M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Jasmin, l’amendement n° 217 rectifié est-il maintenu ?
Mme Victoire Jasmin. Mme Féret n’est pas là, mais j’assume : je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 217 rectifié est retiré.
Madame Cohen, l’amendement n° 312 est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Retirez-le, et je retirerai le mien ! (Sourires et marques d’encouragement sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Amiel renchérit.)
Mme Laurence Cohen. Mes chers collègues, vous voulez absolument rentrer dans vos circonscriptions. Moi aussi !
M. Roger Karoutchi. Raison de plus ! (Sourires.)
Mme Laurence Cohen. Même si le débat est déjà largement tronqué par le Gouvernement et le recours aux ordonnances, nous débattons pour la défense de la démocratie sanitaire !
M. Roger Karoutchi. Et toc !
Mme Laurence Cohen. Vous pouvez tempêter, c’est comme ça !
Cela étant, nous retirons cet amendement…
M. Michel Amiel. Ah !
Mme Laurence Cohen. … pour la raison invoquée par le rapporteur, à savoir qu’inscrire ces dispositions dans ce projet de loi ne servirait à rien. Il n’y a donc aucune garantie pour les parlementaires que nous sommes : le débat est squeezé, et, lorsqu’on formule une petite demande, ça ne marche pas non plus, quand bien même le rapporteur y est favorable.
Tout va bien ! Continuons comme ça ! Les personnels sont en lutte et se bagarrent dans la rue pour obtenir une rencontre avec Mme la ministre, qui les a peut-être rencontrés et leur a fait quelques petites promesses, à mon avis insuffisantes.
M. le président. L’amendement n° 312 est retiré.
Madame Jasmin, l’amendement n° 218 rectifié est-il également retiré ?
Mme Victoire Jasmin. Pas du tout ! (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Jomier. C’est la liberté des parlementaires !
Mme Victoire Jasmin. Nous sommes là pour débattre. De la même façon que, hier soir, nous n’avons pas souhaité retirer l’amendement relatif à la suppression des ordonnances, je maintiens cet amendement pour que le débat ait lieu.
M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 8
M. le président. L’amendement n° 174 rectifié, présenté par M. Karoutchi, Mme Berthet, MM. Brisson, Calvet, Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Daubresse et de Legge, Mme Deromedi, M. Duplomb, Mmes Duranton, Eustache-Brinio, Garriaud-Maylam et Gruny, MM. Guené, Kennel et Laménie, Mme Lavarde, M. Lefèvre, Mme M. Mercier, MM. Revet, Sido, Vaspart et Vogel, Mmes Ramond, Boulay-Espéronnier et Dumas et M. Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les sages-femmes sont habilitées, en équivalence à leurs responsabilités de professionnels de premier recours, à exercer un suivi gynécologique dans un établissement de santé ou un hôpital sous-dotés en effectif gynécologues obstétriciens.
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Je sais que j’ai peu de chances, mais, comme nous sommes là pour parlementer, parlementons ! (Sourires.)
Habiliter les sages-femmes à exercer un suivi gynécologique dans un établissement de santé ou un hôpital sous-doté en effectifs de gynécologues obstétriciens, franchement, ça me semble de bon sens. Je suis sûr que ce bon sens aura percuté la commission des affaires sociales. (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Je suis complètement d’accord avec M. Karoutchi :…
M. Roger Karoutchi. Très bien ! Arrêtons-nous là ! (Rires.)
M. Alain Milon, rapporteur. … il faut parlementer lorsque c’est justifié.
Les compétences générales des sages-femmes, définies à l’article L. 4151-1 du code de la santé publique, leur permettent notamment de réaliser des consultations de contraception et de suivi gynécologique de prévention, en appui aux médecins. Ces dispositions générales s’appliquent aussi bien en libéral que dans le cadre hospitalier.
L’amendement n° 174 rectifié ne justifie pas de parlementer, puisqu’il est satisfait. Par conséquent, la commission en demande le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je ne résiste pas au plaisir de débattre avec M. Karoutchi, qui l’a demandé expressément, mais le fait est que je n’ai pas grand-chose à ajouter aux propos de M. le rapporteur. L’objet de cet amendement est déjà satisfait : cela fait déjà partie des missions des sages-femmes. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Karoutchi, l’amendement n° 174 rectifié est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Quand un amendement est satisfait, pourquoi la commission et le Gouvernement ne diraient-ils pas « favorable » ou « sagesse », pour faire plaisir ? (Sourires.)
