M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.) Ma chère collègue, vous m’avez fait l’aveu que c’était aujourd’hui une première pour vous dans cet exercice : je vous souhaite bonne chance ! (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel marathon législatif avons-nous vécu la semaine dernière ! Les débats ont été riches, intenses, parfois passionnés, mais l’objet et les enjeux de ce texte de loi le valaient bien. Ils ont démontré, une fois de plus, l’importance du bicamérisme : l’apport du Sénat est crucial pour alimenter le travail parlementaire, l’enrichir et permettre une forme de maturation nécessaire à l’ouvrage législatif, dans le respect de toutes les sensibilités.
Je tiens à saluer mes collègues chefs de file Maryvonne Blondin, Claudine Lepage et Maurice Antiste, qui ont porté notre parole avec compétence et conviction pour l’école républicaine.
Monsieur le ministre, nous n’avons pas la même vision de l’école de la République. Au fil de l’examen de ce texte, si vous avez semblé être à l’écoute, vous ne nous avez pas entendus sur plusieurs points, et nous le regrettons.
Sur de nombreuses mesures, le temps d’étude préalable a été trop réduit. La concertation a manqué. Le projet de loi est examiné en procédure accélérée afin de pouvoir être appliqué à la rentrée par voie de décrets et d’ordonnances. Cet empressement n’est pas compatible avec le temps long nécessaire à toute réforme de l’éducation.
Je veux toutefois souligner un réel point positif : l’abandon des établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux. Ces EPLESF risquaient d’entraîner des bouleversements profonds dans la structure du système scolaire et auraient eu lourdes conséquences pour les élèves, leurs familles, les personnels et les territoires, notamment ruraux. Cette suppression est une victoire pour tous les acteurs de la communauté éducative et les élus, qui s’étaient fortement mobilisés contre ces établissements.
Je me réjouis que nos collègues sénatrices et sénateurs soient intervenus pour sauvegarder nos écoles et, avec elles, nos territoires. Sur cette question, le Sénat a été à la hauteur de l’enjeu. Espérons que la commission mixte paritaire fera preuve de la même sagesse et qu’elle maintiendra cette suppression.
Nous sommes aussi satisfaits que le Gouvernement, conformément à l’engagement pris le 8 février à Rennes, ait apporté son soutien à l’article 6 ter A, qui traduit les conclusions de la conférence territoriale de l’action publique de Bretagne s’agissant des langues régionales.
Sur l’article 4, nous nous réjouissons que la commission ait ouvert la compensation à toutes les communes, même s’il est dommage que les amendements que nous avons portés, lesquels visaient à apporter davantage de garanties sur leurs dépenses nouvelles, aient été rejetés.
Au-delà de ces quelques points, l’esprit général du texte n’a pas changé. Nos inquiétudes concernant l’article 8, sur l’annualisation des heures et l’orientation des élèves, n’ont pas été entendues. Les expérimentations peuvent parfois permettre de belles avancées, mais elles ne doivent pas se faire au détriment des élèves.
L’article 6 ter confie une autorité hiérarchique aux directeurs d’école. Nous l’avons dit, ce n’est pas en divisant l’équipe éducative que l’on renforcera sa cohésion ou l’autorité de ses membres.
Aux demandes de revalorisation salariale et d’élévation du niveau de qualification des enseignants, vous opposez des suppressions de postes et la création, via l’article 14, d’un statut incertain pour des étudiants non encore diplômés et sans formation pédagogique. Nous espérons qu’il ne s’agit pas là de compenser la pénurie d’enseignants dans certains territoires ou certaines matières ni de créer une sous-catégorie de professionnels.
Ce projet de loi aurait dû améliorer les conditions de travail des personnels, mais ce n’est, hélas ! pas le cas. La majorité sénatoriale a aggravé encore leur situation en allant plus loin que le Gouvernement. Elle a ainsi prévu l’obligation de formation continue « en priorité en dehors des obligations de service d’enseignement » et rejeté les garde-fous que nous avions proposés.
