M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 1er A et du rapport annexé, modifié.
(L’article 1er A et le rapport annexé sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 865 rectifié bis, présenté par Mmes Préville, Tocqueville et Conway-Mouret et MM. Tourenne, P. Joly et Daudigny, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La France se fixe comme objectif de mettre sa politique fiscale touchant aux politiques de transports au service de l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris sur le climat.
À cette fin, le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er janvier 2020 un rapport dressant un état des lieux de l’ensemble des exonérations fiscales dont bénéficie le secteur des transports, tous modes confondus, et propose des perspectives de suppression progressive des exonérations fiscales contrevenant aux objectifs climatiques de la France.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Une actualité brûlante, aussi bien sociale que climatique, les manifestations de nos jeunes les vendredis, l’Affaire du siècle, qui a ressemblé plus de deux millions de signataires : tout cela nous appelle à nos responsabilités.
Nous avons signé les accords de Paris, et nous en sommes fiers. Il est donc temps d’agir et de mettre en cohérence nos politiques et nos engagements internationaux. Ce n’est pas facile, cela bouscule nos habitudes : c’est justement ce que nous devons faire, car nous sommes attendus. On attend en effet des politiques une véritable révolution. La politique de lutte contre le changement climatique doit devenir une priorité, car les rejets de gaz à effet de serre continuent à augmenter, de 2 % en 2018.
On le sait fort bien, tout cela est dû à l’activité humaine. Pour rappel, permettez-moi de citer le dernier rapport du GIEC : « Limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels est une tâche herculéenne, impliquant des changements rapides et spectaculaires dans le mode de fonctionnement des États, des industries et des sociétés. »
C’est maintenant qu’il faut agir, parce que l’avenir se décide maintenant. Il s’agit de s’engager tout de suite et concrètement, en inscrivant dans la loi, de façon symbolique, ces engagements.
Le présent amendement vise ainsi à mettre en cohérence la politique fiscale de la France avec ses objectifs climatiques et à dégager des pistes possibles de nouvelles recettes pour financer le report modal, de modes de transport fortement émetteurs, notamment les modes routier et aérien, vers des modes moins émetteurs, comme les modes ferroviaire et fluvial. Il s’agit d’évaluer les impacts financier et environnemental de mesures fiscales.
Il conviendrait aussi d’étudier et de proposer des solutions d’accompagnement pour soutenir les secteurs en difficulté et les aider à réaliser leur transition écologique.
Par cet amendement, nous proposons de dresser un état des lieux de l’ensemble des exonérations fiscales dont bénéficie le secteur des transports, tous modes confondus, et de dessiner les perspectives d’une suppression progressive des exonérations fiscales contrevenant aux objectifs climatiques de la France. Nous devons regarder la réalité en face, pour prévoir l’avenir en responsabilité.
M. le président. L’amendement n° 108, présenté par Mme Assassi, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er janvier 2020, un rapport dressant un état des lieux de l’ensemble des exonérations fiscales dont bénéficie le secteur des transports, tous modes confondus, et proposant des perspectives de suppression progressive des exonérations fiscales contrevenant aux objectifs climatiques de la France.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Dans l’esprit de ce qui vient d’être dit par ma collègue Angèle Préville, il s’agit de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport dressant un état des lieux de l’ensemble des exonérations fiscales dont bénéficie le secteur des transports et proposant des perspectives de suppression des exonérations contrevenant aux objectifs climatiques de la France. Nous avons besoin, au Sénat, d’un tel exercice critique.
Il nous importe de mettre en cohérence la politique fiscale de la France avec ses objectifs climatiques et de dégager des pistes possibles de nouvelles recettes pour financer le report modal, c’est-à-dire le transfert de modes de transport fortement émetteurs de gaz à effet de serre – je pense notamment au routier et à l’aérien – vers des modes moins émetteurs, ferroviaire et fluvial.
