M. le président. La parole est à M. Antoine Karam, pour explication de vote.
M. Antoine Karam. J’ai passé quarante ans de ma vie professionnelle à enseigner, et j’ai vu de nombreuses tentatives de réforme échouer, quel que soit le gouvernement en place. « Il est urgent d’attendre », « nous ne sommes pas prêts »… Voilà ce que nous entendions trop souvent.
Avec mon groupe, je vois enfin dans cette réforme une volonté de changer les choses, de façon très cohérente et dans un esprit de dialogue social, notamment s’agissant du devoir d’exemplarité. Un enseignant qui arrive en retard, qui part avant les élèves et qui n’a pas une bonne tenue n’est pas exemplaire. Des parents d’élèves qui viennent régler leurs comptes dans les écoles ne le sont pas plus. Chacun doit balayer devant sa porte.
S’agissant de l’instruction obligatoire à 3 ans, elle est peut-être symbolique dans la France hexagonale, mais certainement pas outre-mer. À Mayotte, quelque 25 % des enfants ne sont pas scolarisés à l’âge de 3 ans, et ils sont 30 % en Guyane.
Des compensations sont prévues pour permettre aux communes de mettre en œuvre cette instruction obligatoire. En Guyane, les communes de l’intérieur comme celles du littoral seront accompagnées pour leur permettre de construire, selon des normes dérogatoires, de nouveaux bâtiments scolaires.
Enfin, les assistants d’éducation pourront appréhender le métier d’enseignant, à raison de huit heures par semaine, en contrepartie d’une rémunération cumulable avec les bourses.
Nous avons bien compris la démarche de nos collègues du CRCE, mais le groupe La République En Marche votera contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Jean-Marc Gabouty et Robert Laufoaulu applaudissent également.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
(La motion n’est pas adoptée.)
Discussion générale (suite)
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte aurait dû être fondamental, mais il est au final bien décevant : aucun cap, aucune vision, aucun changement, même pas de « nouveau monde »…
On y retrouve toutes les dérives de ce monde de déracinés porté par les idéologues du ministère de l’éducation nationale depuis des années. (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.)
On remplace les termes « intégration dans la société » par « société inclusive » : c’est tout le symbole de la disparition d’une vision globale de la communauté, du bien commun et de la Nation.
C’est la consécration des intérêts particuliers face à l’impérieuse nécessité de l’instruction des savoirs fondamentaux, de la transmission de notre héritage, de notre culture et de l’assimilation à notre pays.
M. David Assouline. On ne doit pas inclure les personnes handicapées ?
M. Stéphane Ravier. Monsieur le ministre, votre projet de loi s’intitule « pour une école de la confiance », mais la confiance, cela ne se décrète pas !
Cette confiance, elle se mérite et se gagne en créant les conditions favorables à son éclosion, et ces conditions ne sont en rien réunies dans ce texte. Il faut en réalité changer totalement de cap, en redonnant du sens à l’autorité du professeur sur les élèves. L’élève ne saurait être l’égal du maître. Le maître est là pour enseigner, pour transmettre ; l’élève pour écouter, apprendre, comprendre dans le respect absolu de son professeur.
On se souvient tous de cette vidéo d’un professeur braqué par un élève avec une arme qui s’est révélée être factice, et de toute la polémique du hashtag #PasDeVague d’un corps professoral qui n’en peut plus de cette violence devenue quotidienne. Rien donc sur l’insécurité à l’école ! Vous préférez au contraire rappeler le devoir de réserve des professeurs dès l’article 1er.
« Ouvrez une école, et vous fermerez une prison », disait en son temps Victor Hugo. Aujourd’hui, ce sont les professeurs qui sont incarcérés dans leur classe, isolés derrière les barreaux de la violence issue des quartiers ethniques et de l’indifférence de leur ministre de tutelle !
M. Philippe Dallier. Tout en dentelle !
M. Stéphane Ravier. Rien sur les programmes désastreux qui nous font plonger chaque année plus bas dans le classement PISA ; rien sur le poids de l’immigration (Exclamations.),…
M. Rachid Temal. Il y avait longtemps !
M. Stéphane Ravier. … qui, de toute évidence, constitue, là aussi, un véritable fardeau, contribuant à l’effondrement du niveau scolaire !
