M. Gérard Longuet. Absolument !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Pourtant, nous considérons aujourd’hui cette loi comme absolument fondamentale, d’abord pour les 7 % d’enfants qui n’étaient pas scolarisés, bien sûr, mais aussi, et surtout, pour le cadre qu’elle a fixé pour toujours. Nous nous situons dans cette lignée et nous devons être fidèles à cet état d’esprit qui consiste à fixer un cadre politique, moral et républicain à l’école.
C’est ce que nous avons fait, c’est ce que vous avez fait en votant à l’unanimité en faveur de cet article 2.
C’est aussi une loi sociale par d’autres mesures, qui ont malheureusement été insuffisamment mises en valeur et, parfois, caricaturées.
Je pense aux dispositions pour l’école inclusive. Sans entrer dans les détails, elles impulsent une véritable transformation de notre système scolaire et je donne rendez-vous à ceux qui affirment le contraire dans quelques mois et quelques années, lorsque les progrès seront visibles. Dès la rentrée prochaine, il y aura plus d’AESH, recrutés plus en amont et mieux considérés. Les élèves seront ainsi mieux accompagnés, selon un parcours personnalisé.
Je pourrais citer encore la formation obligatoire de 16 à 18 ans ou la visite médicale à 3 ans du fait de l’instruction obligatoire.
C’est donc une loi profondément sociale et j’ai été quelque peu attristé, dans les débats qui ont agité la société au cours des dernières semaines, que cette dimension ait été totalement occultée, parfois même pour dire l’exact contraire de ce qui figurait dans ce texte.
À cet égard, les débats au Sénat ont permis des clarifications et des évolutions. La suite du processus législatif permettra d’améliorer encore le projet de loi et de revenir aussi, soyons clairs, sur certains points votés par la Haute Assemblée avec lesquels je suis en désaccord. Mais je suis certain que la dialectique existant entre les deux assemblées va nous permettre d’avancer.
Cette loi n’est pas seulement sociale, elle est aussi profondément républicaine et laïque.
Elle s’inscrit dans la tradition républicaine, et plusieurs de ses mesures auront un impact sur la laïcité, notamment celles qui sont relatives à l’instruction obligatoire, qui assureront un meilleur contrôle de l’instruction en famille. Quant aux compléments apportés à la loi Gatel, ils permettront de mieux contrôler les ouvertures d’écoles hors contrat, et de pouvoir les fermer si besoin.
Je rappellerai en conclusion un épisode qui me paraît illustrer à la fois la qualité des débats au Sénat et la variété de nos approches.
Grâce au sénateur Ouzoulias, la question du bien et du mal s’est posée dans l’hémicycle. Il souhaitait supprimer le mot « morale » de l’expression « instruction morale et civique », une proposition avec laquelle je suis en désaccord. Tout un chacun peut désormais se référer au débat des sénateurs sur la notion du bien et du mal ! (Sourires.) Oui, je pense que l’on peut distinguer le bien et le mal. Et il est sans doute arrivé à vos familles politiques de penser la même chose. Respecter autrui, aider autrui, c’est bien ; voler autrui, exercer des violences envers lui, c’est mal. Cette distinction peut s’apprendre, tout comme les sciences servent à distinguer le vrai du faux, et l’éducation artistique et culturelle le beau du laid. Certes, il est presque impossible d’atteindre l’absolu en ces matières, mais l’école doit essayer de faire tendre les enfants vers cet idéal.
C’est précisément ce qui a uni la classe politique et la société française autour de son école dans son histoire républicaine, et c’est encore ce qui devrait l’unir aujourd’hui.
Les objectifs républicains de la loi peuvent faire débat, mais n’oublions jamais le cadre fixé par Jean Zay : les querelles des hommes doivent s’arrêter aux portes de l’école. Nous n’avons pas eu de querelles, nous avons eu des débats, mais il faut désormais que l’école soit unie et que la société le soit également derrière elle. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. le président. Merci, monsieur le ministre, de nous aider à faire « l’autopsie du mal », pour reprendre une formule célèbre de Descreux. (Sourires.)
