Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Avis défavorable, pour les raisons déjà exposées à propos des différents amendements visant à préciser le contenu des études médicales.
Monsieur Labbé, j’étais membre de votre mission d’information. Lorsque vous avez présenté votre rapport, j’ai dit ce que j’en pensais, et je confirme que je ne l’ai pas voté…
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 673 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 3 bis B
(Non modifié)
Le cinquième alinéa de l’article L. 4311-15 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette liste mentionne, le cas échéant, les titres de spécialités ou de pratiques avancées détenus par les professionnels. » – (Adopté.)
Article 3 bis
Le 10° de l’article L. 1411-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le mot : « initiale », sont insérés les mots : « et continue » ;
2° Le mot : « ultérieur » est supprimé.
Mme la présidente. L’amendement n° 674 rectifié, présenté par MM. Labbé, Antiste, Arnell et Artano, Mme Benbassa, MM. Bignon, A. Bertrand, Cabanel et Castelli, Mmes M. Carrère, Conconne et Conway-Mouret, MM. Corbisez, de Nicolaÿ, Dantec et Decool, Mme N. Delattre, M. Delcros, Mme Dindar, MM. Gabouty, Gontard, Guérini et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde, MM. Laurey et Moga, Mmes Monier et Préville, MM. Requier et Roux, Mme Tetuanui et MM. Vall et Vogel, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après le 11° de l’article L. 1411-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° La promotion de la santé par les plantes, des activités de recherche et de formation des professionnels de santé concernant la phytothérapie et l’aromathérapie, afin de mieux les intégrer dans le système de soins. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. J’ai entendu M. le rapporteur, mais je suis tenace, et le resterai…
Cet amendement vise à intégrer la médecine par les plantes dans les orientations de la politique de santé. La faible place des plantes dans notre système de santé est, je le répète, très regrettable, parce que nous nous privons de thérapies efficaces, mais aussi parce que les professionnels de santé ne peuvent pas, dans bien des cas, prendre en compte les potentielles interactions médicamenteuses.
Dans les maisons de retraite ou les hôpitaux, les professionnels qui souhaitent mettre en place des protocoles utilisant les plantes rencontrent des difficultés, alors même que certains produits végétaux sont plus efficaces que les thérapies conventionnelles ou en sont complémentaires. Ces protocoles permettent de surcroît des économies substantielles. Ils représentent aussi un moyen de développer une économie locale et durable liée aux plantes médicinales et à leur transformation, bénéfique à la fois pour les territoires, notamment ruraux, la santé de nos concitoyens et la biodiversité.
J’insiste encore sur l’importance de l’enjeu, en termes de santé et de développement économique local, pour les outre-mer, fortement dépendants d’importations de médicaments alors que la biodiversité végétale y est très importante – ils accueillent 80 % de notre biodiversité végétale.
L’inscription de la médecine par les plantes dans les objectifs de la politique de santé serait un signal fort pour remédier à sa faible prise en compte en France. Songez que, au niveau européen, nous sommes les derniers de la classe… Tous nos voisins sont beaucoup plus avancés !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. J’appuie le propos de M. Labbé. J’ai moi aussi été membre de la mission d’information sur le développement de l’herboristerie. Pendant six mois, nous avons mené des travaux passionnants, nourris par de très nombreuses auditions et deux déplacements. Peut-être n’avez-vous pas voté le rapport, monsieur le rapporteur, mais il a en tout cas été adopté à une très large majorité.
Il y a une réalité : la population en général a aujourd’hui envie de se soigner et de rechercher un bien-être par les plantes. Or 70 % des plantes utilisées en France sont importées, faute de production locale. Comme M. Labbé l’a souligné, nous sommes les derniers de la classe européenne : les consommateurs achètent à l’étranger via internet, sans conseil.
Notre rapport d’information recommandait l’inscription des soins par les plantes dans la formation des médecins, qui pourraient ainsi avoir un avis éclairé sur la question et conseiller les patients. Au reste, tout le sens de notre travail était de ne pas opposer les médecins et les pharmaciens aux herboristes, mais de promouvoir les complémentarités.
