État
M. Philippe Bas, président de la commission des lois
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 507 de Mme Victoire Jasmin. – Rejet.
Amendement n° 216 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 1er
Amendement n° 11 rectifié bis de M. Jean-Louis Tourenne. – Retrait.
Amendement n° 65 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 16 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 98 rectifié bis de M. Didier Marie. – Rejet.
Amendement n° 218 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 63 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 2
Amendement n° 64 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 70 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 219 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 328 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 14 rectifié ter de M. Philippe Mouiller. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Agnès Canayer,
Mme Françoise Gatel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 13 juin 2019 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Convocation du Parlement en session extraordinaire
M. le président. Mes chers collègues, j’ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 17 juin 2019 portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du 1er juillet 2019.
Le décret vous a été communiqué.
La conférence des présidents, qui se réunira demain à dix-neuf heures trente, établira l’ordre du jour de la session extraordinaire.
Acte est donné de cette communication.
3
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour une école de la confiance est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
4
Clarification et actualisation du règlement du Sénat
Discussion d’une proposition de résolution dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le règlement du Sénat, présentée par M. Gérard Larcher, président du Sénat (proposition n° 458, texte de la commission n° 550, rapport n° 549).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, c’est une œuvre de longue haleine qui va s’achever aujourd’hui par notre débat et, je l’espère, par l’adoption de ces nouvelles dispositions du règlement du Sénat.
C’est une œuvre de longue haleine dont l’ambition méticuleuse est de rendre notre règlement plus lisible, plus maniable, d’éliminer les scories, de regrouper dans les mêmes articles les dispositions qui s’attachent au règlement des mêmes problèmes, de sorte que vous n’ayez plus à compulser, mes chers collègues, notre règlement pour y rechercher la règle applicable ainsi que les dispositions complémentaires, qui se trouvent parfois dispersées dans l’actuelle présentation.
Cette entreprise de longue haleine a été conduite sous l’impulsion du président du Sénat, qui a naturellement veillé à la fois à la qualité et à la bonne organisation de nos travaux, mais aussi à ce que toutes les concertations nécessaires aient lieu avant qu’il ne dépose cette proposition de résolution.
Nous engageons ce débat selon des modalités qui sont nouvelles, puisque c’est la première fois que la discussion sur l’évolution du règlement du Sénat se fait en partie selon la procédure nouvelle de la législation en commission. À la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, un certain nombre de dispositions seront toutefois débattues en séance.
Les réformes du règlement du Sénat ont toujours été inspirées par notre tradition de pluralisme sénatorial. Aussi sont-elles presque toujours assez consensuelles. J’ai pu vérifier, en auditionnant tous les présidents de groupe et tous les présidents de commission, que c’était une fois de plus le cas pour cette proposition de résolution. Je m’en réjouis, car nous sommes tous témoins des difficultés que, dans d’autres assemblées, la modification du règlement peut susciter entre les différents groupes.
Nous sommes, il est vrai, beaucoup plus avancés que l’Assemblée nationale dans la modernisation de nos procédures. Je me réjouis de constater que beaucoup de dispositions adoptées au cours des années récentes, notamment ce qu’il est convenu d’appeler la « réforme Larcher » de 2015, ont constitué une source d’inspiration pour celle-ci : législation en commission, contrôle du respect du domaine de la loi et du règlement, droit de réplique pendant les questions d’actualité au Gouvernement. Le Sénat peut être fier de ses initiatives qui ont permis d’améliorer nos procédures, tout en respectant les droits des groupes minoritaires et d’opposition, initiatives qui aujourd’hui semblent devoir faire école.
Malgré son volume, le texte que j’ai l’honneur de rapporter présente une portée volontairement limitée et un objectif beaucoup plus humble que les réformes de fond de notre règlement auxquelles nous avons déjà procédé ensemble. Cet objectif a beau être plus modeste, il est tout autant essentiel : il s’agit de clarifier, de simplifier et de codifier, bref de réécrire à droit quasi constant notre droit parlementaire pour le rendre enfin plus lisible.
J’apprécie tout particulièrement de voir disparaître des dispositions du règlement que j’ignorais et qu’il a fallu exhumer pour l’occasion, car elles étaient tombées en désuétude. En cas d’urgence, par exemple, le règlement actuel prévoit que les délégations de vote sont faites « par télégramme », avec l’obligation de transmettre une lettre de confirmation dans les cinq jours. Visiblement, les auteurs de notre règlement ignoraient tout des nouvelles technologies en usage au Sénat !
Notre règlement dispose également que les pétitions sont réunies au sein d’un « feuilleton », qui n’est plus publié depuis de très nombreuses années.
Il mentionne encore des questions orales avec débat, mais celles-ci n’ont plus d’utilité depuis la création des débats d’initiative sénatoriale en 2009.
Enfin, pour les scrutins publics, le règlement actuel prévoit que les secrétaires doivent se réunir – très précisément – dans le couloir droit de l’hémicycle pour les votes « pour » et dans le couloir gauche pour les votes « contre »,…
Mme Éliane Assassi. C’est bizarre ! (Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. Philippe Bas, rapporteur. … ce qui n’est pourtant plus le cas en pratique depuis longtemps. Cette disposition n’a donc pas de raison de subsister – n’est-ce pas, madame la présidente Assassi ?
M. André Reichardt. Absolument !
M. Philippe Bas, rapporteur. Certaines procédures sont également inutilement complexes, vous en conviendrez. C’est le cas, notamment, des mécanismes de « double annonce », monsieur Sueur, qui président encore à certaines procédures de nomination en séance, tandis que certaines obligations annuelles mériteraient d’être allégées et leur périodicité réduite.
Enfin, il y a parfois dans nos règles une forme de laconisme, de concision, qui peut paraître excessive et déboucher sur une certaine obscurité de nos procédures, lesquelles ne sont fixées qu’au travers de règles coutumières. Loin de vouloir absolument tout figer par des normes écrites, les plus importants de ces usages gagneraient à figurer expressément ou plus explicitement dans notre règlement. Cette révision se fait à droit constant, car ces coutumes s’appliquent déjà effectivement. C’est du droit non écrit qui deviendrait écrit, l’objectif étant d’en trouver la référence dans notre règlement pour que nous sachions mieux à quoi nous en tenir.
Mon travail était déjà largement engagé par les travaux qui l’ont précédé. Je n’ai eu qu’à vérifier que la proposition de résolution se faisait bien à droit constant : j’en atteste. J’ai aussi été très soucieux de respecter l’esprit de cette modification du règlement. Nous pouvons, bien sûr, réfléchir à des évolutions plus profondes, même si celles auxquelles nous avons procédé sont encore très récentes puisqu’elles datent de 2015. Quoi qu’il en soit, si une réforme institutionnelle devait aboutir, il faudrait bien que nous en tirions les conséquences sur notre règlement. Le moment venu, nous aurons à nous poser tout un ensemble de questions. C’est la raison pour laquelle j’ai été très attentif à ne pas changer les équilibres profonds et consensuels qui existent dans nos procédures parlementaires.
J’ai néanmoins proposé quelques apports avec beaucoup de prudence et de précaution. La commission a bien voulu me suivre. C’est ainsi qu’est prévue plus explicitement dans le texte qui vous est soumis l’intervention de la conférence des présidents concernant les droits attribués aux groupes au début de chaque année.
C’est également le sens d’une autre mesure qui tend à préciser et à consacrer le rôle du président de la commission des finances et du président de la commission des affaires sociales dans le contrôle de recevabilité financière ou sociale.
Nous avons aussi intégré la jurisprudence du Conseil constitutionnel – c’est déjà du droit positif, mais ça n’était pas du droit écrit – en ce qui concerne la tenue de jours supplémentaires de séance sur demande du Gouvernement.
Par ailleurs, nous avons procédé à des clarifications techniques de procédure parlementaire concernant le vote par division et la seconde délibération. Nous avons adapté notre règlement à la mise en place du scrutin public électronique, prévue à compter du 1er octobre 2019, et pérennisé la mission de veille contre les « surtranspositions » confiée jusqu’à présent à la commission des affaires européennes à titre expérimental et qui n’a plus à démontrer sa pertinence.
Je tiens, pour conclure, à saluer cet effort utile de clarification de nos règles. Il ne s’agit peut-être que d’une première étape, mais c’est une étape nécessaire. Il était judicieux de ne pas mélanger les genres et de s’appliquer à cet objectif de lisibilité, de maniabilité, de clarté, de modernité de notre règlement, avant d’entreprendre, le cas échéant, une révision plus profonde, qui devra, naturellement, être précédée de nombreuses concertations entre les différents groupes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, mes chers collègues, nous sommes appelés à débattre d’une proposition de résolution visant à clarifier, à simplifier et à actualiser le règlement du Sénat pour le rendre plus lisible.
Outre des modifications rédactionnelles à l’évidence pléthoriques concernant presque les deux tiers des articles de notre règlement, cette proposition de résolution vise trois objectifs.
Elle vise tout d’abord à garantir la lisibilité et l’intelligibilité du règlement intérieur par la simplification et la clarification de la rédaction de certains articles, à l’instar de la règle de l’« entonnoir » ou encore de la procédure des propositions de résolution européenne, ainsi que par le rassemblement systématique des dispositions de nature semblable au sein d’articles ou de chapitres dédiés. Ainsi constate-t-on la création d’un chapitre spécifique aux organismes extraparlementaires ou la création d’un chapitre spécifique à l’organisation des travaux de commission.
Elle vise ensuite à simplifier et à assouplir notre ossature procédurale, en allégeant l’examen en séance publique – je pense notamment à la suppression, pour les procédures de nomination, des mécanismes de « double annonce » en séance publique –, en convertissant certaines obligations réglementaires annuelles en obligations pluriannuelles, à l’image de l’obligation de déclaration comme groupe d’opposition ou minoritaire, et, enfin, en introduisant une pointe de fluidité organisationnelle dans la planification des travaux par la conférence des présidents. Il s’agit en particulier de prévoir l’envoi, par le Premier ministre, des demandes d’inscription à l’ordre du jour prioritaire au plus tard la veille de la réunion de la conférence, ou de consacrer un délai pour la communication des sujets de contrôle.
Elle vise enfin à ajuster de façon bienvenue le cadre réglementaire à la réalité concrète des pratiques sénatoriales, en entérinant une certaine praxis sénatoriale, à l’image des modalités de remplacement d’un membre du bureau ou d’un membre de commission hors session, ou encore de la possibilité pour une commission permanente de nommer plusieurs rapporteurs sur un texte. Il s’agit, en outre, de supprimer des dispositions jugées désuètes ou inappliquées. Je pense au scrutin public ordinaire en cas de doute sur la commission compétente, à la référence aux procès-verbaux, à l’annonce du dépôt en séance des textes législatifs ou encore au dispositif des questions orales avec débat sur des sujets européens.
Surtout, un signe ne trompe pas : cette révision du règlement s’opère à droit quasi constant et suivant une procédure de législation partielle en commission. Voilà bien une preuve, s’il fallait nous en convaincre, que notre outillage réglementaire ne manque pas de souplesse dans ses modalités d’exécution.
Notre groupe fait tout de même valoir quelques réserves de fond.
L’article 8 du règlement est modifié de telle sorte que ce sont désormais les « présidents » et non plus les « bureaux » des groupes politiques qui remettent au président du Sénat la liste des candidats qu’ils ont établie pour siéger dans les commissions permanentes, sans préjudice – cela va sans dire – de la règle de proportionnalité. L’aspect discrétionnaire de la chose, renvoyant le souci de collégialité à une affaire de pratiques, semble, en cela, peu avisé.
La modification de l’article 75 bis vise, quant à elle, à supprimer le temps de parole de « deux minutes et demie » prévu pour les questions d’actualité au Gouvernement, renvoyant sa fixation « temporelle » à la conférence des présidents. Nous doutons encore de l’opportunité d’une telle mesure.
Nous aurions enfin souhaité apporter quelques utiles précisions sur le cadre applicable aux commissions d’enquête sénatoriales. L’affaire Benalla a révélé une pratique peu conforme à l’esprit transpartisan qui caractérise d’ordinaire une enquête sénatoriale. En effet, les membres de la commission des lois auraient sans doute apprécié de prendre connaissance, avant la levée de l’embargo médiatique, du rapport sur la base duquel ils étaient appelés à se prononcer.
En dépit de ces quelques remarques, notre groupe apporte son soutien à cette révision.
M. Philippe Bas, rapporteur. Merci !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président du Sénat, cette réforme du règlement que vous nous présentez intervient dans un contexte pour le moins agité sur le plan institutionnel.
L’incertitude est grande concernant l’avenir du projet de réforme constitutionnelle du Président de la République et des projets de loi organique et ordinaire qui l’accompagnent. Si le retrait de l’inscription dans la Constitution d’un recul important concernant les droits du Parlement est un acquis, le fait de renvoyer ces modifications aux règlements des assemblées ne nous rassure pas.
Le débat qui vient de se dérouler à l’Assemblée nationale, la réforme de son règlement votée – c’est une première ! – par la seule majorité, soulignent que les mauvais coups annoncés et portés durant un temps par Emmanuel Macron peuvent venir d’ailleurs.
Cette réforme menée à l’Assemblée nationale confirme les violences faites au droit d’expression en matière tant de droit d’amendement que de temps de parole, là-bas, au Palais-Bourbon, comme ici, au Sénat. Limitation sans fin du temps de parole, rabougrissement du droit d’amendement, anéantissement de la possibilité de déposer des propositions alternatives et confinement de la séance publique au strict nécessaire : tout cela n’augure rien de bon pour l’avenir du pouvoir législatif.
Ce qui fait la force des assemblées, c’est le débat, c’est la participation à l’élaboration de la loi, c’est le droit de modifier, voire de repousser, les propositions gouvernementales. Un Parlement qui ne débat plus, qui ne met pas en évidence la confrontation des idées, qui ne pousse plus la population à la réflexion en présentant des arguments bien étayés est un Parlement moribond ! Une démocratie qui perd son socle parlementaire est une démocratie vacillante, au bord du précipice.
Pour tout vous dire, mes chers collègues, je ne comprends pas cette course à l’efficacité, chère au président Macron, mais relayée ici par la majorité. Les contradictions se multiplient d’ailleurs. Mercredi dernier, monsieur le président du Sénat, vous vous êtes inquiété, à juste titre, de la généralisation de la procédure accélérée pour l’examen des projets de loi et du recours aux ordonnances. Mais ne croyez-vous pas que la pression de l’exécutif est d’autant plus efficace que les assemblées se démunissent elles-mêmes de leur capacité d’exister, de peser, de faire respecter la Constitution ?
Mme Laurence Cohen. Exactement !
Mme Éliane Assassi. Cet aveuglement est incompréhensible, à moins de supposer qu’il existe un accord sur le fond entre l’ensemble des partisans de l’ordre libéral qui exige l’affaiblissement des pouvoirs du Parlement, institution considérée comme un obstacle à l’expansion de l’économie mondialisée.
M. Roger Karoutchi. N’exagérons rien !
Mme Éliane Assassi. Le Sénat qui a pourtant su montrer son utilité, sans doute du fait de son rapport étroit avec les préoccupations locales, peut se ressaisir et envoyer le signal que le Parlement dans notre République ne doit pas se désarmer. Or son arme, c’est le droit de s’opposer et celui de proposer !
La réforme que vous nous présentez serait à droit quasi constant.
M. Philippe Bas, rapporteur. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. Le terme « quasi » signifie néanmoins que des modifications sont apportées.
M. Philippe Bas, rapporteur. Simple honnêteté intellectuelle…
Mme Éliane Assassi. Nous estimons que c’est dans le domaine des irrecevabilités que l’évolution est marquante. Sur le fond, n’est-il pas curieux d’assister à l’automutilation de ses prérogatives par une assemblée elle-même ?
Il fut un temps, pas si lointain, où la majorité sénatoriale résistait à l’extension infinie des irrecevabilités. MM. Arthuis et Marini, tous deux anciens présidents de la commission des finances et anciens rapporteurs généraux du budget, n’ont-ils pas proposé eux-mêmes d’abroger l’article 40 de la Constitution, ouvrant la voie à une plus grande capacité d’initiative financière du Parlement ?
M. Hyest, rapporteur de la commission des lois sur le projet de révision constitutionnelle de 2008, ne s’est-il pas opposé avec ses collègues au transfert aux présidents des assemblées de la mise en œuvre de l’article 41 de la Constitution, c’est-à-dire l’irrecevabilité dite « réglementaire » ? M. Hyest, pour défendre l’amendement visant à supprimer cette extension de l’irrecevabilité, déposé par la commission des lois du Sénat, déclarait dans son rapport : « Par ailleurs, on ne peut écarter que cette irrecevabilité, dès lors qu’elle serait soulevée à l’initiative des présidents des assemblées, soit appliquée lors du dépôt des amendements […] Le droit d’expression des parlementaires en serait affecté. »
Monsieur le président-rapporteur de la commission des lois, pourquoi ce que votre illustre prédécesseur affirmait il y a dix ans ne serait-il plus d’actualité aujourd’hui ? S’agit-il de faire des concessions au nouveau monde de M. Macron, celui de la start-up nation ?
La proposition du président Larcher fait entrer pleinement dans le règlement une conception particulièrement extensive de l’irrecevabilité, qui met en péril le droit d’amendement. En effet, les amendements seraient de plus en plus réduits à des commentaires de projets de loi et ne seraient plus que cela.
Nous soulignerons également, lors de la présentation de nos amendements, l’extension de la règle de l’entonnoir, qui, selon notre interprétation, pourrait devenir la règle dès la première lecture. Plusieurs présidents de groupe ont pourtant protesté contre ce développement des irrecevabilités qui tue le débat et désorganise la séance publique elle-même, comme nous le verrons tout à l’heure lors de l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique. J’espère qu’ils soutiendront notre démarche.
Pourquoi se précipiter ainsi, monsieur le président ? Pourquoi graver dans le marbre du règlement des dispositions qui limitent encore nos pouvoirs de parlementaires ?
J’évoquais l’incertitude du contexte. Pourquoi ne pas attendre confirmation ou infirmation de la réduction du nombre de parlementaires, autre grande menace contre nos assemblées, pour modifier un règlement qui devra tenir compte de cette éventuelle évolution ? Pourquoi cette précipitation ?
Nous avons voulu cette discussion en séance publique, car l’heure est au redressement du Parlement et non à son avilissement.
Nous sommes porteurs de propositions et nous souhaitons qu’elles soient examinées au grand jour et ne restent pas confinées à une salle de commission.
En tout état de cause, si nos propositions de défense des droits du Parlement sont repoussées, nous ne voterons pas cette proposition de résolution, car elle valide et aggrave l’état existant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président du Sénat, je veux tout d’abord saluer votre initiative, vous qui nous proposez une nouvelle écriture du règlement, lequel, mes chers collègues, est notre bien commun et régit l’activité parlementaire au Sénat. Il était nécessaire de faire évoluer un certain nombre de rédactions, comme l’a très bien dit notre président-rapporteur, Philippe Bas.
Il est vrai que la réforme constitutionnelle, dont on peut penser qu’elle est menacée ou risque de ne jamais avoir lieu, serait utile, y compris pour le fonctionnement du Sénat et de l’Assemblée nationale. Je rejoins Mme Assassi lorsqu’elle considère inacceptable – vous-même l’avez dit, monsieur le président du Sénat – que la procédure d’urgence soit, de fait, la procédure commune et généralisée. Il faudrait, pour le moins, que la conférence des présidents d’une assemblée puisse, dans un certain nombre de cas, s’opposer à ce que le Gouvernement impose la procédure d’urgence.
Le Sénat et l’Assemblée nationale ont vécu de très nombreuses années durant lesquelles la navette, la double lecture, était la règle, ce qui permettait de bien travailler et de peaufiner l’écriture des textes. Et cela fonctionnait – vous vous en souvenez, monsieur le président –, avec des explications de vote ou des présentations d’amendements qui duraient cinq minutes. Je ne sais pas comment nous faisions alors. Sans doute y avait-il moins de lois. Peut-être faudrait-il que de nouveau il y en ait un peu moins…
De même, s’agissant des propositions de loi, je ne me résous pas à ce temps perdu, à ce gâchis de travail parlementaire induit par le fait qu’une proposition de loi adoptée par une assemblée ne parvient que très rarement – ce fut le cas pour les trois quarts des propositions de loi examinées par notre commission des lois au cours des dernières années ! – à être inscrite à l’ordre du jour de l’autre assemblée. (Mme Marie-Thérèse Bruguière acquiesce.)
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Il serait sage de prévoir, comme l’avait suggéré un ancien président de la commission des lois, qu’une proposition de loi adoptée par une assemblée soit nécessairement examinée par l’autre assemblée dans l’année qui suit ; à défaut se poserait une grande difficulté. Certaines mesures, tout à fait nécessaires, n’arrivent jamais jusqu’à l’Assemblée nationale quand bien même elles ont été adoptés ici à l’unanimité !
M. Loïc Hervé. Eh oui !
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Comment s’en sortir ? J’ai trouvé la solution – je ne suis d’ailleurs pas le seul –, laquelle consiste à transformer une proposition de loi en amendement.
M. Loïc Hervé. Ah !
M. Jean-Pierre Sueur. Or, de par la nouvelle jurisprudence relative à l’article 45 de la Constitution, alors que nous n’avons pas d’autre moyen pour inscrire dans la loi des dispositions figurant dans une proposition de loi, souvent adoptée à l’unanimité par le Sénat, que de les déposer sous la forme d’un amendement, celui-ci est retoqué sur le fondement dudit article.
Faudra-t-il en revenir à ce que nous avons connu jadis, c’est-à-dire aux propositions de loi et projets de loi « portant diverses dispositions » d’ordre social, ou relatives aux collectivités locales, ou encore d’ordre financier ? Dans ce cas en effet, l’objet du texte étant divers, l’article 45 ne s’applique pas.
Il faut trouver une solution parce qu’il n’est pas acceptable que l’initiative parlementaire soit ainsi dévoyée et que l’on ne puisse pas faire aboutir les propositions de loi qui sont déposées.
Je souhaite revenir sur quelques autres points. Je vous remercie tout d’abord, monsieur le rapporteur, d’avoir bien voulu intégrer dans cette proposition de résolution le dispositif que j’avais présenté avec notre collègue Franck Montaugé dans le cadre d’une précédente proposition de résolution. Celui-ci, qui a été validé par le Conseil constitutionnel, prévoit ainsi que le rapporteur d’un texte le demeure après l’adoption et la promulgation de ce dernier, jusqu’à la fin du mandat, et qu’il peut être remplacé après cette échéance par un autre rapporteur désigné par la commission.
Quel en sera l’effet concret ? Il n’y aura pas forcément des rapports ou des communications à n’en plus finir. Le rapporteur aura simplement l’obligation, chaque année, de vérifier que les décrets et arrêtés prévus ont bien fait l’objet d’une publication. S’il apparaît au bout de deux ans que la plupart des décrets n’ont pas été publiés – vous le savez, je n’invente rien ! –, alors le président de la commission invitera le ministre concerné à rendre des comptes devant la commission.
Il s’agira donc pour nous d’avoir une attitude extrêmement active en matière d’application des lois. Nous avons beau être toujours très heureux de voter une loi, si celle-ci, pendant plusieurs années, ne s’applique pas, alors nous n’obtenons pas le résultat que nous recherchions.
J’aurai l’occasion de revenir lors du débat sur la question des commissions d’enquête.
Il serait souhaitable, à la lumière d’une commission d’enquête récente, de poser comme règle le caractère public des auditions au sein de telles commissions. Je proposerai dans un amendement que la commission d’enquête elle-même puisse décider le huis clos si des circonstances ou des considérations d’ordre personnel le justifient.
Le fait que les commissions d’enquête agissent, travaillent, auditionnent en toute transparence constitue selon moi un acquis, et personne ne comprendrait désormais que l’on revînt en arrière.
Je voudrais exprimer quelques regrets s’agissant de la partie du texte qui a été examinée en commission.
Il aurait ainsi été sage d’appliquer à nos collègues représentant les Français de l’étranger les règles dont bénéficient les sénateurs des outre-mer, notamment en termes de contraintes liées à la présence lors des votes. Ils sont en effet pratiquement dans la même situation. Nos collègues représentant les Français de l’étranger, et en particulier Mme Claudine Lepage, que je salue, le demandent. Il eût été très positif de reprendre cette disposition ; mais comme l’article concerné est issu d’une procédure de législation en commission, nous n’y reviendrons pas.
De la même manière, il serait sage de revoir l’ordre d’examen des motions de procédure dans le cas d’une proposition de loi référendaire. Il semble que l’article 11 de la Constitution de 2008 ait été prévu pour ne pas servir, car il est difficilement envisageable qu’il soit utilisé… Nous verrons !
Quoi qu’il en soit, l’ordre des motions, sur lequel nous reviendrons lors de l’examen des amendements, peut être déterminant à cet égard.
Enfin, notre règlement comporte des dispositions relatives aux collaborateurs des parlementaires. J’ai proposé lors de l’examen en commission – nous n’y reviendrons donc pas, c’est pourquoi j’évoque ce point à la tribune – un amendement tendant à rédiger ainsi l’article 102 bis du règlement : « Les sénateurs peuvent employer sous contrat de droit privé des collaborateurs qui les assistent dans l’exercice de leurs fonctions, à l’exclusion de toute autre tâche, et dont ils sont les employeurs directs. […] ». J’insiste sur les mots « à l’exclusion de toute autre tâche ».
Cet amendement qui me paraît de bon sens – l’histoire récente montre qu’il ne serait pas totalement inutile ! – n’a pas été retenu par la commission. Je n’ai toujours pas compris pourquoi.
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous aurons l’occasion d’en discuter !
M. Jean-Pierre Sueur. Car si cela va sans dire, monsieur le rapporteur, il est des circonstances dans lesquelles cela va mieux en le disant. Ce serait une protection tant pour les sénateurs que pour leurs collaborateurs qu’il fût clairement écrit que ceux-ci ont pour tâche d’assister les sénateurs dans l’exercice de leurs fonctions, à l’exclusion de toute autre tâche.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, mes chers collègues, comme l’a rappelé le président-rapporteur Philippe Bas lors de la présentation de son rapport et de l’examen selon la procédure de législation en commission, le texte que nous examinons aujourd’hui est de faible portée politique. Il procède simplement du souhait du président du Sénat d’expurger notre règlement de références obsolètes, dont certaines sont des survivances de la IIIe République.
Je ne doute pas que les plus historiens d’entre nous verront disparaître avec un peu de nostalgie les références aux « télégrammes » et aux « feuilletons », lesquels n’avaient alors rien à voir avec Dallas ! C’était la grande époque du parlementarisme, qui a coïncidé avec le développement des progrès techniques ayant soutenu la croissance et la mondialisation au siècle dernier, que l’on pense à la construction de grands réseaux câblés à travers le monde ou à l’établissement du réseau de pneumatiques dans Paris. Leur développement ne s’est pas fait sans heurts. Ces histoires ne doivent pas être oubliées et sont porteuses de nombreuses leçons pour les nouvelles générations chargées de promouvoir les innovations futures.
D’autres suppressions proposées, comme celle des questions orales avec débat remplacées par les débats d’initiative parlementaire, soulignent la capacité de notre Haute Assemblée à se rénover, servant souvent de modèle à l’Assemblée nationale. Bien que des marges d’évolution demeurent, les questions qui agitent aujourd’hui nos collègues députés ont depuis plus longtemps trouvé des réponses apaisées ici, qu’il s’agisse de la régulation du temps de parole en séance publique ou de l’allégement de la procédure parlementaire pour l’examen des réformes consensuelles. L’application de la procédure de législation en commission, la PLEC, à cette réforme du règlement en est le parfait exemple.
Pour autant, et je l’évoquais à l’instant, certaines dispositions de notre règlement pourraient être remises en discussion sur le fond dans les mois à venir, comme le président du Sénat s’y était engagé lors de la préparation de la réforme institutionnelle.
Nous allons le voir, certains de nos collègues souhaitent les aborder dès à présent. Le président Bizet a par exemple exprimé sa volonté, au nom de la commission des affaires européennes, de renforcer le rôle d’alerte de cette dernière.
Mais je pense, d’abord, aux procédures d’application des règles d’irrecevabilité. Elles contraignent fortement notre capacité d’action et ne sont pas suffisamment motivées, donc prévisibles. De façon générale, chaque fois que le Sénat cherche à se montrer vertueux dans la rationalisation de son activité parlementaire, il s’instaure une asymétrie de prérogatives entre lui et le Gouvernement, ou entre lui et l’Assemblée nationale.
C’est le cas en matière de recevabilité des amendements, alors que la politique de l’Assemblée nationale en la matière donne à nos collègues de plus grandes marges de manœuvre, quand bien même leurs initiatives sont ensuite censurées par le Conseil constitutionnel. Il n’en demeure pas moins que leurs propositions demeurent inscrites au compte rendu et peuvent nourrir les réflexions futures du législateur.
C’est également le cas en matière de règles régissant le dépôt d’amendements, tandis que les sénateurs souffrent de délais plus contraints que le Gouvernement et tandis que la procédure accélérée est progressivement devenue la norme. Si, dans un premier temps, le parlementarisme rationalisé a fait ses preuves, je crois que, avec l’adaptation continue des pratiques parlementaires au nouveau cadre constitutionnel, il a échoué à améliorer la qualité de la loi, ce qui devrait pourtant être le premier des objectifs à rechercher. Des modifications du règlement pourraient être envisagées pour pallier ces limites, en faisant par exemple plus strictement observer le délai de réflexion de deux semaines entre l’examen en commission et l’examen en séance.
Certains considèrent que le poids des lobbies et la porosité du Parlement à leur endroit est le premier responsable de cette dégradation législative. J’en fais une autre lecture. Je pense en effet que les réponses législatives aux problèmes concrets que rencontrent nos concitoyens pâtissent davantage des tentatives de contournement de règles d’irrecevabilité trop rigides et du rythme d’examen dorénavant extrêmement, voire trop, soutenu, amplifié depuis le passage au quinquennat. Ces deux contraintes combinées dégradent considérablement notre capacité d’analyse et de formulation de solutions.
Enfin, d’autres sujets pourraient être abordés à droit constitutionnel constant : le renforcement des droits des groupes minoritaires ou d’opposition notamment, avec l’introduction de la possibilité de leur attribuer le rapport lors de l’examen d’une proposition de loi déposée dans le cadre de leur ordre du jour réservé, comme je l’avais proposé.
Enfin, tant l’affaire Fillon que l’évolution des rapports institutionnels, plaçant le Sénat en situation de « seul pouvoir constitutionnel non aligné », pour reprendre les mots du président Bas, ont ouvert la question des moyens humains mis à la disposition des parlementaires. Aux côtés de l’administration parlementaire, les collaborateurs dont nous nous entourons pourraient être ainsi mieux associés à nos travaux. Le groupe du RDSE porte ce sujet depuis longtemps.
Nous avons conscience qu’il ne s’agit pas là du meilleur véhicule pour débattre de toutes ces questions : il n’a pas été conçu comme tel. Nous resterons donc dans une attitude d’écoute attentive aux propositions des uns et des autres, sans dévier de l’objectif initial. À moyen terme, si l’ajournement de la réforme institutionnelle sine die écarte la nécessité d’adapter nos règles de fonctionnement intérieures à l’évolution de notre loi fondamentale, il ne devrait pas retarder ces débats que beaucoup d’entre nous jugent vitaux pour l’avenir du parlementarisme.
Le groupe du RDSE soutiendra cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, mes chers collègues, qu’il s’agisse de la suppression de la référence aux procès-verbaux qui n’existent plus depuis mars 2009 ou encore de celle des questions orales avec débat qui, elles non plus, n’existent plus depuis la même année et la création des débats d’initiative sénatoriale, il était temps de dépoussiérer notre règlement.
Je salue donc la proposition de résolution qui nous est présentée aujourd’hui par le président Larcher, car j’estime qu’elle est de bon sens.
Cette proposition de résolution répond à des objectifs que je trouve particulièrement pertinents. Car l’application du triptyque visant à rendre plus lisible et plus facile d’accès le règlement, à simplifier et alléger certaines procédures, de même qu’à codifier des pratiques préexistantes et supprimer des dispositions obsolètes ou inappliquées, me semble d’une double utilité.
Tout d’abord, il s’agit d’améliorer à droit « quasi constant » le travail quotidien du Sénat. C’est en quelque sorte notre « acte II » des réformes Larcher, traduisant la constance et la cohérence de la présente proposition de résolution qui fait écho à celle de 2015 sur la réforme des méthodes de travail du Sénat, dans le respect du pluralisme, du droit d’amendement et de la spécificité sénatoriale.
Par la suite, il s’agit de montrer l’exemple en n’appliquant rien de moins que des objectifs de valeur constitutionnelle d’accessibilité, d’intelligibilité et de clarté de notre règlement auprès de nos concitoyens. Je l’évoquais, la résolution de 2015 avait pour objectif de rendre le Sénat plus présent, plus moderne et plus efficace. C’est également l’objet de la discussion de ce jour.
Un Sénat plus présent, c’est un Sénat qui pérennise la mission de veille contre les surtranspositions, mission confiée à la commission des affaires européennes.
Un Sénat plus moderne, c’est un Sénat qui adapte son règlement à la mise en place du scrutin public électronique, prévue à compter du 1er octobre prochain.
Un Sénat plus efficace, c’est un Sénat qui allège la séance publique, facilite la planification des travaux par la conférence des présidents, ou encore intègre des règles relevant de la pratique.
Cet utile effort de clarification supprime des dispositions qui recueillaient un large et rare consensus politique quant à leur obsolescence, qu’il s’agisse des délégations de vote « par télégramme » ou des pétitions réunies au sein d’un « feuilleton » qui n’est plus publié depuis de nombreuses années. Comment, par ailleurs, ne pas soutenir la suppression d’une mesure découverte lors de l’examen de cette proposition de résolution, selon laquelle, lors des scrutins publics, les secrétaires doivent se tenir dans le couloir droit de l’hémicycle pour les votes « pour » et dans le couloir gauche pour les votes « contre » ?
De telles dispositions sont anachroniques et leur suppression est la bienvenue.
Je tiens également à saluer le travail exemplaire de la commission des lois, dont le rapporteur a soutenu les propositions de nombreux collègues – ils ont vu leurs amendements adoptés et intégrés –, accueillant avec bienveillance les contributions diverses à l’amélioration et la modernisation de notre charte commune.
Nous pouvons être fiers de l’exemplarité avec laquelle se sont tenus des échanges inscrits dans la tradition du pluralisme sénatorial et ne donnant pas lieu à de bruyantes et contre-productives postures. Je tiens à me féliciter de la méthode, avec une consultation constructive de tous les groupes politiques en amont, ainsi que des échanges nourris entre le rapporteur et l’ensemble des présidents de groupe et de commission pour s’assurer de l’absence d’objections à cette révision et recueillir leurs suggestions bienvenues.
Cette résolution sort enrichie de débats constructifs, qu’il s’agisse des droits attribués aux groupes au début de chaque année, des précisions quant au contrôle de recevabilité financière ou sociale, mais également des conditions de travail de nos collaborateurs, avec la pérennisation d’une cellule d’écoute et d’accueil pour assurer un travail parlementaire juste et équilibré.
Faire évoluer le Sénat et son fonctionnement au quotidien, c’est améliorer son image et participer d’une plus grande transparence de son fonctionnement et de son apport non négligeable au travail parlementaire. Vous le savez, notre institution est parfois la mal-aimée de la République, car incomprise, critiquée car à l’écart de la politique médiatique, celle-là même qui se trouve être à bout de souffle et ne convient plus à nos concitoyens.
Loin d’une institution obscure, cette proposition de résolution donne les moyens de faciliter et simplifier le travail parlementaire. Loin d’une institution sclérosée, cette proposition de résolution illustre une institution qui se donne les moyens de la transparence et de la modernisation.
D’ailleurs, je constate que plusieurs innovations issues de la « réforme Larcher » de 2015 ont inspiré nos collègues de l’Assemblée nationale, qu’il s’agisse du contrôle du respect du domaine de la loi et du règlement, de la législation en commission. Le Sénat peut être assurément fier de ses initiatives qui ont permis d’améliorer nos procédures tout en respectant les droits des groupes minoritaires et d’opposition.
Si, dans un second temps, des modifications de fond plus substantielles sont envisageables, en écho aux réformes institutionnelles à venir, cette proposition de résolution traduit un exercice consensuel et pragmatique de remise en cause constructive et d’améliorations textuelles qui rendront, j’en suis convaincu, le travail parlementaire encore plus efficace.
Le groupe Union Centriste votera assurément en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Roger Karoutchi. On veut un aussi bon discours que la dernière fois !
M. Claude Malhuret. Le sujet d’aujourd’hui est plus technique !
M. Philippe Pemezec. Ne perdez pas vos bonnes habitudes !
M. Claude Malhuret. Monsieur le président du Sénat, en avril dernier, après avoir consulté tous les groupes politiques, vous avez déposé une proposition de résolution visant à clarifier et à actualiser le règlement de notre assemblée.
En effet, mes chers collègues, la sédimentation de ses dispositions au fil des années – pour ne pas dire des Républiques – rend souvent notre règlement difficile d’accès, se traduisant par des règles éparses, des mesures parfois totalement obsolètes ou encore des procédures inutilement complexes.
Texte très technique, cette proposition de résolution modifie une centaine d’articles de notre règlement – soit presque les deux tiers du nombre total d’articles qu’il contient – et tend à créer une vingtaine d’articles nouveaux.
Cette proposition de résolution répond à un triple objectif, qui se caractérise par son aspect à la fois simple et pragmatique : clarifier, simplifier et codifier.
Clarifier, tout d’abord, en rendant plus lisible et plus facile d’accès le règlement du Sénat ; simplifier, ensuite, en allégeant certaines procédures en séance publique, en rendant pluriannuelles certaines obligations annuelles ou encore en facilitant la planification des travaux par la conférence des présidents ; codifier, enfin, des pratiques préexistantes ou résultant de la conférence des présidents, mais également supprimer des dispositions obsolètes ou inappliquées.
Je tiens à saluer, à cette tribune, le travail du rapporteur et président de la commission des lois, notre collègue Philippe Bas, qui, pleinement respectueux de la démarche lancée par le président Gérard Larcher, a tenu à en conserver l’esprit et n’a donc pu retenir les amendements qui tendaient à proposer des innovations ou des évolutions trop éloignées de nos méthodes de fonctionnement actuelles.
Dans ce cadre, je me félicite de ce que la commission ait prévu plus explicitement l’intervention de la conférence des présidents concernant les droits attribués aux groupes au début de chaque année, pour lui permettre d’examiner avec souplesse leur situation, notamment si des modifications importantes intervenaient en cours d’année parlementaire.
Je me réjouis également que la commission ait consacré et précisé le rôle des présidents des commissions des finances et des affaires sociales dans le contrôle de recevabilité financière ou sociale, et qu’elle ait intégré la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la tenue de jours supplémentaires de séance sur demande du Gouvernement.
Enfin, je voudrais mettre l’accent sur l’utilité de deux autres dispositions : l’adaptation de notre règlement à la mise en place du scrutin public électronique, prévue à compter du 1er octobre 2019, d’une part, et la pérennisation de la mission de veille contre les surtranspositions confiée à la commission des affaires européennes, d’autre part.
Mes chers collègues, cette proposition de résolution révisant le règlement du Sénat est à droit « quasi constant » : elle procède soit par des modifications de pure forme, soit par des reformulations de fond, soit encore par des harmonisations de régimes ou par l’explicitation de pratiques parlementaires ou de jurisprudences constitutionnelles.
Le groupe Les Indépendants approuve pleinement cet effort utile de clarification et de dépoussiérage de nos règles communes, dont l’initiative revient au président Larcher et qui a bénéficié en commission des apports et des amendements des différents groupes parlementaires.
Nous voterons donc sans réserve ces règles de droit parlementaire applicables au sein de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Mme Brigitte Micouleau applaudit.)
M. François Bonhomme. Monsieur le président, mes chers collègues, la proposition de résolution qui nous est soumise aujourd’hui est le fruit d’un effort de concertation effectué bien en amont. Ce travail a impliqué l’ensemble des groupes politiques de notre Haute Assemblée.
De prime abord, les changements apportés par cette proposition de résolution peuvent sembler considérables ou substantiels, dès lors qu’elle tend à modifier quasiment les deux tiers des articles du règlement du Sénat et à introduire une vingtaine de nouveaux articles.
Néanmoins, en dépit de son volume, le texte que nous examinons aujourd’hui s’articule autour d’un objectif distinct : celui de permettre à notre règlement de gagner en lisibilité et en cohérence. En effet, en l’état, la sédimentation successive des dispositions, année par année, a rendu ce dernier difficile d’accès, voire quelque peu ésotérique.
À titre d’exemple, les nombreuses règles dispersées en plusieurs chapitres contribuent à en complexifier la compréhension, ce qui n’est jamais bon. C’est notamment le cas des règles relatives à la composition et à la procédure de désignation du Bureau à la proportionnelle, actuellement dispersées entre les articles 2, 3 et 6.
Notre règlement comprend, en outre, un certain nombre de dispositions dont l’obsolescence n’est plus à prouver.
Concernant les délégations de vote, en son article 64, il précise ainsi : « En cas d’urgence, la délégation et sa notification peuvent être faites par télégramme, sous réserve de confirmation immédiate dans les formes prévues ci-dessus. En ce cas, la délégation cesse d’avoir effet à l’expiration d’un délai de cinq jours francs à compter de la réception du télégramme si, dans ce délai, une lettre de confirmation signée du délégant n’a pas été reçue par le Président du Sénat. » On voit sans difficulté le caractère périmé du texte.
En son article 89, le règlement dispose qu’un « feuilleton portant l’indication sommaire des pétitions et des décisions les concernant est distribué périodiquement aux membres du Sénat ». Or il faut sans doute faire appel au souvenir des plus anciens pour trouver trace d’un tel « feuilleton », qui n’a pas été publié au sein de notre assemblée depuis bien longtemps.
Concernant les scrutins publics enfin, en son article 56, le règlement actuel prévoit que « les sénateurs votant “pour” remettent au secrétaire qui se tient à l’entrée du couloir de droite de l’hémicycle un bulletin blanc » et que « les sénateurs votant “contre” remettent au secrétaire qui se tient à l’entrée du couloir de gauche de l’hémicycle un bulletin bleu ». Cela sent bon la IIIe République ! À l’instar du feuilleton portant l’indication sommaire des pétitions, une telle pratique ne s’applique plus depuis un certain nombre d’années.
Il faut, là aussi, remonter à Édouard Herriot…
M. Loïc Hervé. Un grand homme !
M. François Bonhomme. … pour retrouver trace de ces pratiques !
La présente proposition de résolution vise ainsi à clarifier et actualiser le contenu du règlement, afin de concourir à la clarté de la norme parlementaire et d’assurer une meilleure adéquation entre celle-ci et le travail parlementaire tel qu’il est effectué.
Nous accueillons donc favorablement cette proposition de résolution, et ce d’autant plus que la révision proposée se fait – cela a été dit – « à droit “quasi constant”, c’est-à-dire en procédant soit par modifications de pure forme (déplacements, modernisations de style), soit par reformulations de fond (recodifications, clarifications, simplifications), soit encore par des harmonisations de régimes ou l’explicitation de pratiques parlementaires ou de jurisprudences constitutionnelles ».
En effet, les changements ou ajouts opérés ne modifient pas la substance de la procédure parlementaire devant le Sénat. Ces derniers se limitent à reconnaître des usages devenus coutumiers ainsi qu’à clarifier et mettre à jour le règlement, notamment en élaguant des dispositifs devenus manifestement obsolètes. C’est ainsi le cas des articles relatifs aux délégations de vote par télégramme, qui sont remplacés par des dispositions sur le recours aux outils électroniques.
Cette démarche de simplification est donc la bienvenue et je remercie le président Larcher de cet effort salutaire de clarification de nos règles communes, qui est présenté comme une première étape avant d’envisager, dans un second temps – nous l’espérons tout du moins –, des modifications de fond bien plus substantielles.
Je pense que les réformes institutionnelles qui nous occuperont bientôt permettront d’évoquer ces questions et de prolonger nos efforts afin de rendre le travail parlementaire encore plus efficace.
Je ne doute pas que nous aurons, à ce titre, de nombreuses propositions à formuler afin de consolider les outils de contrôle de l’action du Gouvernement et de veiller à ce que les politiques publiques répondent aux attentes de nos concitoyens et de nos territoires.
Pour toutes ces raisons, je voterai donc en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
(Mme Catherine Troendlé remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bouloux.
M. Yves Bouloux. Madame la présidente, mes chers collègues, la proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le règlement du Sénat, que nous examinons cet après-midi, pourrait être un exercice succinct. Il s’agit, tout simplement, de prendre acte des dispositions de clarification et d’actualisation de notre règlement, introduites par le président Gérard Larcher et parfaites par la commission des lois du Sénat.
Comme le président-rapporteur Philippe Bas vient de nous le rappeler, il « s’est […] assuré que cette révision du règlement se fasse bien […] à droit “quasi constant”, c’est-à-dire en procédant soit par modifications de pure forme (déplacements, modernisations de style), soit par reformulations de fond (recodifications, clarifications, simplifications), soit encore par des harmonisations de régimes ou l’explicitation de pratiques parlementaires ou de jurisprudences constitutionnelles ».
Un objectif qui n’est pas sans rappeler, dans un autre registre, celui de la mission Balai, d’après le bien nommé bureau d’abrogation des lois anciennes et inutiles, de notre collègue Vincent Delahaye.
Hasard de calendrier, à l’Assemblée nationale, on débattait également, de façon plus spectaculaire qu’ici, il y a quelques jours, avec des centaines d’amendements déposés, d’une proposition de résolution tendant à modifier le règlement de celle-ci. On voit tout l’intérêt d’un Parlement bicaméral pour le bon fonctionnement de nos institutions, et toute l’importance du travail sénatorial pour l’apaisement du débat public.
Relevons tout de même un élément intéressant de notre débat, en commission la semaine dernière et en séance publique aujourd’hui : le présent texte laisse percevoir, dans cet hémicycle et dans l’autre chambre parlementaire, un vif débat que nous serons amenés à avoir dans le cadre d’une éventuelle future révision constitutionnelle.
J’identifie trois principaux enjeux, qui se manifestent par de petits amendements ou de courtes introductions dans le règlement, mais qui semblent illustrer une tendance profonde au sein de notre institution.
Le premier enjeu est celui de la place et du rôle des collaborateurs de groupe et collaborateurs parlementaires, avec les amendements portés par un certain nombre de nos collègues.
La création récente d’une instance de dialogue social entre sénateurs et collaborateurs ainsi que les premières élections professionnelles à la fin du mois semblent annoncer une affirmation du rôle des collaborateurs dans cette maison. La répartition factuelle du travail entre ceux-ci et les administrateurs doit être l’occasion non pas d’une forme de concurrence entre ces deux catégories d’interlocuteurs du sénateur, mais d’une réaffirmation de la place centrale du sénateur.
Le deuxième enjeu que j’identifie est celui de la place des groupes minoritaires dans les débats et travaux parlementaires. Le droit de ces groupes est un fondement incontournable du bon fonctionnement et de la vivacité de notre démocratie.
Le troisième enjeu est celui du droit d’amendement et la question de la recevabilité financière. J’ai vu passer, en particulier, des amendements visant à pousser la commission des finances à publier des avis motivés pour chaque décision de rejet pour irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution. Compte tenu du nombre d’amendements déposés par texte et de l’état de nos finances publiques, nous pourrions plutôt attendre des parlementaires que nous sommes, dans l’exposé des motifs, une meilleure évaluation des amendements et une justification de leur recevabilité ou soutenabilité du point de vue des finances publiques.
Cette question pourrait être posée à l’occasion d’une révision constitutionnelle.
En tout état de cause et de toute évidence, je suivrai l’avis du président et rapporteur Philippe Bas sur ce nouveau règlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. René Danesi.
M. René Danesi. Madame la présidente, mes chers collègues, cette proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le règlement du Sénat est la bienvenue. D’autant qu’elle ouvre la possibilité du dépôt ultérieur d’une proposition de résolution complémentaire comprenant des modifications de fond, après une nouvelle concertation avec les représentants des groupes.
La résolution de ce jour et la résolution ultérieure, déjà entrevue par le président Larcher, mettront notre procédure parlementaire définitivement à l’abri d’une révision institutionnelle totalement imprévisible dans le temps et dans ses formes.
Je place ma brève intervention dans cette optique, en soulevant deux points qui nécessitent un débat de fond.
Il s’agit, en premier lieu, de deux motifs d’irrecevabilité de nos amendements.
L’article 45, alinéa 1er, de la Constitution, prévoit que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».
Cette disposition est reprise aux articles 28 ter et 48, alinéa 3, du règlement du Sénat. Elle a même fait l’objet d’un vade-mecum, distribué par les services de notre assemblée.
Il ressort de ces dispositions qu’il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur ces cas d’irrecevabilité, appelés « cavaliers ».
L’appréciation du lien d’un amendement avec le texte étant d’ordre politique, elle doit nécessairement faire l’objet d’une réelle discussion en commission.
Pourtant, il semble que cela ne soit pas toujours le cas. Le plus souvent, le sort de l’amendement relève de la prédestination, décidée par les services et le président de la commission. Si l’amendement qui portait de douze à quatorze semaines le délai de l’IVG avait été soumis à la discussion de la commission, celle-ci se serait rendu compte qu’il se rattachait à la loi de façon très ténue et que son objet nécessitait un débat de fond. En conséquence, elle l’aurait fait passer à la trappe au nom de l’article 45, ce qui nous aurait évité un psychodrame en séance publique. (Murmures appuyés sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mais le cas le plus préoccupant concerne l’article 40 de la Constitution, selon lequel « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. »
Les articles 28 ter et 45 du règlement du Sénat confient le contrôle de la recevabilité financière à la commission des finances. Ce principe est réaffirmé par la présente proposition de résolution.
Comme précédemment, il ressort de ces dispositions que la recevabilité financière des amendements doit être discutée en commission, c’est-à-dire présentée aux commissaires avec le motif d’irrecevabilité.
Mais, en pratique, tout est décidé par les administrateurs et le président de la commission. Les amendements sont proprement « exécutés » au coin du bois ! Personne n’en entend plus parler puisqu’ils disparaissent de la circulation : ils deviennent les « invisibles du Sénat ».
Pourtant, la discussion en commission de la recevabilité financière des amendements permettrait de limiter l’extension démesurée de l’article 40 de la Constitution par le Sénat. Car l’Assemblée nationale, elle, ne transforme pas l’article 45 en robe de bure et l’article 40 en cilice !
En deuxième lieu, je veux évoquer le contrôle des ordonnances.
Aux termes de l’article 38 de la Constitution, « les ordonnances « deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation ».
Comme le Sénat est une assemblée permanente, tous les gouvernements ont pris l’habitude de déposer les projets de loi de ratification sur le bureau de notre assemblée. Les ordonnances étant d’application immédiate, le Gouvernement a ainsi tout le temps devant lui pour faire procéder à la ratification, le plus souvent au moyen d’articles figurant dans des projets de loi à portée générale comme la loi Pacte, ou même, au dernier moment, par voie d’amendement.
Le Parlement, dans ces conditions, n’a ni le temps ni les moyens de contrôler l’usage que le Gouvernement a fait de la délégation de son pouvoir législatif. Il arrive même qu’il n’y ait aucun contrôle du tout, car peu de lois de ratification sont inscrites à l’ordre du jour ès qualités. À l’issue de la session 2017-2018, il y avait ainsi un « stock » de 38 textes en instance.
À l’évidence, il existe là une carence du contrôle de l’action gouvernementale, que nos semaines prévues à cet effet ne comblent pas. Une concertation exigeante est donc à mener avec le Gouvernement pour permettre un contrôle continu des ordonnances, lesquelles devraient d’ailleurs être cantonnées à des sujets techniques, ce qui est loin d’être le cas actuellement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Je voudrais me réjouir de la qualité de la discussion générale, qui a fait apparaître – je le crois – une très large convergence en faveur de la proposition de résolution que nous présente le président du Sénat, Gérard Larcher.
J’en remercie, mes chers collègues, chacune et chacun d’entre vous. Vous vous êtes exprimés au nom de vos groupes. Vous vous êtes parfaitement inscrits dans le cadre assigné à cet exercice, qui est évidemment limité dans son ambition et sa portée. En effet, il s’agit d’assurer la lisibilité et la maniabilité de notre règlement afin de faciliter le bon déroulement de nos travaux, ce qui ne peut se faire que si le consensus sur les règles que nous appliquons est suffisamment large.
Naturellement, comme on pouvait s’y attendre – et je crois que c’est parfaitement justifié, ne serait-ce d’ailleurs que pour prendre date –, d’autres questions ont été abordées, parmi lesquelles celle des irrecevabilités, qui a « parcouru » de nombreuses interventions à la tribune.
Il s’agit évidemment d’une question délicate sur laquelle, je dois le souligner, nous devons inscrire notre réflexion dans un contexte suffisamment large. Nous nous plaignons nous-mêmes, parce que nos grands électeurs et nos concitoyens nous le disent, que les lois soient trop souvent difficiles de lecture et d’accès pour le justiciable. On a beau dire que nul n’est censé ignorer la loi, la vérité pratique, c’est que la loi est généralement ignorée, tout simplement parce que la loi d’aujourd’hui est devenue obèse et boursouflée. Si l’on aborde le débat sous cet angle, on est généralement d’accord avec l’idée qu’il faut veiller à ce que nos amendements soient suffisamment bien reliés aux textes dont nous débattons.
Cela n’a d’ailleurs nullement pour effet de nous priver de notre pouvoir d’amendement. Songez que, si l’on fait le rapport entre le nombre d’articles des lois votées et celui des projets de loi présentés par le Gouvernement, il faut appliquer, selon les années, un coefficient multiplicateur de 2 à 2,5 ! Et je prends en compte non pas les modifications d’articles, mais seulement l’ajout de nouveaux articles par amendement. Notre pouvoir d’amendement s’exerce donc heureusement pleinement. Il faut donc garder à l’esprit la dimension réelle du problème qui a été soulevé.
Je voudrais également souligner, s’agissant des irrecevabilités financières sur lesquelles notre collègue René Danesi est revenu à l’instant, que la commission des finances du Sénat est beaucoup moins sévère que celle de l’Assemblée nationale. (Signes de dénégation de Mme Éliane Assassi.) Nous bénéficions d’une capacité de dépôt d’amendements recevables du point de vue financier bien plus importante. Je peux vous citer des chiffres pour vous en convaincre : à l’Assemblée nationale, 7 % des amendements sont éliminés pour irrecevabilité financière, contre seulement 5 % au Sénat, ce qui constitue par rapport au nombre d’amendements une différence, en réalité, assez substantielle.
Ces points étant traités, nous aurons à débattre de bien d’autres sujets que vous avez, mes chers collègues, abordés à la tribune. Je vous propose de le faire à l’occasion de l’appel des amendements qui en feront l’objet.
Mme la présidente. La discussion générale est close.
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Mise au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour une mise au point au sujet d’un vote.
M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, je souhaite procéder à des rectifications de vote sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé pour le compte d’Hervé Maurey : lors du scrutin n° 137, il a été comptabilisé comme ayant voté contre, alors qu’il ne souhaitait pas participer au vote ; lors des scrutins nos 141, 142, 143 et 144, il a été enregistré comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
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Clarification et actualisation du règlement du Sénat
Suite de la discussion d’une proposition de résolution dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le règlement du Sénat.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que vingt articles de ce texte font l’objet d’une procédure de législation en commission. Le vote sur l’ensemble de ces articles est donc réservé jusqu’avant le vote sur l’ensemble de la proposition de résolution.
proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le règlement du sénat
Article 1er
Le Règlement est ainsi modifié :
1° Le chapitre premier est ainsi modifié :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Renouvellement des instances du Sénat » ;
b) Les alinéas 2 et 3 de l’article 2 sont ainsi rédigés :
« 2. – L’élection du Président a lieu au scrutin secret à la tribune.
« 3. – Les secrétaires d’âge dépouillent le scrutin. Le Président d’âge en proclame le résultat.
c) Sont ajoutés des alinéas 4 et 5 ainsi rédigés :
« 4. – Si la majorité absolue des suffrages exprimés n’a pas été acquise au premier ou au deuxième tour de scrutin, au troisième tour la majorité relative suffit ; en cas d’égalité des suffrages, le plus âgé est proclamé élu.
« 5. – En cas de vacance, il est pourvu au remplacement du Président du Sénat selon la procédure prévue aux alinéas 2 à 4. » ;
d) Après l’article 2, il est inséré un article 2 bis ainsi rédigé :
« Art. 2 bis. – 1. – Les autres membres du Bureau définitif sont désignés lors de la séance qui suit l’élection du Président.
« 2. – Le Bureau définitif du Sénat se compose d’un Président, de huit vice-présidents, de trois questeurs et de quatorze secrétaires, respectivement désignés pour trois ans.
« 3. – Après l’élection du Président, les présidents des groupes se réunissent pour établir les listes des candidats aux fonctions de vice-président, de questeur et de secrétaire.
« 4. – Ces listes sont établies selon la représentation proportionnelle des groupes au plus fort reste : d’abord pour les postes de vice-président et de questeur, compte tenu de l’élection du Président ; puis pour l’ensemble du Bureau, le délégué de la réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe possédant les mêmes droits qu’un président de groupe en ce qui concerne la nomination des secrétaires du Sénat. Ces listes sont remises au Président qui fait connaître en séance qu’il a été procédé à leur affichage.