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre m’a prié de bien vouloir excuser son absence.
Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.
J’invite chacun à respecter ses collègues et son temps de parole.
mise en œuvre de parcoursup
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Ouzoulias. Plusieurs milliers de candidats qui avaient reçu une réponse favorable de Parcoursup le soir se sont réveillés avec un avis négatif le matin…
Madame la ministre, vous expliquez ce dysfonctionnement, qui toucherait 7 % des candidats, par un problème informatique.
Pourtant, dans un premier temps, vos services ont incité et autorisé par écrit les établissements à pratiquer un taux de surréservation. Celui-ci pouvait aller jusqu’à 50 %, puis vous les avez même autorisés à dépasser ce taux.
Dès lors, pourquoi cette panique ? Surtout, pourquoi faire porter aux établissements la responsabilité d’un revirement qui est la conséquence de décisions politiques que vous n’assumez pas ?
M. David Assouline. Exactement !
M. Pierre Ouzoulias. En janvier, le Défenseur des droits vous avait demandé de rendre publics les critères de sélection des établissements et de réformer Parcoursup pour mettre fin aux discriminations subies par les lycéens des filières technologiques et professionnelles.
Nous attendons toujours vos réponses à ces questions essentielles, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Sophie Joissains et M. Loïc Hervé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur Ouzoulias. Elle va me permettre d’apporter des précisions utiles.
Je n’ai jamais parlé d’un problème informatique, j’ai simplement indiqué que 2 % des formations s’étaient trompées en saisissant manuellement le nombre de candidats sur la liste d’appel. C’est donc une erreur humaine, factuelle. Elle est extrêmement regrettable, évidemment, et j’ai demandé à l’inspection générale de déterminer les raisons précises de ces erreurs, afin qu’elles ne puissent pas se reproduire.
Vous faites en outre référence à un sujet totalement différent, monsieur le sénateur. L’été dernier, plusieurs d’entre vous, sur ces travées comme à l’Assemblée nationale, relevaient la crainte de certains établissements, notamment des classes préparatoires, de ne pas remplir leur formation à cause de Parcoursup. C’est pourquoi, avec leur accord, nous avons proposé à ces établissements d’avoir un taux d’appel légèrement supérieur.
Mais le problème que vous évoquez concerne une formation qui a appelé 600 candidats alors qu’elle disposait de 30 places seulement. Il est donc d’une tout autre nature.
Le service qui permet de surveiller le fonctionnement de la plateforme a immédiatement relevé ces anomalies et les établissements eux-mêmes ont appelé le ministère pour signaler les erreurs et obtenir une aide pour les corriger.
Ma responsabilité était de faire en sorte que ces erreurs n’impactent pas l’ensemble des 900 000 candidats. La procédure a pu suivre son cours normalement, avec quelques heures de retard, ce qui permet aujourd’hui à 72 % des lycéens d’avoir d’ores et déjà une proposition d’affectation pour la prochaine rentrée universitaire. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour la réplique.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je doute sincèrement que les candidats et les parents soient rassurés par la clarté de vos explications.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Pierre Ouzoulias. En ce qui nous concerne, nous continuerons à dénoncer la violence de ce dispositif (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.), qui, l’an passé, a éloigné de l’enseignement supérieur plus de 180 000 lycéens. Nous continuerons de défendre un enseignement supérieur accessible à tous les bacheliers, sans discrimination.
Le bug de Parcoursup n’est pas informatique ; il est social ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Sophie Joissains et M. Alain Houpert applaudissent également.)
indemnisation des victimes de produits phytosanitaires
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le ministre de l’agriculture, le 11 avril dernier, la justice reconnaissait Monsanto responsable du dommage causé à l’agriculteur Paul François, victime du Lasso, un puissant herbicide. Voilà quelques jours, aux États-Unis, Monsanto était de nouveau condamné à indemniser les victimes du Roundup.