Je ne peux passer à côté de l’article 1er, dont la rédaction continue de faire planer la suspicion sur l’ensemble des membres de la communauté éducative. Comme beaucoup ici, je ne doute pas de l’exemplarité de nos professeurs. C’est pourquoi il n’est selon moi pas utile de rappeler dans le texte leur devoir en la matière, la loi de 1983 étant par ailleurs toujours en vigueur.
Nous ne comprenons pas non plus l’obstination à vouloir supprimer le Cnesco, car cette instance fonctionne bien. En mettant en avant les travaux de la recherche scientifique sur les politiques éducatives, elle permet de sortir de débats souvent stériles. Les quelques modifications apportées, pour augmenter la part des parlementaires dans la composition de votre nouveau conseil, monsieur le ministre, ne changent pas grand-chose sur le fond.
Finalement, l’examen de ce texte au Sénat a surtout mis en évidence, si certains doutaient encore de son existence, le clivage gauche-droite. Le texte qui ressort de nos travaux s’éloigne davantage de nos valeurs d’égalité et de justice sociale et de ce que nous pouvions attendre d’un texte sur l’école républicaine face aux enjeux du XXIe siècle. Les vieux serpents de mer de la droite ont ponctué les débats, comme l’interdiction des signes religieux ostentatoires pour les accompagnateurs ou accompagnatrices lors des sorties scolaires, ou encore la suppression des allocations familiales pour les parents d’élèves absentéistes. Cette mesure, que nous avions supprimée en 2013, pénalisera particulièrement les femmes élevant seules leurs enfants.
Mme Sophie Primas. Ce n’est pas vrai !
Mme Marie-Pierre Monier. Nous espérons que la commission mixte paritaire supprimera cette mesure inefficace et rétrograde.
Pourtant, ce texte aurait pu sortir du Sénat avec une vision plus progressiste et plus sociale. Nous avons tout fait pour, en déposant de nombreux amendements. Certains, retoqués au titre des articles 40 et 45 de la Constitution, portaient sur l’université. À ce sujet, je souhaite évoquer les récents dysfonctionnements de Parcoursup, qui nous alertent sur les failles de cette plateforme et qui plongent des milliers de lycéens dans l’angoisse et l’incertitude.
Pour en revenir à nos amendements, très peu ont été adoptés en séance : un visait à faire de la mixité sociale un caractère contraignant pour toute modification de la carte scolaire, un autre tendait à assurer aux enfants des départements et régions d’outre-mer un enseignement de l’histoire de leur territoire. La majorité sénatoriale a choisi de rejeter la quasi-totalité de nos amendements.
Vous avez ainsi choisi de rejeter la suppression des PIAL, qui constituent un simple outil de gestion comptable et de mutualisation des AESH, et non un dispositif permettant de cibler les besoins des enfants et d’accroître la qualité de leur accompagnement.
Vous avez également choisi de rejeter la sensibilisation des élèves aux violences faites aux femmes et la lutte contre les violences sexistes, dans le primaire et le secondaire.
Vous avez de même choisi de rejeter nos amendements visant à décharger les missions locales de nouvelles obligations, alors que leur situation financière reste délicate.
Vous avez enfin choisi de rejeter notre amendement tendant à demander au Gouvernement de faire part de ses intentions en matière de politique de santé scolaire.
Au final, malgré l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire, la création du rectorat de Mayotte et la belle victoire que constitue la disparition des EPLESF, ce projet de loi n’est pas plus acceptable en sortant du Sénat que lorsqu’il y est arrivé.
En conclusion, ce sont deux droites qui se rejoignent autour d’une même vision de l’éducation, plus libérale. Pour le groupe socialiste, ce texte comprend bien trop de mesures déstructurant le cadre national de l’éducation. Nous voterons contre ce texte, car nous sommes de celles et ceux qui croient en une école émancipatrice, en une école où l’on devient d’abord un citoyen ou une citoyenne accompli, soucieux de l’intérêt collectif pour se préparer à un emploi, en une école qui permette de se construire, peu importe d’où l’on vient : une école de la République ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe du RDSE vous ont fait part de leurs inquiétudes dès le début de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance. Le manque de concertation, dénoncé par la communauté éducative, a été doublé d’une forme de précipitation, le tout aboutissant à un texte aux dispositions trop diverses. Ce projet de loi aurait gagné en force, et je l’ai déjà dit, à rester centré sur son objectif de départ : rendre obligatoire la scolarisation des enfants dès l’âge de 3 ans.