Il s’agit d’évaluer l’impact financier et environnemental de mesures fiscales qui contreviennent à l’impératif de changement de stratégie de transport porté par ce texte de loi, telles que les exonérations de TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, ou le remboursement accordé aux entreprises de transport de marchandises sur leur consommation professionnelle de gazole.
Ces exonérations contribuent de facto à soutenir un mode de transport fortement émetteur, pollueur et nocif et à entretenir une inégalité fiscale entre automobilistes et routiers.
Il conviendra aussi d’étudier et de proposer des solutions d’accompagnement, pour soutenir de façon vertueuse les secteurs en difficulté, afin de les aider à réaliser leur transition écologique. La suppression des exonérations sur les carburants pourrait par exemple s’accompagner d’une aide à des changements de pratiques dans le domaine de l’agriculture, orientée vers des solutions moins émettrices de polluants et de gaz à effet de serre, ou d’une aide à la conversion vers des motorisations plus vertueuses, gaz, hydrogène – nous avons déjà débattu dans cette enceinte de ces sujets –, pour les transports fluvial, ferroviaire et routier.
En 2017, les exonérations et ristournes fiscales sur la TICPE s’élevaient à 7,6 milliards d’euros. Elles sont en augmentation constante et vont continuer à s’accroître si les trajectoires actuelles ne sont pas remises en cause.
Je sais bien qu’on refuse souvent dans cet hémicycle de demander des rapports.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Didier Mandelli, rapporteur. Et cela va continuer !
M. Pascal Savoldelli. Mes chers collègues, je fais deux suggestions.
À défaut d’un rapport, qu’on nous remette au moins une note…
M. Charles Revet. C’est autre chose !
M. Pascal Savoldelli. … nous permettant de disposer d’une évaluation annuelle. Et, à titre de repli, en cas d’avis défavorable – je ne vois pas pourquoi, néanmoins, cette demande d’évaluation des exonérations fiscales au regard de nos objectifs climatiques recueillerait un avis défavorable –, je demanderai que votre commission, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire, et celle des finances puissent malgré tout se voir chaque année communiquer un état des lieux par le Gouvernement – cette solution me paraît constructive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Je pense ne pas vous surprendre, monsieur Savoldelli.
Il existe déjà, aujourd’hui, de nombreux rapports sur la fiscalité environnementale, qu’ils émanent des ONG ou d’institutions comme l’Ademe, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, ou la Cour des comptes. Je ferai référence à un rapport du Commissariat général au développement durable datant de 2017, qui relevait les dépenses défavorables à l’environnement et traitait de toutes les questions liées à la fiscalité environnementale.
J’invite les intéressés – je ne sais si je dois m’adresser à Mme la ministre ou aux commissions – à compiler et à synthétiser tous ces rapports pour en extraire, comme on dit, la substantifique moelle et ainsi améliorer la lisibilité des enjeux en matière de fiscalité 9environnementale.
Cela dit, les éléments pertinents, de différentes natures, existent déjà. Nous sommes donc défavorables à la rédaction d’un nouveau rapport sur cette question. Il faut simplement trouver la bonne façon de compiler l’existant.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. En effet, s’il s’agit de faire le point sur les exonérations dont peuvent bénéficier certains secteurs – je suppose que cette question est même traitée dans la loi de finances ; vous mentionnez d’ailleurs vous-même les chiffres, monsieur le sénateur –, de nombreux rapports existent d’ores et déjà. Cet amendement est donc satisfait.
Une autre question, sous-jacente, est en jeu : celle de la fiscalité écologique. Ce sujet est au cœur du grand débat. Beaucoup d’arguments plaident pour la mise en place d’une fiscalité écologique ; nous avons pu mesurer, néanmoins, que c’était moins simple qu’on pourrait le penser et supposait d’être débattu, certains estimant que nous allons trop vite, d’autres, au contraire, que nous n’en faisons pas assez.
Ce qu’on peut retenir, en tout cas, c’est qu’une fiscalité écologique nécessite un accompagnement – tel est le sens des réflexions qui doivent se poursuivre dans les prochaines semaines et dans les prochains mois.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Il y a là, quand même, une vraie question ! Il ne s’agit pas juste de savoir s’il faut ou non un rapport de plus, et si les éléments sont ou non à notre disposition.
