M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Il subsiste seulement six établissements privés habilités à assurer le service public hospitalier qui autorisent la pratique des dépassements d’honoraires pour les praticiens libéraux rémunérés comme salariés. C’est effectivement ce reliquat qui justifie la prorogation prévue à l’article 16 ; ce nombre ne paraît pas justifier la demande de suppression.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 16.
(L’article 16 est adopté.)
Article additionnel après l’article 16
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 330, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 162-1-8 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-1-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 162-1-8-… – La facturation d’honoraires supérieurs aux tarifs servant de base au calcul des prestations prévues à l’article L. 160-13 est interdite. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Dans son dernier rapport sur l’avenir de l’assurance maladie, la Cour des comptes a jugé les résultats du contrat d’accès aux soins et de l’option de pratique tarifaire maîtrisée « modestes et ambigus ». Elle estime également que l’inflexion du taux de spécialistes conventionnés en secteur 2, observée depuis 2013, est à la fois « limitée et coûteuse » pour l’assurance maladie.
Certaines situations choquantes retiennent particulièrement notre attention. Ainsi, les tarifs des chirurgiens-dentistes pour les prothèses et l’orthodontie, fixés librement depuis les années 1980, ont fortement progressé, générant chaque année des dépassements d’un montant total de 4,8 milliards d’euros. Ces dépassements peuvent expliquer des renoncements aux soins pour raisons financières, comme l’a mis en évidence la Cour des comptes en 2016.
D’autres spécialités sont concernées : les chirurgiens exercent en secteur 2 à 81 %, les gynécologues-obstétriciens à 67 %, les ophtalmologues à 57 % ; en outre, tous ces professionnels sont plutôt installés dans les zones urbaines. Ainsi, plus de la moitié de la population réside aujourd’hui dans des départements où plus de la moitié des spécialistes sont installés en secteur 2.
De ce fait, les inégalités géographiques se doublent d’inégalités financières, en particulier dans les zones les plus urbanisées.
Pour toutes ces raisons, nous demandons l’interdiction des dépassements d’honoraires.
M. le président. L’amendement n° 331, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° de l’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « le tact et la mesure » sont remplacés par les mots : « 30 % du tarif opposable ».
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à limiter les dépassements à hauteur de 30 % du tarif opposable, ce qui est déjà considérable, d’autant que, je le rappelle, le montant total des dépassements d’honoraires atteignait 2,66 milliards d’euros en 2016, dont 2,45 milliards d’euros pour les seuls médecins spécialistes.
Selon un rapport de la Cour des comptes daté de novembre 2017, le taux moyen du dépassement pratiqué s’élève à 56 %. Les dépassements d’honoraires contribuent à aggraver les inégalités d’accès aux soins pour nos concitoyens, et ils créent un système de santé à deux vitesses.
M. le président. L’amendement n° 519, présenté par MM. Tissot et Antiste, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, M. Duran, Mme Ghali, MM. P. Joly, Manable, Marie et Montaugé, Mme Taillé-Polian et MM. Tourenne, Vallini et Vaugrenard, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 10° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les conditions dans lesquelles les dispositifs de pratiques tarifaires maîtrisées s’appliquent à l’ensemble des médecins autorisés à pratiquer des dépassements d’honoraires. Cet encadrement de dépassements d’honoraires est applicable à partir du 1er janvier 2020 ; »
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Cet amendement tend à proposer un meilleur encadrement des dépassements d’honoraires.
L’aggravation de la fracture sanitaire est manifeste. Près d’un tiers des Français éprouve aujourd’hui des difficultés d’accès géographique aux spécialités – pédiatres, gynécologues, ophtalmologistes –, et un quart aux médecins généralistes. Selon une étude de l’association de consommateurs UFC-Que choisir, plus de huit Français sur dix manquent de gynécologues et d’ophtalmologistes sans dépassement d’honoraires à moins de quarante-cinq minutes de leur domicile.
De 2012 à 2016, alors que l’inflation sur la période n’a pas été supérieure à 1 %, le tarif moyen d’une consultation a progressé de 3,2 % chez les généralistes, de 3,5 % chez les ophtalmologistes, de 5 % chez les gynécologues et même de 8 % chez les pédiatres.
Aussi, cet amendement a pour objet de prévoir que les conventions définissant les rapports entre les organismes d’assurance maladie et les médecins mentionnent les conditions permettant que les pratiques tarifaires maîtrisées s’appliquent à l’ensemble des médecins situés en secteur 2.