N’oublions pas que les herboristes ont existé dans le passé ; c’est Pétain, en 1941, qui a interdit cette formation. Nous avons une tradition culturelle des plantes, du vivant et de leurs usages pour la santé. Il serait dommage de nous en priver. (M. Jean-Claude Requier opine.)
Enfin, ces filières ont un intérêt économique pour des territoires ruraux ou hyper-ruraux. La transformation des plantes permet à de petites exploitations, souvent conduites par des femmes, de vivre. Je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement !
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Je confirme qu’il ne s’agit surtout pas d’opposer deux pratiques, mais de prendre en compte une réalité incontournable : il existe, de fait, un marché et une économie, parfois parallèles, via internet, qu’il convient d’encadrer. Il faut aussi que l’usage thérapeutique des plantes soit intégré à la formation de nos professionnels de santé, pour pouvoir jouer les complémentarités. Des médecins non formés aux plantes médicinales ne peuvent pas conseiller les patients, notamment en matière d’interactions médicamenteuses.
Monsieur le rapporteur, j’aime la précision : au moment du vote sur le rapport, vous n’étiez plus là et vous n’aviez pas donné de pouvoir. Le rapport a été voté à l’unanimité des présents. Je tenais à rappeler cette vérité historique !
Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Je ne voterai pas cet amendement.
Il est vrai qu’un rapport a été adopté à l’issue des travaux de la mission d’information, qui se sont déroulés dans un bon état d’esprit. Toutefois, sur la formation et le diplôme d’herboristerie, il n’y a pas eu l’accord que souhaitaient certains membres de ma mission.
Comme Mme la ministre l’a indiqué précédemment, et ainsi que l’a rappelé notre collègue Michel Amiel, des formations enseignées en faculté de pharmacie sont ouvertes aux médecins diplômés. Il y a évidemment des interactions, mais les professionnels de santé ont dès aujourd’hui la possibilité de se former sur ces sujets.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Permettez-moi de revenir de nouveau sur les propos de M. Labbé. Il est vrai que j’ai assisté au début de la présentation du rapport et que je me suis absenté ensuite pour participer à une autre réunion, mais j’ai voté – j’avais donné mon pouvoir à M. Dériot, qui a voté pour moi.
Notre collègue sénatrice de la Drôme a fait une comparaison intéressante : elle a parlé de « bien-être ». Cela ne pose pas de problème si l’on parle de bien-être, mais il en va différemment pour les soins. Le bien-être, pourquoi pas ? Mais les soins, c’est autre chose !
Permettez-moi de faire une petite comparaison méchante, et je présente mes excuses à tous ceux qui pourraient s’en offusquer : nous sommes les derniers en Europe pour la médecine par les plantes, mais les premiers pour l’espérance de vie… Y aurait-il un lien ? (Exclamations sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3 bis.
(L’article 3 bis est adopté.)