Nous n’avons pas le document de synthèse décrivant la stratégie de l’État en matière de fiscalité des transports. C’est ce document-là dont nous avons besoin. Sa rédaction est un acte éminemment politique, dont la responsabilité revient au Gouvernement.
Aujourd’hui, on voit bien que notre fiscalité des transports n’est pas cohérente avec nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ce sujet n’est évidemment pas épuisé par les débats sur la TICPE ou sur la contribution climat-énergie. Le bonus-malus, ainsi, pose question : il ne permet pas de limiter la montée en puissance des SUV, dont les émissions de CO2 font exploser le bilan de la France.
Nous avons donc besoin d’une remise à plat nous permettant de connaître la stratégie globale du Gouvernement pour que nos émissions liées aux transports rentrent dans les clous de l’accord de Paris.
Je ne sais si cette remise à plat doit prendre la forme d’un rapport – « rapport » est le mot magique, au Sénat, qui justifie un vote défavorable. Entendez néanmoins, au travers de ces deux amendements, que nous n’avons aujourd’hui aucune vision de la stratégie élaborée par l’État pour que ses outils fiscaux, pris dans leur totalité, permettent de réduire massivement les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports, émissions qui interdisent à la France de tenir ses engagements.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Il s’agirait, avant toute chose, d’inscrire dans la loi, c’est-à-dire d’écrire, que la France se donne pour objectif de mettre sa politique fiscale concernant le secteur des transports au service de l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris sur le climat.
Par ailleurs, nous ne demandons pas seulement un rapport : il s’agit, comme l’a dit mon collègue Ronan Dantec, de proposer des perspectives de suppression progressive des exonérations fiscales et d’assortir ces perspectives d’un calendrier, nous donnant, sur ces sujets, la visibilité dont nous avons besoin.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 865 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Nous hésitons : allons-nous maintenir ou retirer l’amendement n° 108 ? Notre décision dépendra de la réponse donnée à l’appel que j’ai lancé.
J’entends ce que vous dites, monsieur le rapporteur : tous les éléments sont disponibles, il suffit de les compiler. Moi qui suis sénateur depuis 2017, je tire mon chapeau à l’administration du Sénat, en commission des finances comme en délégation aux collectivités territoriales, pour le travail qu’elle accomplit – nous avons toujours les éléments dont nous avons besoin.
Mais la question n’est pas seulement posée aux sénatrices, aux sénateurs et à l’administration du Sénat. Elle est posée à l’État, et pas du tout de manière polémique.
Des objectifs sont fixés : la France prend des engagements climatiques. Nous demandons tout simplement, via ces deux amendements qui, sans être tout à fait identiques, sont néanmoins de la même veine, qu’un état des lieux des exonérations fiscales nous soit remis chaque année. Nous proposons d’inscrire cette demande dans le projet de loi par le biais d’un article additionnel.
On peut bien nous rétorquer que cette façon de procéder est trop lourde, qu’un rapport est inutile ; mais qu’on nous dise, au moins, que cette question sera traitée par les deux commissions compétentes du Sénat, à l’aide de documents transmis par le Gouvernement.
Franchement, je ne vois pas où est le problème.
Nous maintenons donc cet amendement, sauf si l’engagement que je viens d’évoquer est pris – le cas échéant, nous le retirerions.
M. le président. L’amendement n° 391 rectifié ter, présenté par Mme Berthet, M. Buffet, Mmes Deromedi, M. Mercier, Noël et Morhet-Richaud et MM. Bonne, B. Fournier, Forissier, Charon, Laménie, Le Gleut et Rapin, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’état d’avancement du projet d’aménagement des voies d’accès de l’axe ferroviaire de liaison européenne Lyon-Turin entre Lyon et la section transfrontalière du tunnel. Ce rapport devra comprendre le phasage des travaux et leur financement précisément définis, dans la perspective de la mise en service de ce tunnel prévue en 2030.