Son adoption permettrait d’améliorer, par la maîtrise des dépassements d’honoraires, l’accès aux soins des Français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Pour des raisons que nous avons déjà expliquées lors de l’examen de la loi HPST, des projets de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019 (Sourires.), de la loi Touraine et, maintenant, du projet de loi Buzyn, la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements,
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je n’étais pas là lors de l’examen de la loi HPST et de la loi Touraine (Sourires.),…
M. Alain Milon, rapporteur. Moi si !
Mme Agnès Buzyn, ministre. … donc je vais tout de même exposer l’état des lieux en matière de dépassements d’honoraires.
Mme Laurence Cohen. Merci !
Mme Agnès Buzyn, ministre. La loi précédente a cherché à encadrer ces dépassements dans le cadre de la négociation conventionnelle.
Les dispositifs conventionnels – l’option de pratique tarifaire maîtrisée, ou Optam –, instaurés, effectivement, pour que nos concitoyens n’aient pas à souffrir d’une difficulté d’accès aux soins du fait de ces dépassements, ont commencé à montrer leurs effets. De plus en plus de praticiens signent ce contrat, et les taux de dépassement diminuent d’année en année, passant de 55 % en 2011 à 49 % en 2018. Ces mesures conventionnelles sont donc en train de produire leurs effets.
Par ailleurs, en cette période de pénurie de médecins, le risque, selon nous, est celui du déconventionnement. En réalité, nous sommes quelque peu bloqués par cette pénurie de médecins : nous disposons de moins de leviers qu’il y a dix ou quinze ans en matière d’encadrement.
Cela dit, je pense que les professionnels eux-mêmes ont pris conscience des difficultés d’accès aux soins. C’est la raison pour laquelle nous observons de plus en plus de signatures de contrats et une amélioration du taux de dépassement.
Nous menons une lutte contre les pratiques tarifaires excessives, dont l’effet dissuasif est réel : quelque 60 % des médecins auditionnés se sont aujourd’hui engagés à baisser leur taux de dépassement. Nous avons l’impression qu’un vrai mouvement s’est enclenché vis-à-vis des pratiques tarifaires.
En outre, les directeurs de caisse ont aujourd’hui la possibilité de prononcer des sanctions – suspension du droit de dépassement ou déconventionnement –, en cas de pratique tarifaire excessive.
Un certain nombre de mesures convergentes sont en train de porter leurs fruits, raison pour laquelle nous sommes défavorables à ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’apprécie les explications que vient de nous donner Mme la ministre.
Monsieur le rapporteur, les choses ne sont jamais figées, et les positions peuvent évoluer avec le temps, notamment si l’on prend la peine de s’écouter.
Un travail, une réflexion sont clairement en cours pour essayer d’encadrer les dépassements d’honoraires. Cela étant, nous souhaitons insister : nous répétons tous, depuis lundi, que la situation est assez tendue et que de plus en plus de Françaises et de Français renoncent aux soins, notamment pour des raisons financières.
Nous avons déposé ces deux amendements, car ce texte nous semble l’occasion d’envoyer un signal : il est temps qu’un certain nombre de praticiens fassent un effort en matière de dépassement d’honoraires. Si tel n’était pas le cas, ce serait un rendez-vous manqué.
Nous maintenons donc ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Aujourd’hui, 99 % des médecins généralistes qui s’installent le font en secteur 1. Il est donc encore possible d’accéder aux soins.
Mme Laurence Cohen. Je parlais des spécialistes !
Mme Agnès Buzyn, ministre. La question des spécialistes est plus complexe, bien évidemment, mais on peut aussi en trouver dans le secteur hospitalier, sans dépassement.
Le tableau n’est donc pas si noir que cela : on accède à un médecin en secteur 1 dans 99 % des cas.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 519.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 17
La deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :
1° L’article L. 2212-10 est abrogé ;
1° bis (Non modifié) À la fin du dernier alinéa de l’article L. 2214-3, les mots : « statistiques établies à partir des déclarations prévues à l’article L. 2212-10 » sont remplacés par les mots : « données relatives à la pratique de l’interruption volontaire de grossesse en France » ;
2° (Supprimé)
3° Le 3° de l’article L. 2422-2 est abrogé ;
4° (nouveau) Au 4° de l’article L. 6323-1-1, la référence : « L. 2212-10 » est remplacée par la référence : « L. 2212-9 ». – (Adopté.)
