Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Par mes amendements, je voulais en appeler à votre vigilance : il faut faire une grande publicité à ce dispositif, afin de faire changer les choses dans notre pays. Il importe que davantage d’enfants issus des milieux défavorisés puissent devenir médecins.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Évidemment, vous avez raison ! Nous souhaitons une mixité sociale dans les études de médecine, et c’est la raison pour laquelle nous avons modifié l’entrée dans ces études : la Paces, la première année commune aux études de santé, est une autocensure des jeunes, car des familles ne peuvent pas payer des études dans une ville universitaire pendant deux ans, avec un risque d’échec majeur.
Cette diversification des profils dans l’entrée des études de médecine vise aussi à accroître la mixité sociale – c’est ce que nous avons défendu à l’article 1er.
Nous visons donc le même objectif, mais il ne me semble pas logique de l’inscrire dans cet article.
Mme Angèle Préville. Je retire mes deux amendements, madame la présidente !
Mme la présidente. Les amendements nos 384 et 385 sont retirés.
L’amendement n° 76 rectifié bis, présenté par MM. Mouiller, Bonne et Sol, Mme Dumas, MM. Daubresse, Guerriau, Morisset et D. Laurent, Mme Deromedi, M. L. Hervé, Mme Lamure, MM. Kennel et Mandelli, Mme Bruguière, MM. Moga, B. Fournier, Cuypers, Genest, Priou et Revet, Mmes Deroche, Ramond, Estrosi Sassone et Gruny, M. Brisson, Mme Bonfanti-Dossat, M. Savary, Mme L. Darcos, MM. Détraigne et Mayet, Mmes Malet et Chauvin et MM. Poniatowski, Meurant, de Nicolaÿ, Bouloux et Pointereau, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 18
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Après la deuxième phrase du même quatrième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils sont également situés dans des établissements et services sociaux et médico-sociaux définis au I du L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles. » ;
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Les contrats d’engagement de service public ont pour objet d’inciter les futurs médecins à s’installer dans des zones en sous-densité médicale. La liste actuelle des lieux concernés proposée par le Centre national de gestion, sur suggestion des agences régionales de santé, les ARS, concerne, pour sa très grande majorité, des centres hospitaliers.
Or, même dans des zones qui ne sont pas considérées comme des zones sous-dotées, les établissements sociaux et médico-sociaux peinent à recruter des médecins. La nécessité par ailleurs de décloisonner secteur médico-social et sanitaire au profit d’une population vulnérable est indispensable.
L’objet de cet amendement est d’ouvrir le bénéfice de l’exercice médical des praticiens signataires d’un contrat d’engagement de service public aux établissements sociaux et médico-sociaux, quel que soit leur lieu d’implantation et non aux seuls établissements situés en zone sous-dotée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Monsieur Mouiller, je me demande si cette précision est nécessaire.
En premier lieu, j’observe que la phrase à laquelle vous rattachez votre amendement fait référence à la localisation géographique des lieux d’exercice, et non aux structures de soins auxquelles ils seraient rattachés.
En second lieu, rien dans la rédaction de l’article L. 632-6 du code de l’éducation n’empêcherait que ces lieux d’exercice soient situés en établissement médico-social. Il n’est donc pas utile de le préciser dans la loi, à moins de mentionner également qu’ils peuvent être situés en établissements de santé, mais nous rencontrerions alors le problème inhérent à toute énumération législative : le risque d’oubli, avec les conséquences contre-productives qui pourraient en découler.
Je vous propose donc de maintenir la rédaction actuelle de l’article 4, puisqu’elle est de nature à satisfaire votre préoccupation. Mme la ministre pourra certainement préciser les raisons pour lesquelles les lieux d’exercice sont principalement situés dans des centres hospitaliers.
Faute d’un retrait, la commission serait obligée d’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le sénateur Mouiller, votre amendement est en réalité satisfait.
L’objet du CESP est de permettre à des médecins de s’installer dans un territoire caractérisé par une offre de soins insuffisante, quel que soit le mode d’exercice, qu’il soit libéral, hospitalier ou intervenant dans le secteur médico-social, tel que défini par le code de l’action sociale et des familles. Cette mesure est en réalité déjà prévue.
