M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’objectif de sanctuariser les recettes dévolues aux activités de psychiatrie est légitime, mais probablement très largement insuffisant, eu égard aux dotations annuelles de fonctionnement accordées aux hôpitaux psychiatriques. Nous partageons cependant tous cette préoccupation au sein de la commission.
La mesure proposée est technique. De manière plus générale, des ressources nouvelles pour la psychiatrie sont parallèlement attendues dans le prolongement de la feuille de route qui a été présentée par la ministre. Nous saluons cet engagement, qui répond à une nécessité, sinon à une urgence, pour de nombreux établissements.
En attendant cette feuille de route, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement de M. Jomier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Jomier. Cela veut dire non… (Sourires.)
Mme Agnès Buzyn, ministre. Oui, cela veut dire non, monsieur Jomier, vous commencez à bien me connaître ! (Nouveaux sourires.)
Cette préoccupation, légitime, a été exprimée par de nombreux acteurs de la psychiatrie, qui considèrent que les moyens normalement alloués à leur secteur sont dilués dans les budgets des hôpitaux. J’ai donc demandé, dès mon arrivée au ministère en 2017, une sanctuarisation des budgets de la psychiatrie. Des messages très clairs ont été envoyés par les ARS.
Entre-temps, j’ai organisé une réforme du financement des hôpitaux, mettant particulièrement l’accent sur le financement des soins de suite et de réadaptation et de la psychiatrie. Nous allons disposer d’indicateurs de qualité, de forfaits par pathologie, par exemple, dédiés à chacune des activités.
J’entends vos inquiétudes, monsieur le sénateur, mais je crains qu’adopter votre proposition ne complexifie la gestion dans les hôpitaux. De nombreux financements sont transversaux et il faut faire évoluer leur répartition dans le temps. Les outils techniques que vous proposez de mettre en œuvre ne sont pas adaptés à l’objectif. J’ai d’ores et déjà lancé une dynamique d’amélioration du financement de la psychiatrie. Je viens ainsi de dégager 100 millions d’euros pour financer des mesures nouvelles en faveur de la psychiatrie en 2019. Je suis très attentive à ce que ce secteur reçoive bien les crédits qui lui sont destinés. Je pense que c’est plutôt un dialogue plus transparent avec les ARS qui permettra de s’assurer de l’effectivité de ces financements.
Soyez assuré de ma vigilance, monsieur le sénateur. L’adoption de cet amendement risquerait de complexifier considérablement la situation, alors que je suis en train de modifier complètement le mode de financement des activités de MCO, de psychiatrie et de SSR dans le cadre de la réforme de la tarification. J’émets donc un avis défavorable, même si je comprends l’objectif.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je suis d’accord avec M. le rapporteur et Mme la ministre sur la nécessité d’augmenter globalement les dotations du secteur de la psychiatrie, dont on connaît les besoins. J’ai bien noté la nomination à laquelle vous avez procédé récemment, madame la ministre, pour retravailler de façon plus large la politique en matière de santé mentale.
Un certain nombre de GHT isolent déjà les financements dédiés aux activités de psychiatrie dans un budget annexe. La mesure que je propose n’est donc pas complexe à mettre en œuvre. Le problème est que dans les GHT où ce cantonnement n’est pas pratiqué, les crédits de la psychiatrie sont souvent réattribués à d’autres secteurs. C’est bien normal, compte tenu de l’ampleur de la pénurie ! Quand les budgets dédiés ne sont pas clairement identifiés, il est toujours tentant de mettre en œuvre une certaine fongibilité.
La mesure que nous proposons ne réglerait que partiellement le problème, nous en convenons tout à fait, mais la sanctuarisation commence par une identification claire des budgets.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. En tant que maire, j’ai été président d’un hôpital psychiatrique durant plusieurs années, le centre hospitalier de Lommelet, que vous avez d’ailleurs visité, madame la ministre, voilà quelques semaines.
L’organisation de la psychiatrie en France s’est peu à peu délitée, et la situation de ce secteur présente un caractère de particulière urgence. L’amendement de M. Jomier ne représente certes qu’une solution partielle, comme l’a fort bien dit notre collègue, mais son adoption aurait le mérite de sanctuariser les budgets et de redonner confiance au secteur de la psychiatrie.
À titre personnel, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je n’ai sans doute pas été assez claire.
Je comprends l’esprit de cet amendement, mais il est en contradiction avec une réforme de la tarification qui vise à valoriser les activités, mais aussi la qualité et la pertinence des soins, et qui comportera la forfaitisation d’un certain nombre de parcours.