« 5. – Pendant un délai d’une heure, il peut être fait opposition à ces listes pour non-respect de la représentation proportionnelle. L’opposition, pour être recevable, doit être rédigée par écrit, signée par trente sénateurs ou le président d’un groupe, et remise au Président.
« 6. – À l’expiration du délai d’opposition, s’il n’en a pas été formulé, les listes des candidats sont ratifiées par le Sénat et le Président procède à la proclamation des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires.
« 7. – Si le Président a été saisi d’une opposition, il la porte à la connaissance du Sénat qui statue sur sa prise en considération, après un débat où peuvent seuls être entendus un orateur pour et un orateur contre.
« 8. – Le rejet de la prise en considération équivaut à la ratification de la liste présentée, dont les candidats sont sur-le-champ proclamés élus par le Président. La prise en considération entraîne l’annulation de la liste litigieuse. Dans ce cas, les présidents des groupes se réunissent immédiatement pour établir une nouvelle liste sur laquelle il est statué dans les mêmes conditions que pour la première.
« 9. – En cas de vacance d’un poste de vice-président, de questeur ou de secrétaire, le groupe intéressé fait connaître au Président du Sénat le nom du candidat qu’il propose et il est pourvu au remplacement selon la même procédure.
« 10. – Lorsque le Sénat ne tient pas séance, le Président du Sénat peut décider de remplacer l’annonce en séance de cette candidature par une insertion au Journal officiel, le délai d’opposition expirant alors à minuit le lendemain de cette publication. Le Président en informe le Sénat lors de la plus prochaine séance. » ;
e) L’article 3 est ainsi modifié :
– l’alinéa 1 est ainsi rédigé :
« 1. – Le Bureau définitif a tous pouvoirs pour présider aux délibérations du Sénat et pour organiser et diriger tous ses services dans les conditions déterminées par le présent Règlement. » ;
– à l’alinéa 3, le mot : « par » est remplacé par le mot : « en » ;
– les alinéas 4 à 11 sont abrogés ;
f) À l’article 4, les mots : « l’élection » sont remplacés par les mots : « la désignation » ;
g) Il est ajouté un article 4 bis ainsi rédigé :
« Art. 4 bis. – 1. – À l’ouverture de la première séance qui suit chaque renouvellement du Sénat, il est procédé à une attribution provisoire des places dans la salle des séances.
« 2. – Dès que les listes de membres des groupes ont été publiées, conformément à l’article 5, le Président convoque les représentants des groupes en vue de procéder à l’attribution définitive des places.
« 3. – Vingt-quatre heures avant cette réunion, les membres du Sénat n’appartenant à aucun groupe font connaître au Président à côté de quel groupe ils désirent siéger. » ;
2° (Supprimé)
3° L’article 104 est abrogé.
Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Chaque groupe dispose au moins d’un poste de vice-président ou de questeur.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous avons demandé la discussion en séance publique de l’article 1er, car il nous paraît étonnant, voire improbable, de discuter des conditions du renouvellement des plus hautes instances du Sénat au sein de la seule commission des lois. Je me félicite d’ailleurs du nombre de parlementaires qui sont aujourd’hui présents pour débattre de ce texte.
Vous allez me répondre, monsieur le président Bas, que nous sommes à droit constant ou quasi constant. Mais une telle affirmation ne tient pas compte de la volonté des parlementaires et des groupes de faire débattre de propositions par l’ensemble du Sénat, de déposer des amendements et de pouvoir les voter, quelle que soit notre commission de rattachement.
Le pluralisme, auquel nous sommes très attachés et nous ne sommes pas les seuls – en tout cas, je l’espère –, est une question cruciale pour le fonctionnement démocratique d’une assemblée. Nous considérons que le fait majoritaire s’applique de manière particulièrement excessive ici, comme d’ailleurs à l’Assemblée nationale.
La composition du bureau du Sénat est, à ce titre, caractéristique d’une répartition faite au détriment de l’opposition, en particulier des groupes minoritaires et des petits groupes. Faut-il rappeler qu’un groupe, fût-il faible en nombre, doit affronter l’ensemble de la vie parlementaire – et je crois que mon groupe en est un bon exemple. Cela est particulièrement vrai pour l’activité législative et en séance publique. Il nous paraît donc légitime que chaque groupe qui le souhaite ait droit à un poste de vice-président, fonction dont on connaît l’importance dans la vie démocratique de notre assemblée.
Nous proposons que chaque groupe dispose d’un tel poste ou, si le groupe peut y prétendre, d’un poste de questeur, libérant ainsi un poste de vice-président.
Il s’agit, pour notre groupe, non pas de faire la course aux postes (Sourires sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) – nous sommes bien éloignés de cela ! –, mais bien de faire respecter le principe de pluralisme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, rapporteur. Madame Assassi, lorsqu’est appliquée la procédure de législation en commission, tous les sénateurs – j’y insiste –, quelle que soit la commission à laquelle ils appartiennent, peuvent participer aux discussions.
Mme Éliane Assassi. Ils ne peuvent pas défendre les amendements !
M. Philippe Bas, rapporteur. Par conséquent, la commission est, pour ce type de procédure, ouverte à l’ensemble les sénateurs.
Pour ce qui concerne votre amendement, la commission en a délibéré ce matin. Nous avons souhaité appliquer la règle démocratique selon laquelle la répartition des fonctions de responsabilité, telles que celles de vice-président et de questeur, se fait à la proportionnelle des groupes, et dépend donc des effectifs de ceux-ci. Cette règle n’est pas nouvelle, mais je comprends que certains groupes, dont le vôtre, puissent avoir à en souffrir. Néanmoins, on ne peut pas changer la règle en fonction des circonstances.
C’est la raison pour laquelle nous avons donné un avis défavorable sur votre amendement, l’autre raison étant bien sûr qu’il s’agit d’un changement de règles de fond, qui aurait d’ailleurs un impact sur la représentation des autres groupes dans les fonctions de vice-président ou de questeur.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je trouve cet amendement tout à fait remarquable ! (Sourires.)
Plusieurs sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. « Mais »….
M. Roger Karoutchi. Non, pourquoi « mais » ?
Je vais proposer au groupe LR, qui a 145 sénateurs, de créer une petite douzaine de groupes.
Mme Catherine Procaccia. Exactement !
M. Roger Karoutchi. Ainsi, nous aurons chacun une vice-présidence ou un poste de questeur, comme j’en rêve depuis longtemps ! Pour le moment, mon groupe n’a pas encore eu cette bonne idée, je pense qu’avec une douzaine de groupes on devrait y arriver ! (Nouveaux sourires.)
Mme Éliane Assassi. Vous exagérez…
M. Roger Karoutchi. Plus sérieusement, je pense que l’on pourrait revoir le fameux système D’Hondt, ce qui n’est pas exactement ce que vous demandez. Ce système, d’une complexité assez rare, n’est en réalité pas forcément le plus facile à appliquer. Mais c’est autre chose !
Demander à ce que tout groupe ait un vice-président ou un questeur, sauf à dire qu’il y aura vingt vice-présidents et dix questeurs, me semble quelque peu difficile, puisque, dans le même temps, vous êtes les premiers à dire – et c’est bien normal – que notre Haute Assemblée ne doit pas augmenter ses dépenses de fonctionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 4, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Il est procédé à leur affichage, dont le Président informe la séance.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement rédactionnel présente le très grand avantage d’être parfaitement logique ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission, après en avoir longuement débattu, préfère le texte actuel, et a donc prononcé un avis défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. Contre la logique !
Mme la présidente. L’amendement n° 12, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 1… – Les délibérations des réunions du Bureau du Sénat font l’objet d’un procès-verbal rendu public, à l’exception des délibérations ad hominem. » ;
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Cet amendement entend renforcer la transparence du fonctionnement de notre institution.
Le bureau du Sénat est une instance essentielle, vous le savez, mes chers collègues. Des questions aussi diverses que le budget du Sénat, ses finances, sa communication ou des instructions générales concernant son fonctionnement concret y sont notamment abordées. Un compte rendu succinct existe. Nous pensons qu’il devrait être détaillé et accessible au plus grand nombre.
Nous estimons, en revanche, que les délibérations ad hominem devraient être bien sûr exclues, comme dans le cadre des incompatibilités ou des saisines de justice consécutives à une procédure de commission d’enquête. Sur ces derniers points, nous estimons que la procédure du vote à main levée devrait être généralisée, afin de permettre une plus grande transparence des votes au sein même du Bureau.
La transparence de la vie politique est un sujet devenu très sensible aux yeux de nos concitoyens, lesquels attendent des institutions la transparence la plus complète qui soit. Cette mesure, sans être une révolution, peut contribuer à cet effort de publicité, de clarté de notre fonctionnement. Selon nous, il serait judicieux de le faire savoir urbi et orbi. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’avis est défavorable. Nous estimons que le compte rendu qui est actuellement établi suffit. De toute façon, cet amendement tend à introduire une innovation dans le fonctionnement du Bureau qui n’est pas dans l’esprit de cette réforme du règlement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le chapitre II du Règlement est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Groupes politiques : constitution, déclaration comme groupe d’opposition ou minoritaire, exercice du droit de tirage » ;
2° L’article 5 est ainsi modifié :
a) Après l’alinéa 1, il est inséré un alinéa 2 ainsi rédigé :
« 2. – La constitution, au sein du Sénat, de groupes tendant à défendre des intérêts particuliers, locaux ou professionnels, est interdite. » ;
b) L’alinéa 2 devient l’alinéa 3 et les deuxième et dernière phrases sont ainsi rédigées : « Au moment de leur création et après chaque renouvellement du Sénat, les groupes remettent à la Présidence du Sénat, pour publication au Journal officiel, la liste des sénateurs qui en sont membres, une déclaration politique formulant les objectifs et les moyens de la politique qu’ils préconisent et une déclaration par laquelle ils se définissent comme groupe d’opposition ou comme groupe minoritaire au sens de l’article 51-1 de la Constitution. Ils peuvent retirer ou modifier cette dernière à tout moment. » ;
c) À la fin de l’alinéa 3, qui devient l’alinéa 4, les mots : « leurs bureaux » sont remplacés par les mots : « leur bureau » ;
d) L’alinéa 4 devient l’alinéa 5 et la dernière phrase est supprimée ;
e) L’alinéa 6 est ainsi rédigé :
« 6. – Sous réserve de la décision de la Conférence des Présidents, les droits spécifiques reconnus aux groupes d’opposition et aux groupes minoritaires sont attribués sur le fondement de la situation des groupes après la constitution du Bureau définitif puis chaque année au début de la session ordinaire. » ;
f) L’alinéa 5 devient l’alinéa 7 et, avant la première phrase, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Chaque groupe peut assurer son service intérieur par un secrétariat administratif dont il règle lui-même le statut, le recrutement et le mode de rétribution. » ;
3° L’article 5 bis est abrogé ;
4° L’article 6 est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 est ainsi modifié :
– les mots : « dix membres » sont remplacés par les mots : « celui requis pour la constitution d’un groupe et les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe ou d’aucune formation » ;
– les mots : « l’agrément du bureau » sont remplacés par les mots : « l’accord » ;
b) L’alinéa 3, qui devient l’alinéa 2, est complété par les mots : « remise à la Présidence du Sénat en application de l’article 5, alinéa 3 » ;
c) L’alinéa 4, qui devient l’alinéa 3, est ainsi modifié :
– à la première phrase, le mot : « déterminé » est supprimé ;
– à la fin de la même première phrase, les mots : « par elle » sont remplacés par les mots : « en son sein » ;
– la deuxième phrase est supprimée ;
d) L’alinéa 5, qui devient l’alinéa 4, est ainsi rédigé :
« 4. – Lorsqu’il y a lieu de répartir des temps de parole ou de procéder à des désignations selon la règle de représentation proportionnelle des groupes, l’effectif à prendre en compte inclut les sénateurs rattachés ou apparentés. » ;
5° L’article 6 bis est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La demande de création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information est formulée au plus tard une semaine avant la réunion de la Conférence des Présidents qui doit en prendre acte. » ;
b) L’alinéa 2 est ainsi rédigé :
« 2. – La fonction de président ou de rapporteur est attribuée au membre d’un groupe minoritaire ou d’opposition, le groupe à l’origine de la demande de création obtenant de droit, s’il le demande, que la fonction de président ou de rapporteur revienne à l’un de ses membres. » ;
c) Les alinéas 3 et 4 sont abrogés ;
6° L’article 6 ter est ainsi rétabli :
« Art. 6 ter. – 1. – La demande de création d’une commission d’enquête en application de l’article 6 bis prend la forme d’une proposition de résolution qui détermine avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d’enquête se propose d’examiner la gestion.
« 2. – Les alinéas 3 à 5 de l’article 8 ter relatifs au contrôle de la recevabilité de la proposition de résolution, à la détermination de la composition et à la désignation des membres de la commission d’enquête sont applicables. »
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 3
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le chapitre III du Règlement est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Désignation des membres des commissions permanentes » ;
2° Les divisions I et a sont supprimées ;
3° L’article 7 est ainsi modifié :
a) Les 4° et 5° de l’alinéa 1 sont ainsi rédigés :
« 4° La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui comprend 49 membres ;
« 5° La commission de la culture, de l’éducation et de la communication, qui comprend 49 membres ; »
b) L’alinéa 2 est ainsi rétabli :
« 2. – Un sénateur ne peut être membre que d’une commission permanente. Le Président du Sénat n’est membre d’aucune commission permanente. » ;
4° L’article 8 est ainsi modifié :
a) À l’alinéa 2, le mot : « bureaux » est remplacé par le mot : « présidents » ;
b) Les alinéas 3 à 7 sont ainsi rédigés :
« 3. – Le Président du Sénat fait connaître en séance qu’il a été procédé à l’affichage de cette liste.
« 4. – Pendant un délai d’une heure, il peut être fait opposition à cette liste. L’opposition, pour être recevable, doit être rédigée par écrit, signée par trente sénateurs ou un président de groupe, et remise au Président.
« 5. – Sauf opposition, la liste des candidats est considérée comme ratifiée par le Sénat à l’expiration de ce délai.
« 6. – Si le Président a été saisi d’une opposition, il la porte à la connaissance du Sénat qui statue sur sa prise en considération après un débat où peuvent seuls être entendus un orateur pour et un orateur contre.
« 7. – Le rejet de la prise en considération équivaut à la ratification de la liste présentée. La prise en considération entraîne l’annulation de la liste litigieuse. Dans ce cas, les présidents des groupes et le délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe se réunissent sans délai pour établir une nouvelle liste sur laquelle il est statué dans les mêmes conditions que pour la première. » ;
c) L’alinéa 9 est ainsi rédigé :
« 9. – Lorsque le Sénat ne tient pas séance, le Président du Sénat peut décider de remplacer l’annonce en séance de cette candidature par une insertion au Journal officiel, le délai d’opposition expirant alors à minuit le lendemain de cette publication. Le Président en informe le Sénat lors de la plus prochaine séance. » ;
d) L’alinéa 10, qui devient l’alinéa 8, est ainsi modifié :
– les mots : « et sous réserve des dispositions de l’alinéa 3 de l’article 15, le » sont remplacés par les mots : « le président du » ;
– le mot : « remet » est remplacé par les mots : « fait connaître » ;
– les mots : « appelé à » sont remplacés par les mots : « qu’il propose pour » ;
– le signe : « ; » est remplacé par le mot : « et » ;
– à la fin, les mots : « dans les conditions prévues ci-dessus » sont remplacés par les mots : « selon la même procédure » ;
e) L’alinéa 11 devient l’alinéa 10 ainsi rétabli ;
f) L’alinéa 12 est abrogé.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 4
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
I. – Le Règlement est ainsi modifié :
1° Après l’article 8, il est inséré un chapitre V ainsi intitulé : « Désignation dans les organismes extérieurs au Parlement » ;
2° L’article 9 est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 A, qui devient l’alinéa 2, est complété par les mots : « et du respect de la parité entre les femmes et les hommes » ;
b) L’alinéa 1, qui devient l’alinéa 3, est ainsi rédigé :
« 3. – Lorsque le texte constitutif d’un organisme prévoit la désignation d’un nombre pair de sénateurs, le Sénat désigne des femmes et des hommes en nombre égal.
« Lorsque le texte constitutif prévoit la désignation d’un seul membre, le Sénat désigne alternativement une femme et un homme.
« Lorsque le texte constitutif prévoit la désignation d’un nombre impair de sénateurs, le Sénat désigne alternativement des femmes en nombre supérieur aux hommes et des hommes en nombre supérieur aux femmes.
« En cas de cessation anticipée du mandat au sein d’un organisme, le sénateur désigné est du même sexe que le sénateur qu’il remplace. » ;
c) L’alinéa 1 est ainsi rétabli :
« 1. – Les nominations, en cette qualité, de sénateurs dans un organisme extérieur au Parlement sont effectuées par le Président du Sénat, sauf lorsque la loi prévoit qu’elles sont effectuées par l’une des commissions permanentes ou par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. » ;
d) L’alinéa 3, qui devient l’alinéa 4, est ainsi rédigé :
« 4. – Lorsque le texte constitutif d’un organisme prévoit la nomination de certains de ses membres par une commission permanente ou par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le Président du Sénat saisit la commission intéressée ou l’office aux fins de désignation de ces membres. » ;
e) L’alinéa 4, qui devient l’alinéa 5, est ainsi rédigé :
« 5. – Les noms des sénateurs désignés sont portés à la connaissance du Gouvernement par l’intermédiaire du Président du Sénat. » ;
f) Les alinéas 6 à 10 sont abrogés ;
3° Après le même article 9, il est inséré un article 9 bis ainsi rédigé :
« Art. 9 bis. – 1. – Les sénateurs désignés pour siéger dans les organismes extérieurs au Parlement présentent, avant chaque renouvellement du Sénat, à la commission compétente, une communication sur leur activité au sein de ces organismes.
« 2. – Les sénateurs élus représentants de la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe établissent, au moins chaque année, un rapport écrit présentant leurs travaux au sein de ladite assemblée. » ;
4° Les articles 108, 109 et 110 sont abrogés.
II (nouveau). – L’alinéa 3 de l’article 9 du Règlement, tel qu’il résulte du I du présent article, entre en vigueur à compter du prochain renouvellement du Sénat.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 5
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le Règlement est ainsi modifié :
1° Après l’article 8, il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Désignation des membres des commissions spéciales, des commissions d’enquête et des commissions mixtes paritaires
« Art. 8 bis. – 1. – Une commission spéciale comprend trente-sept membres. Elle peut être créée dans les conditions prévues à l’article 16 bis. Elle est reconstituée par le Sénat après chaque renouvellement partiel et prend fin à la promulgation ou au rejet définitif du texte pour l’examen duquel elle a été constituée.
« 2. – Pour la désignation des membres des commissions spéciales, une liste de candidats est établie par les présidents de groupe et, le cas échéant, le délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, conformément à la règle de la proportionnalité, après consultation préalable des présidents de commission permanente.
« 3. – Il est ensuite procédé selon les modalités de constitution des commissions permanentes prévues aux alinéas 3 à 10 de l’article 8.
« Art. 8 ter. – 1. – Sous réserve de la procédure prévue à l’article 6 bis, la création d’une commission d’enquête par le Sénat résulte du vote d’une proposition de résolution, déposée, renvoyée à la commission permanente compétente, examinée et discutée dans les conditions fixées par le présent Règlement.
« 2. – Cette proposition détermine avec précision, soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services publics ou les entreprises nationales dont la commission d’enquête se propose d’examiner la gestion.
« 3. – Lorsqu’elle n’est pas saisie au fond d’une proposition tendant à la création d’une commission d’enquête, la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale émet un avis sur la conformité de cette proposition avec les dispositions de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
« 4. – La proposition de résolution fixe le nombre des membres de la commission d’enquête, qui ne peut excéder vingt et un.
« 5. – Pour la désignation des membres des commissions d’enquête dont la création est décidée par le Sénat, une liste des candidats est établie par les présidents de groupe et le délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, conformément à la règle de la proportionnalité. Il est ensuite procédé selon les modalités de constitution des commissions permanentes prévues aux alinéas 3 à 10 de l’article 8.
« 6. – Tout membre d’une commission d’enquête ne respectant pas les dispositions du IV de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée relatives aux travaux non publics d’une commission d’enquête peut être exclu de cette commission par décision du Sénat prise sans débat sur le rapport de la commission après que l’intéressé a été entendu.
« 7. – En cas d’exclusion, celle-ci entraîne l’incapacité de faire partie, pour la durée du mandat, de toute commission d’enquête.
« Art. 8 quater. – 1. – En accord entre le Sénat et l’Assemblée nationale, le nombre des représentants de chaque assemblée dans les commissions mixtes paritaires prévues au deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution est fixé à sept.
« 2. – Une liste de candidats des représentants du Sénat est établie par la commission compétente après consultation des présidents de groupe et transmise au Président du Sénat par le président de la commission. Le Président du Sénat fait connaître en séance qu’il a été procédé à l’affichage de cette liste.
« 3. – À l’expiration d’un délai d’une heure, la liste des candidats est considérée comme ratifiée par le Sénat, sauf opposition.
« 4. – Pendant le délai d’une heure, il peut être fait opposition aux propositions de la commission ; cette opposition doit être rédigée par écrit et signée par trente sénateurs au moins ou par un président de groupe.
« 5. – Si une opposition est formulée, le Président consulte le Sénat sur sa prise en considération. Le Sénat statue après débat au cours duquel peuvent seuls être entendus l’un des signataires de l’opposition et un orateur d’opinion contraire.
« 6. – Si le Sénat ne prend pas l’opposition en considération, la liste des candidats est ratifiée. Si le Sénat prend l’opposition en considération, il est procédé à la désignation des candidats par un vote au scrutin plurinominal en assemblée plénière. Les candidatures font alors l’objet d’une déclaration à la Présidence une heure au moins avant le scrutin.
« 7. – Dans les mêmes conditions, sont désignés sept suppléants qui ne sont appelés à voter que dans la mesure nécessaire au maintien de la parité entre les deux assemblées. » ;
2° Les divisions b, c et d du I du chapitre III sont supprimées ;
3° Les articles 10, 11, 12 et 100 sont abrogés.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 6
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le Règlement est ainsi modifié :
1° La division du II du chapitre III est supprimée ;
2° Après l’article 12, il est inséré un chapitre VI ainsi intitulé : « Organisation des travaux des commissions » ;
3° L’article 13 est ainsi modifié :
a) À l’alinéa 1, les mots : « doivent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
b) L’alinéa 2 bis devient l’alinéa 3 ;
c) L’alinéa 2 ter devient l’alinéa 4 et la seconde phrase est ainsi rédigée : « Si la majorité absolue des suffrages n’a pas été acquise au premier ou au deuxième tour de scrutin, au troisième tour la majorité relative suffit ; en cas d’égalité des suffrages, le plus âgé est proclamé élu. » ;
d) L’alinéa 2 quater devient l’alinéa 6 et, à la fin de la première phrase, les mots : « le poste de président » sont remplacés par les mots : « les postes de président et de rapporteur général » ;
e) À l’alinéa 3, qui devient l’alinéa 7, les mots : « la désignation des vice-présidents » sont remplacés par les mots : « ces désignations » ;
f) L’alinéa 4, qui devient l’alinéa 8, est ainsi rédigé :
« 8. – Le présent article est applicable au bureau d’une commission spéciale, dont le rapporteur ou les rapporteurs sont membres de droit. » ;
g) L’alinéa 5 est ainsi rédigé :
« 5. – Les commissions des finances et des affaires sociales élisent ensuite chacune dans les mêmes conditions un rapporteur général qui fait, de droit, partie du bureau de la commission. » ;
h) (nouveau) Il est ajouté un alinéa 9 ainsi rédigé :
« 9. – En cas de vacance, il est pourvu au remplacement du président ou du rapporteur général selon la procédure prévue, respectivement, aux alinéas 4 et 5 du présent article. En cas de vacance d’un poste de vice-président ou de secrétaire, le groupe intéressé fait connaître au président de la commission le nom du candidat qu’il propose et il est pourvu au remplacement selon la procédure prévue, respectivement, aux alinéas 6 et 7 du présent article. » ;
4° Après le même article 13, sont insérés des articles 13 bis et 13 ter ainsi rédigés :
« Art. 13 bis. – Les commissions sont convoquées par leur président, en principe le vendredi précédant leur réunion ou, en dehors des sessions, dans la semaine qui précède leur réunion, sauf urgence. La lettre de convocation précise l’ordre du jour. Elle est communiquée au secrétariat de chaque groupe et de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
« Art. 13 ter. – 1. – Dans chaque commission, la présence de la majorité absolue des membres en exercice, compte tenu des délégations notifiées en application de l’alinéa 1 de l’article 15, est nécessaire pour la validité des votes si le tiers des membres présents le demande.
« 2. – Lorsqu’un vote n’a pu avoir lieu faute de quorum, le scrutin a lieu valablement, quel que soit le nombre de présents, lors de la réunion suivante qui ne peut être tenue moins d’une heure après. Le report d’un vote faute de quorum figure au Journal officiel.
« 3. – Le vote nominal est de droit en toute matière lorsqu’il est demandé par cinq membres présents. Le résultat des votes et le nom des votants sont publiés au compte rendu détaillé des réunions de commissions.
« 4. – Le président d’une commission n’a pas voix prépondérante ; en cas de partage égal des voix, la disposition mise aux voix n’est pas adoptée. » ;
5° (Supprimé)
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 7
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
L’article 15 du Règlement est ainsi rédigé :
« Art. 15. – 1. – Un commissaire, lorsqu’il se trouve dans l’un des cas énumérés à l’article 1er de l’ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, peut déléguer son droit de vote à un autre membre de la commission. La délégation est notifiée au président de la commission. Un même commissaire ne peut exercer plus d’une délégation.
« 2. – Le lendemain de chaque séance de commission, les noms des membres présents, des membres excusés et de ceux ayant délégué leur vote sont insérés au Journal officiel. »
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 8
Le Règlement est ainsi modifié :
1° Après l’article 15, il est inséré un article 15 ter ainsi rédigé :
« Art. 15 ter. – 1. – Un compte rendu détaillé des réunions des commissions est publié chaque semaine.
« 2. – Les réunions de commission font l’objet d’un enregistrement. Cet enregistrement a un caractère confidentiel. Les sénateurs peuvent en prendre connaissance à leur demande. Ces enregistrements sont déposés aux archives du Sénat.
« 3. – Les commissions peuvent décider la publicité, par les moyens de leur choix, de tout ou partie de leurs travaux. Sur décision de son président, les travaux d’une commission peuvent faire l’objet d’une communication à la presse.
« 4. – Chaque commission peut décider de siéger en comité secret à la demande du Premier ministre, de son président ou d’un dixième de ses membres. Elle peut ensuite décider de la publication du compte rendu de ses débats au Journal officiel. » ;
2° Avant l’article 16, il est inséré un chapitre VII ainsi intitulé : « Travaux législatifs des commissions » ;
3° L’article 16 est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 est ainsi modifié :
– les mots : « les soins du » sont remplacés par le mot : « le » ;
– à la fin, les mots : « le Gouvernement demande le renvoi à une commission spécialement désignée pour leur examen » sont remplacés par les mots : « une commission spéciale est constituée en application de l’article 16 bis ou de l’alinéa 2 de l’article 17 » ;
b) Les alinéas 2, 2 bis, 2 ter et 3, qui deviennent les alinéas 2, 3, 4 et 5, sont ainsi rédigés :
« 2. – Les commissions permanentes renouvelées restent saisies de plein droit, après leur renouvellement, des projets et propositions qui leur avaient été renvoyés.
« 3. – Les projets de loi de finances sont envoyés de droit à la commission des finances.
« 4. – Les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont envoyés de droit à la commission des affaires sociales.
« 5. – Les commissions désignent un ou plusieurs rapporteurs pour l’examen de chaque projet ou proposition. » ;
c) Les alinéas 3 bis, 3 ter, 6 à 8 et 11 sont abrogés ;
4° Après le même article 16, il est inséré un article 16 bis ainsi rédigé :
« Art. 16 bis. – 1. – La constitution d’une commission spéciale est de droit lorsqu’elle est demandée par le Gouvernement.
« 2. – Elle peut également être décidée par le Sénat, sur proposition de son Président ou de la Conférence des Présidents en application de l’article 17, alinéa 2.
« 3. – La constitution d’une commission spéciale peut également être décidée par le Sénat sur la demande soit d’un président de commission permanente, soit d’un président de groupe. Cette demande est présentée dans le délai de deux jours francs suivant la publication du projet ou de la proposition ou d’un jour franc en cas d’engagement de la procédure accélérée par le Gouvernement avant cette publication. La demande est aussitôt affichée et notifiée au Gouvernement et aux présidents des groupes et des commissions permanentes. Elle est considérée comme adoptée si, avant la deuxième séance qui suit cet affichage, le Président du Sénat n’a été saisi d’aucune opposition par le Gouvernement ou un président de groupe.
« 4. – Si une opposition à la demande de constitution d’une commission spéciale a été formulée dans les conditions prévues à l’alinéa 3 du présent article, un débat sur la demande est inscrit d’office à la suite de l’ordre du jour du premier jour de séance suivant l’annonce faite au Sénat de l’opposition. Au cours de ce débat, peuvent seuls prendre la parole le Gouvernement, l’auteur de l’opposition, l’auteur ou le premier signataire de la demande et les présidents des commissions permanentes.
« 5. – Dans le cas où une commission permanente se déclare incompétente ou en cas de conflit de compétence entre plusieurs commissions permanentes, il est procédé à la constitution d’une commission spéciale. » ;
5° L’article 17 est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 est ainsi modifié :
– après les mots : « donner son avis », la fin de la première phrase est supprimée ;
– la seconde phrase est supprimée ;
b) L’alinéa 2 est ainsi rédigé :
« 2. – S’il n’est saisi que d’une seule demande d’avis, le Président renvoie le texte pour avis à la commission permanente qui l’a formulée et en informe le Sénat. S’il est saisi de plusieurs demandes d’avis, le Président saisit la Conférence des Présidents, qui peut soit ordonner le renvoi pour avis aux commissions qui en ont formulé la demande, soit proposer au Sénat la création d’une commission spéciale. » ;
c) L’alinéa 3 est ainsi modifié :
– à la première phrase, le mot : « rapporteur » est remplacé par les mots : « ou plusieurs rapporteurs », et les mots : « , lequel a le droit de participer » sont remplacés par les mots : « qui participent de droit » ;
– à la seconde phrase, les mots : « a le droit de participer » sont remplacés par les mots : « participe de droit » ;
d) L’alinéa 4 est ainsi rédigé :
« 4. – L’avis est publié, sauf si la commission décide de le donner verbalement. » ;
6° Après le même article 17, il est inséré un article 17 bis ainsi rédigé :
« Art. 17 bis. – 1. – Deux semaines au moins avant la discussion par le Sénat d’un projet ou d’une proposition de loi, sauf dérogation accordée par la Conférence des Présidents, la commission saisie au fond se réunit pour examiner les amendements déposés en vue de l’établissement de son texte, au plus tard l’avant-veille de cette réunion, et établir son texte. Ce délai n’est applicable ni aux amendements du Gouvernement, ni aux sous-amendements. Il peut être ouvert de nouveau sur décision du président de la commission.
« 2. – Le président de la commission contrôle la recevabilité des amendements et sous-amendements au regard de l’article 40 de la Constitution et des dispositions organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Les amendements peuvent être communiqués au président de la commission des finances, qui rend un avis écrit sur leur recevabilité financière. Les amendements déclarés irrecevables ne sont pas mis en distribution. La commission est compétente pour se prononcer sur les autres irrecevabilités, à l’exception de celle fondée sur l’article 41 de la Constitution.
« 3. – Le rapport de la commission présente le texte qu’elle propose au Sénat et les opinions des groupes. Le texte adopté par la commission fait l’objet d’une publication séparée.
« 4. – La commission détermine son avis sur les amendements déposés sur le texte qu’elle a proposé avant le début de leur discussion par le Sénat. La commission saisie au fond est compétente pour se prononcer sur leur recevabilité, sans préjudice de l’application des articles 40 et 41 de la Constitution, des dispositions organiques relatives aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que de l’article 45 du présent Règlement.
« 5. – Le présent article ne s’applique pas aux projets de révision constitutionnelle, aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale. » ;
7° Le chapitre IV bis est supprimé ;
8° Les articles 23, 28 ter et 28 quater sont abrogés.
Mme la présidente. L’amendement n° 5, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … . – Les réunions des commissions donnent lieu à un compte rendu analytique.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il s’agit de préciser dans le règlement ce qui est déjà un fait, à savoir que les réunions des commissions donnent lieu à un compte rendu analytique. En effet, très souvent maintenant, vous le savez, ce sont les fonctionnaires du compte rendu analytique qui viennent en commission rédiger un compte rendu particulièrement précieux.
Des débats sur ce sujet ont déjà eu lieu dans cet hémicycle à plusieurs reprises. À l’Assemblée nationale, le compte rendu analytique a malheureusement été supprimé ; il n’y a qu’un seul compte rendu. Or nous apprécions beaucoup d’avoir ici un compte rendu intégral et un compte rendu analytique que nous pouvons retrouver chaque jour et qui est, j’y insiste, extrêmement précieux pour la compréhension de nos travaux.
Puisque c’est le cas, il serait bon d’inscrire dans le règlement que les commissions donnent lieu à un compte rendu analytique : ce sera encore une manière de défendre la nécessité de ce compte rendu « analytique ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je suis toujours ravi d’échanger avec le président Sueur sur des questions de sémantique. Actuellement, le compte rendu est détaillé : toute la portée de l’amendement de notre collègue est de dire que le compte rendu détaillé est en réalité un compte rendu analytique. Si l’on veut uniformiser, on pourrait dire que le compte rendu de nos débats est détaillé, comme celui des commissions, ou que le compte rendu de nos commissions est analytique, comme celui de nos débats…
En réalité, pour ce qui me concerne, je ne sais plus faire la différence entre un compte rendu détaillé et un compte rendu analytique. Je dois dire que les rédacteurs de ces comptes rendus ne la font pas non plus. Si bien que je crois, cher président Sueur, qu’il n’y a pas de désaccord de fond entre nous ; mais je ne sais pas, des qualificatifs « analytique » ou « détaillé », lequel devrait l’emporter.
En tous les cas, si nous devions aller dans votre direction, il faudrait, me semble-t-il, reprendre chacun des articles mentionnant un compte rendu soit détaillé, soit analytique, pour ajuster toutes les rédactions. Or votre amendement porte sur les seuls comptes rendus détaillés des commissions ; en vous suivant, nous risquerions de mener un travail incomplet, n’ayant surtout aucune réelle portée.
Voilà pourquoi, mon cher collègue, je souhaiterais que, dans un geste de bonne volonté, compte tenu de la présente explication, vous acceptiez de retirer cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Sueur, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur. Ma bonne volonté est extrême, mais je crois très important de défendre l’existence, la pertinence, l’utilité et la nécessité du compte rendu analytique. Par conséquent, je ne retire pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Je prends donc l’immense risque d’émettre un avis défavorable.
7
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer, dans la tribune d’honneur, une délégation de la Chambre des représentants de la République de Chypre, conduite par son président, M. Giórgos Lillíkas. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.) Elle est accompagnée par notre collègue Nelly Tocqueville, présidente du groupe d’amitié France-Chypre.
La délégation est à Paris pour évoquer tant la partition de l’île que les questions énergétiques. Elle s’entretiendra avec nos collègues Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, et Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.
Le Sénat entretient d’excellentes relations avec la Chambre des représentants chypriote, et la France en est un partenaire étroit, comme en témoignent les contacts fréquents entre nos deux pays.
Mes chers collègues, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, la plus cordiale bienvenue et un fructueux séjour à nos homologues de la Chambre des représentants de Chypre. (Applaudissements.)
8
Clarification et actualisation du règlement du Sénat
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de résolution dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de résolution visant à clarifier et actualiser le règlement du Sénat.
Article 8 (suite)
Mme la présidente. L’amendement n° 6, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« … . – Les auditions des commissions d’enquêtes sont publiques, sauf délibération contraire de la commission.
« Les travaux de la commission, à l’exclusion des auditions, ne sont pas publics, sauf délibération contraire de la commission.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à préciser que les auditions des commissions d’enquête sont publiques, sauf délibération contraire de la commission elle-même, évidemment.
Lors d’une récente commission d’enquête, dont vous vous souvenez quelque peu, monsieur le président Philippe Bas, nous avions eu des débats avant d’entamer les auditions pour savoir s’il était opportun que celles-ci fussent publiques ou non. Nous avons décidé qu’il était mieux qu’elles le fussent. D’ailleurs, nous nous sommes opposés à une demande de huis clos qui avait été formulée. Nous aurions pu l’accepter – tout dépend des motivations –, mais nous avons pensé que, en l’espèce, il valait mieux que ce fût ainsi.
Personne ne comprendrait, aujourd’hui, que nous revenions en arrière. Depuis ladite commission d’enquête – mais ce n’est pas la seule ; il y en a eu beaucoup d’autres –, chacun comprend que, dans une démocratie digne de ce nom, il faut un contrôle parlementaire. Ces commissions d’enquête parlementaires sont véritablement indispensables et doivent pouvoir travailler en toute transparence. Cette proposition me paraît donc légitime et opportune.
Bien entendu, il est précisé que, hormis les auditions, les travaux de la commission ne sont pas publics, sauf délibération contraire de cette dernière.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, rapporteur. Cette question est très intéressante, mais complexe.
Il faut d’abord savoir que, s’agissant des commissions d’enquête proprement dites, les règles applicables relèvent de la loi, et non du règlement. C’est ainsi, nous n’y pouvons rien !
Tout cela est le fruit de la révision constitutionnelle de 2008 : l’article sur les commissions d’enquête introduit dans la Constitution renvoie, pour son application, à la loi, et non aux règlements de nos assemblées. Il serait donc inconstitutionnel d’inscrire de telles dispositions dans le règlement.
Mais M. Jean-Pierre Sueur ne saurait avoir fait la moindre confusion entre commissions d’enquête et commissions permanentes agissant, parce que le Sénat leur a conféré de tels pouvoirs, avec les pouvoirs d’une commission d’enquête. Je vais donc dire un mot sur ce dernier cas, notre collègue ayant d’ailleurs fait référence à une pratique que nous avons notamment fait vivre l’an dernier.
S’agissant des commissions permanentes, donc, le principe est que les auditions ne sont pas publiques.
Toutefois, la commission peut décider du contraire et il existe toute une gamme de possibilités en matière de publicité de ces réunions, la plus simple étant d’élaborer un procès-verbal rendu public – autrement dit, un document écrit – et la plus ample, la plus transparente, consistant à autoriser l’accès de la presse à la salle des auditions. C’est ce que nous avons fait pour les auditions de la commission des lois, détentrice des pouvoirs d’une commission d’enquête, auxquelles, monsieur Sueur, vous avez fait référence à l’instant.
En résumé, on ne peut pas modifier via le règlement ce qui concerne les commissions d’enquête proprement dites, la loi prévoyant déjà que les auditions, dans ce cadre, sont publiques. Pour les commissions permanentes, en revanche, il faut selon moi nous en tenir à la règle que nous avons appliquée, mais ce n’est pas ce qui est visé par le présent amendement.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 10 rectifié ter, présenté par MM. Karoutchi, Cambon, Maurey et Éblé, Mme Morin-Desailly, MM. Bizet, Pointereau, Bascher et Bazin, Mmes Benbassa, Billon et Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Capo-Canellas et Cazabonne, Mme Chain-Larché, M. Chaize, Mme Chauvin, MM. Dallier et Dantec, Mme L. Darcos, M. Darnaud, Mmes de Cidrac et de la Provôté, MM. de Nicolaÿ et Decool, Mmes Deromedi et Deseyne, M. Détraigne, Mmes Dindar et Dumas, M. Duplomb, Mmes Duranton et Férat, M. Fouché, Mme C. Fournier, M. Frassa, Mmes Garriaud-Maylam et Gatel, MM. Gattolin et Genest, Mme N. Goulet, MM. Grand, Gremillet et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Guérini, Guerriau, Houpert et Huré, Mme Imbert, MM. Janssens, P. Joly, Kennel, Kern et Lagourgue, Mme Lassarade, MM. Laugier et D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Le Gleut, Lefèvre, Léonhardt, Lévrier, Longeot, Longuet, Luche et Magras, Mme Malet, MM. Mandelli, A. Marc et Mayet, Mmes Mélot, Micouleau, Morhet-Richaud et Noël, MM. Panunzi, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre et Poniatowski, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin et Regnard, Mme Renaud-Garabedian, MM. Requier, Revet, Savary et Savin, Mme Schillinger, MM. Segouin et Sido, Mmes Sollogoub et Thomas, M. Vaugrenard, Mme Vermeillet, M. Vogel et Mme Vullien, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le rapporteur peut être assisté, en sa présence uniquement, par l’un de ses collaborateurs ou par un collaborateur de son groupe politique d’appartenance. » ;
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Cet amendement, mes chers collègues, est quasiment révolutionnaire ! (Sourires.) Mais oui !
Rendez-vous compte, il tend à prévoir qu’un sénateur ou une sénatrice rapporteur d’un texte – de toute nature, par exemple sur une mission budgétaire dans le cadre de la commission des finances – puisse demander, naturellement avec l’accord du président de la commission, que son collaborateur parlementaire assiste à la séance au cours de laquelle se déroulent des auditions concernant le rapport en question.
J’entends bien que cela ne correspond pas à la pratique du Sénat. Cela se fait au Parlement européen, et dans d’autres assemblées, mais cela ne se fait pas au Sénat.
Il n’est pas question pour moi de remettre en cause la qualité des administrateurs des commissions ou des administrateurs en général.
Je dis simplement que nous nous trouvons dans la plus parfaite contradiction, dans la plus complète hypocrisie. L’auteur d’un rapport, pour peu qu’il s’implique un peu dans son élaboration, travaille dans son bureau, avec le collaborateur parlementaire qu’il a choisi et qui, de par son contrat, est tenu aux mêmes exigences de discrétion, de confiance, de fidélité, de loyauté. Or ce collaborateur ne sait rien des auditions menées en vue de l’établissement du rapport.
En clair, mes chers collègues, si, en tant que rapporteur, vous voulez associer votre collaborateur à l’élaboration de votre rapport, c’est vous qui lui servez de collaborateur ! Vous devez lui répéter ce que vous avez entendu pour qu’il puisse éventuellement l’utiliser dans la rédaction commune que vous allez établir. On sombre dans le non-dit, pour ne pas dire dans le ridicule !
Ce matin, le président de la commission des lois m’a expliqué que l’allusion au fait que le collaborateur « assiste » le sénateur pose quelques complexités.
Peut-être doit-on trouver une autre formulation. Mais, dans mon esprit, il s’agit d’une disposition ne pouvant être prise, bien entendu, qu’avec l’accord du président de la commission et, par définition, uniquement pour un texte ou un rapport concernant le sénateur qui formule la demande. Cela ne me paraît pas franchement atteindre aux droits ou aux pouvoirs de qui que ce soit. En revanche, cela permettrait peut-être à tout le monde de travailler mieux, en pleine confiance, et de donner un peu de sens à l’activité de nos collaborateurs parlementaires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. André Gattolin applaudit également.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je veux tout d’abord remercier M. Karoutchi, et l’ensemble de nos collègues qui se sont associés à son amendement, de l’hommage qu’ils veulent ainsi rendre au travail de nos collaborateurs. Nous avons toutes les raisons, en effet, d’exprimer notre reconnaissance pour le travail que ces derniers accomplissent à nos côtés.
C’est nous qui définissons, en fonction de ce que nous sommes et de ce qu’est notre besoin, le travail de nos collaborateurs. Certains, d’ailleurs ne participent aucunement au travail législatif ; ils nous assistent dans nos relations avec les forces vives et les élus de nos circonscriptions ; d’autres prennent en charge l’organisation de notre agenda, les questions d’actualité, les questions écrites ; enfin, certains d’entre eux nous assistent dans l’élaboration de nos amendements.
Une minorité d’assistants parlementaires peuvent également nous apporter leur concours lorsque nous sommes rapporteurs d’un texte et ils le font généralement – vous avez raison de le souligner, monsieur Karoutchi – avec beaucoup d’efficacité, ce que nous avons toutes raisons de louer.
Cela étant, mes chers collègues, je voudrais vous livrer l’analyse juridique qu’appelle l’amendement de notre collègue, et j’ai effectivement eu l’occasion de m’en entretenir avec lui.
Cet amendement ne vise pas simplement à autoriser la présence éventuelle d’un de nos collaborateurs lorsque nous procédons à des auditions parce que nous avons été désignés comme rapporteur. Il va beaucoup plus loin, puisqu’il tend à prévoir que, pendant les auditions et les travaux de la commission, nous allons pouvoir être « assistés » par notre collaborateur.
Que recouvre une telle « assistance » pendant les auditions et la présentation de notre rapport devant la commission ? Il y a là une ambiguïté.
Si cela signifie que le collaborateur est assis à côté du sénateur ayant été désigné rapporteur, par exemple pendant que celui-ci présente son avis sur des projets d’amendements, il s’agit là d’un empiètement sur le rôle des administrateurs. Or chacun – les administrateurs comme les assistants – a son rôle et il importe véritablement de ne pas mélanger ces rôles.
Il faut faire en sorte que personne ne se trompe sur ce qu’il a à faire pour le bon service du sénateur. Car l’un de nos collègues l’a indiqué à la tribune, et je souscris à cette affirmation : celle ou celui qui doit être au centre de tout, c’est la sénatrice ou le sénateur dans son travail, chacune et chacun d’entre vous, mes chers collègues.
En tous les cas, il n’est pas envisageable de prévoir qu’au moment où nous faisons notre rapport s’assoie à nos côtés un assistant parlementaire, plutôt qu’un administrateur, pour nous éclairer sur le sens de la réponse qui nous a été préparée en vue d’émettre un avis favorable ou défavorable à un amendement examiné en commission.
Cher collègue Roger Karoutchi, je pense que nous pourrions avancer sur ce point, car la demande est tout à fait légitime si elle vise uniquement à permettre au collaborateur, silencieusement, tel un témoin muet, mais qui sera ainsi parfaitement informé de ce qui se passe dans la préparation du rapport, d’être présent – non pas assister le sénateur, parce que les verbes ont un sens – aux auditions ou aux réunions.
M. André Gattolin. Donc qu’il assiste aux réunions !
M. Philippe Bas, rapporteur. Puisque vous me prenez à partie, mon cher collègue, permettez que je relève ce que vous me soufflez. Lisez l’amendement : il est question, non pas d’assister aux auditions ou aux réunions de commission, mais d’assister le sénateur, qui a été désigné rapporteur. Ce n’est pas la même chose !
Cela étant, nous pourrions faire en sorte, cela n’existe pas actuellement, d’accepter à l’avenir, bien sûr sur autorisation du président de la commission – notre collègue Roger Karoutchi le mentionne dans son intervention, mais ce n’est écrit nulle part dans son amendement –, la présence du collaborateur du sénateur-rapporteur, qui va l’aider, tant aux auditions qu’aux travaux de commission.
Cela me paraît raisonnable, mais je ne voudrais pas que nous nous engagions dans cette voie sans avoir mené un travail de concertation suffisant.
Comme vous le savez, mes chers collègues, nous avons créé, à la suite de la loi de 2017 pour la confiance dans la vie politique, plusieurs instances de dialogue social. Je me suis entretenu de ce sujet avec le président du Sénat, auteur de notre proposition de résolution, et ce dernier m’a autorisé à vous dire qu’il prenait l’engagement d’ouvrir une concertation sur les bases que je viens de définir et sur lesquelles il m’a donné son accord.
Cela nous permettrait d’avancer, mais dans le bon ordre, pour aboutir au résultat que notre collègue Roger Karoutchi et l’ensemble des cosignataires de cet amendement cherchent à atteindre.
C’est la raison pour laquelle, cher collègue et ami Roger Karoutchi, je me tourne vers vous et vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, fort de l’engagement que je prends devant vous, au nom du président du Sénat, d’ouvrir la concertation sur le sujet que vous avez abordé et pour lequel je suis davantage d’accord avec le propos que vous venez de tenir publiquement qu’avec le texte même de l’amendement. De mon point de vue, celui-ci ne reflète pas exactement ce que vous nous avez dit.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je comprends parfaitement que, surtout dans cette Haute Assemblée, tout ce qui doit être décidé le soit avec la lenteur nécessaire pour que l’on n’imagine pas être en train de se précipiter ! (Sourires. – Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
Mais tout de même ! Ma collègue Catherine Procaccia indiquait ce matin, en réunion de groupe, que cela fait dix ans que cette proposition est discutée dans les réunions de l’Association pour la gestion des assistants de sénateurs, l’AGAS, et ailleurs.
M. Laurent Duplomb. Absolument !
M. Roger Karoutchi. Dix ans ! Franchement, dix ans pour qu’un collaborateur puisse prendre une chaise, s’installer derrière son sénateur, désigné rapporteur par la commission, et assister à la réunion : je suis certain qu’après un tel laps de temps on peut considérer la décision comme mature.
Pour ma part, si le président Philippe Bas en convenait – et je ne pense pas faire la révolution avec cette proposition –, je suggérerais que la commission, comme elle a tout loisir de le faire, sous-amende ma proposition. On pourrait retenir une rédaction telle que « le rapporteur peut être accompagné comme observateur, en sa présence uniquement, par l’un de ses collaborateurs ou par un collaborateur de son groupe politique d’appartenance, en accord avec le président de la commission ».
Plus personne ne pourrait alors penser que ce collaborateur assiste le sénateur, s’assoit à ses côtés ou intervient : il est témoin, muet du sérail, mais, au moins, il sait ce qui s’est dit sur le rapport concernant son sénateur.
Je fais toute confiance au président Larcher. Cela étant, faut-il, pour une disposition aussi simple que de permettre à un collaborateur d’être un simple observateur, débattre encore et encore ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – MM. André Gattolin et Jean-Yves Roux applaudissent également.)
J’ai bien étudié ce que sera l’instance de dialogue social, et je me réjouis de sa création. Mais celle-ci traitera surtout du statut et du fonctionnement des collaborateurs parlementaires, non de la possibilité qui leur serait offerte d’être présents en commission. Elle ne pourra en rien décider de cela ; là où ce point pourrait être statué, c’est éventuellement au niveau de l’instruction générale du bureau du Sénat, qui, dans son article IX bis, évoque la présence des collaborateurs de groupes – pas des collaborateurs de sénateurs – dans les réunions.
Franchement, monsieur le président-rapporteur, je ne pense pas que l’adoption d’un tel amendement, sous-amendé dans le sens que j’ai évoqué, puisse choquer qui que ce soit, ni le corps – remarquable – des administrateurs du Sénat, ni ceux qui œuvrent au fonctionnement des commissions, ni les présidents de commission. Et cela donnerait peut-être à nos collaborateurs parlementaires le sentiment que nous travaillons ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. J’apprécie la démarche de notre collègue Roger Karoutchi. J’apprécie également qu’il ait mentionné l’instruction générale du bureau.
En effet, mon cher collègue, vous saisissez l’occasion que représente cette proposition de modification du règlement, dont nous avons abondamment répété qu’elle se faisait à droit constant, pour évoquer une règle relevant de l’instruction générale du bureau, dont vous avez cité l’article IX bis. La question des personnes habilitées à assister aux réunions des instances réglementaires du Sénat est bien traitée dans le cadre de cette instruction générale du bureau.
Néanmoins, je ne veux pas rejeter la main tendue. Je vais donc vous demander une interruption de séance, madame le président, afin que je puisse réunir la commission des lois pour débattre de la manière la plus opportune de régler ce problème. Je proposerai en outre à Roger Karoutchi, qui n’est pas membre de la commission, que nous ayons un échange avant la reprise de séance sur la décision retenue.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures cinquante-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je suis saisie d’un amendement n° 40, présenté par M. Bas, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le Bureau du Sénat détermine les catégories de collaborateurs dont chaque président peut autoriser la présence en commission et lors des auditions des rapporteurs, ainsi que les obligations qui leur sont applicables. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission, que je viens de réunir, a délibéré et propose un amendement, qui, je crois, permet d’atteindre les objectifs visés par l’amendement n° 10 rectifié ter, tout en respectant l’impératif de voir la règle figurer dans l’instruction générale du bureau, notre collègue Roger Karoutchi ayant lui-même souligné que la liste des personnes habilitées à assister à nos travaux est déterminée dans ce cadre.
Je me suis entretenu également avec le président du Sénat, auteur de cette proposition de résolution. Ce dernier, mes chers collègues, m’a autorisé à vous faire part de son engagement à mener à bien le travail que vous pourriez confier au Bureau en adoptant le présent amendement.
Celui-ci tend effectivement à prévoir que le Bureau détermine les catégories de collaborateurs, collaborateurs de groupes et assistants parlementaires, qui peuvent être autorisés par le président de chaque commission à être présents lors des travaux de cette dernière, qu’il s’agisse des auditions ou des travaux liés à la présentation du rapport.
Sont également évoquées les obligations de ces collaborateurs. Il a été utilement rappelé que nos assistants parlementaires sont assujettis à un devoir de discrétion ; le Bureau aura à examiner quelles obligations seront applicables aux collaborateurs participant aux réunions.
Cet amendement présente un autre avantage : il permet, si le Bureau le décide, que les collaborateurs d’auteurs de propositions de loi souhaitant participer aux auditions organisées par le rapporteur ou aux séances de commission puissent le faire. À cet égard, il est plus large que l’amendement n° 10 rectifié ter, cosigné par beaucoup d’entre vous.
Nous pouvons, je crois, atteindre le résultat recherché dans un délai rapide, fort de l’engagement du président du Sénat.
Le Bureau peut se mettre à la tâche très rapidement et entendre non seulement les présidents de groupe et les présidents de commission, comme cela se fait lorsqu’il s’agit de réviser le règlement du Sénat, mais aussi les représentants des différentes associations de nos collaborateurs ainsi que les représentants des administrateurs pour trouver le bon réglage.
Mes chers collègues, l’objectif n’est pas de procurer une satisfaction personnelle à nos collaborateurs. Il s’agit non pas de cela, mais de permettre à chacune et à chacun d’entre vous de vous faire accompagner dans les travaux qui vous tiennent à cœur par quelqu’un en qui vous avez une confiance personnelle, parce qu’il suit votre activité au quotidien.
Madame le président, dans la mesure où l’amendement que j’ai rédigé ne peut prendre la forme d’un sous-amendement, comme je l’aurais souhaité, je demande qu’il soit examiné en priorité.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’une demande de priorité de la commission portant sur l’amendement n° 40.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité est de droit.
La priorité est ordonnée.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Par définition, le travail mené au Parlement, et il en est de même de l’élaboration de notre règlement intérieur, est fondé sur une seule notion : la confiance.
Si la confiance n’existe pas, il n’est pas possible de travailler. On peut ne pas être d’accord sur bien des sujets, on peut appartenir à différents groupes, mais, sans confiance, ce n’est même pas la peine de discuter et des textes de loi et du règlement.
Je le dis clairement : je vois bien ce que sous-tend la proposition du président-rapporteur et je goûte peu la demande de priorité qu’il a formulée sur son amendement. Peut-être eût-il mieux valu me demander d’abord ce que j’en pensais ; mais peu importe…
Certes, le dispositif de l’amendement de la commission constitue une avancée par rapport à l’existant. Néanmoins, par définition, s’il était adopté, il ne serait pas d’application immédiate, contrairement au mien, qui s’appliquerait tout de suite puisqu’il serait inscrit dans le règlement intérieur.
Je ne sais pas à quel moment le Bureau se réunira pour prendre une décision, ni dans quelles conditions. Ne va-t-on pas nous dire que mieux vaut d’abord mettre en place une structure de concertation et que l’on reporte tout d’un an ? Autant dire qu’un problème de confiance se pose.
Le président-rapporteur nous invite à choisir son amendement, selon lui plus large et mieux rédigé, en nous assurant que la question sera résolue dans des délais assez brefs. Si tout cela ne devait servir qu’à organiser un enterrement de première classe, je considérerais que la confiance que je fais au président de la commission des lois et au président du Sénat n’a plus lieu d’être. Je le dis de la manière la plus claire.
J’accepte de retirer mon amendement, à la seule condition que la confiance ne soit pas rompue.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Bien évidemment, la confiance constitue le socle de nos travaux.
Mes chers collègues, nous sommes en train de délibérer pour modifier le règlement du Sénat, ce que nous avons toujours fait dans un esprit très consensuel, autour du président du Sénat, de l’ensemble des présidents de groupe et, la plupart du temps, des présidents de commission.
Or, sur ce point précis, nous ne l’avons pas fait. Je ne souhaite pas qu’il s’agisse d’un enterrement de première classe : pour en avoir discuté encore ce matin avec le président Gérard Larcher, nous considérons qu’un pas doit être fait en direction de nos assistants.
Toutefois, mes chers collègues, plusieurs catégories de coopérateurs nous assistent aujourd’hui dans nos travaux : on trouve d’abord, au sein de l’institution, les administrateurs, qui ont un statut et qui obéissent à un code de déontologie, avec des droits et des devoirs…
M. André Gattolin. Oui et non !
M. Bruno Retailleau. Monsieur Gattolin, j’espère tout de même que vous ne doutez pas de l’existence du code de déontologie des administrateurs du Sénat ?