C’est pourquoi je suggère le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 76 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Philippe Mouiller. Je vais le retirer, au regard des arguments avancés. Toutefois, je tiens à préciser deux choses.
Premièrement, il s’agissait de permettre une installation dans une zone qui ne soit pas forcément sous-dotée, la situation des structures médico-sociales étant différente.
Deuxièmement, au travers de cet amendement, nous souhaitions lancer un appel en raison de la pénurie – vous m’objecterez que la pénurie des médecins est généralisée – dans le domaine du handicap, que je connais le mieux, où les diagnostics sont essentiels. Le Gouvernement doit porter une politique d’évolution en la matière, ce que vous appelez de vos vœux, madame la ministre. Il importe de coordonner et de veiller à ce que les structures soient dotées des compétences nécessaires, faute de quoi votre vœu restera pieux.
Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 76 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 420 est présenté par M. Longeot, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
L’amendement n° 683 est présenté par MM. J. Bigot et Bérit-Débat, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, MM. Houllegatte, Jacquin et Madrelle, Mmes Préville et Tocqueville, MM. Jomier et Daudigny, Mmes Grelet-Certenais et Jasmin, M. Kanner, Mmes Rossignol, Meunier, Van Heghe, Féret et Lubin, M. Tourenne, Mme Harribey, M. Lurel, Mme Blondin, MM. Botrel et M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Duran et Fichet, Mmes Ghali et G. Jourda, MM. Kerrouche et Lalande, Mmes Lepage et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et S. Robert, M. Sueur, Mme Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 32 rectifié bis est présenté par MM. Bonne et Henno, Mmes M. Mercier, Malet, Puissat, Di Folco, Deroche et Bonfanti-Dossat, M. Canevet, Mmes L. Darcos et Deromedi, M. Détraigne, Mmes Bruguière et Estrosi Sassone, MM. B. Fournier et Genest, Mme Gruny, MM. Hugonet, Laménie, Lefèvre, D. Laurent, Mandelli, Moga, Morisset, Mouiller, Karoutchi, Mayet, Babary, Pellevat, Perrin, Raison, Savary, Saury, Sol et Vogel, Mmes Delmont-Koropoulis et A.M. Bertrand, MM. Bouloux, Charon, Sido et J.M. Boyer, Mme Lamure et M. Gremillet.
L’amendement n° 298 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 540 rectifié quater est présenté par MM. Chasseing, Bignon, Capus, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Laufoaulu, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot, MM. Menonville, Wattebled, Gabouty et Bonhomme et Mme Noël.
Ces amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 20
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
trois
La parole est à M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 420.
M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Les contrats d’engagement de service public sont un outil incitatif visant à encourager les jeunes médecins à s’installer en zones sous- denses au début de leur carrière.
Les associations étudiantes que j’ai rencontrées m’ont toutefois fait part des insuffisances de ce dispositif. Il est en effet possible qu’un étudiant ayant signé un CESP au cours de sa formation ne bénéficie plus de la même liste de lieux d’exercice à l’issue de son cursus si le zonage évolue entre- temps.
En 2017, dans leur rapport d’information publié au nom de la commission des affaires sociales, nos collègues Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny soulignaient que, en l’état actuel, les incertitudes autour du CESP étaient de nature à susciter des réticences.
Or le CESP constitue un levier efficace, qu’il convient de mobiliser davantage au profit des territoires en difficulté. Pour preuve, 90 % des signataires se sont installés en activité libérale, et une grande majorité des CESP signés concernent des médecins généralistes.
Cet amendement vise à répondre à une demande pragmatique formulée par les internes de médecine générale avec qui j’ai eu l’occasion d’échanger ; son adoption permettra aux signataires de se projeter dans un territoire, d’y construire leur projet personnel, sans s’inquiéter de l’évolution du zonage. En pratique, il tend à rendre le dispositif plus efficace en alignant la durée du bénéfice du CESP en cas d’évolution du zonage sur la durée de l’internat de médecine générale, c’est-à-dire trois années.