Article 17 bis
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 624 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. P. Joly, Mme Jasmin, MM. Iacovelli et Daudigny, Mme Conconne, MM. Manable, Devinaz, M. Bourquin, Tourenne et Temal, Mmes Monier et Blondin, M. Mazuir, Mme Grelet-Certenais et M. Leconte, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’amélioration de l’accompagnement au cours de la grossesse, qui examine notamment les modalités de systématisation de l’entretien prénatal prévu au dernier alinéa de l’article L. 2122-1 du code de la santé publique, la prévention des violences gynécologiques et obstétricales, la manière de garantir le droit à choisir les circonstances de la naissance.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission a supprimé une demande initiale de rapport sur l’entretien prénatal précoce, au motif que plusieurs documents et rapports permettent d’ores et déjà de faire le bilan de la mise en œuvre des actions d’accompagnement à la grossesse et d’entretien prénatal, notamment e rapport d’évaluation de mai 2010 sur la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 et les enquêtes nationales périnatales périodiques.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Cette demande de rapport a été introduite à l’Assemblée nationale et supprimée par la commission.
Madame la ministre, dans la mesure où le rétablissement de cette demande rencontre certaines de vos préoccupations, je suis surprise de votre avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Les discussions à l’Assemblée nationale portaient sur un rapport relatif à l’accès à l’IVG. Ce travail est en cours aujourd’hui.
M. le président. En conséquence, l’article 17 bis demeure supprimé.
Article 17 ter
(Non modifié)
Au troisième alinéa du II de l’article L. 1112-1 du code de la santé publique, après la seconde occurrence du mot : « médecin », sont insérés les mots : « ou, le cas échéant, par la sage-femme ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 17 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 625 rectifié, présenté par Mme Rossignol, M. Daudigny, Mmes Jasmin, Meunier et Lepage, MM. P. Joly et Iacovelli, Mme Conconne, MM. Manable, M. Bourquin, Temal et Duran, Mmes Monier et Blondin, M. Mazuir et Mme Grelet-Certenais, est ainsi libellé :
Après l’article 17 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 2212-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle ne peut être pratiquée qu’avant la fin de la dixième semaine de grossesse, pour les seuls cas où elle est réalisée par voie chirurgicale, par une sage-femme. » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 2212-2, les mots : « , pour les seuls cas où elle est réalisée par voie médicamenteuse, » sont supprimés ;
3° L’article L. 4151-1 est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, les mots : « ainsi que d’interruptions volontaires de grossesse par voie médicamenteuse » sont supprimés ;
b) Après le même troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les sages-femmes peuvent réaliser les interruptions volontaires de grossesse, dans les conditions fixées aux articles L. 2212-1 à L. 2212-11. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. La France est un pays dans lequel le droit à l’IVG n’est pas menacé, quelles que soient les menées ou les manifestations de quelques groupuscules.
Mme Sophie Primas. Merci de le dire !
Mme Laurence Rossignol. La Fondation pour l’innovation politique a d’ailleurs mesuré le taux d’opposition à l’IVG dans plusieurs pays, dont la France : avec seulement 6 % d’opposants, nous sommes le premier pays d’adhésion à l’IVG, avec la Suède.
Si je reste très vigilante sur cette question, je ne considère pas que le droit à l’IVG soit menacé pour l’instant. En revanche, il est fragilisé par les difficultés générales d’accès aux soins que nous soulignons depuis le début de cette discussion, par la baisse du nombre de praticiens, par la fermeture de maternités de proximité et par un désintérêt des médecins et des professions médicales à l’égard d’un acte qu’un grand nombre d’entre eux ne juge pas noble.
En 2016, nous avons élargi les compétences des sages-femmes à l’IVG médicamenteuse. L’ordre des sages-femmes, avec lequel j’ai discuté de cet amendement, propose d’étendre encore leurs compétences aux IVG instrumentales, bien sûr dans les mêmes conditions que celles pratiquées par les médecins, c’est-à-dire en milieu hospitalier et non au domicile des patientes.
Madame la ministre, vous avez dit, voilà quelques instants, que la fermeture des maternités ne poserait pas problème, parce que les sages-femmes pratiqueront des IVG instrumentales. Je ne voudrais pas m’aventurer sur le terrain du décodage de vos propos, mais cela signifie peut-être que vous pensez cela possible, au fond de vous-même.