Chapitre II
Faciliter les débuts de carrière et répondre aux enjeux des territoires
Article 4
I. – L’article L. 632-6 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le mot : « étudiants », sont insérés les mots : « de deuxième et troisième cycles des études de médecine ou d’odontologie et, de façon distincte, de praticiens à diplôme étranger hors Union européenne autorisés à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine ou en odontologie soit dans le cadre du IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, soit au titre de l’article L. 4111-2 du code de la santé publique » ;
b) Les mots : « , admis à poursuivre des études médicales à l’issue de la première année du premier cycle ou ultérieurement au cours de ces études, » sont supprimés ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les candidatures à la signature d’un contrat d’engagement de service public sont classées dans la limite du nombre fixé au premier alinéa du présent article, selon des modalités fixées par voie réglementaire. » ;
3° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « étudiants et internes » sont remplacés par le mot : « signataires » ;
b) La même première phrase est complétée par les mots : « ou odontologiques ou de leur parcours de consolidation des compétences » ;
c) À la deuxième phrase, le mot : « étudiants » est remplacé par le mot : « signataires » ;
d) À la même deuxième phrase, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;
4° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, les mots : « À l’issue des épreuves mentionnées à l’article L. 632-2 du présent code, » sont supprimés ;
b) Après le mot : « public, », sont insérés les mots : « et réunissant les conditions pour accéder au troisième cycle » ;
c) Les mots : « un poste d’interne » sont remplacés par les mots : « , au regard des critères mentionnés au 4° du II du même article L. 632-2, un poste » ;
5° La première phrase du quatrième alinéa est ainsi modifiée :
a) Au début, les mots : « Au cours de la dernière année de leurs études, » sont supprimés ;
b) Les mots : « internes ayant signé » sont remplacés par les mots : « signataires d’ » ;
6° Après le même quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de ne pas remettre en cause la réalisation des projets professionnels des signataires, précisés et consolidés au cours de leur formation, ou de leur parcours de consolidation des compétences, le Centre national de gestion peut maintenir sur la liste des lieux d’exercice des lieux qui remplissaient les conditions relatives à l’offre et à l’accès aux soins fixées au cinquième alinéa du présent article, dans les deux ans précédant la publication de la liste. » ;
7° Le cinquième alinéa est supprimé ;
8° L’avant-dernier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « médecins ou les étudiants ayant signé » sont remplacés par les mots : « signataires d’ » ;
b) À la même première phrase, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;
c) À la fin de la même première phrase, les mots : « dont le montant dégressif égale au plus les sommes perçues au titre de ce contrat ainsi qu’une pénalité » sont remplacés par les mots : « ainsi que d’une pénalité dont les modalités sont fixées par voie réglementaire » ;
d) Les deux dernières phrases sont supprimées.
II. – (Non modifié) L’article L. 634-2 du code de l’éducation est abrogé.
II bis. – (Non modifié) Au troisième alinéa du II de l’article L. 136-5 du code de la sécurité sociale, les références : « , L. 632-7 et L. 634-2 » sont remplacées par la référence : « et L. 632-7 ».
III. – Le 4° du I est applicable aux étudiants accédant à la première année du deuxième cycle des études de médecine ou d’odontologie à compter de la rentrée universitaire 2020 et, pour les praticiens à diplôme étranger hors Union européenne autorisés à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine ou en odontologie soit dans le cadre du IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, soit au titre de l’article L. 4111-2 du code de la santé publique, à compter du 1er janvier 2020.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Cet article a le mérite de mettre en lumière le contrat d’engagement de service public, le CESP, dispositif qui existe depuis dix ans avec la loi HPST, mais qui est insuffisamment connu, comme l’ont indiqué les organisations étudiantes que nous avons rencontrées.
Ainsi, en dix ans, seuls 2 800 contrats ont été signés par des étudiants et des internes en médecine, avec une montée en charge progressive, puisque ce sont plus de 550 contrats qui ont été conclus en 2017-2018. Pourtant, cet outil incitatif à l’installation de jeunes praticiens en zones sous-dotées aurait dû constituer une réponse plus efficace au problème des déserts médicaux.
Madame la ministre, avez-vous des éléments d’évaluation et de compréhension qui pourraient expliquer les raisons du peu d’attractivité de ce dispositif ?
D’après l’audition des syndicats de jeunes médecins que nous avons menée, cette situation ne serait pas tant due au montant de l’allocation reçue – 1 200 euros bruts – qu’à la situation de ces territoires, victimes des politiques nationales successives, qui ont fermé les services publics les uns après autres : écoles, bureaux de poste, gares, sans parler du manque de commerces et d’attractivité culturelle, ni de l’absence d’emploi pour le compagnon ou la compagne.
Mes chers collègues, j’attire votre attention sur les conséquences concrètes des lois que nous votons ici, ou, pour le coup, que le groupe CRCE ne vote pas. Comment ignorer que la réduction des dépenses publiques a un impact dans nos territoires ? D’où la situation que nous connaissons aujourd’hui : de jeunes médecins hésitent, assez légitimement, à s’installer dans des endroits où il ne reste plus grand-chose. Et dire que le Gouvernement prévoit encore la suppression de 120 000 fonctionnaires… C’est très alarmant et cela devrait nous faire réfléchir.