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Revoilà le sujet de la liaison Lyon-Turin, puisque vient en discussion l’amendement dont nous parlions il y a quel9ques instants.
Il s’agit bien sûr, madame la ministre, d’un amendement de repli. Mes collègues des Alpes du Nord, ceux du Lyonnais et moi-même souhaitons que l’itinéraire du Bas-Dauphiné soit retenu. Ce tracé nous paraît cohérent et moins coûteux – nous vous l’avons dit et redit. Il serait en outre compatible avec la demande de mon collègue Bruno Gilles concernant l’accès au port de Marseille-Fos.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. J’ai fait référence à plusieurs reprises à cet amendement, sur lequel j’avais prévu d’émettre un avis favorable, compte tenu des demandes de retrait ou avis défavorables exprimés sur les précédents.
Il me paraît néanmoins compliqué de tenir cette position, ma chère collègue, et de répondre favorablement à votre demande de rapport, sachant que nous avons adopté l’amendement de Michel Savin – nous n’allons pas y revenir.
Sous le contrôle du président de la commission, je vous prie donc de bien vouloir retirer cet amendement, l’objectif visé étant satisfait. À défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Madame la ministre, vous allez me trouver un peu redondante, mais, dès que je vois écrit quelque part « contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise », je ne peux m’empêcher de réagir. Je me sens un peu seule, dans cet hémicycle, pour défendre le département de l’Ain ; je constate que chacun, ici, défend son territoire – c’est bien normal. Mais vous comprendrez que je ne puisse laisser passer le transfert des nuisances sur une partie de mon territoire.
Je veux apporter à votre réflexion, madame la ministre, un nouvel argument motivant la demande que je vous adresse de retravailler sur le tracé de ce CFAL : trois usines classées Seveso sont installées sur ce tracé – ce nouveau paramètre doit quand même être étudié de près.
Je vous invite bien volontiers à venir discuter du meilleur tracé avec les élus locaux de la Côtière. Nous ne disons pas, en effet, qu’il ne faut pas de contournement du tout ; nous disons qu’il existe un meilleur tracé que celui que vous proposez. Ce tracé alternatif provoquerait moins de nuisances pour la population, poserait moins de problèmes eu égard aux usines Seveso et, qui plus est, alimenterait le parc industriel de la plaine de l’Ain, le PIPA, qui deviendrait un pôle plus structurant.
Vous comprendrez donc que, pour ma part, je sois arc-boutée contre ce CFAL dans son tracé actuel.
M. le président. Madame Berthet, l’amendement n° 391 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Martine Berthet. Non, au regard de l’adoption l’amendement de M. Savin, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 391 rectifié ter est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 246 rectifié ter, présenté par MM. Canevet, Delahaye, Cadic, Vanlerenberghe et Le Nay, Mme N. Goulet, MM. Laugier et Luche, Mme Doineau, M. Moga, Mmes C. Fournier et Tetuanui et M. Louault, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L.9 1512-19 du code des transports est abrogé.
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, rassurez-vous : cet amendement ne vise pas à solliciter un rapport de plus. Je suis au contraire favorable à une simplification maximale.
On l’a vu, depuis hier : nous débattons largement, dans cet hémicycle, de nos préoccupations territoriales, ce qui me semble légitime.
Il me paraît légitime, en effet, que le Parlement s’implique dans la détermination des enjeux d’aménagement du territoire, c’est-à-dire dans les projets structurants pour le développement de la France, au lieu de déléguer cette mission à diverses agences ou institutions. En la matière, le Parlement doit prendre toute sa place.
Je poursuis également un objectif de simplification, rejoignant d’ailleurs, sur ce point, certaines déclarations du Premier ministre, qui souhaite à la fois réaliser des économies et simplifier la vie dans notre pays, en particulier en supprimant un certain nombre d’instances dont on peut considérer qu’elles n’ont pas de véritable utilité.