Pour faire plaisir à Mme la ministre, et à M. le rapporteur, dont nous aurons besoin par la suite, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 174 rectifié est retiré.
L’amendement n° 406 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet, dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur les conditions de création d’un centre hospitalier universitaire à Orléans.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je veux évoquer une particularité locale. Il faut dire que nous sommes tous des élus locaux, même si nous représentons collectivement la nation.
Orléans est la seule capitale régionale de France à ne pas disposer d’un CHU. Bien sûr, il existe un CHU dans la même région, à Tours, mais celui-ci est saturé.
Par ailleurs, le Loiret, qui est l’un des départements les plus atteints par la désertification médicale au regard de sa population, compte aujourd’hui 800 médecins de moins que l’Indre-et-Loire, où est implanté le CHU, pour 70 000 habitants de plus.
Personne ne comprend les raisons pour lesquelles on ne pourrait pas créer un centre hospitalier universitaire à Orléans, d’autant que les chiffres que nous connaissons montrent que, sur 1 023 médecins en fin d’études, plus de 80 % s’installent à proximité du CHU dans lequel ils ont suivi leur formation.
Madame la ministre, pourquoi ne pas transformer le CHR en CHU ? L’université d’Orléans compte de nombreux atouts. Or la médecine est la seule discipline qui n’y soit pas représentée, même si des formations paramédicales sont proposées. Par ailleurs, nous disposons à proximité immédiate d’un très important campus du CNRS. Les conditions universitaires et scientifiques existent donc. En outre, une telle transformation représente une impérieuse nécessité pour faire face à la désertification médicale.
L’article 40 nous a interdit de déposer un amendement ayant pour objet de transformer le CHR en CHU. C’est pourquoi nous présentons cet amendement, qui vise à demander au Gouvernement un rapport, afin d’étudier cette question dans les six prochains mois. Je pense – j’espère ! – que vous ne refuserez pas d’examiner la question et de mener la réflexion nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Tous les départements n’ont pas systématiquement un CHU. C’est le cas du Pas-de-Calais, département dont il a beaucoup été question ce matin : le CHRU est implanté à Lille.
La mise en place d’un CHU dans un département n’est pas obligatoire et n’est pas non plus obligatoirement synonyme de qualité supplémentaire dans les soins qui peuvent être dispensés par les professionnels hospitaliers qui sont dans les hôpitaux par ailleurs.
Il y a quelque temps, la commission des affaires sociales a demandé à la Cour des comptes une étude sur les CHU, laquelle nous a été remise en deux volets : un premier volet, à la fin de l’année 2017, concernant la recherche et l’enseignement universitaire ; un second volet, à la fin de l’année 2018, portant sur l’application directe sur le terrain de la fonction de CHU. Cette étude a mis en évidence une hétérogénéité forte et assez surprenante entre les établissements, puisque, selon la Cour des comptes, certains CHU ne devraient plus être des CHU – elle ne l’a pas dit ainsi, elle a préconisé la mise en place de réseaux entre les CHU et entre les CHU et les autres établissements qui se trouvent sur le territoire du CHU dans le département ou la région. Des travaux importants ont donc été conduits sur le sujet dans le cadre de la mission « CHU de demain ».
Si je n’ai pas de réponse défavorable ou favorable à émettre sur un sujet aussi important que celui-là, je pense que l’installation d’un CHU n’est pas une obligation. L’obligation, c’est d’avoir la qualité des soins un peu partout sur le territoire. Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le sénateur, j’entends votre demande ; elle émane d’ailleurs d’un certain nombre de territoires qui sont dans la même situation.
Je rappelle ce qui a prévalu à la création des CHU. Les ordonnances Debré précisaient que, dans les villes sièges de facultés de médecine, de facultés mixtes de médecine et de pharmacie, les facultés et les centres hospitaliers devaient organiser conjointement l’ensemble de leurs services en centres de soins d’enseignement et de recherche. Ces centres ont pris le nom de centre hospitalier universitaire. C’est en fait la présence d’une faculté de médecine qui détermine la reconnaissance d’un CHU, et c’est à ce titre que certains chefs-lieux de région ne sont pas siège de CHU à ce jour.
Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur cette logique qui fonde la spécificité des CHU, lieu de réunion du soin, de la recherche et de l’enseignement. Il préfère suivre les recommandations de la Cour des comptes et organiser des réseaux entre hôpitaux.