M. Rachid Temal. Avec vous, nous ne sommes jamais surpris !
M. Stéphane Ravier. À croire que, demain, quand cette loi sera votée, les classes en ruralité pourront continuer de disparaître, et les établissements de REP et REP+ continuer de péricliter. Quant aux élus locaux, ils seront plus abandonnés encore dans la gestion des établissements.
De plus, ce regroupement des écoles et des collèges en établissements publics de savoirs fondamentaux s’apparente à la création d’une superstructure qui compliquera davantage la tâche des élus locaux. Il supprime la présence de l’interlocuteur primordial pour les parents d’élèves qu’est le directeur d’école et constitue la menace de voir à terme la suppression de postes et d’écoles.
On ajoute à cela l’apparition des termes « parent 1 » et «parent 2 » dans les formulaires scolaires, une véritable provocation qui ne semble pas heurter la majorité de droite du Sénat, et qui est tellement révélatrice de la place qu’occupe l’idéologie dans nos institutions, y compris, et même surtout, au sein de l’institution scolaire.
Finalement, l’instruction obligatoire à 3 ans représente une nouvelle contrainte pour les familles et les collectivités locales. C’est en réalité un pur gadget pour faire croire que tout change, alors que rien ne change.
Les bases essentielles nécessaires au savoir, qui permet à chaque enfant devenu adulte d’être libre, se dérobent sous nos pieds, créant les conditions d’une société en marche vers toujours plus d’échecs, d’inégalités et de communautarisme exacerbé.
Mme Éliane Assassi. Ben voyons !
Mme Françoise Laborde. Le mot de la fin revient à Mme Assassi !
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
M. Laurent Lafon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi pour une école de la confiance, que nous entamons aujourd’hui, marque l’aboutissement d’un intense travail préparatoire.
Je tiens à remercier dès à présent notre collègue rapporteur, Max Brisson, de la qualité de ses travaux et de l’écoute qu’il a accordée aux propositions des différents commissaires, ainsi que la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly. Je veux d’autant plus les remercier, ainsi d’ailleurs que l’ensemble des membres de la commission, que l’état d’esprit qui a dominé, en dehors de celle-ci, lors de l’étude de ce texte, n’a pas toujours été des plus sereins au cours des dernières semaines ; nous avons tous été saisis ou alertés à propos de telle ou telle disposition du texte qui pouvait inquiéter.
Le déchaînement des passions qu’entraîne bien souvent un projet de loi sur l’éducation nationale a encore une fois eu lieu avec ce texte. Cela montre tant l’attachement des acteurs à l’organisation actuelle que leur extrême sensibilité à toute modification de celle-ci, qui, si elle n’est pas forcément vécue comme satisfaisante, semble tout de même protectrice. Je pense en particulier à l’article 6 quater, introduit dans le texte à l’Assemblée nationale ; j’y reviendrai dans un instant.
Quoi qu’il en soit, le projet de loi pour une école de la confiance propose de réformer plusieurs éléments de notre système scolaire ; cela dit, la portée limitée des modifications envisagées ne justifiait sans doute pas l’ampleur des réactions suscitées. En effet, le texte que nous examinons aujourd’hui semble être davantage une juxtaposition de mesures dont la cohérence n’apparaît pas avec une grande évidence.
Il trouve son origine dans la volonté du Gouvernement de généraliser l’instruction des enfants dès l’âge de 3 ans. Si cette mesure ne concerne, en métropole, que quelques milliers d’enfants, elle est cependant motivée par un objectif, que nous partageons, d’égalité scolaire et sociale, et de détection précoce des maladies ou situations de handicap.
La question, impliquée par cette disposition, du financement des communes semblant avoir été mal évaluée, ou en tout cas mal prise en compte, par le Gouvernement, notre commission, sur la proposition de son rapporteur, a apporté une réponse à cet enjeu crucial pour les collectivités. Cette réponse sera, je le crois, de nature à nous satisfaire tous.
Le texte institue par ailleurs un conseil d’évaluation de l’école, qui remplace l’actuel Conseil national d’évaluation du système scolaire, le Cnesco. Des craintes ont pu être exprimées quant à une mainmise plus importante du ministère sur ce nouvel organisme, ce à quoi notre commission a, là encore, apporté une réponse qui saura, je l’espère, satisfaire chacun de nous.