Il a donc pour objet de conforter les objectifs poursuivis à l’article 4, car il vise à sécuriser davantage les CESP. Une telle mesure contribuera sans nul doute à la montée en puissance souhaitable de ce contrat. Pour rappel, quelque 3 125 contrats ont été signés depuis 2010, et 500 signataires se sont déjà installés.
Mes chers collègues, il s’agit là d’un élément déterminant, d’un élément clé de l’installation de nos jeunes médecins, sur lequel nous sommes capables d’agir aujourd’hui.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Bigot, pour présenter l’amendement n° 683.
M. Joël Bigot. Le contrat d’engagement de service public offre une allocation de 1 200 euros par mois aux étudiants et internes en médecine en échange d’un engagement à exercer dans des zones sous-dotées.
Après six ans de mise en place, le dispositif des CESP monte en puissance, avec 521 postes ouverts en médecine pour l’année 2018, et apporte par là même une réponse prometteuse pour lutter contre la désertification médicale.
Malgré ce bilan positif, le dispositif des CESP se heurte à plusieurs freins empêchant un déploiement plus important, notamment au regard des mises à jour régulières des zonages par l’ARS, qui définit les zones où un signataire d’un CESP est éligible pour l’installation.
Ainsi, certaines zones éligibles au moment de la signature ne le sont plus lors de l’installation, ce qui oblige le signataire à repenser en totalité son projet d’installation au dernier moment, voire le conduit, dans certains cas, à une rupture du contrat.
Si le projet de loi prévoit que le Centre national de gestion maintienne sur la liste des lieux d’exercice des lieux qui remplissaient les conditions relatives à l’offre et à l’accès aux soins dans les deux ans précédant la publication de la liste, ce délai ne semble pas suffisant pour se prémunir véritablement des problèmes constatés.
Aussi, nous proposons que cette liste des lieux d’exercice soit maintenue pendant trois ans, au lieu des deux ans prévus dans le texte actuel.
Le CESP est une mesure incitative, car il favorise l’installation des jeunes médecins dans les zones sous-denses. Il répond aux besoins des territoires et contribue à lutter contre la désertification médicale. Notre amendement a pour objet de le consolider.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié bis.
M. Bernard Bonne. En relisant le texte de cet amendement, je me posais la question de savoir s’il fallait remplacer « deux » par « trois » ou par « trois ou quatre »…
Nous avons discuté hier des mesures d’incitation en faveur des médecins, pour que ces derniers effectuent le dernier stage éventuellement en milieu difficile, voire en zone sous-dense. Si l’internat était prolongé d’une année, il faudrait passer de trois à quatre ans et non pas de deux à trois ans.
Quoi qu’il en soit, cette mesure incitative, qui me paraît extrêmement intéressante, est de nature à produire des effets très positifs sur l’installation des médecins dans ces zones en difficulté. Le fait d’inciter, et non pas d’obliger les médecins à s’installer dans ces zones pendant une période assez longue leur permet de se familiariser avec la clientèle, de se faire accepter et d’accepter cette clientèle, et les conduit à y demeurer. C’est l’objectif le plus important que nous visons au travers de cet amendement.
Il faut donc que les étudiants qui s’engagent dans ces CESP aient la certitude que le zonage ne changera pas quand ils s’installeront. Pour ce faire, prolongeons-le au moins d’une année, voire de deux si la durée de l’internat est de quatre ans.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 298.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Les contrats d’engagement sont un outil pertinent pour conduire des futurs praticiens de santé à se fixer dans des territoires sous-dotés, et ainsi transformer une incitation en projet concret.
Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 20 prévoit de maintenir la classification des zones sous-denses jusqu’à deux ans après leur éventuelle évolution positive.
Toutefois, les étudiants qui s’engagent dans ces contrats le font à l’occasion de leur internat, qui dure trois ans, comme l’ont rappelé plusieurs de mes collègues. Il ressort donc de cette formulation que le CESP peut, dans certains cas, perdre de son intérêt ou, à tout le moins, léser les étudiants en médecine ou en odontologie.
Pour cette raison, nous vous demandons de prolonger d’un an la garantie du maintien des zones sous-denses dans le dispositif, afin d’assurer l’effectivité du contrat d’engagement jusqu’à trois ans. Ainsi, un interne de médecine générale commençant son internat sera certain de la zone dans laquelle il pourra s’installer à la fin de son cursus.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 540 rectifié quater.