Pour autant, j’entends votre demande, qui est liée à la désertification médicale et au fait que les étudiants s’installent dans leur lieu de formation. Or les dispositions qui ont été votées dans ce texte – la fin de la Paces, le fait que l’entrée dans les études de médecine puisse se faire à partir de formations universitaires qui ne sont pas des UFR de médecine – diversifieront l’origine des étudiants non seulement en termes de compétences, mais surtout sur le plan territorial.
Par ailleurs, de nombreuses dispositions ont été adoptées favorisant les stages en zone sous-dense et dans le secteur ambulatoire.
C’est donc tout un panel de mesures qui feront découvrir des territoires aux étudiants. À la limite, ce sera même plus efficace que la création d’un CHU, en tant que tel. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, il ne s’agit absolument pas de demander un CHU par département. J’ai cité le cas d’une capitale régionale qui est dépourvue de CHU ; il n’y en a pas beaucoup.
Madame la ministre, j’entends vos propos. Malheureusement, je crains qu’ils ne répondent pas aux attentes des populations. Je le répète, le CHU de Tours est saturé. Le Loiret compte aujourd’hui 800 médecins de moins pour 70 000 habitants de plus que l’Indre-et-Loire. En outre, des cantons entiers sont sans médecin.
Tous les efforts qui sont consentis depuis des années en faveur d’une coopération avec l’université et le CHU de Tours – vous savez, madame la ministre, je les connais depuis plusieurs décennies ! – aboutissent à des paroles, mais à trop peu d’actes, malheureusement.
Je regrette que vous émettiez un avis défavorable sur un amendement qui vise simplement à vous demander de bien vouloir étudier la question pendant six mois. On peut prolonger le délai, s’il vous semble trop court…
Quel inconvénient y aurait-il à ce que vous revoyiez votre position pour accepter d’étudier la question, en concertation avec les élus, les responsables de l’ARS et les médecins ? Vous est-il vraiment impossible en tant que ministre d’accepter d’étudier ce que je ne suis pas du tout le seul à demander ? C’est toute une population qui le demande. Je me permets d’insister…
Vous le voyez, je fais des efforts en espérant être entendu. Malheureusement, l’espérance ne suffit pas toujours.
Mme Laurence Rossignol. Donnez-lui un rendez-vous ! Faites quelque chose, madame la ministre ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 406 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 9
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, pour renforcer la prise en compte des exigences de qualité et de technicité des soins dans les conditions d’autorisation des différentes activités, pour organiser une meilleure répartition territoriale de l’offre de soins selon une logique de gradation des soins et pour étendre le champ des activités de soins soumises à autorisation, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi visant à :
1° Modifier le régime d’autorisation des activités de soins, des équipements matériels lourds, des alternatives à l’hospitalisation et de l’hospitalisation à domicile en vue notamment de favoriser le développement des alternatives à l’hospitalisation, de prévoir de nouveaux modes d’organisation des acteurs de santé et d’adapter ce régime aux particularités de certaines activités rares ou à haut risque ;
2° Adapter le régime des autorisations aux activités réalisées dans le cadre des dispositifs de coopération et de coordination des acteurs de santé ;
3° Simplifier les procédures et les conditions de délivrance des autorisations d’activités de soin ;
4° Modifier les dispositions applicables au service de santé des armées en cohérence avec le régime des autorisations issues des 1°, 2° et 3°.
II. – Les ordonnances sont prises dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Le projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Nous sommes en profond désaccord avec cet article, qui donne toute latitude au Gouvernement pour redessiner la carte des soins en France, en lui permettant notamment de modifier à sa guise les régimes d’autorisations des activités de soins.
L’enjeu de cette réforme est loin d’être purement technique. De son contenu va dépendre en partie la réussite ou l’échec de la mise en place d’une offre de soins hospitalière véritablement territorialisée et graduée, propre à garantir à l’ensemble de la population un égal accès à des soins de qualité délivrés dans des conditions de sécurité optimales.
Un encadrement juridique plus strict des conditions d’implantation et de fonctionnement de certaines activités de soins comme la chirurgie pourrait avoir des conséquences sur la capacité de certains hôpitaux à continuer de proposer certaines spécialités, compte tenu des contraintes auxquelles ces établissements font face.
Si le renforcement de la qualité et de la sécurité des soins est une nécessité incontestable, il doit s’accompagner d’outils de coopération et de mutualisation qui permettront aux établissements les moins bien dotés de s’inscrire dans une filière de soins et de bénéficier des moyens d’assurer une offre hospitalière de premier niveau répondant aux nouvelles conditions techniques de fonctionnement.