Toutefois, mon groupe et moi-même signalons ceci : le Cnesco ayant été mis en place seulement en 2013, nous ne pensons pas disposer du recul nécessaire sur son fonctionnement pour justifier une transformation si radicale.
Au-delà de ces problématiques purement scolaires, le texte contient une série de dispositions appelant, notamment, à une meilleure prise en compte du handicap dans l’école et autour d’elle, à une revalorisation du statut des accompagnants, ainsi qu’à des mesures de sensibilisation destinées aux élèves. Nous nous réjouissons bien entendu que soit ainsi valorisée l’école inclusive, enjeu essentiel sur lequel notre groupe s’est beaucoup investi, à différentes reprises.
À ce sujet, le texte prévoit notamment la création des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les PIAL. Ce dispositif vise à coordonner, au sein des établissements scolaires, les moyens humains dédiés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap. Une certaine inquiétude demeure néanmoins à ce sujet au sein de la communauté médico-éducative, inquiétude qui pourra, je l’espère, être levée par nos travaux.
J’en viens à la disposition la plus débattue de ce projet de loi : la mise en place des établissements publics des savoirs fondamentaux, prévue à l’article 6 quater, dans le cadre des travaux engagés, depuis plusieurs années, autour du concept d’école du socle.
Les auteurs du texte concevaient cette disposition comme une réponse, parmi d’autres, à la problématique du déclin démographique qui frappe de plein fouet certaines zones du territoire. Cela dit, la maladresse avec laquelle ce dispositif a été introduit, les craintes légitimes qu’il a pu susciter et l’absence d’étude d’impact ont justifié sa suppression par notre commission, à l’unanimité de ses membres.
Il semble en effet regrettable que ce dispositif ait été introduit dans un contexte très sensible, celui des fermetures, souvent agressives et mal comprises, de classes et d’écoles, subies au cours des dernières années par les collectivités locales, dont le dialogue avec l’État et ses représentants n’a pas forcément été facile. Le rapport Politiques éducatives et territoires de Pierre Mathiot et Ariane Azéma, devait être présenté en juin ; il aurait pu calmer les tensions et nourrir la réflexion sur ce sujet, mais la manière dont a été inséré cet article n’a fait qu’aviver les craintes et les crispations.
Cette disposition ne peut que nourrir les regrets concernant le calendrier selon lequel ce projet de loi est arrivé devant la Haute Assemblée, à savoir avant que le rapport de M. Mathiot et Mme Azéma et celui que mon collègue Jean-Yves Roux et moi-même rédigeons, au nom de notre commission, aient pu poser le problème dans sa globalité. C’est bien par manque de méthode et de pédagogie que cet article a failli ; la confiance ne s’impose pas, elle se construit, notamment par le dialogue et la pédagogie.
Les suites qui seront réservées à ce projet de loi constituent également une source d’interrogations ; j’espère que les débats que nous aurons dans les heures et les jours qui viennent permettront d’y répondre. En effet, certaines mesures se télescopent avec des annonces du Président de la République faites après le dépôt du projet de loi et qui, bien entendu, en modifient certains aspects.
Je tiens à le souligner, le groupe des sénateurs centristes entend néanmoins proposer une réponse aux craintes concernant des fermetures de classe.
Enfin, le texte prévoit le recours à l’expérimentation pour les établissements, dans un cadre défini et contrôlé. Ce droit à l’expérimentation nous semble nécessaire pour permettre à l’éducation d’évoluer et de s’adapter aux nouveaux besoins pédagogiques et territoriaux ; il pourrait toutefois être plus ambitieux et concerner des champs plus larges, notamment sur le plan administratif.
C’est en effet une conviction que nous portons : dans le domaine de l’éducation nationale, où la moindre évolution peut provoquer des réactions parfois irrationnelles, la solution passe sans doute par un surcroît d’initiatives des acteurs locaux – élus, personnel de l’éducation, parents –, pour répondre aux besoins des territoires en matière éducative. Le projet de loi pourrait aller plus loin en la matière ; tel est le sens d’amendements que nous défendrons.
