M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Avant d’en venir au contenu de l’article 38, permettez-moi tout d’abord de regretter que l’amendement n° 532, que nous avions déposé, ait été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. La raison avancée est d’ailleurs plus originale que d’habitude, la commission des finances ayant considéré que la nouvelle recette que nous voulions créer pour alimenter ce fonds de lutte contre les addictions était trop élevée et qu’elle incitait donc à la dépense ! (Sourires.) Les parlementaires ne peuvent pas proposer des amendements dont l’adoption entraînerait des dépenses pour l’État, mais ils ne peuvent pas non plus proposer de nouvelles recettes : nous sommes vraiment très limités dans notre champ d’action !
J’en viens à présent au contenu même de cet article 38, qui vise à substituer au fonds tabac un fonds plus large, englobant toutes les addictions aux substances psychoactives.
Précisons tout d’abord que ce plan d’action contre les addictions n’a toujours pas été présenté par le Gouvernement. Il devait l’être en mars, puis en juin dernier, puis il y a quelques semaines, mais, pour l’instant, on ne voit toujours rien venir ! Vous pourrez certainement nous apporter des précisions, madame la ministre.
À cela s’ajoute une nouvelle baisse des crédits de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA, dans le PLF pour 2019. Cette diminution est constante depuis plusieurs années, ce qui amoindrit ses capacités d’action. Il est important de rappeler ces éléments de contexte.
Cela étant, nous sommes favorables à la création d’un tel fonds, tant la question des addictions dépasse la seule question du tabac pour englober l’alcool, les stupéfiants et les autres substances psychoactives. Nous regrettons toutefois que l’addiction aux jeux ou, plus largement, les addictions comportementales n’aient pas été prises en compte dans cet article.
Nous regrettons également la manière dont le fonds est alimenté ; c’était d’ailleurs l’objet de notre amendement déclaré irrecevable. En effet, la rédaction actuelle prévoit que le fonds sera abondé par l’amende forfaitaire délictuelle pour usage de stupéfiants, instaurée par le projet de loi de réforme pour la justice de Mme Belloubet. Nous désapprouvons le principe de cette amende, et nous proposions à la place de créer une taxe sur les boissons mélangeant alcool et sucre, à l’instar de la proposition de notre collègue Jocelyne Guidez, adoptée à l’article 9 bis.
Cette idée faisait d’ailleurs écho à l’appel de nombreux médecins addictologues, qui alertaient sur le fait que l’alcool était le grand absent de ce fonds. Je rappelle que 49 000 décès sont imputables chaque année à l’abus d’alcool. Notre amendement ayant été déclaré irrecevable, nous nous abstiendrons sur cet article.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, sur l’article.
M. Michel Amiel. Je rejoins Mme Cohen sur la question de l’addiction aux jeux. J’avais également déposé un amendement en ce sens, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution, au motif qu’il ne concernait pas les problèmes de santé. Quand on connaît les conséquences d’une addiction aux jeux sur l’équilibre psychologique et social des personnes concernées, permettez-moi de m’étonner !
Je défendrai de nouveau un amendement à l’article suivant. À côté des addictions à des substances, il y a aussi des addictions de nature comportementale. Il est essentiel de le reconnaître.
M. le président. L’amendement n° 106 rectifié bis, présenté par Mmes Deseyne et Deromedi, MM. Mouiller, Grosdidier et Paccaud, Mme L. Darcos, MM. Cuypers et Huré, Mmes Imbert, Thomas et Chain-Larché, MM. Mandelli, Husson, Piednoir et Laménie, Mme Lanfranchi Dorgal, M. Buffet, Mme Duranton et M. Pierre, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. L’objet de cet amendement a un lien direct avec l’intervention, à l’instant, de notre collègue Bernard Jomier. La dilution du fonds actuel de lutte contre le tabac, « chargé de la participation au financement des actions de lutte contre le tabac », dans un fonds dédié à la lutte contre toutes les addictions ne tient aucun compte de la réalité du terrain. Les acteurs de la prévention du tabagisme, pourtant membres depuis l’origine du comité de pilotage du programme national de lutte contre le tabac, ont été exclus de tous les échanges sur la mise en place de ce fonds de lutte contre les addictions.
