PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Mme Éliane Assassi, M. Pierre Laurent, Mme Laurence Cohen, MM. Guillaume Gontard, Fabien Gay, Pascal Savoldelli et Mme Esther Benbassa font savoir qu’ils souhaitaient voter contre l’amendement n° 100 rectifié quater tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er bis G du projet de loi pour une école de la confiance. Mmes Christine Prunaud, Cathy Apourceau-Poly et Michelle Gréaume font savoir qu’elles souhaitaient voter pour cet amendement.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Lors du scrutin n° 100 portant sur l’amendement n° 100 rectifié quater, présenté par M. Jérôme Bascher et plusieurs de ses collègues, tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er bis G du projet de loi pour une école de la confiance, Mme Nathalie Goulet a été comptabilisée comme s’étant abstenue, alors qu’elle souhaitait voter contre. M. Hervé Maurey a été comptabilisé comme s’étant abstenu, alors qu’il ne souhaitait pas prendre part au vote.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
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Pour une école de la confiance
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance (projet n° 323, texte de la commission n° 474, rapport n° 473).
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre II du titre Ier, l’examen de l’article 4.
TITRE Ier (Suite)
GARANTIR LES SAVOIRS FONDAMENTAUX POUR TOUS
Chapitre II (suite)
L’extension de l’instruction obligatoire aux plus jeunes
Article 4 (suite)
L’État attribue de manière pérenne à chaque commune les ressources correspondant à l’augmentation des dépenses obligatoires qu’ils ont prises en charge en application des articles L. 212-4, L. 212-5 et L. 442-5 du code de l’éducation au titre de l’année scolaire 2019-2020 par rapport à l’année scolaire précédente, en tenant compte, pour les collectivités qui y procédaient antérieurement à la présente loi, de la prise en charge des dépenses de fonctionnement des classes maternelles privées liées à l’État par contrat, dans la limite de la part d’augmentation résultant directement de l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire.
La réévaluation de ces ressources peut être demandée par une commune au titre des années scolaires suivantes.
Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 316 rectifié bis est présenté par Mmes S. Robert, Blondin, Monier et Lepage, MM. Antiste et Assouline, Mme Ghali, MM. Lozach, Magner, Manable, Kanner, Bérit-Débat, Durain, Féraud et Fichet, Mme G. Jourda, M. Marie, Mme Meunier, M. Montaugé, Mme Taillé-Polian, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Rossignol, MM. Courteau et Daunis, Mme Préville, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 440 rectifié est présenté par Mmes N. Delattre, Laborde et Jouve, MM. Roux, Castelli, Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec et Guérini, Mme Guillotin et MM. Labbé, Léonhardt, Menonville, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La part d’augmentation mentionnée au premier alinéa n’est pas prise en compte dans les dépenses réelles de fonctionnement entrant dans le calcul de l’objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre, mentionné au III de l’article 13 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l’amendement n° 316 rectifié bis.
Mme Sylvie Robert. Nous reprenons nos discussions entamées hier soir sur la compensation financière par l’État aux communes versant déjà le forfait aux maternelles privées. Mon amendement vise à exclure le surcoût induit par l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire du « capage » à 1,2 %.
Monsieur le ministre, vous avez réitéré votre engagement en ce sens hier devant notre assemblée, et nous vous en remercions. Du coup, vous allez me dire que cet amendement, et c’est juste, est satisfait. Je tenais néanmoins à rappeler, car cette question est vraiment importante, que nous n’avons pas la même position que vous sur la compensation versée aux communes.
Pour ma part, je suis élue d’un département où de nombreuses communes versent déjà le forfait aux maternelles privées. Si notre amendement et celui de la commission devaient ne pas aller au terme de l’examen du texte, ce que je ne souhaite pas bien sûr, les communes comme la mienne et comme d’autres, qui ne font pas la différence entre le public et le privé, qui paient depuis plusieurs années pour les maternelles privées et qui intègrent ces dépenses dans le capage à 1,2 %, seront-elles exonérées ?
M. le président. La parole est à Mme Mireille Jouve, pour présenter l’amendement n° 440 rectifié.
Mme Mireille Jouve. Cet amendement étant identique à celui que vient de présenter Sylvie Robert, vous pouvez considérer qu’il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Ces amendements visent à prévoir que les dépenses de fonctionnement supplémentaires ne seront pas prises en compte dans le calcul de l’objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales.