La création d’une équipe médicale territoriale, qui permettrait notamment de mutualiser les ressources médicales et d’assurer une prise en charge coordonnée à l’échelle de plusieurs établissements, constitue à cet égard une piste intéressante.
D’autres pistes pourraient également être explorées, telle la suppression de l’obligation, pour les groupements de coopération sanitaire exploitants, d’exploiter les autorisations sur un site unique, ou encore la création d’une autorisation de projet, à l’image de ce qui existe déjà pour les plateaux mutualisés d’imagerie médicale.
En tout état de cause, dans un contexte de grande inégalité territoriale, nous ne pouvons accepter, madame la ministre, que vous teniez le Parlement en marge sur un sujet requérant une connaissance fine des territoires.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 320 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 704 est présenté par MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Rossignol, Meunier, Van Heghe, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, J. Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mmes Lepage et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 320.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’article 9 habilite le Gouvernement à réformer par ordonnances le régime des autorisations des activités de soins.
Actuellement, les agences régionales de santé autorisent ou non la création des activités de soins. Pour être autorisé par l’ARS, un projet doit répondre aux besoins de santé de la population et être compatible avec les objectifs du schéma régional de santé.
L’article 9 modifie les seuils d’activité minimaux permettant d’assurer la qualité et la sécurité des soins. La future carte hospitalière sera définie dans une logique de gradation des soins, entre soins de proximité, soins spécialisés, soins de recours et soins de référence. La sécurité des patients pourra être invoquée pour fermer des services et déclasser des établissements en niveau 1 ou 2.
Évidemment, les enjeux de sécurité doivent être pris en considération, particulièrement dans le secteur de la santé, mais ayez tout de même l’honnêteté intellectuelle de faire le rapprochement entre les carences en matière de sécurité et les politiques menées ces trente dernières années. En comprimant les dépenses de santé, vous avez poursuivi ces politiques, madame la ministre. Cela a conduit à une dégradation des conditions de travail, à une réduction de l’attractivité des hôpitaux pour les praticiens, à une diminution des investissements et à une dégradation des infrastructures d’accueil et de soins. Cette logique est déjà à l’œuvre s’agissant des maternités.
Les arguments relatifs à la pertinence des soins et à la sécurité sanitaire sont avancés en permanence pour justifier des fermetures, comme celles des maternités de Creil, de Bernay ou de Die. Mon collègue Guillaume Gontard y a fait référence hier soir.
Nous ne sommes pas dupes : l’application de l’article 9 entraînera la réduction globale de l’offre publique de soins et fragilisera l’égal accès aux soins pour tous.
Nous demandons donc la suppression de cet article dangereux. Nous refusons d’être dessaisis d’une question aussi importante que la refonte de la carte hospitalière.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour présenter l’amendement n° 704.
M. Bernard Jomier. Je serai bref, car mon collègue Yves Daudigny a amplement expliqué notre position.
Il est clair pour nous que, au travers des articles 8 et 9, le Gouvernement demande à avoir les mains libres pour modifier la carte sanitaire.
Nous ne faisons pas de procès d’intention au Gouvernement. Nous partageons le principe de gradation de l’offre de soins et nous sommes conscients qu’il faut redessiner la carte, mais, de façon principielle, nous n’acceptons pas que le Parlement soit dessaisi de ses prérogatives sur un sujet aussi important. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 9.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Nous regrettons tous, évidemment, le recours aux ordonnances sur un sujet aussi important. Les autorisations de soins représentent un fort enjeu pour les territoires.
Ce regret étant exprimé, on peut constater que la concertation est engagée avec les acteurs. La suppression de cet article aurait donc pour seul effet de différer encore une réforme attendue, visant à concilier les exigences de qualité et de sécurité des soins avec celle d’accès aux soins. Nous aurions préféré être nous aussi consultés sur le sujet, en tant que parlementaires.
J’attire l’attention de Mme la ministre sur les enjeux, en termes de simplification et de cohérence des règles, qui ont été relevés par les fédérations hospitalières.
Cela étant, pour que le travail puisse se poursuivre, y compris au-delà de cette enceinte, en particulier en commission mixte paritaire, je demande le retrait de ces amendements. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je tiens à répéter devant vous, même si certains en doutent, qu’il n’y a pas de carte hospitalière cachée. Nous n’avons pas la volonté d’imposer une carte d’en haut.