Je vous l’accorde, notre système éducatif a besoin de confiance, celle des Français envers les enseignants, celle du monde éducatif en sa propre capacité à relever les défis, et enfin celle des collectivités territoriales.
Or les sénateurs du groupe du RDSE sont inquiets concernant l’égal accès des élèves à l’instruction sur l’ensemble du territoire. Ce doute n’a malheureusement pas été levé avec la suppression en séance de la disposition prévue par l’amendement de notre collègue Jean-Yves Roux adopté en commission sur l’obligation d’accueil dès l’âge de l’instruction obligatoire dans une école au plus près de son domicile.
Le vote d’un amendement à l’article 1er, visant à inscrire dans la loi le rôle de l’école dans la transmission des valeurs républicaines de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité, était nécessaire, bien qu’insuffisant face aux défis auxquels elle est confrontée sur le terrain social, territorial, mais aussi technologique.
Construire l’école de la confiance, c’est d’abord s’appuyer sur des enseignants compétents et fiers de leur métier, comme Max Brisson et moi l’avions souligné en 2018 dans notre rapport d’information sur le métier d’enseignant, dans lequel nous appelions à rénover le cadre statutaire pour renouer avec l’attractivité.
Les apports du Sénat à ce texte s’agissant des ressources humaines de l’éducation nationale sont indéniables. Je salue l’adoption de la formation continuée et de la formation continue pour tous les professeurs du premier comme du second degré, mesures permettant de rendre le métier d’enseignant plus adapté et qu’il faudra pouvoir conserver en commission mixte paritaire.
La sensibilisation des futurs professeurs aux enjeux de l’environnement et du respect de la biodiversité, apport auquel le groupe du RDSE a contribué, était urgente afin qu’ils intègrent à leur tour ces sujets, encore trop rarement dispensés, dans leurs enseignements.
Si j’approuve l’évolution de la maquette de formation des Inspé – eh oui ! – vers l’usage des outils et ressources numériques en classe, je regrette que mon amendement visant à donner la priorité à l’utilisation de logiciels libres dans le service public de l’enseignement n’ait pas pu être discuté, alors que le lien m’apparaît pourtant limpide avec le texte en discussion.
Nous avons entendu, monsieur le ministre, vos engagements sur la réforme du prérecrutement des futurs enseignants, qui va dans le bon sens en assurant leur formation sur le terrain. Nous serons attentifs à ce que ce dispositif ne soit pas dévoyé. Le statut d’assistant d’éducation, ouvert aux étudiants de L2, ne saurait être un moyen de remplacer des titulaires.
Permettez-moi d’évoquer d’autres points de la discussion qui nous ont semblé significatifs et sur lesquels nous serons vigilants.
Nous sommes opposés aux établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux proposés à l’article 6 quater. La suppression de cet article avait été adoptée unanimement en commission, l’amendement de notre collègue Grosperrin nous ayant permis d’engager une discussion de fond dans l’hémicycle, avant son retrait. J’espère, monsieur le ministre, que vous veillerez à ce que cet article ne revienne pas.
Concernant l’école inclusive, je me félicite de ce que le Sénat ait inscrit la formation continue des AESH dans le texte, reconnaissant ainsi leur rôle à part entière dans l’équipe éducative et le besoin de renforcement de leur professionnalisation. Toutefois, j’estime que le texte n’est pas encore satisfaisant sur les PIAL. Ces pôles peuvent être utiles, à la condition que leur création résulte d’une concertation organisée entre l’éducation nationale, le champ médico-social et les collectivités territoriales, afin de s’insérer dans un espace géographique pertinent et en nombre adapté dans le département. Il faut laisser plus de place à la concertation entre les acteurs.