Si je suis favorable sur le fond aux dispositions que tendent à prévoir ces amendements, elles relèvent d’une circulaire du ministre du budget, qui fixe le périmètre des dépenses concernées. En fait, ces amendements visent avant tout à obtenir de M. le ministre qu’il renouvelle devant le Sénat son engagement, qui fait juridiquement foi, que ces dépenses seront bien exclues du calcul de l’objectif de l’évolution des dépenses.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Je fais miens tous les arguments du rapporteur, qui viennent à l’appui de ce que j’ai déjà dit hier soir. La doctrine sur laquelle repose la décision que nous avons prise est très simple, je l’ai formalisée ainsi hier : une commune ayant dépensé x en 2018-2019 et qui dépensera x + n en 2019-2020 se verra rembourser n. C’est aussi simple que cela ! Je sais que certains voudraient que cela soit n + quelque chose, mais seul n sera remboursé.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre Monier. En fait, monsieur le ministre, on aurait aimé que l’État rembourse la différence entre le x – n et le x. Comme cela a été dit hier, toutes les communes ayant déjà pris en charge le financement des maternelles privées, avant l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, devraient également être aidées.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 316 rectifié bis et 440 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 4 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 213 rectifié, présenté par MM. Decool et Henno, Mme Eustache-Brinio et MM. Gremillet, Guerriau, Danesi, Moga, Courtial, Laménie, A. Marc, Panunzi et Chasseing, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment dans le cadre des conventions entre communes pour la scolarisation d’élèves dans une commune extérieure
La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Cet amendement tend à prévoir que la situation spécifique des enfants scolarisés dans une commune autre que celle de leur domicile devra être clairement prise en compte, notamment dans le cadre des conventions entre communes. Il s’agit de spécifier que la commune d’accueil supportant les dépenses inhérentes percevra une compensation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. La compensation portera sur l’ensemble des dépenses de fonctionnement des communes en matière scolaire et s’appliquera donc à la participation aux frais de scolarisation des communes de résidence. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 4, modifié.
(L’article 4 est adopté.)
Article additionnel après l’article 4
M. le président. L’amendement n° 441 rectifié, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Castelli et Roux, Mme N. Delattre, MM. Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes et MM. Gold, Labbé, Léonhardt, Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la date de publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur les conséquences financières, pour les communes et leurs groupements, de l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire prévu par la présente loi, et notamment son incidence sur les modalités de calcul de l’objectif national d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs groupements à fiscalité propre, mentionné au III de l’article 13 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Alors que le surcoût global de la réforme pour les communes et leurs groupements est estimé à 150 millions d’euros, selon les calculs de certains syndicats, la compensation de l’État, qui repose sur des évaluations encore imprécises, serait d’environ 50 millions d’euros en direction des maternelles privées, un peu plus s’agissant du remboursement des forfaits des maternelles publiques. Le montant complet de la compensation ne permettrait donc pas de couvrir l’ensemble du surcoût pour les collectivités. En conséquence, cet amendement tend à prévoir la remise par le Gouvernement d’un rapport sur cette question au Parlement.
Cela étant, le Sénat rejetant les demandes de rapport, je vous prie d’ores et déjà, monsieur le ministre, d’apporter une réponse précise et circonstanciée à mes interrogations. Je pourrai ensuite retirer mon amendement. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Mme Laborde a déjà fait mon travail. (Nouveaux sourires.)
Si cet amendement n’est pas retiré, la commission émettra un avis défavorable, compte tenu de sa position sur les demandes de rapport.
Mme Françoise Laborde. Je le savais ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. En application de l’article L. 1211-4 du code général des collectivités territoriales, le Comité des finances locales établit chaque année un rapport sur la situation financière des collectivités locales. Il s’agit du rapport de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locale.
En outre, en application de l’article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales, la commission consultative sur l’évaluation des charges établit à l’intention du Parlement un bilan annuel de l’évolution des charges transférées aux collectivités locales.
Enfin, la Cour des comptes produit annuellement un rapport sur la situation des finances locales.
Un nouveau rapport serait donc redondant.
Je pense avoir triplement répondu à votre question, madame la sénatrice.
M. le président. Madame Laborde, l’amendement n° 441 rectifié est-il maintenu ?
Mme Françoise Laborde. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, qui me satisfait.
Trois rapports étant déjà prévus, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 441 rectifié est retiré.
Article 4 bis
Par dérogation à l’article L. 131-2 du code de l’éducation, l’instruction obligatoire peut être donnée aux enfants âgés de trois à six ans dans un établissement d’accueil collectif recevant exclusivement des enfants âgés de plus de deux ans dit « jardin d’enfants ».