En réalité, l’offre de soins résulte de projets portés par les acteurs eux-mêmes. Si nous demandons à pouvoir légiférer par ordonnances sur l’évolution du régime des autorisations des activités de soins, c’est pour donner aux acteurs des outils leur permettant de concrétiser des projets, dans le respect de la qualité et de la sécurité des soins dues aux patients.
La réforme des autorisations des activités de soins a été lancée en janvier 2018, soit bien avant que nous ne pensions même à élaborer ce projet de loi. Nous avons travaillé de manière assumée en coconstruction avec l’ensemble des acteurs. Une partie des travaux entrepris dans le cadre de cette réforme s’achèvera dès cet été, l’autre partie devant être terminée pour la fin de l’année. À cette échéance, l’ensemble des projets concernant les autorisations des activités des soins auront été abordés par les parties prenantes, régulièrement réunies au ministère. Cette temporalité de la concertation rend nécessaire de prévoir, postérieurement aux travaux parlementaires sur le présent projet de loi, d’éventuelles adaptations législatives. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons pouvoir légiférer par ordonnances.
Je vous rappelle également, mesdames, messieurs les sénateurs, que je me suis engagée à revenir devant vous, lors de l’examen des projets de loi d’habilitation, présenter à la commission des affaires sociales une étude d’impact. Je ne souhaite pas priver le Sénat de visibilité sur ces travaux. Simplement, ils ne sont pas achevés et font l’objet de concertation avec l’ensemble des parties prenantes. Ils s’appuient en outre sur des travaux scientifiques, qui mettent notamment en exergue un lien entre certains seuils d’activité et l’obtention de meilleurs résultats. Nous devons en tenir compte. Nombre de pays se sont emparés de ces outils pour améliorer la qualité de leurs soins. Nous devons faire évoluer ces critères, comme tous les pays du monde qui travaillent sur les critères de qualité des soins.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 320 et 704.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 9.
(L’article 9 est adopté.)
Article additionnel après l’article 9
M. le président. L’amendement n° 761, présenté par MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Rossignol, Meunier, Van Heghe, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mmes M. Filleul et Harribey, MM. Lurel, J. Bigot et Bérit-Débat, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mme Ghali, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mmes Lepage et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6145-1 du code de la santé publique, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il est établi en différenciant les allocations de ressources et de moyens dévolues aux activités de médecine-chirurgie-obstétrique, de psychiatrie, et de soins de suite et de réadaptation. »
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Lors des auditions que nous avons menées pour préparer l’examen de ce projet de loi, les acteurs de la psychiatrie ont insisté sur l’engagement que vous avez pris, madame la ministre, à la fin de l’année 2017, de sanctuariser le budget de la psychiatrie. Or les pratiques budgétaires au sein des groupements hospitaliers de territoires, les GHT, sont très variables. Elles aboutissent encore parfois, et même souvent, à la disparition de postes et de structures de proximité.
Notre amendement vise donc à prévoir que l’état prévisionnel des recettes et des dépenses des établissements détaille les financements dédiés respectivement aux activités de médecine-chirurgie-obstétrique – MCO –, de psychiatrie et de soins de suite et de réadaptation, ou SSR.
Aujourd’hui, les dotations annuelles de la psychiatrie et des soins de suite et de réadaptation sont intégrées, de manière indifférenciée, au compartiment hospitalier de l’Ondam, l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, dans la ligne « Autres dépenses des établissements de santé ». Selon le principe de non-affectation des recettes aux dépenses, elles peuvent donc être « fondues » afin de financer toutes sortes d’activités et de dépenses des établissements, et donc pas uniquement celles auxquelles elles sont censées être dévolues. Compte tenu des pressions qui pèsent sur l’hôpital, que nous connaissons tous, la prise en charge psychiatrique en pâtit lourdement.
Sans compromettre le statut sanitaire de la prise en charge psychiatrique ni sa nécessaire articulation avec les champs MCO et SSR, un compartimentage du compte de résultat principal en trois volets – MCO, psychiatrie, SSR – garantirait aux autorités de tutelle des établissements de santé la bonne affectation des moyens dans les établissements multiactivités.
Une telle mesure, peu complexe à mettre en œuvre dans sa déclinaison opérationnelle, apparaît d’autant plus opportune qu’elle permettrait de conforter les rapprochements entre établissements dans des GHT « tous soins », structures qui semblent être les plus pertinentes pour favoriser l’articulation et l’adéquation entre les parcours de vie et de soins des personnes.
Si nous voulons sanctuariser les budgets de la psychiatrie, nous devons d’abord les identifier.