Or nous pourrions le faire faire dès aujourd’hui : les sages-femmes ont les compétences nécessaires, et cela permettrait de résoudre bien des problèmes, notamment en termes de déficit de personnel médical et de démographie médicale.
Je crains que nous ne disposions pas de sitôt d’un autre véhicule législatif adapté à cette question, laquelle, me semble-t-il, relève du domaine de la loi. Il faut donc adopter dès aujourd’hui cette mesure.
M. le président. L’amendement n° 348 rectifié ter, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 17 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le dernier alinéa de l’article L. 4151-1 du code de la santé publique, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« À titre expérimental, pour une durée de trois ans, les sages-femmes peuvent réaliser des interruptions volontaires de grossesse instrumentales.
« Un rapport d’évaluation est réalisé au terme de l’expérimentation et fait l’objet d’une transmission au Parlement par le Gouvernement. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Notre amendement, dont l’esprit est similaire à celui de Laurence Rossignol, aura peut-être plus de chances d’être adopté, dans la mesure où il a pour objet une simple expérimentation, et non une généralisation des IVG instrumentales réalisées par des sages-femmes.
Pour rappel, ces professionnelles de santé sont habilitées à pratiquer des IVG médicamenteuses depuis 2016. Si le code de la santé publique garantit aux femmes la liberté de choisir entre ces ceux méthodes, les IVG instrumentales ne représentent, dans les faits, qu’une part minoritaire des IVG, faute de praticiennes et de praticiens en nombre suffisant.
Pour que le droit de choisir soit réellement effectif, il est nécessaire de former de nouvelles praticiennes et de nouveaux praticiens à cette méthode. Je connais les réticences de certains, qui verraient là une éventuelle mise en danger de la vie des femmes, les sages-femmes n’étant pas des médecins. Toutefois, mes chers collègues, l’IVG – médicamenteuse ou instrumentale – n’étant pas un acte relevant de la pathologie gynécologique, elle est de fait de la compétence des sages-femmes.
En élargissant leur formation initiale ou continue, ces professionnelles seraient tout à fait en mesure de pratiquer ces actes. Une telle extension des tâches, qui correspond aux objectifs du plan Ma santé 2022, est très largement soutenue par nombre de médecins, qui reconnaissent les compétences des sages-femmes.
Cette expérimentation visant à autoriser les sages-femmes à pratiquer l’IVG instrumentale en milieu hospitalier, en centre de santé, voire en centre de planification et d’éducation familiale, mérite d’être tentée. Cela permettrait vraiment de garantir la liberté de choix de la méthode et de rendre le recours à l’IVG plus accessible sur l’ensemble du territoire, alors que de nombreux centres ont fermé ces dernières années.
Enfin, je ne partage pas l’enthousiasme de Mme Rossignol : je pense que des menaces subsistent aujourd’hui sur l’interruption volontaire de grossesse en France, en Europe et dans le monde. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons, en tant que responsables politiques, voir ce droit fondamental inscrit dans la Constitution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Ces deux amendements visent le même objectif : permettre aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales.
Toutefois, comme vous le savez, les IVG chirurgicales peuvent emporter des complications, pendant et après intervention. Leur supervision par un médecin spécialiste constituerait une sécurité pour la patiente.
À ce stade, la commission n’est donc pas favorable à ces deux amendements. Elle a envisagé d’émettre un avis favorable sur l’amendement n° 348 rectifié ter si celui-ci était modifié pour maintenir uniquement le pouvoir de sanction de l’assurance maladie à l’égard des praticiens refusant de pratiquer des IVG, mais sans réorienter les patientes, ce qui n’a pas été le cas.
En revanche, il serait sans doute utile que le Gouvernement réfléchisse au renforcement de la formation des sages-femmes à la réalisation d’IVG non seulement médicamenteuse, mais également instrumentales, afin d’envisager, le cas échéant, l’expérimentation de certaines interventions à risque faible de complications, toujours sous la supervision d’un médecin spécialiste.
À titre d’exemple, et il ne s’agit pas d’une provocation, les sages-femmes sont autorisées à pratiquer à pratiquer certaines IVG instrumentales à faible risque dans certains pays, notamment dans certains États des États-Unis.