Dévier la lutte contre le tabagisme vers la lutte contre l’ensemble des addictions, sans financement à la mesure des enjeux, affaiblit dangereusement les actions de prévention du plan national de lutte contre le tabagisme 2018-2022 et supprime son caractère prioritaire.
Les réponses apportées aux comportements à risque doivent être propres à chaque substance. Si la réduction du tabagisme et de la consommation d’alcool est liée aux politiques visant à encadrer l’offre de ces produits, les drogues illicites relèvent du domaine du soin et de la prise en charge des patients, leur offre étant illégale.
Dans sa rédaction actuelle, la disposition prévue par l’article 38 va entraîner un effondrement du financement des actions de lutte contre le tabac par dilution des ressources.
C’est pourquoi il convient de poursuivre un financement efficace de la lutte contre le tabagisme, à la hauteur de ce défi de santé publique. Tel est l’objet du présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. La commission ne souhaite pas supprimer l’article 38 et émet donc un avis défavorable sur cet amendement. L’idée d’un fonds élargi ne nous semble pas devoir être rejetée. Nous savons de surcroît que, dans les conduites addictives, alcool, cannabis et tabac sont souvent associés.
En revanche, il est vrai que le risque d’une dilution du fonds a été évoqué en commission, de même que le devenir du budget de la MILDECA et la question des addictions aux écrans et aux jeux vidéo.
Nous souhaitons donc, madame la ministre, obtenir des précisions par rapport à ces inquiétudes.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je suis défavorable à cet amendement, mais je voudrais répondre globalement aux différents orateurs.
Monsieur Jomier, je ne comprends pas les chiffres que vous avancez. Le fonds tabac a toujours été doté de 30 millions d’euros environ – 32 millions d’euros en 2017. En 2018, nous l’avons porté à 100 millions d’euros, et nous le maintenons à ce niveau en 2019. Je ne comprends donc pas les montants de 87 millions d’euros et 97 millions d’euros que vous évoquez.
Nous maintenons un fonds largement renforcé sur l’ensemble des addictions. Il sera principalement alimenté par les contributions sur la distribution de tabac, mais aussi par les amendes sur le cannabis et par la taxation du rhum que vous avez votée. Une partie des crédits du fonds sera spécifiquement dédiée aux DOM.
Je veux aussi vous rassurer sur un autre point : ce fonds de lutte contre les addictions aux substances psychoactives s’accompagne d’autres fonds dédiés à la prévention des addictions. En 2017, les ARS ont consacré 18,5 millions d’euros au financement de la prévention contre les pratiques addictives au sens large, sur la mission de prévention du FIR, c’est-à-dire la mission n° 1.
En 2017, nous avons financé les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, les CSAPA, et les autres centres dédiés à la lutte contre les addictions à hauteur de 411 millions d’euros, avec 1,9 million d’euros supplémentaires en 2018. Quant aux ARS, elles ont financé les équipes de lutte contre les substances addictives à hauteur de 53 millions d’euros en 2018.
Nous avons également, au sein du programme 204, voté pour 2018 7,2 millions d’euros de crédits destinés soit à des actions directes de lutte contre les addictions, soit à Santé publique France.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’action de lutte contre les addictions ne s’arrête donc pas au fonds tabac.
L’Assemblée nationale a voté en faveur d’un rapport dédié à la meilleure lisibilité des actions de prévention. Nous pourrons y revenir au cours du débat, mais toutes les actions allant dans ce sens seront les bienvenues.
Vous m’interpellez sur le plan de lutte contre les addictions porté par la MILDECA. Il a été soumis au Premier ministre, mais il fait actuellement l’objet de réunions interministérielles et n’est pas encore totalement arbitré. Sachez toutefois qu’il comprend six grands axes de travail : protéger les plus jeunes, mieux répondre aux conséquences des addictions pour les citoyens et la société, améliorer l’efficacité de la lutte contre le trafic, renforcer les connaissances sur ces sujets et favoriser leur diffusion, observer et agir au-delà de nos frontières, enfin créer les conditions de l’efficacité de l’action publique au niveau des territoires.