Si le texte pouvait redonner confiance aux acteurs locaux pour prendre des initiatives, alors, dans ce cas, le nom donné au projet de loi prendrait certainement davantage de sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
6
Élection de juges à la cour de justice de la République
M. le président. Mes chers collègues, voici le résultat du scrutin pour l’élection d’un juge titulaire et d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République :
Nombre de votants : 271
Suffrages exprimés : 242
Majorité absolue des suffrages exprimés : 122
Bulletins blancs : 27
Bulletins nuls : 2
Ont obtenu :
Mme Catherine Troendlé, titulaire, 242 voix ;
Mme Muriel Jourda, suppléante, 242 voix.
Ces candidates ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, elles sont proclamées juges à la Cour de justice de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.)
7
Prestation de serment de juges à la cour de justice de la République
M. le président. Mme le juge titulaire et Mme le juge suppléant à la Cour de justice de la République vont être appelées à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l’article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.
Je prie Mme le juge titulaire et Mme le juge suppléant de bien vouloir se lever. (Mme Catherine Troendlé, juge titulaire, et Mme Muriel Jourda, juge suppléant, se lèvent.) Je vais donner lecture de la formule du serment, et je prierai ensuite Mme le juge titulaire, puis Mme le juge suppléant, de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure. »
Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »
(Successivement, Mme Catherine Troendlé, juge titulaire, et Mme Muriel Jourda, juge suppléant, disent, en levant la main droite : « Je le jure. »)
M. le président. Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d’être prêté devant lui. (Applaudissements.)
(M. Jean-Marc Gabouty remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
8
Pour une école de la confiance
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une école de la confiance.
Discussion générale (suite)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école n’est plus ce qu’elle était. Ne voyez pas là de la nostalgie, mais simplement un constat : l’école n’est plus ce qu’elle était, et les parents, les enfants et les enseignants non plus.
Cette évolution, qui s’impose à nous, nous invite à inventer le monde de demain ; vaste entreprise ! Aussi, monsieur le ministre, lorsque vous avez présenté votre vision de l’école de demain – l’école de la confiance, avec des valeurs aussi fortes que la République, l’excellence, la bienveillance et des priorités comme l’enseignement primaire et la lutte contre les inégalités –, nous ne pouvions qu’adhérer.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a donc vocation à s’inscrire parmi les grandes lois républicaines sur l’école qui ont marqué notre temps. En 1882, la loi Ferry instaurait l’âge obligatoire d’instruction à 6 ans ; en 1936, près de cent ans après l’adoption des premières lois sur l’interdiction du travail des enfants, l’école était rendue obligatoire jusqu’à 14 ans ; puis, en 1959, elle le fut jusqu’à 16 ans. En 2019, le Gouvernement souhaite, en même temps, abaisser l’âge obligatoire de la scolarité à 3 ans et proposer une obligation de formation ou d’activité pour les jeunes de 16 à 18 ans.
Vous le savez aussi bien que nous, monsieur le ministre, l’impact de la scolarité obligatoire dès 3 ans restera limité. En effet, 97 % des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés, de façon toutefois inégale selon les milieux. Il s’agit donc simplement de transformer une liberté d’instruction précoce, déjà largement diffusée en France, en obligation légale. Ce qui est présenté comme le fer de lance de l’État contre la reproduction des inégalités sociales et la lutte contre l’échec scolaire ne concernera que 26 000 enfants par classe d’âge, tandis que l’échec scolaire concerne plus de 100 000 élèves par an…
Au grand dam des élus locaux, le projet de loi initial ne prévoyait pas de pleine compensation des charges occasionnées pour les communes, même si cela ne concerne que très peu d’enfants. L’exigence de cette compensation a été introduite dans le texte par la commission de la culture du Sénat, sur l’initiative de notre rapporteur, Max Brisson, dont je salue la qualité du travail.
Nous nous félicitons des aménagements d’assiduité prévus dans le cadre de la première année d’école maternelle, adoptés lors de l’examen du texte en commission.
La France présente une particularité : celle d’une école qui s’administre de façon collégiale, quand le système éducatif est, partout ailleurs, étroitement hiérarchisé. Cette question suscite des débats depuis bien longtemps, depuis l’apparition des établissements publics de l’enseignement primaire, institués par François Fillon. Depuis lors, les rapports se sont multipliés et la question reste posée…
Notre commission de la culture a introduit une mesure instaurant un lien hiérarchique entre le directeur d’école et les professeurs. En réalité, les directeurs d’école ont besoin d’une évolution pour mieux gérer leur école ; surtout, il serait temps de créer, dans le cadre d’une concertation entre le ministère, l’administration de l’éducation nationale, les syndicats et les élus, un véritable statut de directeur d’école. Cela mériterait un texte à part entière, et non un simple article au milieu d’un texte de loi.