En l’occurrence, l’amendement que je présente avec quelques-uns de mes collègues vise tout simplement à supprimer l’Afitf, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Pourquoi envisager cette suppression ? Parce que je considère que cette agence participe d’un démembrement de l’État. C’est le Gouvernement qui décide à la fois des orientations, des projets à financer et des moyens à affecter. La simplification voudrait donc que l’on dispose, sur le budget du ministère des transports, d’une ligne dédiée au financement des infrastructures, ce qui permettrait en outre une clarification. Ainsi serait-il fait droit à la préoccupation exprimée précédemment par Pascal Savoldelli : le budget contiendrait des éléments extrêmement clairs sur les moyens alloués au financement de nos infrastructures.
Je rappelle aussi que la Cour des comptes a, par le biais d’un rapport, émis beaucoup de doutes sur l’utilité et la pertinence d’une telle agence, considérant qu’il y allait tout simplement d’une débudgétisation de moyens qui, en toute logique, relèvent de l’État, au titre de la solidarité territoriale.
Il s’agit donc de supprimer l’Afitf.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 495 rectifié bis est présenté par M. Dantec, Mme Laborde, MM. Léonhardt, Arnell et Corbisez, Mme Guillotin, MM. Collin, Labbé et Castelli, Mme N. Delattre et MM. Gabouty, Menonville et Requier.
L’amendement n° 866 rectifié ter est présenté par Mmes Préville, Tocqueville et Conway-Mouret et MM. Tourenne, P. Joly et Daudigny.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 10 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, il est inséré un article 10-… ainsi rédigé :
« Art. 10-…. - Les associations de protection de l’environnement représentatives au titre de l’article L. 141-3 du code de l’environnement sont représentées au conseil d’administration de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. »
La parole est à M. Ronan Dantec, pour présenter l’amendement n° 495 rectifié bis.
M. Ronan Dantec. Le destin de cet amendement est lié au sort qui sera réservé à celui qui vient d’être présenté : si nous supprimons l’Afitf, il n’est plus nécessaire de discuter de sa composition.
Aujourd’hui, les associations de protection de l’environnement ne participent pas au conseil d’administration de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, et c’est probablement un manque. Je prendrai le contre-pied de mon collègue Canevet : l’Afitf est le lieu de création du consensus et des priorités. Or, au titre de ces priorités – cela a été dit auparavant à l’occasion de la présentation d’autres amendements –, doivent figurer des questions comme celles de l’impact des infrastructures sur le climat, la biodiversité ou la consommation des terres.
Si l’on considère que l’Afitf est vraiment le lieu de création du consensus, ce que je pense – nous avons besoin de ce type de lieux, y compris pour rendre acceptable un certain nombre d’infrastructures –, alors il faut que les associations y siègent, en amont ; à défaut, on se retrouve, en aval, avec des oppositions et des discussions.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 866 rectifié ter.
Mme Angèle Préville. Cet amendement, qui vient d’être défendu par mon collègue Dantec, vise à ouvrir la gouvernance de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France aux associations de protection de l’environnement.
Depuis 2009 et la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, la politique des transports est censée contribuer au développement durable et au respect des engagements nationaux et internationaux de la France en matière d’émission de gaz à effet de serre et d’autres polluants, tout en limitant la consommation des espaces agricoles et naturels.
Nous nous devons d’être volontaristes pour protéger l’environnement et conserver la biodiversité. Les politiques de transport sont liées aux enjeux de la protection de l’environnement et de la lutte contre le dérèglement climatique. En 2018, les émissions de dioxyde de carbone, de CO2, donc, ont augmenté de 2 % et nous sommes très loin des objectifs fixés par l’accord de Paris.
Si l’Afitf coordonne le financement des grands projets d’infrastructures de transport sous la tutelle du ministère de l’écologie, il nous semble pertinent, dans une logique d’urgence climatique, de conformer nos actions aux préconisations des associations de protection de l’environnement, qui sont hautement compétentes et expertes sur ces thématiques. Les associer, c’est être responsable. Leurs avis seront précieux en vue de construire des solutions solides, robustes, et des projets plus conformes à nos engagements, parce que construits sur la base d’un consensus plus large.