Je n’ai pas de date à vous communiquer, mais ce plan, prévu pour s’appliquer sur la période 2018-2022, sera présenté prochainement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Nous n’avons pas de désaccord sur les chiffres, madame la ministre. Le fonds est en effet doté de 100 millions d’euros environ, mais les recettes vont diminuer de 10 millions d’euros en raison de la baisse de la collecte des recettes sur le tabac.
Vous tablez, pour compenser cette perte, sur les contraventions pour usage de cannabis. Admettons que les prévisions soient exactes, et que les recettes s’élèvent effectivement à 100 millions d’euros. Dans tous les cas, le tabac ne bénéficiera pas de l’intégralité des crédits, car il sera en concurrence avec les autres substances psychoactives.
D’ores et déjà, dans les attributions actuelles du fonds, des transferts de sommes sont prévus vers l’assurance maladie, par exemple, pour prendre en charge à 100 % les substituts nicotiniques. Les actions de prévention seront donc moins financées, ce qui nous inquiète, car la lutte contre le tabac nécessite que les crédits soient maintenus à leur niveau actuel.
La question de la gouvernance du fonds me semble donc essentielle ; j’y reviendrai ultérieurement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. J’ai cru que vous affirmiez que les crédits du fonds diminuaient de 10 millions d’euros. Or nous restons bien à 100 millions d’euros.
Votre question concerne finalement notre façon de penser la prévention. Mon intime conviction est qu’il y a aujourd’hui une dichotomie trop importante entre les actions de prévention de type « campagnes grand public » et les dispositifs de type substituts nicotiniques.
Nous devons avoir un regard global et ne pas découper la prévention entre ce qui revient à la puissance publique au sens large et ce qui relève de la prise en charge des soins. La prévention formant un continuum, il faut cesser d’ériger des frontières artificielles.
Une chose est certaine aujourd’hui : tous les crédits dédiés à la prévention augmentent dans ce PLFSS.
M. le président. Monsieur Mouiller, l’amendement n° 106 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Philippe Mouiller. Non, au regard de la position de la commission des affaires sociales, je vais le retirer, monsieur le président, mais je ne suis pas complètement rassuré par vos propos, madame la ministre.
Nous serons de toute façon amenés à aborder ce sujet en commission dès la semaine prochaine, puisque Mme Deseyne, qui est l’auteur de cet amendement, nous présentera son rapport sur la MILDECA. Il reste, me semble-t-il, nombre d’interrogations sur ces questions.
Je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 106 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 627, présenté par Mme Deroche, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
I. – L’article L. 137-27 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le mot : « affecté », la fin de la seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « au fonds mentionné à l’article L. 221-1-4 du présent code » ;
2° Après la référence : « 298 quaterdecies », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « du code général des impôts » ;
3° Au troisième alinéa, le mot : « dudit » est remplacé par les mots : « du même» et les mots : « du même» sont remplacés par le mot : « dudit ».
La parole est à Mme la rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 464 rectifié, présenté par MM. Jomier, Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais, Jasmin, Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Blondin, MM. Fichet, Antiste, J. Bigot et Cabanel, Mme Guillemot, MM. Kerrouche et Magner, Mme Monier, M. Montaugé, Mme S. Robert, M. Tissot, Mme M. Filleul, MM. P. Joly, Mazuir et Jacquin, Mme Bonnefoy, M. Duran et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale précise les instances de gouvernance du fonds et les modalités de représentation des acteurs reconnus d’intérêt général du champ sanitaire et de la prévention œuvrant sur les addictions liées aux différentes substances psychoactives. »
La parole est à M. Bernard Jomier.
