M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, auteur de la question n° 480, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.

M. Fabien Gay. La ligne 12 du métro parisien doit être prolongée jusqu’à Aubervilliers, où deux nouvelles stations sont prévues : Aimé Césaire et Mairie d’Aubervilliers-Jack Ralite.

Le premier coup de pioche a été donné en 2012, pour une livraison attendue en 2017. Elle a été reportée à 2018, puis à 2019, et elle est maintenant annoncée pour 2021, « hors aléas significatifs supplémentaires »…

Il se trouve que ce chantier a déjà connu beaucoup d’aléas, à l’origine d’un véritable enfer pour les habitantes et habitants d’Aubervilliers, mais aussi les commerçants et les élus, qui voient leur centre-ville défiguré par tant de travaux ! Je salue d’ailleurs la présence dans nos tribunes d’une délégation conduite par Meriem Derkaoui, maire d’Aubervilliers.

Aubervilliers est la seule ville de la proche banlieue parisienne à ne pas avoir de station de métro en centre-ville. Ses habitants le vivent comme une marque de mépris insupportable ! Madame la secrétaire d’État, en Seine-Saint-Denis, nous devons toujours nous mettre en colère pour faire respecter nos droits. C’est fatigant, mais nous sommes toujours debout et combatifs.

Aujourd’hui, nous ne nous contenterons plus d’une réponse technique ou technocratique : nous voulons des actes. Nous voulons la réalisation d’un audit indépendant sur la date des travaux, des mesures compensatoires pour ces retards, la gratuité de la navette 512 pour la durée des travaux, une date définitive pour l’ouverture de ces deux gares !

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Fabien Gay, Mme la ministre chargée des transports ne pouvait malheureusement être présente au Sénat aujourd’hui, mais je sais que vous avez eu à plusieurs reprises l’occasion d’échanger sur ce sujet avec elle et avec son cabinet.

M. Fabien Gay. On va continuer !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Initialement envisagée fin 2017, la mise en service des deux nouvelles stations de métro que vous avez évoquées a en effet été reportée à la fin de 2019, afin de tenir notamment compte des délais pris par les concessionnaires pour les dévoiements de réseaux.

Effectués en souterrain dans un milieu urbain dense, les travaux ont nécessité de congeler les sols pour sécuriser le terrain et creuser les enceintes des stations. Si la méthode de congélation par saumure a fonctionné pour la station Aimé Césaire, elle s’est avérée insatisfaisante pour la station Mairie d’Aubervilliers, en raison de la présence d’une circulation d’eau souterraine qu’il était difficile d’identifier avant ces travaux. Les travaux de terrassement ont donc été temporairement suspendus jusqu’à ce qu’une alternative soit trouvée, la congélation utilisant de l’azote liquide.

De telles difficultés techniques, inhérentes aux travaux souterrains, ont malheureusement des conséquences importantes sur les délais. La RATP a procédé, en lien avec les entreprises, à l’actualisation du calendrier : le 21 septembre dernier, elle a ainsi annoncé une mise en service en décembre 2021, soit avec près de deux ans de retard.

M. Fabien Gay. Cinq ans !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. Je sais l’impact que ces retards peuvent avoir sur le quotidien des riverains, monsieur le sénateur. Je peux vous assurer que le Gouvernement et la RATP restent particulièrement attentifs à la bonne poursuite du chantier. C’est une priorité pour le Gouvernement.

Par ailleurs, la ministre des transports fait confiance à l’autorité organisatrice, Île-de-France Mobilités, pour étudier et mettre en œuvre toutes les mesures destinées à pallier ce retard.

Enfin, au-delà de ce projet, l’État est très attentif au développement des transports en Seine-Saint-Denis et y contribue fortement au travers du contrat de plan État-région.

Plusieurs projets récents ou en cours intéressent les habitants d’Aubervilliers : je pense notamment à la modernisation de la ligne B du RER,…

M. Fabien Gay. Ne me parlez pas de cela, s’il vous plaît !

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat. … au prolongement du RER E ou encore à la future ligne 15 Est du Grand Paris Express.

Monsieur le sénateur, nous entendons vos inquiétudes et celles des habitants du territoire que vous représentez. Sachez que la ministre des transports et son cabinet se tiennent à votre disposition pour échanger avec vous et trouver des solutions concrètes, même si, vous le savez, la situation n’est pas de notre fait. Les travaux à réaliser sont particulièrement complexes.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique. Vous avez trente-quatre secondes, mon cher collègue.