M. André Gattolin. Pas du tout ! C’est même moi qui l’ai réclamé !
M. Bruno Retailleau. Viennent ensuite les collaborateurs de groupe, lesquels sont soumis à un certain nombre de règles.
Nous souhaitons, pour la plupart d’entre nous, que nos assistants parlementaires puissent prendre part à nos travaux. Très bien ! Mais je pense que cette possibilité s’accompagne d’un certain nombre de règles, dont il faut discuter, puisqu’ils seront amenés, par exemple – et c’est là que se trouve une différence entre l’exposé des motifs et la rédaction de l’amendement –, à assister aux délibérations, normalement secrètes, des commissions.
Je souhaite donc qu’un travail soit mené dans le cadre du Bureau, comme le propose la commission des lois. Il s’agit, cher Roger Karoutchi, non pas d’assister à un enterrement, mais de poser le jeu et d’impliquer aussi, au-delà du Bureau, l’ensemble des présidents de groupe et de commission.
Ce n’est qu’après ce travail de concertation que nous pourrons poser les règles d’une coopération accrue avec nos assistants, dont les nouveaux droits s’accompagneront aussi de nouveaux devoirs. Tout cela me paraît absolument naturel, raison pour laquelle je voterai le dispositif proposé par la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Le débat devient quelque peu compliqué.
Je ne sais pas si M. Karoutchi va retirer son amendement. C’est tout de même une vraie question. Si, au premier abord, cet amendement paraissait sympathique, il soulevait également un certain nombre de questions, d’ailleurs évoquées en partie par le président Retailleau.
Quand un sénateur ou une sénatrice devient rapporteur, il ou elle est nommé par la commission. Dès lors, je ne vois pas pourquoi l’assistant du parlementaire concerné devrait l’accompagner au cours des travaux qu’il mène pour rédiger le rapport « commandé » par la commission. J’ai l’impression que l’on mélange un peu les genres.
Par ailleurs, j’aimerais que nous nous attardions plus profondément sur le statut de nos collaborateurs, qu’il s’agisse des collaborateurs de groupe ou des assistants parlementaires. J’espère que nous aurons le temps d’y revenir dans la suite de la discussion de cette proposition de résolution.
Monsieur le président Bas, votre amendement m’interroge. Nous discutons du devenir et des responsabilités de nos collaborateurs. Je n’ai qu’une simple question : a-t-on consulté les syndicats sur ce sujet ? Je ne le crois pas. Ne serait-ce que pour cette raison, je ne voterai pas en faveur de votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. J’ai cosigné l’amendement de Roger Karoutchi, car j’ai vécu cette expérience au sein du Parlement européen. La présence de son collaborateur aux réunions aide énormément le parlementaire.
Nous travaillons au quotidien avec nos assistants, nous leur faisons une totale confiance. Or nous ne pouvons partager avec eux nos travaux sur un rapport puisqu’ils ne participent pas aux réunions de commission et qu’ils n’entendent pas ce qui s’y dit. Ils n’en ont pas la même connaissance que nous.
Nous avons souvent d’autres travaux à mener en parallèle de l’élaboration d’un rapport. Il me semble normal de pouvoir être accompagné d’un collaborateur, sans que celui-ci puisse prendre la parole.
Je soutiens la position de Roger Karoutchi par rapport au retrait de son amendement et je voterai l’amendement de M. Bas.
Mme la présidente. La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.
M. André Gattolin. J’ai voté, avec quelques-uns de mes collègues, l’excellent amendement de mon excellent collègue Karoutchi. (Murmures sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain – M. Joël Labbé mime le geste d’un violoniste.)
Je ne l’ai pas fait parce que nous sommes tous deux altoséquanais. Il s’agit d’un simple constat : je veux bien que l’on se concerte avec les syndicats, mais il n’est pas un seul de mes collaborateurs qui ne se soit pas plaint de ne pouvoir assister aux auditions.
Mme Éliane Assassi. Vos collaborateurs sont tous à Paris !
M. André Gattolin. Parfois, le rapporteur mène cinq auditions d’affilée. Les documents complémentaires sont envoyés directement à l’administrateur ; il m’est arrivé de ne pas pouvoir les obtenir. J’ai demandé une fois le compte rendu d’une de ces auditions : mon administrateur a dû s’adresser à son responsable, directeur de service, et il m’a fallu attendre quinze jours pour avoir une demi-page. Qui est élu ici ? Les parlementaires ou la structure administrative ? Il faut être clair. Qui signe le rapport ? Le sénateur, qui assume ses responsabilités ! Quand il embauche un collaborateur, il le fait sur une base de confiance. Or vous mettez en cause cette confiance.
Franchement, je suis très dubitatif. Sans doute eût-il fallu préciser, dans l’amendement de Roger Karoutchi, que les assistants ne peuvent prendre la parole et qu’ils n’ont pas vocation à remplacer les administrateurs, dont on sait la grande qualité.
Comme ma collègue Gruny, j’ai travaillé au Parlement européen. J’y ai moi-même été collaborateur et tout fonctionnait bien. Faire évoluer les choses sur un aussi petit détail ressemble ici à une révolution. Mais où vivons-nous ? Sommes-nous au XXIe siècle ou au XIXe ?
Je me pose la question de savoir si je vais voter l’amendement de M. le rapporteur, qui crée autant d’ouvertures que de fermetures. On va repousser les choses, en rediscuter, créer un comité Théodule… Pourquoi distinguer les « catégories » de collaborateurs ? C’est pourtant simple : il y a les collaborateurs de groupe et les collaborateurs du parlementaire. Et sur un sujet local, il serait normal que le collaborateur local puisse aussi assister à l’audition.
Essayons de parvenir à un résultat un peu intelligent, qui soit digne de notre époque. (Mme Michèle Vullien applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. L’exposé des motifs de l’amendement de M. Karoutchi était clair, sa rédaction nettement moins.
« Assister » – j’ai vérifié dans le dictionnaire – signifie être présent et seconder. Dans notre esprit, il s’agissait bien de permettre à nos collaborateurs d’être présent, non de suppléer les administrateurs. Ce n’est pas leur mission.
Assister, c’est nous aider. Qui se trouve dans le bureau ? Qui reçoit les appels téléphoniques ? Qui met à jour nos sites internet ? Qui rédige les communiqués destinés à la presse régionale ? Ce sont nos collaborateurs.
Sur les dix assistants que j’ai eus en quatorze ans de Sénat, trois avaient les capacités nécessaires sur le plan législatif pour assister à mes réunions et, le cas échéant, m’aider par la suite. Tous les assistants ne sont donc pas concernés. Je souhaite que, derrière la notion de « catégories », apparaisse bien la possibilité pour le sénateur de choisir que tel ou tel de ses collaborateurs assistera ou non aux réunions de commission. Tel était l’esprit de l’amendement de M. Karoutchi : je me plierai donc à sa décision.
La notion de confiance que lui et Bruno Retailleau ont évoquée est importante. Cela fait dix ans que je réclame cette évolution ; j’espère que d’autres que moi n’auront pas encore à la réclamer dans dix ans. (Mme Michèle Vullien et M. André Gattolin applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.
M. Michel Raison. L’objet de l’amendement de Roger Karoutchi, qui évolue avec celui de la commission, n’a pas qu’une dimension technique ; il a aussi une dimension psychologique par rapport à nos assistants.
Quand nous embauchons un assistant, à Paris ou dans nos circonscriptions, nous prenons un certain nombre de précautions. Il ne serait pas élégant de notre part de punir la grande majorité de nos assistants parce qu’il y a pu avoir dans leurs rangs quelques indélicats, comme cela peut aussi être le cas chez les sénatrices et les sénateurs. (Murmures appuyés sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
Cela peut arriver, mais ce n’est pas le cas pour le moment ! (Sourires.)
Eu égard à cette dimension psychologique, nos assistants, lorsqu’ils demandent quelque chose à l’administration du Sénat, ont parfois le sentiment d’être considérés comme des sous-secrétaires. Or ils sont en quelque sorte nos directeurs de cabinet et, quand ils s’expriment, à l’instar du directeur de cabinet d’un maire qui parle au nom du maire, ils le font aussi en notre nom, ce dont nous sommes responsables.
Je voterai cet amendement en demandant au président Bas de faire en sorte que la question soit mise à l’ordre du jour du Bureau le plus rapidement possible.
À défaut, tout cela s’apparenterait à la demande de retrait d’un de nos amendements par un ministre qui nous promettrait de mettre en place un groupe de travail pour régler le problème. Or nous savons tous que le groupe de travail en question ne se sera jamais réuni une seule fois au terme de notre mandat.
Je ferai également tout mon possible, en tant que membre du Bureau, pour que cette question arrive à l’ordre du jour le plus vite possible et que la rédaction qui sera retenue ne soit pas trop étriquée. Il convient de donner à nos assistants les autorisations nécessaires pour pouvoir participer à un certain nombre de réunions importantes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.
Mme Françoise Cartron. J’interviens au titre d’une double expérience.
J’ai vécu cette difficulté lorsque j’étais rapporteure de la loi de refondation de l’école. Mon assistant ne pouvait participer à mes auditions, ce qui doublait mon travail. Certes, je bénéficiais de la compétence et de l’expertise des administrateurs, mais mon assistant ne pouvait partager le vécu, le ressenti des auditions. Je me devais donc de lui en faire un résumé, car c’est aussi une partie de la relation de confiance qui se noue avec lui, tout en espérant que je lui faisais une retranscription fidèle de ce que j’avais entendu.
J’étais tout à fait favorable à l’amendement de M. Karoutchi. Il faut raisonner par rapport au point de vue, non pas tant de l’assistant, mais de la sénatrice ou du sénateur. Lorsque l’on a avec son assistant une vraie relation de confiance – le mot a été beaucoup employé –, tout ce qui peut la faciliter encore davantage est bienvenu.
Présidente de l’AGAS pendant trois ans, j’ai souvent entendu, de la part des assistants, que certaines catégories de personnels, au Sénat, étaient plus nobles que d’autres. Le fait d’être exclu de ces auditions est vécu comme quelque chose de discriminant. Il me semblait donc que l’adoption de l’amendement de M. Karoutchi aurait pu donner aux assistants la place essentielle qui est la leur, ce qui passe par leur présence à nos côtés en audition.
Je m’interroge sur l’amendement de M. Bas, qui ne fixe aucun délai. Au regard de toutes les concertations à engager, je crains que plusieurs d’entre nous ne soient plus là quand cette mesure sera réellement mise en place.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour explication de vote.
M. Olivier Léonhardt. Mme Cartron a parfaitement résumé ma position, que j’exprime, non au nom de mon groupe, mais à titre personnel.
Il me semble que l’amendement de Roger Karoutchi est un simple amendement de bon sens.
Je ne suis pas un sénateur de très longue date puisque c’est mon premier mandat. Je tombe de ma chaise en voyant que l’on n’arrive pas à avancer sur une question aussi simple. Dès l’instant où les garanties nécessaires sont prises – ils n’ont pas le droit à la parole et sont uniquement là pour nous assister –, je ne comprends même pas que la question de la présence de nos collaborateurs puisse encore se poser.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement m’avait échappé, faute de quoi je l’aurais cosigné comme nombre de sénateurs de mon groupe.
Il ouvre le débat. La commission des lois s’est efforcée de trouver un compromis, certains mettant encore quelques freins au fait que nous puissions prévoir effectivement la présence de nos collaborateurs.
Malgré ma jeune expérience dans l’hémicycle, je peux apporter un témoignage. J’ai eu la chance, la semaine dernière, de voir une proposition de loi dont j’étais l’auteure votée à l’unanimité. Dans le cadre du cheminement de cette proposition de loi, j’ai trouvé assez frustrant de devoir expliquer à ma collaboratrice, qui m’avait aidée à la rédiger, qui a suivi les travaux, qui a fait des auditions pour la préparer, qu’elle ne pouvait pas assister aux auditions du rapporteur.
C’est vrai, monsieur Karoutchi, c’est un cas qui n’est pas pris en compte dans cet amendement. Quand on est auteur d’une proposition de loi, on peut en effet assister aux auditions du rapporteur. Dans le cadre de ce gentleman’s agreement, on peut aussi proposer des amendements visant à bonifier le texte.
J’ai partagé avec mes collègues de la commission des lois cette réalité qu’il avait été difficile, après quatre heures d’audition, de pouvoir rapporter à mon assistante toutes les subtilités et les faits marquants qui auraient pu nous permettre d’améliorer encore le texte.
Nous sommes tous d’accord sur le fait que l’amendement de M. Karoutchi méritait quelques précisions. La proposition de la commission des lois me semble acceptable, même s’il ne précise aucun délai, comme le soulignait Mme Carton.
Par ailleurs, comme l’a dit Mme Assassi, le dialogue social avec les syndicats est un préalable incontournable.
Nous pouvons voter cet amendement et nous engager à faire diligence. Nous sommes très majoritairement d’accord pour que nos assistants participent aux auditions en faisant preuve de la plus grande confidentialité.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Nathalie Delattre. Quand nous les embauchons, nous prenons toujours garde à ce qu’ils aient les qualités éthiques nécessaires.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président Philippe Bas, comme vous le savez, les membres du groupe socialiste et républicain ont voté votre amendement lors de la réunion de commission qui vient d’avoir lieu.
Toutefois, comme vous le savez aussi, nous avons assorti notre approbation de deux points déjà largement évoqués par M. Karoutchi, par Mme Delattre, par Mme Assassi et par beaucoup d’autres orateurs.
Premièrement, il ne faut pas qu’un tel dispositif se révèle dilatoire. Nous voulons un engagement de votre part à ce que le Bureau traite de cette question lors de sa prochaine réunion ou de la suivante.
Deuxièmement, il est nécessaire d’organiser avant cette même réunion une concertation avec l’ensemble des organisations représentatives des collaborateurs.
Nous serons d’accord pour adopter cet amendement à ces deux conditions précises. Dans la mesure où elles ne figurent pas dans l’objet de votre amendement, nous vous demandons de bien vouloir vous engager en séance publique à les faire respecter.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Montesquieu écrivait : « J’aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers. »
N’étant pas savant, je n’ai pas raisonné de travers en découvrant l’amendement de Roger Karoutchi et je l’ai cosigné.
Je l’ai fait, car j’aimerais que mon assistante puisse être dans l’assistance lors des auditions que je mène en tant que rapporteur du budget de l’agriculture, par exemple. Il ne m’est jamais venu à l’esprit que le terme « assister » puisse avoir un autre sens que celui d’être dans l’assistance, pour entendre ce qui se dit, pour en faire le compte rendu et, surtout, pour être informé de la suite des événements. Il faut notamment pouvoir communiquer sur le rapport, répondre aux questions, aux demandes d’entretien. Je souscris donc à ce qu’a dit Catherine Procaccia.
J’entends les propos des présidents Retailleau et Bas appelant à border les choses. Je comprends que Roger Karoutchi parle de retirer son amendement et d’accepter la proposition de la commission, mais à la condition du respect du pacte de confiance.
Il est indiqué à la fin de l’amendement de Philippe Bas : « Après avoir échangé avec le président du Sénat, votre rapporteur confirme qu’il est très clairement disposé à ouvrir une réflexion à ce sujet pour faire émerger la meilleure solution. » Dès lors, pourquoi ne pas simplement ajouter au texte de l’amendement un délai, par exemple d’un ou deux mois ? Nous serions alors vraiment dans le cadre de ce pacte de confiance. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.
M. Alain Marc. J’ai été député pendant sept ans. Nous avions la possibilité, à l’Assemblée nationale, de venir en réunion avec nos assistants, même les stagiaires, sans que cela pose le moindre problème. Quand je suis arrivé au Sénat, le fait que cela puisse en poser m’a quelque peu interloqué.
Associer nos collaborateurs à ces auditions, comme le souhaite M. Karoutchi au travers de son amendement, est une bonne chose.
Toutefois, le terme « assister » pose problème. Je fais confiance à Philippe Bas, dont l’amendement ne me semble pas reposer sur une volonté dilatoire. Nous avons tous déjà eu cette discussion avec nos présidents de groupe et je crois que l’amendement de la commission va dans le bon sens.
Le président Bas apportera sans doute une réponse à la question du délai dans lequel le Bureau pourrait rendre une instruction sur cette problématique. Je souhaite avancer et voterai son amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Mes chers collègues, je vous ai bien écoutés, les uns et les autres.
Je voudrais répondre à la préoccupation de la confiance. Vouloir que le Bureau soit saisi, rédiger un texte qui fait obligation au Bureau, en ce qu’il utilise l’indicatif présent, de prendre de nouvelles dispositions, c’est déjà un gage de confiance.
Toutefois, j’entends ce que vous me dites, sur plusieurs travées. Laurent Duplomb me suggère de modifier l’objet de mon amendement, ce que je vais faire verbalement : après avoir évoqué de manière approfondie cette question avec le président du Sénat, je peux vous annoncer qu’elle sera examinée dès la prochaine réunion du Bureau, si cet amendement était adopté.
Je suis le gardien de cet engagement et je veillerai à ce qu’il soit respecté, ce dont je ne doute pas.
Par ailleurs, je voudrais rassurer M. Sueur sur la question de la concertation. Je connais et partage votre souci du dialogue social, mon cher collègue. D’aucuns craignent que ce dialogue ne soit qu’un simple prétexte à visée dilatoire pour diluer l’examen de cette question, au point de ne pas aboutir. En réalité, il faut faire les deux. Nous avons nous-mêmes suffisamment reproché au Gouvernement de ne pas avoir su dialoguer avant de prendre ses décisions lors du déclenchement de la crise des « gilets jaunes » ; sachons donc dialoguer avant de déterminer les modalités de mise en œuvre de ce que nous proposons.
À mon sens, le Bureau doit aller vite – c’est pourquoi le sujet sera abordé dès sa prochaine réunion –, mais il doit également rencontrer les présidents de groupe, les présidents de commission, les responsables des associations de collaborateurs parlementaires, ainsi que les représentants des administrateurs. D’ailleurs, je ne vois pas comment nous pourrions procéder autrement.
En préparant la présente résolution tendant à modifier notre règlement, le président du Sénat a effectivement procédé à des concertations. Les concertations ne doivent pas être de la procrastination. Elles doivent être utiles et permettre de trouver les solutions en y incorporant les points de vue qui se seront exprimés.
Je souhaite que nous avancions rapidement. Je prends l’engagement d’y veiller. Au cours de notre débat, la confiance m’est apparue comme une question essentielle.
Je souhaite également répondre à une interpellation à caractère rédactionnel. Plusieurs orateurs se sont interrogés sur la signification du terme « catégories ». M. Gattolin a par exemple indiqué qu’il serait préférable d’écrire : « les collaborateurs de groupe et les collaborateurs des sénateurs ». Or c’est précisément ce que nous avons voulu exprimer par cette économie de mots.
M. André Gattolin. Ah !
M. Philippe Bas, rapporteur. Je vous confirme – et l’interprétation que je vous donne fait foi – que l’expression « les catégories de collaborateurs » désigne bien les collaborateurs du groupe et les collaborateurs des sénatrices et des sénateurs.
M. André Gattolin. Très bien !
M. Philippe Bas, rapporteur. M. Karoutchi a soulevé une véritable question. Je tiens très sincèrement à le remercier, d’autant que cela représentait visiblement pour lui un certain effort, d’avoir retiré son amendement.
M. Roger Karoutchi. Mais je ne l’ai pas encore retiré !
M. Philippe Bas, rapporteur. C’est ce que vous avez annoncé, mon cher collègue. (M. Roger Karoutchi le conteste.) En tout cas, je vous en remercie.
M. Roger Karoutchi. « Par avance » ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, rapporteur. Si vous le souhaitez ! (Nouveaux sourires.) Mais il m’avait bien semblé entendre dans vos propos que vous retiriez votre amendement.
Il y a, me semble-t-il, une satisfaction à avoir dans notre débat. À ma connaissance, pas une voix ne s’est exprimée contre la modification de nos pratiques permettant, sur décision des présidents de commission, aux collaborateurs des rapporteurs et aux collaborateurs des auteurs de propositions de loi d’être présents aux auditions, pour être pleinement et en temps réel informés du travail de leur sénateur sur une proposition ou un projet de loi, et d’être également présents lors des travaux de la commission sur le texte dont leur sénateur est rapporteur ou auteur.
Je crois qu’il y a une unanimité du Sénat. Notre président est par avance d’accord pour que nous allions en ce sens. Je ne vois aucune raison de douter que les décisions nécessaires seront prises par l’instrument adapté : l’instruction générale du bureau du Sénat. (Marques d’impatience sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.) Tous les éléments sont maintenant réunis pour que nous puissions progresser. C’est pourquoi je vous demande d’adopter l’amendement que nous avons déposé au nom de la commission des lois.
Mme la présidente. Monsieur Karoutchi, confirmez-vous que vous retirez l’amendement n° 10 rectifié ter ?
Mme Éliane Assassi. Cela fait plus d’une heure et quart que nous sommes sur cet amendement !
M. Roger Karoutchi. Nous avons passé une heure et demie en séance plénière pour savoir si les collaborateurs parlementaires peuvent assister à certaines réunions avec leur sénateur ! Sans commentaire. Mais songeons à la portée, parfois, de certaines de nos discussions…
Je retire naturellement l’amendement n° 10 rectifié ter. Je veux bien accorder la confiance nécessaire à notre rapporteur et au président du Sénat. Nous nous sommes exprimés. Nous jugerons sur pièce après les réunions des prochains bureaux.
Mme la présidente. L’amendement n° 16, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ….- Si le groupe auteur d’une proposition de loi inscrite à l’ordre du jour dans les conditions fixées par l’alinéa 5 de l’article 29 bis demande la désignation d’un de ses membres comme rapporteur, cette demande est de droit. » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. J’espère que nous allons passer autant de temps sur cet amendement, visant à renforcer le rôle des parlementaires et à donner plus de place aussi à l’opposition. Passer une heure et demie à discuter de la place de nos collaborateurs me semble surréaliste au regard des vrais problèmes qui se posent dans notre pays !
M. Philippe Bas, rapporteur. On peut aussi avoir des égards pour nos collaborateurs !
Mme Laurence Cohen. Je dis cela quelle que soit mon opinion quant à la qualité de nos collaborateurs, monsieur le rapporteur.
Nous sommes en train de modifier notre règlement dans un contexte où le pouvoir exécutif prend une place considérable et rabote les droits des parlementaires, en bénéficiant de la neutralité de la majorité sénatoriale : nous avons de moins en moins de droits, et vous faites en sorte de nous en retirer encore davantage !
Cet amendement de notre groupe est simple. Il n’est pas révolutionnaire. Cela dit, celui de M. Karoutchi, qui a tout de même mis un sacré désordre dans notre hémicycle, ne l’était pas non plus.
Nous proposons que, lors des niches parlementaires, le groupe à l’origine du texte en discussion obtienne de droit la fonction de rapporteur pour l’un de ses membres s’il en fait la demande. La pratique actuelle veut que les textes discutés dans le cadre des niches ne soient pas dénaturés par les autres groupes lors de leur examen en commission. Nous souhaitons la rendre plus officielle, en donnant de droit la fonction de rapporteur au groupe dont le texte est issu, afin de garantir qu’il n’y aura pas de dénaturation.
Je pense qu’une telle disposition devrait recueillir la majorité de vos suffrages, mes chers collègues. Pour ma part, je serai particulièrement attentive – d’ailleurs, je le suis toujours – à la réponse du président-rapporteur. J’ai eu le sentiment, sur nos précédents amendements, qu’il utilisait des arguments un peu à géométrie variable, évoquant tantôt la proportionnelle, tantôt la nécessité de ne pas dépenser les deniers de la Haute Assemblée. Tout cela ne sera, me semble-t-il, pas de mise en l’occurrence. Il pourra nous soutenir, afin que notre amendement soit voté dans le plus grand consensus.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Il est souhaitable que les rapporteurs puissent s’adosser à la majorité de la commission pour en défendre le point de vue en séance. Les rapports sur des textes présentant une dimension technique ou un caractère consensuel peuvent parfaitement être pris en charge par des collègues issus de groupes d’opposition ou de groupes minoritaires ; comme président de commission, ma pratique est de rechercher le maximum d’occasions pour que cela soit le cas. Mais confier un rapport à un membre d’un groupe minoritaire en sachant que la majorité de la commission votera contre ses conclusions, ce qui l’obligera ensuite à défendre au banc des convictions contraires aux siennes, c’est le placer dans une situation extrêmement inconfortable !
Au fond, c’est le jeu normal de la démocratie. Cela existe dans nos conseils municipaux et dans nos conseils départementaux, comme au Sénat et à l’Assemblée nationale. Je ne crois pas que l’on puisse déroger à cette règle, même si, encore une fois, je suis extrêmement soucieux qu’un maximum de rapports puissent être confiés à des sénateurs issus de groupes n’appartenant pas à la majorité.
Vous m’avez demandé une explication aussi complète que possible. Vous serez en désaccord avec ma position. C’est le dialogue démocratique entre nous. J’exprime moi aussi un point de vue de conviction !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous venons de discuter longuement, trop longuement à mon goût, de la présence ou non d’assistants parlementaires à certaines de nos réunions pour nous seconder. J’ai entendu dire que certaines positions constituaient une remise en cause de la « confiance ». Mais là, c’est exactement pareil !
Nous demandons qu’un groupe ayant déposé une proposition de loi puisse obtenir de droit la fonction de rapporteur pour l’un de ses membres sur celle-ci. Honnêtement, je ne vois pas où est le problème !
On nous dit qu’il ne serait pas possible à un groupe d’argumenter et de défendre son texte sous peine de le « dénaturer » ? Je ne comprends pas bien. Le rapporteur, ajoutez-vous, pourrait se retrouver en contradiction avec ses propres convictions ? On marche sur la tête !
C’est tout de même une question de confiance dans le travail législatif. Vous avez des présupposés quant au contenu du rapport rédigé par un membre du groupe auteur de la proposition de loi. Mais rien n’empêche – d’ailleurs, nous y sommes confrontés plutôt deux fois qu’une ! – que le texte soit rejeté ; je ne vois pas en quoi le fait d’avoir la fonction de rapporteur change la donne à cet égard. Enfin, mes chers collègues, regardez nos propositions de loi qui sont acceptées !
Par conséquent, je ne pense pas que votre argument puisse être pris en compte.
Aujourd’hui, dans les hémicycles, les groupes minoritaires n’ont que peu de pouvoir. Voyez le nombre d’amendements qui sont acceptés ! Dans notre groupe, nous sommes toujours constructifs ; nous déposons donc des amendements. Or quasiment 95 % d’entre eux sont rejetés par le Gouvernement et la majorité sénatoriale.
Et quand nous demandons que le groupe porteur d’une proposition de loi puisse obtenir la fonction de rapporteur pour l’un de ses membres, on nous rétorque que nous allons « dénaturer » je ne sais quoi ! Mais pas du tout ! Celui qui risque de dénaturer la proposition de loi, c’est le rapporteur issu d’un autre groupe qui ne la comprendra pas !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Sur un tel sujet, je n’ai pas tout à fait la même position que notre collègue Philippe Bas.
J’ai participé longuement à des débats à l’Assemblée nationale. Je me souviens que Georges Hage présentait le budget des sports. Il était extraordinaire. Il rapportait toujours une position différente de la sienne. Et il le faisait avec une certaine truculence, en soulignant bien qu’il regrettait la position de la commission, mais qu’il la présentait avec loyauté.
Je ne suis pas du tout choqué par la demande de nos collègues. D’ailleurs, nous voterons cet amendement. Cela implique que, une fois devenu rapporteur, le membre du groupe auteur de la proposition de loi devra défendre bec et ongles au banc la position de la commission.
Mme Éliane Assassi. Bien entendu !
Mme Laurence Cohen. Nous sommes des parlementaires à part entière !
M. Jean-Pierre Sueur. Il pourra évidemment dire que ce n’est pas sa position personnelle. Mais il lui faudra bien défendre celle de la commission, faute de quoi la fonction de rapporteur perdrait son sens.
Dans ces conditions, je ne vois pas d’inconvénient à la mesure qui nous est proposée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. J’irai dans le même sens que mon amie Laurence Cohen et Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président Bas, vos arguments ne s’entendent pas.
Ces derniers temps, il est arrivé à deux reprises que l’un des membres de mon groupe soit désigné rapporteur sur l’une de nos propositions de loi inscrites à l’ordre du jour dans le cadre de notre niche parlementaire. Et nos collègues ont respecté le travail du Sénat. Je pense à Dominique Watrin sur les retraites agricoles ou à Guillaume Gontard sur la renationalisation des autoroutes. Tous deux ont, dans ces fonctions, assis au banc à vos côtés, monsieur le président Bas, exposé la position de la commission, ce qui ne les a pas empêchés par ailleurs d’émettre un avis personnel.
Monsieur le président-rapporteur, vous nous connaissez. Nous sommes assez respectueux des procédures.
M. Philippe Bas, rapporteur. Oui !
Mme Éliane Assassi. Dans l’hémicycle, nous intervenons souvent, mais nous ne sommes pas simplement dans une posture d’opposition. Nous faisons également des propositions, de manière, encore une fois, très respectueuse du travail parlementaire au Sénat.
Par conséquent, je ne comprends pas, à moins que vous ne soyez arc-bouté sur le fait majoritaire, votre refus de l’amendement présenté par Laurence Cohen.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’entends les arguments du groupe CRCE. En réalité, je crois qu’une erreur a été commise en 2008. Comme ce n’est la faute de personne, c’est la faute de chacun. Nous avions alors créé les conditions propices à la reconnaissance des groupes d’opposition et des groupes minoritaires et institué des niches parlementaires en leur faveur. À l’époque, j’avais mis en garde les présidents de groupe de l’Assemblée nationale et du Sénat sur le point suivant : un groupe minoritaire qui dépose un texte va voir celui-ci se faire amender de manière telle qu’il sera contraint, à la fin du débat, de voter contre son propre texte. Imaginez le ridicule de la situation !
J’avais donc suggéré la possibilité d’un vote bloqué, après débat, afin qu’une proposition de loi ne soit pas dénaturée en cours de parcours et que le vote porte bien sur le texte présenté par le groupe minoritaire. J’ai reçu le soutien du Premier ministre d’alors, François Fillon, mais je me suis heurté à l’opposition des présidents de groupe de l’Assemblée et du Sénat, y compris des groupes minoritaires, pour lesquels il ne fallait pas restreindre le droit d’amendement.
Il y a là un vrai sujet constitutionnel. Il est évident que les auteurs d’une proposition de loi ou de résolution ne peuvent pas voter leur propre texte si celui-ci est totalement dénaturé. Et, du coup, c’est l’autre camp qui vote le texte, après l’avoir totalement changé !
Pourra-t-on faire évoluer la position des présidents de groupe dans le cadre d’une éventuelle réforme constitutionnelle ? Car la contradiction est évidente. Et – pardonnez-moi de vous le dire ! – ce n’est pas le fait d’avoir ou non la fonction de rapporteur qui changera quoi que ce soit.
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas le problème !
Mme la présidente. L’amendement n° 17, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ….- Si le groupe auteur d’une proposition de loi inscrite à l’ordre du jour dans les conditions fixées par l’alinéa 5 de l’article 29 bis demande la désignation d’un de ses membres comme co-rapporteur, cette demande est de droit. » ;
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement de repli vise à mettre tout le monde d’accord. Nous proposons que, dans le cadre d’une niche parlementaire, le groupe auteur de la proposition de loi obtienne de droit pour l’un de ses membres la fonction non pas de rapporteur, mais de « corapporteur ». Le corapporteur pourrait ainsi travailler avec le rapporteur, qui ne serait pas membre de son groupe, et lui apporter des informations, par exemple sur les motifs ayant justifié le dépôt de la proposition de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission émet – hélas ! – un avis défavorable sur cet amendement. Permettre un rapport à deux voix qui s’opposent au lieu de proposer une solution risque de ne pas faciliter nos travaux de commission.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 15, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 37
1° Première et deuxième phrases
Remplacer le mot :
président
par le mot :
bureau
2° Deuxième phrase
Après le mot :
écrit
insérer les mots :
et suffisamment motivé
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement tend à faire en sorte que le contrôle de recevabilité au sein de la commission saisie au fond et au sein de la commission des finances soit effectué par le bureau de celles-ci, et non par les seuls présidents.
Cela lèverait toute ambiguïté sur le caractère arbitraire des irrecevabilités. Vous en conviendrez, la collégialité est toujours plus légitime qu’une décision d’un seul homme. D’ailleurs, c’était comme cela auparavant.
Nous proposons aussi que les avis d’irrecevabilité soient écrits et motivés de manière non tautologique, pour une plus grande légitimité. Il s’agit de faire reculer le sentiment d’arbitraire qui peut se dégager de certaines irrecevabilités prononcées. Cela a beaucoup été le cas dans le passé.
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 37
1° Première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
par un avis écrit et suffisamment motivé
2° Deuxième phrase
Après les mots :
qui rend un avis écrit
insérer les mots :
et suffisamment motivé
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous demandons que toute irrecevabilité au titre de l’article 40 de la Constitution soit émise par un avis écrit et suffisamment motivé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je trouve intéressante la recherche d’une méthode permettant de légitimer davantage les irrecevabilités financières, qui sont un irritant pour le travail parlementaire, en particulier pour les auteurs des amendements concernés.
Je crois que cette recherche mérite effectivement notre discussion. Mais nous n’avons pas émis d’avis favorable sur ces deux amendements.
D’abord, tout ce qui concerne dans la motivation des décisions existe déjà, puisque toute irrecevabilité financière est assortie de l’envoi d’une lettre ou d’un courriel à l’auteur de l’amendement lui énonçant pour quelle raison l’irrecevabilité a été opposée. Il sera peut-être en désaccord, mais au moins sera-t-il bien informé.
Les auteurs de l’amendement n° 15 proposent de réunir le bureau de la commission chaque fois qu’il y a une irrecevabilité, afin que la décision soit collégiale au lieu d’être celle du seul président, souvent d’ailleurs après demande au président de la commission des finances. Comme président de commission, je trouve que cela ralentirait considérablement notre travail parlementaire. Imaginez que nous interrompions toutes les séances de commission, déjà extrêmement chargées, pour aller faire avaliser par le bureau ou sa seule majorité une décision d’irrecevabilité.
Au demeurant, je rappelle que les irrecevabilités financières frappent seulement 5 % des amendements au Sénat. On entrerait là dans une procédure qui rendrait encore plus compliqué le fait de tenir les délais parfois déjà bien contraints.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je ne voterai pas ces amendements, même si j’en comprends les intentions. Je dois dire que j’ignorais la signification du terme « tautologique ». J’ai été obligé de regarder sur internet pour en comprendre le sens ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le Règlement est ainsi modifié :
1° Après l’article 15, il est inséré un article 15 bis ainsi rédigé :
« Art. 15 bis. – 1. – Les membres du Gouvernement ont accès dans les commissions. Ils sont entendus quand ils le demandent. Ils peuvent assister aux votes destinés à établir le texte des projets et propositions de loi sur lequel portera la discussion en séance.
« 2. – Lorsqu’en application de l’article 69 de la Constitution, le Conseil économique, social et environnemental désigne un de ses membres pour exposer devant le Sénat l’avis du conseil sur un projet ou une proposition de loi, celui-ci est entendu par la commission compétente et se retire au moment du vote.
« 3. – Les auteurs des propositions de loi, de résolution ou d’amendements, non membres de la commission, sont entendus sur décision de celle-ci.
« 4 (nouveau). – Chacune des commissions permanentes peut désigner un ou plusieurs de ses membres qui participent de droit, avec voix consultative, aux travaux de la commission des finances portant sur des crédits qui ressortissent à sa compétence.
« 5 (nouveau). – Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances participent de droit, avec voix consultative, aux travaux des commissions permanentes dont la compétence correspond aux crédits dont ils ont le rapport. » ;
2° Les articles 18 et 19 sont abrogés.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 10
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le Règlement est ainsi modifié :
1° Après l’article 19, il est inséré un chapitre VIII ainsi intitulé : « Rôle d’évaluation et de contrôle des commissions » ;
2° Avant l’article 19 bis, sont insérés deux articles 19 bis A et 19 bis B ainsi rédigés :
« Art. 19 bis A. – 1. – Les commissions permanentes assurent l’information du Sénat et mettent en œuvre, dans leur domaine de compétence, le contrôle de l’action du Gouvernement, l’évaluation des politiques publiques et le suivi de l’application des lois. Elles contribuent à l’élaboration du bilan annuel de l’application des lois.
« 2. – La commission des finances suit et contrôle l’exécution des lois de finances et procède à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques.
« 3. – La commission des affaires sociales suit et contrôle l’application des lois de financement de la sécurité sociale et procède à l’évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale.
« Art. 19 bis B (nouveau). – 1. – Sans préjudice des articles 20, 21 et 22 ter, le rapporteur est chargé de suivre l’application de la loi après sa promulgation et jusqu’au renouvellement du Sénat ; il peut être confirmé dans ces fonctions à l’issue du renouvellement. Les commissions permanentes peuvent désigner, dans les mêmes conditions, un autre rapporteur à cette fin.
« 2. – Lorsque le projet ou la proposition de loi a été examiné par une commission spéciale, les commissions permanentes peuvent désigner, dans les mêmes conditions, un ou plusieurs rapporteurs pour assurer le suivi de l’application des dispositions relevant de leur domaine de compétence. » ;
3° Le même article 19 bis est ainsi modifié :
a) Les deuxième et dernière phrases de l’alinéa 1 sont supprimées ;
b) Après le même alinéa 1, sont insérés des alinéas 2 et 3 ainsi rédigés :
« 2. – La personnalité dont la nomination est envisagée est auditionnée par la commission.
« 3. – À l’issue de cette audition, la commission se prononce par scrutin secret. Lorsqu’il est procédé à un vote selon la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, le président de la commission se concerte avec le président de la commission permanente compétente de l’Assemblée nationale afin que le dépouillement intervienne au même moment dans les deux commissions. Le président de la commission communique au Président du Sénat l’avis de la commission et le résultat du vote. » ;
c) L’alinéa 2 devient l’alinéa 4 ;
3° bis (nouveau) L’article 20 est ainsi rédigé :
« Art. 20. – Les commissions permanentes peuvent constituer en leur sein des missions d’information, qui revêtent un caractère temporaire. » ;
4° L’article 21 est ainsi rédigé :
« Art. 21. – 1. – Sans préjudice de l’article 6 bis, la Conférence des Présidents peut créer une mission d’information commune à plusieurs commissions permanentes, à titre temporaire et à la demande d’un président de groupe ou des présidents des commissions permanentes intéressées.
« 2. – La demande précise l’objet de la mission, sa durée et le nombre de membres envisagé.
« 3. – Pour la nomination des membres des missions d’information communes à plusieurs commissions permanentes, une liste de candidats est établie par les présidents de groupe et le délégué des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes et de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe et une représentation équilibrée des commissions intéressées. Il est ensuite procédé selon les modalités prévues aux alinéas 3 à 10 de l’article 8.
« 4. – Les missions d’information communes à plusieurs commissions permanentes disposent des mêmes pouvoirs d’information, de contrôle et d’évaluation que les commissions permanentes. » ;
5° Les articles 22 et 22 bis sont abrogés ;
6° À l’alinéa 1 de l’article 22 ter, les mots : « doit déterminer avec précision » sont remplacés par le mot : « précise ».
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 11
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le chapitre III bis du Règlement, qui devient le chapitre IX, est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté un article 23 bis A ainsi rédigé :
« Art. 23 bis A. – 1. – Les sénateurs s’obligent à participer de façon effective aux travaux du Sénat.
« 2. – Les groupes se réunissent, en principe, le mardi matin à partir de 10 heures 30.
« 3. – Le Sénat consacre, en principe, aux travaux des commissions permanentes ou spéciales le mercredi matin, éventuellement le mardi matin avant les réunions des groupes et, le cas échéant, une autre demi-journée fixée en fonction de l’ordre du jour des travaux en séance publique.
« 4. – La commission des affaires européennes et les délégations se réunissent, en principe, le jeudi, de 8 heures 30 à 10 heures 30 en dehors des semaines mentionnées au quatrième alinéa de l’article 48 de la Constitution, toute la matinée durant lesdites semaines, et de 13 heures 30 à 15 heures.
« 5. – Les autres réunions des différentes instances du Sénat se tiennent, en principe, en dehors des heures où le Sénat tient séance et des horaires mentionnés aux alinéas 2, 3 et 4.
« 6. – Toute instance souhaitant inviter l’ensemble des sénateurs à l’une de ses réunions soumet pour accord une demande à cette fin à la Conférence des Présidents ou, à défaut, au Président du Sénat. » ;
2° L’article 23 bis est ainsi rédigé :
« Art. 23 bis. – 1. – Une retenue égale à la moitié du montant trimestriel de l’indemnité de fonction est effectuée en cas d’absence, au cours d’un même trimestre de la session ordinaire :
« 1° Soit à plus de la moitié des votes ou, pour les sénateurs élus outre-mer, à plus des deux tiers des votes, y compris les explications de vote, sur les projets de loi et propositions de loi ou de résolution déterminés par la Conférence des Présidents ;
« 2° Soit à plus de la moitié ou, pour les sénateurs élus outre-mer, à plus des deux tiers de l’ensemble des réunions des commissions permanentes ou spéciales convoquées le mercredi matin et consacrées à l’examen de projets de loi ou de propositions de loi ou de résolution ;
« 3° Soit à plus de la moitié ou, pour les sénateurs élus outre-mer, à plus des deux tiers des séances de questions d’actualité au Gouvernement.
« 2. – En cas d’absence, au cours d’un même trimestre de la session ordinaire, à plus de la moitié de ces votes, plus de la moitié de ces réunions et plus de la moitié de ces séances, la retenue mentionnée à l’alinéa 1 est égale à la totalité du montant trimestriel de l’indemnité de fonction. Le seuil de la moitié est porté aux deux tiers pour les sénateurs élus outre-mer.
« 3. – Pour l’application des alinéas 1 et 2, la participation d’un sénateur aux travaux d’une assemblée internationale en vertu d’une désignation faite par le Sénat, à une mission outre-mer ou à l’étranger au nom de la commission permanente dont il est membre, de la commission des affaires européennes ou de la délégation aux outre-mer, est prise en compte comme une présence en séance ou en commission. Un sénateur dont le déport est inscrit sur le registre public mentionné à l’article 91 ter est également considéré comme présent en séance ou en commission au cours des travaux entrant dans le champ de ce déport.
« 4. – La retenue mentionnée aux alinéas 1 et 2 du présent article est pratiquée, sur décision des questeurs, sur les montants mensuels des indemnités versées au sénateur au cours du trimestre suivant celui au cours duquel les absences ont été constatées. Cette retenue n’est pas appliquée lorsque l’absence d’un sénateur résulte d’une maternité ou d’une longue maladie.
« 5. – La retenue mentionnée aux alinéas 1 et 2 s’applique sans préjudice de la possibilité pour le Bureau du Sénat de prononcer les peines disciplinaires prévues à l’article 99 ter. En cas d’absences d’un sénateur donnant lieu à l’application de la retenue mentionnée à l’alinéa 1 du présent article au cours de deux trimestres de la session ordinaire, le Bureau examine, sur la proposition du Président, s’il y a lieu de prononcer à son encontre une des peines disciplinaires de censure prévues à l’article 99 ter. »
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 12
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le chapitre IV du Règlement, qui devient le chapitre X, est ainsi modifié :
1° L’article 24 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase de l’alinéa 1, les mots : « et d’une annonce en séance publique lors de la plus prochaine séance » sont supprimés ;
a bis) (nouveau) À la dernière phrase du même alinéa 1, le mot : « distribution » est remplacé par les mots : « mise en ligne sur le site internet du Sénat » ;
b) (Supprimé)
2° L’article 24 bis est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « 1. – » ;
b) Sont ajoutés des alinéas 2 à 4 ainsi rédigés :
« 2. – En cas d’opposition de la Conférence des Présidents, le Président en informe immédiatement le Gouvernement et le Président de l’Assemblée nationale.
« 3. – Quand le Président du Sénat est informé d’une opposition émanant de la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale, il réunit sans délai la Conférence des Présidents du Sénat, qui peut décider de s’opposer également à l’engagement de la procédure accélérée jusqu’à la clôture de la discussion générale en première lecture devant la première assemblée saisie.
« 4. – En cas d’opposition conjointe des Conférences des Présidents des deux assemblées, la procédure accélérée n’est pas engagée. » ;
3° L’article 26 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « ou le premier signataire » sont supprimés ;
b) La seconde phrase est supprimée ;
4° À l’alinéa 1 de l’article 27, après la première occurrence des mots : « nouvelle délibération », sont insérés les mots : « en application de l’article 10, alinéa 2, de la Constitution » ;
5° L’alinéa 1 de l’article 28 est ainsi modifié :
a) La première occurrence des mots : « qui ont été » est supprimée ;
b) Les mots : « qui ont été repoussées » sont remplacés par le mot : « rejetées » ;
c) Les mots : « avant le délai » sont remplacés par les mots : « avant l’expiration d’un délai ».
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 13
I. – Le chapitre V du Règlement, qui devient le chapitre XI, est ainsi modifié :
1° L’article 29 est ainsi modifié :
a) À la première phrase de l’alinéa 2, les mots : « à la diligence du » sont remplacés par les mots : « par le » ;
b) L’alinéa 4 bis devient l’alinéa 5 et la première phrase est ainsi modifiée :
– au début, le mot : « Deux » est remplacé par le mot : « Une » ;
– les mots : « le programme » sont remplacés par les mots : « et assurer la coordination du programme » ;
c) L’alinéa 4 ter est abrogé et l’alinéa 5 devient l’alinéa 6 ;
d) L’alinéa 6 devient l’alinéa 7 et est ainsi modifié :
– à la première phrase, le mot : « visée » est remplacé par le mot : « mentionnée » et sont ajoutés les mots : « dans les conditions prévues à l’article 24 bis du présent Règlement » ;
– la seconde phrase est supprimée ;
e) L’alinéa 7, qui devient l’alinéa 8, est complété par les mots : « , présents ou représentés » ;
2° L’article 29 bis est ainsi modifié :
a) L’alinéa 6 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les demandes d’inscription prioritaire sont adressées au plus tard la veille de la réunion de la Conférence des Présidents par le Premier ministre au Président du Sénat. » ;
b) L’alinéa 7 devient l’alinéa 8 et, après le mot : « Gouvernement, », sont insérés les mots : « du Président du Sénat, » ;
c) L’alinéa 7 est ainsi rétabli :
« 7. – À la demande d’un groupe politique, d’une commission, de la commission des affaires européennes ou d’une délégation, la Conférence des Présidents peut proposer au Sénat d’inscrire à l’ordre du jour un débat d’initiative sénatoriale. Le sujet du débat est adressé au Président du Sénat au plus tard quinze jours avant la réunion de la Conférence des Présidents. » ;
d) L’alinéa 8 devient l’alinéa 9 ;
3° L’article 29 ter est ainsi modifié :
a) À la première phrase de l’alinéa 2, le mot : « minimum » est remplacé par le mot : « minimal » ;
b) L’alinéa 2 bis devient l’alinéa 3 ;
c) Les alinéas 3 à 5 deviennent les alinéas 5 à 7 ;
d) L’alinéa 4 est ainsi rétabli :
« 4. – Le débat inscrit en application de l’alinéa 7 de l’article 29 bis est ouvert par le représentant de l’auteur de la demande. » ;
e) L’alinéa 6 devient l’alinéa 8 et, à la fin, les mots : « de la façon suivante » sont remplacés par le mot : « ci-après » ;
f) L’alinéa 7 devient l’alinéa 9 ;
4° L’article 30 est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 est complété par les mots : « , sous réserve du respect des délais fixés par l’article 42 de la Constitution et, pour les propositions de résolution déposées en application de l’article 34-1 de la Constitution, du respect des délais mentionnés à l’article 50 ter du présent Règlement » ;
b) À la dernière phrase de l’alinéa 2, le mot : « affaires » est remplacé par les mots : « projets ou propositions » ;
c) À l’alinéa 3, les mots : « d’une affaire » sont remplacés par les mots : « d’un texte relevant » ;
d) À l’alinéa 4, les mots : « doit être » sont remplacés par le mot : « est » ;
e) L’alinéa 5 est ainsi modifié :
– au début, sont ajoutés les mots : « Au cours des semaines mentionnées à l’article 48, alinéa 2, de la Constitution, » ;
– les mots : « par priorité » sont supprimés ;
f) L’alinéa 7 est ainsi rédigé :
« 7. – Lorsque la discussion immédiate est décidée, le texte est inscrit à l’ordre du jour, pour ce qui concerne les semaines mentionnées au deuxième alinéa de l’article 48 de la Constitution, après la fin de l’examen des projets ou propositions inscrits à l’ordre du jour. La discussion porte sur le texte adopté par la commission ou, pour ce qui concerne les propositions de résolution déposées en application de l’article 34-1 de la Constitution, les projets de loi mentionnés au deuxième alinéa de l’article 42 de la Constitution et les projets et propositions pour lesquels la commission n’a pas établi de texte, sur le texte déposé ou transmis. »
II. – Le chapitre XI ter et l’article 73 undecies du Règlement sont abrogés.
Mme la présidente. L’amendement n° 22, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après l’alinéa 6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Un relevé des décisions de la Conférence des Présidents est rendu public. » ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. La conférence des présidents est l’instance sénatoriale qui régule la vie politique, en particulier l’actualité législative et de contrôle du Sénat.
Depuis quelque temps, des décisions revêtant un caractère normatif sont prises en conférence des présidents sur des sujets autres que l’organisation de l’ordre du jour et des missions de contrôle.
Il nous semblerait donc utile et démocratiquement important que les décisions prises par la conférence des présidents en dehors de ses compétences historiques soient désormais publiques et accessibles, en particulier pour l’ensemble des parlementaires.
Pour ne prendre qu’un seul exemple, lorsqu’il est prévu que des textes soient adoptés selon la procédure de législation en commission, il faudrait que cela figure dans les conclusions de la conférence des présidents. Il en va de même des raisons invoquées par un président de groupe pour opposer son veto au recours à cette procédure. Pour l’instant, ce n’est pas le cas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous sommes déjà pleinement informés des décisions de la conférence des présidents en matière d’ordre du jour. Elles sont communiquées au Sénat, qui les approuve ou en prend acte en séance publique. Elles figurent même sur le site internet du Sénat. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 19, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) L’alinéa 1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette durée globale du temps ne peut être inférieure à deux heures. » ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Avec la question du temps de parole attribué aux parlementaires, nous touchons au cœur du débat sur le rôle du Parlement et sa place dans notre démocratie. J’avoue ne pas bien comprendre – je l’ai déjà indiqué – l’obsession de la réduction de ce droit d’expression. Cette obsession d’un parlementarisme rationalisé masque mal une volonté d’étouffer le débat pluraliste ! Comment ne pas voir qu’une telle réduction du temps de parole, couplée à la réduction du droit d’amendement, met à mal l’institution elle-même ?
Vous le savez bien, c’est l’inflation législative qui est la cause première de l’inflation des travaux du Sénat. On pourrait ajouter à cela la volonté de développer le travail en commission et de multiplier les instances dont l’utilité n’est pas toujours évidente : tel groupe de travail ; tel groupe d’étude… Le temps de parole ou le droit d’amendement ont bon dos pour expliquer la surcharge de travail !
Le débat réellement public est une des clés de la démocratie. C’est l’essence même du Parlement que de permettre la confrontation des idées.
L’expérience montre déjà que le débat en commission ne peut pas suppléer la séance publique ; j’en veux pour preuve ce qui s’est passé cet après-midi. Elle montre aussi que, lorsque le Parlement ne joue plus son rôle, en raison soit de sa représentativité fragile et insuffisante, soit de son manque de pouvoir, le débat a lieu ailleurs, et la colère peut rapidement monter.
Nous estimons donc que les pouvoirs et majorités successifs ayant corseté le débat parlementaire portent une responsabilité directe dans la crise politique et institutionnelle actuelle.
C’est une course sans fin, qui aujourd’hui met à mal – le mot n’est pas trop fort – les principes fondamentaux de la République.
Il y a quelques jours, un député, M. Philippe Gosselin, membre du groupe Les Républicains, déclarait à l’Assemblée nationale : « On nous dit que la loi est bavarde, que les parlementaires sont trop diserts et qu’il faut réduire les temps de parole, limiter les procédures. Je rappellerai que, s’il y a inflation législative et, par contrecoup, allongement des temps de parole et accroissement du nombre d’amendements, c’est avant tout parce que le nombre de textes de loi a augmenté de façon phénoménale, ce que nul ne peut contester. » Ces propos sont d’une entière vérité !
Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 19 à 21
Remplacer ces alinéas par six alinéas ainsi rédigés :
a) L’alinéa 1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Faute d’accord de la conférence, cette durée globale est de deux heures. » ;
b) Après l’alinéa 1 , il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 2. – La moitié de ce temps est réparti égalitairement entre les groupes, l’autre moitié en proportion des effectifs des groupes, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe bénéficiant d’un temps de parole de cinq minutes à sept minutes selon la durée de la discussion générale. » ;
c) L’alinéa 2 devient l’alinéa 3 ;
d) Après l’alinéa 2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …. – La Conférence peut également fixer à l’unanimité la durée maximale de l’examen de l’ensemble d’un texte : discussion générale, motions, interventions sur articles, présentation des amendements, explications de vote sur amendements et articles. Les temps de parole dont disposent les groupes sont répartis selon les modalités prévues à l’alinéa 2. » ;
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Cet amendement vise à donner plus de temps de parole aux minorités.
Certes, les groupes majoritaires ont toute légitimité pour exposer leur position, mais les groupes minoritaires n’ont pas nécessairement moins de choses à dire – bien au contraire !
En outre, quand le Gouvernement, les rapporteurs et les groupes majoritaires défendent la même position, les groupes minoritaires ont, en proportion, bien moins de temps pour défendre les leurs.
Nous voulons donc rétablir un peu d’égalité et de vivacité dans nos débats, les rendre un peu plus interactifs, plus passionnés, et peut-être aussi plus intéressants pour nos concitoyens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’amendement n° 19 vise à fixer en toutes circonstances une durée minimale de deux heures aux discussions générales.
Actuellement, cette durée est fixée en principe à une heure, sauf décision contraire de la conférence des présidents. Je puis en témoigner : lorsqu’un groupe demande d’allonger un peu le temps de la discussion générale, la réponse est généralement positive. (Mme Éliane Assassi le conteste.)
Les dispositions de cet amendement n° 19 pourraient toutefois se retourner contre l’intention de leurs auteurs. Imaginez que nous prévoyions deux heures de discussion générale sur une proposition de loi pour un créneau réservé de quatre heures dans l’ordre du jour. On empêcherait ainsi mécaniquement l’adoption des propositions de loi, y compris celles des groupes minoritaires. Nous devons garder de la souplesse.
En l’espèce, il ne s’agit pas de réduire le temps de parole lors des discussions générales ou des débats, mais de l’allonger. Les propos tenus par notre excellent collègue parlementaire de la Manche Philippe Gosselin, auxquels je souscris par ailleurs, ne s’appliquent donc pas à l’amendement qui vient d’être présenté avec talent, comme toujours, par Éliane Assassi.
La commission n’est donc pas favorable à l’amendement n° 19.
Quant à l’amendement n° 18, il vise, avec plus de souplesse, à prévoir un temps de deux heures, sauf décision contraire de la conférence des présidents. Son adoption changerait également la clé de répartition du temps entre les orateurs des groupes. Nous ne devons pas, me semble-t-il, aller dans cette direction.
L’avis de la commission est donc également défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président de la commission des lois, vos arguments sont à géométrie variable !
Pouvez-vous entendre qu’il n’est pas acceptable de prévoir le même temps de discussion générale sur un projet de loi comme celui qui est relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, par exemple, et sur une proposition de loi ?
Mme la présidente. L’amendement n° 37, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Après les mots :
Le débat
insérer les mots :
d’initiative sénatoriale
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification.
Mme la présidente. L’amendement n° 38, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 32
Remplacer les mots :
à l’article 48, alinéa 2,
par les mots :
au deuxième alinéa de l’article 48
La parole est à M. le rapporteur.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 13, modifié.
(L’article 13 est adopté.)
Article 14
I. – Le chapitre V bis et l’article 31 bis du Règlement sont abrogés.
II. – Le chapitre VI, qui devient le chapitre XII, est ainsi modifié :
1° L’article 32 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) L’alinéa 2 est ainsi modifié :
– la seconde phrase de l’alinéa 2 est ainsi rédigée : « En outre, sous réserve du plafond prévu au deuxième alinéa de l’article 28 de la Constitution et lors des semaines au cours desquelles chaque assemblée a décidé de siéger, le Sénat peut décider de tenir d’autres jours de séance, à la demande de la Conférence des Présidents, du Gouvernement ou de la commission saisie au fond. » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Dans les mêmes limites, la tenue d’autres jours de séance est de droit à la demande du Gouvernement pour l’examen des textes et des débats dont il demande l’inscription à l’ordre du jour au cours des semaines qui lui sont réservées par priorité en application du deuxième alinéa de l’article 48 de la Constitution. » ;
a) À la première phrase de l’alinéa 3, les mots : « et sans préjudice de l’article 77 » sont supprimés ;
b) Les alinéas 4 à 6 sont ainsi rédigés :
« 4. – Le Sénat peut décider de se réunir en comité secret par un vote exprès et sans débat émis à la demande du Premier ministre ou d’un dixième de ses membres en exercice. Le dixième des membres est calculé sur le nombre des sièges effectivement pourvus. En cas de fraction, le nombre est arrondi au chiffre immédiatement supérieur.