M. Bernard Jomier. Cet amendement concerne la gouvernance du nouveau fonds. Il vise à soulever la question, importante, de la place des acteurs associatifs reconnus d’intérêt général, dont je souhaite que nous débattions, madame la ministre.
La seule gouvernance institutionnelle n’est pas satisfaisante, parce que la lutte contre les addictions nécessite d’associer l’ensemble des acteurs de la santé publique et de la prévention. J’entends par là les acteurs qui sont reconnus, pas ceux qui s’autodésignent.
Il faut associer ces acteurs aux instances de gouvernance du fonds, qui vont être extrêmement importantes puisqu’elles vont procéder à la répartition des crédits entre les différents types d’addictions et qu’elles auront à définir la vision d’ensemble de la prévention des addictions et l’articulation entre les différentes missions. En outre, il est évidemment nécessaire de travailler à l’appropriation de ces sujets par l’opinion publique.
Le nouveau fonds aura un champ d’intervention extrêmement important – vous le dites vous-même, madame la ministre – et une gouvernance uniquement organisée autour de l’État, de l’assurance maladie et des agences sanitaires serait restrictive pour répondre de manière satisfaisante aux problématiques de la lutte contre les addictions.
Par cet amendement, je souhaite, madame la ministre, attirer votre attention sur ce point et connaître votre vision de la gouvernance du nouveau fonds.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Aujourd’hui, c’est un décret qui définit la composition du conseil de gestion du fonds de lutte contre le tabac. L’organisation de la gouvernance du fonds relève donc d’un décret, et non d’un arrêté, comme indiqué dans l’amendement.
En outre, le III de l’article 38 prévoit déjà que les modalités d’application de cet article seront précisées par décret. Par conséquent, la commission estime que cet amendement est satisfait et en demande donc le retrait. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je vais pouvoir vous rassurer, monsieur Jomier, puisque votre amendement est satisfait : en effet, l’article 38 renvoie à un décret le soin de fixer les modalités d’application du nouveau fonds de lutte contre les addictions.
Ce décret, qui sera publié au 1er trimestre 2019, en précisera notamment la gouvernance. Nous envisageons de mettre en place, d’une part, un conseil de gestion composé de représentants des différentes administrations concernées, et, d’autre part, un conseil d’orientation regroupant l’ensemble des parties prenantes. Nous souhaitons donc, faire participer à la gouvernance toutes les personnes en charge de la lutte contre les addictions.
C’est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement, puisque ce qu’il vise à prévoir sera intégré dans le décret.
M. le président. Monsieur Jomier, l’amendement n° 464 rectifié est-il maintenu ?
M. Bernard Jomier. Madame la ministre, je ne suis pas anxieux, je n’ai donc pas besoin d’être rassuré… Ne vous inquiétez pas ! (Sourires.)
À partir du moment où la gouvernance du fonds est renvoyée à un décret, ce qui est tout à fait légitime, car cela relève du niveau réglementaire, les choses sont entre vos mains, mais il est de notre responsabilité de poser les questions de principe.
Or la gouvernance actuelle du fonds n’associe pas les grandes fédérations d’intérêt général qui luttent contre le tabac. Les associerez-vous dans les instances du nouveau fonds ? (Mme la ministre opine.) Vous semblez acquiescer, je prends ce geste pour une réponse positive. Par conséquent, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 464 rectifié est retiré.
L’amendement n° 613, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Il identifie les actions de la section du fonds à destination de l’outre-mer.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. L’engagement du Gouvernement d’agir avec détermination dans la lutte contre les addictions outre-mer s’est matérialisé à l’Assemblée nationale par la création d’une section spécifique au sein du fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives.
Par cohérence, le Gouvernement souhaite préciser que les actions de la section outre-mer du fonds seront spécifiquement mentionnées dans l’arrêté annuel fixant la liste des bénéficiaires et la destination des sommes versées au titre du fonds. Nous souhaitons ainsi que l’effort mené dans ces territoires soit parfaitement identifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 38, modifié.