La première finalité de l’école est de permettre à chaque élève de trouver un métier, une place dans la société, correspondant dans la mesure du possible à ses aspirations individuelles. Plus d’efforts, plus d’argent investi aujourd’hui dans notre système éducatif, c’est moins de chômage, moins de misère dans le monde de demain. Aussi, nous devons tout mettre en œuvre pour améliorer la qualité de l’enseignement, les conditions de travail des enseignants et favoriser la réussite des élèves.
Après l’acquisition des savoirs fondamentaux, la maîtrise des langues étrangères est un autre cheval de bataille pour la France ; vous l’avez souligné, monsieur le ministre. La diffusion des établissements publics locaux internationaux est un levier intéressant pour renforcer l’ouverture de notre système éducatif à l’international.
La deuxième finalité de l’école est de forger chez chacun un certain sens de la citoyenneté, en proposant un terreau de valeurs, celles qu’incarne la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais aussi de développer le sens critique, pour que chacun puisse exercer ses devoirs au sein de la société en toute indépendance d’esprit, sans tomber dans le piège de la désinformation, qui sclérose notre démocratie.
Enfin, il nous appartient, au travers du réseau d’écoles, de collèges et de lycées qui maille notre territoire, de sensibiliser les élèves dès le plus jeune âge aux grands défis du XXIe siècle : la préservation de l’environnement et la protection du modèle démocratique. Tel est le sens de certains des amendements que notre groupe défendra.
Monsieur le ministre, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne croit pas à un grand soir de l’éducation qui bouleverserait en totalité le système, et qui risquerait de casser ce qui marche sans remédier à tous ses défauts. Ce que nous souhaitons, c’est faire évoluer les résultats de notre système éducatif ; John Fitzgerald Kennedy l’a bien dit, « Nos progrès en tant que nation dépendront de nos progrès en matière d’éducation. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant de commencer mon propos, permettez-moi d’adresser un message de soutien et de solidarité aux familles et à la communauté éducative du collège Gran Man Difou de Maripasoula en Guyane, endeuillées par le suicide d’une jeune aide-documentaliste.
Ce drame nous rappelle douloureusement le phénomène insupportable des suicides, qui touche depuis trop longtemps nos concitoyens amérindiens et contre lequel l’école a sans nul doute un rôle fondamental à jouer.
Nous sommes réunis aujourd’hui pour aborder l’examen d’un texte important pour la République. Le projet de loi pour une école de la confiance est en effet un marqueur de la politique engagée par le Gouvernement en faveur d’une « élévation du niveau général des élèves » et d’une école plus juste. Dégradation des performances et des acquis, décrochage scolaire et inégalités : notre école doit relever de nombreux défis. Ce texte ne saurait, à lui seul, y répondre, parce que tout ne relève pas de la loi, mais aussi parce qu’il s’inscrit avec cohérence dans une politique bien plus ambitieuse.
Il est vrai que, depuis son adoption à l’Assemblée nationale, de vives inquiétudes ont été exprimées, parfois en raison d’imprécisions réelles, le plus souvent à cause de rumeurs et de contre-vérités, qui touchent les fondements mêmes de la démocratie.
Monsieur le ministre, vous avez engagé un dialogue essentiel avec les principaux acteurs et rassuré quant à votre volonté d’améliorer ce projet de loi, afin, vous l’avez souvent répété, qu’il soit mieux compris par chacun. Le dialogue va se poursuivre dans cet hémicycle ; en tout cas, je l’espère. Cela nous permettra d’apporter les clarifications nécessaires et de faire la lumière sur les véritables mesures proposées.
« Incohérent », « symbolique », voire « inutile » ; beaucoup de choses ont été reprochées à ce texte, en oubliant parfois sa portée éminemment sociale.
Social, ce texte l’est tout d’abord en ce qu’il abaisse à 3 ans de l’âge de l’instruction obligatoire. Lorsque l’on connaît l’importance des premières années de l’enfant dans sa capacité d’apprentissage, mais aussi dans la construction des inégalités et du décrochage scolaires, on réalise qu’il s’agit, quoi qu’on en dise, d’une avancée sociale importante.