Rendre le contrat d’engagement de service public plus contraignant, en supprimant la possibilité pour les signataires de modifier leur lieu d’exercice ou en introduisant un classement des candidatures, nous paraît contre-productif. En revanche, nous approuvons le fait que le CESP soit élargi aux Padhue, les praticiens à diplôme hors Union européenne.
Enfin, madame la ministre, pourquoi ne pas réfléchir à des aides pour trouver un logement, des aides pour les transports, etc., autant de petits plus suggérés par les jeunes médecins que nous avons rencontrés en vue d’améliorer réellement ce dispositif ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.
Mme Michelle Gréaume. Parmi les différentes dispositions prévues par cet article figure l’ouverture des contrats d’engagement de service public, les CESP, aux praticiens à diplôme hors Union européenne.
Tout ce qui va dans le sens d’une meilleure répartition des praticiens sur le territoire mérite d’être soutenu. Néanmoins, cela apparaît nettement insuffisant au regard des besoins, ce qui traduit la légèreté avec laquelle ce projet de loi traite l’enjeu des déserts médicaux.
Le principe du CESP est simple : il s’agit d’un contrat par lequel les étudiants en médecine s’engagent à s’établir dans une zone dans laquelle la continuité des soins est menacée ou à choisir une spécialité moins représentée, en contrepartie d’une allocation mensuelle de 1 200 euros versée durant leurs études. Ils devront s’installer pendant un nombre d’années égal à celui durant lequel ils auront perçu l’allocation, et pour deux ans minimum.
Aussi attractif qu’il puisse paraître, ce dispositif ne suffit pas. Seuls 8 % des étudiants de seconde année ont signé un contrat pour 2016-2017, soit 486 étudiants. Nous touchons là du doigt les limites, pour ne pas dire plus, des dispositifs incitatifs.
Il est urgent de mettre en place des mesures claires, plus volontaristes, de régulation à l’installation des médecins ; je pense, par exemple, au conventionnement sélectif en fonction du niveau de dotation des territoires en professionnels de santé. Finalement, cet article à lui seul ne peut pallier l’accélération de la fracture territoriale et sociale en matière d’accès aux soins.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.
M. Bernard Jomier. Voilà un dispositif intéressant, qui poursuit sa montée en charge et commence à produire ses effets.
Son principe est simple : en contrepartie d’une allocation mensuelle, les étudiants s’engagent à s’installer à l’issue de leur formation en zone sous-dense. Depuis sa mise en place en 2010, à la suite de l’adoption de la loi HPST, ce sont plus de 2 800 contrats d’engagement de service public qui ont été signés, dont 550 pour l’année 2017-2018, traduisant une nette progression.
Si un tel dispositif doit bien évidemment être développé – l’extension aux praticiens à diplôme hors Union européenne qui est prévue dans ce projet de loi est une bonne mesure –, il est nécessaire d’en améliorer encore le fonctionnement.
Ainsi, bon nombre d’internes signataires d’un CESP déplorent un manque d’accompagnement tout au long de leur parcours, un retard parfois dans le versement de leur allocation, ou encore des évolutions du zonage qui est défini par l’ARS, l’agence régionale de santé, après la signature, ce qui peut perturber leur projet professionnel.
À cet égard, le délai de deux ans prévu par la loi pour conserver sur la liste des lieux d’exercice proposés à la signature du CESP ne paraît pas suffisant pour permettre aux étudiants d’envisager sereinement leur projet professionnel.
Au-delà des nécessaires perfectionnements du dispositif, je veux le souligner encore une fois, c’est tout le panel des outils destinés à mettre fin aux déserts médicaux qu’il convient d’étendre. Nous en avons parlé, nous ne pourrons pas faire l’économie d’une politique plus volontariste en la matière : il faut redonner à ces territoires l’attractivité qu’ils méritent.