M. Fabien Gay. Merci, madame la secrétaire d’État, de votre réponse. J’espère que vous pourrez appuyer notre demande que Mme la ministre chargée des transports reçoivent une délégation.

Le pass Navigo coûte le même prix, 75,20 euros, que l’on habite à Aubervilliers, au Blanc-Mesnil, comme moi, ou à Paris ! Les habitantes et habitants de la Seine-Saint-Denis ont droit à l’égalité républicaine, en l’occurrence d’avoir accès aux transports. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas pour les habitants d’Aubervilliers !

Vous avez évoqué la ligne B du RER. Mme Assassi et moi la prenons tous les jours. Nous pouvons témoigner que c’est aussi une catastrophe ! À cela s’ajoute l’annonce de nouveaux retards pour le Grand Paris Express, qui doit désenclaver Clichy-sous-Bois et Montfermeil.

Nous avons l’impression de toujours devoir nous mettre en colère pour faire respecter nos droits ! Pourtant, nous ne voulons pas plus que les Parisiens, nous voulons le même accès aux transports avec le même pass, que nous payons au même prix. Voilà ce que nous voulons !

Mme Éliane Assassi. Très bien !

suppression du taux réduit sur le gazole non routier et professionnels des travaux publics

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, auteur de la question n° 539, transmise à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. La décision du Gouvernement de supprimer le taux réduit de TICPE pour le gazole non routier, le GNR, aura des conséquences majeures pour les professionnels des travaux publics.

Sur les 900 millions à 1 milliard d’euros de recettes attendus par le Gouvernement, la mise en œuvre de cette disposition entraînera une hausse d’impôts de 700 millions d’euros pour la seule filière du bâtiment et des travaux publics !

À titre d’exemple, les 122 entreprises de travaux publics des trois départements de la Haute-Vienne, de la Creuse et de la Corrèze verront, de fait, leurs marges baisser de l’ordre de 40 % à 60 %, selon la spécificité de l’entreprise.

Les conséquences seront extrêmement lourdes et nombre d’entreprises risquent de ne pas y survivre. Il est à craindre une casse sociale en termes de rémunérations des salariés, soit près de 3 000 personnes pour les trois départements que j’ai cités, voire des licenciements. Par ailleurs, l’effort de formation sera amoindri, du fait de la réduction des budgets dédiés.

Une application brutale de ce changement fiscal est d’autant plus inacceptable que tous les marchés en cours de réalisation ou signés n’ont évidemment pas intégré cette nouvelle donne financière. En outre, les professionnels n’ont pas de solution alternative en termes d’engins, tous les matériels disponibles sur le marché fonctionnant au gazole !

Dans ce contexte, madame la secrétaire d’État, quelle réponse le Gouvernement entend-il apporter à la légitime inquiétude que m’ont exprimée encore tout récemment ces professionnels ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Brune Poirson, secrétaire dÉtat auprès du ministre dÉtat, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Perol-Dumont, le Gouvernement a souhaité que la fiscalité pour le gazole non routier à destination des entreprises industrielles, des travaux publics et du bâtiment soit la même que celle des particuliers dès 2019. C’est un effort important pour ces entreprises, nous en avons conscience, maïs nous avons relevé la taxation du gazole pour des raisons écologiques : l’objectif est de limiter sa consommation, qui conduit au réchauffement climatique et à la pollution de l’air.

Cette mesure s’inscrit dans le cadre de notre politique écologique, qui a plusieurs objectifs : orienter les investissements et les pratiques vers des solutions moins polluantes ; se substituer à d’autres impôts et taxes sur le travail et les entreprises, d’où la baisse des cotisations salariales et la suppression de la taxe d’habitation ; procurer les moyens de financer les investissements pour la transition écologique ; assurer une redistribution sociale et un accompagnement des acteurs les plus vulnérables, par exemple avec la généralisation du chèque-énergie ou la prime à la conversion des véhicules.

Le Gouvernement, conscient des difficultés d’adaptation et de l’impact fort que peut avoir cette hausse de taxe pour certaines entreprises, a décidé de mettre en place un dispositif de transition. Il a ainsi proposé au Sénat d’assurer que la variation du prix puisse être répercutée dans les contrats en cours – cela répond, madame la sénatrice, à votre question précise –, de permettre la distribution et la consommation de GNR au tarif du gazole pendant les premiers mois de l’année pour fluidifier la logistique du produit, d’exonérer le secteur du transport frigorifique de la hausse de fiscalité pendant un an.