Les personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation d’instruction prévue à l’article L. 131-1 du même code doivent déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, dans les conditions prévues à l’article L. 131-5 dudit code, qu’elles l’inscrivent dans un établissement mentionné au premier alinéa du présent article.
L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation prescrit le contrôle des établissements mentionnés au même premier alinéa afin de s’assurer que l’enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation et que les élèves de ces établissements ont accès au droit à l’éducation tel que celui-ci est défini par l’article L. 111-1 du même code.
Ce contrôle est organisé selon les modalités prévues aux quatrième à dernier alinéas de l’article L. 442-2 dudit code.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 401, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
peut
sont insérés les mots :
, au cours des années scolaires 2019-2020, 2020-2021 et 2021-2022,
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. L’article 4 bis dispose que l’instruction obligatoire peut être dispensée à titre dérogatoire dans les jardins d’enfants. Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait une dérogation de deux ans. Votre commission a souhaité rendre cette dérogation pérenne. Une telle proposition présente, selon le Gouvernement, un risque de rupture d’égalité, notamment vis-à-vis des écoles privées hors contrat.
Il ne fait aucun doute que des dispositions transitoires sont nécessaires de façon à permettre, d’une part, aux familles de s’adapter aux nouvelles conditions de prise en charge de leurs enfants découlant de la nouvelle obligation d’instruction dès l’âge de 3 ans et, d’autre part, à ces structures, quel que soit leur statut, de s’adapter aux nouvelles contraintes et de préparer les éventuelles évolutions et reconversions professionnelles de leurs employés.
Plusieurs voies d’évolution articulées au développement des modes d’accueil du jeune enfant sont possibles pour les jardins d’enfants. L’une est de demeurer un jardin d’enfants, en se recentrant sur la tranche d’âge de 2 à 3 ans et être ainsi une passerelle douce vers l’école – cela peut être très fructueux. Une autre est de devenir un établissement d’accueil collectif de jeunes enfants de 0 à 3 ans, type crèche collective. J’ai cité hier l’exemple d’Arras, où l’on voit ce genre d’établissement articulé avec les écoles maternelles. Cela peut être très positif et un vecteur de transformation très intéressant. Enfin, ils peuvent se transformer en école maternelle hors contrat avec un projet éducatif et pédagogique défini, puis, le cas échéant, et selon les dispositions en vigueur, en école maternelle sous contrat.
Les évolutions de ces structures doivent être analysées au cas par cas, en fonction des projets propres portés par les jardins d’enfants existants – par exemple, ceux qui ont des méthodes éducatives alternatives, ceux qui pratiquent le bilinguisme, etc. –, mais également en fonction des besoins locaux en matière d’accueil préscolaire et scolaire. Chaque structure pourra ainsi évoluer vers la forme juridique qui lui correspond le plus.
L’État, au travers des plans de formation dédiés pour les personnels, pourra accompagner certaines structures qui le souhaiteraient vers leur transformation en école maternelle publique.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement propose, avec cet amendement, de rétablir une dérogation limitée dans le temps pour les jardins d’enfants. Nous optons pour un délai plus important que celui qui avait été adopté par l’Assemblée nationale, en passant de deux à trois ans. Durant cette période de trois années, ces établissements feront l’objet d’un contrôle de la part des services académiques, afin de vérifier que l’instruction, telle qu’elle est prescrite nationalement, y est effective.
Les jardins d’enfants sont aujourd’hui un type particulier d’établissement d’accueil du jeune enfant. C’est évidemment important de respecter ce qu’ils ont accompli. Je suis le premier à reconnaître qu’il y a des choses très positives dans le bilan que l’on peut en faire. Comme dans d’autres situations, il faut, je crois, avoir la démarche de garder ce qui est positif, de faire évoluer ce qui l’est moins, de sorte que les jardins d’enfants profitent de ce nouveau contexte pour apporter leur expérience et se transformer selon l’une des modalités que j’ai indiquées.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 185 est présenté par Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 234 est présenté par Mme Cartron, MM. Karam, Patriat et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Après le mot :
peut
insérer les mots :
, au cours des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021,
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 185.
Mme Céline Brulin. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 185 est retiré.
La parole est à Mme Françoise Cartron, pour présenter l’amendement n° 234.