Or, petit à petit, les parcours concernés par la forfaitisation pourront être de plus en plus complexes et inclure à la fois des activités de médecine et de chirurgie, ou de médecine et de psychiatrie, ou de médecine et de soins de suite, à l’instar du traitement de l’obésité, par exemple. Ces parcours pourront être forfaitisés. La réforme de la tarification qui est train d’être mise en œuvre vise donc à favoriser l’adoption d’une vision globale du parcours des patients.
Je comprends que vous cherchiez à sanctuariser les crédits de la psychiatrie. Je souhaite moi-même renforcer la psychiatrie française, qui a été beaucoup délaissée. J’y mets des moyens, je viens de nommer un délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, j’ai défini une feuille de route. Votre amendement contredit totalement le raisonnement dont procède la tarification que nous mettons en œuvre, fondée sur la transversalité du financement et la qualité des parcours.
Je suis donc défavorable à votre amendement, monsieur le sénateur, car, s’il était adopté, cela bloquerait complètement cette réforme de la tarification.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 761.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre III
Renforcer la stratégie et la gouvernance médicales au niveau du groupement hospitalier de territoire, et accompagner les établissements volontaires pour davantage d’intégration
Article 10
I. – Le livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 6144-2, il est inséré un article L. 6144-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6144-2-1. – Il peut être institué une commission médicale de groupement dans chaque groupement hospitalier de territoire, après accord des commissions médicales d’établissement des établissements parties au groupement. La commission médicale de groupement contribue à l’élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie médicale du groupement et du projet médical partagé du groupement. Elle contribue notamment à l’élaboration de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que des conditions d’accueil et de prise en charge des usagers.
« La commission médicale de groupement est composée de représentants des personnels médicaux, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques, parmi les membres des commissions médicales d’établissement des établissements parties au groupement. Elle élit son président.
« Un décret détermine les conditions d’application du présent article, notamment la composition et les règles de fonctionnement des commissions médicales de groupement ainsi que les matières sur lesquelles elles sont consultées. » ;
2° Le b du 5° du II de l’article L. 6132-2 est ainsi modifié :
a) À la deuxième phrase, après les mots : « directeurs d’établissement, », sont insérés les mots : « le président de la commission médicale du groupement, » ;
b) Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Le directeur de l’établissement support est le président du comité stratégique du groupement hospitalier de territoire. Le président de la commission médicale de groupement en est le vice-président ; »
3° Le premier alinéa du II de l’article L. 6132-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut également assurer pour le compte des établissements parties la gestion des ressources humaines médicales, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques, en cohérence avec la stratégie médicale de groupement élaborée avec le concours de la commission médicale de groupement. » ;
4° (nouveau) Au premier alinéa de l’article L. 6144-1, après le mot : « contribue », sont insérés les mots : « à l’élaboration et à la mise en œuvre de la stratégie médicale de l’établissement et de son projet médical en lien avec le projet médical partagé du groupement, et ».
II. – Après l’article L. 6132-5 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 6132-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6132-5-1. – Les établissements parties à un même groupement hospitalier de territoire peuvent être autorisés par le directeur général de l’agence régionale de santé, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, au regard de l’intention et des capacités de l’ensemble des établissements parties, à :
« 1° Mettre en commun leurs disponibilités déposées auprès de l’État, par dérogation aux articles L. 312-2, L. 511-5 et L. 511-7 du code monétaire et financier et à l’article L. 6145-8-1 du présent code ;
« 2° (Supprimé)
« 3° Conclure avec l’agence régionale de santé, par dérogation à l’article L. 6114-1 et au 1° de l’article L. 6143-7, un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens unique pour l’ensemble des établissements du groupement. »
III. – A. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, en vue, d’une part, de tirer les conséquences des dispositions du I du présent article sur les établissements publics de santé et les groupements hospitaliers de territoire et de renforcer leur gouvernance médicale et, d’autre part, d’ouvrir une faculté aux établissements parties à un groupement hospitalier de territoire d’approfondir l’intégration de leurs instances représentatives ou consultatives, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi visant à :
1° Mettre en cohérence le fonctionnement et les champs de compétences des commissions médicales d’établissement et des commissions médicales de groupement ainsi que les attributions de leurs présidents respectifs ;
2° Étendre les compétences des commissions médicales d’établissements et de groupements ;