Le Gouvernement étudie également la possibilité de mettre en place des dispositifs de suramortissement pour faciliter les investissements des entreprises de distribution de GNR et le renouvellement des équipements.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour la réplique. Vous disposez d’une minute, ma chère collègue.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la secrétaire d’État, ces professionnels ne sont pas sourds à la question écologique ! Ils sont prêts à prendre leur juste part. Simplement, ils ne peuvent pas faire face aux conséquences d’une mesure appliquée avec tant de brutalité.

Le Gouvernement ne se rend pas compte que ces mesures vont nécessairement conduire les entreprises à répercuter le surcoût induit sur les marchés, notamment sur ceux passés avec les collectivités locales, qui sont de gros donneurs d’ordres. C’est extrêmement inquiétant !

Quid des travaux d’entretien routier, des travaux d’entretien des réseaux d’assainissement, des réseaux d’eau, ô combien importants pour la politique environnementale ? Madame la secrétaire d’État, au-delà des légères avancées proposées, je crois que le Gouvernement, sur cette question comme sur beaucoup d’autres, devrait prendre la peine d’entendre, d’écouter, et revoir fondamentalement sa copie !

M. le président. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre présence ce matin.

Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.

L’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Modifications de l’ordre du jour

Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, le Premier ministre a indiqué au président du Sénat que le Gouvernement fera, en application de l’article 50-1 de la Constitution, une déclaration, suivie d’un débat, portant sur la fiscalité écologique et ses conséquences sur le pouvoir d’achat, jeudi 6 décembre 2018.

Acte est donné de cette demande.

La conférence des présidents, réunie ce jour, a fixé à quatorze heures trente l’heure de cette déclaration. Elle a, en outre, prévu d’ouvrir la séance du jeudi 6 décembre dès neuf heures trente, au lieu de dix heures trente, pour l’examen des missions inscrites à l’ordre du jour et de reprendre leur examen à l’issue du débat sur la déclaration du Gouvernement.

Par ailleurs, le groupe Les Républicains a demandé le retrait de l’ordre du jour du mardi 11 décembre 2018 de la proposition de loi tendant à réprimer les entraves à l’exercice des libertés ainsi qu’à la tenue des événements et à l’exercice d’activités autorisés par la loi.

Acte est donné de cette demande.

4

Article 78 bis (nouveau) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Seconde partie

Loi de finances pour 2019

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
Culture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 146, rapport général n° 147, avis nos 148 à 153).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Culture

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2019
État B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » (et article 74 septies).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances, rapporteur spécial. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le niveau des crédits de la mission « Culture » sera relativement stable en 2019. Le projet de loi de finances prévoit 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,9 milliards d’euros en crédits de paiement, répartis entre les trois programmes de la mission.

J’évoquerai, pour ma part, les crédits du programme « Patrimoines », dont le montant s’inscrit dans la continuité des orientations fixées dans la loi de finances pour 2018.

Les crédits dédiés à l’entretien et à la restauration des monuments historiques, hors grands projets, sont confortés en 2019 ; ils s’élèveront à 297 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 4 millions d’euros par rapport à 2018. Nous avons souligné, dans notre rapport, que le maintien de ce niveau de financement en faveur du patrimoine était, dans un contexte budgétaire contraint, un motif de satisfaction, même si les besoins sont, en la matière, quasi illimités.

L’augmentation des crédits dédiés à la restauration et à l’entretien des monuments historiques est d’abord la conséquence de la mise en œuvre du fonds partenarial et incitatif en faveur des collectivités à faibles ressources financières créé en 2018 afin d’aider ces dernières à entretenir leurs monuments historiques.

Ce fonds est reconduit pour l’année 2019, à un niveau équivalent : 15 millions d’euros en autorisations d’engagement permettront de lancer de nouvelles opérations dans des communes qui comptent, pour la plupart, moins de 2 000 habitants.

Deux grands projets de restauration de monuments historiques expliquent, par ailleurs, la hausse des autorisations d’engagement du programme en 2019 : la rénovation du Grand Palais et celle du château de Villers-Cotterêts.

Concernant la rénovation du Grand Palais, vous avez sans doute pu prendre connaissance récemment, dans la presse, des polémiques sur la maîtrise des coûts et l’opportunité de la réalisation de ce chantier. Nous avons essayé de montrer, dans notre rapport, que, si le montant total est incontestablement élevé, ce projet présente de sérieuses garanties, sans qu’il existe, par ailleurs, de véritable alternative à la rénovation du site telle qu’elle est proposée par la RMN-GP, la Réunion des musées nationaux–Grand Palais. Imagine-t-on une friche culturelle durable au cœur de la capitale ?