La plus grande implication des sages-femmes en orthogénie doit sans doute faire l’objet d’une réflexion plus approfondie, et ce d’autant plus qu’elles peuvent être amenées à gérer, avec les gynécologues, les conséquences de fausses couches ou d’IVG médicamenteuses pouvant nécessiter une intervention complémentaire.
En attendant la mise en place d’une telle formation, la commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur.
La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 a autorisé les médecins à réaliser des IVG instrumentales en centres de santé. En raison des risques inhérents aux IVG instrumentales – perforation utérine, saignements, douleurs… –, la Haute autorité de santé avait été saisie pour établir un cahier des charges, assez complexe, que j’ai moi-même validé lorsque j’étais présidente de cette instance.
Cette possibilité de réaliser des IVG en centres de santé doit faire l’objet d’un décret, qui est en préparation. Comme je l’ai dit ce matin, si c’est possible en centre de santé, ce doit l’être également, a fortiori, en hôpital de proximité.
J’ai évoqué les médecins obstétriciens et souligné que, les sages-femmes des centres de périnatalité pouvaient réaliser des IVG médicamenteuses. Il existe donc tout un panel de possibilités, qui s’élargit encore avec le temps.
Aujourd’hui, seuls 4 % des sages-femmes font des IVG médicamenteuses. Ce n’est pas assez. Cette mesure permettra d’ouvrir le champ de l’accès à l’IVG dans beaucoup plus de lieux.
Les médecins sont donc autorisés à réaliser des IVG instrumentales sous réserve du respect du cahier des charges que j’évoquais. Mais il est encore trop tôt pour ouvrir cette possibilité aux sages-femmes, alors que nous allons déjà avoir du mal à le mettre en place pour les médecins dans les centres de santé.
En outre, si nous étendions cette autorisation aux sages-femmes, il faudrait encore prendre un avis scientifique, et non une loi. Je ne pense pas qu’il soit de la compétence du Sénat de décider du risque encouru par telle ou telle profession réalisant tel ou tel acte. Ce sont aux professionnels de s’emparer de ces problématiques, de rédiger leurs propres cahiers des charges et d’évaluer les risques.
Madame Cohen, vous proposez une expérimentation. Or un hôpital parisien propose déjà un protocole de coopération : dans le cadre de l’article 51 de la loi HPST, des sages-femmes, placées sous la supervision d’un médecin ou en relation avec un médecin, sont autorisées à réaliser des IVG instrumentales. L’expérimentation est donc déjà faisable sous la forme d’un protocole de coopération.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces deux amendements, même si je reste très attentive aux problèmes d’accès à l’IVG.
Bien évidemment, je souhaite que les sages-femmes puissent participer davantage à la réalisation des IVG, notamment médicamenteuses, dans davantage d’endroits. Je me suis d’ailleurs engagée, à l’Assemblée nationale, à produire un rapport sur l’accès à l’IVG.
Le nombre d’IVG reste stable dans notre pays, d’année en année, mais je ne sais comment interpréter cette tendance : c’est triste, car cela signifie que la contraception ne permet pas de réduire le nombre d’IVG, mais c’est peut-être aussi rassurant, car cela signifie qu’il n’y a pas de difficulté d’accès à l’IVG dans notre pays.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. J’entends ce que vous dites, madame la ministre, mais je pense que les professionnels se sont déjà emparés du sujet. En discutant de cet amendement, nous n’empiétons pas sur un sujet purement corporatiste – et ce mot n’est pour moi entaché d’aucune connotation négative. Les dispositions mêmes de cet amendement émanent de l’ordre des sages-femmes, qui a réfléchi à ces questions.
L’IVG médicamenteuse devient la principale méthode d’IVG et je n’en suis pas totalement satisfaite. Elle n’est pas aussi neutre qu’on le croit, me semble-t-il. Elle peut même se révéler plus dure qu’une IVG instrumentale, en installant les femmes dans un phénomène de solitude qui n’existe pas en centre hospitalier. Il faut laisser le choix aux femmes et ce choix se réduit de plus en plus au profit de l’IVG médicamenteuse.
Ces deux amendements ne seront probablement pas adoptés. Je le regrette d’autant plus que les occasions de discuter de ce sujet ne sont pas si nombreuses au Parlement. Par ailleurs, les avancées sur l’IVG se sont toujours faites par la voie politique ; elles n’ont jamais émané du corps médical.