« 5. – Lorsque le motif qui a donné lieu au comité secret a cessé, le Président consulte le Sénat sur la reprise de la séance publique.
« 6. – Le Sénat décide ultérieurement si le compte rendu intégral des débats en comité secret doit être publié. » ;
c) L’alinéa 7 est abrogé ;
2° L’article 33 est ainsi modifié :
a) Les alinéas 3 et 4 sont ainsi rédigés :
« 3. – Toute attaque personnelle, toute manifestation ou interruption troublant l’ordre sont interdites.
« 4. – Si les circonstances l’exigent, le Président peut annoncer qu’il va suspendre la séance. Si le calme ne se rétablit pas, il suspend la séance ; lorsque la séance est reprise et si les circonstances l’exigent à nouveau, le Président lève la séance. » ;
b) L’alinéa 3 devient l’alinéa 5 et, à la première phrase, les mots : « , constatent les votes à main levée ou par assis et levé » sont supprimés ;
c) Les alinéas 6 à 9 sont abrogés ;
3° L’article 34 est abrogé ;
4° L’article 35 est ainsi rédigé :
« Art. 35. – Avant de passer à l’ordre du jour, le Président donne connaissance au Sénat des communications qui le concernent ; le Sénat peut en ordonner l’impression, s’il le juge utile. » ;
5° Après le même article 35, il est inséré un article 35 bis ainsi rédigé :
« Art. 35 bis. – Sous réserve de dispositions spécifiques du Règlement et à l’exclusion des interventions dans les débats organisés par la Conférence des Présidents, la durée d’intervention d’un sénateur en séance ne peut excéder deux minutes et demie. » ;
6° L’article 36 est ainsi modifié :
a) La dernière phrase de l’alinéa 3 est supprimée ;
b) À l’alinéa 6, le mot : « maximum » est remplacé par le mot : « maximal » ;
c) À la première phrase de l’alinéa 9, les mots : « doit consulter » sont remplacés par le mot : « consulte » ;
7° L’article 37 est ainsi modifié :
a) L’alinéa 2 est abrogé ;
b) L’alinéa 3 devient l’alinéa 2 et, à la première phrase, les mots : « , pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, » sont supprimés ;
c) L’alinéa 4 devient l’alinéa 3 et, à la fin, les mots : « , et dont ils ont fait connaître le nom par écrit au Président du Sénat » sont supprimés ;
8° À l’alinéa 2 de l’article 38, les mots : « , pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, » sont supprimés ;
9° Après le même article 38, il est inséré un article 38 bis ainsi rédigé :
« Art. 38 bis. – 1. – Avant de lever la séance, le Président fait part au Sénat de la date de la séance suivante.
« 2. – Il est établi pour chaque séance publique un compte rendu analytique officiel et un compte rendu intégral, lequel est publié au Journal officiel.
« 3. – Le compte rendu intégral est le procès-verbal de la séance.
« 4. – Au début de chaque séance, le Président soumet à l’adoption du Sénat le procès-verbal de la séance précédente.
« 5. – La parole est donnée à tout sénateur qui la demande pour une observation sur le procès-verbal.
« 6. – Si le procès-verbal donne lieu à contestation, la séance est suspendue pour permettre au Bureau d’examiner les propositions de modification du procès-verbal. À la reprise de la séance, le Président fait connaître la décision du Bureau et il est procédé alors, pour l’adoption du procès-verbal, à un vote sans débat et par scrutin public ordinaire.
« 7. – Après son adoption, le procès-verbal est revêtu de la signature du Président ou du vice-président qui a présidé la séance et de celle de deux secrétaires.
« 8. – En cas de rejet du procès-verbal, sa discussion est inscrite à l’ordre du jour de la séance suivante, à la suite de l’examen des sujets inscrits par priorité en vertu de l’article 48 de la Constitution.
« 9. – Dans ce cas, le compte rendu intégral, signé du Président et contresigné par deux secrétaires, fait foi pour la validité des textes adoptés au cours de la séance. » ;
10° Avant l’article 39, il est inséré un chapitre XIII ainsi intitulé : « Déclarations du Gouvernement » ;
11° Le même article 39 est ainsi modifié :
a) Les alinéas 2 bis et 2 ter deviennent les alinéas 3 et 4 ;
b) L’alinéa 3 devient l’alinéa 5 et, à la première phrase, les références : « 2 bis et 2 ter » sont remplacées par les références : « 3 et 4 » ;
c) L’alinéa 3 bis devient l’alinéa 6 ;
d) (nouveau) L’alinéa 4 devient l’alinéa 7 et, à la seconde phrase, la référence : « 3 bis » est remplacée par la référence : « 6 » ;
12° Les articles 40 et 41 sont abrogés.
Mme la présidente. L’amendement n° 23, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer les mots :
deux minutes et demie
par les mots :
cinq minutes
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement n’a rien de révolutionnaire : il vise à revenir à la situation qui prévalait voilà quelques années en matière de temps de parole de référence, en dehors des discussions générales et débats.
Deux minutes et demie pour effectuer un rappel au règlement, défendre un amendement ou expliquer un vote sur article peut se révéler tout à fait insuffisant. Cette restriction systématique du droit d’expression relève d’une critique du débat, jugé en soi inutile ou superfétatoire.
Nous vivons dans une société du zapping, marquée par l’accélération de l’information liée aux réseaux sociaux. Le Parlement est l’endroit où une résistance à cette évolution peut s’organiser. C’est ce que nous proposons de faire au travers du vote de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. À la suite du rapport de nos collègues Roger Karoutchi et Alain Richard, la « réforme Larcher », comme on l’appelle communément, de 2015 a fixé à deux minutes trente maximum le temps de parole, ce qui a conféré plus de fluidité et de vivacité à nos échanges.
À condition d’avoir une expression suffisamment concise – elle sera aussi, dès lors, plus facile à entendre –, nous pouvons mener nos travaux convenablement.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Après le mot :
date
insérer les mots :
et de l’ordre du jour
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, lorsque nos travaux s’achèvent, le soir, vous avez le bonheur d’annoncer que la séance est levée. Mais, auparavant, vous nous annoncez la date et l’ordre du jour de la prochaine séance.
Certes, nous sommes censés connaître le calendrier de nos travaux, mais, parfois, nous l’avons oublié, et nous nous en souvenons ainsi. En outre, cela nous donne la joie de préparer les textes et de nous forger nos idées.
Il apparaît dans ce projet de règlement qu’il faudrait supprimer cette précision pour se contenter d’une annonce un peu sèche et technocratique : « L’amendement n° X est adopté, la séance est levée. »
Il y a pourtant quelque chose d’humain, me semble-t-il, à attendre l’annonce de l’ordre du jour de la prochaine séance. Vous-même, j’en suis sûre, madame la présidente, prenez plaisir à procéder à cette annonce avant de faire sonner la cloche. Cela fait partie du rite républicain, et je pense, monsieur le président de la commission, que vous devriez accepter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Notre collègue Jean-Pierre Sueur aime tellement le Parlement que, chaque soir, vers minuit et demi, il souhaite retarder le moment d’aller se coucher ou de se livrer aux autres activités qu’il lui est loisible d’avoir en dehors des heures de service… (Rires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Cela prend quinze secondes !
M. Philippe Bas, rapporteur. Moi aussi, j’aime le Parlement, et même si mon expérience de celui-ci est moins large que la sienne, je parviens à comprendre toute la saveur qu’il retire de ces phrases sacramentelles que les présidentes et présidents prononcent à la fin des séances.
Il existe toutefois ici un syndicat informel des vice-présidents (Sourires.), et ces derniers ne tiennent pas à formuler des interventions qui leur paraissent administratives et qui, en réalité, n’apportent pas d’informations indispensables à nos collègues encore assis au moment où la séance est levée.
À ma propre surprise, je dois l’avouer, la commission a donc assez fermement décidé de rejeter cet amendement. J’espère que le président Jean-Pierre Sueur n’y verra pas une forme de cruauté à son égard, car tel n’est absolument pas le cas – je me fais le porte-parole de nos collègues –, mais j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Article 15
Le chapitre VII, qui devient le chapitre XIV, est ainsi modifié :
1° L’article 42 est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 est ainsi modifié :
– les mots : « présentés au nom du Gouvernement et » sont supprimés ;
– à la fin, le mot : « suivantes : » est remplacé par les mots : « énumérées ci-après. » ;
b) À la première phrase de l’alinéa 2, le signe : « , » est remplacé par le mot : « et » et les mots : « et acceptées par le Gouvernement » sont supprimés ;
c) L’alinéa 3 est ainsi modifié :
– à la deuxième phrase, les mots : « son exposé » sont remplacés par les mots : « la présentation du rapport » ;
– la dernière phrase est supprimée ;
d) L’alinéa 4 est ainsi modifié :
– la quatrième phrase est supprimée ;
– le début de la cinquième phrase est ainsi rédigé : « L’avis rend compte … (le reste sans changement). » ;
e) L’alinéa 6 est ainsi modifié :
– le premier alinéa est complété par les mots : « , sauf pour les textes mentionnés à l’article 42, alinéa 2, de la Constitution » ;
– le deuxième alinéa devient l’alinéa 7 et, à la première phrase, les mots : « une question préalable, une exception d’irrecevabilité » sont remplacés par les mots : « une exception d’irrecevabilité, une question préalable » ;
– le dernier alinéa devient l’alinéa 8 ;
f) L’alinéa 7 devient l’alinéa 9 ;
g) L’alinéa 8 devient l’alinéa 10 et, à la première phrase, les mots : « ; la durée de chaque intervention ou explication de vote ne peut excéder deux minutes et demie » sont supprimés ;
h) L’alinéa 9, qui devient l’alinéa 11, est ainsi rédigé :
« 11. – Le vote par division peut être demandé dans les questions complexes. Il est décidé par le Président. Il est de droit lorsqu’il est demandé par la commission. » ;
i) Au début de la première phrase de l’alinéa 12, les mots : « D’autre part, » sont supprimés ;
j) L’alinéa 15 est ainsi rédigé :
« 15. – Avant le vote sur l’ensemble, sont seules admises des explications de vote. »
2° L’article 43 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase de l’alinéa 1, les mots : « chacun pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, » sont supprimés ;
a bis) (nouveau) À la fin de la première phrase de l’alinéa 4, les mots : « par le gouvernement » sont remplacés par les mots : « soit par le Gouvernement, soit par la commission » ;
b) À la deuxième phrase de l’alinéa 4, les mots : « chacun pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, » sont supprimés ;
c) À l’alinéa 5, les mots : « doit présenter » sont remplacés par le mot : « présente » ;
d) À l’alinéa 7, les mots : « que le vote sur l’ensemble ne soit intervenu » sont remplacés par les mots : « le vote sur l’ensemble » ;
3° L’article 44 est ainsi modifié :
a) À l’alinéa 1, le signe : « : » est remplacé par le signe : « . » ;
b) L’alinéa 2 est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « , légale ou réglementaire » sont supprimés ;
– à la deuxième phrase, les mots : « qu’une fois au cours d’un même débat » sont remplacés par les mots : « à un texte qu’une fois par lecture, sauf adoption d’une motion de renvoi en commission, » ;
– à la fin de la dernière phrase, la référence : « 8 » est remplacé par la référence : « 7 » ;
c) L’alinéa 3 est ainsi modifié :
– à la deuxième phrase, les mots : « qu’une fois au cours d’un même débat » sont remplacés par les mots : « sur un texte qu’une fois par lecture, sauf adoption d’une motion de renvoi en commission, » ;
– à la fin de la troisième phrase, la référence : « 8 » est remplacée par la référence : « 7 » ;
d) L’alinéa 4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles ne peuvent être présentées au cours de la discussion des projets de loi ou des propositions de loi qui ont été inscrits par priorité à l’ordre du jour sur décision du Gouvernement ; »
e) L’alinéa 5 est ainsi modifié :
– à la deuxième phrase, les mots : « ses conclusions » sont remplacés par le mot : « celui-ci » ;
– après la même deuxième phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Elle ne peut être opposée à un texte qu’une fois par lecture après l’intervention du Gouvernement et des rapporteurs ou, lorsqu’elle émane du Gouvernement ou de la commission saisie au fond, soit après l’intervention des rapporteurs, soit avant la discussion des articles. Le vote sur la motion tendant au renvoi en commission a lieu immédiatement après le débat limité prévu à l’alinéa 7. » ;
f) L’alinéa 8 devient l’alinéa 7 et la dernière phrase est ainsi modifiée :
– le mot : « visées » est remplacé par le mot : « mentionnées » ;
– la référence : « 4 » est remplacée par la référence : « 5 » ;
– les mots : « pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie » sont supprimés ;
4° L’article 45 est ainsi modifié :
a) La première phrase de l’alinéa 1 est ainsi modifiée :
– au début, sont ajoutés les mots : « Le président de » ;
– après le mot : « recevabilité », la fin de cette phrase est ainsi rédigée : « au regard de l’article 40 de la Constitution et de la loi organique relative aux lois de finances des amendements déposés en vue de la séance publique. » ;
b) L’alinéa 2 est ainsi rédigé :
« 2. – Après l’adoption du texte de la commission mentionnée à l’article 17 bis, la commission des finances est compétente pour contrôler la recevabilité au regard de l’article 40 de la Constitution et de la loi organique relative aux lois de finances des modifications apportées par les commissions aux textes dont elles ont été saisies. » ;
c) L’alinéa 3 est ainsi rédigé :
« 3. – Le président de la commission des affaires sociales est compétent pour examiner la recevabilité des amendements déposés en vue de la séance publique au regard des dispositions organiques relatives aux lois de financement de la sécurité sociale. » ;
d) L’alinéa 4 est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « une des dispositions de » sont supprimés ;
– à la seconde phrase, après le mot : « affirmée », sont insérés les mots : « selon le cas » ;
e) L’alinéa 5 est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « de l’ » sont remplacés par les mots : « d’un » ;
– à la fin de la deuxième phrase, les mots : « qui dispose de la parole durant deux minutes et demie » sont supprimés ;
f) L’alinéa 6 est ainsi rédigé :
« 6. – Le président de la commission saisie au fond adresse au Président du Sénat, avant leur examen en séance publique, la liste des propositions ou des amendements dont la commission estime qu’ils ne relèvent manifestement pas du domaine de la loi ou qu’ils sont contraires à une délégation accordée en vertu de l’article 38 de la Constitution. » ;
g) L’alinéa 7 est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « de l’article 41, premier alinéa, » sont remplacés par les mots : « du premier alinéa de l’article 41 » et le mot : « commencement » est remplacé par le mot : « début » ;
– à la seconde phrase, après la première occurrence du mot : « opposée », sont insérés les mots : « à une proposition », les mots : « , s’il y a lieu, » sont supprimés et les mots : « , si l’irrecevabilité est opposée à une proposition ; si » sont remplacés par le mot : « . Lorsqu’ » ;
h) L’alinéa 8 est ainsi modifié :
– à la première phrase, le mot : « tous » est supprimé ;
– la deuxième phrase est supprimée ;
5° L’article 46 est ainsi modifié :
a) À l’alinéa 1, les mots : « des dispositions » sont supprimés ;
b) À l’alinéa 2, le mot : « porter » est remplacé par le mot : « majorer » et les mots : « dont l’initiative a été prise » sont remplacés par le mot : « proposé » ;
6° L’article 47 est ainsi modifié :
a) Les mots : « d’un traité conclu avec une puissance étrangère » sont remplacés par les mots : « ou l’approbation d’une convention internationale » ;
b) Les mots : « ce traité » sont remplacés par les mots : « cette dernière » ;
c) Sont ajoutés les mots : « ou l’approbation » ;
7° L’article 47 bis est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « des dispositions » sont supprimés et, après les mots : « l’année », sont insérés les mots : « ou d’un projet de loi de finances rectificative » ;
– à la seconde phrase, après le mot : « délibération », sont insérés les mots : « de l’article liminaire ou de tout ou partie de la première partie » ;
b) À l’alinéa 2, après le mot : « finances », sont insérés les mots : « de l’année ou d’un projet de loi de finances rectificative » ;
c) La première phrase de l’alinéa 3 est ainsi modifiée :
– après le mot : « finances », sont insérés les mots : « de l’année ou d’un projet de loi de finances rectificative » ;
– les mots : « dispositions des » sont supprimés ;
– les mots : « aux articles de » sont remplacés par les mots : « à l’article liminaire et à » ;
8° L’article 47 bis-1 A est ainsi modifié :
aa) (nouveau) Les alinéas 1 et 2 sont ainsi rédigés :
« 1. – Pour l’application de l’article L.O. 111-7-1 du code de la sécurité sociale, il est procédé à un vote sur chacune des parties du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Avant chacun de ces votes, la seconde délibération est de droit, sur les seuls articles de la partie concernée, lorsqu’elle est demandée par le Gouvernement ou la commission des affaires sociales.
« 2. – Lorsque le Sénat n’adopte pas la partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale relative aux recettes et à l’équilibre général, la partie comprenant les dispositions relatives aux dépenses est considérée comme rejetée. » ;
a) L’alinéa 3 devient l’alinéa 4 ;
b) L’alinéa 3 est ainsi rétabli :
« 3. – Lorsque le Sénat n’adopte pas la première partie d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, l’ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté. » ;
c) Il est ajouté un alinéa 5 ainsi rédigé :
« 5. – Dans le cas d’un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, la seconde délibération mentionnée à l’alinéa 1 peut porter sur l’article liminaire ou la première partie et la coordination mentionnée à l’alinéa 4 peut porter sur l’article liminaire. » ;
9° À l’article 47 bis-1, les mots : « des dispositions » sont supprimés ;
10° À l’article 47 bis-2, les mots : « des dispositions » sont supprimés.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 29, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 41
Rédiger ainsi cet alinéa :
- la deuxième phrase est supprimée ;
II. – Après l’alinéa 42
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, les motions mentionnées à l’alinéa 5 du présent article sont proposées ou discutées en priorité, lorsque le Sénat est saisi d’une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution. » ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement est important dans le contexte politique actuel. Comme vous le savez, mes chers collègues, une procédure de « référendum d’initiative partagée » a été lancée sur la privatisation d’Aéroports de Paris, ce qui constitue une première démocratique.
Mettre en œuvre cette procédure relève pourtant du défi, tant les embûches sont nombreuses.
Tout d’abord, il faut réunir plus de 185 signatures de parlementaires pour déposer la proposition de loi référendaire. Ensuite, il est nécessaire de réunir plus de 4,7 millions de signatures de nos concitoyens pour franchir la seconde étape, qui est sans nul doute la plus difficile, car nous constatons aujourd’hui que les dispositions législatives sont imparfaites du point de vue du citoyen : publication des noms – elle inquiète et dissuade –, absence de comptage – elle ne permet pas de mesurer la mobilisation –, absence de moyens d’information audiovisuels ou à l’échelon local…
Enfin, une fois les signatures recueillies, la proposition de loi référendaire est de nouveau soumise au Parlement. En effet, le cinquième alinéa de l’article 11 de la Constitution dispose : « Si la proposition de loi n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum. »
Il faut donc créer les conditions pour qu’une assemblée puisse majoritairement refuser d’examiner une telle proposition !
Or le règlement du Sénat, tel qu’il est rédigé, autorise un groupe politique, même minoritaire, à déposer une motion portant irrecevabilité ou question préalable. Que ces motions soient adoptées ou rejetées, la proposition de loi sera réputée avoir été examinée, ce qui supprime l’automaticité du référendum.
Nous proposons donc que la motion de renvoi en commission puisse, dans le cas de la mise en œuvre de l’article 11 de la Constitution, être déposée et défendue préalablement à toute autre motion, ce qui permettrait au Sénat d’exprimer majoritairement son refus d’examiner la proposition de loi référendaire.
Enfin, et c’est un point important, il apparaît nécessaire de modifier le règlement du Sénat pour qu’un renvoi en commission soit pleinement effectif, même lorsque le Gouvernement inscrit à l’ordre du jour la proposition de loi, en supprimant l’obligation faite à la commission de présenter dans ce cas son rapport lors de la même séance.
L’adoption de cet amendement permettrait donc une application pleine et entière de l’article 11 de la Constitution.
Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par MM. Kanner, Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 46
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article 44, il est inséré un article 44 … ainsi rédigé :
« Art. 44 … . – Par dérogation aux dispositions de l’article 44, les motions mentionnées à l’alinéa 5 de l’article 44 sont proposées ou discutées en priorité lorsque le Sénat est saisi d’une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L’argumentation qui vient d’être développée par Mme Assassi est très juste, mes chers collègues.
Il apparaît à l’évidence que l’article 11 de la Constitution a été rédigé de telle manière qu’il ne puisse pratiquement jamais servir ! Il faut d’abord 185 parlementaires, puis 4,7 millions de citoyens, mais le plus terrible est sans doute l’alinéa 5 de l’article 11.
Une fois que les citoyens ont approuvé la proposition de loi référendaire, si celle-ci « n’a pas été examinée par les deux assemblées dans un délai fixé par la loi organique, le Président de la République la soumet au référendum ». Le mot important ici est « examinée », bien entendu. Si l’on avait voulu être logique, il aurait fallu le remplacer par le terme « adoptée ».
En effet, si la proposition de loi est adoptée par les assemblées, cela prouve que les 4 millions de citoyens ont été entendus, et il n’est donc plus nécessaire d’organiser un référendum.
Toutefois, il y a huit groupes politiques à l’Assemblée nationale et sept au Sénat, et chacun d’entre eux dispose d’un créneau réservé. Il suffit donc qu’un groupe dépose la proposition dans chaque assemblée de loi pour demander un débat. C’est un droit imprescriptible, et ce groupe peut ensuite très bien déposer une exception d’irrecevabilité ou une question préalable. Quel que soit le sens du vote, dès lors que le débat s’est engagé, on considérera que la proposition de loi a été examinée. La seule façon d’empêcher ce qui apparaît comme un détournement serait de demander à voter d’abord le renvoi en commission.
Si le texte est renvoyé en commission, on considérera sans doute logiquement que l’assemblée en question ne l’a pas examiné. Je ne sais toutefois pas ce que dirait le Conseil constitutionnel, qui ne s’est jamais exprimé sur pareil cas.
Néanmoins, dans tous les autres cas, quelle que soit la décision sur une autre motion de procédure ou sur le fond, on considérera que la proposition de loi a été examinée, et cela suffira à empêcher le Président de la République de la soumettre au référendum. Voilà qui est tout de même assez ahurissant !
Il est donc de bon sens de pouvoir, dans ce cas, statuer d’abord sur la motion de renvoi en commission.
Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 46
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article 44, il est inséré un article 44… ainsi rédigé :
« Art. 44…. – Par dérogation aux dispositions de l’article 44, les motions mentionnées à l’alinéa 5 de l’article 44 sont examinées en priorité lorsque le Sénat est saisi d’une proposition de loi présentée en application de l’article 11 de la Constitution. » ;
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Les auteurs de ces amendements soulèvent une question très importante, juridiquement complexe.
Pour qu’un référendum d’initiative partagée soit organisé, si le nombre de signatures est réuni après une initiative parlementaire qui aura probablement rassemblé des membres de groupes parlementaires d’opposition au Gouvernement, le texte arrive sur le bureau de chacune des assemblées.
Pour faire échec au référendum, il faut et il suffit que la proposition de loi soit « examinée » dans chacune des assemblées. Mais quel est précisément le sens de ce terme selon la Constitution ?
Les assemblées pouvant, par hypothèse, avoir des majorités différentes, il suffit que le Gouvernement utilise un certain nombre d’instruments à sa disposition pour faire en sorte que le texte soit réputé examiné et faire échec au référendum.
La situation, évidemment, sera différente dans une assemblée où il a la majorité et dans une assemblée où il ne l’a pas, ce qui est actuellement le cas du Sénat – le récent vote sur la confiance l’a montré.
La majorité sénatoriale pourrait ainsi voter une question préalable pour rejeter le texte. Mais, dans un tel cas de figure, la proposition de loi serait tout de même réputée avoir été examinée, et le référendum ne pourrait pas se tenir. Il faut en effet examiner le texte pour pouvoir le rejeter par le vote d’une question préalable. Cette hypothèse-là ne me semble donc pas soulever de difficultés réelles.
Le renvoi en commission est plus astucieux : il signifie en effet que l’assemblée refuse d’examiner le texte au motif que la commission n’a pas pu suffisamment approfondir la question.
Que peut faire le Gouvernement dans ce cas ? S’il a astucieusement prévu d’inscrire l’examen de cette question à son ordre du jour prioritaire, les règles applicables sont très claires : la commission statue dans la journée, on revient en séance et le Gouvernement force l’examen du texte par l’assemblée parlementaire qui a tenté de l’éviter. Il empêche ainsi le référendum.
En revanche, si le Gouvernement n’a pas prévu cette inscription à l’ordre du jour prioritaire, l’examen par la commission peut durer très longtemps, le texte est réputé ne pas avoir été examiné par le Sénat et le référendum peut avoir lieu.
La seule faille dans le dispositif me semble porter non pas sur la question préalable, mais sur la motion d’irrecevabilité, lorsque le Gouvernement demande l’inscription du texte à l’ordre du jour prioritaire.
Toutefois, aucune des dispositions proposées ne me paraît répondre précisément à la question pertinente que chacune d’entre elles soulève, et c’est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
Elle l’a fait aussi en considérant que l’on ne pouvait pas résoudre une question de cette nature, qui concerne l’application d’une procédure démocratique prévue par la Constitution, à droit constant. À l’évidence, les auteurs de ces amendements veulent colmater des lignes de fuite qui empêchent la correcte application sur ce point de la révision constitutionnelle de 2008.
Je reconnais toutefois le très grand intérêt du travail qui a été réalisé par les auteurs de ces amendements, et c’est donc presque à regret que je considère que la solution apportée n’est pas aboutie. Il faudrait prendre le temps de réfléchir à une solution dans le cadre d’une réforme de fond de notre règlement.
Le Conseil constitutionnel a certainement des choses à dire sur cette question, et puisque le règlement du Sénat lui est nécessairement transmis, rien ne l’empêcherait de se prononcer sur ce point pour donner sa pleine portée aux dispositions de la Constitution.
Quoi qu’il en soit, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Il me semble possible de répondre aux deux arguments présentés par M. le président Philippe Bas.
Premièrement, oui, cette disposition doit figurer dans le règlement, car il s’agit de l’ordre dans lequel les motions de procédure sont présentées.
Or cet ordre ne relève en aucun cas de la Constitution. Il relève du règlement. J’avais d’ailleurs observé qu’il était différent à l’Assemblée nationale et au Sénat. À l’Assemblée nationale, on votait d’abord les motions de procédure avant le débat général, tandis qu’ici, ce fut longtemps l’inverse. Rien n’empêche donc d’écrire dans le règlement que la motion de renvoi en commission précède les deux autres.
Deuxièmement, je crois que nous sommes d’accord pour ce qui concerne la question préalable. En revanche, je ne vois pas de difficulté pour l’exception d’irrecevabilité : si une assemblée décide que la proposition est contraire à la Constitution, elle est réputée avoir examiné le texte. L’exception d’irrecevabilité et la question préalable constituent clairement, selon moi, des modalités d’examen du texte.
Quant au renvoi en commission, il signifie que l’assemblée choisit de ne pas examiner le texte. Prévoir l’examen prioritaire de cette motion dans le règlement me semble donc relever du bon sens. Et, encore une fois, le Conseil constitutionnel en sera forcément saisi.
J’ajoute que l’article 11 de la Constitution est très mal rédigé et que nous devrions faire de sa révision une ardente obligation. Si quelques malheureuses questions de nombre ne venaient d’ailleurs pas interférer dans ce débat (Sourires.), nous pourrions assurément trouver un très large accord sur cinq ou six modifications de la Constitution, dont celle-là.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 27, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 47 à 68
Remplacer ces alinéas par treize alinéas ainsi rédigés :
4° L’article 45 est ainsi rédigé :
« Art. 45. – 1. – Dans le cas prévu à l’alinéa 1 de l’article 28 ter, le bureau de la commission saisie au fond contrôle la recevabilité, au regard de l’article 40 de la Constitution ou de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, des propositions de loi, amendements et sous-amendements en commission. En cas de doute, le bureau de la commission des finances ou de la commission des affaires sociales est consulté.
« 2. – Le président de la commission saisie au fond transmet au bureau de la commission des finances ou au bureau de la commission des affaires sociales les amendements susceptibles d’irrecevabilité au regard de l’article 40 de la Constitution ou de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.
« Le bureau de la commission des finances ou de la commission des affaires sociales se prononce sur leur recevabilité par avis motivé, non tautologique.
« Cette décision peut faire l’objet d’un recours auprès du Président du Sénat qui se prononce par avis motivé après avoir entendu le requérant, à sa demande.
« La discussion des amendements en cours d’examen est réservée jusqu’au terme de la procédure.
« Les amendements déclarés définitivement irrecevables ne sont pas mis en distribution.
« 3. Il est procédé selon les mêmes règles à l’encontre d’un amendement contraire à l’une des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.
« 4. Tout sénateur ou le Gouvernement peut soulever en séance une exception d’irrecevabilité fondée sur l’article 40 de la Constitution, sur une des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances ou sur l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. L’examen des propositions de loi, des amendements et sous-amendements en question est réservé tant que le bureau de la commission des finances ou celui de la commission des affaires sociales ne s’est pas prononcé, conformément à la procédure prévue à l’alinéa 2 du présent article.
« Avec l’accord du président de séance, le représentant du bureau de la commission des finances ou de la commission des affaires sociales peut demander au Gouvernement et à l’auteur de l’amendement, qui disposent de la parole durant cinq minutes, de faire valoir leurs arguments.
« En l’absence de conciliation des points de vue, le Sénat se prononce à main levée.
« 5. – L’irrecevabilité tirée de l’article 41, premier alinéa, de la Constitution peut être opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat à une proposition ou à un amendement avant le commencement de sa discussion en séance publique. Lorsqu’elle est opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat en séance publique, la séance est, s’il y a lieu, suspendue jusqu’à ce que le Président du Sénat ou, selon le cas, le Gouvernement ait statué, si l’irrecevabilité est opposée à une proposition ; si elle est opposée à un amendement, la discussion de celui-ci et, le cas échéant, celle de l’article sur lequel il porte est réservée jusqu’à ce que le Président du Sénat ou, selon le cas, le Gouvernement ait statué.
« 6. – Dans tous les cas prévus à l’alinéa 5, il n’y a pas lieu à débat. Le Président du Sénat peut consulter le président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale ou un membre du bureau de cette commission désigné à cet effet. L’irrecevabilité est admise de droit lorsqu’elle est confirmée par le Président du Sénat ou, selon le cas, par le Gouvernement. S’il y a désaccord entre le Président du Sénat et le Gouvernement, le Conseil Constitutionnel est saisi à la demande de l’un ou de l’autre et la discussion est suspendue jusqu’à la notification de la décision du Conseil Constitutionnel, laquelle est communiquée sans délai au Sénat par le Président.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 24, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 47 à 68
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
4° L’article 45 est ainsi modifié :
a) Les alinéas 1 à 3 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« 1. Tout amendement peut être présenté par son auteur en séance publique. » ;
b) A l’alinéa 7, les mots : « L’irrecevabilité tirée de l’article 41, premier alinéa, de la Constitution peut être opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat à une proposition ou à un amendement avant le commencement de sa discussion en séance publique. Lorsqu’elle est opposée par le Gouvernement ou par le Président du Sénat en séance publique » sont remplacés par les mots : « Lorsque le Gouvernement ou le Président du Sénat oppose en séance publique l’irrecevabilité tirée de l’article 41, premier alinéa, de la Constitution à une proposition ou à un amendement » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous l’avons déjà souligné, le développement anarchique des irrecevabilités mises en œuvre au nom des articles 40, 41 et 45 de la Constitution porte gravement atteinte, à notre sens, à la qualité et à l’utilité démocratique du débat parlementaire.
Pour les majorités, ici comme à l’Assemblée nationale, ce qui est visé par une rationalisation obsessionnelle est moins le strict respect de la Constitution et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen que la recherche d’une prétendue efficacité législative.
Monsieur le président de la commission, nous touchons à l’absurde ! Dans une démocratie, est-il concevable qu’un parlementaire soit quasiment démuni du droit de proposition, privé, en particulier, de la possibilité de déposer une proposition de loi de rechange ? Peut-on parler de débat lorsque les partis sont écartés de celui-ci ?
Déposer un amendement, obtenir le label de recevabilité, le faire examiner en commission ou en séance publique devient un véritable parcours du combattant ! Pis, nous avons bien souvent l’impression que la décision de recevabilité d’un amendement relève de la loterie et du bon vouloir de telle ou telle personne. D’ailleurs, qui décide vraiment de la recevabilité ? Cela s’apparente bien souvent à un mystère !
J’estime, comme les membres de mon groupe, que le respect du Parlement, et plus généralement de la démocratie, passe en partie par un retour à un débat réel, lequel permet la confrontation des idées à partir desquelles les différents projets seront soumis aux citoyennes et aux citoyens.
C’est pour atteindre cet objectif que nous souhaitons pouvoir présenter tout amendement en séance publique, quelle que soit la décision d’irrecevabilité postérieure. Tel était le cas jusqu’à la mise en œuvre, au début des années deux mille, de la loi organique relative aux finances publiques, la LOLF, qui a fini de réduire le débat budgétaire à néant, ou presque.
J’ajoute, enfin, que cette disposition permettrait d’éviter la confusion actuelle, née des déclarations d’irrecevabilité intervenant en cours de discussion, qui empêche les groupes et parlementaires d’avoir une vision claire du débat.
C’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement de bon sens – démocratique, devrais-je dire.
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 49
Rédiger ainsi cet alinéa :
- après le mot : « finances, », sont insérés les mots : « , lorsqu’elle est saisie conformément à l’article 17 bis, » ;
II. – Alinéa 50
Compléter cet alinéa par les mots :
par un avis écrit et suffisamment motivé
III. – Alinéas 51 et 52
Supprimer ces alinéas.
IV. – Alinéa 54
Compléter cet alinéa par les mots :
par un avis écrit et suffisamment motivé
V. – Alinéa 57
Après les mots :
les mots : «
insérer les mots :
par un avis écrit et suffisamment motivé,
VI. – Après l’alinéa 60
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- la dernière phrase est supprimée ;
VII. – Après l’alinéa 64
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
– à la même première phrase, après les mots : « Président du Sénat », sont insérés les mots : « , par un avis écrit et suffisamment motivé, » ;
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous proposons que toutes les catégories d’irrecevabilité émises par la commission des finances fassent l’objet d’un avis écrit et motivé de manière non tautologique. Nous proposons de justifier toutes les irrecevabilités, pour que celles-ci soient acceptées et acceptables.
Par ailleurs, nous souhaitons que la commission des finances ne se prononce, à propos de l’article 40, que sur les amendements qui lui ont été transmis par la commission saisie au fond.
C’est là un point très important, car nous sommes contre la possibilité laissée à la commission des finances de se saisir de tout amendement sur n’importe quel texte passant devant n’importe quelle commission. Ici, nous sommes cohérents avec notre amendement à l’article 17 bis du règlement, par lequel nous proposions que la commission des finances soit saisie des seuls amendements que lui transmet le président de la commission saisie au fond.
Nous proposons, enfin, qu’aucune irrecevabilité ne soit accordée de façon tacite en cas de non-réponse de la commission avant la fin du débat.
Mme la présidente. L’amendement n° 26, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 62
Remplacer les mots :
avant leur examen en séance publique
par les mots :
avant l’ouverture de la discussion générale
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Cet amendement, qui fait écho aux amendements précédents, vise à exiger que la décision de mise en œuvre des procédures d’irrecevabilité soit effective avant l’ouverture de la discussion générale. Pour nous, il n’est pas possible de laisser perdurer la situation actuelle.
De nombreuses irrecevabilités sont décidées, et elles interviennent souvent durant la discussion des articles eux-mêmes. Il apparaît nécessaire d’encadrer, sinon de mettre un coup d’arrêt à une pratique qui remet gravement en cause la discussion parlementaire et les droits y afférents.
Monsieur le rapporteur, nous attendons de votre part un avis sage, comme vous savez parfois en émettre. Cette proposition nous semble de bon sens, propre à rétablir un tant soit peu le respect du droit d’amendement, des groupes politiques et des parlementaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’avis sera défavorable, car tous ces amendements tendent à faire prendre la décision d’irrecevabilité par un vote politique.
Or nous émettons des votes politiques quand il s’agit de dire si nous sommes, ou non, d’accord avec le fond d’un amendement. En matière d’irrecevabilités, nous sommes placés sous une contrainte constitutionnelle, laquelle a donné lieu à une abondante jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Il serait vain de vouloir faire mettre en discussion des amendements irrecevables, car le Conseil constitutionnel se saisit toujours d’office, c’est-à-dire sans qu’il soit besoin que la saisine des députés ou des sénateurs ne mentionne le caractère irrecevable d’un certain nombre d’amendements éventuellement adoptés.
Par conséquent, tous ces efforts, que je comprends très bien et qui sont d’ailleurs appuyés sur une réflexion technique approfondie, me paraissent vains. Nous pouvons modifier autant que nous le voudrions notre règlement, mais si nous adoptons des dispositions contraires à la Constitution, telle qu’elle est interprétée par le Conseil constitutionnel, ce dernier les déclarera inconstitutionnelles, comme il le fait pour l’adoption d’amendements irrecevables, alors même qu’il n’en est pas saisi.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur ces quatre amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous ne demandons pas une remise en cause de la Constitution, monsieur le président de la commission ! Nous souhaitons simplement encadrer les choses.
Si un sénateur ou une sénatrice, sur quelque travée qu’il siège, n’a jamais été étonné par une décision d’irrecevabilité, qu’il lève la main !
M. Philippe Bas, rapporteur. Moi, je lève la main ! (Sourires.)
Mme Laurence Cohen. Si nous demandons que ces décisions soient justifiées, c’est parce que certaines d’entre elles nous apparaissent comme arbitraires ou aléatoires.
M. Michel Raison. C’est vrai !
Mme Laurence Cohen. Parfois, certains amendements sont acceptés et d’autres, rejetés sans que nous saisissions véritablement pourquoi.
Ce n’est pas là une simple vue d’esprit de mon groupe. Pour en avoir discuté avec des collègues d’autres groupes, j’ai constaté qu’ils éprouvaient le même sentiment, au demeurant partagé jusque dans les commissions. Il est même arrivé que le président de la commission des affaires sociales s’étonne de l’absence de justification quant à l’irrecevabilité de tel ou tel amendement !
Bien évidemment, nous ne demandons pas une remise en cause de la Constitution. Nous voulons simplement que les décisions soient justifiées, qu’elles soient mieux encadrées, afin que nous n’ayons pas l’impression d’être soumis à la loi de l’arbitraire.
Notre souci est toujours le même : conforter le rôle des parlementaires que nous sommes. En effet, nous avons toutes et tous été, lors d’auditions, saisis par des associations, des syndicats ou des individus qui nous sollicitent pour porter tel ou tel amendement. Or nous sommes impuissants à relayer leur demande, car cet amendement va tomber sous le coup de telle ou telle irrecevabilité, laquelle frôle parfois, je le redis, l’absurde. Nous faisons ainsi la fâcheuse démonstration de l’impuissance des parlementaires que nous sommes.
Or, j’en suis persuadée, personne ici ne souhaite que le Parlement reste muet sur un certain nombre de questions. Nous souhaitons tous que les parlementaires puissent porter des propositions qui respectent le droit, certes, mais aussi qui donnent son sens à la démocratie.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je voudrais exprimer à mon tour les divers étonnements que j’ai pu ressentir, à titre personnel, par le passé. Il m’est arrivé de voir certains de mes amendements retoqués au titre, par exemple, de l’article 40 de la Constitution. J’ai d’ailleurs souvent dit, ici en séance, combien j’étais fâché de voir certaines de mes propositions rejetées ainsi.
Mon étonnement est d’autant plus grand que j’ai parfois vu l’un de mes amendements passer sans difficulté la rampe en commission et se faire retoquer lors d’un passage en séance dès lors que je l’avais maintenu. Allez comprendre !
Je crois, à tout le moins, que nous avons droit à quelques explications. C’est ce que j’ai essayé de faire en interrogeant la commission des finances, qui était précisément en train de travailler sur ce dossier et qui a élaboré assez récemment une sorte de guide, en tout cas un document expliquant le pourquoi du comment. Il est vrai que la jurisprudence de la commission des finances est assez abondante sur le sujet.
J’ai pris le temps de lire cet écrit et j’avoue n’avoir pas été totalement convaincu. Je suis tenté de militer pour obtenir une véritable explicitation, pour ne pas dire une explication de texte. J’ai même pu noter que la jurisprudence pouvait fluctuer selon la personne chargée, à la commission des finances, de vérifier la recevabilité d’un amendement au regard de l’article 40… Mes souvenirs sont assez anciens, de sorte que je ne vise aucune personne encore en activité ! (Sourires.)
Je tiens à dire que je comprends totalement les demandes de nos collègues du groupe CRCE.
Pour autant, je rejoins ce qui a été dit à plusieurs reprises depuis le début de la discussion : je considère que cette proposition de résolution effectue un travail de codification à droit constant, et je pense que cette discussion n’est pas le cadre adéquat pour régler ce dossier. Je souhaite que nous trouvions une nouvelle occasion d’y parvenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, mon explication vaut pour l’article 40, mais aussi pour l’article 45 de la Constitution.
Les dispositions que nous présentons me semblent pleinement d’actualité et devraient permettre d’avoir un débat entre nous.
Depuis maintenant un certain temps, nous notons une évolution – même si mon élection au Sénat ne remonte même pas à deux ans, je la constate déjà. Ainsi, sur les derniers grands textes que nous avons examinés, par exemple la loi Pacte, soumise à notre assemblée en début d’année, nombre d’articles ont été frappés par l’article 40 et l’article 45 de la Constitution. Je ne m’exprime pas seulement au nom de notre groupe ; ce que je dis vaut pour l’ensemble des groupes. Si Mme la présidente de la commission spéciale me regarde en souriant, c’est parce que nous avons eu ce débat longuement entre nous.
Je veux le dire, l’application de l’article 45 de la Constitution pose question. Je vais prendre un exemple très concret. Quand nous déposons un certain nombre d’amendements sur la question des salaires, on nous conseille d’attendre l’examen d’un prochain projet de loi, qui compte au moins 200 articles et qui doit traiter des entreprises. On nous dit que ce sera l’occasion de parler des primes, de l’investissement, des participations… En attendant, nous n’avons à aucun moment la possibilité de débattre des salaires, et nos amendements tombent sous le coup de l’article 45.
Moi, je dis que ce choix est de nature extrêmement politique ! Nos amendements sont frappés d’irrecevabilité sans la moindre justification. Nous sommes entre nous et savons comment se déroulent les discussions en commission, surtout sur les grands textes : nous n’avons pas le temps d’aller au bout du débat, que nous avons d’autant moins envie de prolonger qu’il faut examiner 400 ou 500 amendements. De guerre lasse, nous nous abstenons de demander à chaque fois ce qui justifie que notre amendement ait été frappé de l’article 40 ou de l’article 45 de la Constitution.
Il pourrait nous être utile d’avoir une justification écrite. Cela nous aiderait, y compris dans la rédaction des prochains amendements, pour les textes à venir, et cela permettrait l’ouverture d’un autre type de débat dans notre hémicycle.
Prenons quelques instants pour examiner cette proposition, qui vise à répondre à l’accélération des irrecevabilités frappant un certain nombre d’amendements, tous groupes politiques confondus ; franchement, je suis inquiet, parce que cette attitude laisse présager, au bout du compte, une restriction du droit d’amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 15.
(L’article 15 est adopté.)
Article additionnel après l’article 15
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 35 rectifié, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement sont abrogés.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 30, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’alinéa 2 de l’article 47 ter est ainsi rédigé :
« 2. – Les projets de loi concernés par cette procédure portent transposition de directives communautaires, codification ou ratification d’ordonnances. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il est également défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. L’avis sera défavorable, parce qu’il s’agit de revenir sur la législation en commission. Nous l’avons introduite à titre expérimental, puis consolidée il y a quelques mois pour en faire une disposition permanente du règlement. Par conséquent, nous ne pouvons, à mon avis, que maintenir cette procédure, dont nous faisons d’ailleurs application aujourd’hui.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 30.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 16
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le Règlement est ainsi modifié :
1° Le chapitre VII bis devient le chapitre XIV ;
2° Le chapitre VII ter devient le chapitre XV et son intitulé est ainsi rédigé : « Procédure d’examen simplifié des textes relatifs à des conventions internationales » ;
3° L’article 47 decies est ainsi modifié :
a) À la fin de la première phrase de l’alinéa 1, les mots : « ou d’une convention fiscale » sont supprimés ;
b) À l’alinéa 2, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « , le président de la commission saisie au fond et le Gouvernement peuvent ».
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 17
Le Règlement est ainsi modifié :
1° Après l’article 44, sont insérés des articles 44 bis et 44 ter ainsi rédigés :
« Art. 44 bis. – 1. – Le Gouvernement et les sénateurs ont le droit de présenter des amendements et des sous-amendements aux textes soumis à discussion devant le Sénat ou faisant l’objet d’une procédure de vote sans débat.
« 2. – Il n’est d’amendements ou de sous-amendements que ceux rédigés par écrit, signés par l’un des auteurs et déposés sur le Bureau du Sénat ; un sénateur ne peut être signataire de plusieurs amendements ou sous-amendements identiques ; un sénateur ne peut être signataire d’un sous-amendement à un amendement dont il est signataire ; les amendements ou sous-amendements doivent être sommairement motivés ; ils sont communiqués par la Présidence à la commission compétente et publiés. Le défaut d’impression et de distribution d’un amendement ou sous-amendement ne peut toutefois faire obstacle à sa discussion en séance publique.
« 3. – Les amendements sont recevables s’ils s’appliquent effectivement au texte qu’ils visent et, en première lecture, s’ils présentent un lien, même indirect, avec le texte en discussion.
« 4. – Sauf dispositions spécifiques les concernant, les sous-amendements sont soumis aux mêmes règles de recevabilité et de discussion que les amendements. En outre, ils ne sont recevables que s’ils n’ont pas pour effet de contredire le sens des amendements auxquels ils s’appliquent.
« 5. – Après la première lecture, la discussion des articles ou des crédits budgétaires est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées n’ont pas encore adopté un texte ou un montant identique.
« 6. – En conséquence, il n’est reçu, après la première lecture, aucun amendement ni article additionnel qui remettrait en cause, soit directement, soit par des additions qui seraient incompatibles, des articles ou des crédits budgétaires votés par l’une et l’autre assemblée dans un texte ou avec un montant identique. De même est irrecevable toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion.
« 7. – Il ne peut être fait exception aux règles édictées ci-dessus que pour :
« – assurer le respect de la Constitution, y compris pour tirer les conséquences nécessaires d’une décision du Conseil constitutionnel prononçant l’abrogation avec effet différé d’une disposition législative ;
« – effectuer une coordination avec d’autres textes en cours d’examen ou avec un texte promulgué depuis le début de l’examen du texte en discussion ;
« – ou procéder à la correction d’une erreur matérielle dans le texte en discussion, dans un autre texte en cours d’examen ou dans un texte promulgué depuis le début de l’examen du texte en discussion.
« 8. – La commission saisie au fond est compétente pour se prononcer sur la recevabilité des amendements et des sous-amendements dans les cas prévus au présent article.
« 9. – La commission saisie au fond, tout sénateur ou le Gouvernement peut soulever à tout moment de la discussion en séance publique, à l’encontre d’un ou plusieurs amendements, une exception d’irrecevabilité fondée sur le présent article. L’irrecevabilité est admise de droit et sans débat lorsqu’elle est affirmée par la commission au fond.
« 10. – Dans les cas autres que ceux mentionnés au présent article et à l’article 45, la question de la recevabilité des amendements ou sous-amendements est soumise, avant leur discussion, à la décision du Sénat. Seuls l’auteur de la demande d’irrecevabilité, un orateur d’opinion contraire, la commission et le Gouvernement peuvent intervenir. Aucune explication de vote n’est admise.
« Art. 44 ter. – À la demande de la commission intéressée, la Conférence des Présidents peut décider de fixer un délai limite pour le dépôt des amendements. La décision de la Conférence des Présidents figure à l’ordre du jour. Ce délai limite n’est pas applicable aux amendements de la commission saisie au fond ou du Gouvernement, ni aux sous-amendements. Il est reporté au début de la discussion générale lorsque le rapport de la commission saisie au fond n’a pas été publié la veille du début de la discussion en séance publique. » ;
2° Après l’article 46, il est inséré un article 46 bis ainsi rédigé :
« Art. 46 bis. – 1. – Les amendements sont mis en discussion après la discussion du texte qu’ils tendent à modifier, et aux voix avant le vote sur ce texte.
« 2. – Les amendements sont mis aux voix dans l’ordre ci-après : les amendements de suppression et ensuite les autres amendements en commençant par ceux qui s’écartent le plus du texte proposé et dans l’ordre où ils s’y opposent, s’y intercalent ou s’y ajoutent. Toutefois, lorsque le Sénat a adopté une priorité ou une réserve dans les conditions fixées aux alinéas 6 et 7 de l’article 44, l’ordre de mise aux voix est modifié en conséquence. Lorsqu’ils viennent en concurrence, et sauf décision contraire de la Conférence des Présidents ou décision du Sénat sur proposition de la commission saisie au fond, les amendements font l’objet d’une discussion commune, à l’exception des amendements de suppression et de rédaction globale de l’article.
« 3. – Le Président ne soumet à la discussion en séance publique que les amendements et sous-amendements déposés sur le Bureau du Sénat.
« 4. – Le Sénat ne délibère sur aucun amendement s’il n’est soutenu lors de la discussion. Après l’ouverture du débat, le Gouvernement peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission.
« 5. – Sur chaque amendement, sous réserve des explications de vote, ne peuvent être entendus que l’un des signataires, le Gouvernement et le président ou le rapporteur de la commission. Le signataire de l’amendement dispose d’un temps de parole de deux minutes et demie pour en exposer les motifs. Le rapporteur dispose d’un temps de deux minutes et demie par amendement pour exprimer l’avis de la commission. Les explications de vote sont admises pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie.
« 6. – Un amendement retiré par son auteur, après que sa discussion a commencé, peut être immédiatement repris par un sénateur qui n’en était pas signataire. La discussion se poursuit à partir du point où elle était parvenue. » ;
3° Le chapitre VIII et les articles 48, 49 et 50 sont abrogés ;
4° (nouveau) Au premier alinéa de l’article 47 quater, la référence : « article 50 » est remplacée par la référence : « article 44 ter ».
Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le mot :
et
par le mot :
ou
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Monsieur le président de la commission des lois, les dispositions de notre amendement ne relèvent pas de la seule précision sémantique.
Le règlement actuel fait une distinction entre l’étape où l’amendement doit avoir un lien effectif – au cours de la seconde lecture –, et un lien direct ou même indirect – au cours de la première lecture.
La rédaction actuelle prévoit que « les amendements sont recevables s’ils s’appliquent effectivement au texte qu’ils visent ou – et j’insiste sur ce terme – s’ils présentent un lien, même indirect, avec le texte en discussion ». La nouvelle rédaction remplace ce « ou » par un « et ». Ainsi les amendements doivent-ils s’appliquer effectivement au texte et avoir un lien direct ou indirect avec lui.
Pourquoi ce changement ? L’expérience en matière de réforme du règlement nous apprend que chaque mot a son sens, et qu’il en est de même de toute modification.
Ainsi sommes-nous portés à estimer que la volonté de l’auteur est d’appliquer la règle de l’autonomie, dès la première lecture, en obligeant, de toute façon, à un lien effectif. De toute manière, convenez, mes chers collègues, qu’il existerait une contradiction manifeste entre le fait d’exiger, dès la première lecture, ce lien effectif, tout en autorisant un lien indirect.
Devant cette confusion possible et le risque d’ouvrir la voie à une réduction drastique du droit d’amendement, nous proposons d’en rester à la rédaction actuelle du règlement. Sinon, vous en conviendrez, monsieur le président, nous sortons du droit constant, et même du droit quasi constant.
Nous attendons avec intérêt vos explications en ce domaine.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. C’est un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par Mmes Férat et Vullien, MM. Grand, Détraigne, Decool et Houpert, Mme Guidez, MM. Guerriau, Canevet, Moga et Lefèvre, Mme Goy-Chavent, MM. Laugier et Savary, Mmes Kauffmann et Loisier, M. Laménie, Mme Morin-Desailly, MM. Gremillet, Longeot et Saury, Mmes Saint-Pé, Perrot et Garriaud-Maylam, MM. Bonne, Mandelli et Revet, Mme Billon et MM. Bonhomme et Cazabonne, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet article par les mots :
, déposé au Sénat ou transmis par l’Assemblée nationale
La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Cet amendement vise à préciser les amendements recevables, ou non, au titre de l’article 45 de la Constitution, lequel mentionne clairement que les amendements doivent avoir un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis.
Au travers de cet amendement, nous entendons préciser que les dispositions introduites à l’Assemblée nationale peuvent être amendées ou précisées au Sénat. L’interprétation de l’article 45 de la Constitution doit être en faveur de l’initiative parlementaire et du pouvoir d’amendement du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Je comprends la motivation de l’amendement. Malheureusement, j’ai la certitude que, s’il était adopté, il serait jugé non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, qui veille à l’application de ces règles.
Seul le débat sur la révision de la Constitution nous permettrait, à mon sens, de détendre quelque peu ce ressort trop fortement comprimé.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Longeot, l’amendement n° 3 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-François Longeot. Même si je n’en suis pas l’auteur, compte tenu de ce que vient d’indiquer le président-rapporteur de la commission, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 11 rectifié ter, présenté par MM. Fouché, Guerriau, A. Marc, Decool et Capus, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Wattebled et Chasseing, Mme Raimond-Pavero, MM. Karoutchi et Grosdidier, Mme Gruny, MM. Danesi et Bonhomme, Mme Imbert et MM. Babary et D. Laurent, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Est recevable l’amendement qui tend aux mêmes fins qu’un amendement déclaré recevable par l’Assemblée nationale
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Même avis que sur le précédent, pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 11 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 33, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
qui ne peut être inférieur à cinq jours ouvrables après la publication du texte issu des travaux de la commission saisie au fond
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Cet amendement vise à permettre le bon déroulement du travail législatif.
Les délais extrêmement courts entre l’examen en commission d’un projet ou d’une proposition de loi et la tenue de la séance publique, parfois cinq à six jours plus tard, rendent très difficile le travail d’amendement sur le texte de la commission.
Ce qui est déjà difficile pour les membres de la commission devient encore plus compliqué pour les parlementaires qui n’en sont pas membres. Ces derniers doivent attendre que le texte soit en ligne, ce qui peut prendre vingt-quatre heures. Surtout, il leur faut attendre la publication du rapport, ce qui peut prolonger le délai jusqu’au vendredi ou samedi suivant.
Lorsque le délai pour le dépôt des amendements en vue de la séance publique est fixé, par exemple, au lundi à onze heures ou midi, déposer des amendements relève parfois de la mission impossible !
Nous proposons donc, par cet amendement, de fixer un délai raisonnable pour permettre l’exercice réel et non contraint du droit d’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Nous considérons que cette disposition n’est pas praticable. En effet, quand la conférence des présidents fixe le délai limite de dépôt des amendements, elle ne peut connaître la date à laquelle le texte de la commission sera adopté. Si nous adoptons ce genre d’amendement, nous risquons tout simplement de ne pas être en mesure d’arriver en séance avec des amendements extérieurs examinés par la commission.
Tout en comprenant les collègues qui se plaignent des délais trop courts, je ne puis malheureusement accepter cette proposition, car elle bloquerait le système.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 39, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 19, deuxième phrase
Replacer les références :
aux alinéas 6 et 7
par la référence :
à l’alinéa 6
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.
Mme la présidente. L’amendement n° 7, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 22, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
La durée des explications de vote est de deux minutes et demie.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, nous proposons de modifier une formulation qui figure à l’alinéa 22 de l’article 17 du règlement.
Les explications de vote sur les amendements sont un droit. Nous usons de ce droit très largement cette après-midi, et je m’en félicite ! Or voilà, monsieur le président Bas, que la formule employée dans la proposition de résolution est quelque peu désagréable. Il est écrit : « Les explications de vote sont admises… »
M. Yves Détraigne. Autant dire : « à la rigueur » !
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, c’est cela, monsieur Détraigne ! Elles sont admises, à la rigueur.
« Les explications de vote, disais-je, sont admises pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie ». On a le sentiment qu’une concession est faite, à regret, aux sénateurs. Le règlement veut bien les autoriser à s’exprimer pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie…
Aussi, madame la présidente, ce que je propose est très simple. Au lieu de ces phrases restrictives et désagréables pour nous, je propose simplement d’écrire, ce qui est cursif et facile à comprendre : « La durée des explications de vote est de deux minutes et demie. »
Monsieur le président de la commission, je ne comprendrais pas au nom de quel argument vous vous opposeriez à cet amendement ! (Sourires.)
M. André Reichardt. C’est un vrai défi !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. La commission a bien compris toute la portée de l’amendement de notre collègue. Elle observe cependant que la rédaction proposée – « La durée des explications de vote est de deux minutes et demie. » – signifie que ces explications ne peuvent pas durer moins de deux minutes et demie. Or nous voulons laisser une chance aux collègues qui parviendraient à expliquer leur vote en moins de deux minutes et demie !