Il s’agit également, en amont, au niveau de la prise de décision, d’anticiper d’éventuels conflits ou contentieux, dans une logique de démocratie participative et par cohérence avec les objectifs auxquels nous avons souscrit.
Aussi ces associations doivent-elles être reconnues comme des membres de droit des instances de gouvernance des autorités ayant pour mission la mise en œuvre des politiques de transport de notre pays.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Didier Mandelli, rapporteur. Pour ce qui concerne l’amendement de mon collègue Michel Canevet, j’entends bien les critiques que l’on peut adresser à l’Afitf, notamment celles qui avaient été formulées par la Cour des comptes dans son rapport de 2016. En particulier, l’Afitf – c’est connu – a des difficultés à prévoir un budget assis sur des ressources stables. La responsabilité n’en incombe pas forcément, à mon sens, à l’Agence elle-même, mais plutôt à l’État et au Gouvernement, qui, au gré des promesses, ont pu interférer avec son travail, substituant des projets à ceux qui étaient prévus. Pour l’Afitf, ces revirements sont compliqués à prévoir et à gérer.
Dans le cadre de ce projet de loi, nous avons précisément tenté de remédier à ces difficultés, à la fois en garantissant des ressources stables et sécurisées à l’Afitf et en lui donnant les moyens d’assurer la programmation définie. Pour cette raison, j’ai défendu depuis le début de l’examen de ce texte, au nom de la commission, la position suivante : il ne nous appartient pas d’ajouter aux projets prévus des programmes que nous ne pourrions pas financer et de dire à l’Afitf de se débrouiller avec le COI pour que les choses se fassent, à un moment ou à un autre, dans dix, vingt ou trente ans, malgré l’absence de financement.
Pour éviter ce genre de situation, nous avons sanctuarisé les ressources de l’Afitf, dont le fonctionnement est aujourd’hui un peu plus vertueux et cohérent qu’il a pu l’être dans le passé. J’y vois l’effet de la nomination à la présidence de l’Agence d’un sénateur, notre ancien collègue Christophe Béchu. Plus sérieusement, ses missions, comme la programmation, sont désormais claires. L’Afitf est le bras armé du Gouvernement pour mettre en œuvre les projets qui auront été décidés dans le cadre du COI, avec une programmation à respecter et des financements afférents.
Au moment où nous mettons tout en place, dans le cadre du présent projet de loi, il ne me paraît pas opportun de supprimer l’Afitf. Le cas échéant, comment ferions-nous ?
Je vous rappelle qu’un député et un sénateur siègent au conseil d’administration de l’Agence ; le Parlement y est donc présent – je reviendrai dans un instant sur les deux autres amendements en discussion commune, qui visent à modifier la composition de cette instance. J’ai la chance d’avoir été désigné par le président du Sénat pour y siéger, et j’ai participé il y a quelques semaines à mon premier conseil d’administration. Je peux vous garantir que le budget tel que nous l’avons étudié et validé est tout à fait sincère et correspond aux projets prévus au titre de l’année en cours.
La commission demande donc le retrait de l’amendement n° 246 rectifié ter ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
S’agissant des deux amendements suivants, le conseil d’administration de l’Afitf comprend douze membres, dont des représentants de l’État – je n’entre pas dans les détails –, un député, un sénateur, trois élus locaux – c’est important : on a parlé d’association des régions, entre autres, aux projets – et une personnalité qualifiée.
Cet établissement placé sous la tutelle du ministre des transports a vocation à concourir au financement de projets d’intérêt national et de création de transports collectifs. Il ne s’agit pas d’un lieu de concertation ; cette agence exerce une mission opérationnelle qui lui est confiée par l’État. Et nous avons la chance d’y avoir des représentants. Faut-il ouvrir ou non sa gouvernance ? Je n’y suis pas favorable.
Je résume : pas de suppression, pas d’extension.