Notre groupe approuve l’obligation de formation professionnelle de 16 à 18 ans, à condition de s’appuyer sur le réseau du service public de l’orientation tout au long de la vie. Tel est le sens de l’un de nos amendements qui a été adopté.
Concernant le statut des directeurs d’école, le résultat est en deçà de nos espérances, car une simple participation aux évaluations ne suffira pas à rendre la fonction plus attractive ou plus légitime au sein de l’établissement.
Quant aux établissements privés hors contrat, des dispositions bienvenues ont été adoptées pour compléter la loi Gatel. Il s’agit de l’obligation de déclarer le changement de projet d’établissement ou d’objet d’enseignement et la création d’une nouvelle sanction, en cas d’atteinte à l’ordre public ou de non-respect des mises en demeure.
Je regrette la création du conseil d’évaluation de l’école, en lieu et place du Cnesco, qui permettait une évaluation indépendante, avec un volet recherche scientifique très important. L’un aurait pu être complémentaire de l’autre.
Il est fort dommage ce projet de loi n’ait pas été l’occasion d’aborder la question de la visite médicale du personnel enseignant. Nous nous mobiliserons de nouveau sur cette problématique lors de l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé.
En ce qui concerne la santé des élèves, le dispositif prévu est encore un peu décevant. Mais nous avons pu faire voter le maintien de l’autonomie des infirmiers scolaires. Nous approuvons par ailleurs l’autorisation donnée au médecin scolaire de prescrire certains actes et produits de santé.
Nous sommes fortement opposés au contrat de responsabilisation transposant les dispositions Ciotti sur la suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme de l’élève, car nous considérons que c’est une double peine qui fragilise les plus vulnérables et renforce le rejet de l’école.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme Françoise Laborde. Nous avons débattu de l’interdiction du port de signes, ou tenues, par lesquels se manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, étendue aux sorties scolaires et aux personnes concourant au service public de l’éducation. Une majorité de notre groupe a voté en faveur de cette mesure, qui ne survivra peut-être pas en commission mixte paritaire.
Mme Éliane Assassi. On l’espère !
Mme Françoise Laborde. En conclusion, je tiens à souligner les apports majeurs du Sénat sur le métier d’enseignant, qui manquaient cruellement à ce texte pour renouer avec la confiance en l’école.
Malgré tout, nombre de mes collègues du groupe du RDSE jugent le texte déséquilibré, les enjeux liés à l’école dans les territoires étant pris en compte de manière bien trop parcellaire. L’école est parfois le dernier service public. Nos élus attendent une politique de l’école dans les territoires qui, au vu de ce texte, reste encore à inventer. Telles sont les raisons pour lesquelles une large part de notre groupe s’abstiendra.
Monsieur le ministre, je voterai aujourd’hui ce texte, qui constitue une étape d’un travail constructif, mais mon vote ne sera définitif et solennel que lors de l’adoption du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Laurent Lafon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, après un long travail préparatoire et près d’une semaine de discussions, parfois passionnées, dans cet hémicycle. Le vote de ce texte marque l’aboutissement d’un important travail, en commission comme sur le terrain, dans un climat qui n’a pas toujours été des plus sereins, en tout cas à l’extérieur de la Haute Assemblée.
À l’issue de ces quatre jours de séance, nous sommes convaincus que ce texte a évolué grâce aux apports du Sénat. Il était grand temps de dépassionner le débat en prenant en compte, dans nos propositions, le point de vue des acteurs locaux, des élus, des personnels de l’éducation et des parents. C’est en procédant de la sorte que le changement est possible en matière éducative, mais cela nécessite du temps, de l’expérimentation et l’association étroite des différents acteurs.
Monsieur le ministre, je tiens à saluer l’écoute dont vous avez fait preuve pendant nos débats et la qualité de nos échanges tout au long de nos travaux. Si nous n’avons pas toujours été d’accord sur tout, nous espérons néanmoins que vous saurez reconnaître les apports du Sénat à ce texte important. Je souhaite également remercier de nouveau le rapporteur, Max Brisson, et la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly, pour leur implication dans la conduite de nos débats.