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot, sur l’article.
Mme Colette Mélot. Cet article vise à consolider le contrat d’engagement de service public, le CESP, mis en place par la loi HPST de 2009 afin de favoriser l’installation des jeunes médecins et dentistes dans les déserts médicaux, en contrepartie d’une allocation mensuelle versée lors de leurs études.
Notre groupe y est bien sûr favorable, et nous défendrons un amendement visant à sécuriser le dispositif en alignant la durée du bénéfice du zonage des zones sous-denses sur celles de l’internat de médecine générale.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, sur l’article.
M. Hervé Maurey. Avec cet article 4, nous attaquons, si je puis dire, le chapitre II, intitulé « Faciliter les débuts de carrière et répondre aux enjeux des territoires ».
Or répondre aux enjeux des territoires, c’est, me semble-t-il, essentiel pour la chambre qui représente ces derniers. Force est de constater que, depuis dix ans, nous voyons se succéder des projets de loi. Le texte de 2009 de Mme Bachelot promettait de régler la question en dix ans. Puis, est venu le projet de loi de Mme Touraine. Aujourd’hui, Mme Buzyn est devant nous, et demain, sans doute, les ministres qui lui succéderont viendront également dans cet hémicycle.
Tous les dispositifs que l’on nous propose depuis dix ans ont un point commun : ils reposent uniquement sur des dispositifs incitatifs. Mais, nous le constatons, ils ne sont pas suffisants, puisque, au fil des années, les inégalités territoriales s’accroissent, avec des densités médicales extrêmement différentes : de 1 à 3 pour les généralistes, de 1 à 8 pour les spécialistes, de 1 à 24 pour certaines spécialités – je pense notamment aux pédiatres.
En outre, l’accès aux soins, qui est de plus en plus problématique, coûte très cher. La Cour des comptes considère que la différenciation d’accès aux soins selon les territoires représente un coût compris entre 1 et 3 milliards d’euros par an, et le comité Action publique 2022, mis en place par le Gouvernement lui-même, estime que l’on pourrait économiser 5 milliards d’euros avec une politique différente.
Certains des amendements qui vont être présentés au cours des prochaines heures ont pour objet de sortir de cette logique purement incitative, afin de répondre d’ailleurs à ce que demandent les Français. Je ne puis l’évoquer maintenant par manque de temps, mais toute une série de sondages montre que les Françaises et les Français, comme les associations d’élus, demandent des mesures plus fortes.
Aussi, je me réjouis que nous puissions, au cours de la séance, examiner des amendements allant en ce sens. C’est tout à l’honneur du Sénat que de se pencher sur le volet territorial de ce texte, plus que ne l’a fait, notamment, l’Assemblée nationale.
Nous avons déjà amélioré le texte hier soir en adoptant un amendement visant à rendre obligatoires les stages en troisième cycle. Ce soir, il faut que nous allions plus loin.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 384, présenté par Mme Préville, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Afin de favoriser la mixité sociale, le nombre de places fixé pour la signature d’un contrat d’engagement de service public comporte 50 % d’étudiants boursiers.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Le contrat d’engagement de service public doit favoriser la mixité sociale et inciter par l’aide au financement des études les futurs professionnels de santé à s’installer dans les zones où l’offre de soins est menacée.
C’est l’un des leviers pour faire en sorte que, partout sur le territoire, des médecins se déploient, justement parce qu’ils sont issus de territoires situés en zone sous-dense et de milieux défavorisés. Connaissant ces territoires, ils y reviendront naturellement, dirais-je, s’agissant, par exemple, des territoires ruraux et des zones périurbaines.
C’est à la fois une mesure de justice sociale et un devoir d’égalité pour les enfants de la République. Le principe d’égalité figurant dans notre devise doit s’exprimer dans les faits.
Par ailleurs, il paraît logique que ces aides soient en quelque sorte réservées à celles et ceux qui en ont le plus besoin, une logique vertueuse à tous points de vue, car l’ascenseur social, nous le savons, est actuellement en panne en France.