Mme Françoise Cartron. Cet amendement va dans le même sens que celui du Gouvernement, si ce n’est que nous souhaitons maintenir la dérogation pour deux années. En tout cas, il est important de prévoir une date.
Comme le disait M. le ministre, dans les deux mois qui ont précédé l’examen du projet de loi, on a entendu de fausses informations qui ont causé beaucoup d’inquiétude. Dans l’esprit de certains s’est développée l’idée qu’il pourrait y avoir une instruction obligatoire à l’école maternelle et, à côté, des jardins d’enfants qui pourraient aussi prendre une part importante dans le dispositif.
Cela étant, je retire cet amendement, puisque le Gouvernement pense qu’il est préférable de prévoir une période transitoire de trois ans.
M. le président. L’amendement n° 234 est retiré.
L’amendement n° 72 rectifié bis n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Max Brisson, rapporteur. Dans le projet de loi initial, il n’y avait aucun délai. Je constate que le Gouvernement s’est rendu compte qu’il y avait un problème.
Mme Cartron a parlé d’inquiétude. Si je suis d’accord avec M. le ministre pour dire que, parfois, certaines inquiétudes peuvent être totalement infondées, pour le coup, l’inquiétude sur l’avenir des jardins d’enfants, elle, est totalement fondée.
Nous avons du mal à comprendre qu’un système centenaire dans certaines régions de notre pays soit rayé d’un trait de plume, par une décision venue d’en haut, sans aucune réflexion, sans aucune audition. On se demande même si le ministre n’a pas découvert les jardins d’enfants, qui sont dans le code de la santé publique, au hasard de ce projet de loi.
Monsieur le ministre, ce système fonctionne et a fait ses preuves. Les résultats des élèves, lorsqu’ils arrivent au cours élémentaire, sont de très grande qualité. À Paris, à La Réunion ou en Alsace, les jardins d’enfants sont inscrits dans les territoires, et certains sont municipaux.
J’ai été très surpris par cette proposition. Aussi, la commission, qui a beaucoup travaillé et auditionné sur le sujet, propose la pérennisation des jardins d’enfants, ne voyant pas pourquoi, je le répète, il faudrait faire disparaître quelque chose qui fonctionne et qui a fait ses preuves.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur !
M. Max Brisson, rapporteur. Le ministre nous dit que les jardins d’enfants ont le choix. Oui, ils ont le choix entre disparaître ou disparaître ! Voilà pourquoi nous sommes défavorables à l’amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Une fois n’est pas coutume, l’argumentation fougueuse de notre rapporteur me convient, mais je vais y ajouter quelques éléments.
Ces jardins d’enfants, souvent centenaires, ont été créés, à Paris notamment, pour satisfaire des besoins dans les couches populaires, le plus souvent dans le cadre des HBM. Ils permettaient de prendre en charge des enfants assez tôt dans des familles où les femmes travaillaient, souvent en tant qu’ouvrières. Votre projet, monsieur le ministre, a donc suscité une émotion tout aussi populaire.
À Paris, 2 000 enfants sont concernés, ce qui n’est pas rien, et ça fonctionne bien ! Nous sommes d’ailleurs très attachés à la formation de ceux qui encadrent et à la qualité des prestations.
J’ai une petite expérience personnelle, mais j’ai surtout écouté tous ceux qui ont mis leurs enfants dans ces structures. Ils sont très satisfaits, pas seulement parce que leurs enfants seraient agréablement occupés, mais surtout parce qu’ils y reçoivent une éducation et une instruction de valeur. On constate d’ailleurs que ces enfants quand ils entrent ensuite à l’école primaire ne sont pas du tout en retard par rapport aux autres. C’est même parfois l’inverse. Donc, ça marche !
Comme vous instituez l’école obligatoire à 3 ans, vous proposez l’alternative suivante : soit les jardins d’enfants rentrent dans le droit chemin, en devenant des maternelles, soit ils disparaissent d’ici à trois ans. Franchement, je le répète, vous avez suscité un grand émoi.
Je vous renvoie à vos déclarations répétées sur votre désir d’être pragmatique, de ne pas faire une loi qui porte votre nom… Mais, là, le pragmatisme, c’est de reconnaître que ça marche et que personne ne s’en plaint. Certes, l’implantation est assez sectorisée, dans le Bas-Rhin, dans le Rhône, qui a des établissements adossés à la puissance publique qui fonctionnent bien, à Paris, où cela relève de la municipalité et non pas du diocèse.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. David Assouline. À partir du moment où on souhaite la pérennisation, vous pouvez très bien faire entrer…
M. le président. Cher collègue, il faut vraiment conclure !
M. David Assouline. D’accord, je m’arrête là, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. David Assouline a parlé de la situation parisienne ; je vais parler de la situation bas-rhinoise. Dans ce département, il y a effectivement une tradition de jardins d’enfants extrêmement importante. Ils fonctionnent bien.