3° Définir l’articulation des compétences respectives en matière de gestion des ressources humaines médicales, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques des directeurs d’établissements parties à un groupement hospitalier de territoire et des directeurs d’établissements support de groupement hospitalier de territoire ;
4° Organiser les conditions dans lesquelles les établissements parties à un groupement hospitalier de territoire peuvent décider de fusionner ou substituer leurs directoires et le comité stratégique du groupement hospitalier de territoire, par dérogation au dernier alinéa de l’article L. 6141-1 du code de la santé publique ;
5° Organiser les conditions dans lesquelles les établissements parties à un groupement hospitalier de territoire peuvent décider de fusionner ou substituer leurs commissions médicales d’établissement et leur commission médicale de groupement hospitalier de territoire, par dérogation aux b et c du 5° du II de l’article L. 6132-2 et aux articles L. 6143-7-5, L. 6144-1 et L. 6144-2 du même code ;
6° Organiser les conditions dans lesquelles les établissements parties à un groupement hospitalier de territoire peuvent décider de fusionner ou substituer leurs comités techniques d’établissement, leurs comités techniques de groupements de coopération sanitaire de moyens de droit public et la conférence territoriale de dialogue social du groupement hospitalier de territoire, par dérogation aux articles L. 6144-3, L. 6144-3-1, L. 6144-3-2 et L. 6144-4 dudit code ;
7° Organiser les conditions dans lesquelles les établissements parties à un groupement hospitalier de territoire peuvent décider de fusionner ou substituer leurs commissions des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques et la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques de groupement, par dérogation à l’article L. 6146-9 du même code ;
8° Organiser les conditions dans lesquelles les établissements parties à un groupement hospitalier de territoire peuvent décider de fusionner ou substituer leurs comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail par dérogation aux articles L. 4611-1 et L. 4611-2 du code du travail, demeurés applicables en vertu du I de l’article 10 de l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales ;
9° Préciser les modalités de constitution, les règles de composition et les attributions des instances qui résulteront des fusions ou substitutions prévues aux 4° à 8° du présent A ainsi que les conditions permettant de mettre fin à ces fusions et substitutions, de nature à garantir la représentation effective des personnels de chacun des établissements du groupement et le respect du principe d’élection.
B. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement pour chaque ordonnance prévue au présent III dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
IV. – (Non modifié) L’article L. 6132-7 du code de la santé publique est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Les conditions de mise en œuvre des autorisations prévues à l’article L. 6132-5-1, ainsi que celles permettant d’y mettre fin en garantissant la continuité des activités et des parcours de soins. »
V. – (Non modifié) Le I entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2021.
VI. – (Non modifié) Les mandats des présidents et des membres élus des commissions médicales d’établissement mentionnées à l’article L. 6144-1 du code de la santé publique et des établissements parties à un groupement hospitalier de territoire sont prorogés jusqu’à la date d’institution des commissions médicales de groupement fixée par le décret prévu au V du présent article et, au plus tard, le 1er janvier 2021.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Cet article nous paraît particulièrement inquiétant. C’est pourquoi ma collègue Michelle Gréaume présentera dans quelques instants un amendement visant à le supprimer.
La loi de modernisation du système de santé, dite « loi Touraine », a instauré les GHT, dont la mise en place est, selon nous, dans la très grande majorité des cas, une occasion de mutualiser les moyens, certes, mais aussi de les réduire. Une hiérarchie est souvent instaurée entre les établissements membres d’un même GHT, ce qui justifie des suppressions de postes. Les personnels de santé ou administratifs ne travaillant pas dans l’établissement support ont d’ailleurs très souvent l’impression d’être sous sa tutelle et éloignés de la prise de décisions.
Alors même qu’aucune évaluation n’a été faite depuis l’instauration de l’obligation d’intégrer un GHT et que l’on peut légitimement estimer que les objectifs, en termes d’accès aux soins, n’ont pas été atteints, une étape supplémentaire est aujourd’hui franchie au travers de l’article 10, qui institue une commission médicale de groupement, une CME, mutualise la gestion des ressources humaines médicales et fusionne les instances représentatives, tels les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT.
Certes, la commission a quelque peu modifié le texte initial et maintenu un droit d’option, mais, en définitive, je crains que la logique ne demeure la même, d’autant que le Gouvernement a déposé des amendements visant à confirmer le caractère obligatoire des fusions au sein des GHT.
Nous sommes opposés à cette nouvelle étape à marche forcée et nous nous étonnons de cette façon de procéder, adoptée par différents gouvernements, qui ne fait qu’une très faible place aux évaluations et au retour vers les parlementaires pour qu’ils puissent établir un bilan et prendre des décisions en conséquence. Nous avons le sentiment que les décisions sont prises de manière unilatérale.
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, sur l’article.