M. Daniel Chasseing. Le présent amendement vise à augmenter la durée de maintien sur la liste des lieux à trois ans, soit la durée de l’internat, afin d’améliorer la visibilité des futurs médecins.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’article 4 comporte une disposition visant à sécuriser le choix du futur lieu d’exercice des bénéficiaires d’un CESP. En effet, les zones sous-denses ne sont pas figées : ainsi, il se peut qu’un étudiant élabore son projet professionnel dans un territoire qui n’est plus, au terme de ses études, considéré comme une zone sous-dotée.
Le projet de loi prévoit la possibilité de maintenir sur la liste des lieux d’exercice qui sont proposés aux signataires à l’issue de leurs études des lieux qui y figuraient deux ans auparavant, mais qui ne sont plus considérés comme des zones sous-denses. Cette mesure a pour objet de sécuriser les projets professionnels des étudiants.
Ces amendements identiques tendent à prévoir que le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, le CNG, a la possibilité de conserver sur la liste des lieux d’exercice proposés ceux qui y figuraient trois ans auparavant, et non plus deux. Il s’agirait ainsi de s’aligner sur la durée de l’internat.
Je comprends la philosophie de ces amendements. Pour autant, la commission émet deux réserves.
Tout d’abord, l’article 4 prévoit que le choix du futur lieu d’exercice ne se fait plus nécessairement au cours de la dernière année des études : il pourrait se faire au début du troisième cycle, auquel cas les amendements proposés auraient moins de sens.
Ensuite, et surtout, la durée de l’internat n’est pas nécessairement de trois ans pour toutes les spécialités.
Madame la ministre, vous pourrez certainement nous éclairer sur la possible articulation entre le dispositif proposé et la durée actuelle de l’internat. C’est pourquoi nous nous en remettrons, en ce qui concerne ces amendements, à l’avis du Gouvernement.
Je profite également de cette discussion pour revenir sur les débats d’hier soir sur l’article 2 et la durée des études de médecine générale.
La directive de 2005, modifiée en 2013, ne prévoit pas de changement de durée pour le diplôme d’études spécialisées – le DES – de médecine générale, qui est et reste fixée à trois ans. Il me semble, en revanche, que l’application aux étudiants en médecine générale du décret du 3 juillet 2018 relatif au statut de « docteur junior » est une question qui peut se poser. Ce décret n’est en effet applicable qu’aux spécialités comprenant une phase de consolidation et supposant, donc, au moins quatre ans de formation.
Or j’observe que la question du passage de trois à quatre ans du DES de médecine générale constitue depuis quelques années un serpent de mer du débat public. Elle a en dernier lieu été abordée dans un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales sur le troisième cycle des études médicales, qui a été rendu public au début de l’année 2018.
Hier soir, notre discussion sur l’article 2 pouvait laisser penser, madame la ministre, que vous n’envisagiez pas d’évoluer sur ce point. Afin que les choses soient claires pour tous les membres de notre assemblée, pourriez-vous préciser votre avis sur le sujet ?
Je le répète, en ce qui concerne ces amendements identiques, nous nous rangerons à l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. De vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, je comprends que la durée de deux ans vous paraît un peu courte pour ne pas mettre en difficulté des étudiants qui auraient choisi une zone sous-dense et à qui l’on interdirait d’exercer dans cette zone, alors qu’ils ont déjà élaboré leur projet professionnel.
En fait, la logique du Gouvernement est d’adosser cette durée à celle de la révision des zonages. Comme vous venez d’adopter en commission un amendement visant à rétablir une révision de ces zonages tous les trois ans, il ne me paraît pas illégitime de fixer à trois ans la durée du bénéfice du zonage pour les étudiants en médecine signant un contrat d’engagement de service public.
Par souci de cohérence et parce qu’ils me paraissent logiques, je suis donc favorable à ces amendements identiques.