Depuis près de deux ans, le groupe socialiste du Sénat demande avec insistance la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des produits phytosanitaires et, depuis près de deux ans, le Gouvernement refuse cette création.
En effet, le 1er février 2018, nous votions ici même, à l’unanimité, la création de ce fonds d’indemnisation. Monsieur le ministre, vous siégiez alors sur nos travées et vous l’aviez également approuvée.
Nous formulions de nouveau cette demande dans le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dit Égalim, mais votre prédécesseur la rejeta.
En décembre dernier, ce fut à votre tour, en tant que ministre, de la rejeter, cette fois dans la loi de finances pour 2019. Nous sommes en mai 2019 et, dix-huit mois après l’adoption de la proposition de loi sénatoriale, rien n’a avancé. Même votre promesse de remise d’un rapport au 30 avril 2019 n’a pas été honorée.
Vous connaissez pourtant l’inutilité d’un tel rapport, monsieur le ministre, celui-ci étant nécessairement redondant avec les travaux menés par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’Inserm, en 2013, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Anses, en 2016 et trois inspections générales en 2018. À cela, il faut ajouter le récent rapport de l’ONU sur l’état de la biodiversité ou encore le scandale Monsanto et la découverte de pratiques de lobbying insupportables.
Monsieur le ministre, pour toutes ces raisons, il est temps de sortir du déni politique et industriel, en faisant en sorte que les grandes firmes prennent et assument toutes leurs responsabilités. C’est comme cela aussi que nous changerons durablement les pratiques.
Parce que les malades attendent, souffrent et sont livrés à eux-mêmes, pouvez-vous nous dire précisément quand ce fonds d’indemnisation verra le jour ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Nicole Bonnefoy, je voudrais commencer par saluer le travail des parlementaires engagés sur ce sujet, députés comme sénateurs.
Plusieurs mesures, vous le savez, ont déjà permis de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires. Avec François de Rugy, Frédérique Vidal et Didier Guillaume, j’ai installé officiellement le 10 avril dernier le comité d’orientation stratégique et de suivi du plan national de réduction des produits phytosanitaires.
S’agissant de la création du fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, il convient d’être justes et attentifs à la souffrance des victimes. Il convient aussi d’être responsables en mettant en place un dispositif d’indemnisation cohérent avec les connaissances scientifiques actuelles – nous attendons en effet les rapports – et les voies d’indemnisation préexistantes, en particulier dans le cadre des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Lors de l’examen de la proposition de loi à l’Assemblée nationale en janvier dernier, j’ai proposé que la discussion reprenne lors des débats sur les lois de finances ou lors de la poursuite de l’examen de la proposition de loi. J’ai pris l’engagement qu’y figurent des articles tendant à créer ce fonds, sur la base des discussions ayant eu lieu lors de l’examen de votre proposition de loi.
En attendant, un rapport sur le financement et les modalités de création d’un fonds d’indemnisation doit vous être rendu d’ici à la fin du mois de juin. J’ai souhaité que ce délai de quelques mois soit mis à profit pour travailler avec le ministère de l’agriculture sur le financement du fonds. J’invite tous les parlementaires à rester mobilisés ; nous aurons l’occasion de débattre de nouveau de ce sujet cette année.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.
Mme Nicole Bonnefoy. Je vous remercie, madame la ministre, de rappeler le travail important qui a déjà été réalisé sur cette question, en particulier au Sénat. Nous attendons avec impatience le rapport qui sera remis à la fin du mois de juin.