M. Dominique Théophile. L’article 10 renforcera l’intégration des établissements au sein des groupements hospitaliers de territoire, créés par la loi de modernisation du système de santé de 2016, afin de consolider la dynamique de coopération et d’intégration dans la région. Sa mise en œuvre améliorera structurellement l’offre de soins dans notre pays en renforçant la coordination entre les acteurs de santé.
Il s’agit par exemple d’éviter les doublons, de mieux identifier les compétences sur le territoire concerné, afin de présenter une offre du meilleur niveau en termes de gestion des ressources humaines médicales, odontologiques, pharmaceutiques et maïeutiques.
L’examen des articles précédents l’a mis en lumière, nous ne pouvons pas nous permettre de disperser nos forces dans un contexte où nous manquons de soignants, d’autant que cette pénurie ne prendra pas fin avant une quinzaine d’années.
À cet égard, la gradation des soins permet une meilleure répartition de nos moyens. Les spécialistes que nous avons auditionnés le confirment : accoucher dans une maternité de niveau 1 est une bonne nouvelle pour la patiente, car cela signifie que les examens n’ont pas mis en évidence de risques de complications ; il faut laisser les spécialistes réserver les services de niveau 2 ou 3 aux patients qui en ont réellement besoin.
Cet article permettra également aux groupements existants d’aller plus loin dans la mutualisation de certaines compétences, et d’élaborer par exemple des programmes de financement et d’investissement en commun.
Enfin, nous l’avons constaté lors des auditions que notre groupe a organisées : le groupement hospitalier de territoire fait peur aux hôpitaux de proximité. Il faudra donc veiller à avoir de l’ambition pour ces hôpitaux et à ne pas réorganiser les services sans étudier les perspectives de rayonnement des GHT à travers les hôpitaux de proximité.
Si ces paramètres sont respectés, l’article 10 permettra une meilleure efficience de l’offre de soins, malgré la pénurie de personnels soignants.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Les groupements hospitaliers de territoire, créés par la loi Touraine de 2016, constituent une réelle opportunité de procéder à des restructurations harmonieuses, sous condition de l’élaboration d’un projet médical consensuel et du respect des demandes des patients et des territoires, ainsi que des conditions de travail des personnels hospitaliers.
Nous sommes bien sûr favorables aux démarches de mutualisation, de coopération et de complémentarité, mais les difficultés apparaissent lors de leur mise en œuvre. L’ambition de renforcer très fortement l’intégration des GHT suscite au moins cinq interrogations : souvent, il n’existe pas de réel projet médical, ce qui explique les nombreux conflits survenant un peu partout dans les hôpitaux ; les établissements périphériques doivent être assurés de bénéficier des ressources médicales de l’établissement support, afin que leur attractivité soit garantie ; quid du rôle des commissions médicales d’établissement en matière de qualité et de sécurité des soins, à l’aune notamment de la création des commissions médicales de groupement ; quid de l’association des équipes médicales aux projets et à la gestion territoriale – à cet égard, comment demander aux personnels de s’investir dans des projets de transformation importants si aucune réponse n’est apportée à leurs problèmes de court terme ? – ; enfin, la situation financière des hôpitaux, sur laquelle nous reviendrons lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, inquiète.
Je veux, à cette occasion, exprimer ma solidarité et celle du groupe socialiste et républicain avec le mouvement des urgentistes, aujourd’hui en grève, et dire notre émotion devant les réquisitions préfectorales, qui ont amené les gendarmes à solliciter des soignants en pleine nuit, la semaine dernière, notamment à Lons-le-Saunier.
Le Conseil national de l’ordre des médecins, institution tout à fait respectable, demande « une concertation d’urgence impliquant tous les acteurs afin qu’une réponse durable soit apportée aux revendications des professionnels de santé », dont la « souffrance face aux conditions de travail actuelles doit être entendue ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Les différentes interventions m’ont rappelé les mesures mises en place ces dernières années.
C’est en 2009 que nous avons pour la première fois parlé de communautés hospitalières de territoire, dans le cadre de l’élaboration de la loi HPST portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Ces regroupements devaient résulter d’une démarche volontaire des hôpitaux. Il n’y avait pas d’obligation.
En 2016 sont apparus les groupements hospitaliers de territoire, articulés autour d’établissements pivots. Leur mise en place était obligatoire.
Aujourd’hui, on va un peu plus loin, en prévoyant même d’imposer la création de CME de GHT.