C’est le vif attachement que nous portons, toutes et tous, à l’école de la République qui a conduit nos réflexions et, nous l’espérons, permis d’améliorer ce projet de loi de manière constructive et approfondie. Sans bien entendu mettre de côté nos problématiques locales ni les sujets qui nous tiennent personnellement à cœur, nous pouvons dire que nous avons ici travaillé en ayant à l’esprit l’intérêt des générations futures. Faire que chaque enfant, quelle que soit sa situation, puisse trouver sa place à l’école : voilà ce qui a guidé nos travaux.
Il a pu être reproché au projet de loi tel que nous l’avons reçu de l’Assemblée nationale de manquer d’un certain souffle, de ne pas contenir de dispositions véritablement à même d’apporter des réponses aux enjeux auxquels fait face notre système scolaire, ou encore d’être finalement un texte un peu fourre-tout. C’est heureux que le groupe que je représente ait pu vous convaincre d’enrichir le texte qui nous était soumis sur plusieurs points importants.
À titre d’exemples, pour n’en donner que quelques-uns, l’éducation au développement durable et à la protection de l’environnement a notamment été consacrée dans notre droit, sur l’initiative de notre collègue le président Hervé Maurey. De même, l’autonomie des infirmiers scolaires a été défendue grâce à notre collègue Jocelyne Guidez. Grâce à la présidente Catherine Morin-Desailly, la formation des professeurs sera structurée par la maîtrise des outils et des ressources numériques.
Je tiens également à citer nos avancées en faveur d’une meilleure implication des territoires et des élus locaux, avec une prise en compte réelle de la dimension territoriale des inégalités dans la répartition des moyens du service public de l’éducation ou encore avec une meilleure association des communes dans l’élaboration des conventions de formation continue des professionnels intervenant auprès des enfants de moins de 6 ans.
D’autres dispositions, que nous avons soutenues, doivent également être mises en lumière. Je pense aux compromis trouvés sur l’annualisation du temps de travail, sur les jardins d’enfants ou sur les visites médicales, à la lutte contre le prosélytisme, à la lutte contre l’absentéisme par la possibilité de retenues sur les allocations familiales versées aux parents d’élèves de moins de 16 ans, à l’ensemble des mesures en faveur de l’école inclusive, aux contractualisations rendues possibles avec les établissements privés sous contrat afin d’encourager la mixité sociale, ou encore aux solutions pour répondre aux problèmes de recrutement, notamment dans les zones d’éducation prioritaire, avec l’ouverture des postes à profil.
Vous aurez constaté, monsieur le ministre, notre profond attachement à ce que, à l’avenir, davantage d’initiatives soient laissées aux acteurs locaux, aux élus, aux personnels de l’éducation, aux parents, pour trouver les solutions et les moyens de répondre aux besoins des territoires en matière d’éducation.
Mon groupe et moi-même souhaitons vivement que ces améliorations sensibles sauront convaincre nos collègues de l’Assemblée nationale lors de la commission mixte paritaire.
Je reviendrai un instant sur la disposition qui a été, de loin, la plus débattue, au sein de notre assemblée comme au dehors : l’instauration des établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, énoncée à l’article 6 quater, supprimée à l’unanimité de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Si les discussions ont été aussi animées que les semaines de mobilisation le laissaient prévoir, nous avons, il me semble, réussi à sortir par le haut de cette situation.
Nous comptons désormais sur votre sagesse, monsieur le ministre, pour que l’école du socle fasse l’objet d’un véritable travail approfondi, dans un climat apaisé et à même de satisfaire les différentes parties prenantes de notre système scolaire, toujours dans l’intérêt des élèves. Le groupe Union Centriste prendra toute sa part à ce travail, comme aux réflexions plus larges sur l’avenir de notre école.
La restitution prochaine des travaux de la mission d’information sur les nouveaux territoires de l’éducation sera ainsi l’occasion d’enrichir le débat de nouvelles propositions, comme les résultats de la mission Mathiot-Azéma, que nous analyserons avec attention, bien entendu.