Vous évoquez le futur projet de loi de financement de la sécurité sociale pour la création du fonds. Nous serons particulièrement vigilants sur sa création, mais aussi sur son périmètre et ses modalités de mise en œuvre. Nous regrettons cependant d’avoir perdu deux ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
haine véhiculée par les réseaux sociaux
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Claude Malhuret. Monsieur le secrétaire d’État, voilà quelques mois, un rappeur en mal de notoriété a commis un clip intitulé : « Pendez les blancs ». Quelques phrases de ce chef-d’œuvre : « Je rentre dans des crèches, je tue des bébés blancs. Attrapez-les vite et pendez leurs parents. Écartelez-les pour passer le temps… »
Sur plainte du ministre de l’intérieur, ce grand artiste a été condamné… à une amende avec sursis ! (Marques d’indignation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Dans ces conditions, pourquoi se priver ? Nick Conrad, c’est son nom, a donc récidivé ces jours-ci avec un nouvel opus d’aussi haut niveau : « Je baise la France jusqu’à l’agonie. Je brûle la France. J’vais poser une bombe sous son Panthéon. » À la fin du clip, il étrangle en gros plan une femme blanche.
Le ministre de l’intérieur a porté plainte immédiatement. Il a eu raison. Mais avec la loi actuelle, l’auteur sera condamné dans deux ans à une peine légère. Entre-temps, le clip aura été vu quelques millions de fois. Le racisme n’est qu’une des plaies béantes des réseaux dits « sociaux », et le racisme anti-blanc n’est pas plus tolérable qu’un autre. Les autres plaies s’appellent sexisme, intimidation, usurpation d’identité, harcèlement, injures et menaces de mort.
Les Gafa font le service minimum pour conserver leur business juteux. Mais Mark Zuckerberg a dû convenir lui-même qu’il n’avait pas les moyens de réguler efficacement ses plateformes et n’a rien trouvé de mieux que d’appeler les gouvernements à légiférer.
Il est urgent de le prendre au mot. Les Allemands n’ont pas hésité à faire une loi ordonnant le retrait de contenus haineux sous vingt-quatre heures. Qu’attendons-nous pour les imiter ?
Une proposition de loi est en préparation à l’Assemblée nationale, nous dit-on. Je voudrais être sûr, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement ne l’accueillera pas d’une main tremblante. Il ne s’agit pas de liberté d’opinion ni de censure, mais de lutte contre des délits graves, le plus souvent commis anonymement.
Il me semble même que le sujet est tellement grave qu’il justifierait un débat national et une unité européenne aujourd’hui balbutiante. La haine ou le racisme n’ont pas leur place chez nous. Nous ne sommes pas au Far West et, même dans la jungle, il y a une loi. Il est urgent de faire respecter les nôtres ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le président Malhuret, je vous remercie de m’interroger sur un sujet qui, je le crois, appelle une obligation de résultat de la part de l’État.
Vous avez cité un cas particulier, mais, plus largement, on peut tous les jours impunément injurier, menacer et même aller plus loin sur internet. Cela appelle une mobilisation générale, vous avez raison.
C’est ce qu’ont commencé à faire la semaine dernière le Président de la République et la Première ministre néo-zélandaise, en mettant autour de la table tous les réseaux sociaux pour prendre les premières mesures d’urgence. C’est ce que fait également la députée Laetitia Avia en déposant la proposition de loi destinée à réguler les messages de haine, de racisme, d’antisémitisme et d’homophobie sur internet. Le Gouvernement a beaucoup travaillé avec elle, monsieur le député (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), et nous accueillons ses propositions avec beaucoup de bienveillance.
Plus globalement, je crois, monsieur le député… (Sifflets et protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Décidément ! Je prie la Haute Assemblée d’accepter mes excuses.
Je crois, monsieur le sénateur, que le sujet est profondément européen. Pour imposer notre loi et nos valeurs aux réseaux sociaux, 400 millions d’Européens et un marché ne seront pas de trop pour protéger nos citoyens.
C’est ce que nous avons déjà fait sur la vie privée, avec le règlement général sur la protection des données. C’est aussi ce que nous avons fait sur le terrorisme, puisque, dorénavant, les plateformes doivent retirer en moins d’une heure les contenus à caractère terroriste.