Votre objectif, monsieur le ministre, c’est que les enfants, dès l’âge de 3 ans, soient pris en charge dans une structure dans le but d’y recevoir une instruction. Or il s’avère que ces jardins d’enfants, comme l’a dit David Assouline, ont apporté cette instruction sans que personne les critique. Dans le Bas-Rhin, la situation strasbourgeoise est particulière, des jardins s’étant créés, notamment, pour subvenir aux besoins des fonctionnaires européens, dont certains viennent des pays nordiques, où les parents sont très attachés à ce type de structures.
Faire disparaître les jardins d’enfants est une aberration et ne répond pas à l’objectif que vous vous êtes fixé dans la loi. Comme l’a dit le rapporteur, je pense que le problème a totalement échappé à vos services. Je sais que le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, Bruno Studer, qui est député du Bas-Rhin, a été alerté. C’est d’ailleurs lui qui a proposé la dérogation.
Il faut se rendre compte que la dérogation à deux ans ne suffit absolument pas. Les jardins d’enfants sont aujourd’hui du ressort du ministre de la santé ; leurs personnels sont des éducateurs de jeunes enfants, et pas forcément des enseignants. Il y aura donc une vraie difficulté dans deux ans, ou même dans trois ans. Pourquoi empêcher de vivre ce qui marche bien, surtout que le Président de la République nous parle ailleurs de droit à la différenciation ?
J’ai interpellé les gestionnaires de jardins d’enfants du Bas-Rhin à propos de l’article issu de notre commission sur le fait que le contrôle serait dorénavant effectué par l’autorité compétente en matière d’éducation nationale. Ils n’y voient aucun inconvénient. L’éducation nationale pourra accompagner les jardins d’enfants dans leur pérennisation.
Pourquoi se donner un délai de trois ans ? Vous prenez le risque que l’on revienne à l’issue de ce délai avec un amendement cavalier ou une loi spéciale pour éviter de fermer des lieux qui fonctionnent bien et qui sont viables économiquement. Peut-être ne serez-vous plus là, mais on sera face à un vrai sujet.
À mon sens, la solution adoptée par notre commission est sage. Elle répond aux intérêts locaux et ne porte pas atteinte aux enfants et à leur instruction.
M. le président. Merci !
M. Jacques Bigot. Je ne crois pas que l’on retrouvera ces enfants dans la tranche des 16-18 ans que vous voulez éduquer par la suite.
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud, pour explication de vote.
M. Rémi Féraud. Il serait incompréhensible que le Gouvernement ne se saisisse pas de la rédaction du Sénat. Nous avons tous approuvé le principe de la scolarité obligatoire à 3 ans, mais nous devons pouvoir l’adapter à des situations existantes très précises et qui concourent à l’évidence à l’intérêt général.
À Paris, comme dans d’autres territoires, ces jardins d’enfants, souvent des structures associatives non lucratives, contribuent à l’intérêt général. D’ailleurs, vous le reconnaissez d’une certaine manière, monsieur le ministre, en prévoyant une dérogation. Ils sont dans des quartiers populaires, participent à la mixité sociale, à l’inclusion d’enfants en situation de handicap. Dans le Xe et le XXe arrondissement de Paris, les jardins d’enfants franco-allemands contribuent au bilinguisme, avant que l’école publique ne prenne le relais à partir du CP.
Si ces dispositifs fonctionnent bien, pourquoi prévoir une dérogation de deux ans ou de trois ans ? Pourquoi pas une dérogation pérenne ? C’est le souhait de la commission de la culture du Sénat, qui a prévu l’encadrement nécessaire, notamment en matière de contrôle de la qualité de l’enseignement dispensé, qui serait exercé par l’éducation nationale.
Enfin, personne n’est dupe : prévoir une dérogation de deux ans ou de trois ans permettrait d’enjamber les élections municipales et de limiter l’ampleur des vagues de contestation devant ce genre de mesure. Il serait bien plus sage et conforme à l’intérêt de tous d’en rester à la rédaction de la commission de la culture du Sénat, dont je remercie le rapporteur. (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)