C’est la raison pour laquelle la commission n’a pas suivi, malgré un élan du cœur qui l’aurait spontanément porté à le faire, la proposition de notre collègue, le président Sueur. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Je peux le sous-amender, si vous le voulez !
M. Philippe Bas, rapporteur. J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 17, modifié.
(L’article 17 est adopté.)
Article 18
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le Règlement est ainsi modifié :
1° Le chapitre VIII bis devient le chapitre XVI ;
2° L’article 50 ter est ainsi modifié :
a) L’alinéa 2 est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « doit être » sont remplacés par le mot : « est » ;
– la dernière phrase est ainsi rédigée : « L’alinéa 1 de l’article 31 n’est pas applicable. » ;
b) À l’alinéa 3, le mot : « ayant » est remplacé par les mots : « dont la Conférence des Présidents constate qu’elle a ».
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 19
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
I. – Le chapitre IX du Règlement, qui devient le chapitre XVII, est ainsi modifié :
1° L’article 51 est ainsi modifié :
a) À l’alinéa 1, les mots : « du nombre des membres composant le Sénat » sont remplacés par les mots : « des sénateurs » ;
b) À l’alinéa 2, le mot : « Bureau » est remplacé par les mots : « Président, assisté de deux secrétaires, » ;
c) À l’alinéa 2 bis, qui devient l’alinéa 3, le mot : « Bureau » est remplacé par le mot : « Président » et les mots : « doit être » sont remplacés par le mot : « est » ;
d) L’alinéa 3 devient l’alinéa 4 ;
2° Le début de l’alinéa 3 de l’article 52 est ainsi rédigé : « L’alinéa 2 s’applique aux nominations… (le reste sans changement). » ;
3° L’article 54 est ainsi modifié :
a) À l’alinéa 2, les mots : « par les secrétaires » sont supprimés ;
b) L’alinéa 3 est ainsi rédigé :
« 3. – En cas de doute, l’épreuve est renouvelée par assis et levé. Si le doute persiste, il est procédé à un scrutin public ordinaire. » ;
4° L’article 56 est ainsi rédigé :
« Art. 56. – 1. – Le scrutin public ordinaire a lieu par procédé électronique. Sur décision du Président, le scrutin a lieu par bulletins, dans des conditions fixées par le Bureau.
« 2. – Le Président annonce l’ouverture du scrutin puis sa clôture, lorsqu’il constate que tous les sénateurs ayant manifesté leur intention d’y participer ont pu le faire.
« 3. – Le résultat est constaté par les secrétaires et proclamé par le Président. » ;
5° L’article 56 bis est ainsi modifié :
a) À la fin de la seconde phrase de l’alinéa 1, les mots : « et affichée » sont supprimés ;
b) (nouveau) À la fin de l’alinéa 3, les mots : « l’une des trois urnes placées auprès de lui » sont remplacés par les mots : « une urne prévue à cet effet » ;
6° À l’article 57, les mots : « doivent présenter au secrétaire placé près de l’urne » sont remplacés par le mot : « présentent » ;
7° L’article 58 est abrogé ;
8° L’article 59 est ainsi modifié :
a) Au 2°, les mots : « des dispositions » sont supprimés ;
b) Les 2° bis, 3° à 5° deviennent les 3° à 7° ;
c) Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Il est également procédé de droit au scrutin public ordinaire lors du vote sur :
« aa) (nouveau) L’ensemble d’un projet de loi ou d’une proposition de loi ou de résolution, sur décision de la Conférence des Présidents et dans les conditions qu’elle détermine ;
« a) Une déclaration du Gouvernement, en application de l’article 50-1 de la Constitution ;
« b) Une demande d’autorisation, en application du troisième alinéa de l’article 35 de la Constitution. » ;
9° À l’article 60, les mots : « des dispositions » sont supprimés, les mots : « ou plusieurs présidents de groupes » sont remplacés par les mots : « président de groupe » et les mots : « doit être » sont remplacés par le mot : « est » ;
10° L’article 60 bis est ainsi modifié :
a) À l’alinéa 2, les mots : « doit être » sont remplacés par le mot : « est » et les mots : « doit figurer » sont remplacés par le mot : « figure » ;
b) (nouveau) Après le mot : « application », la fin de l’alinéa 3 est ainsi rédigée : « du dernier alinéa de l’article 49 de la Constitution. » ;
11° (Supprimé)
12° L’article 61 est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 est ainsi rédigé :
« 1. – Sous réserve de l’article 3, les désignations en assemblée plénière ou dans les commissions ont lieu au scrutin secret. » ;
b) À l’alinéa 2, le mot : « nominations » est remplacé par le mot : « désignations » et, à la fin, le mot : « suivante : » est remplacé par les mots : « décrite ci-après. » ;
c) (nouveau) À l’alinéa 6, le mot : « font » est remplacé par le mot : « supervisent ».
II (nouveau). – Le présent article entre en vigueur le 1er octobre 2019.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 20
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le Règlement est ainsi modifié :
1° Le chapitre X devient le chapitre XVIII ;
2° L’article 64 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) L’alinéa 2 est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « doit être » sont remplacés par le mot : « est » ;
– à la deuxième phrase, les mots : « doit indiquer » sont remplacés par le mot : « indique » ;
– à la troisième phrase, les mots : « doivent, en outre, indiquer » sont remplacés par les mots : « indiquent, en outre, » ;
c) Les alinéas 6 et 7 sont abrogés.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 21
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le chapitre XI, qui devient le chapitre XIX, est ainsi modifié :
1° Avant l’article 65, est insérée une section 1 ainsi intitulée : « Déroulement de la navette » ;
2° Après l’article 66, est insérée une section 2 ainsi intitulée : « Motion de renvoi au référendum d’un projet de loi » ;
3° L’article 67 est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 est ainsi modifié :
– à la première phrase, après les mots : « doit être », sont insérés les mots : « déposée au plus tard avant la clôture de la discussion générale et » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Il ne peut être présenté qu’une seule motion tendant à proposer de soumettre un projet au référendum. » ;
b) À l’alinéa 2, les mots : « dispositions de l’article 29 » sont remplacés par les mots : « règles d’inscription à l’ordre du jour résultant de l’article 29 du Règlement » ;
c) À la fin de l’alinéa 3, les mots : « du Règlement » sont supprimés ;
4° Après l’article 69, est insérée une section 3 ainsi intitulée : « Motion tendant à consulter par référendum les électeurs d’une collectivité ultramarine » ;
5° À l’alinéa 1 de l’article 69 bis, les mots : « des dispositions » sont supprimés ;
6° Après le même article 69 bis, est insérée une section 4 ainsi intitulée : « Travaux des commissions mixtes paritaires » ;
7° À l’alinéa 1 de l’article 72, les mots : « des dispositions » sont supprimés ;
8° Après le même article 72, est insérée une section 5 ainsi intitulée : « Déclaration de guerre, interventions militaires extérieures et état de siège » ;
9° À l’article 73, les deux occurrences du mot : « visée » sont remplacées par le mot : « mentionnée » ;
10° À l’alinéa 1 de l’article 73-1, les mots : « par l’article 35, deuxième alinéa, » sont remplacés par les mots : « au deuxième alinéa de l’article 35 ».
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 22
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le chapitre XI bis, qui devient le chapitre XX, est ainsi modifié :
1° L’article 73 bis est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sa composition assure une représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes. » ;
b) L’alinéa 2 est ainsi rédigé :
« 2. – Ses membres sont désignés après chaque renouvellement partiel en séance publique, à l’issue de la désignation des membres des commissions permanentes, et selon les modalités prévues pour celles-ci aux alinéas 3 à 10 de l’article 8. » ;
c) Il est ajouté un alinéa 3 ainsi rédigé :
« 3. – Les dispositions de l’article 13 fixant la procédure de désignation des membres du bureau des commissions permanentes sont applicables à la commission des affaires européennes. » ;
2° La dernière phrase de l’alinéa 1 de l’article 73 quater est complétée par le mot : « européenne » ;
3° L’article 73 quinquies est ainsi rédigé :
« Art. 73 quinquies. – Les résolutions européennes sont adoptées dans les conditions prévues au présent article.
« 1. – Dans les quinze jours suivant la diffusion par la commission des affaires européennes d’un projet ou d’une proposition d’acte soumis au Sénat en application de l’article 88-4 de la Constitution, la commission permanente compétente peut décider de se saisir de ce texte. Elle informe le Sénat du dépôt d’une proposition de résolution par le rapporteur qu’elle a désigné.
« La commission fixe un délai limite, qui ne peut excéder quinze jours, pour le dépôt des amendements qui peuvent être présentés par tout sénateur. Le rapport de la commission comporte la proposition de résolution qu’elle a adoptée, ou, en cas de rejet, le résultat de ses travaux et doit être publié dans un délai d’un mois après sa saisine.
« 2. – La commission des affaires européennes et tout sénateur peuvent déposer une proposition de résolution européenne.
« Si la proposition de résolution émane de la commission des affaires européennes, ou si une commission permanente s’est déjà saisie du texte européen sur lequel porte cette proposition de résolution, cette dernière est envoyée à la commission permanente. Dans les autres cas, la proposition de résolution est envoyée à l’examen préalable de la commission des affaires européennes qui statue dans le délai d’un mois en concluant soit au rejet, soit à l’adoption de la proposition, éventuellement amendée.
« La proposition de résolution est ensuite examinée par la commission permanente qui se prononce sur la base du texte adopté par la commission des affaires européennes ou, à défaut, du texte initial de la proposition de résolution.
« Après l’expiration du délai limite qu’elle a fixé pour le dépôt des amendements, la commission permanente examine la proposition de résolution ainsi que les amendements, qui peuvent être présentés par tout sénateur. Le rapport de la commission comporte la proposition de résolution qu’elle a adoptée ou, en cas de rejet, le résultat de ses travaux et est publié.
« Si, dans un délai d’un mois suivant la transmission d’une proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes, la commission permanente n’a pas déposé son rapport et si ni le Gouvernement ni un groupe minoritaire ou d’opposition n’a demandé que le Sénat se prononce sur cette proposition en séance dans le cadre de l’ordre du jour qui lui est réservé, le texte adopté par la commission des affaires européennes est considéré comme adopté par la commission permanente.
« 3. – La proposition de résolution adoptée ou considérée comme adoptée par la commission permanente devient résolution du Sénat au terme d’un délai de trois jours francs suivant, selon le cas, soit la date de la publication du rapport de la commission permanente, soit l’expiration du délai au terme duquel le texte adopté par la commission des affaires européennes est considéré comme adopté par la commission permanente.
« Pendant ce délai de trois jours, le Président du Sénat, le président d’un groupe, le président d’une commission permanente, le président de la commission des affaires européennes ou le Gouvernement peuvent demander qu’elle soit examinée par le Sénat.
« Si, dans les sept jours francs qui suivent cette demande, la Conférence des Présidents ne propose pas ou le Sénat ne décide pas son inscription à l’ordre du jour, la proposition de résolution de la commission devient résolution du Sénat. Si l’inscription à l’ordre du jour est décidée, le texte de la proposition de résolution adoptée ou considérée comme adoptée par la commission permanente est discuté en séance publique et la commission des affaires européennes peut exercer les compétences attribuées aux commissions saisies pour avis.
« 4. – Les résolutions européennes sont transmises au Gouvernement et à l’Assemblée nationale. » ;
4° L’article 73 sexies est ainsi rédigé :
« Art. 73 sexies. – Saisie par le Président du Sénat, le président de la commission saisie au fond, le président de la commission des affaires européennes ou un président de groupe, la Conférence des Présidents peut décider de consulter la commission des affaires européennes sur un projet ou une proposition de loi ayant pour objet de transposer un texte européen en droit national. Les observations de la commission des affaires européennes peuvent être présentées sous la forme d’un rapport d’information. » ;
5° L’article 73 octies est ainsi modifié :
a) L’alinéa 2 est ainsi modifié :
– la première phrase est complétée par les mots : « qui est envoyée à la commission des affaires européennes » ;
– la deuxième phrase est supprimée ;
b) La première phrase de l’alinéa 3 est complétée par les mots : « éventuellement amendée » ;
c) À l’alinéa 5, les mots : « à l’alinéa 5 » sont remplacés par la référence : « au 3 » ;
6° À la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 73 decies, les deux occurrences du mot : « visée » sont remplacées par le mot : « mentionnée ».
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 23
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le chapitre XII, qui devient le chapitre XXI, est ainsi modifié :
1° L’alinéa 2 de l’article 74 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « doivent être » sont remplacés par le mot : « sont » et, après les mots : « et ne », il est inséré le mot : « peuvent » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « au regard des conditions précédentes » sont supprimés ;
2° Les alinéas 1 et 2 de l’article 75 sont ainsi rédigés :
« 1. – Les questions écrites sont publiées au Journal officiel.
« 2. – Les réponses des ministres sont publiées dans les deux mois suivant la publication des questions. Ce délai ne comporte aucune interruption. » ;
3° À la deuxième phrase de l’article 75 bis, les mots : « de deux minutes et demie, y compris, éventuellement, sa réponse » sont remplacés par les mots : « fixé par la Conférence des Présidents, comprenant sa réponse éventuelle » ;
4° L’alinéa 2 de l’article 76 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– les mots : « doivent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
– après les mots : « et ne », il est inséré le mot : « peuvent » ;
– à la fin, les mots : « ; celles qui portent sur la politique générale du Gouvernement sont adressées au Premier ministre » sont supprimés ;
b) À la seconde phrase, les mots : « au regard des conditions précédentes » sont supprimés ;
5° À l’alinéa 1 de l’article 77, les mots : « de l’article 48, dernier alinéa, » sont remplacés par les mots : « du dernier alinéa de l’article 48 » ;
6° L’article 78 est ainsi modifié :
a) À la première phrase de l’alinéa 1, après le mot : « questions », il est inséré le mot : « orales » ;
b) L’alinéa 2 est ainsi rédigé :
« 2. – L’auteur de la question ou l’un de ses collègues désigné par lui pour le suppléer dispose d’un temps fixé par la Conférence des Présidents pour développer sa question et, le cas échéant, répondre au Gouvernement. » ;
c) L’alinéa 5, qui devient l’alinéa 4, est ainsi rédigé :
« 4. – À la demande de trente sénateurs dont la présence est constatée par appel nominal, une question orale à laquelle il vient d’être répondu peut être transformée, sur décision du Sénat, en débat d’initiative sénatoriale ; celui-ci est inscrit d’office en tête de l’ordre du jour de la plus prochaine séance utile du Sénat, hors semaines réservées à l’ordre du jour du Gouvernement. » ;
7° La division C est supprimée ;
8° Les articles 79, 80, 82 et 83 sont abrogés.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 24
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le Règlement est ainsi modifié :
1° Le chapitre XIV devient le chapitre XXII et son intitulé est ainsi rédigé : « Cour de justice de la République » ;
2° À l’alinéa 2 de l’article 86 bis, les mots : « doivent faire » sont remplacés par le mot : « font ».
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 25
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le chapitre XV, qui devient le chapitre XXIII, est ainsi modifié :
1° L’article 87 est ainsi modifié :
a) À la première phrase de l’alinéa 1, les mots : « doivent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
b) L’alinéa 3 est ainsi rédigé :
« 3. – Toute pétition indique l’adresse du pétitionnaire et est revêtue de sa signature. » ;
2° L’article 88 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) L’alinéa 1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce rôle est rendu public. » ;
a) À la fin de l’alinéa 2, les mots : « des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale » sont remplacés par le mot : « compétente » ;
b) Après les mots : « transmettre au », la fin de l’alinéa 3 est ainsi rédigée : « Défenseur des droits, soit de les classer. » ;
c) À la première phrase de l’alinéa 4, les mots : « des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale » sont supprimés ;
3° L’article 89 est ainsi modifié :
a) (nouveau) L’alinéa 1 est abrogé ;
b) (nouveau) À l’alinéa 2, les mots : « de sa distribution » sont remplacés par les mots : « suivant la date à laquelle l’inscription de la pétition au rôle général ou la décision de la commission compétente a été rendue publique » ;
c) Après le mot : « conformément », la fin de l’alinéa 4 est ainsi rédigée : « au troisième alinéa de l’article 88 sont publiées au Journal officiel. » ;
4° L’article 89 bis est ainsi modifié :
a) À l’alinéa 2, les mots : « aux dispositions de » sont remplacés par le mot : « à » ;
b) Les alinéas 4 à 6 sont abrogés.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Article 26
[Article examiné dans le cadre de la législation en commission]
Le Règlement du Sénat est ainsi modifié :
1° Le chapitre XVI devient le chapitre XXIV ;
2° À l’alinéa 3 de l’article 91, après le mot : « huissiers », sont insérés les mots : « et les agents » ;
3° Le chapitre XVI bis devient le chapitre XXV ;
4° Le chapitre XVII devient le chapitre XXVI ;
5° À l’alinéa 2 de l’article 93, les mots : « à l’article 40 » sont remplacés par les mots : « aux alinéas 3 et 4 de l’article 33 » ;
6° Les chapitres XVIII, XVIII bis A et XVIII bis deviennent respectivement les chapitres XXVII, XXVIII et XXIX ;
6° bis (nouveau) Le chapitre XVIII bis A est complété par un article 102 ter ainsi rédigé :
« Art. 102 ter. – Le Bureau s’assure de la mise en place d’un dispositif de prévention, d’information, d’accueil et d’écoute des collaborateurs en matière de lutte contre toutes les formes de harcèlement. » ;
7° L’article 103 bis est ainsi modifié :
a) L’alinéa 1 est ainsi modifié :
– à la première phrase, après le mot : « spéciale », sont insérés les mots : « , composée de dix membres, » ;
– après la deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle donne aux Questeurs quitus de leur gestion et évalue l’action des services dont ils assurent la direction. » ;
– au début de l’avant-dernière phrase, les mots : « L’activité de la commission » sont remplacés par les mots : « Son activité » ;
– la dernière phrase est ainsi rédigée : « Elle établit chaque année un rapport public relatif aux comptes du Sénat. » ;
b) L’alinéa 2 est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « la commission spéciale, composée de dix membres, à l’ouverture de chaque session ordinaire, » sont remplacés par les mots : « les membres de la commission spéciale après chaque renouvellement » ;
– à la troisième phrase, les mots : « sera nommée la commission spéciale, les bureaux des » sont remplacés par les mots : « ses membres sont nommés, les » ;
c) À la fin de l’alinéa 3, les mots : « faire partie de la commission spéciale » sont remplacés par les mots : « en faire partie » ;
8° Le chapitre XIX devient le chapitre XXX ;
9° L’article 105 est ainsi modifié :
a) À l’alinéa 2, qui devient l’alinéa 3, le mot : « nomme » est remplacé par le mot : « désigne » ;
b) Le second alinéa de l’alinéa 1 devient l’alinéa 2 et est ainsi modifié :
– à la première phrase, les mots : « doivent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
– à la deuxième phrase, les mots : « des groupes » sont remplacés par les mots : « de groupe » ;
c) À l’alinéa 3, qui devient l’alinéa 5, les mots : « doivent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;
d) L’alinéa 4 devient l’alinéa 6 ;
e) L’alinéa 4 est ainsi rétabli :
« 4. – La commission entend l’auteur de la demande et le sénateur intéressé. » ;
f) Il est ajouté un alinéa 7 ainsi rédigé :
« 7. – En cas de rejet d’une demande, aucune demande nouvelle concernant les mêmes faits ne peut être déposée pendant la même session. » ;
10° À l’article 106, les mots : « la voie du » sont remplacés par les mots : « tirage au » ;
11° L’article 107 est ainsi rédigé :
« Art. 107. – Des insignes, dont la nature est déterminée par le Bureau du Sénat, sont portés par les sénateurs lorsqu’ils sont en mission, dans les cérémonies publiques et en toutes circonstances où ils ont à faire connaître leur qualité. »
Mme la présidente. L’amendement n° 36, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Cohen, Cukierman et Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Apourceau-Poly, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Inséré un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 102 bis du Règlement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les domaines d’activité des collaboratrices et collaborateurs de sénateurs, des membres de secrétariat et de groupes politiques, étant principalement liés aux politiques publiques, au droit, à la légistique et aux relations institutionnelles nationales et territoriales, les collaboratrices et collaborateurs peuvent accéder, sous réserve de disposer de l’ancienneté et des diplômes requis, aux concours internes de la fonction publique. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement vise à sécuriser les parcours professionnels des collaboratrices et collaborateurs parlementaires, en valorisant l’expérience née de leur parcours professionnel.
Lors du débat sur la loi dite « de moralisation de la vie publique », dont le titre a évolué en cours de route, un amendement avait été adopté, à l’unanimité, par le Sénat, mais cet article nouveau a disparu lors de la navette.
Les dispositions de notre amendement méritent et exigent d’être perfectionnées. Il nous semble toutefois que cette demande consensuelle doit être soutenue, d’autant qu’elle est ancienne. Faut-il rappeler qu’une lettre signée par les présidents de groupes avait été adressée au président Larcher lors de sa première présidence du Sénat, en 2009 ?
Le règlement du Sénat ne peut pas tout, mais il peut beaucoup. Y intégrer une telle exigence permettrait, enfin, de reconnaître le travail de femmes et d’hommes qui, par leur engagement professionnel et souvent militant, participent de la qualité du travail de notre assemblée. Nous pensons donc que ceux-ci devraient pouvoir avoir accès aux concours internes de la fonction publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Une telle disposition relève de la loi. Si le Sénat l’intègre dans son règlement, le Conseil constitutionnel ne l’acceptera pas ! Il faut reposer cette question au moment de la réforme des institutions.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous avez raison, monsieur le président de la commission : il faut reposer cette question, parce qu’il y a évidemment une différence et une telle inégalité n’est pas normale.
En attendant, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 36 est retiré.
L’amendement n° 34, présenté par Mme Assassi, M. Collombat, Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Règlement est complété par un chapitre… ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Constitution et renouvellement des groupes interparlementaires d’amitié
« Art. … – I. – Les groupes d’amitié sont créés à l’initiative d’un ou de plusieurs sénateurs, mais ne sont constitués qu’après prise d’acte par le Bureau du Sénat saisi de tous éléments d’appréciation.
« Les groupes d’amitié et leur bureau sont reconstitués après chaque renouvellement triennal du Sénat. Dans les trois mois suivant ce renouvellement, les présidents des groupes politiques se réunissent pour répartir les présidences des groupes d’amitié et les présidences déléguées selon la représentation proportionnelle des groupes au plus fort reste, selon la méthode suivante :
« 1° Chaque groupe effectue le choix d’une présidence à tour de rôle dans l’ordre de leur importance proportionnelle.
« 2° Les présidences suivantes sont attribuées selon la même méthode jusqu’à épuisement des postes à pourvoir, dans la limite du quota de présidence accordé à chaque groupe à la proportionnelle.
« Les fonctions de vice-président au sein des groupes régionaux sont supprimées. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. La règle actuelle concernant la désignation des présidences des groupes d’amitié – inscrite dans les instructions générales du bureau – est très défavorable aux petits groupes ou, du moins, aux groupes minoritaires. Les groupes les plus « prisés » sont rapidement choisis par les groupes majoritaires, tandis que les autres se partagent les restes. Cela n’est pas juste, et ce n’est pas un gage d’efficacité.
C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à modifier la règle en cours en assurant un nouveau mode de désignation des présidents des groupes d’amitié, qui laisse une plus grande place aux groupes minoritaires. Nous proposons que chaque groupe effectue le choix d’une présidence à tour de rôle, dans l’ordre de leur importance proportionnelle.
Nous proposons aussi de supprimer les vice-présidents au sein des groupes régionaux, en espérant éviter ainsi, à l’avenir, la constitution de groupes régionaux. Il serait préférable, en effet, qu’il y ait un groupe par pays.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Il existe déjà des règles ! Elles relèvent de l’Instruction générale du Bureau et elles posent la répartition des présidences à la proportionnelle. Évidemment, il est aussi tenu compte de l’exigence de continuité, sans jamais remettre en cause cette répartition proportionnelle. Cela me paraît normal, car il s’agit de diplomatie.
Quand des liens personnels ont été noués par les parlementaires d’un pays, qui, par hypothèse, est un pays ami, il est difficile de changer les présidences, sauf au nom d’une exigence qui s’impose du fait de l’application mathématique de la règle proportionnelle.
Pour des raisons tenant aux compétences respectives du règlement et de l’Instruction générale du Bureau, comme pour des raisons tenant à la complexité de la matière, je crois, dans l’intérêt même de la diplomatie parlementaire, qu’il ne faut faire évoluer ces règles qu’avec beaucoup de précautions.
Je propose donc de rejeter cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 34.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur les articles examinés selon la procédure de législation en commission
Mme la présidente. Nous examinons à présent les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26, qui font l’objet de la procédure de législation en commission.
Personne ne demande la parole ?…
Conformément à l’article 47 quinquies, alinéa 2, du règlement, je mets aux voix l’ensemble des articles faisant l’objet de la procédure de législation en commission.
(Les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 16, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25 et 26 sont adoptés.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de résolution dans le texte de la commission, modifié.
(La proposition de résolution est adoptée.)
Mme la présidente. En application du premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera soumise, avant sa mise en application, au Conseil constitutionnel.
9
Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente. Mes chers collègues, par courrier en date de ce jour, M. Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste, a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation des accords sur la coopération sanitaire transfrontalière entre la France et la Suisse, d’une part, et entre la France et le Luxembourg, d’autre part, inscrit à l’ordre du jour du jeudi 20 juin, au matin, soit examiné en séance publique selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.
Acte est donné de cette demande.
Dans la discussion générale, nous pourrions attribuer un temps de 45 minutes aux orateurs des groupes. Le délai limite pour les inscriptions de parole serait fixé au mercredi 19 juin à quinze heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
En conséquence, par courrier en date de ce jour, le Gouvernement demande d’inscrire à l’ordre du jour du 20 juin, au matin, l’examen de ce projet de loi en procédure normale, puis l’examen en nouvelle lecture de la proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires et les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de cette agence.
La suite de l’examen de ces textes, ainsi que du projet de loi de transformation de la fonction publique, aurait lieu après les questions d’actualité au Gouvernement.
Acte est donné de cette demande.
10
Transformation de la fonction publique
Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de transformation de la fonction publique (projet n° 532, texte de la commission n° 571, rapport n° 570).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique, tel qu’il a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 28 mai dernier, par 351 voix contre 156, puis enrichi lors de son examen en commission des lois, le 12 juin dernier.
C’est avec beaucoup d’honneur et de fierté que je porte devant vous ce texte aujourd’hui, avec mon collègue Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, car il donne aux administrations et aux agents publics les moyens de conduire les changements que nous voulons voir dans notre pays au cours la période qui s’ouvre.
La fonction publique est au cœur de notre pacte républicain. Elle est un maillon indispensable à la cohésion de notre société. La fonction publique, ce sont 5,5 millions d’agents publics.
Près de neuf agents sur dix sont au contact direct et quotidien avec des usagers. Chaque jour, ils accueillent, accompagnent, conseillent et répondent aux attentes des Français, partout sur le territoire. Ces agents, nous les croisons tous les jours : dans les mairies, dans les écoles, dans nos hôpitaux.
Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler à l’Assemblée nationale il y a quelques semaines, nous devons à l’ensemble de ces agents publics toute notre reconnaissance. Nous savons à quel point ils sont attachés à leurs missions et ont à cœur de rendre un service public de qualité.
Puisque nos services publics tiennent une place centrale dans la société, il est de notre responsabilité d’améliorer leur accessibilité et leur efficacité. En ce sens, nous voulons donner des libertés nouvelles et accorder plus de souplesse, plus de flexibilité aux administrations pour qu’elles puissent se transformer, tant les contraintes administratives se sont accumulées.
J’ai eu l’occasion d’entendre de nombreuses inquiétudes concernant nos services publics et leur réactivité. À chacun de mes déplacements dans les départements, que je parcours à raison d’une ou deux fois par semaine depuis plus de dix-sept mois, j’ai eu l’occasion de rencontrer des employeurs publics, des élus et des encadrants, très mobilisés, soucieux de bien faire, qui m’ont souvent fait part de leur exaspération face au trop-plein de réglementations ou de cloisonnements administratifs, dont ils considèrent, à juste titre, qu’ils sont autant d’écueils qui enferment et entravent leur action.
J’ai aussi rencontré des Français de toutes les générations et de tous les milieux, qui, quel que soit le territoire où ils vivent, m’ont fait part de leurs observations sur l’administration, mais aussi de leur fort attachement à leurs services publics du quotidien.
Tous ces témoignages traduisent en réalité une même ambition : la recherche d’un service d’une plus grande efficacité. Réconcilier les attentes des agents, des responsables publics et des usagers, tout en renouant avec la promesse républicaine d’un service public pour tous : tel est l’objectif du Gouvernement avec ce projet de loi aujourd’hui.
C’est fort de cette volonté que nous avons voulu, avec ce texte, donner à l’ensemble des agents publics, comme à leurs employeurs, les moyens de s’adapter aux exigences contemporaines auxquelles sont aujourd’hui confrontées nos administrations.
Nous souhaitons offrir aux employeurs publics de nouveaux outils de gestion des ressources humaines et d’évolution des organisations de travail. Nous voulons donner aux agents publics de nouveaux droits en matière de formation et de parcours professionnels, afin de mieux reconnaître leur engagement professionnel et de les accompagner dans leurs missions au quotidien.
Ce projet de loi s’inscrit aussi dans un contexte connu de tous, celui du grand débat voulu par le Président de la République.
Nous avons tous entendu, au cours de cette période, l’insatisfaction accumulée, parfois aussi la colère, de certains de nos concitoyens, lesquelles se traduisent, entre autres, par une demande de plus de proximité, couplée à une exigence de plus de solidarité.
Ce besoin de plus d’égalité et de plus de justice sociale, le Premier ministre a eu l’occasion de le réaffirmer lors de son discours de politique générale prononcé mercredi dernier devant l’Assemblée nationale et ici, jeudi, lors du débat ayant suivi cette déclaration. Le Gouvernement est en effet résolument attaché au principe d’égalité, que l’État se doit de traduire en une réalité concrète et perceptible par l’ensemble des Français.
Ce projet de loi répond aussi, bien évidemment en partie, aux attentes qui se sont exprimées lors de cette période inédite. L’État doit donc s’adapter et être accessible à tous les citoyens, sans distinction.
Pour cela, il faut des agents sur le terrain, au plus près de nos concitoyens, pour leur apporter des solutions. C’est le sens de la nouvelle étape de déconcentration que nous voulons mener. Nous avons également la volonté de repenser la localisation des services, en réinvestissant les territoires ruraux et périurbains. Ce texte prévoit d’apporter des solutions, des outils, pour accompagner ces mouvements et ces réorganisations.
Au regard de ces exigences et d’une certaine forme d’impatience qui a pu aussi parfois se manifester, il nous faut apporter des réponses et faire en sorte que le changement soit perceptible rapidement. Il s’agit de raffermir, et même de renouveler, le lien de confiance entre nos concitoyens et nos administrations en proposant des services qui s’adaptent plus rapidement à leurs besoins et à leurs modes de vie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi a fait l’objet d’une année entière de concertation. J’ai conduit pendant treize mois, à la demande du Premier ministre, les concertations nécessaires avec les représentants des neuf organisations syndicales de la fonction publique et avec l’ensemble des employeurs publics des trois fonctions publiques.
Quatre chantiers ont ainsi été ouverts à la concertation : premièrement, le dialogue social, avec la volonté de le simplifier et de le concentrer sur l’essentiel, tout en garantissant les droits individuels et collectifs des agents ; deuxièmement, l’élargissement des conditions de recrutement sous contrats, afin de permettre à nos administrations de s’adjoindre plus facilement les compétences dont elles ont besoin, et pour le temps nécessaire, tout en améliorant les conditions d’emploi des contractuels ; troisièmement, les nouveaux leviers de management et l’équité entre les secteurs public et privé, mais aussi entre les trois versants de la fonction publique ; enfin, la question de la mobilité, de l’accès à la formation et de l’accompagnement des restructurations.
Un cinquième chantier a pris la forme d’une négociation, qui s’est conclue le 30 novembre 2018 par la signature d’un protocole d’accord sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, avec le soutien de sept des neuf organisations syndicales représentatives et de l’ensemble des représentants des employeurs publics.
Ces concertations, qui se sont achevées en février par la consultation des conseils supérieurs des trois versants de la fonction publique et du Conseil commun de la fonction publique, sont autant de moments qui nous ont permis de construire ce projet de loi équilibré.
Ce projet de loi a aussi été soumis au Conseil national d’évaluation des normes, qui a rendu un avis favorable. Je m’en félicite, car, élu local comme beaucoup d’entre vous, j’ai évidemment à cœur de respecter les collectivités et leur libre administration en matière de gestion de la fonction publique territoriale.
Cette dernière phase de concertation, plus formelle, avec les conseils supérieurs des trois versants de la fonction publique et du Conseil commun de la fonction publique, a permis d’enrichir le texte en intégrant de nombreuses propositions des organisations syndicales, celles qui ont joué le jeu et déposé des amendements, mais aussi des employeurs publics.
Il en est ainsi de la consécration du rôle du conseiller syndical, de la mise en œuvre d’un accès renforcé à la formation pour les agents les moins bien formés ou occupant des postes présentant des risques d’usure professionnelle, ou encore, à titre d’exemple, du renforcement de certaines dispositions sur l’égalité entre les femmes et les hommes.
Plus de 300 amendements ont pu être examinés lors de ces consultations. Pour l’essentiel, ils ont été déposés par la CFDT et l’UNSA, les autres syndicats, notamment la CGT, FO et la FSU, ayant fait le choix de ne pas amender le texte. Si l’on ne prend pas en compte les amendements visant à supprimer des articles, qui visent à rappeler des positions de principe, plus de la moitié des amendements a été retenue ou a trouvé une suite dans les travaux réglementaires que nous nous sommes engagés à effectuer.
Pendant cette même période, j’ai reçu à de nombreuses reprises l’ensemble des associations nationales d’élus, en lien avec ma collègue Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Nous avons aussi participé à la formation, grâce à l’action de Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, de ce qui est aujourd’hui la Coordination des employeurs territoriaux. Ces derniers ont ainsi pu porter, lors de l’examen du projet de loi devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, l’extension du recours au contrat pour les emplois de catégorie B.
Nous assumons pleinement une forme de coconstruction avec les employeurs territoriaux, ce qui explique que certaines dispositions que nous proposons n’aient pas la même portée ou la même application dans la fonction publique territoriale et dans les deux autres versants de la fonction publique.
L’enrichissement du texte s’est poursuivi lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, au cours duquel nous avons été attentifs aux propositions des députés de la majorité bien sûr, mais aussi aux positions et aux demandes exprimées par les autres groupes. Plusieurs dispositions ont ainsi été votées à l’unanimité, ou presque, des groupes parlementaires. Finalement, le texte a été adopté avec une très large majorité.
Je me réjouis notamment – j’aurai l’occasion d’y revenir – que les travaux à l’Assemblée nationale aient permis de conforter le texte sur la lutte contre les situations de précarité dans la fonction publique, avec notamment la mise en place, à partir de 2021, d’une indemnité de fin de contrat pour les CDD de courte durée, à l’instar des dispositions applicables dans le secteur privé.
Des changements importants ont également été apportés en matière de déontologie et d’exemplarité de la fonction publique. Je pense à la fusion de la commission de déontologie et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, à l’encadrement des dispositions relatives aux nominations et aux rémunérations des présidences des autorités administratives et publiques indépendantes, ou encore à la transparence sur les plus hautes rémunérations de la fonction publique.
Ce travail se poursuit désormais au Sénat. C’est avec intérêt que j’ai pris connaissance des nombreux amendements adoptés en commission des lois il y a quelques jours.
Nous souscrivons aux objectifs d’une très large partie d’entre eux. Nous estimons que le projet de loi, ainsi modifié par votre commission des lois, renforce les leviers à la disposition des employeurs publics, notamment territoriaux, pour mener à bien leurs transformations.
Le Gouvernement n’est en revanche pas favorable à l’autre partie des amendements, car, s’ils étaient adoptés, serait remis en cause l’équilibre instauré par le projet de loi entre les nouvelles souplesses pour les employeurs, d’une part, les nouveaux droits pour les agents publics, d’autre part.
Cet équilibre est fondamental si nous voulons faire adhérer agents et employeurs publics à la réforme. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que ces dispositions soient de nouveau débattues en séance, et je veillerai à vous apporter les réponses aux questions que peuvent susciter certaines d’entre elles parmi vous.
Avant de détailler les mesures de ce texte, je profite de mon intervention pour réaffirmer un point essentiel, comme je l’ai déjà fait à l’Assemblée nationale : en aucune façon, ce texte ne constitue une remise en cause du statut de la fonction publique, comme j’ai parfois pu l’entendre. Le Gouvernement reste fortement attaché au statut général de la fonction publique issu de la loi de 1983, qui nous semble être un cadre essentiel pour assurer la loyauté, la compétence et l’indépendance des agents publics.
En tant qu’élu local et ancien employeur public, je l’ai dit, je sais combien les enjeux sont grands et les besoins de protection des acquis des agents publics réels. Mais je sais aussi combien sont importants les besoins concrets d’adaptation du cadre de gestion de la fonction publique. C’est à cette adaptation que nous travaillons.
Ainsi, nous avons veillé à ce que les dispositions fondamentales du statut général soient respectées, comme le principe selon lequel les emplois permanents de l’administration sont occupés par des agents titulaires, comme le prévoit l’article 3 de la loi de 1983, ou encore le droit à la participation des agents, par l’intermédiaire de leurs représentants, aux décisions qui les concernent.
Le Conseil d’État, dans son avis, a souligné que nous avions respecté ces droits fondamentaux.
Notre volonté de moderniser le statut, de le rénover, de l’adapter pour lui permettre de rester ce cadre général, protecteur et souple, de l’action de l’ensemble des agents publics est la preuve de l’attachement que nous lui portons.
Par ailleurs, je souligne que ce n’est pas la première fois que le statut sera modifié ; les lois de 1983, 1984 et 1986 ont déjà connu plusieurs dizaines de modifications. C’est d’ailleurs ce qui nous amène à envisager la codification des textes relatifs à la fonction publique pour en améliorer la lisibilité et l’intelligibilité.
Avec ce projet de loi, nous franchissons, je pense, une nouvelle étape de la modernisation du statut et de son adaptation à la société et à ses attentes.
Permettez-moi désormais de présenter plus en détail les dispositions contenues dans ce projet de loi, structuré autour de cinq titres qui sont autant de leviers de modernisation.
Le premier titre simplifie les conditions d’exercice du dialogue social, pour que celui-ci soit plus stratégique, plus efficace et plus réactif, dans le respect des garanties des agents publics.
Le projet de loi procède ainsi à une simplification de l’organisation des différentes instances de dialogue – il en existe 22 000 aujourd’hui, à l’échelle des trois versants de la fonction publique ! –, pour une plus grande déconcentration des décisions individuelles et un recentrage de ces instances sur les questions les plus qualitatives pour les agents.
Ces nouvelles dispositions vont donner aux employeurs publics et aux encadrants plus de liberté en leur permettant de choisir directement les compétences dont ils ont besoin, mais aussi plus de responsabilités, nous le souhaitons, en matière de promotion et de valorisation des parcours professionnels pour améliorer, à leur niveau, les déroulements de carrière de leurs agents.
Pour être plus précis, les décisions de mutations et de promotions ne seront plus examinées en commissions administratives paritaires, ce qui permettra de rapprocher la décision du terrain, mais aussi de gagner du temps, notamment dans l’affectation des agents publics.
Pour les agents qui s’estimeraient lésés, voire discriminés, dans le traitement de leurs demandes, des voies de recours spécifiques seront mises en place. Leurs droits seront ainsi toujours garantis, et même renforcés. Nous aurons l’occasion de débattre de ce point particulier.
La nouvelle instance unique, issue de la fusion du comité technique et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, permettra d’aborder ensemble les questions relatives aux services, aux politiques en matière de ressources humaines et aux conditions de travail, et non plus de manière cloisonnée comme aujourd’hui.
Cette instance aura à définir les règles de portée générale pour l’ensemble des sujets intéressant les relations collectives de travail, comme l’accessibilité et la qualité des services rendus, ou encore les politiques en matière de mobilité et de promotion, au regard de la gestion prévisionnelle des ressources humaines des corps et des cadres d’emploi concernés.
Cet équilibre entre liberté et responsabilité est au cœur du projet de loi, et il est fondamental pour transformer la gestion des ressources humaines publiques.
Dans ce même esprit, nous souhaitons développer les pratiques de négociation et permettre que des accords majoritaires puissent être conclus à l’échelon local, indépendamment de l’existence ou non d’un accord national. C’est un levier important pour responsabiliser l’ensemble des acteurs du dialogue social. Il nous semble être de nature à améliorer significativement les conditions de travail, par exemple sur des sujets comme la formation, le télétravail, l’égalité professionnelle ou encore la protection sociale complémentaire.
Nous considérons que c’est en donnant plus de place au dialogue social de proximité que nous pourrons renforcer les collectifs de travail et la qualité de vie au travail. C’est la raison pour laquelle je défendrai devant vous un amendement de rétablissement de l’article 5, lequel prévoit d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur la déconcentration du dialogue social, afin de permettre des accords majoritaires locaux.
Ensuite, le deuxième titre du projet de loi offre plus de souplesse aux élus et aux encadrants publics pour recruter par voie de contrat, tout en améliorant les conditions d’emploi des agents contractuels. Cette ouverture du recours au contrat a été adoptée à l’Assemblée nationale, en contrepartie de garanties renforcées en matière de transparence et de lutte contre la précarité.
Pour mémoire, près de 20 % des 5,5 millions d’agents publics sont d’ores et déjà recrutés de manière contractuelle et, en flux, plus des deux tiers des recrutements se font aujourd’hui par voie de contrat, y compris dans les catégories B et C, dans des conditions qui ne sont d’ailleurs pas toujours satisfaisantes, ni en termes de sécurité juridique pour les employeurs ni en termes de conditions d’emplois pour les intéressés.
Sans remettre en cause le principe d’occupation des emplois permanents par des agents titulaires, auquel j’ai dit notre attachement, cet élargissement du recours au contrat permettra à la fois de répondre aux besoins de compétences exprimés par les services et d’offrir des conditions d’emploi plus attractives pour les personnes qui souhaitent s’engager, pour une durée déterminée ou non, pour le service public.
Sera désormais permise la nomination de personnes n’ayant pas la qualité de fonctionnaire sur les emplois de direction des trois versants de la fonction publique. Cette ouverture des viviers permettra une diversification de l’encadrement supérieur et dirigeant de la fonction publique et offrira aux contractuels déjà en poste dans l’administration – je pense notamment à ceux qui bénéficient d’un CDI – de nouvelles perspectives d’évolution professionnelle.
Par ailleurs, un contrat de projet sera créé dans les trois versants de la fonction publique. Ce nouveau contrat permettra de mobiliser des profils divers pour la conduite de projets ou de missions spécifiques s’inscrivant dans une durée fixée préalablement et comprise entre un an et six ans. Il sécurisera le recrutement de l’agent contractuel pour la durée du projet, tout en lui offrant des garanties en cas de non-réalisation du projet ou de fin anticipée.
Au sein de l’État, le projet de loi, tel qu’il est présenté par le Gouvernement, va plus loin en généralisant à l’ensemble des établissements publics administratifs la possibilité de recourir au contrat pour l’ensemble de leurs emplois publics, à l’instar des règles qui existent aujourd’hui pour certains de ces établissements.
Cette autonomie de gestion, qui nous semble nécessaire à l’exercice de leurs missions, ne fera pas obstacle à l’affectation de fonctionnaires dans ces mêmes établissements. L’article 24 du projet de loi simplifie d’ailleurs la mobilité des fonctionnaires vers ces établissements. Je sais que nous aurons à rediscuter de ce point au cours de nos débats.
Cette plus grande ouverture au contrat s’accompagne aussi bien évidemment d’une professionnalisation du recrutement – tel est l’objectif de l’article 6 du projet de loi – et de garanties nouvelles en matière de lutte contre la précarité.
D’une part, nous voulons lutter contre le recours abusif à la vacation dans le cadre des missions nécessitant un service à temps non complet dans la fonction publique territoriale. Je pense par exemple au temps d’accueil périscolaire ou aux personnels de cantine. Plusieurs options seront désormais offertes aux employeurs publics pour répondre à ces besoins : recrutement par voie de contrat, recrutement titulaire, recours au centre de gestion, qui exercera alors un rôle de « groupement d’employeurs », de manière à lutter contre la précarité et à sécuriser agents et employeurs.
D’autre part, la prime de précarité, introduite à l’Assemblée nationale à la demande de la majorité, permettra aux agents publics de bénéficier des mêmes garanties que les salariés de droit privé, tout en tenant compte de la gestion spécifique des contrats dans la fonction publique.
Ainsi cette prime sera-t-elle réservée aux contrats d’une durée inférieure ou égale à un an, soit 70 % des contrats conclus, prévoyant une rémunération n’excédant pas deux SMIC, soit 3 000 euros bruts par mois.
Ce dispositif entrera en vigueur pour les contrats conclus à partir de 2021, de manière à laisser le temps aux employeurs publics de s’approprier les nouveaux leviers prévus dans le projet de loi. Pour information, à pratiques de recrutement inchangées, le coût du dispositif s’élèverait à environ 350 millions d’euros par an, tous versants confondus, dont environ 150 millions d’euros pour la fonction publique territoriale.
Il est essentiel que ce dispositif bénéficie dans les mêmes conditions aux agents des trois versants de la fonction publique. Je défendrai donc devant vous deux dispositifs conjuguant le rétablissement de l’intégralité de cette mesure, tout en tenant compte de la situation spécifique de la fonction publique hospitalière, qui présente des besoins particuliers.
Le troisième axe de la transformation de la fonction publique est le renforcement de la transparence et de l’équité du cadre de gestion des agents publics.
Sur le plan déontologique, tout d’abord, le contrôle des mobilités entre le public et le privé sera rendu plus efficace par un recentrage du contrôle obligatoire sur les situations individuelles les plus sensibles et par une plus grande responsabilisation des employeurs publics, qui peuvent s’appuyer, depuis 2016, sur un référent déontologue. Un nouveau contrôle est également mis en place, à l’entrée dans la fonction publique ou au retour de mobilité dans le secteur privé, pour les personnes nommées à des emplois de direction.
Afin de renforcer l’indépendance de ce contrôle déontologique, les députés ont fait le choix de fusionner la Commission de déontologie de la fonction publique et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Ils ont adapté la composition du collège en conséquence et prévu la nomination de six nouvelles personnalités qualifiées. Deux d’entre elles seront désignées par chacune des assemblées parlementaires, deux autres par le Gouvernement.
C’est une disposition à laquelle, je l’ai dit en commission des lois, je suis attaché. Le Premier ministre étant le chef de l’administration, il nous paraît logique et cohérent qu’il puisse nommer deux des six personnalités qualifiées, ces dernières étant, selon la loi organique ayant créé la HATVP, laquelle est bien évidemment inchangée, totalement indépendantes dans l’exercice de leurs fonctions.
Ce nouvel équilibre nous paraît essentiel pour préserver la prise en compte des spécificités du cadre de gestion des agents publics, sachant que la nouvelle HATVP aura à connaître des règles de portée générale, mais aussi d’un grand nombre de situations individuelles dans chacun des versants de la fonction publique et des dispositifs spécifiques dont bénéficient les chercheurs au titre du code de la recherche.
En termes d’exemplarité, de nouvelles règles ont été introduites à l’Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement, s’agissant des rémunérations de la haute fonction publique : transparence des dix plus hautes rémunérations au sein de chaque administration, collectivité et établissement de santé, et rapport annuel au Parlement.
Par ailleurs, les rémunérations des présidents et membres des autorités administratives et publiques indépendantes seront encadrées et plafonnées en cas de cumul avec une pension de retraite.
En matière d’équité, le projet de loi met fin aux dérogations existantes en matière de durée légale du travail, soit 1 607 heures, sauf sujétions particulières comme le travail de nuit, le week-end ou les jours fériés, ou les travaux pénibles.
Les accords dérogatoires à la loi de 2001 en vigueur dans la fonction publique territoriale devront être supprimés au plus tard un an après le renouvellement des assemblées délibérantes. Nous aurons l’occasion de rediscuter de ce délai. Au sein de l’État, un travail sera également effectué pour revenir aux 1 607 heures, sauf pour les corps enseignants et les personnels de la recherche, qui sont soumis à des obligations de service particulières, dans les services où les sujétions existantes ne justifient pas de régime dérogatoire.
C’est aussi au titre de la transparence et de l’équité entre les agents publics que ce projet de loi prévoit, dans le prolongement du rapport de MM. Jacques Savatier, député, et Arnaud de Belenet, sénateur – je les salue et les remercie de nouveau pour leur travail –, de nouveaux leviers pour améliorer la qualité du service rendu par le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, et les centres de gestion de la fonction publique territoriale.
L’objectif est d’améliorer la coopération et les mutualisations entre les centres de gestion, d’une part, et entre les centres de gestion et le CNFPT, d’autre part, à l’échelle de chaque région.
Il s’agit aussi de renforcer la transparence sur l’utilisation des crédits dont bénéficie le CNFPT et de lui permettre de mettre en œuvre les obligations prévues par le législateur, notamment le financement du développement de l’apprentissage, au bénéfice de toutes les collectivités territoriales.
Ces enjeux revêtent une importance particulière pour le Gouvernement, et je sais qu’ils vous tiennent également à cœur. Je ne doute pas que notre débat sera riche à ce sujet et qu’il nous permettra de trouver un point d’accord, entre la position que nous défendons et celle qu’a exprimée votre commission.
C’est aussi dans cette partie du projet de loi que nous prévoyons la possibilité, par voie d’ordonnances, d’améliorer les conditions de travail des agents publics, de renforcer et d’harmoniser leurs droits en matière de protection sociale et de mieux prévenir et mieux traiter les situations d’inaptitude physique dans la fonction publique.
Nous sommes tout à fait conscients des difficultés que rencontrent aujourd’hui un grand nombre d’employeurs publics pour garantir la santé et la sécurité au travail de leurs équipes.
Des travaux ont déjà été engagés sur les questions de protection sociale complémentaire, d’accès à la médecine de prévention et d’accompagnement individuel des situations de reclassement. Il nous faut aller plus loin. C’est l’ambition du Gouvernement. Nous attendons les conclusions de la mission parlementaire en cours, conduite par la députée Charlotte Lecocq, pour lancer les travaux de concertation complémentaires.
De la même manière, nous nous appuierons sur les conclusions de la mission de M. Frédéric Thiriez sur le recrutement et la gestion des carrières dans la haute fonction publique, prévues pour novembre prochain, avant d’engager la concertation sur les évolutions à apporter, ces enjeux étant aussi très importants pour l’avenir et l’attractivité de la fonction publique.
J’en viens maintenant au quatrième axe du projet de loi. Il s’agit de décloisonner les carrières en permettant une plus grande mobilité entre les versants de la fonction publique, mais aussi entre les secteurs public et privé, tout en accordant plus de sécurité, de droits et d’accompagnement pour les agents concernés.
Tout d’abord, nous souhaitons l’introduction d’un mécanisme de rupture conventionnelle, afin de favoriser la réalisation de projets d’évolution professionnelle des agents publics en leur donnant les mêmes garanties qu’aux salariés : le bénéfice d’une indemnité de rupture et de l’assurance chômage. Ces dispositions seront applicables aux agents en CDI et, à titre expérimental, aux fonctionnaires des trois versants de la fonction publique.
Par ailleurs, le projet de loi renforce les garanties applicables aux agents publics en cas de restructuration. Il prévoit notamment, et c’est une nouveauté, la garantie d’être affectés à un nouvel emploi dans le département dans lequel ils exercent leurs fonctions, le bénéfice d’un congé de transition professionnelle rémunéré pour changer de métier et se former à un nouveau poste, une indemnité de départ renforcée, avec le bénéfice de l’assurance chômage, pour ceux qui souhaiteraient poursuivre leur carrière dans le secteur privé.
Ces dispositions seront applicables dans la fonction publique d’État et dans la fonction publique hospitalière, un dispositif spécifique existant dans la fonction publique territoriale pour les fonctionnaires momentanément privés d’emplois. À cet égard, je salue les travaux d’enrichissement, mais aussi d’encadrement, du dispositif, sur l’initiative de vos rapporteurs.
Nous avons pour objectif non pas d’obliger les agents à quitter la fonction publique, mais de créer de nouveaux outils pour répondre aux situations que peuvent rencontrer les employeurs publics. Il s’agit ainsi de leur donner de nouvelles perspectives.
Pour terminer, j’en viens au cinquième axe, le renforcement de l’égalité professionnelle dans la fonction publique.
Le projet de loi met en œuvre les engagements que nous avons pris collectivement dans le cadre de l’accord majoritaire du 30 novembre 2018 relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Il s’agit d’instaurer des plans d’action pour traiter notamment des problématiques d’écarts de rémunération, de renforcer le dispositif de nominations équilibrées aux emplois de direction, de ne plus appliquer le jour de carence pour maladie aux agents en situation de grossesse, ou encore, comme pour les agents de l’État, de garantir le maintien des primes et des indemnités versées par les collectivités territoriales pour les agents durant les congés pour maternité, pour adoption et pour paternité, ainsi que durant les congés d’accueil de l’enfant.
Nous souhaitons aussi favoriser l’égalité professionnelle pour les agents en situation de handicap. Le projet de loi pose ainsi l’obligation pour les employeurs publics de prendre des mesures favorisant les parcours professionnels de ces agents. Il prévoit la création d’une procédure de promotion dérogatoire au droit commun et l’élargissement du champ des handicaps pris en compte, via la suppression de la référence au handicap physique, pour pouvoir bénéficier d’aménagements d’épreuves lors des concours, par exemple.
Ces dispositions s’ajoutent à la rénovation de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, mise en œuvre par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, portée par ma collègue Muriel Pénicaud, qui va permettre de simplifier le recrutement de personnes en situation de handicap, notamment dans les structures à faibles effectifs, et de renforcer la capacité d’action du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, en sécurisant son financement d’ici à trois ans.
J’ai pris connaissance avec beaucoup d’intérêt du récent rapport du Sénat sur la politique du handicap dans la fonction publique, rédigé par Catherine Di Folco et Didier Marie. Le Gouvernement est ouvert aux amendements visant à enrichir le texte et à renforcer les garanties offertes aux agents publics en situation de handicap, dans le respect de l’équilibre construit avec le secteur privé, dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. C’est là, mais vous le savez, madame la rapporteur, une ligne rouge pour nous. La qualité des travaux que vous avez menés avec M. Marie nous permettra très certainement de trouver des points d’accord.
Madame la présidente, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, d’autres chantiers de modernisation de la fonction publique sont en cours et les concertations se poursuivent. Je pense notamment à la question de l’attractivité des concours de la fonction publique ou encore à la préparation du rendez-vous salarial programmé le 2 juillet prochain.
Je tiens à remercier l’ensemble de celles et ceux qui ont contribué au débat sur ce texte, notamment les membres de la commission des lois, autour de leur président Philippe Bas. Ils ont ainsi démontré leur intérêt pour la nécessaire modernisation de la fonction publique. J’en suis convaincu, les débats des prochains jours ne manqueront pas d’enrichir notre réflexion collective, ainsi que le projet de loi lui-même.
Ce projet de loi simplifie la gestion des ressources humaines, en tenant compte des spécificités de chaque versant et comprend des avancées fortes pour améliorer le quotidien des agents publics.
C’est dans l’intérêt de nos concitoyens que nous vous soumettons ce projet de loi de transformation de la fonction publique. Il s’agit de renouer avec la promesse républicaine d’un service public pour tous, en apportant, par des mesures concrètes et opérationnelles, une plus grande qualité de service, notamment dans les territoires les plus reculés, mais aussi d’offrir aux agents et aux cadres de la fonction publique, qui s’engagent au quotidien, un meilleur environnement de travail et des perspectives nouvelles d’évolution professionnelle.
Vous l’avez constaté, le Gouvernement a déposé un certain nombre d’amendements.
Nombre d’entre eux ont pour seul objet de consolider ou de sécuriser des dispositions adoptées à l’Assemblée nationale ou par votre commission des lois et nécessitant des dispositions de coordination.
D’autres visent à rétablir des dispositions que la commission des lois a supprimées. Il ne s’agit pas, je le souligne, d’un rétablissement massif et aveugle, encore moins d’une logique d’opposition ou de vendetta.
Ainsi, nous ne défendrons des amendements de rétablissement ou de modification substantielle que pour un tiers des dispositions adoptées par votre commission des lois, signifiant ainsi notre complète adhésion aux deux tiers des amendements que vous avez adoptés ; cela signifie que nous défendrons ces dispositions devant l’Assemblée nationale si elle était saisie en nouvelle lecture et dans le cadre des travaux précédant la réunion de la commission mixte paritaire.
Enfin, je défendrai devant vous une dizaine d’amendements sur des sujets nouveaux, mais qui seront, je pense, assez consensuels. Vous auriez même pu déposer certains d’entre eux, mesdames, messieurs les sénateurs, si l’article 40 de la Constitution vous y avait autorisé.
Pour terminer, je le redis devant la Haute Assemblée, je pense que ce projet de loi permettra d’apporter les souplesses attendues tant par nos agents que par les employeurs publics.