(L’article 38 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 38
M. le président. L’amendement n° 306 rectifié, présenté par M. Bonhomme, est ainsi libellé :
Après l’article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article 1613 ter du code général des impôts est ainsi rédigé :
« II. – Le tarif de la contribution mentionnée au I est équivalent à 20 % du prix de vente total du produit. »
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. L’article 19 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 prévoit une modulation de la taxe soda en fonction du taux de sucre contenu dans les boissons concernées.
Cette disposition est entrée en vigueur le 1er juillet 2018. On peut saluer l’impact relatif d’une telle modulation, mais certains industriels contournent toutefois cette modification, en diminuant la contenance de leurs bouteilles tout en augmentant les prix. Cette stratégie dite de downsizing consiste à diminuer les quantités dans le packaging original pour cacher une augmentation du prix au litre ou au kilo.
Cet amendement a pour objet de fixer un objectif en termes de pourcentage, afin de rendre la taxe soda pleinement effective et de mieux prévenir les risques que fait peser la consommation de sodas et autres boissons sucrées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Comme vient de l’indiquer François Bonhomme, la taxe soda est aujourd’hui calculée en fonction de la quantité de sucre par hectolitre de boisson, avec un tarif progressif : plus la quantité de sucre par hectolitre est importante, plus la taxe est coûteuse.
Notre collègue veut changer ce mode de calcul pour taxer le prix de vente, et non plus la quantité de sucre présente dans la boisson, afin de prévenir les stratégies de contournement qui tendent à diminuer la contenance pour limiter le coût de la taxe, tout en maintenant ou en augmentant le prix.
Toutefois, ce mode de calcul aurait pour effet de traiter indifféremment, pour un même prix de vente, une eau légèrement sucrée et une canette de soda. C’est pourquoi la commission n’est pas favorable à cet amendement et en demande le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je suis défavorable à cet amendement, mais je dois dire qu’il présente l’intérêt de stigmatiser l’attitude d’industriels désireux de contourner ce qui a été voté l’année dernière, c’est-à-dire notre volonté commune de réduire progressivement le taux de sucre de certaines boissons.
En réalité, ce que le Parlement a voté l’an dernier a été efficace : les industriels ont réduit progressivement le taux de sucre de leurs boissons pour diminuer les taxes qu’ils devaient payer, mais il est vrai que l’un d’entre eux a préféré, de son côté, réduire le contenant.
Toutefois, ce que vous proposez, monsieur Bonhomme, présente un double désavantage.
D’une part, cela nuirait à la logique initiale de la mesure, qui était de taxer en fonction du taux de sucre pour prévenir le surpoids et le diabète. Nous ne serions plus dans la même logique de santé publique. Je dois ajouter que la réduction du contenant aboutit aussi, finalement, à ce que les gens consomment moins de sucre. Certes, ce n’est pas très glorieux pour les industriels en question, mais le fait est que la mesure adoptée l’an passé remplit son objectif de santé publique.
D’autre part, l’adoption de votre amendement modifierait de nouveau la règle fiscale, alors que, je l’ai dit, la mesure n’a été mise en place que l’an passé. Nous risquerions de déstabiliser un système récent qui porte ses fruits.
Votre proposition permet de mettre en lumière l’attitude de certains, mais son adoption serait contre-productive par rapport aux objectifs de santé publique que nous souhaitons atteindre. C’est pourquoi j’y suis défavorable.
M. le président. Monsieur Bonhomme, l’amendement n° 306 rectifié est-il maintenu ?
M. François Bonhomme. Certes, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a légèrement infléchi les choses, mais la victoire n’est pas au rendez-vous, car la véritable question est la place du sucre dans l’ensemble des produits de consommation courante, notamment ceux qui sont destinés aux jeunes.
Ce n’est pas par hasard que les boissons sucrées sont en première ligne : elles sont les principales pourvoyeuses de sucre dit libre, celui qui fait le plus de dégâts chez les jeunes et chez les personnes précaires. Il s’agit d’un enjeu à la fois économique et de santé publique. En effet, je rappelle que le coût pour la sécurité sociale de la surconsommation de sucre s’élève à 19 milliards d’euros chaque année. Souvenons-nous aussi qu’en France la consommation atteint aujourd’hui 35 kilos par an et par personne, et entre 50 et 75 kilos dans certaines catégories d’âge !