Le Grand Palais n’a pas connu depuis sa construction, en 1900, de véritable rénovation d’ampleur, à l’exception des travaux réalisés sur la verrière au début des années 2000. Le projet actuel vise à remettre le bâtiment aux normes techniques, d’importantes surfaces n’étant actuellement pas ouvertes au public en raison de carences en matière de respect des normes de sécurité. Il permettra de mieux accueillir le public et d’élargir l’offre culturelle, en réunissant le Grand Palais et le Palais de la découverte, qui disposeront à l’avenir d’une entrée commune.

D’importantes contraintes de calendrier pèsent sur le projet, qui doit être achevé à temps pour les jeux Olympiques de 2024. Le Grand Palais sera donc fermé au public à compter de décembre 2020, et un Grand Palais éphémère va être créé sur le Champ-de-Mars. Ce projet est mené en partenariat avec Paris 2024, pour en partager les coûts. La structure sera donc reprise en 2023 par le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques.

Par ailleurs, les terrains aux abords du Grand Palais seront cédés par la Ville de Paris à l’État, qui en attribuera l’utilisation à la RMN-GP. À cette fin, deux amendements ont été présentés par le Gouvernement à l’Assemblée nationale lors de l’examen en première lecture du présent projet de loi de finances, visant l’un à créer un article 74 septies rattaché à la mission et autorisant cette cession, l’autre à tirer les conséquences de l’opération sur le budget de la mission « Culture ». La commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 74 septies.

Le chiffrage du projet s’élève à 466 millions d’euros, dont 137 millions d’euros au titre de la restauration du monument historique. Ce chiffrage – pour établir toute comparaison, il convient de s’assurer que le périmètre de travaux estimés est identique – est constant depuis la présentation du projet actuel. Le budget comporte notamment 118 millions d’euros de crédits budgétaires, qui seront répartis sur neuf ans, cet étalement permettant de ne pas remettre en cause l’effort consacré par la mission « Culture » à l’entretien et à la restauration des autres monuments historiques.

Une question subsiste, cependant, à propos du plan de financement de la rénovation du Grand Palais : 160 millions d’euros sont prévus au titre des investissements d’avenir, mais les crédits de paiement correspondants ne sont, pour le moment, pas retracés dans la mission « Investissements d’avenir ». Monsieur le ministre, pouvez-vous clarifier cet aspect du financement du projet du Grand Palais ?

Un autre grand chantier est la rénovation du château de Villers-Cotterêts, dans le cadre du projet de laboratoire de la francophonie.

Le Président de la République a choisi ce château afin d’y créer un lieu dédié à la francophonie. Ce monument, dont la place dans notre histoire nationale est exceptionnelle et la qualité patrimoniale élevée, même si son état est très dégradé, sera restauré et revalorisé. Il a vocation à devenir à la fois un site patrimonial attractif ouvert à la visite et un laboratoire de rencontre, d’expression et d’expérimentation autour de la francophonie et de l’avenir de la langue française.

Le coût de la première tranche du projet est évalué à 110 millions d’euros, dont 55 millions de crédits budgétaires, 30 millions d’euros issus du grand emprunt et 25 millions d’euros provenant du mécénat, avec un objectif de réalisation pour le printemps 2022. Le château a été mis à la disposition du Centre des monuments nationaux, le CMN, pour la mise en œuvre du projet.

Le maintien du niveau des crédits de la mission en faveur de l’entretien et de la restauration des monuments historiques ne doit pas occulter le fait que de nombreux projets restent à ce jour en attente d’un financement. C’est le cas du schéma directeur du centre Pompidou, de l’extension du site des archives de Pierrefitte-sur-Seine, rendue nécessaire par l’obsolescence du site de Fontainebleau, de la rénovation des toitures du Mont-Saint-Michel ou de la façade du Panthéon, après le dôme.