De par sa qualité, le travail que vous avez fourni jusqu’à présent, mesdames, messieurs les sénateurs, et que nous aurons l’occasion de partager dans le cadre de ce débat, laisse entrevoir des points de convergence et l’adoption in fine d’un texte utile à l’ensemble des agents publics. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de transformation de la fonction publique a été adopté par l’Assemblée nationale le 28 mai dernier. Son intitulé paraît quelque peu ambitieux, car il s’agit non d’une véritable transformation de la fonction publique, mais plutôt d’une série de modifications, souvent techniques, pour une fonction publique « plus agile ».
En préambule, Loïc Hervé, également rapporteur de ce texte, et moi-même saluons le travail de ces femmes et de ces hommes qui œuvrent au quotidien pour la bonne organisation des services publics. La fonction publique constitue, en effet, notre bien commun, qu’il convient de préserver, tout en modernisant son organisation pour l’adapter aux nouveaux besoins des employeurs publics et aux nouveaux métiers.
En revanche, nous regrettons vivement l’engagement de la procédure accélérée, comme c’est le cas pour de nombreux textes, sur ce projet de loi essentiel pour la fonction publique, ainsi que le calendrier très contraint imposé par le Gouvernement.
M. Loïc Hervé, rapporteur. C’est vrai !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. En trois semaines, nous avons procédé à 115 auditions, notamment celles des organisations syndicales des trois versants, qui ont marqué leur opposition à la réorganisation du dialogue social et au recours accru aux agents contractuels que prévoit ce texte. Les représentants des employeurs publics ont, en revanche, soutenu les principaux objectifs du projet de loi, montrant un intérêt particulier pour les nouveaux leviers de gestion des ressources humaines.
Nous avons également lancé une consultation en ligne à l’attention des employeurs territoriaux, laquelle a remporté un vif succès. Ainsi, 2 200 élus locaux ont donné leur avis, 42 % d’entre eux représentant des communes de moins de 1 000 habitants. Les principales attentes des employeurs territoriaux concernent la reconnaissance des performances professionnelles des agents, la simplification du dialogue social et l’élargissement du recours aux agents contractuels.
Bien qu’il ne traduise pas une réelle vision de l’action publique, ce projet de loi comporte une palette d’outils permettant une meilleure gestion des ressources humaines. Nous avons donc adopté une attitude pragmatique tendant à élargir cette palette tout en respectant les droits des agents publics et les grands principes du statut général.
La commission des lois a adopté 154 amendements visant trois objectifs : tout d’abord, préserver les spécificités de la fonction publique territoriale et mieux répondre aux attentes des employeurs locaux ; ensuite, mieux reconnaître le mérite des agents et garantir leurs droits ; enfin, encadrer plus précisément la réforme de la haute fonction publique, afin de garantir son excellence tout en renforçant sa diversité.
Afin de mieux répondre aux attentes des employeurs territoriaux, la commission des lois a souhaité donner plus de prévisibilité aux élus locaux. L’État aurait désormais l’obligation de publier une feuille de route triennale dans laquelle il indiquerait l’incidence financière de ses décisions en matière de ressources humaines sur les budgets locaux – c’est ce que prévoit le nouvel article 2 bis.
La commission a supprimé un renvoi à un décret en Conseil d’État pour préciser les fonctions exercées par le directeur général des services, renvoi qui constituerait une atteinte grave à la libre administration des collectivités territoriales.
De même, à l’article 7, la liberté de recrutement des employeurs territoriaux a été réaffirmée, dans le respect du principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics.
La commission des lois a souhaité accorder davantage de souplesse, notamment, à l’article 10, en permettant aux communes de moins de 2 000 habitants de pourvoir l’ensemble de leurs emplois par voie de contrat et, à l’article 8, en élargissant le contrat de projet aux agents de catégorie C.
Le nouvel article 33 quater prévoit que les concours sur titres seraient également confortés, afin d’alléger les procédures de recrutement lorsque les agents disposent déjà d’un diplôme d’État.
Dans la même logique, grâce au nouvel article 22 bis AA, l’intégration des policiers nationaux et des militaires dans les cadres de la police municipale serait facilitée.
Enfin, aux termes de l’article 18, les employeurs territoriaux disposeraient de dix-huit mois à compter du renouvellement de leur assemblée délibérante pour organiser la concertation sur l’harmonisation du temps de travail, contre douze mois dans le projet de loi initial.
La commission des lois leur a donné de nouveaux outils en limitant à cinq ans la durée de prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d’emploi, ainsi que le prévoit le nouvel article 28 bis, en facilitant le licenciement pour insuffisance professionnelle, par l’introduction d’un nouvel article 14 bis, et en renforçant, à l’article 15, le régime disciplinaire tout en réaffirmant le caractère paritaire des conseils de discipline.
De plus, aux termes des articles 17 et 19, les centres de gestion sont confortés dans leur organisation et leurs prérogatives et l’organisation du Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, est rationnalisée.
Afin de mieux reconnaître le mérite des agents et de garantir leurs droits, la commission des lois a élargi le RIFSEEP, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel, aux résultats collectifs du service, par l’introduction de l’article 13 bis. Elle a également rétabli le rôle des commissions administratives paritaires, ou CAP, en matière d’avancement, de promotion interne et de restructuration des services, aux articles 4, 4 bis et 14.
Dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, le projet de loi permettait un recours aux agents contractuels plus étendu dans la fonction publique d’État que dans les deux autres versants. La commission des lois a souhaité rétablir un certain équilibre à l’article 9 en supprimant, dans le versant étatique, l’extension du recours au contrat pour les emplois des établissements publics à caractère administratif, ainsi que pour les emplois aujourd’hui occupés par des fonctionnaires dont la titularisation n’est pas soumise à une formation statutaire préalable.
À la demande de notre collègue Lana Tetuanui, la commission s’est préoccupée des 3 000 fonctionnaires appartenant aux corps de l’État pour l’administration de la Polynésie française, les CEAPF. Pour faciliter la promotion interne de ces agents, le nouvel article 33 ter prévoit la création des corps de catégorie A au sein des CEAPF.
Enfin, reprenant les préconisations du rapport d’information intitulé Donner un nouveau souffle à la politique du handicap dans la fonction publique que Didier Marie et moi-même avons récemment rédigé, la commission des lois a adopté plusieurs amendements pour renforcer l’intégration des agents en situation de handicap et pérenniser le financement du FIPHFP, le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique. Ce sont les nouveaux articles 34 A à 34 D.
Je laisse maintenant Loïc Hervé aborder les autres domaines de ce projet de loi, notamment la déontologie des fonctionnaires, la santé au travail, l’égalité entre les femmes et les hommes, la formation et l’apprentissage. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes amenés à débattre du projet de loi de transformation de la fonction publique. Je souhaite redire combien Catherine Di Folco et moi-même avons voulu et voulons aborder celui-ci dans un esprit constructif.
À défaut de faire révolution, ce texte comprend de nombreuses dispositions qui vont dans le bon sens et qui consacrent souvent des évolutions déjà en cours dans nos fonctions publiques.
En complément de l’intervention de ma collègue rapporteur, j’aborderai divers domaines, notamment la réforme de la haute fonction publique. La commission des lois a souhaité préciser, par conséquent restreindre, le périmètre de l’habilitation à légiférer par ordonnance.
M. Arnaud de Belenet. Quelle idée !
M. Loïc Hervé, rapporteur. En effet, sur ce point, il paraît opportun de se fonder sur les travaux de la mission confiée par le Président de la République et le Premier ministre à maître Frédéric Thiriez en privilégiant un tronc commun d’enseignements des écoles de services publics. À ce stade, la fusion de plusieurs de ces écoles ne me semble ni souhaitée ni souhaitable.
Venons-en à la déontologie : si la plupart des freins à la mobilité des fonctionnaires sont levés, le contrôle de celle-ci serait effectué non plus par la commission de déontologie, mais par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, autorité administrative indépendante dont les prérogatives ont été confortées d’abord à l’Assemblée nationale, puis en commission par le Sénat. Concernant les avis, la commission des lois a fait le choix, plus respectueux des libertés publiques, de laisser à la discrétion de la HATVP la décision de leur publication.
Nous avons également souhaité contraindre explicitement la HATVP à prendre en considération la carrière des agents concernés, afin de favoriser une véritable politique de ressources humaines dans les plus hautes sphères de l’État.
L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a aussi été renforcée par plusieurs mesures. D’une part, un dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel et d’agissement sexiste a été instauré. D’autre part, le texte de la commission étend l’obligation de nominations équilibrées dans les emplois supérieurs et de direction de la fonction publique en élargissant le champ des emplois et des administrations concernées.
D’autres correctifs ont été apportés, comme l’exemption du jour de carence pour les femmes enceintes et le maintien des droits à avancement des agents bénéficiant d’un congé parental.
Les droits sanitaires et sociaux des agents ont été renforcés.
Au-delà de l’amélioration de l’intégration des agents en situation de handicap, sujet abordé par Catherine Di Folco, le congé du proche aidant sera étendu à l’ensemble de la fonction publique, ce qui permettra aux agents d’apporter leur aide à un proche souffrant d’un handicap ou d’une perte d’autonomie. Par ailleurs, les femmes fonctionnaires pourront bénéficier d’une heure par jour pour allaiter leur enfant, disposition déjà en vigueur dans le secteur privé.
Enfin, il était primordial de doter la fonction publique territoriale de moyens pour développer l’apprentissage, depuis la perte de compétence des régions en matière d’aides financières aux employeurs territoriaux. Nous souhaitons donc que l’État participe à hauteur de 23 millions d’euros au financement de l’apprentissage.
Monsieur le secrétaire d’État, vous l’aurez compris, le Sénat a fait œuvre utile en enrichissant le projet de loi, fidèle à la mission que lui assigne la Constitution, en améliorant la loi, en intégrant dans le texte ses travaux les plus récents, en représentant les territoires et les besoins de nos concitoyens, afin de leur donner une fonction publique à la hauteur des enjeux de notre temps. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à transformation de la fonction publique (n° 571, 2018-2019).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la motion.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui un texte très important, qui touche au cœur du pacte républicain, puisqu’il s’agit des conditions de travail de celles et de ceux qui font vivre au quotidien les services publics. Infirmières, médecins, gendarmes, juges, enseignants, chercheurs, bibliothécaires, agents territoriaux, personnels de crèche et des écoles, cantonniers : je veux, au nom de mon groupe, leur rendre hommage.
Quotidiennement, dans des conditions difficiles faites de coupes budgétaires, de perte du pouvoir d’achat et de défiance parfois, ces agents font honneur à leur mission au service de l’intérêt général. C’est grâce à eux, à leur dévouement et à leur sens aiguisé de l’intérêt public qu’il reste un peu d’humanité, donc d’efficacité, dans des services publics saturés et exsangues.
Déstabiliser ces agents avec les dispositions contenues dans le présent projet de loi, comme avec celles du projet de loi pour une école de la confiance ou du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, c’est porter atteinte aux services publics, par conséquent aux droits de nos concitoyens, usagers de ces services dont il est par ailleurs si peu question dans ce texte.
Ce gouvernement, comme les précédents, n’a qu’une boussole, pour ne pas dire qu’une obsession : baisser la dépense publique, réduire l’action de l’État, laissant ainsi la place aux marchés financiers et aux intérêts privés. Il s’agit au fond de lever tous les obstacles pour déréguler et libéraliser.
Pour ce faire, tout est bon : diminution des budgets dans les lois de finances successives, baisse des dotations pour les collectivités, externalisation et privatisation à tout crin.
Aujourd’hui, avec ce projet de loi, l’État se lance dans une nouvelle étape sur le chemin de la privatisation. Ce texte permettra ainsi, comme vous l’avez affirmé ce matin, monsieur le secrétaire d’État, d’atteindre – ce n’est pas un totem selon vous ! – l’objectif de 120 000 suppressions de postes, en cohérence d’ailleurs avec les objectifs fixés par le rapport CAP 2022 et les ordonnances récentes du Premier ministre sur la réorganisation de l’État. Le cap est cohérent, puisqu’il s’agit encore et toujours d’accentuer les transferts de charges et d’abandonner des services faute de rentabilité suffisante.
On gère l’État comme une entreprise.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Si seulement !
Mme Éliane Assassi. C’est l’avènement de la start-up nation.
Pour justifier ces politiques de reculs sociaux, le Gouvernement joue la carte dangereuse du tous contre tous, faisant passer les fonctionnaires pour des privilégiés, et ce alors même que la majorité d’entre eux, comme les gilets jaunes, ont du mal à boucler leurs fins de mois au regard des salaires extrêmement bas dans la fonction publique. Voilà la réalité, mes chers collègues !
Ce texte organise ainsi une remise en cause totale des règles fondamentales de l’organisation des pouvoirs publics, donc de la fonction publique. Il remet en question le statut établi à la sortie de la guerre, en 1946, pour créer une fonction publique aux ordres non pas d’une hiérarchie potentiellement arbitraire et autoritaire, voire antirépublicaine, mais bien de l’intérêt général. Doit-on rappeler cela aujourd’hui, en ce jour anniversaire de l’appel du 18 juin du général de Gaulle ?
Par conséquent, la carrière des fonctionnaires est régie par la loi et non par le contrat. La fonction publique est une fonction de carrière et non d’emploi, plaçant le fonctionnaire dans une distance juste par rapport à sa hiérarchie, lui permettant même de désobéir à des ordres illégaux.
Les lois Le Pors de 1983 et 1984 ont conforté ce statut accompagnant notamment la décentralisation, introduisant des innovations majeures qui ont permis d’établir un statut à la fois souple et solide.
Trois principes ont présidé à cette construction et au socle de ce statut.
Premier principe, le principe d’égalité, fondé sur l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose : « Tous les citoyens étant égaux […] sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
M. Loïc Hervé, rapporteur. C’est bien écrit !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est magnifique ! Les bourgeois libéraux de 1789 avaient le sens de la formule !
Mme Éliane Assassi. Ainsi, seul le concours permet, en droit, d’assurer l’égalité d’accès des citoyens à la fonction publique.
Deuxième principe, le principe d’indépendance, qui conduit à distinguer le grade, propriété du fonctionnaire, de l’emploi, à la disposition de l’administration.
Troisième principe, le principe de responsabilité fondé sur l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Il s’ensuit que le fonctionnaire, parce qu’il est soumis à cette obligation de service du bien commun, doit avoir la plénitude des droits et devoirs du citoyen et non être regardé comme le sujet du pouvoir politique ou le rouage impersonnel de la machine administrative.
Ces trois principes, ainsi que la stabilité de l’emploi public, le mal nommé « emploi à vie », permettent de garantir que les agents des services publics soient indépendants et libres par rapport aux forces politiques et aux forces de l’argent. Ce sont ces règles qui protègent du clientélisme et de la corruption, qui gangrènent tant de systèmes politiques.
En appliquant le modèle des ordonnances de la loi Travail à la fonction publique, ce projet de loi rompt avec ces principes fondateurs, tout en attaquant les principes de démocratie sociale. Il s’en prend tout d’abord au principe d’égalité par le contournement du concours et le recours massif aux contractuels sur des emplois permanents et de direction. Or ce dispositif, contrairement aux attendus de l’exposé des motifs, va encourager le pantouflage, voire le rétropantouflage, participant à brouiller les finalités de l’action publique. Il participe par ailleurs à une précarisation accrue des agents publics, notamment au travers du nouveau contrat de projet.
Pourtant, mes chers collègues, comment ignorer que, si les agents sont précaires, le service public lui-même sera précarisé ? Dans ce cadre, la pauvre prime de fin de contrat apparaît comme une simple aumône et ne peut nous satisfaire. À la suite de l’examen du texte par la commission, ces dispositions ont été aggravées concernant la fonction publique territoriale, le recours aux contractuels étant encore plus encouragé – nous le déplorons.
M. Loïc Hervé, rapporteur. C’est bien, ça !
Mme Éliane Assassi. Le principe d’indépendance est également remis en cause, puisque le recours au contrat favorisera l’embauche, comme aux États-Unis, d’une fonction publique aux ordres du pouvoir politique, car très directement liée à elle.
Le renforcement du pouvoir hiérarchique par la remise en question des instances paritaires, mais également par la montée en puissance de la rémunération au mérite, accentuera ce phénomène, notamment au sein de la fonction publique territoriale.
Avec l’ensemble de ces procédés, il s’agit au fond de placer l’agent dans un rapport individuel à l’égard de l’administration, ce qui le déconnectera de l’intérêt général et le rendra ainsi plus vulnérable aux pressions administratives, politiques ou économiques.
On crée pour demain une main-d’œuvre publique corvéable, manipulable, mutable et révocable à merci.
Les maires ne s’y sont d’ailleurs pas trompés en appelant dans une tribune au retrait de ce projet de loi, au nom de la cohésion sociale et territoriale de la Nation. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’AMF, a également fait part de ses réserves.
Le mouvement des gilets jaunes a plébiscité, lui aussi, les services publics, comme leviers puissants de redistribution sociale.
Vous faites tout le contraire avec ce projet de loi, en faisant prévaloir la liberté contractuelle sur l’égalité républicaine !
Par ailleurs, le Gouvernement utilise l’argument de la mobilité, non pas comme un droit, mais comme une opportunité pour encourager les fonctionnaires à quitter la fonction publique en favorisant les ruptures conventionnelles. Il accompagne la privatisation des services publics et le désengagement de l’État en prévoyant le détachement d’office des fonctionnaires.
Ce projet de loi crée ainsi les outils destructeurs d’un dégraissage massif et d’une rupture de l’égalité républicaine sur l’ensemble du territoire.
Notons pour être justes…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ah !
M. Loïc Hervé, rapporteur. Nous vous écoutons !
Mme Éliane Assassi. Je suis toujours juste, monsieur le président de la commission !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est vrai ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Relevons donc quelques avancées en matière de déontologie qui ne reste que du droit souple, en matière d’égalité entre les femmes et les hommes et en matière de handicap. Toutefois, ces miettes ne peuvent nous faire oublier l’essentiel de ce texte : le dépérissement du statut et la soumission de l’État et des pouvoirs publics aux règles de management issues du privé, donc incompatibles avec les missions spécifiques du service public.
À nos yeux, les enjeux de modernisation se situaient fondamentalement ailleurs. Nous pensons à l’enjeu de démocratisation, afin de mieux prendre en compte les besoins au plus près des territoires et des usagers. Nous pensons aussi à l’enjeu de transition écologique – les fonctionnaires sont une richesse incroyable dans ce défi par leur adaptabilité et leur sens du temps long. Nous pensons encore à l’enjeu de rénovation des concours et des formations pour les ouvrir à la société telle qu’elle est dans sa diversité, donc dans sa richesse.
Nous devons par ailleurs collectivement nous atteler à un vaste plan de reconquête sur le secteur privé, qui n’a pas la capacité, nous le constatons tous les jours, de répondre aux besoins de nos concitoyens.
Pour faire face à l’ensemble de ces enjeux, notre pays n’a pas besoin de moins de fonctionnaires, ni même de fonctionnaires précarisés, pas plus que des règles de management issues du privé. Nous voyons à cet égard les conséquences dramatiques de ces méthodes à France Télécom.
Bien au contraire, notre pays doit pouvoir s’appuyer sur un statut protecteur comme le corollaire de la qualité du service rendu, sur des agents enfin reconnus et valorisés.
À l’heure où les dangers du repli sur soi et du rejet de l’autre n’ont jamais été aussi forts, il est urgent de promouvoir un projet permettant de créer du lien, de favoriser les communs, la solidarité et la cohésion sociale et territoriale, c’est-à-dire, au fond, de redéfinir ce qui fait sens dans le cadre du pacte républicain. Les services publics en sont le levier principal.
Vous l’avez dit, la fonction publique est une richesse, le bien commun de la Nation.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Oui, c’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Il s’agit le plus souvent du premier contact de nos concitoyens avec l’État.
Nous demandons, à l’instar de l’ensemble des organisations syndicales, le retrait de ce texte, qui organise une nouvelle fois l’incurie de l’État à répondre aux besoins fondamentaux de nos concitoyens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Nous n’avons pas la même lecture du texte en discussion ! Pour nous, il s’agit non pas de supprimer le statut de la fonction publique,…
Mme Éliane Assassi. Si !
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. … mais de donner de nouveaux outils pour la gestion des ressources humaines. Il convient, dans bien des cas aussi, d’adapter cette fonction publique aux évolutions du service public et de permettre aux agents d’enrichir leur parcours professionnel, en facilitant les mobilités entre les trois versants de la fonction publique ou vers le secteur privé.
La commission a bien travaillé. Elle a déposé des amendements sur ce texte qui peuvent aussi répondre à plusieurs de vos remarques, ma chère collègue. Ainsi, elle a tenu à maintenir le rôle des CAP en matière d’avancement et de promotion interne. Elle a établi un meilleur contrôle du rétropantouflage lorsqu’un agent contractuel est recruté dans un emploi de direction. Elle a prévu l’élaboration d’une feuille de route pour mieux anticiper les décisions du Gouvernement, notamment en matière d’évolution du point d’indice. Elle a reconnu de nouveaux droits, comme le congé de proche aidant ou le droit à la portabilité pour les agents handicapés. Elle a également reconnu la possibilité de verser des primes collectives et pas seulement individuelles pour valoriser le bon fonctionnement d’un service.
Je ne reprendrai pas tout ce que mon collègue Loïc Hervé et moi-même avons déjà énuméré au cours de la discussion générale.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cette motion.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cette motion, pour les raisons qu’a évoquées Mme la rapporteur et pour trois autres raisons.
Première raison, je le répète, ce texte ne remet pas en cause le statut de la fonction publique. L’avis du Conseil d’État indique combien nous avons respecté les principes fondamentaux dudit statut. C’est une garantie que je souhaite de nouveau souligner.
Deuxième raison, ce texte est attendu. Il est attendu par les employeurs, qu’ils soient élus ou encadrants, qui expriment non seulement leur besoin d’autonomie et de souplesse, mais aussi leur demande de confiance. La déconcentration des décisions est le signe de cette confiance que nous voulons leur témoigner. Ce texte est également attendu par les agents. J’ai rencontré plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’agents qui m’ont fait part de leur sentiment parfois d’être assignés à résidence professionnelle, de leur volonté de trouver des perspectives dans la fonction publique ou – plus rarement, c’est vrai, mais cela arrive assez régulièrement – dans le secteur privé, et qui souhaitent avoir des outils et des sécurisations pour cela.
Mme Laurence Cohen. Nous ne devons pas fréquenter les mêmes personnes !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Troisième raison, comme j’ai eu l’occasion de l’affirmer il y a un instant, le Gouvernement a quelques désaccords avec un certain nombre de dispositions adoptées par la commission des lois du Sénat, mais il a aussi des points de convergence et d’accord avec de nombreuses autres mesures.
Le texte a été enrichi. Je souhaite que le débat qui s’ouvre nous permette de trouver un point d’équilibre et de nouveaux enrichissements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vient de l’expliquer la présidente du groupe CRCE, ce projet de loi met gravement en cause notre pacte républicain par une attaque frontale contre les fondements de la fonction publique, donc contre les services publics.
Plus précisément, à l’échelon des collectivités territoriales, les élus locaux n’étaient pas demandeurs de cette réforme. Aujourd’hui, ils la rejettent massivement.
Ainsi, un appel des maires de toute sensibilité politique demande le retrait de ce projet de loi au nom de la cohésion sociale et territoriale : « Les maires ont besoin de fonctionnaires aux rôles et fonctions définis par un statut durable à l’image de la continuité républicaine, aux compétences validées par des diplômes et ayant réussi des concours officiels dans le cadre de référentiels nationaux, neutres politiquement, totalement voués à l’accomplissement de leurs missions de service public, quelles que soient les alternances.
« Cette qualité, cette stabilité, cette indépendance des fonctionnaires sont des conditions essentielles afin de garantir pour tous et partout des services publics de haut niveau. »
Évidemment, nous partageons cette analyse, qui rejoint les craintes exprimées par l’AMF, puisque rien dans cette réforme ne permettra de faire reculer dans les faits les inégalités sociales et territoriales. Or c’est bien ce qu’attendent nos concitoyens.
La création de la fonction publique territoriale, en parallèle des lois de décentralisation au début des années quatre-vingt, a été une innovation majeure au bénéfice des territoires permettant dans le même temps de garantir un haut niveau de compétence et de sécuriser les élus employeurs.
Le retour de l’arbitraire est donc un très mauvais présage, y compris pour les usagers des services publics locaux, d’autant que le passage du texte en commission a renforcé non seulement la capacité de recours aux contractuels pour les collectivités, notamment dans les communes de moins de 2 000 habitants, mais également la rémunération au mérite favorisant l’inégalité entre les agents.
Mes chers collègues, les collectivités ont souvent été une source d’innovation, je dirais même de créativité pour la conquête de droits nouveaux pour nos concitoyens, que ce soit pour la petite enfance, le service de l’eau, etc. Elles ont permis d’ouvrir par leurs politiques des pans de l’intérêt général.
Voilà la véritable finalité d’un droit à la différenciation. Aujourd’hui, la conjugaison de la diminution des dotations et de l’injonction d’une baisse de l’emploi public porte gravement atteinte à cette capacité d’initiative, et il ne suffira pas de vouloir constitutionnaliser demain ce droit à la différenciation pour le rendre pleinement effectif. Ce texte organise ainsi la captation du privé sur l’action publique et le détournement de son héritage démocratique.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera en faveur de cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Mon groupe a fait le choix non pas de déposer une motion tendant à opposer la question préalable, mais de s’engager pleinement dans ce débat en déposant des amendements de suppression d’articles.
Nous sommes en effet opposés aux deux principes qui guident ce projet de loi : l’affaiblissement du dialogue social et la mise en concurrence des fonctionnaires avec les contractuels. Nous avons aussi décidé de faire des propositions, parce que nous sommes attachés à la conception française de la fonction publique.
Cependant, nous partageons les préoccupations exprimées par nos collègues du groupe CRCE quant aux conséquences prévisibles de ce texte pour la fonction publique dans son ensemble.
En affaiblissant comme jamais le dialogue social, à tous les étages, le Gouvernement cherche manifestement à réduire le poids des partenaires sociaux pour préparer le terrain à une restructuration et à une réorganisation majeure des trois fonctions publiques.
Plusieurs milliers d’instances de dialogue vont disparaître. Cette décision porte en germe une détérioration des conditions de travail préjudiciable aux agents, mais tout autant aux employeurs. Les moyens des organisations représentant les personnels s’en trouveront fortement diminués, ce qui facilitera le passage du rouleau compresseur ayant pour mission d’aplatir la fonction publique et de la purger de 120 000 postes.
En ouvrant très largement le recours au contrat, le Gouvernement n’abolit pas le statut ; il le contourne, en aggravant la précarité.
Vous faites, monsieur le secrétaire d’État, le choix de la banalisation de la fonction publique et de l’affaiblissement de l’action publique. Le contrat, c’est l’antithèse d’une fonction publique de carrière. Vous prenez le risque, en faisant reculer les règles déontologiques, de la confusion entre intérêt public et intérêts privés, à la faveur du pantouflage et du rétropantouflage, au moment même où la demande de transparence n’a jamais été aussi forte.
Nous sommes attachés à la conception française de la fonction publique, qui repose sur le système de la carrière. Nous avons donc déposé des amendements de proposition visant à lutter contre la précarité, ou encore à améliorer la déontologie.
Jusqu’à présent, nous étions prêts à engager le débat sur ce texte. Nous n’en avons pourtant pas eu l’opportunité, tant les conditions d’examen de celui-ci sont déplorables et relèvent d’un déni de démocratie.
M. Jérôme Durain. C’est vrai !
M. Didier Marie. C’est la conséquence du choix du Gouvernement d’employer, une fois de plus, la procédure accélérée. À peine trois semaines se sont écoulées entre le vote à l’Assemblée nationale, la publication du projet de loi et l’étude de celui-ci par notre commission.
Quant à l’examen des amendements déposés en commission, il n’en fut pas question : la liasse des amendements a été déroulée en une heure et demie – top chrono ! –, ce qui n’a permis aucune discussion.
Enfin, que dire de l’utilisation abusive de l’article 40 de la Constitution, qui a conduit au rejet de quatorze de nos amendements ?
Les conditions d’examen de ce texte font écho aux conditions dans lesquelles le Gouvernement a tenu la concertation : il n’y aura pas eu de négociations avec les organisations syndicales représentatives, qui l’ont rejeté à l’unanimité.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Didier Marie. Pour ces raisons de fond et de forme, nous apporterons notre soutien à la motion tendant à opposer la question préalable déposée par le groupe CRCE. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Mon groupe votera contre cette motion tendant à opposer la question préalable. Nous préférons en effet, comme souvent, laisser vivre le débat. Nous avons ainsi déposé des amendements, que nous défendrons avec ardeur.
Nous choisirons le meilleur pour nos trois fonctions publiques, qu’il faudra parfois différencier. C’est pourquoi nous espérons que chacun s’écoutera pour construire ce texte.
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Philippe Dallier.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Dallier
vice-président
M. le président. Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de transformation de la fonction publique.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en cette heure tardive de reprise de nos débats, je veux, d’abord, saluer la méthodologie et l’ambition du Gouvernement, ainsi que la place laissée au Parlement dans l’élaboration de ce texte.
Je rappellerai, ensuite, que le Sénat a su saisir cette opportunité et enrichir utilement ce projet de loi ; M. le secrétaire d’État rappelait d’ailleurs que deux tiers des modifications apportées par la commission avaient reçu l’accord et l’encouragement du Gouvernement.
Enfin, je ferai le point sur quelques sujets sur lesquels il ne me semble pas impossible de converger ; je m’en remets avec confiance à l’intelligence collective dont le Sénat est capable.
Le projet de loi de transformation de la fonction publique, que nous sommes appelés à élaborer, est le fruit d’une méthode et le vecteur d’une ambition.
Quant à la méthode, je crois savoir, monsieur le secrétaire d’État, que près d’une cinquantaine de réunions ont été organisées en 2018 et au début de 2019 avec les neuf organisations syndicales de la fonction publique et les représentants des collectivités locales et des employeurs hospitaliers. Vous disiez avoir également rencontré, dans un esprit de discussion et de concertation, nombre d’agents, en direct, au gré de vos déplacements. Je veux enfin saluer la création de la plateforme dématérialisée qui a permis à tous les agents des trois versants de faire entendre leur point de vue et de contribuer au débat.
L’ambition de ce texte est d’adapter les règles applicables aux 5,5 millions d’agents du service public. Cela n’a rien d’une mince affaire ; c’est même de l’orfèvrerie, en particulier en France, où la fonction publique est associée, organiquement, à une certaine idée de la Nation. Toucher à l’une, c’est évidemment toucher à l’autre. Si bien que, au-delà des modalités d’exécution techniques d’une telle réforme, sa seule annonce semble parfois suffire à hypothéquer ses chances de réussite. Peut-être avons-nous eu cette impression lors des échanges que nous avons eus sur la motion tendant à opposer la question préalable.
Ces préjugés défavorables sont toutefois bien loin d’égaler en intensité les invitations au changement adressées par nos concitoyens, par les usagers, par les agents et par les employeurs publics. Il faut les accepter et les entendre !
Pour eux tous, notre action publique doit non seulement s’adapter, mais apprendre à renouveler cet effort.
Pour l’heure, la fonction publique fait encore à nos concitoyens l’effet d’un capharnaüm procédural, où l’esthétisme administratif du jardin à la française semble distraire des impératifs de fonctionnalité et de service au public.
Comment, alors, ne pas accueillir avec quelques motifs de satisfaction un texte qui met en œuvre les outils indispensables à la révision opérationnelle de la fonction publique, sans préjudice des lois statutaires de 1946 et de 1983 ?
Concernant de nouveau la méthode, j’ai évoqué les 5,5 millions d’agents du service public. Ce n’est pas qu’un luxe de précaution sémantique. En effet, à l’heure où l’on se plaît à compartimenter la fonction publique en corps, en cadres d’emploi, en emplois fonctionnels, que sais-je encore ?, le titre V du présent projet de loi, consacré à l’égalité professionnelle, a ceci d’opportun qu’il nous rappelle une chose essentielle : il faut à tout prix cesser de voir des catégories statutaires là où l’on trouve d’abord des serviteurs de la Nation qui méritent, chaque jour, d’être salués et encouragés. Cette méthode me semble être la bonne.
Vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d’État, les apports attendus de ce texte : avant tout, de nouveaux outils opérationnels.
Je veux revenir sur son ambition. De ce point de vue, le Gouvernement n’est pas en peine. C’est vrai, en premier lieu, pour les services publics et leur adaptation aux attentes des usagers ; l’une des dernières avancées notables consiste en l’instauration d’un droit à l’erreur, mais cette adaptation est déjà ancienne. C’est vrai, en deuxième lieu, de par la recherche d’une plus grande efficience, c’est-à-dire l’accomplissement du service de la meilleure façon possible pour le coût le moins élevé possible. C’est vrai, enfin, concernant l’attractivité des métiers et la mobilité des agents.
Le projet de loi répond à cet enjeu de modernisation au travers de cinq titres qui traduisent des choix clairs. Ils ont déjà été évoqués à cette tribune, mais je veux rappeler les enjeux principaux.
Il s’agit, d’abord, d’adapter et de renforcer le dialogue social dans la fonction publique, que l’on peut parfois qualifier d’atone, en proposant une réforme des organes de proximité : les futurs comités sociaux pourront trancher l’ensemble des questions liées à la gestion des ressources humaines.
Je salue, ensuite, la volonté de transformer la gestion des ressources humaines en donnant de nouveaux outils aux managers publics tout en renforçant les dispositifs de lutte contre la précarité. À ce titre, avec de nombreux collègues appartenant à différents groupes, je défendrai un amendement visant à réintroduire l’indemnité de fin de contrat pour les contrats de moins d’un an dans la fonction publique hospitalière.
Le renforcement de la transparence au sein du cadre de gestion des agents mérite lui aussi d’être salué. Je pense notamment au rôle des centres de gestion départementaux, qui disposeront de plus de souplesse pour s’organiser, notamment à l’échelon régional.
M. Michel Canevet. C’est bien !
M. Arnaud de Belenet. Je salue aussi l’encouragement de la mobilité des agents au sein des trois versants. Attendu par les agents, ce paquet de mesures accentue l’effort de formation.
Enfin, l’égalité professionnelle sortira renforcée de ce texte.
Certains diront que tout cela n’est qu’un premier pas, mais il est certainement décisif : c’est un grand pas !
Le Parlement a été une force de proposition dans la construction de ces dispositifs. Le Sénat, comme l’Assemblée nationale, a indiscutablement su se saisir d’enjeux majeurs pour les agents de la fonction publique.
Notre commission s’est efforcée de renforcer les souplesses offertes aux employeurs territoriaux, notamment en élargissant le recours aux agents contractuels, en encourageant les recrutements sur titres pour des agents disposant déjà d’un diplôme d’État. Je salue, notamment sur ce point, le rapport de Jacques Savatier, qui a repris un certain nombre de sujets portés par le Sénat. Celui-ci, à travers sa commission des lois, a également fait œuvre utile en facilitant l’intégration des policiers nationaux et des gendarmes dans la police municipale.
La commission a limité à cinq ans la durée maximale de prise en charge des agents placés dans la catégorie des fonctionnaires momentanément privés d’emploi, ou FMPE.
Le licenciement pour insuffisance professionnelle a été facilité : il serait prononcé après audition de l’intéressé et passage en commission administrative paritaire, en lieu et place du conseil de discipline.
La commission s’est efforcée de mieux récompenser le mérite, au travers de mesures relatives aux primes des agents et à leur régime indemnitaire.
Elle a également renforcé l’intégration des agents en situation de handicap.
M. Loïc Hervé, rapporteur. De vrais progrès !
M. Arnaud de Belenet. Elle a notamment prévu sur ce point une expérimentation visant à pérenniser le financement du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, ou FIPHFP. Elle a aussi ouvert aux apprentis en situation de handicap la possibilité d’intégrer la fonction publique à l’issue de leur contrat d’apprentissage. Un droit à la portabilité a été créé : des postes seront aménagés pour que les agents puissent conserver leur aménagement lorsqu’ils changent d’employeur.
Enfin, la commission des lois a opportunément garanti de nouveaux droits aux agents publics en les rendant éligibles au congé de proche aidant et en prévoyant que les fonctionnaires de genre féminin disposeront d’une heure par jour pour allaiter leur enfant, comme dans le secteur privé.
Le Sénat a ainsi participé, au travers des travaux de sa commission des lois, au renforcement et à l’amélioration de l’armature de notre fonction publique.
Il obtient, en un sens, doublement gain de cause.
C’est le cas, d’abord, au regard des propositions sénatoriales formulées précédemment, qui font aujourd’hui l’objet d’une heureuse déclinaison législative. On peut citer à cet égard la suppression des régimes dérogatoires à la durée légale du travail antérieurs à la loi de 2001.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Enfin !
M. Arnaud de Belenet. C’est le cas, ensuite, du fait des apports substantiels offerts par la commission des lois mercredi dernier.
Il serait bon, en conséquence, que les quelques désaccords qui subsistent, désaccords non de fond, mais de forme et parfois, peut-être, de posture, ne gâchent pas, non pas cet échange d’amabilités, mais cette véritable contribution au sujet majeur qu’est la transformation de notre fonction publique.
J’en viens ainsi à la troisième partie de mon propos.
M. le président. Il vous faudra être très bref !
M. Arnaud de Belenet. J’aurai l’occasion, au cours de nos débats, d’y revenir. Un certain nombre de sujets méritent que nous convergions. Je serai très heureux de m’exprimer sur tous ces points lors de la défense de nos différents amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur les conséquences de ce projet de loi sur la fonction publique hospitalière.
Dans cet esprit, je regrette que, du fait de l’inflation législative, la commission des affaires sociales n’ait pu se saisir pour avis de ce texte, comme je l’avais proposé.
Alors que les hôpitaux connaissent une crise majeure, que leur personnel est au bord de l’explosion, que les agents multiplient les actions, depuis des mois, pour dénoncer leurs conditions de travail et la dégradation de la prise en charge des patients, alors que tous les services d’urgence sont mobilisés, votre seule réponse, monsieur le secrétaire d’État, est le mot « réorganisation », et le Gouvernement a répondu de même lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé.
Vous n’entendez pas les témoignages des urgentistes et des infirmières qui refusent la généralisation des recrutements par contrats que vous accomplissez à l’article 9 !
Vous proposez, à l’article 28, une externalisation des missions des personnels, mais avez-vous entendu des soignants, des agents administratifs, ou encore des ouvriers qui travaillent dans les établissements publics de santé vous en faire la demande ?
Nous ne fréquentons vraiment pas les mêmes milieux ! Quand mes collègues du groupe CRCE et moi-même nous rendons d’hôpital en hôpital, personnellement, j’entends l’urgence à embaucher et à rendre ces métiers attractifs, notamment en augmentant les salaires, en valorisant les carrières et en facilitant les passerelles entre les différents métiers pour permettre aux fonctionnaires d’évoluer tout au long de leur activité professionnelle.
Votre obsession de vouloir casser le statut des fonctionnaires, que vous dénoncez comme d’affreux privilégiés tandis que vous épargnez les tenants du CAC 40, est tout simplement indécente pour ces hommes et ces femmes qui nous soignent !
Vous étendez au secteur public les réformes appliquées au secteur privé depuis les ordonnances Macron ou la loi El Khomri, en réduisant à peau de chagrin les instances représentatives du personnel, pour tuer toute concertation.
Ainsi, vous ne trouvez pas mieux que de supprimer les CHSCT, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Comment le comité social d’administration, instance fourre-tout censée les remplacer, interviendra-t-il quand des agents menaceront de sauter par la fenêtre parce qu’ils n’en peuvent plus ?
On en est bien là aujourd’hui, mes chers collègues, tant les restrictions budgétaires faites sur le dos des hôpitaux depuis des années entraînent une perte de sens, un épuisement des personnels et une profonde souffrance au travail.
Comment cette instance pourra-t-elle mener des actions de lutte contre les violences sexistes et le harcèlement ?
Cela m’amène à aborder, pour conclure, le volet de ce texte consacré à l’égalité professionnelle. Comme l’a souligné Éliane Assassi, les quelques mesures proposées sont loin d’être suffisantes. Une fois de plus, la grande cause nationale de ce quinquennat mobilise bien peu votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État !
Le statut de la fonction publique est un outil vivant que l’on se doit d’améliorer au fil du temps pour mieux servir l’intérêt commun, mais vous faites le contraire : vous le détruisez et vous allez amplifier la crise dans la fonction publique hospitalière.
Voilà une raison supplémentaire pour voter contre ce projet de loi, qui, en mettant à mal les trois principes fondateurs de la fonction publique, aggravera les conditions de travail des fonctionnaires, dégradera les services rendus à la population et affaiblira davantage les services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Didier Marie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Didier Marie. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte s’adresse aux 5,5 millions de femmes et d’hommes qui ont fait le choix de servir l’intérêt général.
Leur mission fondamentale est de permettre à tous nos concitoyens d’accéder à un patrimoine commun, le service public, leur ouvrant le droit à la santé, à la sécurité, à l’éducation, à la culture, à la mobilité, à la justice et à tout ce qui concourt à notre vie collective.
Le service public, ne l’oublions pas, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, le bien commun de la Nation.
La fonction publique est en souffrance, non parce qu’il y aurait trop de fonctionnaires, mais parce qu’ils ne sont pas toujours là où il le faudrait, du fait de choix dictés par des impératifs budgétaires réalisés à leurs dépens et à ceux des usagers.
Comment, à l’heure où nous engageons l’examen de ce texte, ne pas penser au personnel hospitalier et, en particulier, à celui des urgences, au personnel pénitentiaire, victime de prises d’otages, aux agents de la force publique, éreintés par la crise des gilets jaunes, à ceux de l’administration des finances, aux enseignants et à tous les fonctionnaires qui connaissent tous des difficultés dans l’exercice de leurs fonctions du fait du manque d’effectifs, de la demande croissante de nos concitoyens et, parfois, de la violence ?
Aujourd’hui, nous tenons, avant toute autre chose, à apporter tout notre soutien à l’ensemble de la fonction publique et de ses agents, dont nous saluons le professionnalisme, l’intégrité et le dévouement. C’est ce soutien qui guidera nos positions et nos interventions tout au long de nos débats.
La force de notre fonction publique est le statut des fonctionnaires, qui oblige et protège ses agents. Permettez-moi de faire un rappel rapide, mais nécessaire. La fonction publique est consubstantielle de la République. Son statut n’est pas un héritage désuet du XXe siècle ; c’est une opportunité.
Constitué d’un ensemble de droits et de devoirs, le statut est un cadre qui a su se moderniser, de sa création, en 1946, aux quatre lois de 1983, 1984 et 1986, qui forment aujourd’hui le statut général des fonctionnaires.
Il repose sur trois principes, qui restent modernes.
Le premier, c’est l’égalité. L’entrée dans la fonction publique se fait par la voie du concours, qui garantit l’égal accès aux emplois publics et la sélection par la compétence. Le concours est le meilleur rempart contre le copinage, le favoritisme et le clientélisme.
Le deuxième, c’est l’indépendance. Les fonctionnaires doivent être protégés de la conjoncture et de l’arbitraire politiques. La fonction publique française repose donc sur le système de la carrière, où le grade est distinct de l’emploi. Servir l’État, ce n’est pas servir une société privée : c’est une fonction sociale, qui s’apprécie sur une longue période aménagée à cet effet en carrière.
Le troisième, c’est la citoyenneté. Les fonctionnaires disposent des mêmes droits que les autres citoyens – liberté d’opinion, droit syndical et droit de grève, pour prendre les plus emblématiques –, mais ces droits doivent être conciliés avec des obligations propres à la fonction publique en matière de neutralité, de déontologie, de laïcité, de discrétion et d’information du public.
Autant de principes qui sont aujourd’hui menacés par ce projet de loi. En effet, monsieur le secrétaire d’État, avec cette réforme, si vous ne vous attaquez pas frontalement au statut, vous le contournez.
Vous élargissez massivement les possibilités de recruter des agents contractuels en lieu et place des fonctionnaires, mettant en concurrence les seconds avec les premiers. Vous multipliez ainsi les risques d’emplois de complaisance, au détriment de la compétence, et vous réduisez fortement les perspectives de carrière des fonctionnaires qui ont fait le choix de s’engager en faveur de l’intérêt général.
De plus, vous renforcez la précarité des agents publics, à l’image du nouveau contrat de projet, ou encore du détachement d’office auprès d’opérateurs privés en cas d’externalisation de services ou de missions.
En revanche, vous restez silencieux sur la reconnaissance de l’engagement de nos concitoyens au sein de la fonction publique et sur les possibilités d’évolutions professionnelles, notamment par le biais de la formation continue, tout au long de leur carrière, ou de congés de conversion.
Ainsi, en ouvrant très largement le recours au contrat, vous faites le choix de la banalisation de la fonction publique et de l’exercice de l’État ; vous faites le choix, in fine, de l’affaiblissement de l’action publique.
Votre projet de loi remet en cause de manière inédite le dialogue social à tous les étages de la fonction publique.
D’une part, il fusionne des instances, au détriment de celles qui sont compétentes en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail, alors même que la santé au travail est un enjeu primordial dans un contexte de restructurations annoncées.
D’autre part, il réduit les attributions des commissions administratives paritaires, qui sont aujourd’hui consultées sur toutes les décisions individuelles. Vous nous dites que ces instances sont source de rigidité, alors qu’elles n’ont aucun pouvoir décisionnel, qu’elles garantissent la transparence des décisions et qu’elles permettent souvent de renforcer l’acceptabilité des décisions auprès des agents.
Les changements apportés par la commission des lois sont un pas vers l’amélioration du texte que nous avons reçu de l’Assemblée nationale, mais ce pas reste insuffisant ; c’est pourquoi nous devrons encore amender le projet de loi.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez négligé les organisations syndicales, en ne tenant pas votre engagement, plusieurs fois répété, de publier les projets de décrets en même temps que le projet de loi. Rappelons que ce texte, que vous dites attendu de tous, fruit d’une prétendue concertation intense, a fait l’objet d’un rejet unanime de la part des neuf organisations syndicales de la fonction publique.
Vous ne respectez pas plus les parlementaires en utilisant, une fois de plus, la procédure accélérée et en recourant massivement aux ordonnances.
En résumé, ce projet de loi n’est rien d’autre qu’une volonté de dégradation organisée des services publics ; il contribue à la stigmatisation de ceux qui les mettent en œuvre. Il ne résoudra ni les problèmes de fonctionnement de nos services publics ni le malaise de nombreux agents. Il ne répondra pas plus aux demandes des citoyens désireux de plus de proximité.
La majorité sénatoriale présente ce projet de loi comme une boîte à outils. Prenez garde, mes chers collègues, à ne pas minimiser son impact !
Il n’y a pas de réforme de la fonction publique sans réforme de l’État et de la puissance publique. Votre texte, monsieur le secrétaire d’État, ne fait pas exception à cette règle : il dessine en creux la conception que le Gouvernement se fait du service public et de l’État.
Penser la fonction publique, c’est penser l’action publique dans notre société. Pour nous, son histoire est républicaine. Elle a une place singulière dans l’organisation sociale et politique du pays. Elle contribue à l’émancipation individuelle des Français. Elle est le bras armé des libertés publiques, de la solidarité, de la fraternité républicaine et de la laïcité ; bref, de l’intérêt général.
Ce texte est malheureusement un projet d’affaiblissement du service public, qui prépare la mise en œuvre du plan Action publique 2022 et la suppression de 120 000 emplois.
Une autre réforme était possible pour moderniser le statut et favoriser l’attractivité des carrières publiques. C’est en tout cas la vision que mon collègue Jérôme Durain, les membres de notre groupe et moi-même défendrons, pendant ces deux semaines d’examen du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de transformation de la fonction publique aborde une réforme capitale, dont nous attendons qu’elle permette à l’État de se doter des instruments législatifs nécessaires pour la redéfinition de l’action publique, tant à l’échelon national que dans nos territoires, afin de se recentrer sur les services jugés utiles par nos concitoyens.
Les récents mouvements sociaux traduisent le décalage qui s’est creusé depuis des décennies entre les usagers et leurs services publics, qu’ils jugent inadaptés ou trop éloignés. Au sein des fonctions publiques, les crises se multiplient : crise de vocation dans les juridictions et les écoles, crise de l’épuisement dans les hôpitaux, les casernes, les prisons et les commissariats, crises de nerfs aux finances.
Ce décalage entre, d’un côté, des administrés insatisfaits et, de l’autre, des agents épuisés doit nous conduire, sur toutes les travées de cet hémicycle, à aborder avec lucidité, plutôt qu’avec idéologie, la question de la réaffectation des moyens administratifs humains par service et par zone géographique, en fonction des besoins exprimés sur le terrain et dans le cadre d’une dépense publique maîtrisée. À force de temporisations, la situation s’est cristallisée : il y a désormais urgence à agir.
Le premier obstacle à la réforme de l’État réside dans l’importance du nombre d’agents publics. On ne transforme pas une organisation rassemblant 5,5 millions de personnes comme une entreprise de plusieurs dizaines de salariés. Mais là où d’autres grandes démocraties sont parvenues à faire leur aggiornamento administratif – je pense par exemple à la réforme du NHS, le système national de santé britannique –, la réforme de l’État est restée une question taboue en France.
Elle a tout du moins toujours été réduite à sa seule dimension quantitative, avec la fixation d’objectifs chiffrés de réduction du nombre de fonctionnaires, et confinée aux discussions interministérielles, sous le pilotage de la puissante direction générale de l’administration et de la fonction publique, dès la circulaire du 23 février 1989.
On peut également considérer que certaines positions syndicales conservatrices ont eu leur part de responsabilité dans les difficultés d’adaptation des services : alors qu’il aurait fallu saluer et encourager l’ouverture de l’emploi public à des profils issus du privé, ou encore le recours aux nouvelles technologies, ces éléments ont été systématiquement perçus comme des attaques portées au statut.
Ainsi, dans bien des administrations, la transition numérique s’est fait dos au mur ou en catimini, avec la suppression des fonctions de secrétariat. Les nouvelles générations de fonctionnaires en paient aujourd’hui le prix fort.
C’est pourquoi nous soutenons l’approche du Gouvernement que vous défendez aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, qui est celle non pas du chiffre, mais de la subsidiarité. Plusieurs nouveaux outils que vous proposez devraient permettre le redéploiement d’agents publics là où ils seront utiles : je pense aux instruments d’encouragement à la mobilité géographique et à l’intérieur de la fonction publique, prévus à l’article 26, ou encore au détachement d’office, qui devrait faciliter les externalisations et permettre aux décideurs publics de tester différentes formes de gestion d’un service public.
Vous vous attaquez également à la crise des vocations en offrant aux fonctionnaires en souffrance une voie facilitée de reconversion professionnelle hors du secteur public par la consécration d’une forme de rupture conventionnelle et par l’ouverture du recours à la forme contractuelle entre les employeurs publics et les agents. Il s’agit d’une adaptation intelligente aux aspirations de mobilité professionnelle des « enfants du numérique », comme les nommait le philosophe Michel Serres il y a peu encore.
Cependant, nous y mettons plusieurs conditions.
Il est d’abord nécessaire que, comme en matière de concours, l’accès à l’emploi public par voie contractuelle offre des garanties de transparence et d’équité satisfaisantes. Il est question pour nous de passer non pas à un spoil system, mais à un système de recrutement hybride destiné à permettre le recrutement de profils plus variés pour enrichir l’action publique.
L’apport de ces agents contractuels doit être mieux valorisé, afin qu’ils ne soient pas traités comme de simples variables d’ajustement, moins rémunérés et moins protégés que les agents statutaires. C’est le sens de plusieurs de nos amendements relatifs au contrat de projet, à la requalification en CDI, ou encore à la reconnaissance de l’expérience de ces personnels au moment de leur recrutement ou, par la suite, lorsqu’ils se décident à passer des concours. Certains de ces amendements ont été considérés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, mais nous engagerons tout de même le débat lors des explications de vote. En effet, nous déplorons le fait que l’alignement des salaires entre contractuels et agents du service public soit perçu comme une charge dans l’examen de ce texte : cela ne devrait pas être le cas s’ils étaient rémunérés dans des conditions identiques. On est donc loin d’un développement de la contractualisation dans des conditions égales entre fonctionnaires et contractuels !
Enfin, nous sommes particulièrement vigilants à ce que les allers-retours entre le secteur public et le secteur privé se fassent dans des conditions plus satisfaisantes pour l’intérêt général. Plusieurs travaux parlementaires ont mis en lumière les défauts du système de contrôle déontologique actuel. Nous nous félicitons de constater que, à l’issue des débats à l’Assemblée nationale, le texte que vous proposez, monsieur le secrétaire d’État, reprend les propositions du groupe du RDSE soutenues par ma collègue Josiane Costes et adoptées par le Sénat en début d’année 2018.
Pour clore ce sujet, les fonctionnaires doivent envisager l’augmentation du nombre d’agents contractuels non comme la remise en cause de leur statut, mais comme l’enrichissement d’un corps administratif unique par une nouvelle composante destinée à pallier les défauts de la composante historique, laquelle n’a pas vocation à disparaître.
Je crois que cette approche pragmatique est également partagée par nos deux rapporteurs, dont je tiens à saluer le travail considérable.
À quelques réserves près, nous soutenons les modifications apportées au texte telles que le meilleur encadrement des habilitations à légiférer par ordonnances, la suppression de l’habilitation réformant le dialogue social qui n’a pas été assez préparée, le maintien des questions de rémunération et d’avancement dans le champ de compétence des CAP, et les modifications introduites en faveur des employeurs publics locaux qui leur offrent ainsi de plus grandes marges de manœuvre dans la gestion des ressources humaines.
Nous proposons d’ailleurs de renforcer le droit de regard des collectivités territoriales sur la mise en œuvre des détachements d’office de fonctionnaires d’État lorsqu’ils auraient des répercussions locales, comme le dénoncent déjà les comités techniques spéciaux, les CTS.
Sur d’autres points, comme la suppression de la prime de précarité pour les agents contractuels de la fonction publique hospitalière, nous sommes nettement plus circonspects.
Cela dit, si nous soutenons le développement de la politique du handicap au sein de la fonction publique et si nous avons entendu l’argument du Gouvernement, qui souhaite faire converger les normes publiques et privées en la matière, nous ne partageons pas votre conviction, monsieur le secrétaire d’État. De la même manière, nous espérons que nos échanges pourront apporter une solution à l’épineuse question du financement de l’apprentissage.
Je conclurai en exprimant quelques regrets sur un outil de management qui me paraît insuffisamment encouragé par le texte : celui de la valorisation du mérite par l’individualisation des primes. On connaît l’attachement des syndicats aux primes d’intéressement collectif, qui sont particulièrement justifiées dans des services sous tension. Le projet de loi prévoit justement de les étendre aux services hospitaliers. Pour autant, dans de grands organigrammes comme ceux des ministères, nous considérons que de nouveaux outils auraient pu être mis en place pour distinguer le mérite individuel dans la construction de la carrière.
Certes, quelques initiatives ont été développées avec des partenaires, comme les Victoires des Acteurs publics. Le remplacement de la notation par un entretien individuel va aussi dans le bon sens, mais les liens entre promotion et mérite pourraient être davantage renforcés, quand bien même cela atténuerait le sacro-saint principe de l’ancienneté. On touche là, malheureusement, aux limites du domaine législatif. Quoi qu’il en soit, le groupe du RDSE soutiendra toute initiative réglementaire en ce sens.
Au regard de tous ces éléments, monsieur le secrétaire d’État, mon groupe aborde l’examen de ce projet de loi avec bienveillance. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Alain Marc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en propos liminaire, je rappelle que ce sont 5,5 millions d’agents qui œuvrent au quotidien pour la bonne organisation des services publics. Je souhaite saluer leur travail à cette tribune.
La fonction publique constitue notre bien commun. Il convient de la préserver tout en modernisant son organisation.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, bien qu’il ne traduise pas une réelle vision de l’action publique, comporte une palette d’outils pouvant permettre une meilleure gestion des ressources humaines.
Il ne procède pas à une véritable « transformation » de la fonction publique, mais il comporte une série de modifications, souvent techniques, dans trois domaines : la simplification du dialogue social et les nouveaux outils managériaux ; l’élargissement du recours aux contractuels ; le renforcement de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Il vise également à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur des thèmes sensibles : le dialogue social, la formation des agents, ce qui comprendrait la réforme de la haute fonction publique, et la santé au travail.
Je me réjouis que le travail en commission ait notamment eu pour objectif de préserver les spécificités de la fonction publique territoriale et de mieux répondre aux attentes des employeurs locaux.
En effet, la fonction publique territoriale constitue un maillon indispensable de l’organisation décentralisée de la République, notamment pour la gestion des services publics de proximité, comme les polices municipales, les cantines et les crèches.
Je me réjouis que la commission ait donc donné plus de prévisibilité aux élus locaux en obligeant l’État à publier une feuille de route triennale dans laquelle il indiquerait l’incidence financière sur les budgets locaux de ses décisions en matière de ressources humaines.
Je me félicite également de ce que la commission ait veillé à accorder davantage de souplesse, notamment en permettant aux communes de moins de 2 000 habitants de pourvoir l’ensemble de leurs emplois par voie contractuelle et en élargissant le contrat de projet aux agents de catégorie C.
Par ailleurs, je tiens à souligner la volonté de la commission de donner de nouveaux outils aux employeurs territoriaux en limitant à cinq ans la durée de prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d’emploi, en facilitant le licenciement pour insuffisance professionnelle et en renforçant le régime disciplinaire, tout en réaffirmant le caractère paritaire des conseils de discipline.