Cela m’évoque la démarche de l’intercommunalité, reposant d’abord sur le volontariat, avec les communautés de communes ou les communautés de ville, puis comportant des obligations, avec les communautés d’agglomération et, désormais, les métropoles. Les intercommunalités deviennent de plus en plus grosses, dans l’espoir de réaliser des économies, que l’on n’a en définitive jamais réellement constatées, comme le souligne volontiers le Président de la République… Les intercommunalités ont embauché, et cela coûte cher, de plus en plus cher.
Je crains qu’il n’en aille de même, à terme, dans le secteur hospitalier, et que les économies, en particulier dans le cadre des marchés, ne soient pas à la hauteur des attentes. J’en appelle donc à la prudence. Allons-y doucement. C’est pourquoi la commission a proposé que la création de la CME du GHT relève du volontariat et ne soit pas imposée. Ne posons pas systématiquement des obligations, car plus on contraindra les acteurs, moins ils en feront.
En ce qui concerne les urgentistes, nous sommes évidemment tous solidaires, monsieur Daudigny, mais nous sommes également tous responsables de la situation actuelle, ne serait-ce que par les budgets que nous avons votés, au moins depuis 2009. Les Ondam successifs, je le répète, n’ont pas permis de mettre en place suffisamment de moyens pour rendre la médecine de ville attractive, afin que la médecine d’urgence n’ait plus à pallier ses déficiences. Malheureusement, au regard des enveloppes contraintes dont nous disposons, cette responsabilité risque de durer encore quelque temps…
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, sur l’article.
Mme Véronique Guillotin. Les GHT, partis d’une simple démarche de mutualisation des achats ou des services support, en vue de réaliser des économies, évoluent aujourd’hui vers l’écriture et la mise en œuvre de projets médicaux.
On peut espérer de la mutualisation de projets médicaux, voire de CME pour ceux qui le souhaitent, une meilleure répartition des ressources humaines. La crainte qui s’exprime dans nos territoires, c’est que le gros hôpital absorbe le petit, mais l’objectif est bien de travailler avec des ressources humaines communes, en maintenant un équilibre entre les différents hôpitaux.
Dans le département de la Meuse, à Bar-le-Duc, l’instauration d’une direction commune a permis une gouvernance équilibrée entre l’hôpital principal et les plus petites structures, prenant en compte l’ensemble des acteurs. Dans ce cas précis, les choses se passent bien dans les hôpitaux de proximité. Lorsque les acteurs travaillent en bonne intelligence, le regroupement peut être une chance pour certains territoires, si l’on veille à une gouvernance équilibrée respectant les petits hôpitaux.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, sur l’article.
Mme Élisabeth Doineau. Comme il est indiqué dans le rapport de la commission, seulement un cinquième des GHT ont opté pour une formule plus intégrative. Il est sans doute souhaitable que ce mouvement s’étende, mais je m’inquiète un peu que l’on veuille rendre obligatoire le renforcement de l’intégration, certains GHT rencontrant des difficultés à s’engager dans cette voie. Cela éviterait sans doute les concurrences entre établissements en matière de recrutement et de rémunérations, mais instaurer une telle obligation pourrait induire un effet inverse dans certains territoires où les difficultés de recrutement sont telles que l’hôpital support a tendance à aspirer les médecins des hôpitaux de proximité.
Les GHT diffèrent en termes de taille, d’organisation, de degré d’intégration. Ils ont souvent engagé des efforts considérables de mutualisation, permettant de réaliser des économies. Laissons-leur du temps. Cet article, on le voit bien, suscite des peurs. Je m’interroge donc sur l’opportunité d’imposer un même schéma à tous, alors que les situations sont très diverses. Cela pourrait même freiner les initiatives et les dynamiques. En tout cas, je peine à croire que cette mesure puisse permettre de remédier aux difficultés de recrutement sur mon territoire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, sur l’article.
M. Jean-Louis Tourenne. Le rapporteur a affirmé que le regroupement des communes n’avait pas abouti à une diminution des dépenses de personnel,…
M. René-Paul Savary. C’est vrai !
M. Jean-Louis Tourenne. … que la mutualisation n’avait pas apporté les fruits espérés. Ce discours maintes fois répété, y compris par la Cour des comptes, me semble devoir être nuancé. Il met en accusation les élus locaux, qui seraient incapables de mettre en œuvre des mesures d’économie. C’est oublier que la coopération a accéléré la mise en place d’équipements et de services qui, sans elle, n’auraient peut-être même jamais vu le jour. Il en est résulté des frais de gestion et des charges supplémentaires, mais la population y a trouvé son compte.
Cessons donc de jeter l’anathème sur les élus locaux et la coopération intercommunale !