Pour conclure, épargnons-nous ici les descriptions apocalyptiques sur la situation de notre système scolaire, les « condoléances aux futurs illettrés », les rapports savants sur l’échec scolaire, ou encore la dénonciation des « usines à cancres ». Non pas que la critique soit toujours inutile, mais ce qui aura compté tout au long de nos travaux, c’est moins le diagnostic que les remèdes.
Le groupe Union Centriste votera ce texte ainsi amendé par notre assemblée. Mes collègues et moi-même resterons bien sûr attentifs à sa mise en œuvre ; nous veillerons à toujours défendre notre école républicaine, celle qui sait intégrer, celle qui fait du mérite – et non de l’argent ou des relations – le véritable facteur de la promotion sociale.
Jules Ferry s’était fait un serment : l’éducation du peuple. Cette ambition a inspiré l’école du brassage social et de la promotion individuelle. Cet idéal reste d’actualité, même si les moyens de l’atteindre ont changé. L’école doit avoir plus que jamais l’ambition de donner à chacun sa chance. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Ouverture du scrutin public solennel
M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi pour une école de la confiance.
Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.
Je remercie nos collègues Daniel Dubois, Dominique de Legge et Patricia Schillinger, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.
Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.
Je déclare le scrutin ouvert pour une durée maximale de trente minutes et vais suspendre la séance jusqu’à seize heures trente, heure à laquelle je proclamerai le résultat.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures trente.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 118 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Pour l’adoption | 213 |
Contre | 95 |
Le Sénat a adopté, dans le texte de la commission, modifié, le projet de loi pour une école de la confiance. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)
Je remercie Mme la présidente de la commission, M. le rapporteur ainsi que les trois secrétaires du Sénat qui ont tenu les bureaux de vote.
La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par deux mots trop peu utilisés dans notre société : hommage et gratitude.
Je veux tout d’abord rendre hommage au Sénat et souligner à quel point les travaux de la semaine dernière étaient riches et dignes. Je me suis d’ailleurs souvent pris à souhaiter que nos concitoyens puissent nombreux voir, écouter ou lire ce type de débats, afin de comprendre tout l’intérêt de la démocratie parlementaire. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
J’ai toujours été un fervent partisan de la chambre haute et du bicamérisme. (Exclamations approbatrices et applaudissements nourris sur les mêmes travées.)
Je ne dis pas cela pour vous faire plaisir, mesdames, messieurs les sénateurs. Si je pensais le contraire, je vous dirais le contraire. Mais cette conviction profonde m’anime depuis toujours. N’oubliez pas que j’ai été professeur de droit constitutionnel.
Il m’est même arrivé de défendre cette idée sur certains ronds-points, parfois en compagnie de certains d’entre vous, et je la défendrai plus vigoureusement encore après la semaine que je viens de vivre ! (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Encore !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Hommage, d’une part ; gratitude, d’autre part. Je pense que nous devons tous avoir de la gratitude envers notre pays. Parce que nous sommes une République, nous pouvons avoir ces débats, qui souvent nous opposent, mais qui sont indispensables pour faire vivre la démocratie.
In fine, l’école nécessite un minimum d’unité de la part de la société et de la classe politique. Cet idéal d’unité n’est que très imparfaitement atteint aujourd’hui, mais il important de savoir se rassembler sur certains sujets, et le Sénat a su le faire en votant à l’unanimité la disposition la plus importante de cette loi, prévue à l’article 2, c’est-à-dire l’instruction obligatoire à 3 ans.
Je compte donc dire clairement en dehors de cet hémicycle que les débats, dans cet hémicycle, ont permis d’enrichir le projet de loi, même si je conserve un certain nombre de réserves à l’égard du texte qui vient d’être adopté.
Je les exposerai en temps et en heure. À titre de conclusion provisoire, je voudrais surtout rappeler le caractère profondément social de cette loi.
L’instruction obligatoire à 3 ans va permettre de conduire sur le chemin de l’école maternelle 25 000 enfants qui ne sont pas scolarisés aujourd’hui. Pour ces enfants issus des milieux les plus défavorisés, c’est évidemment une grande loi sociale.
Je le rappelle, lorsque Jules Ferry, dans les années 1880, a fait voter les lois sur l’école, 93 % des enfants étaient déjà scolarisés.