Néanmoins, vous avez raison, nous devons aller encore plus loin en allant chercher ces contenus absolument inacceptables, qu’ils soient haineux, à caractère terroriste ou pédopornographique. Pour ce faire, nous devons coordonner nos actions avec celles de nos partenaires européens, car, sur ce sujet, il n’y aura pas de protection efficace des Français et des Européens sans union.
Donner de la force à cette protection, monsieur le sénateur, c’est aussi l’enjeu des choix politiques du week-end prochain. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
affaire lambert
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais évoquer avec vous la situation de Vincent Lambert et le débat, comme l’émoi, qu’elle suscite dans le pays.
Je voudrais le faire sans céder à la tentation qui, dans cette affaire, peut tous nous guetter, quelles que soient nos convictions intimes, celle des postures établies d’avance, des certitudes toutes faites. Devant une telle situation, ayons l’humanité de compatir et l’humilité de reconnaître.
Compatir, parce qu’au-delà des positions des uns ou des autres il y a un drame ; il y a le silence d’un homme ; il y a la douleur déchirante d’une famille déchirée, exposée sur la place publique ; il y a aussi la détresse d’une épouse et l’espérance d’une mère.
Reconnaître, car reconnaissons que ni le droit ni la médecine ne nous offrent des réponses indiscutables. L’institution médicale est divisée. Quant à l’institution judiciaire, l’arrêt rendu hier soir par la cour d’appel de Paris démontre que, sur le plan du droit également, des interrogations demeurent.
Alors, qui croire ? Que croire ? Il n’y a pas, mes chers collègues, de certitudes. Qui sait ici, dans cet hémicycle, ce que veut Vincent Lambert ? Qui pourrait affirmer savoir ce que les médecins eux-mêmes ne savent pas ? Ayons la force d’esprit et de cœur d’admettre que nous ne savons pas.
Peut-être devrions-nous nous interroger avec humilité sur deux questions fondamentales que je vous pose, madame la ministre ?
D’abord, jusqu’où pouvons-nous considérer qu’une vie ne vaut plus la peine d’être vécue ?
Par ailleurs, l’incertitude, le doute et les décisions parfois contradictoires dans cette terrible affaire font craindre à beaucoup de Français le risque d’une dérive préjudiciable aux plus fragiles, une sorte d’insécurité éthique. Ne faut-il pas, madame la ministre, tirer dès à présent les enseignements de ce drame ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Bernard Fournier, je crois pouvoir le dire, comme beaucoup de Français, nous sommes nombreux ici à être bouleversés par cette situation, par ce drame familial, qui touche à l’intime de chacun d’entre nous.
Vous le savez, l’État français a toujours été soucieux de s’assurer que l’application de la procédure d’arrêt de traitement en cas d’obstination déraisonnable respectait le cadre de la loi Claeys-Leonetti, votée en 2016.
Hier soir, la cour d’appel de Paris a accepté la requête des parents de Vincent Lambert et a ordonné la reprise des traitements, afin de respecter les recommandations du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU. L’équipe médicale en charge de Vincent Lambert appliquera ces mesures provisoires. Je n’en dirai pas davantage sur ce cas particulier.
Aujourd’hui, encore plus que jamais, nous devons respecter l’intimité et la douleur de la famille et des proches de Vincent Lambert.
La seule leçon que nous pouvons retenir de cette situation, c’est que chacun remplisse ses directives anticipées. Chaque personne majeure peut, depuis la loi Claeys-Leonetti de 2016, rédiger par avance une déclaration pour préciser ses volontés en fin de vie. Chacun peut inscrire son refus ou sa volonté de poursuivre, de limiter ou d’arrêter les traitements ou les actes médicaux. Les consignes données dans les directives anticipées permettent aux équipes médicales de prendre en charge les patients en respectant leur propre volonté. On peut les remplir sur internet ; elles sont également accessibles dans le dossier médical partagé. J’engage chaque Français, aujourd’hui, à les renseigner. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
géants du numérique
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Président de la République a rencontré Mark Zuckerberg et a annoncé des mesures sur la régulation des réseaux sociaux.