Le choix du Gouvernement de retenir une durée de trois ans n’est pas lié à la durée de l’internat de médecine générale, puisque les contrats d’engagement de service public s’adressent à tous les étudiants, quel que soit leur internat. Pour le Gouvernement, j’insiste sur ce point, cette durée doit être alignée sur la durée de révision des zonages.
Désormais, je souhaiterais aborder plus précisément la question de la durée de l’internat de médecine générale et, ainsi, poursuivre le débat qui nous a animés hier soir. Je remercie d’ailleurs M. le rapporteur de nous offrir l’occasion de reparler de ce sujet : je pense en effet qu’il est indispensable de donner accès à toute l’information.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous confirme que, contrairement à ce qui a été évoqué dans l’hémicycle hier soir, aucune directive européenne ne prescrit la durée du DES de médecine générale ni, en conséquence, son passage à quatre ans à compter du 1er janvier 2020. D’ailleurs, il n’existe pas un modèle unique de formation à la médecine générale en Europe.
La durée du DES de médecine générale est définie par l’arrêté du 21 avril 2017, dans lequel figurent les maquettes de formation des quarante-quatre spécialités médicales. Cette durée est aujourd’hui de six semestres.
Pour chaque maquette, au moins quatre des six semestres doivent être réalisés en ambulatoire, notamment un premier semestre chez un médecin généraliste, le stage dit « de niveau 1 ». Des stages en santé de la femme et en santé de l’enfant peuvent être accomplis en ville. Enfin, il est prévu un semestre professionnalisant en autonomie supervisée chez un médecin généraliste : il s’agit du Saspas, le stage autonome en soins primaires ambulatoires supervisés.
Lors de la finalisation de la réforme du troisième cycle des études de médecine en 2017, le choix a été fait de maintenir la durée de ce DES à trois ans, dans la mesure où aucun consensus ne s’est dégagé pour la faire passer à quatre ans. Le débat est resté ouvert, puisque les discussions se sont poursuivies, sans pour autant que les attentes et les positions exprimées depuis ne soient apparues totalement stabilisées.
Cela signifie évidemment que le sujet n’est pas clos pour l’avenir. Il est toutefois certain que le passage de la durée de la maquette à quatre ans ne pourrait être envisagé que dès lors que les objectifs visés par une telle mesure et les conditions de sa mise en œuvre dans le cadre du nouvel équilibre de la maquette en huit semestres feraient l’objet d’un consensus de tous les acteurs. En outre, il faudrait que les conditions de sa soutenabilité, notamment sur le plan pédagogique, au regard du nombre de maîtres de stage disponibles, soient réunies.
Cela implique, pour le Gouvernement, que la concertation se poursuive, en particulier avec les étudiants en médecine qui sont les premiers concernés. C’est bien l’objectif que le Gouvernement s’est fixé.
En tout état de cause, nous resterions dans l’esprit de la réforme du troisième cycle, qui repose sur un parcours de formation progressif et assure une acquisition progressive des compétences, y compris en termes d’acquisition de l’autonomie, jusqu’à la validation du DES et la reconnaissance du plein exercice.
En l’état actuel, toutes les dispositions dont nous discutons s’appliqueront à une maquette dont la durée est de trois ans. Les amendements votés hier, qui visent à laisser les étudiants, en troisième année de DES, exercer leur activité en autonomie non supervisée sont, pour Frédérique Vidal et moi-même, une forme de dégradation de la formation : en effet, ces étudiants devraient normalement bénéficier d’un stage autonome supervisé.
Voilà les éléments que je souhaitais partager pour éclairer nos débats d’hier sur la médecine générale.
Cela dit, je le répète, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces cinq amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Madame la ministre, nous partageons votre position sur le passage à trois ans de la révision des zonages pour le CESP.
Toutefois, je m’interroge sur la question qu’a posée Alain Milon. Dans votre réponse, vous avez fait référence à l’arrêté du 21 avril 2017. Or un autre arrêté a été pris le 12 avril 2017, qui porte notamment sur le calendrier de mise en œuvre du troisième cycle des études de médecine. Et l’article 70 de cet arrêté, dans sa version consolidée au 21 mai 2019, précise que les dispositions qui prévoient la phase de consolidation pour le troisième cycle de médecine générale entrent en vigueur « à compter du 1er janvier 2020 ».