Dans ce contexte, le loto du patrimoine, qui s’est tenu pour la première fois en septembre dernier, dans le prolongement de la mission confiée par le Président de la République à Stéphane Bern, constitue un outil utile de sensibilisation du public à la nécessité de préserver et de sauvegarder le patrimoine. Nous souhaitons donc qu’il soit pérennisé, de même que l’affectation des recettes fiscales afférentes, conformément à la solution trouvée le 25 octobre 2018 par le ministre de l’action et des comptes publics, M. Darmanin, et vous-même, monsieur le ministre. Il serait fort dangereux d’accréditer auprès des joueurs – dont la Française des jeux et les buralistes nous disent qu’il ne s’agit pas d’habitués – l’idée que leurs mises sont fortement ponctionnées au bénéfice du budget général de l’État. C’est pour cette raison que nous avons, en accord avec le rapporteur général de la commission des finances, présenté un amendement visant à exonérer le loto du patrimoine des contributions et prélèvements habituellement dus sur les sommes misées aux jeux organisés et exploités par la Française des jeux. Cette exonération a pour but d’affecter la part la plus importante possible des sommes issues de ces loteries à l’entretien et à la restauration du patrimoine français. Le Sénat a adopté cet amendement à l’unanimité lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement entend maintenir cette exonération dans le texte du projet de loi de finances ?

Pour conclure, compte tenu de la continuité des grandes orientations de la politique culturelle et du maintien des financements inscrits à la mission « Culture », la commission des finances a proposé l’adoption, sans modification, des crédits de la mission et de l’article 74 septies. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. André Gattolin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Julien Bargeton, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, les crédits de la mission « Culture », dont le montant s’élève à environ 3 milliards d’euros, ne représentent qu’une partie des financements publics en faveur de la culture. En effet, le montant total atteint par l’ensemble des modes de financement public en faveur du secteur culturel représente près de 10 milliards d’euros en 2019 : il s’agit non seulement des crédits budgétaires, mais également des dépenses fiscales, des taxes affectées, de la contribution à l’audiovisuel public ou encore du loto du patrimoine.

Cet effort est considérable, mais il masque des situations contrastées.

Parmi les points positifs, on peut souligner le niveau élevé de la fréquentation des établissements culturels en 2018, à même de favoriser la dynamique des ressources propres de ces établissements. Les chiffres sont toutefois antérieurs au mouvement des « gilets jaunes » et aux manifestations récentes, dont il faudra, de ce point de vue, mesurer les conséquences. C’est l’occasion pour moi de saluer les personnels de l’Arc de Triomphe et du musée de l’Orangerie, mis à l’épreuve par ces événements. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)

Le loto du patrimoine, que le président Éblé a évoqué, est un autre aspect positif.

Mais, d’un autre côté, le ministère de la culture et ses opérateurs portent de nombreux projets immobiliers dont la faisabilité financière doit être examinée précisément. Les opérateurs du ministère doivent composer avec des dotations stables, ce qui pourrait s’avérer problématique sur le long terme, du fait de l’évolution mécanique de leurs charges.

Le budget de la culture pour l’année 2019 témoigne de la continuité des orientations de la politique culturelle fixées l’année dernière. L’éducation artistique et culturelle et, plus généralement, l’accès à la culture pour tous continuent de constituer l’objectif prioritaire des politiques conduites par le ministère de la culture. Environ 110 millions d’euros y sont consacrés, dans le cadre du plan « 100 % EAC », qui vise à faire bénéficier l’ensemble des jeunes en âge d’être scolarisés d’au moins une action d’éducation artistique et culturelle subventionnée par le ministère de la culture. La culture n’est pas qu’un budget, elle est, d’abord et avant tout, une espérance républicaine.

Parmi les nombreuses actions menées dans ce domaine, nous avons, cette année, pu mesurer l’intérêt, par exemple, des orchestres Démos. Ce projet, conçu par la Philharmonie de Paris depuis 2010, vise un public de jeunes de sept à douze ans, vivant dans des quartiers classés en politique de la ville ou en zones rurales éloignées. Ceux-ci sont initiés à la pratique musicale classique en participant à un orchestre pour une durée de trois ans. Cette initiation à la pratique orchestrale doit permettre de renforcer le capital culturel des enfants concernés et contribuer à une meilleure insertion sociale. L’objectif pour la période 2019-2022 est désormais de mettre en place une soixantaine d’orchestres.