Enfin, je suis satisfait que la commission ait sécurisé le financement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale.
La fonction publique territoriale emploie actuellement 14 000 apprentis. Depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les régions ne sont plus compétentes pour financer les centres de formation des apprentis. Le reste à charge des employeurs territoriaux risque donc d’augmenter significativement…
Face à cette difficulté, l’Assemblée nationale a souhaité que le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, prenne en charge 75 % des frais de formation des apprentis pour un coût annuel estimé à près de 58 millions d’euros. Or cette somme paraît bien trop élevée au regard du budget du CNFPT et risque de remettre en cause les formations dispensées aux autres agents territoriaux.
Dans un souci de compromis, la commission a proposé que tous les acteurs s’engagent pour soutenir l’apprentissage dans les collectivités territoriales en prévoyant que 30 % des coûts de formation soient pris en charge par l’État et 20 % par le CNFPT.
Avant de conclure, je souhaite saluer le considérable travail fourni par les rapporteurs sur ce texte très technique et dont le champ est large.
Je souhaite également vous faire part de mon regret concernant le choix du Gouvernement d’engager la procédure accélérée sur ce projet de loi essentiel pour la fonction publique.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ah oui !
M. Alain Marc. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen en commission a permis d’élargir la palette d’outils pouvant permettre une meilleure gestion des ressources humaines tout en respectant les droits des agents publics et les grands principes du statut général.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte ainsi modifié et enrichi par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Emmanuel Capus. Très clair !
M. Loïc Hervé, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement soumet régulièrement à notre examen des textes dont le contenu apparaît en décalage avec l’ambition de l’intitulé. Tel est encore le cas avec ce projet de loi de transformation de la fonction publique qui traduit davantage un assouplissement et une adaptation de la fonction publique qu’une véritable transformation. Nous ne sommes pas véritablement ici dans la rupture ! (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ah non !
M. Jean-Marie Mizzon. Néanmoins, nous approuvons la volonté de l’exécutif de faire évoluer l’environnement, les métiers et les missions des agents publics, afin de les adapter aux défis de notre temps.
Les membres du groupe Union Centriste ne sont pas dans l’immobilisme.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Tout à fait !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ils sont plutôt dans le centrisme… (Sourires.)
M. Jean-Marie Mizzon. Ils admettent bien volontiers que, s’il a sa raison d’être, le statut de la fonction publique ne saurait être figé. Nul ne peut sérieusement le contester : l’apparition de nouveaux métiers commande de nouvelles compétences. D’ailleurs, les agents du service public eux-mêmes réclament de nouvelles mobilités dans le temps et dans l’espace.
En revanche, nous regrettons que le texte – tout du moins dans sa version initiale – s’arrête au milieu du gué. Il confine, hélas !, trop souvent au salmigondis de mesures disparates, se contentant d’empiler des dispositifs techniques, arides, desquels ne découle aucune philosophie d’ensemble.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. On peut même parler de galimatias !
M. Jean-Marie Mizzon. L’occasion est pour ainsi dire manquée de réformer en profondeur la fonction publique et de fixer, pour elle et pour les 5,5 millions d’agents qui l’animent au quotidien, un authentique cap vers l’avenir.
Car si les trois versants de la fonction publique recouvrent des missions très différentes, qui relèvent de corps, de cadres d’emploi et de métiers eux-mêmes multiples, tous ont en commun une même finalité : la grandeur du service public.
C’est un sujet ô combien décisif, aux ramifications multiples, comme ont tenu à nous le rappeler les Français à l’occasion du grand débat national. L’attente de nos concitoyens à l’égard du service public est immense d’un bout à l’autre du territoire. Elle est à la hauteur de ce qu’il représente dans notre pays en termes de service rendu, d’emploi et de cohésion sociale.
Nous avons conscience de la complexité du défi qui nous est posé : d’un côté, nos concitoyens réclament une plus large intervention de l’État et un retour à des services publics de proximité plus poussés ; de l’autre, ils guettent « sourcilleusement » le niveau de pression fiscale.
Il était donc devenu indispensable d’agir. À cet égard, nous ne pouvons que nous féliciter de l’action engagée par le Gouvernement.
Sans doute les objectifs ne sont-ils pas toujours clairs, faute d’avoir été nettement exposés par le Gouvernement lui-même. Là réside en partie, je crois, l’explication à l’opposition de l’ensemble des organisations syndicales.
L’avenir du secteur public aurait dû en effet susciter un plus vaste débat, afin que soit discuté l’ensemble des questions afférentes à la carrière des fonctionnaires, au statut de la fonction publique et à son avenir, à la rémunération, à la retraite, de façon à pouvoir apporter, en toute transparence, des réponses d’ensemble aux agents publics, ainsi qu’à nos concitoyens.
L’enrichissement du texte avant même l’issue de la première lecture est très parlant. Il est révélateur en tout cas des imperfections et incohérences de départ. Composé de trente-six articles dans sa version présentée en conseil des ministres, le texte en compte désormais quatre-vingt-quatre au terme de son examen par la commission des lois du Sénat.
La discussion parlementaire est bien sûr là pour apporter des modifications et des améliorations. Avouons néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, qu’autant d’ajouts entre la présentation du texte devant les membres du Gouvernement et l’issue de la première lecture laissent songeurs…
Je tiens, à cet égard, à saluer le travail remarquable accompli par les deux rapporteurs, Catherine Di Folco et Loïc Hervé, qui ont abordé sans dogmatisme aucun…
M. Loïc Hervé, rapporteur. Aucun dogmatisme, effectivement !
M. Jean-Marie Mizzon. … et en faisant preuve d’une attitude toujours constructive les différents volets de ce projet de loi, qu’il s’agisse des instances de dialogue social, de l’élargissement du recours aux contractuels, de la réforme du cadre déontologique ou de l’accompagnement des transitions professionnelles des agents publics.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Ils ont été remarquables !
M. Jean-Marie Mizzon. Les éléments nouveaux introduits en commission, sur leur initiative ou sur l’initiative de certains de nos autres collègues, ont permis d’améliorer substantiellement le texte transmis au Sénat par l’Assemblée nationale.
L’obligation pour l’État de présenter une feuille de route triennale indiquant tout à la fois ses orientations en matière de rémunération, de déroulement de carrière, de formation et de mobilité des agents publics participe ainsi, et de manière transversale, au besoin de visibilité que réclament nombre d’élus partout dans nos provinces. J’espère que l’article 2 bis prospérera à l’issue de l’examen du texte par la Haute Assemblée.
De même, la modification de la périodicité du rapport social unique, qui deviendrait biennal plutôt qu’annuel, ménage davantage de souplesse sans altérer pour autant la portée de ce rapport. Pour cette raison, cette mesure me paraît parfaitement équilibrée.
Concernant les commissions administratives paritaires, je crois, monsieur le secrétaire d’État, que les vider de leurs compétences, ainsi que vous le proposez, n’améliorerait en rien le dialogue social au sein de la fonction publique.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Eh oui !
M. Jean-Marie Mizzon. Pis, en supprimant leurs compétences, vous créerez des rapports conflictuels, eux-mêmes source de défiance, au détriment finalement de l’efficacité du service public.
Soyez attentif aux arguments du Sénat et à sa sagesse habituelle en ne rayant pas d’un trait de plume la compétence des CAP en matière d’avancement et de promotion.
Je me réjouis surtout des nombreux apports de la commission allant dans le sens d’une plus grande souplesse offerte aux employeurs locaux.
S’agissant de l’élargissement du recours aux contractuels, point clé de ce projet de loi, quel meilleur garant du principe d’égal accès aux emplois publics que les autorités locales elles-mêmes ? Là encore, la réécriture de l’article 6 par la commission des lois du Sénat me semble salutaire en ce sens qu’elle garantit l’adaptation des recrutements aux besoins des collectivités locales.
Ne craignez pas de responsabiliser les élus locaux en leur conférant davantage de libertés.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Jean-Marie Mizzon. Je crois à cet égard, monsieur le secrétaire d’État, que vous rejoignez la position de la chambre haute, et veillerez à ne pas attenter à la libre administration des collectivités en ne faisant pas s’immiscer l’État dans les relations entre exécutifs locaux et directeur général des services. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Jean-Marie Mizzon. De même, je ne doute pas que vous rejoindrez notre proposition et étendrez à tout type d’emploi le recours au nouveau contrat de projet, sans exclusion des emplois de catégorie C.
Au titre des lacunes originelles du texte, le Gouvernement a oublié deux points majeurs au sujet du recrutement, seulement traité sous l’angle des contractuels : je veux parler de l’apprentissage et des concours.
J’aimerais d’abord dire un mot sur le développement de l’apprentissage dans les collectivités territoriales, point central du dynamisme économique de nos communes, de nos départements et de nos régions.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Jean-Marie Mizzon. Notre cher collègue Loïc Hervé l’a rappelé : les quelque 14 000 apprentis du secteur public sont les grands oubliés de la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
M. Claude Kern. Exactement !
M. Jean-Marie Mizzon. La nouvelle mouture de l’article 22 bis B du présent projet de loi y remédie en proposant notamment d’associer l’État au soutien et au financement de l’apprentissage dans les collectivités par le truchement d’un prélèvement sur recettes.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Et il le fera de bon cœur !
M. Jean-Marie Mizzon. Il s’agirait là d’un investissement d’avenir, non d’une politique hasardeuse et dispendieuse !
J’aimerais ensuite saluer, au travers du nouvel article 33 quater, l’extension à l’ensemble des filières d’emplois des concours sur titres, aujourd’hui réservés aux seules filières sociales, médico-sociale et médico-technique.
J’espère vivement que ces deux apports du Sénat recevront toute l’attention qu’ils méritent de la part du Gouvernement.
Je le soulignais en préambule, il est difficile de décortiquer ce projet de loi mesure par mesure, preuve qu’il manque de cohérence globale…
S’agissant de la déontologie, de la transparence et de l’égalité entre les femmes et les hommes, nous sommes bien sûr très favorables aux mesures contenues dans le texte, ainsi qu’aux nouvelles avancées obtenues en commission.
Cela a été rappelé, le Gouvernement a eu le grand mérite d’intégrer à son projet de loi plusieurs propositions du Sénat, en particulier l’harmonisation du temps de travail et l’introduction de la rupture conventionnelle dans la fonction publique. Il serait bien inspiré de poursuivre dans cette voie et de conserver l’ensemble des préconisations du rapport de nos collègues Catherine Di Folco et Didier Marie, lesquelles visent à maints égards à renforcer l’intégration des agents en situation de handicap.
Comment, enfin, ne pas mettre à profit le temps de parole qui m’est dévolu – il est important ! (Sourires sur les travées du groupe Union Centriste.) – pour féliciter deux de mes collègues du groupe Union Centriste, Jocelyne Guidez et Annick Billon, dont le travail a permis des avancées sociales.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Ah oui !
M. Jean-Marie Mizzon. L’extension du congé de proche aidant aux agents publics, d’une part, la possibilité pour les femmes salariées de la fonction publique d’allaiter leur enfant pendant leur temps de travail, d’autre part, sont deux mesures sociales garantissant l’équité entre les secteurs public et privé.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste est favorable à l’esprit de ce texte, quelles que puissent en être par ailleurs les insuffisances. Nous voterons bien entendu en faveur de ce projet de loi, en espérant que les recommandations et améliorations du Sénat trouveront un écho auprès du Gouvernement et de nos homologues députés. Nombre d’entre elles sont attendues avec impatience par nos agents publics, nos concitoyens et nos territoires : ne les décevons pas !
Comme il est de coutume de dépasser le temps de parole qui nous est imparti,… (Sourires sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. Non, pas du tout, veuillez conclure, cher collègue !
M. Jean-Marie Mizzon. … permettez-moi de conclure en citant Winston Churchill, qui disait à propos de changement, d’évolution et de mise au diapason : « Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge. » (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud.
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec l’examen du projet de loi de transformation de la fonction publique, nous voilà enfin devant des dispositions concrètes proposées par ce gouvernement pour réformer les moyens de l’action publique.
J’avoue que nous étions fort impatients d’apprendre ce qui suivrait les déclarations du président Macron, qui nous avait promis un choc d’efficacité concernant les effectifs de l’État d’ici au terme du quinquennat.
Car nous étions restés sur notre faim après les conclusions du comité Action publique 2022, dont les traductions concrètes tiennent finalement moins du big-bang annoncé que du feu de Bengale. Nous retenions donc notre souffle dans l’attente de ladite transformation de la fonction publique !
Mais comme l’ont très bien relevé les rapporteurs, Catherine Di Folco et Loïc Hervé, pour se hisser à la hauteur d’une telle ambition, il manquait à ce projet de loi de dessiner une nouvelle ère pour le fonctionnement de l’État, au lieu de borner son horizon à des ajustements techniques.
Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, ce texte présente des avancées positives pour rendre la gestion des besoins de la fonction publique plus efficace et les évolutions de carrières plus stimulantes. On ne peut que les saluer. Ces avancées sont d’autant plus salutaires aux yeux des sénateurs de mon groupe que certaines dispositions emblématiques avaient été proposées par le Sénat, comme l’harmonisation par le haut du temps de travail annuel des agents ou la possibilité de procéder à des ruptures conventionnelles dans la fonction publique.
Ces deux mesures incarnent la double nécessité qui doit guider tout employeur public : d’un côté, la gestion rigoureuse des moyens publics ; de l’autre, la souplesse au service de l’efficacité. Cette équation est plus facile à poser qu’à résoudre, et les élus locaux connaissent le difficile équilibre entre un service exigeant pour la population, qui sera effectué par des agents qui s’épanouissent dans leur métier, et des perspectives professionnelles renouvelées.
Je veux donc saluer les deux rapporteurs de la commission des lois pour avoir mené cet exercice d’équilibre au bénéfice d’un texte enrichi en ayant su relever les trois défis qu’ils s’étaient fixés : mieux répondre aux besoins exprimés par les collectivités locales, davantage gratifier la qualité du service des agents et donner enfin sa place au handicap.
Je tiens particulièrement à remercier Catherine Di Folco des nombreuses dispositions qu’elle a intégrées au texte du Gouvernement lors de l’examen du projet de loi en commission, et qui touchent à la fonction publique territoriale. Elle a su créer des outils efficaces pour répondre aux attentes que les élus locaux ont fait remonter en participant massivement à la consultation lancée auprès d’eux par le Sénat.
Parmi celles-ci, je saluerai la limitation à cinq ans de la durée maximale de prise en charge des agents placés dans la catégorie des fonctionnaires momentanément privés d’emploi. Cette mesure met un terme à des situations invraisemblables : certains fonctionnaires, sans occuper de poste, étaient pris en charge depuis plus de vingt ans par les centres de gestion ou le Centre national de la fonction publique territoriale.
Comment, mes chers collègues, peut-on regarder ses administrés dans les yeux et leur dire qu’on ne peut recruter tel ou tel agent utile pour la petite enfance, le sport ou la culture quand perdurent de telles situations ?
Quelle image donne-t-on aux agents de leur statut, censé être tourné vers le service de la collectivité, quand celle-ci n’est pas capable de mettre à profit leur énergie et leurs compétences ?
Quant à l’amendement déposé par François Bonhomme et massivement soutenu par le groupe Les Républicains, il va dans le même sens, en rationalisant les conditions de liquidation de la retraite d’un fonctionnaire momentanément privé d’emploi.
Au sein de la fonction publique territoriale et particulièrement dans les communes, il existe un lien affectif entre les agents et la collectivité qu’ils servent.
Voilà pourquoi l’implication de ces personnels doit être récompensée à hauteur de leurs mérites. C’est même là une demande formulée par les élus locaux eux-mêmes, qui est massivement apparue dans la consultation menée par le Sénat.
C’est pourquoi je salue l’idée des rapporteurs de rapprocher l’évaluation de la performance aux résultats du service tout entier, ce qui a vocation à affermir le lien entre les agents d’une même équipe dont les efforts tendent vers un objectif commun.
L’un des aspects qui me paraît primordial dans ce texte est la prise en considération des spécificités territoriales qui vise à favoriser l’installation des fonctionnaires territoriaux dans les zones rurales ou enclavées.
Cette mesure représente une avancée importante, voire essentielle, qui peut constituer un pacte gagnant pour les collectivités et les agents eux-mêmes.
Un mot sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, car nous avons en partage d’être issus du même territoire à profil plutôt rural.
Les agents qui permettent d’y faire perdurer la présence de l’action publique ne représentent jamais des dépenses superflues. La diminution des services publics de proximité n’est pas pour rien dans le sentiment d’abandon qui s’est manifesté si fortement depuis le déclenchement du mouvement des gilets jaunes, ou lors de bon nombre de scrutins depuis une dizaine d’années.
Il faudra s’en souvenir lorsque le gouvernement que vous représentez proposera un nouvel acte de la décentralisation avec à la clé, espérons-le, des moyens humains mieux répartis au cœur des territoires.
Dans l’immédiat, nous serons vigilants, et je ne vous cache pas notre inquiétude quant au redéploiement de certains services, comme ceux du Trésor public.
Plus de reconnaissance, un dialogue social modernisé et de meilleures perspectives de carrière permettent de remettre les agents au centre de l’action publique. Cette place restaurée et cette confiance réaffirmée doivent aller de pair avec un esprit de responsabilité réactualisé. Il y va tout simplement de l’image des 5,5 millions d’agents publics.
Je salue donc, monsieur le secrétaire d’État, le pragmatisme dont vous avez fait preuve en reprenant les propositions du Sénat concernant l’harmonisation du temps de travail. Vous proposez ainsi de mettre un terme aux dérogations au temps de travail annuel qui ne se justifiaient que par des pratiques locales, certes légales, mais que nos concitoyens, lesquels sont aussi, par le biais de leurs élus, les employeurs, ne comprennent plus.
La majorité du groupe Les Républicains a décidé de soutenir l’initiative de nos collègues Christine Lavarde et Dominique Estrosi Sassone : elles nous ont alertés sur le phénomène des grèves perlées, qui créent un rapport de force parfois déséquilibré entre les grévistes cessant leur activité en roulement et le service, qui peut être saturé et perturbé.
Dans le cadre d’un conflit social, le mouvement de grève conserverait ce moyen de pression, qui n’aurait rien d’indolore sur l’exécutif chargé de la collectivité concernée. Mais un rééquilibrage serait opéré dans certains secteurs, entre autres, celui de la collecte des déchets, dont l’interruption brutale a des conséquences sanitaires inacceptables, celui des transports publics de personnes, dont l’arrêt empêche les usagers de se déplacer pour aller travailler, et celui qui touche aux activités scolaires et périscolaires, car là aussi l’effet est le même : assigner les parents à domicile.
Si la France est parfois trop administrée, alors qu’elle ne l’est pas assez dans certaines zones, nous savons qu’elle est enviée pour sa fonction publique dévouée, compétente, honnête et efficace. Il ne manque à cette dernière que de déployer pleinement son potentiel en se modernisant et en traçant de nouvelles voies plus enthousiasmantes pour nos agents.
Si ce texte comporte de bons outils, il a besoin du savoir-faire du Sénat pour parachever son œuvre : voir éclore une fonction publique plus pragmatique, au service des citoyens de l’ensemble de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Monsieur le secrétaire d’État, alors que le Président de la République avait vaguement laissé supposer le possible abandon de la suppression de 120 000 postes dans la fonction publique, le Premier ministre puis vous-même avez au contraire confirmé cet objectif. Peut-être est-ce une nouvelle traduction du « en même temps » ?
C’est surtout en contradiction totale avec ce qu’exprime le pays, à savoir la nécessité de renforcer les équipes soignantes dans les hôpitaux, de réduire les effectifs dans les classes, de reconquérir l’égalité républicaine grâce à des services publics de proximité, modernisés, à même de faire reculer les inégalités.
Je veux en premier lieu souligner les conséquences de votre projet en matière d’éducation. Nous connaissons une crise de recrutement dans le métier d’enseignant, ainsi qu’une augmentation très inquiétante du nombre de démissions, encore récemment relevée dans le bilan social de l’éducation nationale. Il faut donc redonner attractivité et reconnaissance à la profession.
Vous choisissez une réponse court-termiste en généralisant le recours aux contractuels, alors que 20 % des agents de l’éducation nationale le sont déjà. Pour les seuls enseignants, le nombre a presque doublé en dix ans.
Cela risque de se traduire par une dégradation de la qualité des enseignements. Car la contractualisation ne signifie pas seulement précarité et instabilité pour les agents. Elle signifie aussi moindre exigence du recrutement, manque de formation et d’expérience, et par conséquent moindre qualité de l’enseignement dispensé. À l’inverse exact du besoin de renforcement de la formation des enseignants, que nous avons identifié, au Sénat, à plusieurs reprises.
Et avec la réduction constante des places aux concours – 45 postes de professeurs des écoles ouverts de moins, par exemple, cette année dans l’académie de Rouen –, le recrutement risque de se faire peu à peu essentiellement par contrat, comme c’est déjà le cas pour les accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH. Or nous voyons précisément combien, dans ce secteur, le recours au contrat entraîne des situations chaotiques, intolérables, pour les enfants comme pour les accompagnants.
Prendre en compte les nouveaux besoins, comme celui d’accompagner les enfants en situation de handicap, dans le cadre d’une école inclusive, voilà qui contribuerait à une modernisation de la fonction publique !
Il est d’autant plus regrettable de ne pas s’engager dans cette voie qu’un consensus se dessine aujourd’hui autour de la nécessité de sécuriser et de professionnaliser ces personnels. Ainsi pourrait être créé un corps de la fonction publique, afin de répondre à un besoin permanent, qui constitue objectivement une mission de service public. Il pourrait s’agir de l’une des mesures phares d’une loi ayant pour ambition de moderniser la fonction publique, plutôt que de la démanteler.
Je souhaite aussi évoquer les agents de la direction générale des finances publiques, qui font face à un plan social déguisé accompagnant la fermeture de nombreuses trésoreries dans nos territoires, alors même que la mission de service public de celles-ci est essentielle pour les particuliers, mais aussi pour les élus des petites communes qui ont besoin de ces services, afin de gérer les finances communales.
Enfin, le transfert des conseillers techniques sportifs aux fédérations, adopté par l’Assemblée nationale, est une mesure particulièrement funeste, car très peu – pour ne pas dire aucune – de fédérations sportives sont en mesure d’accueillir ces conseillers et de pérenniser réellement leur emploi. Cela contribuerait à déstabiliser un peu plus le modèle français du sport, en pleine préparation des jeux Olympiques de Tokyo, avant ceux de Paris.
La ministre des sports a indiqué qu’elle n’utiliserait pas cette disposition. Mais le plus sûr serait évidemment de la supprimer du texte. Vous pouvez compter sur nous pour intervenir en ce sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au travers de ce projet de loi, le Gouvernement s’enorgueillit de poser les bases d’un « nouveau contrat social » avec la fonction publique.
En novembre 2018, monsieur le secrétaire d’État, vous nous annonciez la couleur en demandant à l’administration de faire sa « révolution culturelle ».
Derrière ce vocabulaire empreint de sobriété, si caractéristique de la Macronie, que doit-on imaginer ? Plus de moyens, une meilleure écoute des demandes des agents, un renforcement de la fonction publique ? Parce qu’après tout cette fonction publique, qui est un atout pour notre pays, mérite bien cela, ne croyez-vous pas ?
Les bons chiffres économiques dont vous vous félicitez régulièrement, les investissements étrangers de plus en plus nombreux, ne croyez-vous pas qu’ils sont dus aussi à l’avantage compétitif que représente le maillage du service public dans notre pays ?
On aurait donc pu imaginer que vous renforceriez la fonction publique. Mais de renforcement, il n’y aura pas. Vous vous abritez derrière les totems de la souplesse, de l’agilité, des managers.
Il est vrai qu’en termes de souplesse idéologique et de gestion des ressources humaines vertueuse M. Macron est un spécialiste. L’Élysée a pourtant fait l’expérience des risques liés au recrutement de contractuels aux fiches de poste mal libellées et au profil incertain !
Ces totems trompeurs dissimulent mal une orientation très libérale. Lors de la dernière campagne présidentielle, M. Fillon avait inquiété une partie des agents de l’État en évoquant 600 000 suppressions de postes dans la fonction publique.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. 500 000 !
M. Jérôme Durain. M. Macron, qui n’était pas de droite, jouait aux offusqués : il n’en supprimerait que 120 000.
Oui, des suppressions, il y en aura. Combien ? On ne le sait pas. Cela dépend de l’humeur du jour. De M. Darmanin, soit l’aile droite du Gouvernement, ou de vous, monsieur Dussopt, qui êtes supposé incarner l’aile gauche, qui tient les comptes ? Qu’importe, puisque vous allez mettre en place la boîte à outils pour fragiliser durablement la fonction publique. Vous faites du « Fillon light » : il y a moins de suppressions de postes, mais le goût de la fragilisation du service public est bien le même.
Dans la période, le premier message à envoyer aux fonctionnaires, qu’ils travaillent aux urgences, dans les prisons, à l’école, sur les routes, consiste à les assurer de notre fierté, de nos encouragements et de notre écoute. À l’inverse, vous faites le choix de dépouiller les instances de dialogue social de leurs attributions.
Alors que s’ouvre le procès de France Télécom, groupe qui incarne à merveille les différences entre une gestion de service public et un management libéral à l’anglo-saxonne, vous exposez les trois versants de la fonction publique à cette culture qui risque de précariser les agents publics et d’affaiblir le service public !
Quand la presse se fait l’écho de harcèlement envers des déléguées départementales aux droits des femmes, vous revoyez à la baisse les exigences des dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, issues de l’accord du 30 novembre 2018 !
Votre projet de loi abandonne ainsi la trajectoire ambitieuse lancée sous le précédent quinquennat. De 2012 à 2017, l’objectif de primo-nomination féminine a été relevé de 20 % à 40 %. Une politique volontariste qui a fait la preuve de son efficacité, mais qui n’est, hélas, pas poursuivie. L’égalité entre les femmes et les hommes, grande cause du quinquennat, ce ne sera pas pour la fonction publique.
Monsieur le secrétaire d’État, que comptez-vous faire pour relancer le contrat social qui vous lie aux déléguées départementales aux droits des femmes qui luttent pour se faire titulariser ?
Vous supprimez les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, et les commissions administratives paritaires qui permettent d’assurer transparence et équité dans les décisions individuelles relatives aux carrières des agents sont dépouillées de leurs attributions. Elles ne traiteront plus de mobilité, de mutation, d’avancement et de promotion. Comment ces femmes défendront-elles leurs droits demain, alors même qu’aujourd’hui elles doivent lutter quand des structures adéquates existent pourtant ?
Je comprendrais, monsieur le secrétaire d’État, que vous n’appréciiez pas mon intervention. Mais j’aimerais que vous vous prononciez sur le cas de ces féministes fonctionnaires du quotidien.
Je comprendrais aussi que mon argumentaire contre certains aspects de votre projet de loi ne vous convainque guère. Mais Didier Marie et moi-même avons aussi des propositions à faire, au nom du groupe socialiste, visant à la défense d’un service public renouvelé, attractif pour ses agents et efficace pour les usagers.
Pour lutter contre la précarité, nous voulons élargir l’assiette de la prime de précarité à l’ensemble des CDD et limiter le nombre de renouvellements de CDD possible.
Alors que vous ouvrez la porte à d’innombrables mouvements de personnel en partance de la fonction publique, nous souhaitons renforcer les obligations déontologiques qui régissent les hauts fonctionnaires : remboursement de la pantoufle surveillé par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, vérifications fiscales, engagement de servir, lutte contre les conflits d’intérêts.
Pour pallier la perte d’attractivité induite par votre réforme, nous souhaitons ouvrir certains concours de la fonction publique territoriale aux candidats justifiant d’une certification professionnelle, et améliorer les possibilités de proroger les présences sur les listes d’aptitude.
Concernant le recours accru au contrat, nous souhaitons étendre la règle selon laquelle un emploi public ne peut être réservé à un contractuel, mettre en place les mêmes conditions de diplôme ou d’expérience professionnelle entre titulaires et contractuels, veiller à éviter les écarts de salaire entre eux.
Nous proposons également un droit à la déconnexion pour les agents publics et souhaitons aligner la fonction publique sur le régime plus favorable du code du travail en matière de congés pour décès familiaux. Nous avons été stoppés par l’article 40 de la Constitution, mais nous invitons le Gouvernement à reprendre certaines de nos propositions à son compte.
Autre proposition que nous avons déjà faite par le passé : nous voulons revenir sur le jour de carence pour les fonctionnaires. Mais cet amendement a, lui aussi, été retoqué sur le fondement de l’article 40… Les premiers résultats relativisent pourtant les bienfaits de cette mesure, que vous aurez l’occasion de nous présenter, monsieur le secrétaire d’État.
J’aimerais sortir des propositions concrètes pour aborder un point qui me tient à cœur : la manière.
Monsieur le président Bas, madame, monsieur les rapporteurs, j’ai personnellement trouvé exaspérantes les conditions d’examen de ce projet de loi en commission.
On sait que le Gouvernement donne un sens très personnel au mot « concertation ». Ainsi, après quinze mois de concertation et alors que tous les syndicats sont hostiles à ce texte, on nous parle de nouveau contrat social. C’est, hélas, le lot quotidien des parlementaires ! Nous avons travaillé sur ce texte dans des conditions qui ne permettent pas d’être de bons managers, comme dirait M. Dussopt. Nous travaillons vite et mal. Nous avons passé à peine une matinée en commission sur ce projet de loi dont l’examen va nous réunir de nombreux jours et nuits en séance. La procédure accélérée rencontre ses limites !
Pendant ce temps, le Président de la République ne cesse de répéter que le Parlement ne travaille pas assez vite. On croit rêver !
Le groupe socialiste, vous l’aurez compris, tentera malgré tout de remplir son office en ayant en tête les surveillants de prison, les enseignants, les policiers, les délégués aux droits des femmes, les agents des lycées. Pour que tous ceux-là et bien d’autres encore puissent servir la France, nous nous opposerons aux mesures qui nous semblent les plus contre-productives et espérons convaincre nos collègues siégeant sur d’autres travées de la pertinence de certaines de nos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la fonction publique française telle qu’elle existe aujourd’hui est l’héritière de plusieurs siècles d’histoire, qui ont abouti dans les années quatre-vingt à la création d’un véritable statut général. Aujourd’hui, elle emploie près de 5,5 millions d’agents, soit un ratio de 72 agents pour 1 000 habitants. À titre indicatif, la moyenne européenne est de 60 pour 1 000 habitants.
Fruit d’une concertation lancée dès le printemps 2018, sujet fort du grand débat, le projet de loi de transformation de la fonction publique qui nous est présenté aujourd’hui entend « bâtir la fonction publique du XXIe siècle avec plus de souplesse et de mobilité ». Il affiche donc, tout du moins dans son intitulé, une ambition certaine.
Il vise à moderniser le statut de la fonction publique et les conditions de travail, à s’adapter aux réalités du terrain régulièrement décrites par les élus. À ce titre, ce texte prévoit un recours accru aux contractuels, une fusion des instances représentatives du personnel, encourage la rémunération au mérite et touche à l’harmonisation du temps de travail. Il entre dans une nouvelle logique, tournée vers une politique de management, que l’on peut retrouver dans d’autres pays européens tels que l’Allemagne ou le Portugal.
Il s’agit donc avant tout d’un texte technique, dont on peut regretter qu’il ne donne pas une vision claire quant aux missions des agents publics, dans un contexte agité de refonte de notre architecture institutionnelle. Il a cependant le mérite de comporter des outils pratiques et concrets, que le Sénat a renforcés pour conférer les moyens d’agir aux employeurs publics.
En sa qualité de chambre des territoires, le Sénat travaille depuis de nombreuses années sur ce sujet. Le dernier rapport de notre collègue et rapporteur, Catherine Di Folco, intitulé Dialogue et responsabilité : quatorze propositions d’avenir pour la fonction publique territoriale, témoigne de nouveau de la réactivité et de l’anticipation du Sénat à réformer, proposer et innover.
La commission des lois, guidée par l’excellent travail des rapporteurs, Catherine Di Folco et Loïc Hervé, a donc retravaillé le texte en profondeur et l’a enrichi de 154 amendements, autour de trois objectifs : mieux répondre aux attentes des employeurs territoriaux ; mieux récompenser le mérite des agents ; mieux accompagner les agents handicapés.
Ces trois axes illustrent à la fois le pragmatisme sénatorial, l’écoute de la Haute Assemblée, sa volonté forte d’intégrer et de faire en sorte que chacun trouve sa place dans la société.
Les 50 000 employeurs territoriaux attendent des réponses et de la souplesse face aux défis et aux contraintes auxquels ils doivent faire face.
Les contraintes sont connues depuis plusieurs années : ce sont les normes, les coupes budgétaires, les transferts de compétences sans moyens supplémentaires, ou encore des mesures qui ont fortement affecté les petites communes, comme la suppression des contrats aidés décidée à quelques jours de la rentrée scolaire de 2017.
Les élus locaux employeurs ont besoin d’information et de visibilité : c’est en ce sens que le Sénat, par l’intermédiaire de la commission des lois, a introduit l’obligation de publier une feuille de route triennale dans laquelle l’État indiquerait l’incidence financière de ses décisions en matière de ressources humaines sur les budgets locaux. Cette obligation de visibilité et de projection devrait permettre aux collectivités de mieux gérer leur masse salariale, de mieux programmer les recrutements dans l’intérêt des agents et de la collectivité. Car le poids budgétaire des agents représente en moyenne, sachons-le, 35 % du budget des collectivités.
La souplesse de la gestion des ressources humaines, quasi généralisée en Europe, est devenue une condition de performance et d’adaptation aux réalités locales.
Il est donc important que les élus puissent assumer pleinement leur responsabilité d’employeur. Ils doivent pouvoir prendre appui pour cela sur la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences. Dans le même temps, les règles présidant au recrutement, à l’évolution professionnelle, à la formation et au management des agents territoriaux doivent être assouplies.
Ainsi, le projet de loi permet de recruter indifféremment un fonctionnaire ou un agent contractuel sur l’ensemble des emplois de direction de la fonction publique et dans les établissements publics de l’État. Les collectivités de moins de 1 000 habitants peuvent également recruter par voie de contrat sur l’ensemble de leurs emplois permanents.
Le Sénat a souhaité aller plus loin en prévoyant l’élargissement de la possibilité du recours aux agents contractuels, l’encouragement au recrutement sur titres, ou encore plus spécifiquement la facilitation de l’intégration des policiers nationaux et des gendarmes dans la police municipale. Ces dispositions, que la Haute Assemblée avait déjà pu évoquer, devraient conférer à l’employeur une maîtrise dynamique de sa masse salariale, ce à quoi nous sommes tous attachés.
Dans un deuxième temps, l’accent a été porté sur l’encouragement et la gestion de carrière des agents au travers de la rémunération au mérite. Celle-ci est la première attente des employeurs, comme le révèle une étude du Sénat. Véritable serpent de mer, elle fait peu à peu son nid.
Selon les collectivités qui la mettent en place, elle permet de mieux reconnaître et valoriser l’investissement de chacun. Elle permet d’influer sur la motivation, donc sur la performance. Elle doit s’appuyer sur un entretien professionnel objectivé. Sur l’initiative des rapporteurs, les primes des agents prendront désormais en compte les résultats du service, et pas uniquement les résultats individuels. Fixer des objectifs collectifs peut en effet constituer un levier managérial efficace, notamment pour des missions d’exécution.
De même, le régime indemnitaire pourra prendre en considération les spécificités territoriales, auxquelles le Sénat est particulièrement attaché, notamment pour encourager les agents publics à s’installer dans des zones enclavées.
Le Sénat utilise ainsi les leviers pour lutter contre la désertification de nos territoires et le sentiment d’abandon qui s’y développe.
Dans un troisième temps, le recours à l’apprentissage a été renforcé dans la fonction publique territoriale.
L’apprentissage est un levier majeur pour la formation des jeunes, par la transmission du savoir-faire. C’est un sujet auquel je suis particulièrement attachée, puisqu’au cœur de l’action des missions locales. Il permet d’intégrer les jeunes les plus éloignés de la formation par une dimension pratique, tout en leur donnant une première expérience professionnelle au contact de la réalité du monde du travail. Il permet aussi de multiplier les chances du futur diplômé de trouver un emploi.
Les apprentis apportent un regard neuf, une vision nouvelle dans la structure d’accueil, tout en contribuant dans la fonction publique notamment à diversifier les filières de recrutement.
Les administrations publiques peuvent recourir à l’apprentissage depuis la loi du 17 juillet 1992. Pourtant, les collectivités, qui ne peuvent bénéficier des incitations financières prévues pour les entreprises, peinent à recruter des apprentis. Afin de lever cette difficulté et pour pallier celle qui a été renforcée depuis la loi du 5 septembre 2018, a été adopté un amendement prévoyant une participation de l’État à hauteur de 23 millions d’euros au financement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale ; je m’en réjouis.
Enfin, la commission des lois a souhaité renforcer l’intégration des personnes en situation de handicap. Avec la loi de 1975, puis celle de 2005, a été engagée une politique inclusive de la personne en situation de handicap au cœur de la société.
Aujourd’hui, sur un total de 938 000 travailleurs en situation de handicap, un peu plus de 250 000 sont des agents publics, soit 22 %. Un autre signe encourageant est la progression du taux d’emploi légal des personnes handicapées, qui est passé de 3,74 % en 2006 à 5,61 % en 2018.
Reprenant les préconisations du rapport intitulé Donner un nouveau souffle à la politique du handicap dans la fonction publique, de Catherine Di Folco et Didier Marie, la commission des lois a renforcé à juste titre l’intégration des agents en situation de handicap en prévoyant un ensemble de dispositions complémentaires.
Sera ainsi autorisée une expérimentation pour pérenniser le financement du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, actuellement en péril. Si le modèle économique de ce fonds repose sur une logique incitative, il subit actuellement un effet de ciseaux : depuis 2013, ses dépenses d’intervention sont supérieures aux contributions reçues.
Le nouveau modèle prévu s’organiserait autour d’une part fixe, soit 0,1 %, et d’une part variable basée sur le mécanisme du bonus-malus.
Est également prévue l’intégration dans la fonction publique des apprentis en situation de handicap, sous réserve de leur aptitude professionnelle. Cette disposition permettra de renforcer l’accès à l’emploi public des personnes handicapées, tout en s’inscrivant dans une démarche pragmatique.
En outre, un droit à la portabilité des aménagements de poste, pour que les agents puissent conserver leur aménagement lorsqu’ils changent d’employeur, a été entériné. Là encore, cette proposition relève d’une vision pragmatique et efficace.
Le texte qui nous est soumis a été substantiellement enrichi par la commission des lois. Il permettra de doter les employeurs d’outils rendant possible une gestion stratégique de la masse salariale, et ce dans une perspective d’évolution de la répartition des compétences et des métiers de la fonction publique.
Les volets de l’accès à la fonction publique par la voie de l’apprentissage et du renforcement de l’intégration des personnes handicapées viennent compléter ce dispositif, et je m’en réjouis.
Je voterai donc, comme mon groupe, en faveur de ce projet de loi considérablement enrichi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. François Bonhomme. Monsieur le secrétaire d’État, nous voilà enfin parvenus à la discussion de ce projet de loi de transformation de la fonction publique, et le moins que l’on puisse dire, c’est que vous avez annoncé la couleur : transformer la fonction publique, fichtre ! On peut dire que votre texte affiche une ambition qui n’est pas mince !
Transformer la fonction publique, cela signifie faire évoluer les situations, les pratiques et le quotidien de près de 5,5 millions d’agents publics en France. Cela implique aussi d’améliorer le recrutement, la formation et le déroulement des carrières. Cela signifie, enfin, se pencher sur les principes déontologiques qui organisent la fonction publique. En somme, il s’agirait de réinventer celle-ci sans revenir sur la tradition française du service public et sur les grandes lois statutaires de 1983 et 1984.
Vous affirmez que votre projet de loi parvient à cet équilibre, qu’il transforme la fonction publique sans en renier les fondements, voire même qu’il « refonde le contrat social » qui lie les agents au service de notre pays. Qu’en est-il de la réalité de ces dires ? Devant le bric-à-brac de mesures contenues dans le présent texte, on cherche en vain une vision d’ensemble.
Le président de la commission des lois, Philippe Bas, avec le sens de la formule et de la litote qui lui est propre, évoquait une « boîte à outils » ! Cette métaphore traduit le caractère désordonné et parfois hétéroclite du projet de loi.
Sans prétendre à l’exhaustivité, je reviendrai sur quelques-unes de ces mesures.
En premier lieu, il me semble qu’un certain nombre de dispositions répondent aux attentes des employeurs territoriaux et vont dans le bon sens.
Faciliter le recrutement de contractuels, notamment dans les plus petites des collectivités territoriales, donnera une souplesse de gestion grandement attendue par les élus locaux.
Si j’étais malicieux, je dirais que nous aurions été curieux de savoir ce que, encore député de l’« ancien monde », vous auriez pu en dire… Comme il faut être bienveillant – et nous le sommes –, je préfère saluer votre souplesse et votre agilité, qui ne sont pas anecdotiques, ainsi que la vivacité avec laquelle vous défendez une telle disposition. Disons que cela relève des mystères de la conversion ! L’engagement politique comporte sa part d’énigme, il faut le reconnaître.
Cela confirme au moins que ce sont souvent les plus fraîchement convertis à une cause nouvelle qui se révèlent parfois les plus fervents et les plus ardents pour la défendre.
Je retiens également un intéressement croissant des fonctionnaires à l’activité de leur service, qui me semble constituer une évolution positive, au même titre que l’harmonisation du temps de travail dans la fonction publique territoriale.
Par ailleurs, j’espère que la fusion de la HATVP et de la commission de déontologie de la fonction publique, fruit des travaux de l’Assemblée nationale, pourra favoriser la diffusion, toujours plus large, d’une culture de la déontologie dans la fonction publique.
Enfin, le projet de loi comporte des mesures intéressantes relatives à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, qu’il nous faut saluer, ainsi que des mesures en faveur des personnes handicapées.
Je note au passage que ces dispositions ont été significativement améliorées par des amendements de nos collègues Catherine Di Folco et Didier Marie, qui ont repris les préconisations de leur récent rapport d’information intitulé Donner un nouveau souffle à la politique du handicap dans la fonction publique. Je souhaite que ces éléments trouvent leur place dans le texte final.
Réformer la fonction publique est utile et même nécessaire. J’espère que la discussion de ce projet de loi fera émerger des voies et des outils concrets pour cela. Car il faut que ce texte améliore très concrètement la qualité des services rendus par les administrations aux Français, en particulier dans les territoires, tout en offrant aux agents publics une plus grande fluidité de leurs parcours.
Cela étant dit, sans céder au pessimisme, je n’attends pas de ce texte le changement profond que nos concitoyens souhaitent. Un certain nombre de questions demeurent en effet. Par exemple, quelles missions doivent être remplies par des fonctionnaires, et quelles missions peuvent l’être par des agents contractuels ?
Recourir de manière accrue aux contractuels peut certainement présenter un intérêt. Mais le faire sans l’inscrire dans une démarche plus cohérente revient à prendre le risque du désordre dans les services et de l’incertitude sur la maîtrise des masses financières en jeu.
Une telle démarche impliquerait aussi un travail plus approfondi sur les modalités de recrutement et des concours. Or le projet de loi n’offre pas de réflexion globale satisfaisante sur ces sujets cruciaux. On n’y retrouve guère les ambitions d’une réforme politique d’ampleur. Au lieu de cela, ce texte privilégie un chapelet de mesures techniques qui ne sont parfois pas sans contradiction entre elles. Cette situation laisse craindre une occasion manquée, même après quinze mois de discussions entre le Gouvernement et les représentants des agents publics.
Enfin, on reste sceptique devant votre projet de recourir aux ordonnances. Monsieur le secrétaire d’État, était-il nécessaire de remettre à une ordonnance d’importants éléments de réforme du recrutement et de la formation des hauts fonctionnaires, avant même la publication du rapport Thiriez ?
Sur un sujet aussi important que celui de l’avenir de la fonction publique, il serait préférable de se borner à recourir aux ordonnances dans les cas spécifiques où leur plus-value paraît incontestable.
Par exemple, on ne peut qu’accueillir favorablement la codification, par ordonnance et à droit constant, du droit de la fonction publique.
On pourra toujours considérer que ce projet de loi a le mérite de mettre le sujet de la fonction publique sur la table, et, conformément à ses habitudes, le Sénat s’efforcera d’apporter une contribution riche et utile.
À ce titre, je tiens à saluer tout particulièrement le travail considérable des rapporteurs de la commission, Catherine Di Folco et Loïc Hervé. Ceux-ci ont fait œuvre d’orfèvre, afin d’améliorer le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.
Leur attention s’est notamment portée vers les enjeux locaux, comme les conditions de la mobilité des personnels vers les polices municipales.
Nous restons donc sur notre faim, même si nous nous efforcerons d’être une force de proposition agissant en faveur d’une réforme réelle de la fonction publique, afin de pouvoir aboutir à un texte qui soit véritablement une amélioration. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d’abord remercier l’ensemble des orateurs de la discussion générale, des deux rapporteurs en passant par ceux qui sont intervenus lors de la présentation de la motion, laquelle a été rejetée par votre assemblée, jusqu’au dernier à s’être exprimé.
Monsieur Bonhomme, je commencerai par un clin d’œil, puisque vous n’avez pas manqué d’en faire dans votre intervention. Vous m’avez demandé ce que j’aurais fait il y a deux ans : j’aurais voté ce projet de loi, comme l’ensemble ou la quasi-totalité de mon groupe, tout comme mon groupe de l’époque avait voté en faveur du projet de loi qui réformait le code du travail. Peut-être y a-t-il là une forme de continuité que vous observerez au fil du débat.
J’ai bien noté, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’au cours des heures et des jours que nous allons passer ensemble un certain nombre de sujets reviendront de manière assez prégnante.
D’abord, la question du statut. Je réitère mon affirmation : le présent texte ne remet pas en cause les principes fondamentaux de ce statut ; nous procédons à sa modernisation.
En lien avec cette modernisation se posera aussi la question à la fois de la place, du rôle et de l’ampleur du recrutement des contractuels. Un certain nombre de dispositions adoptées par votre commission des lois peuvent paraître, en l’état des expressions des associations d’élus, contradictoires avec les attentes de ces derniers, notamment sur la fonction publique territoriale.
Nous devrons aussi revenir, au-delà de la question de l’ampleur de l’ouverture des recrutements contractuels, sur le rôle de ceux-ci. Je le rappelle par avance – nous aurons le débat dans quelques instants lors de l’examen d’un amendement déposé par Mme Assassi –, l’article 32 de la loi de 1983 précise que les agents contractuels sont assujettis aux mêmes devoirs et bénéficient des mêmes droits que les agents titulaires, garantissant ainsi leur indépendance et leur plein rattachement, si vous me permettez cette expression, au statut.
Nous devrons aussi débattre du dialogue social et du rôle des commissions administratives paritaires, comme de notre volonté de décentraliser, de déconcentrer, le dialogue social, en autorisant des accords majoritaires locaux. C’est une disposition à laquelle j’ai dit tout mon attachement.
Nous devrons également discuter des questions relatives au handicap, puisque Mme la rapporteur a saisi opportunément et légitimement l’occasion de l’examen du texte par la commission pour intégrer des dispositions sur lesquelles nous pouvons avoir quelques nuances ou divergences. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Sur la question de l’égalité entre les femmes et les hommes – nous y reviendrons au cours de la discussion des articles –, monsieur Durain, j’ai trouvé votre jugement sévère et injuste, puisque le protocole que nous transposons dans la loi a été salué par l’ensemble des organisations syndicales, y compris les non-signataires, et les employeurs territoriaux comme marquant une avancée en la matière.
Non seulement nous allons poursuivre la trajectoire visant à renforcer l’obligation de nominations équilibrées de femmes et d’hommes à un certain nombre de postes de direction, mais nous introduisons une nouveauté. Il s’agit de l’obligation d’une répartition entre les femmes et les hommes des avancements et des promotions au choix qui soit proche de celle des corps et des cadres d’emploi concernés, pour permettre l’accès à l’encadrement intermédiaire. C’est par l’accès à ce type d’encadrement que l’on nourrit les viviers permettant un accès plus facile à des emplois de direction.
M. Bonhomme et d’autres intervenants qui me pardonneront de ne pas les citer nommément ont évoqué la question du concours. Nous y travaillons, ainsi que sur la question du recrutement des titulaires dans la fonction publique : concours adaptés, concours de la troisième voie, révision du format et de la nature même des épreuves ou des matières soumises à concours. L’ensemble des questions relatives aux concours relève du champ réglementaire : c’est la raison pour laquelle nous n’avons introduit aucune disposition dans le texte de loi. Mais les travaux sont en cours ; nous en sommes à la deuxième ou troisième réunion de travail avec les organisations syndicales sur ce sujet.
Enfin, je termine par un mot, puisque beaucoup d’entre vous ont manifesté leur attention quant à la présence de services publics de proximité…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Oui !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … et exprimé leur volonté que l’État puisse réinvestir les territoires. Ce désir rencontre la volonté du Gouvernement, exprimée par le Président de la République et par le Premier ministre, à la fois d’identifier les services pouvant être exercés, parce que ce sont des services d’instruction, dans des territoires ruraux ou périurbains, et de rappeler, comme il le fait depuis 2018, et encore récemment par la circulaire du 12 juin dernier, que l’échelon départemental lui paraît être le plus pertinent pour organiser l’intervention de l’État dans les territoires.
M. Laurent Duplomb. Ce n’est pas le parti socialiste qui voulait supprimer les départements ?…
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. En revanche, après vingt ans de diminution des effectifs dans la fonction publique d’État, avec un tropisme qui a toujours conduit à supprimer des postes plutôt dans les services déconcentrés que dans les administrations centrales, il est nécessaire de mener une véritable entreprise de déconcentration et d’accompagner les mouvements fonctionnels et géographiques des agents. Le texte que je présente devant vous permettra de faire cet accompagnement dans de bonnes conditions, et pour ces derniers et pour les services.
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le secrétaire d’État, je ne voudrais pas laisser sans suite la grande ouverture d’esprit dont vous avez témoigné dans votre réponse à mes collègues qui se sont exprimés à la tribune. Je veux souligner que la matérialisation de cette ouverture d’esprit, de mon point de vue de président de la commission des lois, et mes collègues auront certainement leur propre opinion en l’espèce, devrait porter sur un certain nombre de points du texte tel que nous avons essayé de le retravailler.
Nous avons abordé l’examen de ce projet de loi avec un préjugé qui n’était pas défavorable. Mais certains sujets nous tiennent à cœur, et je vais les citer en vrac, pour que vous soyez bien averti de ce qui est important pour nous : l’apprentissage, notamment dans les collectivités locales, de nouvelles souplesses de gestion pour les exécutifs locaux, la fin d’un certain nombre d’abus qui n’ont pas été corrigés par les gouvernements successifs, notamment s’agissant des personnes momentanément privées d’emploi – mais il y a d’autres exemples –, et un effort plus important pour l’insertion des personnes handicapées – sur ce point, je veux de nouveau saluer le travail qui a été fait par Catherine Di Folco et André Marie ici présent.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Didier Marie !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Pardonnez-moi, mon cher collègue. Il y a eu un André Marie très prestigieux sous la IVe République, donc vous pouvez assumer l’héritage !
Il y aura également la question de l’habilitation à légiférer par ordonnances – plusieurs demandes figurent dans votre texte, monsieur le secrétaire d’État –, procédure à laquelle nous sommes généralement défavorables. Nous sommes là pour légiférer : c’est ce que prévoit la Constitution.
Parmi les habilitations, il y en a une que nous pourrons accepter, si toutefois vous vous montrez disposé à ce que son périmètre soit mieux défini : celle qui fait l’objet de la mission qui a été confiée par le Gouvernement à M. Frédéric Thiriez ; nous ne voulons pas vous signer un chèque en blanc dans ce domaine et nous aurons à cœur de nous expliquer de manière approfondie sur ce point.
M. le président. Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi de transformation de la fonction publique
TITRE Ier
Promouvoir un dialogue social plus stratégique et efficace dans le respect des garanties des agents publics
Article 1er
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi rédigé :
« Les fonctionnaires participent par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans des organismes consultatifs à l’organisation et au fonctionnement des services publics, à l’élaboration des règles statutaires, à la définition des orientations en matière de politique de ressources humaines et à l’examen de décisions individuelles dont la liste est établie par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. Peu de temps après l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé nous est proposé ce projet de loi de transformation de la fonction publique qui vise à moderniser le statut et les conditions de travail dans la fonction publique, en assouplissant les modalités de recrutement des agents publics.
En effet, il s’agit là de la réponse du Gouvernement à la dégradation des services publics.
Les services publics d’aujourd’hui sont-ils en adéquation avec les besoins des usagers ? Non !
Faut-il redonner toute leur place aux services publics dans toute leur diversité ? Bien entendu !
Ce projet de loi est-il la réponse adaptée ? Je n’en suis pas sûr !
Je tiens à rappeler à cette assemblée le rapport annuel sans concession du Défenseur des droits, Jacques Toubon, qui insiste sur l’explosion des inégalités, de la précarité, de la pauvreté.
Il dénonce principalement la réduction du périmètre des services publics, fruit de la privatisation des services organisés en réseau – la poste, les télécommunications, l’eau, le gaz, etc. ; le désengagement de l’État de ses obligations, par le recours à la délégation massive de certains services publics ; les restrictions budgétaires frappant les services publics demeurés dans le giron de l’État.
D’ailleurs, les chiffres sont éloquents : plus de 140 000 demandes d’interventions ou de conseils auprès du Défenseur des droits, 95 000 dossiers de réclamations, dont 55 785 concernant les relations avec les services publics, soit une augmentation de 10,3 % en 2018, sachant que le nombre de réclamations était de 38 091 en 2010. On voit bien qu’il est urgent d’agir.
Mais le texte qui nous est proposé sera, en l’état, générateur d’insécurité juridique en raison du manque de précisions sur certaines notions et certains dispositifs, notamment le contrat de projet. De la même manière, que se passera-t-il si un fonctionnaire refuse un détachement ?
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, sur l’article.
M. Didier Marie. Le dialogue social peut se définir comme l’ensemble des processus d’échanges organisés entre représentants des employeurs et des salariés. Cette définition s’applique aussi bien au secteur privé qu’au secteur public. Mais les spécificités de la fonction publique singularisent largement le dialogue social qui s’exerce en son sein, les fonctionnaires étant soumis à un régime juridique exorbitant du droit commun.
La conception française du rôle de l’État dans la société a déterminé le mode de régulation des rapports de celui-ci avec ses agents. La place reconnue à la puissance publique dans la définition de l’intérêt général justifie la prédominance du principe hiérarchique dans son organisation, et donc la situation statutaire des fonctionnaires. C’est l’État employeur qui fixe unilatéralement les conditions d’emploi de ses agents, ainsi que l’étendue de leurs droits et de leurs obligations.
Ce dialogue social dans la fonction publique doit ainsi emprunter un chemin de crête entre principe hiérarchique et participation. En 1946, le dialogue social fut conçu comme un compromis visant à contrebalancer la rigidité de la subordination statutaire par une consécration des garanties individuelles et collectives des fonctionnaires. Ce principe de participation veut que les agents soient associés aux mesures qui les concernent, qu’elles soient individuelles ou collectives.
C’est l’application à la fonction publique du principe posé par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Cette participation des fonctionnaires est mise en œuvre selon le premier alinéa l’article 9 du titre Ier de leur statut général par l’intermédiaire de leurs délégués siégeant dans les organes consultatifs. Au-delà de la reconnaissance du droit syndical, ce principe de participation affirmé par l’article 9 susvisé s’étend de la vie institutionnelle à la gestion de la fonction publique.
C’est ce principe de participation, qui a pourtant été réaffirmé comme principe général du droit par le Conseil constitutionnel en juillet 1977, que l’article 1er du présent projet de loi attaque en réduisant la capacité d’intervention des délégués du personnel, en les privant notamment, par le dessaisissement des CAP, de l’examen des situations individuelles et en réduisant leur champ d’action dans le domaine de la prévention de la santé des agents par la fusion des comités techniques et des CHSCT.
C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons les amendements de suppression de cet article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 15 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 97 rectifié bis est présenté par MM. Marie, Durain et Kanner, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur, Sutour, Tourenne, Antiste, Bérit-Débat, Montaugé, Temal et Raynal, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 15.
Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement, nous proposons de supprimer le premier article du projet de loi que nous examinons.
En effet, sous couvert de réaffirmer le principe constitutionnel de participation des agents publics, notamment par l’intermédiaire de leurs délégués, au fonctionnement des services publics, l’article 1er vise en réalité à supprimer la mention conférant aux syndicats l’examen des décisions individuelles relatives aux carrières des fonctionnaires.
Le mécanisme est habile, puisque cet article renvoie à un décret la définition des décisions individuelles qui relèvent de ce principe de participation, remplaçant ce dernier par un principe général de participation à la définition des orientations en matière de politique de ressources humaines, ce qui est – vous me l’accorderez – totalement différent.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que le principe de participation est né après-guerre, inspiration ayant été prise notamment des travaux du Conseil national de la Résistance participant à reconnaître des droits économiques et sociaux collectifs, et qu’il constitue l’un des piliers de notre démocratie comme principe général du droit, reconnu comme tel en 1977.
Dans la lignée idéologique de l’ensemble du projet de loi, le dispositif proposé réduit néanmoins de manière significative la démocratie sociale au sein de la fonction publique, en amenuisant de fait le rôle des commissions administratives paritaires, même si la commission des lois a rétabli ces commissions dans certaines de leurs prérogatives.