Celles-ci font suite à une mission effectuée auprès de Facebook. Le rapport publié ce mois-ci a été salué par l’entreprise comme « un modèle pour la régulation des contenus en Europe ».
Ces mesures prônent une simple corégulation de ces plateformes. Surprenant, très surprenant, au moment où des voix s’élèvent des deux côtés de l’Atlantique pour dire l’impossibilité d’une autorégulation ou d’une corégulation de cette société. C’est le cas de la sénatrice Elizabeth Warren ou encore de Chris Hughes, un des cofondateurs de Facebook, qui va lui-même jusqu’à réclamer son démantèlement.
Ce rapport évite soigneusement d’aborder la question du modèle économique de cette société.
C’est à moitié étonnant, puisqu’il a, pour partie, été élaboré par un certain Benoît Loutrel, ancien directeur de l’Arcep, un temps parti vendre ses services à Google, et qui est depuis revenu au cœur de l’appareil d’État.
C’est en revanche très regrettable, si l’on considère les graves dérives éthiques, économiques et politiques dont s’est rendu coupable Facebook avec l’affaire Cambridge Analytica, affaire à laquelle a été lié un certain Steve Bannon. Il est illusoire de penser que la société peut remettre elle-même en cause son propre modèle basé sur toujours plus de données collectées, et donc toujours plus de gains.
Mes questions sont simples.
Compte tenu des enjeux pour la souveraineté de la France, quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre un terme à ces pratiques régulières de pantouflage, puis de rétropantouflage de notre haute administration, notamment avec les Gafam ?
N’est-il pas temps de sortir de la complaisance pour prendre des mesures de régulation réellement contraignantes sur le cœur même de l’activité de ces sociétés, comme annoncent vouloir le faire, d’ailleurs, nos voisins allemands, depuis toujours beaucoup plus lucides et exigeants que nous sur le sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe de l’Union Centriste, du groupe communiste, républicain citoyen et écologiste, ainsi que du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs (Exclamations amusées sur plusieurs travées.), madame la présidente Morin-Desailly, l’émergence d’acteurs de la taille de Google, de Facebook ou encore d’Amazon met la puissance publique face à des enjeux absolument inédits.
Inédits, car la taille des acteurs est inédite : Facebook, c’est 2,3 milliards d’utilisateurs ! Inédits, car le numérique ne connaît pas, par nature, de frontières. Inédits, car la complexité technologique des outils de ces acteurs est sans cesse croissante.
Pour autant, et vous l’avez rappelé, les questions posées par ces acteurs sont très concrètes et ont impact sur nos concitoyens dans leur quotidien.
Je suis persuadé d’une chose, madame la présidente, c’est que l’émergence de ces acteurs impose une obligation de résultat aux démocraties pour une raison simple : si les seuls États qui savent efficacement réguler les grands acteurs de l’internet – réseaux sociaux et plateformes – sont les pouvoirs autoritaires, alors, nos citoyens se tourneront vers des solutions autoritaires. Encore faut-il que nos solutions soient utiles.
C’est pourquoi nous sommes allés auditer au cœur du réseau social Facebook pour voir ce qu’il faisait. Sachez que nous n’avons jamais abandonné nos prérogatives d’État. Le réseau social devra appliquer ce qui figure dans la proposition de loi de la députée Laetitia Avia en mettant à niveau son système de régulation interne. Je le répète, nous n’abandonnons aucune des prérogatives de l’État.
Nous devons donc en appeler à la responsabilité individuelle. Il n’est pas possible aujourd’hui que l’on puisse impunément insulter, injurier sur internet, sans que la justice vienne vous demander des comptes. Cela nécessite de poser des règles claires, et l’État le fera, comme nous l’avons déjà fait en défendant les idéaux français et européens, notamment sur la directive sur le droit d’auteur que vous défendez également.
Nous continuerons, madame la députée… (Exclamations amusées.) Nous continuerons, madame la présidente, à mener ce combat en gardant en tête toutes les prérogatives de l’État.