Le Pass culture constitue un autre aspect de la politique en faveur de l’éducation artistique et culturelle. Il trouve, dans ce projet de loi de finances, une véritable traduction budgétaire : 5 millions d’euros seulement lui avaient été alloués en 2018. Ces crédits ont permis d’élaborer l’outil de pilotage du Pass culture. Nous entrons maintenant dans une phase d’expérimentation, et non plus de test, ce qui conduit à mobiliser 34 millions d’euros. À ce titre, les amendements qui tendent à gager des hausses de crédits au bénéfice d’autres actions par la disparition ou la baisse des crédits du Pass culture posent problème, quel que soit leur intérêt intrinsèque, au regard des dispositions de la LOLF relatives aux gages.

Cette expérimentation va concerner 10 000 jeunes, sélectionnés afin de garantir la représentativité de l’échantillon, dans cinq départements : le Finistère, la Guyane, l’Hérault, le Bas-Rhin et la Seine-Saint-Denis. Le dispositif devrait par la suite monter progressivement en puissance, pour toucher jusqu’à 200 000 jeunes de dix-huit ans.

Selon les estimations du Gouvernement, le Pass culture pourrait concerner, en régime plein, jusqu’à 820 000 personnes. Cette estimation porte le coût théorique total du dispositif à plus de 400 millions d’euros chaque année. Les premières expérimentations apporteront des indications utiles sur les pratiques culturelles ou les taux d’utilisation, par exemple, à partir desquels un scénario réaliste de financement pourra nous être proposé. Nous veillerons en outre à ce que le coût du Pass culture ne conduise pas à une diminution des financements consacrés aux autres actions d’éducation artistique et culturelle.

Les crédits de paiement du programme « Création » sont fixés, pour 2019, à un niveau globalement équivalent à celui de 2018, ce qui permet de poursuivre l’aide au réseau de structures labellisées. Les financements en matière de spectacle vivant sont particulièrement fléchés en raison de multiples labellisations et conventionnements.

À l’occasion des travaux que nous avons menés sur la gestion des crédits déconcentrés du ministère de la culture, nous avons pu mesurer les contraintes qui pèsent sur la gestion du programme « Création ». Si la structure particulière de ce dernier explique en partie cette spécificité, on nous a néanmoins fait part d’un interventionnisme parfois marqué de l’administration centrale quant à la répartition des mesures nouvelles au sein du programme.

Cependant, des initiatives sont prises pour renforcer la liberté de gestion des personnels des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC. C’est le cas, par exemple, de l’expérimentation qui va être menée en 2019 dans les DRAC de Bretagne et de Nouvelle Aquitaine. Un fonds mutualisé entre les programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sera confié à ces DRAC, pour tenir compte de la porosité fréquemment observée, sur le terrain, entre les actions en faveur de l’accès à la culture et les initiatives en matière de création artistique. Cela est conforme à l’objectif de responsabilisation accrue des gestionnaires dans les territoires.

En matière de création artistique, le soutien de l’État se conjugue aux aides et aux subventions apportées par les collectivités territoriales. Le financement assuré par la mission « Culture » représente ainsi environ 30 % de l’aide totale apportée par les collectivités publiques.

Deux projets immobiliers d’envergure sont également portés par le programme. Le premier est la Cité du théâtre, aux ateliers Berthier, qui doit permettre d’accroître les tournées en province des grandes institutions culturelles, auxquelles on reproche parfois d’être trop parisiennes. L’un des objectifs prioritaires de ce chantier est précisément de faire rayonner ces établissements sur l’ensemble de la France. Le second projet est la relocalisation du Centre national des arts plastiques, le CNAP, à Pantin.

Pour ces deux projets, le calendrier d’engagement des dépenses conduira, en 2019, à une diminution du montant total des autorisations d’engagement du programme.

Pour terminer, je formulerai deux remarques à propos de la gestion des emplois de la mission « Culture », qui doit être modifiée.

La première a trait au choix fait par le ministère de la culture de renforcer la responsabilisation des établissements publics administratifs qui disposent de la taille critique nécessaire pour gérer plus directement leurs emplois. Trois établissements seront concernés par cette réforme en 2019 : le Centre des monuments nationaux, le château de Versailles et le musée d’Orsay. Des amendements ont été présentés par le Gouvernement à l’Assemblée nationale pour réaliser le transfert de la gestion des emplois de ces opérateurs, sur le modèle de ce qui a été fait pour le musée du Louvre.

La seconde remarque concerne la poursuite du chantier de la revalorisation indemnitaire. Le sujet n’est pas forcément à la mode, mais le décrochage indemnitaire que connaissent les personnels du ministère de la culture par rapport à ceux des autres ministères entraîne un défaut d’attractivité qui pose des difficultés. Il est donc important de poursuivre le rattrapage. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.)