En l’état actuel du droit, la durée du troisième cycle de médecine générale doit passer à quatre ans au 1er janvier 2020. Il est donc légitime que le Parlement légifère sur cette base.
Je comprends de votre réponse, madame la ministre, que vous allez abroger cet arrêté ou, en tout cas, modifier ces dispositions.
Comprenez que le Parlement prend acte du fait que la mise en place de la phase de consolidation a été reportée au 1er janvier 2020, compte tenu des négociations ayant eu lieu à l’époque et, notamment, de la demande des organisations représentatives d’internes. Il nous paraît cependant nécessaire d’organiser cette phase de consolidation.
Vous ne pouvez pas nous répondre aujourd’hui que cette phase n’existe pas sur le plan réglementaire : elle est en effet de votre responsabilité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous n’avons pas mentionné de quatrième année dans le texte de notre amendement : en effet, il appartient non pas au législateur, mais à la ministre de la santé de déterminer la durée de chacune des trois phases du troisième cycle des études de médecine : la phase de socle, la phase d’approfondissement et la phase de consolidation.
Il est de votre responsabilité, madame la ministre, de dire si vous allez, ou non, mettre en place cette phase. En tout cas, vous ne pouvez pas nous reprocher d’avoir adopté hier des amendements qui ont pour objet de tenir compte d’un arrêté ministériel en vigueur. Maintenant, si vous prévoyez de l’abroger, ce que je crois comprendre, confirmez-le-nous, car cela modifie les termes du débat.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je laisserai ma collègue Corinne Imbert intervenir sur la question de la professionnalisation de la neuvième année d’étude de médecine. Selon moi, celle-ci ne constitue pas une dégradation par rapport à l’autonomie supervisée. Vous avez employé un terme difficile à entendre, madame la ministre : considérer comme « dégradant » le fait d’être sur le terrain pour exercer véritablement son métier après neuf années d’études m’interpelle !
Pour ma part, je m’exprimerai sur les zonages. Je ne serai probablement pas le seul à le faire, mais je tiens tout de même à vous faire part des remontées de terrain dont je dispose. Ces zonages sont toujours difficiles à définir, parce qu’ils laissent nécessairement des personnes de côté et qu’ils ne durent qu’un certain temps.
De ce point de vue, nous sommes régulièrement confrontés à une administration que je qualifierai de « rigide ». C’est le cas lorsqu’elle examine les critères d’éligibilité aux aides à l’installation des médecins, qui sont des aides incitatives. On observe aussi de nombreuses difficultés quand il s’agit d’appliquer ces critères.
Si une zone sous-dotée dans laquelle un jeune médecin s’est installé est déclassée, ce dernier perd la rémunération sur objectifs de santé publique, la ROSP, que lui versait l’assurance maladie. Pourtant, ce médecin comptait sur cette aide, puisque l’État s’était engagé, au travers d’un certain nombre de dispositions, à lui verser une somme, dont le montant m’échappe au moment où je vous parle. J’ai été directement confronté à ce type de situation dans l’un des cantons de mon département.
En outre, certains engagements des ARS ne sont pas toujours tenus, ce que je déplore.
Je pense toujours à l’aide spécifique à l’installation. Les jeunes médecins concernés touchent une première tranche de cette aide la première année, puis une seconde tranche l’année suivante, en contrepartie d’engagements de leur part : s’installer dans une zone complémentaire, exercer en secteur 1 – ce que je trouve parfaitement normal – et à temps complet, participer au dispositif de permanence des soins – ce qui est, là encore, tout à fait légitime –, et, enfin, exercer en mode coordonné.
En revanche, il ne faut pas exercer dans la zone sous-dense dans les cinq années qui précédent, ni après les cinq années d’installation. Bref, le mécanisme est particulièrement complexe en termes de projet de santé.
Malgré tous ces critères à remplir, les ARS ne tiennent pas forcément leurs engagements, et les médecins ne sont pas toujours rémunérés. J’attire votre attention sur ce point, madame la ministre, parce que les difficultés sur le terrain sont telles que ces mécanismes incitatifs deviennent particulièrement contraignants.