Or, comme je viens de le dire en évoquant les comptes de la sécurité sociale, cette surconsommation a des conséquences sanitaires : elles peuvent être hépatiques, par exemple en termes de cirrhoses non alcooliques, ou cardio-vasculaires et peuvent parfois affecter la fertilité – un service basé à Toulouse travaille sur cette question.
C’est pourquoi je ne voudrais pas que nous nous satisfassions de l’inflexion constatée depuis l’adoption des nouvelles modalités de la taxe soda. Il ne faut pas en rester là ! Malheureusement, le sucre est un produit très peu cher, après que les marchés mondiaux se sont effondrés, et il est présent dans de nombreux produits sous forme cachée, alors que nous connaissons tous les dégâts qu’il produit chez les jeunes ou dans certains groupes sociaux.
J’espère que le Gouvernement prendra de nouvelles initiatives pour essayer de réduire la place du sucre dans les produits de consommation courante. En attendant, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 306 rectifié est retiré.
L’amendement n° 135 rectifié, présenté par Mme Deromedi, M. Frassa, Mme Di Folco, M. Mouiller, Mme Bruguière, MM. Kennel et H. Leroy, Mme Renaud-Garabedian, MM. Regnard, Lefèvre et Mayet, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent et Calvet, Mme L. Darcos, MM. Charon et Bonhomme, Mme Chain-Larché, MM. Allizard, Cuypers et Rapin, Mme Malet, M. Revet, Mme Thomas, M. Priou, Mmes Lherbier, Boulay-Espéronnier et Lanfranchi Dorgal et MM. Segouin et Gremillet, est ainsi libellé :
Après l’article 38
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est présenté par le Gouvernement dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi sur le suivi des assurés à un régime obligatoire de sécurité sociale qui ont été atteints d’un cancer pédiatrique après leur majorité et cinq ans après le dernier traitement.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. Cet amendement, déposé sur l’initiative de Mme Deromedi, concerne le suivi des cancers pédiatriques.
Le suivi simple des enfants ayant été traités pour cancer s’étale sur cinq à sept ans. Ensuite, la prise en charge à 100 % est en principe supprimée, sauf en cas de cancer persistant ou recommençant.
Par ailleurs, les conséquences des traitements d’un cancer pédiatrique surviennent tardivement ou ne peuvent être détectées qu’après un certain nombre d’années. Par exemple, les séquelles les plus fréquentes n’apparaissent qu’après la puberté. Autre exemple, la stérilité. Ces deux types de séquelles ne sont généralement pas repérés lors de consultations de suivi simple, car les enfants sont trop petits et les séquelles ne sont pas encore développées.
De plus, ces jeunes adultes doivent s’approprier leur parcours médical pour se prendre en charge et connaître leurs risques.
Il est important de vérifier les procédures de suivi actuellement mises en œuvre. Cela contribuerait en effet à éviter certaines maladies : pathologies cardiaques ou cérébro-vasculaires, un second cancer, un handicap s’aggravant avec l’âge, etc.
Parmi les solutions possibles, on pourrait, par exemple, proposer le bénéfice d’une consultation gratuite pour ceux qui ne relèvent pas du régime de prise en charge des consultations et examens à 100 %.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Deroche, rapporteur. Différents amendements ont été déposés sur ce sujet, mais ont été déclarés irrecevables, notamment pour des raisons financières. C’est pourquoi cet amendement prévoit simplement la présentation d’un rapport par le Gouvernement.
Le suivi, y compris lorsqu’elles sont adultes, des personnes ayant eu un cancer pédiatrique et des conséquences des traitements qu’elles ont alors reçus est un sujet important. La commission estime qu’un rapport ad hoc peut être intéressant, sans nécessairement entrer dans le détail des solutions possibles ; elle est donc plutôt favorable à cet amendement.