Il est vrai que, avec 98 % d’enfants de 3 ans déjà scolarisés, cette mesure accompagne un mouvement déjà imprimé par la société ; mais il est aussi vrai que, derrière les 2 % restants, se cachent d’immenses inégalités sociales et territoriales. Ce simple état de fait devrait convaincre chacun d’entre nous de la nécessité de légiférer, pour faire en sorte que la promesse républicaine soit tenue pour tous les Français.
Dans le détail, ce sont plus de 25 000 enfants supplémentaires qui rejoindront les bancs de la maternelle à la rentrée prochaine, soit respectivement 3 400 et 3 800 en Guyane et à Mayotte. Là encore, nous le voyons, cette mesure, loin d’être symbolique, constituera un défi colossal pour ces deux territoires. Je préfère le dire, malgré l’engagement réel de l’État, les communes guyanaises et mahoraises ne seront pas en mesure d’accueillir, faute de places, tous les enfants en septembre prochain. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Les expériences de double vacation sont une première réponse, mais ce n’est pas suffisant. À titre d’exemple, il faudrait construire une nouvelle école tous les neuf mois dans une ville comme Saint-Laurent-du-Maroni pour répondre à la pression démographique. Il nous faut donc donner plus de souplesse aux élus dans la construction d’infrastructures. Notre rapporteur l’a bien compris, et je tiens à l’en remercier.
Social, ce texte l’est encore lorsqu’il propose d’instaurer une obligation de formation pour tous les jeunes de 16 à 18 ans, l’objectif étant que, à l’horizon de 2020, aucun jeune ne soit dépourvu d’un emploi ou d’une formation.
Social, il l’est aussi dans la mesure où il renforce, avec le prérecrutement, l’attractivité du métier de professeur, pour en faire ce qu’il a toujours été : une voie de promotion sociale.
Social, ce projet de loi l’est enfin, en ce qu’il renforce l’école inclusive. Nous le savons, c’est une révolution que nous devons engager. Je pense aux accompagnants d’élèves en situation de handicap, qui doivent être considérés comme de véritables membres du personnel de l’éducation nationale. Je pense également aux pôles inclusifs d’accompagnement localisés, qui permettront d’avoir une approche au plus près des élèves, y compris par le biais du personnel médico-social.
Enfin, dans le prolongement de ces mesures, le projet de loi instaure de nouveaux outils pour les territoires. C’est le cas avec la création d’un rectorat de plein exercice à Mayotte et la réforme des instances locales de dialogue. C’est aussi le cas avec la création d’établissements publics locaux d’enseignement international, les EPLEI, et d’établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux, les EPLESF, sur lesquels je reviendrai.
Avant l’examen en séance, je veux saluer le travail de notre commission, qui a su, dans un esprit d’ouverture et de compromis, aborder ce projet de loi avec pragmatisme, pour favoriser un débat serein et équilibré. C’est donc dans un esprit résolument constructif que le groupe La République En Marche y prendra part. Ce groupe n’en restera pas moins déterminé à marquer son attachement à certains principes.
Premier principe : l’exemplarité. Notre commission a réécrit l’article 1er en conservant cette notion, qui nous semble essentielle. Toutes les disciplines scolaires ont en elles-mêmes des vertus éducatives, et, dans les yeux d’un enfant, tout adulte est un éducateur potentiel. À cet égard, loin d’être un instrument pour museler les enseignants, cet article rappelle ce qui fonde la relation entre le maître et l’élève.
Deuxième principe : la libre administration des collectivités territoriales. C’est à ce titre que certaines communes avaient fait le choix de participer à la prise en charge partielle des dépenses de fonctionnement des classes maternelles privées, et c’est au nom de ce même principe que nous proposerons de supprimer la pleine compensation versée par l’État à ces communes, ainsi qu’en a décidé notre commission.
Troisième principe : le dialogue social. Notre commission a souhaité avancer sur le statut des directeurs d’école, en plaçant les enseignants sous son autorité. Si nous sommes naturellement favorables à un statut, nous rappelons que ce lien hiérarchique est loin de faire l’unanimité parmi les directeurs eux-mêmes. C’est pourquoi il semble essentiel que ce statut soit le fruit d’un dialogue avec les syndicats.