Nous devons remédier à cette situation et faire la publicité la plus large possible à ce dispositif au cas où les candidats manqueraient. Il est sain que davantage d’étudiants issus des milieux ouvriers ou de l’agriculture puissent devenir médecins à leur tour, comme autrefois, car ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est peut-être là l’une des raisons de notre défaite sur ce sujet.
Il y va de la fierté de la République, dont nous devons faire en sorte que tous les enfants trouvent des portes ouvertes.
Mme la présidente. L’amendement n° 385, présenté par Mme Préville, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Afin de favoriser la mixité sociale, le nombre de places fixé pour la signature d’un contrat d’engagement de service public comporte 30 % d’étudiants boursiers.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Il s’agit d’un amendement de repli.
L’amendement n° 384 a pour objet que le nombre de places réservées pour signer un CESP compte 50 % d’étudiants boursiers, contre 30 % aux termes de l’amendement n° 385.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Le contrat d’engagement de service public est encore en phase de montée en charge, comme cela a été souligné. Pour 2017, tous les CESP offerts n’ont pas trouvé preneur, et 85 % d’entre eux seulement ont été signés, soit 550 contrats.
Dans ce contexte, ajouter une condition pour le bénéfice du CESP pourrait entraver le déploiement de cet outil, que nous devrions au contraire encourager. Nous pourrons, je pense, et je l’espère, en reparler si, un jour, il y avait plus de demandes que de contrats offerts.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur les deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Avant de donner spécifiquement l’avis du Gouvernement sur les amendements de Mme Préville, permettez-moi de dire que ce dispositif est en train de monter en charge, avec des installations dans les territoires.
Ainsi, en 2017, quelque 321 médecins se sont installés dans des zones sous-denses. Sachant qu’il est assez récent, qu’il a mis du temps à être connu et qu’il faut dix ans pour former un médecin, à l’évidence, ce dispositif fonctionne.
Ce n’est pas le seul dispositif incitatif. À cet égard, je suis tout à fait en phase avec les propos de M. Maurey : les dispositifs incitatifs financiers ne sont pas suffisants. En réalité, il faut rendre l’exercice attractif, ce qui va bien au-delà des dispositifs financiers.
En l’espèce, j’ai confié une mission à Mme Sophie Augros, médecin généraliste, dont le rapport est prévu pour cet été, afin d’évaluer l’impact des dispositifs incitatifs financiers mis en place depuis plusieurs années, en vue de connaître ceux qu’il faut privilégier, ou, peut-être, supprimer. En tout cas, nous croyons dans le contrat d’engagement de service public. Il convient de valoriser cette bonne mesure.
Monsieur Jomier, vous avez dit qu’il importe de mieux accompagner les jeunes. On constate effectivement un défaut d’information et d’accompagnement. Aussi, nous souhaitons que ce volet soit aujourd’hui valorisé dans les facultés de médecine. D’ailleurs, les doyens rendent ce dispositif de plus en plus visible, afin que les jeunes s’en saisissent.
Concernant le zonage, l’examen de certains amendements nous permettra de revenir sur cette question dans quelques minutes. En réalité, je souhaite que nous élargissions ce dispositif – c’est ce qui vous est proposé dans cet article –, pour permettre à un plus grand nombre de jeunes encore de s’y engager, en assouplissant peut-être les conditions.
S’agissant des amendements de Mme Préville, je rejoins les propos de M. le rapporteur. Mon objectif est de faire en sorte que 100 % des contrats d’engagement de service public soient signés. Or, plus les mesures seront restrictives, plus grand sera le risque qu’il y ait moins de contrats signés.
Aujourd’hui, l’objet principal du CESP est l’installation en zones sous-denses. Ne soyons pas donc restrictifs. S’il y a, un jour, plus de demandes que d’offres, il sera toujours temps d’envisager des critères restrictifs.
En conséquence, l’avis du Gouvernement est défavorable sur les deux amendements.