Cette décision est tout à fait symptomatique de la volonté du Gouvernement de transformer cette instance paritaire en lieu de consultation purement formelle et d’en limiter le nombre. Le dessein au fond est bien celui-là, tel qu’exposé dans l’étude d’impact, puisqu’il est indiqué que la réforme des CAP devrait se traduire par une incidence budgétaire positive. Cette disposition va donc dans le sens de l’austérité budgétaire réalisée sur le dos de la démocratie sociale.
Je rappelle que les commissions administratives paritaires sont pourtant essentielles à la vitalité du dialogue social au sein de la fonction publique. Elles constituent un rempart contre les intérêts particuliers et contre l’arbitraire auquel peuvent être soumis un certain nombre de fonctionnaires.
Nous demandons donc la suppression de l’article 1er, afin que les syndicats puissent continuer d’influer sur les décisions relatives aux carrières des fonctionnaires, et ainsi concourir au bon fonctionnement des services publics.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 97 rectifié bis.
M. Didier Marie. L’article 1er, qui chapeaute les suivants, permet la fusion des instances du dialogue social et puise directement son inspiration dans les dispositions qui ont été appliquées aux entreprises privées, il y a un peu plus de dix-huit mois. Je tiens à faire le parallèle et à vous alerter, mes chers collègues, sur ce point.
Le constat des organisations syndicales, que nous avons consultées pour faire le point sur les dispositions en vigueur depuis leur adoption il y a dix-huit mois, est unanime. Quand nous leur demandons si la fusion des instances a été de nature à renforcer le dialogue social, elles répondent sans équivoque que tel n’est pas le cas, que les accords conclus sont de piètre qualité, et que, si les entreprises qui bénéficiaient d’un dialogue social de bonne qualité l’ont conservé, on se contente, pour le reste, du minimum légal.
Je crains que l’erreur qui a été commise à l’égard du secteur privé ne finisse par contaminer la fonction publique, dont la réforme s’inspire de cette fusion des instances du dialogue social. Je le dis en particulier s’agissant de la suppression des CHSCT, parce que je redoute que la question de la sécurité et de la santé au travail ne finisse par devenir secondaire dans la discussion menée par un certain nombre des partenaires sociaux au sein de ces instances regroupées.
Je suis d’ailleurs intéressé de connaître la position de M. le secrétaire d’État, qui, me semble-t-il, a changé d’avis en quelque temps sur ce sujet.
De plus, avec cet article, on court le risque de réduire les commissions administratives paritaires à peu de chose, alors qu’elles étaient auparavant consultées sur les situations individuelles sans toutefois disposer de pouvoir de décision. Elles étaient, en revanche, un facteur de transparence, un moyen d’éviter que l’arbitraire ne s’immisce dans l’avancement des agents – je mets ce risque de favoritisme en regard de l’usage inconsidéré que vous voulez faire du contrat en concurrence avec le statut et, surtout, avec le concours, monsieur le secrétaire d’État.
Chaque fois que vous affaiblissez les protections statutaires, vous affaiblissez non pas tant la protection des agents que celle de l’ordre public et de l’intérêt général que ceux-ci défendent.
Vous mettez en danger la défense de cet intérêt général par les fonctionnaires, et c’est la raison pour laquelle nous souhaitons que cet article soit supprimé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer l’article 1er qui modifie la formulation du principe de participation des agents au sein de la loi Le Pors.
Le projet de loi issu des travaux de la commission des lois ne reprend pas l’ensemble des modifications relatives aux organes paritaires des trois versants de la fonction publique, notamment en ce qui concerne les compétences des CAP, comme Mme Cukierman l’a elle-même rappelé.
Néanmoins, les options que nous avons retenues rendent nécessaire la modification prévue à l’article 1er, en particulier en ce qui concerne la mention des décisions individuelles.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite profondément modifier l’organisation du dialogue social dans la fonction publique. Il veut passer d’une organisation en trois instances à une organisation en deux instances, en fusionnant les comités techniques et les CHSCT, sans qu’il y ait de perte de compétences en matière d’hygiène et de sécurité, et ce pour deux raisons.
Actuellement, seuls les membres des CHSCT sont assujettis à une obligation de formation aux questions d’hygiène et de sécurité ; demain, l’intégralité des membres de la nouvelle instance y sera soumise.
Par ailleurs, nous prévoyons qu’à partir de 300 équivalents temps plein dans la fonction publique d’État et la fonction publique hospitalière et de 200, à la demande de l’AMF particulièrement, dans la fonction publique territoriale une formation spécialisée soit chargée de traiter les questions d’hygiène et de sécurité, ce qui devrait rassurer M. Marie.
J’en viens au principe de participation, auquel nous avons veillé ; il est maintenu. Aux termes du neuvième considérant de son avis, « le Conseil d’État souligne qu’il s’agit d’une véritable refonte des instances de dialogue social dans la fonction publique. Il considère que la création de cette nouvelle instance, en lieu et place des instances existantes, ne méconnaît aucun principe constitutionnel, notamment pas le principe de participation. Il estime que l’institution des comités sociaux permettra, de surcroît, de simplifier les conditions du dialogue social entre les administrations et les représentants des agents, s’agissant par exemple des évolutions futures de l’organisation du travail induites par les nouvelles technologies. »
Enfin, j’ajoute que nous avons prévu que cette nouvelle instance couvre l’ensemble des compétences des comités techniques et des CHSCT et que lui soit ajoutée une compétence nouvelle : la définition des lignes directrices de gestion des ressources humaines, les sujets concernant la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ou encore les règles d’accès à la mobilité et à la formation.
Pour toutes ces raisons, nous considérons que le principe de participation et le dialogue social sont garantis. L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. J’apporterai simplement deux précisions.
Tout d’abord, ni les organisations syndicales ni les organisations d’employeurs n’étaient demanderesses de cette refonte du dialogue social. Monsieur le secrétaire d’État, vous citez le Conseil d’État : un peu plus loin dans son avis, il indique que s’il ne s’oppose pas aux propositions du Gouvernement, il n’en appelle pas moins à la vigilance quant à la qualité du dialogue social une fois ces instances fusionnées.
Je crois qu’il y a là un véritable problème. Nous mesurerons d’ici quelque temps, malheureusement, les dégâts occasionnés. À mon sens, il s’agit d’un affaiblissement très important du dialogue social qui est à la fois néfaste bien évidemment pour les agents, mais aussi pour les employeurs, car, dans le cadre du dialogue social actuel, les échanges permettaient également de les protéger.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. C’est ni plus ni moins que la mise en place du comité social et économique, le CSE, dans la fonction publique ! Monsieur le secrétaire d’État, nous rencontrons de nombreux syndicalistes d’entreprises privées, lesquelles ont jusqu’au 31 décembre prochain pour mettre en place les CSE. Un certain nombre d’entre elles l’ont déjà fait, et comme vient de le dire mon collègue, tous les syndicalistes – à moins que vous ne me contredisiez – nous disent que la qualité du dialogue social s’est amenuisée. Voilà la réalité !
Avant, nous pouvions aborder toutes les questions dans les CHSCT, avec les délégués du personnel et ainsi approfondir le dialogue social dans l’entreprise ; maintenant, certaines instances représentatives ayant été fusionnées, les représentants sont malheureusement moins nombreux. Cela signifie qu’un certain nombre de syndicalistes ont été « professionnalisés », ce qui nuit à la qualité du dialogue social.
Dans la fonction publique, vous faites exactement la même chose, alors que vous n’avez même pas encore établi le bilan de ce que vous avez réalisé dans les entreprises privées.
Pouvez-vous nous dresser un premier bilan de la mise en place des CSE ? Que vous en ont dit les syndicats ? Est-ce, comme vous nous le racontez, un dispositif assez exceptionnel ? Car nous devons confronter nos idées et nos points de vue avant d’adopter sa mise en place dans la fonction publique.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 et 97 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 507, présenté par Mme Jasmin et MM. Lurel et Antiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
statutaires
insérer les mots :
et de déontologie
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Il s’agit d’un amendement de repli, le précédent n’ayant pas été adopté.
Cet amendement vise à inscrire explicitement la déontologie dans le champ des orientations soumises à la participation des fonctionnaires ou de leurs représentants au sein de la nouvelle instance consultative créée par le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire explicitement la déontologie dans le champ des orientations soumises à la participation des fonctionnaires.
Or la déontologie des fonctionnaires relève de la seule compétence du législateur pour ce qui est de fixer les règles applicables, et de l’autorité de l’administration et de la HATVP, pour en apprécier l’application.
Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 216, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
décisions individuelles
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Nous souhaitons supprimer la disposition qui indique qu’à l’avenir un décret établira une liste des décisions individuelles sur lesquelles les CAP se concentreront, et donc en creux toutes les décisions qui ne relèveront plus de ces instances.
Il s’agit en réalité de réduire le périmètre du principe de participation des agents. Nous tenons alors à vous alerter. Que va-t-il se produire en l’absence de consultation des commissions administratives paritaires ? Le doute va s’installer sur l’arbitraire de la décision, qui a souvent de lourds impacts personnels. Nous pouvons craindre une augmentation du contentieux, et par conséquent de la conflictualité au sein de l’administration.
En fait, une telle réforme aboutira à une moins bonne prise en compte des situations individuelles et collectives, à un manque de transparence et in fine à un accroissement des tensions au sein des administrations.
Est-ce réellement cela la modernisation des instances de dialogue social ? Nous ne le croyons pas, particulièrement dans un contexte social déjà extrêmement compliqué.
D’ailleurs, les syndicats représentatifs se sont unanimement opposés à cette disposition qui remet en cause non seulement le principe de participation, mais également leur utilité au bénéfice de ces mêmes agents. Nous vous demandons donc de renoncer à ces économies d’échelle, comme vous dites, monsieur le secrétaire d’État, qui sont en réalité des économies de pacotille, et de conserver les instances de dialogue social, qui ont fait leurs preuves par leur composition paritaire pour traduire les principes fondateurs de la fonction publique de responsabilité et d’impartialité.
Nous demandons par cet amendement la suppression du renvoi au décret pour la définition des décisions individuelles qui ne relèveraient plus du principe de participation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Le présent amendement tend à réintroduire dans le champ du principe de participation l’ensemble des décisions individuelles relatives aux agents.
Comme nous l’avons déjà indiqué, les options que la commission a retenues rendent nécessaire la modification prévue à l’article 1er, notamment en ce qui concerne la mention des décisions individuelles puisque nous ne les reprenons pas toutes.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable, pour des raisons à la fois identiques à celles qu’a exposées Mme le rapporteur, mais aussi pour des raisons plus larges, puisque le Gouvernement, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, ne partage pas certaines options en matière de promotion retenues par la commission des lois.
Au-delà, nous avons prévu dans le modèle d’organisation du dialogue social que nous proposons à la fois de la publicité, en particulier celle des barèmes, une délibération sur les lignes directrices de gestion, et des possibilités de recours tant internes que contentieuses, de manière à permettre aux agents qui craindraient une discrimination de faire valoir leurs droits, s’ils le jugent nécessaire.
Je ne partage pas les inquiétudes qui sont les vôtres, monsieur Gay. Nous considérons que cette disposition est utile : l’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 96 rectifié, présenté par Mme Deromedi, MM. Babary, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bonne, Mmes Bories et Boulay-Espéronnier, MM. Bouloux, J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Charon et Chatillon, Mme Chauvin, M. Chevrollier, Mme de Cidrac, MM. Cuypers et Danesi, Mme L. Darcos, MM. Darnaud et Daubresse, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche et Deseyne, MM. Dufaut et Duplomb, Mmes Duranton, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Forissier, B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Ginesta, Gremillet, Hugonet, Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Karoutchi et Kennel, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et Leleux, Mme Lherbier, MM. Longuet et Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mme M. Mercier, MM. Milon et de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Nougein, Paccaud, Panunzi, Paul, Perrin, Piednoir et Pierre, Mmes Puissat et Raimond-Pavero, M. Raison, Mme Ramond, MM. Reichardt, Retailleau et Revet, Mme Richer, MM. Saury, Savary, Savin, Schmitz, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vaspart, Vial et Vogel, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il agit avec la réserve adaptée à ses fonctions et à sa situation. »
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. L’obligation de réserve des agents publics est un principe cardinal s’appliquant aux membres de la fonction publique comme contrepartie de la liberté d’expression dont ces derniers bénéficient. Ce devoir de réserve implique que, lorsqu’ils s’expriment, les agents ne doivent pas adopter de position de nature à donner une image négative, discréditant leur administration ou leur hiérarchie.
Pourtant, ce principe est d’origine prétorienne et demeure encore extra-statutaire, en dépit d’une tentative sénatoriale pour l’intégrer dans la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Son inscription à l’article 25 de la loi de 1983 avait effectivement été écartée en commission mixte paritaire, au motif qu’elle pourrait constituer une restriction à la liberté d’opinion et d’expression.
Afin d’écarter ce risque, la rédaction du présent amendement est différente de celle qui avait été retenue en 2016 ; il est proposé d’inscrire la réserve à la suite des dispositions relatives à l’obligation de neutralité et en mettant celle-ci directement en relation avec les fonctions et la situation de l’agent. Cette formulation reprend en partie les termes de la décision fondatrice du Conseil d’État du 11 janvier 1935, l’arrêt Bouzanquet, ce qui lui permettra de s’intégrer dans le droit existant sans déstabiliser les principes dégagés par la jurisprudence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement tendant à inscrire le devoir de réserve dans le statut général de la fonction publique. Il s’agit en effet de conforter la jurisprudence du Conseil d’État, selon laquelle le fonctionnaire doit s’exprimer dans le cadre de ses fonctions avec tact et discernement.
Cette jurisprudence est ancienne et bien ancrée. Le Conseil d’État a reconnu, dès 1935, qu’un agent de la chefferie du génie de Tunis pouvait être sanctionné pour avoir tenu des propos critiques envers le Gouvernement.
L’amendement présente en outre plusieurs garanties : le devoir de réserve s’applique dans l’exercice de l’emploi, selon les fonctions exercées et la situation de l’agent. Ainsi, il comprend une exigence de proportionnalité et ne remet pas en cause la liberté d’expression du fonctionnaire citoyen.
À l’instar d’Agnès Canayer, je rappelle que le Sénat a déjà adopté un amendement comparable en 2016, sur l’initiative du groupe socialiste et républicain.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Comme viennent de le souligner M. le rapporteur et, avant lui, Mme la sénatrice Agnès Canayer, ce sujet a déjà donné lieu à un débat, à peu près dans les mêmes termes, lors de l’adoption de la loi du 20 avril 2016. Il avait alors été décidé, en commission mixte paritaire, de ne pas donner suite à l’initiative qui a été rappelée.
À ce stade, il ne nous paraît toujours pas opportun de consacrer dans la loi le devoir de réserve.
Pour nous – mais cela a également été rappelé –, celui-ci est d’abord et avant tout une construction jurisprudentielle, imposant aux fonctionnaires de faire preuve de modération dans l’expression de leurs opinions, dans l’exercice de leurs fonctions ou dans leur vie privée. Sa portée est variable. Il est apprécié, au cas par cas, en fonction de la nature des responsabilités de l’agent, de son rang, de sa catégorie hiérarchique, des circonstances, du ton et du cadre dans lesquels sont tenus les propos incriminés et nous savons, par exemple, que l’obligation est atténuée pour les responsables syndicaux.
De plus, ce devoir découle déjà d’autres obligations consacrées dans la loi : la discrétion et le secret professionnel, ainsi que le devoir de neutralité et le respect du principe de laïcité.
Parce que ces obligations figurent dans la loi et que c’est sur elles que repose la construction jurisprudentielle que l’on nomme « obligation » ou « devoir » de réserve, il nous paraît opportun d’en rester à la décision de la commission mixte paritaire ayant conduit à l’adoption de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Pour ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Certes, un amendement de même nature avait été présenté par deux collègues de mon groupe en 2016, mais il n’avait pas prospéré. Une fois n’est pas coutume, je me rangerai à l’avis de M. le secrétaire d’État, car le gouvernement de l’époque, dont la sensibilité était la même que celle des sénateurs concernés, avait considéré que cette mesure pouvait constituer une restriction à la liberté d’opinion et d’expression et que, comme cela a été dit, l’obligation de réserve étant établie via la jurisprudence, il n’était pas nécessaire de l’introduire dans la loi.
En outre, la réaction des fonctionnaires concernés à l’introduction d’une disposition similaire dans le projet de loi pour une école de la confiance atteste que les dispositions de cette nature ne sont pas particulièrement appréciées. Par conséquent, ce serait un mauvais signal envoyé à l’ensemble des fonctionnaires que de réduire leur liberté d’opinion et d’expression.
Nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Pour ma part, je crois profondément que la disposition de cet amendement, loin de constituer une limitation de liberté, permet au contraire au fonctionnaire de voir sa protection renforcée.
Mme Cécile Cukierman et M. Fabien Gay. Mais bien sûr !
M. Jérôme Bascher. Nous sommes habitués à agir entre personnes civilisées, mes chers collègues. Et jamais nous n’avons vu un fonctionnaire manipulé par sa hiérarchie, notamment dans les collectivités locales… Jamais ! Mais pensons – il me semble, hélas, que nous le constatons tous – qu’un nombre croissant de collectivités sont désormais gérées par des personnes dont la principale caractéristique n’est pas leur ferveur démocratique !
Mme Cécile Cukierman. Des personnes d’extrême droite !
M. Jérôme Bascher. On peut effectivement les désigner : certaines sont plutôt d’extrême droite, mais je n’exclus pas que certains partisans d’extrême gauche aient pu parfois être tentés… (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Pas nous !
M. Jérôme Bascher. La mesure proposée ici offre donc au fonctionnaire un droit supplémentaire derrière lequel se protéger. Elle ne limite en rien son droit de parole, sa liberté d’opinion, mais elle le protège contre toute instrumentalisation, bien souvent à l’échelon local.
À cet égard, on peut aussi penser à la fonction publique hospitalière. Nous connaissons la situation des hôpitaux ; on pourrait imaginer une pression exercée localement par un directeur, voire par l’agence régionale de santé.
L’inscription de ce principe dans le droit constituerait donc une avancée.
On évoque la jurisprudence ; elle ne suffit pas ! Si nous croyons profondément au principe de neutralité, qui est inscrit dans la loi, nous devons croire tout autant au devoir de réserve !
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Mes chers collègues, je m’interroge sur la cohérence gouvernementale.
Voilà quelques semaines, nous avons effectivement débattu, dans cette assemblée, de l’engagement et de l’exemplarité demandés aux professeurs, c’est-à-dire au plus grand nombre des fonctionnaires, sur l’initiative du ministre lui-même. Nous avons d’ailleurs dû travailler pendant de longues heures pour aboutir à un texte susceptible d’apporter un relatif apaisement aux fonctionnaires concernés, après les premières moutures venues et du Gouvernement, et de l’Assemblée nationale.
On exige donc engagement et exemplarité de la part des professeurs, mais, pour l’ensemble des fonctionnaires, on chipoterait sur une possible obligation de réserve, adaptée aux fonctions de l’agent. Où est la cohérence ?
Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter la même démarche que celle que nous avons retenue dans le cadre de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance.
Peut-on envisager des professeurs qui ne soient pas exemplaires ou engagés ? Voilà la question que j’ai posée à cette occasion, et la réponse était négative. Eh bien, je pose aujourd’hui la question : peut-on envisager que des fonctionnaires agissent sans la réserve adaptée à leur fonction ? La réponse, là aussi, est négative.
Il en découle une notion importante, que nous avons inscrite à l’article 1er du projet de loi Blanquer cité plus haut : la notion du respect dû par nos concitoyens à la fonction publique, au motif que, justement, celle-ci se caractérise par sa neutralité et sa réserve. C’est d’ailleurs, mes chers collègues, ce qui fait depuis longtemps la beauté de la fonction publique française ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
L’amendement n° 11 rectifié bis, présenté par MM. Tourenne et Antiste, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Daudigny et Houllegatte, Mme G. Jourda, MM. P. Joly et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, MM. Montaugé, Temal et Tissot, Mme Tocqueville et MM. Todeschini et Kerrouche, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article 32 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Les agents contractuels sont également les garants de l’impartialité de l’ensemble des services publics. À cette fin, l’institution les met à l’abri de toute pression y compris des siennes qui les empêcheraient de respecter les règles définies précédemment. »
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Le Gouvernement s’enorgueillit de l’attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers. Ce n’est pas la première fois que nous occupons cette deuxième place, voire la première en Europe.
L’attractivité de notre pays repose sur nos infrastructures et sur la qualité de nos services publics de santé, d’éducation, d’administration, de justice, notamment sur l’intégrité et l’objectivité des fonctionnaires qui les servent.
Les Français sont attachés à des services au-dessus de tout soupçon de partialité ou de conflit d’intérêts. Si le statut des fonctionnaires garantit la capacité de chacun d’entre eux de résister aux pressions, il n’en est pas de même des contractuels, sur lesquels peut peser la menace d’un non-renouvellement de contrat ou d’un refus de passage en CDI en cas de réticence à se soumettre à des pressions intéressées.
La multiplication des CDD rend par conséquent très vulnérables nos services publics et leur crédibilité auprès des Français et des Françaises. Ce qui est en question ici, c’est donc la confiance de nos concitoyens, mais aussi notre attractivité future.
C’est pourquoi il est proposé, au travers de cet amendement, d’assurer la pérennité de la qualité d’impartialité reconnue à nos services publics.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement vise à garantir l’impartialité des agents contractuels et l’absence de « pressions » exercées sur eux, notamment via des tentatives de corruption ou dans le cadre des relations avec leurs supérieurs hiérarchiques.
Fort heureusement, cet amendement est déjà satisfait par le droit en vigueur. Les principes déontologiques et les mécanismes de lutte contre la corruption s’appliquent aux agents contractuels. Ces derniers ont également accès à un référent déontologue, qui peut répondre à leurs questions les plus concrètes.
L’adoption de cet amendement pourrait même avoir un effet contraire, sans doute non souhaité par ses auteurs. Ces dispositions signifient-elles que les fonctionnaires ne bénéficient pas de ces garanties d’impartialité ?
Il paraît donc plus sage d’en rester au droit en vigueur, qui apporte les garanties nécessaires. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je partage l’avis de la commission. Comme je l’ai évoqué dans mon intervention en fin de discussion générale, l’article 32 de la loi du 13 juillet 1983 précise que les agents contractuels sont assujettis aux mêmes devoirs et bénéficient des mêmes droits que les agents titulaires. L’objectif que les auteurs du présent amendement cherchent à atteindre est donc parfaitement couvert par le droit en vigueur. Je demande par conséquent le retrait de cet amendement, sans quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Monsieur Tissot, l’amendement n° 11 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Tissot. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 65 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et Costes, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Vall, Castelli, Gold et A. Bertrand, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au premier alinéa, à la première phrase du troisième alinéa et à l’avant-dernier alinéa de l’article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le mot : « fonctionnaire » est remplacé par les mots : « agent public ».
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Lors de l’examen du présent projet de loi par l’Assemblée nationale, les députés ont introduit un article 1er bis tendant à modifier l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors, pour y ajouter des dispositions non normatives à visée évocatoire.
Cet article 25 est important. Il prévoit notamment que le fonctionnaire « exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité » ; que « dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu à l’obligation de neutralité » ; qu’il « exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité » et « à ce titre, il s’abstient notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses » ; qu’il « traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité. »
L’article 25 sert donc de base légale aux sanctions pouvant être prononcées contre les fonctionnaires.
Les deux rapporteurs ont, à juste titre, proposé la suppression des modifications adoptées par les députés, qui n’apportaient pas grand-chose et risquaient de déstabiliser les constructions jurisprudentielles relatives au domaine disciplinaire.
Les membres du RDSE formulent une proposition différente, visant à étendre la portée de l’article 25 aux agents contractuels du secteur public, en cohérence avec l’importance croissante de ceux-ci au sein de l’administration et l’intention du Gouvernement de renforcer leur proportion par le biais de ce projet de loi.
Les agents contractuels représentent désormais 20 % des agents publics, mais pâtissent encore d’une faible protection législative, comme on le verra dans la suite de l’examen des amendements.
Il est vrai que l’article 32 de la loi de 1983 les contraint déjà indirectement aux mêmes obligations que les fonctionnaires titulaires, mais la modification que nous proposons permettrait d’insister sur la nécessité de faire converger les conditions matérielles d’exercice des fonctions entre agents publics titulaires et agents publics contractuels.
Si ces derniers sont soumis aux mêmes obligations, ils devraient pouvoir bénéficier de droits comparables !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement, ayant trait à la déontologie des agents contractuels, porte une disposition qui, comme ses auteurs l’admettent dans son objet même, est d’ordre symbolique. En pratique, il est déjà satisfait par l’article 32 de la loi Le Pors, étendant aux agents contractuels les principes déontologiques appliqués aux fonctionnaires.
En outre, la commission a adopté plusieurs amendements à l’article 16 du projet de loi pour mieux contrôler l’accès des agents contractuels aux emplois de direction de la fonction publique.
Elle demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Mon argumentaire sera similaire à celui qui vient d’être exposé.
Tout d’abord, et vous l’avez vous-même reconnu dans votre présentation, madame Delattre, les questions en matière d’obligations et de droits qui relèvent de l’article 25 de la loi de 1983 sont également traitées par l’article 32 de ladite loi pour ce qui concerne les contractuels.
Si j’ai bien compris, votre intention est d’aller vers une forme d’égalité des moyens dans l’exercice des fonctions. Ce qui renverrait, in fine, à une complète homologie entre la situation des agents contractuels et celle des agents titulaires, alors même que les conditions de recrutement et de déroulement de carrière ne sont pas les mêmes.
Or, s’il y a certains avantages à être agent titulaire, il peut y en avoir d’autres à être agent contractuel ! Cette volonté d’égalité parfaite dans les conditions d’exercice des fonctions ne nous paraît absolument pas réalisable à court terme, ou sinon uniquement sur un plan théorique.
S’agissant de la déontologie appliquée aux agents contractuels, M. le rapporteur vient également de mentionner, au-delà de la couverture prévue par l’article 32 de la loi de 1983, les dispositions intégrées dans le présent projet de loi après l’article 16 pour créer un contrôle en l’espèce, à la fois lors de l’entrée et du retour dans la fonction publique. Il s’agit de garantir une systématicité des contrôles déontologiques effectués lors des recrutements de contractuels à des emplois de direction, emplois dont on peut considérer que, par nature, ils présentent des risques en matière de conflits d’intérêts.
Nous avons donc aussi le souci, au travers de ce texte, de renforcer les obligations déontologiques, tant pour les contractuels que pour les titulaires.
J’ajoute que de telles obligations déontologiques ne représentent pas qu’une contrainte pour les agents ; elles leur offrent également une forme de protection, puisque, si l’on peut frôler une situation de conflit d’intérêts de manière volontaire, on le fait le plus souvent de manière totalement involontaire. Ce contrôle déontologique aura donc un effet en termes de prévention.
Pour l’ensemble de ces raisons, je demande le retrait de cet amendement, au bénéfice des dispositions qui devraient être adoptées ultérieurement au cours de l’examen du présent texte.
Mme Nathalie Delattre. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 65 rectifié est retiré et l’article 1er bis demeure supprimé.
Article 2
I. – L’article 9 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le projet de texte comporte, en outre, des dispositions propres à l’une des fonctions publiques, le conseil commun peut également être consulté sur ces dispositions, après accord du président du conseil supérieur de la fonction publique territoriale ou du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière selon la fonction publique concernée, dès lors qu’elles présentent un lien avec les dispositions communes. » ;
2° Au quatrième alinéa, après le mot : « obligatoire », sont insérés les mots : « ou lorsqu’elle intervient en application du troisième alinéa du présent article ».
II. – À la première phrase du quatrième alinéa de l’article 8 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, après le mot : « maires, », sont insérés les mots : « de présidents d’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, ».
M. le président. L’amendement n° 16, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 2 étend les compétences du Conseil commun de la fonction publique, le CCFP. Il prévoit ainsi que ce dernier pourra être consulté sur les projets de texte relevant des compétences de l’un des conseils supérieurs, dès lors que ceux-ci présentent un lien avec les dispositions communes.
Dans ce cas, et c’est ce qui nous contrarie, l’avis du Conseil commun se substituerait à celui du conseil supérieur du versant concerné.
Nous aurions préféré que deux avis puissent coexister, instituant ainsi des complémentarités utiles. Mais non ! On choisit d’utiliser le Conseil commun pour museler les conseils supérieurs !
Certes, la commission des lois a amélioré le dispositif…
M. Loïc Hervé, rapporteur. C’est vrai !
Mme Cathy Apourceau-Poly. … en prévoyant que ce dessaisissement se fasse après accord du président du conseil supérieur. Cela nous semble toutefois insuffisant.
Quelle drôle de conception de l’amélioration du dialogue social ! En définitive, et même avec le consentement du président du conseil supérieur, une telle démarche consiste à éloigner le lieu de la consultation de l’administration de rattachement des personnels concernés.
Chaque conseil supérieur doit être consulté sur tous les projets de texte ou de rapport intéressant la situation des agents de chaque versant de la fonction publique.
Les conseils supérieurs, qui comptent chacun des représentants et des représentantes des employeurs et des personnels de chaque fonction publique, sont des instances d’expertise indispensables.
Mais peut-être l’essentiel est-il ailleurs ?… Il n’aura ainsi échappé à personne que, par rapport à la représentation des employeurs, la représentation du personnel est plus forte et dispose d’un plus grand pouvoir au sein des conseils supérieurs que dans le Conseil commun. Ne serait-ce pas la véritable justification du souhait de confier une telle prééminence au Conseil commun ?
Par ailleurs – nous ne sommes pas dupes –, ce dispositif remet utilement en cause les résultats des dernières élections professionnelles, la représentativité étant différente au Conseil commun et pour chaque conseil supérieur des trois versants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article 2 dans sa totalité.
Comme vous, madame Apourceau-Poly, nous avons craint que les dispositions du projet de loi ne conduisent à un accroissement excessif des compétences du Conseil commun de la fonction publique au détriment des conseils supérieurs.
Nous avons évoqué ces craintes lors de l’audition des représentants de la direction générale de l’administration et de la fonction publique, la DGAFP, et nos arguments ont dû être assez convaincants puisque le Gouvernement a proposé une solution de compromis, subordonnant l’extension de compétence du Conseil commun à l’accord des présidents des conseils supérieurs de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière. Cela nous donne satisfaction pour cette partie de l’article.
Nous sommes en outre favorables à la partie relative à la prise en compte des établissements publics de coopération intercommunale – ou EPCI – au sein du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.
Pour ces deux raisons, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je tiens tout d’abord à remercier les rapporteurs d’avoir soutenu l’amendement du Gouvernement adopté en commission. Comme cela a été dit, nous aboutissons ainsi à un compromis utile.
Pour aller tout à fait au fond des choses, c’est une disposition que nous avions intégrée dans l’avant-projet de loi. Mais le Conseil d’État a jugé que cette consultation du président des conseils supérieurs de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière créait une « formalité inutile », pour reprendre les termes exacts du septième considérant de son avis.
Après discussions, et après les auditions mentionnées par Mme la rapporteur, nous avons réintroduit la mesure par voie d’amendement, ce qui permet de maintenir l’objectif visé, à savoir mettre en place des discussions unifiées et regroupées pour toutes dispositions intéressant au moins deux des conseils supérieurs.
Dans le cadre des travaux sur ce texte, nous avons pu mesurer toute l’utilité d’une telle démarche. De manière assez surprenante, on se retrouve parfois avec des dispositions renvoyées à un conseil supérieur donné et, donc, ne pouvant faire l’objet de débats au sein du Conseil commun alors qu’elles intéressent, par nature, l’ensemble des fonctionnaires.
Avec l’intégration de cette précaution consistant à subordonner l’extension des compétences à l’accord du président du conseil supérieur, nous obtenons un équilibre satisfaisant.
Le Gouvernement est donc défavorable à la suppression de l’article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 98 rectifié bis, présenté par MM. Marie, Durain et Kanner, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur, Sutour, Tourenne, Antiste, Bérit-Débat, Montaugé, Temal et Raynal, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Didier Marie.
M. Didier Marie. Cet amendement, s’inscrivant dans la suite de la discussion que nous venons d’avoir, vise à supprimer les alinéas 1 à 4 de l’article 2.
Les alinéas suivants, d’après nous, vont effectivement dans le bon sens. Comme Mme la rapporteur vient de le rappeler, il s’agit de prendre en compte l’évolution de l’intercommunalité, ainsi que les villes de plus de 100 000 habitants, dans la constitution du conseil supérieur de la fonction publique territoriale.
Mais les quatre alinéas dont il est question ici offrent la possibilité au Conseil commun de la fonction publique de se saisir des dispositions propres à une seule fonction publique, si ces dernières présentent un lien avec les dispositions communes du projet de texte qu’il examine.
Certes, la commission des lois, en accord avec le Gouvernement – cela vient d’être rappelé –, a subordonné cette possibilité à l’accord préalable du président du conseil supérieur concerné par la disposition. Mais, dans l’étude d’impact qui nous a été fournie, le Gouvernement indiquait lui-même souhaiter écarter un tel mécanisme, au motif qu’il risquait de placer les présidents des conseils supérieurs de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière dans une situation compliquée vis-à-vis des autres membres, nuisant ainsi au bon déroulement du dialogue social au sein de leurs instances.
En fait, nous partageons cette analyse figurant dans l’étude d’impact et jugeons plus sage de supprimer les alinéas 1 à 4.
M. le président. L’amendement n° 218, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Dans le même esprit que l’amendement précédent, nous demandons la suppression de la faculté donnée au Conseil commun de la fonction publique de se substituer à l’un des conseils supérieurs des trois versants de la fonction publique, qui connaissent des réalités très différentes.
Pour ne prendre qu’un exemple, nous ne souhaitons pas que cette disposition permette au Gouvernement de court-circuiter le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, et ce même avec l’accord de son président. Il ne nous paraît pas opportun que les projets de loi et d’acte réglementaire relevant de la fonction publique territoriale, intéressant les employeurs et les fonctionnaires territoriaux, fassent l’objet d’une délibération au sein d’une instance où ils seront beaucoup moins bien représentés, voire totalement minoritaires, en ce qui concerne les employés en tout cas.
Le même raisonnement vaut évidemment pour les autres conseils supérieurs.
Que le Conseil commun puisse se saisir et formuler un avis est une bonne chose ! Mais que cet avis supplante celui du conseil le plus concerné, où les acteurs sont le mieux représentés, n’en est pas une !
C’est pourquoi nous demandons la suppression de cette disposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Je ne vais pas répéter les explications que j’ai formulées au moment de l’examen de l’amendement de suppression de l’article. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre, M. Carrère et Costes, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux, Vall, Castelli et Gold, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il veille à la bonne application des dispositifs de mobilité des agents publics et œuvre à la concordance des rémunérations entre les fonctions publiques, à niveaux de responsabilité et de risque physique équivalent, par le suivi de leurs évolutions et la formalisation de propositions annuelles en ce sens. » ;
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Nous sommes nombreux à considérer la mobilité au sein des fonctions publiques comme un instrument de politique managériale essentiel, au regard, notamment, de l’allongement des carrières. Or, en 2015, seuls 8,5 % des agents se trouvaient en situation de mobilité : 4,5 % ont changé d’employeur public ; 4,2 % de zone d’emploi et 2,9 % de statut ou de situation d’emploi.
Les primes et les différences de régimes indemnitaires constituent un frein aux souhaits de mobilité des agents, comme le soulignait déjà Jean-Ludovic Silicani dans son rapport publié en 2008 : « malgré une politique active de fusion de corps, d’harmonisation statutaire et d’élargissement des viviers amorcée depuis plus d’une dizaine d’années et accélérée sur la période la plus récente, le corps reste, dans le système actuel, l’élément qui détermine ce que l’administration peut faire en termes de rémunération, de promotion et d’affectation. Ainsi, celle-ci ne peut pas offrir le même niveau de prime et les mêmes possibilités de promotion pour des agents n’appartement pas au même corps ou au même grade, mais assumant pourtant les mêmes fonctions. Outre qu’elle est manifestement inéquitable, cette situation est contre-productive ».
Bien que des efforts de convergence aient été déployés au cours des dernières années, il semble que ces différences indemnitaires constituent toujours un frein à la mobilité des agents.
Afin de s’emparer plus vigoureusement du problème, le présent amendement vise à donner compétence au Conseil commun de la fonction publique, l’instance consultative du dialogue syndical rassemblant toutes les fonctions publiques, pour travailler à la convergence des rémunérations entre les fonctions publiques. Cette convergence, est-il précisé, s’établirait à un niveau de responsabilité et de risque physique équivalent.
Concrètement, il est proposé de confier à l’instance le suivi des évolutions des rémunérations dans toutes les fonctions publiques et la mission de formalisation des propositions annuelles en ce sens, à destination des pouvoirs législatif et réglementaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement tend à attribuer de nouvelles missions au Conseil commun de la fonction publique, en lien avec la mobilité et l’équité dans la rémunération des agents. Or celui-ci est un organe consultatif, qui ne dispose pas de moyens normatifs propres. Il aura énormément de mal à assumer effectivement les missions que, madame Delattre, vous souhaitez lui confier.
De plus, ces dispositions n’ont pas de portée normative évidente. Elles n’offrent pas de réelles garanties.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Au-delà du fait que le Conseil commun de la fonction publique, en tant qu’instance consultative, ne dispose d’aucun pouvoir normatif ou réglementaire, ses compétences actuelles lui permettent d’examiner toute question commune à au moins deux des trois fonctions publiques, notamment sur des thèmes tels que les évolutions de l’emploi public et des métiers de la fonction publique, la mobilité, les parcours professionnels, la formation professionnelle tout au long de la vie. Dès lors, madame Delattre, votre objectif est d’ores et déjà atteint. La différence réside dans le fait que vous prévoyez un dispositif beaucoup plus normatif et que le Conseil commun n’a pas la compétence pour l’assumer.
Pour ces raisons, le Gouvernement souhaite le retrait de l’amendement n° 63 rectifié et adoptera la même position sur l’amendement n° 64 rectifié, qui traite d’un sujet légèrement différent.
Mme Nathalie Delattre. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 63 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger la séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Articles additionnels après l’article 2
M. le président. L’amendement n° 217 rectifié, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. –Le deuxième alinéa de l’article 9 ter de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les projets de loi et d’ordonnance, les procès-verbaux de la séance sont annexés à l’exposé des motifs transmis au Parlement. »
II. –Le premier alinéa de l’article 13 de la loi n° 84-16 du 11 juillet 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le Conseil supérieur de la Fonction publique de l’État est consulté sur des projets de loi ou d’ordonnance, les procès-verbaux de la séance sont annexés à l’exposé des motifs transmis au Parlement. ».
III. – Le premier alinéa de l’article 9 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le procès-verbal de ces séances est annexé à l’exposé des motifs transmis au Parlement. »
IV. – Le premier alinéa de l’article 12 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’il est saisi sur des projets de loi ou d’ordonnance, le procès-verbal de la séance est annexé à l’exposé des motifs transmis au Parlement. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Au travers de cet amendement, nous souhaitons encourager la bonne information des parlementaires.
Bien souvent, lorsque nous sommes appelés à nous prononcer sur des projets de loi concernant la fonction publique, comme c’est le cas aujourd’hui, nous sommes insuffisamment informés des avis, des analyses et des propositions des représentants du personnel. Nous disposons certes d’une étude d’impact, mais dont je souligne, comme d’habitude, la grande faiblesse.
En Allemagne, que l’on cite souvent en exemple, le législateur a prévu, pour répondre à cette difficulté, de joindre les propositions et avis des fédérations syndicales émis au moment de la préparation des lois, décrets et règlements concernant les fonctionnaires à l’exposé des motifs, afin que le législateur puisse en prendre connaissance.
Dans le même esprit, l’amendement que nous présentons tend à ce que les procès-verbaux du Conseil commun et des conseils supérieurs soient communiqués au Parlement, avec l’étude d’impact, lorsqu’ils concernent des textes de portée législative relatifs à la fonction publique. Il y va de la bonne information des parlementaires et donc de la qualité de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement tend à ce que les procès-verbaux des réunions des conseils supérieurs de la fonction publique soient transmis au Parlement lorsque ces conseils sont consultés sur un projet de loi ou d’ordonnance.
Pourquoi pas ? La commission émet un avis de sagesse sur cet amendement. (Exclamations de surprise sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Il est précisé, dans son objet, que cet amendement est destiné à éclairer le Parlement sur le sens et la portée des dispositions soumises en indiquant la nature des consultations réalisées – consultation du public ou des organismes professionnels du secteur…
Or l’avis et les propositions des membres des instances sont publiés sur le site internet de l’administration concernée et peuvent d’ores et déjà être consultés à tout moment.
En revanche, il nous paraît matériellement difficile d’annexer les procès-verbaux à l’exposé des motifs, ne serait-ce que pour des questions de volume, ou encore en raison de l’obligation d’anonymiser le document pour assurer la confidentialité de certains débats.
Je comprends votre volonté d’éclairer davantage le Parlement. Nous rendons déjà publics l’ensemble des procès- verbaux, ainsi que tous les éléments statistiques nécessaires. Sans doute ce gouvernement, comme les précédents, et peut-être même comme ses successeurs, devra-t-il améliorer encore et les études d’impact et les documents annexés aux différents textes.
Toutefois, en l’état, il nous semble matériellement quelque peu compliqué d’annexer tous les procès-verbaux des instances concernées à l’exposé des motifs. Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
L’amendement n° 64 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre, M. Carrère et Costes, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux, Vall, Castelli et Gold, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du premier alinéa de l’article 13 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il veille à la bonne application des dispositifs de mobilité des agents publics et œuvre à la concordance des rémunérations entre les différents corps, à niveaux de responsabilité et de risque physique équivalents, par le suivi de leurs évolutions et la formalisation de propositions annuelles en ce sens. »
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 64 rectifié est retiré.
L’amendement n° 70 rectifié bis, présenté par Mmes N. Delattre, M. Carrère et Costes, MM. Collin, Gabouty, Vall, Roux, Requier et Léonhardt, Mme Laborde, M. Labbé, Mme Jouve et MM. Castelli et Gold, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du deuxième alinéa et au troisième alinéa de l’article 13 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, les mots : « de fonctionnaires » sont remplacés par les mots : « des agents publics ».
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Comme le précise l’étude d’impact associée au projet de loi, le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, le CSFPE, est une émanation du principe de participation des fonctionnaires, découlant lui-même du huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et reconnu principe général du droit par le Conseil constitutionnel, en 1977.
Pour autant, la rédaction actuelle de l’article 13 de la loi du 11 janvier 1984 prévoit que le Conseil supérieur comprend des représentants de l’administration et des représentants des organisations syndicales de fonctionnaires, sans référence aux agents contractuels.
Dans la continuité de notre volonté d’assurer une protection sociale des agents contractuels publics équivalente à celle des fonctionnaires, nous souhaiterions adapter la composition du CSFPE au phénomène croissant de recours aux contractuels.
En effet, comme le montrent les irrecevabilités financières soulevées à l’encontre de notre amendement visant à faire converger, à fonctions et compétences égales, les rémunérations des agents titulaires et des agents contractuels, il semble qu’un écart de traitement important existe en défaveur des agents contractuels.
Cette différence n’est pas acceptable et elle ne le serait pas davantage en sens inverse. En outre, on constate également l’importance du phénomène de recours abusif à des CDD, sans que le Conseil d’État juge bon de prononcer des requalifications lorsqu’il constate ces pratiques.
Par exemple, dans sa décision n° 371664 du 20 mars 2015, le Conseil d’État reconnaît un simple droit à l’indemnisation du préjudice subi lors de l’interruption de la relation d’emploi en l’évaluant en fonction des avantages financiers auxquels l’agent contractuel aurait pu prétendre en cas de licenciement, s’il avait été employé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. En l’espèce, il s’agissait d’un agent d’entretien ayant été recruté pour les mêmes tâches, selon vingt-huit contrats et avenants successifs.
Sur la base de ces constatations, il serait donc utile de prévoir, à tout le moins, que ces agents contractuels puissent être représentés au sein du CSFPE, au même titre que les agents titulaires, afin que le huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises », ne reste pas lettre morte pour les agents contractuels de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement tend à ce que les contractuels soient pris en compte au sein du Conseil supérieur de la fonction publique de l’État.
Dans les faits, les organisations syndicales qui représentent les fonctionnaires représentent les contractuels. Nous le constatons régulièrement lorsque nous organisons des tables rondes dans le cadre de l’examen d’un texte.
La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Les agents contractuels sont à la fois éligibles et électeurs aux comités techniques ministériels.
Or l’agrégation des résultats de ces élections fonde la représentativité au sein du CSFPE. C’est la raison pour laquelle les mêmes organisations syndicales peuvent représenter et donc défendre, car éligibles et électeurs, des agents contractuels et des agents titulaires.
Dans la mesure où le droit existant permet déjà de couvrir les agents contractuels, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° 70 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 70 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 219, présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 12 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est supprimée.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. La loi du 12 janvier 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale avait institué le Centre national de formation de la fonction publique territoriale, le CNFFPT.
Cet établissement public administratif était notamment chargé de la collecte des contributions financières des employeurs, ainsi que de la définition et de la mise en œuvre des actions de formation en direction des agents de la fonction publique territoriale.
Il était dirigé par un conseil d’administration, lequel gérait – à l’instar de ce qui prévaut dans le secteur privé – de manière paritaire les fonds de formation en associant des représentants des employeurs et des représentants des organisations syndicales représentatives dans la fonction publique territoriale.
Or cet établissement public administratif a été supprimé et ses missions transférées au CNFPT, le Centre national de la fonction publique territoriale, par la loi du 13 juillet 1987 modifiant les dispositions relatives à la fonction publique territoriale, dite loi Galland. De fait, ce texte a abrogé la gestion paritaire de la formation professionnelle dans la fonction publique territoriale.
Ce paritarisme a été rétabli dans la loi du 13 janvier 1989, mais a de nouveau été remis en cause par la loi du 23 décembre 1994, dite loi Hoeffel.
Aujourd’hui, le rôle des représentants des personnels au conseil d’administration du CNFPT est réduit à la portion congrue, pour ne pas dire à des sujets secondaires.
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Pas du tout !
M. Loïc Hervé, rapporteur. Vous exagérez !
Mme Céline Brulin. Ils ne peuvent plus participer de manière aussi importante qu’avant à la formation professionnelle.
Cet amendement tend à revenir aux dispositions qui prévalaient avant la loi Hoeffel, afin d’accorder une plus grande place à la démocratie sociale et de rétablir le paritarisme comme principe de fonctionnement de l’ensemble des instances sur l’ensemble des délibérations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement tend à revenir sur le fait que seuls les représentants des collectivités territoriales membres du conseil d’administration du CNFPT, et non ceux des syndicats, participent au scrutin lorsque les délibérations portent sur le taux de cotisation et le prélèvement supplémentaire, ainsi que sur le budget du CNFPT.
Les collectivités territoriales étant les seules contributrices au budget du CNFPT, il nous semble normal qu’elles conservent la maîtrise du financement de cet organisme et qu’elles restent le garant de son équilibre.
Par ailleurs, je m’inscris en faux contre vos propos, ma chère collègue : loin d’être réduit à la portion congrue, le rôle des organisations syndicales est très important au sein du conseil d’administration. Elles siègent également au sein des comités régionaux d’orientation, où elles ont leur mot à dire.
La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage les arguments de la commission : avis défavorable également.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 219.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 2 bis (nouveau)
Après l’article 2 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, il est inséré un article 2-1 ainsi rédigé :
« Art. 2-1. – Tous les trois ans, le Gouvernement présente au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale une feuille de route indiquant ses orientations en matière de gestion des ressources humaines et leur impact prévisionnel sur les collectivités territoriales et les établissements mentionnés à l’article 2.
« La feuille de route précise, en particulier, les évolutions envisagées concernant :
« 1° La valeur du point d’indice de la fonction publique ;
« 2° Le régime indemnitaire des agents publics ;
« 3° Le déroulement de carrière, la promotion professionnelle et la formation des agents publics ;
« 4° Les conditions de mobilité des agents publics entre la fonction publique territoriale et les deux autres versants de la fonction publique.
« La feuille de route évalue l’impact des décisions envisagées par l’État sur les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales et des établissements mentionnés à l’article 2.
« Le Gouvernement indique également le calendrier prévisionnel des négociations mentionnées à l’article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
« La feuille de route est rendue publique, assortie des observations du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Elle est actualisée en cas de modification substantielle des orientations du Gouvernement. »
M. le président. L’amendement n° 328, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Avec cet article, la commission des lois impose au Gouvernement de présenter devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale une feuille de route triennale comportant les engagements, les objectifs en matière de gestion des ressources humaines et leurs conséquences pour les collectivités.
Je comprends cette démarche qui me semble s’inspirer des méthodes du Conseil national d’évaluation des normes dans la mesure où il s’agit, j’imagine, de permettre aux collectivités, en tant qu’employeurs, de prévoir et d’anticiper les conséquences de telle ou telle mesure s’appliquant à la fonction publique territoriale.
Or les orientations en matière de gestion des ressources humaines des agents publics font déjà l’objet d’une concertation dans le cadre de l’élaboration de l’agenda social inter-fonctions publiques et d’un débat dans le cadre de la présentation du rapport annuel sur l’état de la fonction publique au sein du Conseil commun de la fonction publique.
Par ailleurs, nous pouvons prévoir, dans le cadre de l’agenda social inter-fonctions publiques à l’échelle des trois versants, les chantiers qui seront ouverts au cours de l’année avec leur impact sur les années n+1, n+2, voire n+3.
Voilà plusieurs mois, par exemple, nous avons annoncé l’ouverture, dans les prochaines semaines, d’un chantier sur la question de la protection sociale complémentaire. De même, nous avions annoncé, voilà plus de dix-huit mois, l’ouverture d’un chantier indemnitaire sur les questions de logement et de transport. Un dernier chantier indemnitaire concernant les frais de repas reste à ouvrir. Ce retard est dû à des raisons bien compréhensibles d’intérêts contradictoires et de difficultés budgétaires de tel ou tel employeur.
Je crains, d’une part, que l’on ne mette en place un doublon et, d’autre part, d’un point de vue plus opérationnel, que l’engagement triennal pris devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ne soit pas tenu, non par volonté de mal faire ou de mentir au Conseil, mais parce que la plupart des dispositions ayant une incidence en matière de gestion des ressources humaines sont prises en loi de finances, c’est-à-dire annuellement. Rien ne pourrait alors empêcher le Parlement, sur l’initiative du Gouvernement ou non, d’adopter une disposition contradictoire avec la feuille de route triennale.
Pour ces raisons, le Gouvernement demande la suppression de l’article 2 bis. Nous devons mener un travail en termes de visibilité et je ne pense pas que la méthode retenue le permette.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission tenant beaucoup à cet article, monsieur le secrétaire d’État , elle se voit contrainte d’émettre un avis très défavorable sur votre amendement.
Le dépôt de cet amendement de suppression nous a d’ailleurs surpris, le gouvernement auquel vous appartenez clamant haut et fort sa volonté de dialoguer avec les élus locaux, ainsi que son désir de leur offrir des capacités de visibilité à moyen et long termes.
À cet égard, il nous semblait que vous disposiez là d’un outil intéressant, ce que vous avez en partie souligné dans votre argumentaire. Il s’agit d’un outil à la fois très simple et peu contraignant : tous les trois ans, le Gouvernement devra présenter ses orientations en matière de gestion des agents, sur une base indicative, qu’il pourra mettre à jour chaque fois qu’il le souhaitera devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, lieu de discussion avec les élus et les représentants des syndicats.
Il s’agit d’accroître la visibilité pour les élus locaux et de renforcer le dialogue. La fonction publique territoriale est trop souvent à la remorque des décisions de l’État, que ce soit sur la valeur du point d’indice ou sur les accords statutaires.
L’accord Parcours professionnels, carrières et rémunérations coûte, par exemple, 770 millions d’euros aux collectivités territoriales, sans aucune compensation de l’État.
J’imagine que Philippe Mouiller proposera, dans quelques instants, d’enrichir la feuille de route en matière de handicap au travers d’un amendement auquel nous serons très favorables.
Enfin, cette feuille de route n’est pas incompatible avec l’agenda social ou les travaux du Conseil commun de la fonction publique, bien au contraire.
Encore une fois, monsieur le secrétaire d’État, la commission est très défavorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour explication de vote.
M. Arnaud de Belenet. Il s’agit du premier amendement qui marque une divergence entre la commission et le Gouvernement. S’il ne porte pas sur un sujet stratégique, il me semble hautement symbolique.
Nous viendrait-il à l’idée, en tant que sénateurs représentant les collectivités, d’inscrire dans la loi qu’il appartient à l’État de remettre au Conseil supérieur de la fonction publique ce qu’il préconise de manière pluriannuelle en matière de gestion des ressources humaines de nos collectivités, en matière de revalorisation du point d’indice et en matière de régime indemnitaire ?
Nous viendrait-il à l’idée, nous qui défendons l’autonomie, la responsabilité et la liberté des collectivités, nous qui souhaitons et préparons, parfois en lien avec le Gouvernement, un acte III de la décentralisation, d’inscrire tout cela dans la loi ? Non, bien évidemment ! Or c’est pourtant ce qui figure dans le texte issu des travaux de la commission.
Le Gouvernement nous propose donc de supprimer des dispositions contre lesquelles nous nous serions naturellement érigés. Il y a là une portée symbolique.
Sans doute les conditions de travail en commission, la rapidité avec laquelle nous avons examiné les amendements n’ont-elles pas permis d’être cohérents avec l’esprit du Sénat sur cette disposition précise.
Je crois que la commission se grandirait à être très favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Encore une fois – ce n’est pas habituel –, nous allons suivre l’avis de la commission.
Même si nous n’avons pas eu, comme notre collègue vient de le souligner, le temps d’examiner au fond l’ensemble des amendements – c’est le moins que l’on puisse dire –, nous avons eu le temps de les lire…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est très méritoire !
M. Didier Marie. … et de mesurer l’intérêt de cette feuille de route triennale, laquelle permettrait d’éclairer les collectivités territoriales sur les orientations en matière de gestion des ressources humaines.
Il va de soi que les décisions de l’État ont des conséquences sur la gestion des ressources humaines de nos collectivités. Il est donc naturel de connaître à l’avance les grandes orientations qu’il souhaite prendre.
Par ailleurs, le dispositif que le Gouvernement entend supprimer ne se confond pas avec ce qui existe déjà, notamment le rapport annuel sur l’état de la fonction publique au sein du Conseil commun.
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié ter, présenté par MM. Mouiller et D. Laurent, Mmes Lavarde et Guidez, M. Vial, Mmes Bruguière, L. Darcos et Deromedi, M. Chaize, Mmes Chauvin et Garriaud-Maylam, MM. Piednoir, Perrin, Raison et Bonhomme, Mme Malet, MM. Morisset, Sol et Panunzi, Mme Lassarade, MM. Cuypers et B. Fournier, Mme Micouleau, MM. Kennel, Rapin, Mandelli, Forissier, Decool et Lefèvre, Mme Billon, MM. Brisson, Bascher, Détraigne et Husson, Mme Imbert, M. Daubresse, Mme de la Provôté, M. Lafon, Mme de Cidrac, MM. Milon, Kern et Segouin, Mme Ramond, M. Vaspart, Mme Raimond-Pavero, M. Bazin, Mmes Gruny et Berthet, MM. Bizet, Houpert et Guerriau, Mme Morhet-Richaud, M. Henno, Mme Bonfanti-Dossat et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° L’équilibre financier du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique et les aides apportées aux agents en situation de handicap dans la fonction publique territoriale.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Je vais être rapide, puisque j’ai déjà le sentiment que la commission sera favorable à cet amendement. (Sourires.)
Il s’agit de renforcer l’intérêt de la feuille de route triennale en y insérant des informations sur l’équilibre financier du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP.
Le rapport de Catherine Di Folco et de Didier Marie a clairement mis en évidence les inquiétudes sur les réelles capacités de ce fonds à financer les politiques engagées.
Il nous semble important de disposer d’une vision, dans le cadre de cette feuille de route triennale, à la fois sur les obligations de l’État et sur l’incidence de ses décisions sur les collectivités pour savoir si nous sommes réellement capables de financer les politiques dédiées au handicap à hauteur des ambitions annoncées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans l’esprit de la feuille de route triennale. Les objectifs recherchés sont identiques à ceux de la commission : renforcer la visibilité des élus locaux en matière de gestion de ressources humaines et s’assurer de la pérennité du fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.
Il s’agit d’ailleurs d’une préconisation du rapport de Mme Di Folco et de M. Marie. La commission, qui a eu à cœur d’enrichir le texte des travaux les plus contemporains du Sénat, est favorable à ce très bon amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Dans la mesure où il n’est pas favorable à la création de la feuille de route triennale, et sans aucunement remettre en cause l’importance du FIPHFP, le Gouvernement ne peut, par cohérence, qu’être défavorable à cet amendement, qui la renforce.
M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 17 amendements au cours de la soirée ; il en reste 468.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 19 juin 2019 :
À quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de transformation de la fonction publique (texte de la commission n° 571, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 19 juin 2019, à zéro heure vingt.)
Direction des comptes rendus
ÉTIENNE BOULENGER